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A. PANCRACE
Chapitre 1 : La conscience et l’inconscient
Introduction
Qui suis-je ? Peut-on vraiment connaître le moi ?La réalité du moi ou du sujet est difficile
à définir. Mais, une première approche définitionnelle de celui-ci semble être la réalité de la
substance pensante ou la conscience. Partant de cette considération, la conscience apparaît
comme l’une des caractéristiques essentielles de l’homme. Il se définit par cette faculté. Mais,
que signifie exactement le terme « conscience » ? Le terme « conscience » tire son origine de
l’expression latine « Cum scientia » qui signifie accompagné de savoir. La conscience est la
faculté de connaissance, de discernement et de jugement du sujet. Il convient, cependant,
de préciser que la conscience n’a pas toujours été comprise de la même manière aussi bien par
le commun des mortels que par les philosophes. Quelles sont alors les différentes acceptions
de la conscience ? Comment distinguer la conscience humaine de la conscience animale ?
Quelles relations existe-t-il entre la conscience, la connaissance et la liberté de l’homme ?
Qu’est-ce qui implique le fait d’être conscient pour l’homme ? La conscience : grandeur
ou misère de l’homme ?Par ailleurs, l’homme n’est-il pas un être déterminé par
l’inconscient ?L’hypothèse d’un inconscient psychique est-elle légitime ? Peut-on être
certain de l’existence de l’inconscient ? Comment le concevoir ?
A. PANCRACE
La conscience psychologique est la faculté qui permet à l’homme de connaître sa vie
intérieure. Elle est aussi appelée la conscience de soi. La conscience de soi ou conscience
psychologique traduit ce que notre âme ressent, nos états d’âme ; c’est-à-dire nos sentiments.
Elle peut être soit immédiate, soit réfléchie. La conscience psychologique est dite immédiate
ou spontanée, lorsqu’elle accompagne les actes du sujet. Cela signifie qu’elle permet au sujet
pensant de saisir immédiatement sa vie intérieure. Les animaux possèdent aussi une
conscience immédiate, puisqu’ils réagissent instinctivement face à leur milieu naturel. La
conscience immédiate est l’un des traits communs entre l’homme et l’animal. Selon
André Lalande, elle est « l’intuition plus ou moins complète, plus ou moins claire qu’a l’esprit
de ses états et de ses actes. » dans Vocabulaire technique et critique de la philosophie.
Par contre, la conscience psychologique est dite réfléchie, lorsque l’homme se ressaisit
lui-même comme un sujet pensant. De cette manière, il se démarque en toute netteté des
autres êtres vivants, à savoir : les animaux et les végétaux. La conscience est dite réfléchie,
dans la mesure où elle fait appel à la réflexion. Mais, que signifie réfléchir ? Réfléchir, c’est
d’abord lorsque le sujet sait qu’il est en train de faire quelque chose, ensuite, c’est sa capacité
à mobiliser les connaissances acquises pour résoudre un problème dans sa vie présente. Il
parvient à les mobiliser grâce à la mémoire. La conscience humaine est donc synonyme
de mémoire. Dans cette perspective, l’homme se définit comme un être de mémoire. La
mémoire est une fonction psychologique qui reproduit un état de conscience passé et le
reconnaissant comme passé. Pour Henri Bergson, « toute conscience est donc mémoire, -
conservation et accumulation du passé dans le présent. » dans L’énergie spirituelle.
La mémoire rend l’homme capable de garder l’essentiel des événements qui l’ont marqué
au cours de son parcours existentiel. Grâce à la mémoire, l’homme arrive aussi à conserver
l’unité de sa personnalité, malgré les différents changements qui peuvent survenir en lui et en
dehors de lui. D’ailleurs, il retrouve ses souvenirs par cette faculté, ou encore, il peut s’en
détacher en vue de se réfugier dans l’avenir.
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pouvons bien jauger nos intentions avant de les traduire en acte. Elle nous amène à établir une
claire distinction entre le bien et le mal. La conscience morale fonde des jugements de valeur
propres à chaque individu. De toute évidence, les jugements qu’il porte, l’idée de Bien et celle
du Mal qu’il se fait restent tributaires de l’éducation qu’il a reçue. Dès lors, la conscience
morale apparaît comme le juge en nous. C’est elle qui donne un sens moral à nos actions. Elle
fait de nous des êtres dignes, respectueux, respectables et respectés par tous. Par conséquent,
la conscience morale rend l’homme supérieur aux animaux. Jean-Jacques Rousseau écrira :
« Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix […] juge infaillible du
bien et du mal, qui rend l’homme semblable à Dieu […]. » dans Émile ou de l’éducation. La
conscience morale est un appel intérieur à un mieux-être et à un mieux vivre, puisqu’elle
confère à l’homme valeur et respect. Pour Blaise Pascal : « Toute notre dignité consiste donc
en la pensée. […] Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. » dans
Pensées.
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existent effectivement dans le monde), alors que l’homme est aussi « pour soi » (il existe
et il se voit exister).
La conscience de soi débouche sur une connaissance de soi. La conscience a donc une
fonction cognitive ; en un mot, une fonction de connaissance. L’homme, en tant qu’être
conscient, est capable de se connaître, de connaître quelque chose, de connaître le monde
extérieur, de créer ou d’inventer des outils technoscientifiques.Par le truchement de la
conscience, l’homme prend aussi conscience de son existence au monde. Tel est le sens du
cogito ergo sum ; c’est-à-dire « Je pense, donc je suis. » dont parle le philosophe rationaliste
français René Descartes dans son ouvrage intitulé Discours de la méthode. La philosophie
cartésienne s’inscrit dans un solipsisme selon lequel le sujet pensant constitue la seule réalité.
L’introspection devient, dans ce cas, un moyen de connaissance de soi. R. Descartes remet
en question l’existence du monde extérieur et celle de son corps pour ne reconnaître que
l’existence de sa pensée. Laquelle est à même de connaître. La pensée permet à l’auteur de
savoir qu'il existe. R. Descartes considère l’homme comme une « substance pensante ». La
conscience constitue l’identité du sujet.
La conscience peut constituer un fardeau pour l’homme, lorsque celui-ci n’arrive pas à
se défaire de certains souvenirs douloureux (par exemple, la perte d’un être cher). Quand il
agit mal, la conscience morale se manifeste sous forme de sentiment de honte, de remord, de
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regret et d’embarras.Dans ces conditions, la conscience l’empêche d’être libre et le rend
misérable.
Cependant, dans d’autres circonstances, elle permet à l’homme d’être libre, en ce sens
qu’elle lui donne le pouvoir d’opérer des choix dans sa vie présente. Grâce à ceux-ci, il est
apte à se projeter dans l’avenir. C’est pour cette raison que dans L’existentialisme est un
humanisme, Jean-Paul Sartre saisit l’homme comme « un projet », un être entièrement libre,
parce que doté de raison.
À mesure que notre raison nous aide à braver les contraintes corporelles et naturelles, nous
nous distinguons des autres êtres vivants que sont les animaux et les végétaux. L’être humain
est libre de penser à n’importe quoi, à qui il veut. Même étant enchaîné, son corps est loin
d’être un obstacle à l’exercice de sa pensée.
La pensée est pour ainsi dire la faculté qui permet aux hommes de créer, d’inventer des
outils nouveaux, des outils technoscientifiques, des moyens de transport en vue de
surmonter les contraintes que la nature semble leur imposer. Par la conscience, l’homme
transforme le monde extérieur à sa guise en fonction de ses besoins du moment. Henri
Bergson s’exprime d’une manière analogue : « Conscience est synonyme d’invention et de
liberté. » dansL’énergie spirituelle.
Il en résulte que pour les rationalistes et les moralistes, la conscience reste notre guide. Elle
libère l’homme et le rend supérieur aux autres êtres vivants sur la terre. Elle est certes une
lumière, mais tout en brillant ne laisse-t-elle pas de côté une zone d’obscurité ? N’y a-t-il pas
des phénomènes qui échappent au pouvoir et au contrôle de la conscience humaine ?
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III- LES LIMITES DE LA CONSCIENCE HUMAINE
Même si l’homme se prend bien trop souvent pour un être conscient, force est de
reconnaître que la conscience n’a pas toujours une emprise sur la totalité de ses actions. Il
existe parfois des pensées non éclairées par la conscience. La conscience humaine est
lacunaire. Ainsi, pour le philosophe allemand Gottfried Wilhelm Leibniz : « (…) il y a à tout
moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion. »
dansNouveaux essais sur l’entendement humain. Leibniz montre que ses perceptions ne sont
rien d’autre que des sensations, des impressions ou des changements qui surviennent dans
l’âme. Selon l’auteur, nous n’avons pas le plus souvent conscience de tous les changements
dans notre âme. Ils sont parfois insensibles à la conscience. Nous n’apercevons pas les
perceptions parce qu’elles « sont ou trop petites et en trop grand nombre ou trop unies »,
ibidem. Il en résulte que la conscience ne sait pas tout. Elle n’est pas informée de tout ce qui
se déroule en l’homme. Elle connaît des intermittences, c’est-à-dire des interruptions
momentanées.En clair, elle n’est pas la seule réalité en l’homme. C’est d’ailleurs pour cette
raison que les soupçons sur l’existence d’une part inconsciente en lui se font très vite sentir.
Mais, il faut attendre Sigmund Freud (1856-1939, médecin, neurologue et psychanalyste
autrichien d’origine juive) pour que la théorie de l’inconscient connaisse véritablement
ses lettres de noblesse. C’est donc lui qui théorise l’idée d’un inconscient psychique.
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tributaire de l’inconscient. L’inconscient désigne l’ensemble des phénomènes
provisoirement ou définitivement inaccessibles à la conscience.
Il est, selon Freud, la partie la plus importante de notre psychisme. Il est l’essentiel de
notre vie psychique. On assiste alors à un détrônement de la conscience qui ne représente
qu’une infime partie de notre vie psychique. C’est pourquoi Freud écrit : « L’inconscient est
pareil à un grand cercle qui enfermerait le conscient comme un cercle plus petit. »
dansL’interprétation des rêves. Il faut comprendre avec Freud que l’inconscient, bien que
représentant la zone la plus obscure de notre psychisme, est à l’origine de toutes nos pensées.
Pour bien comprendre les manifestations de l’inconscient, il est nécessaire de cerner la
structure et le fonctionnement du psychisme humain tel que le conçoit Sigmund Freud.
Le moi, c’est la conscience qui obéit au principe de réalité, c’est-à-dire qu’elle cherche par
des moyens normaux les objets de la satisfaction de nos désirs.
Le surmoi, c’est la censure. Il regroupe les interdits sociaux et parentaux reçus dès
l’enfance et qui persistent dans notre conscience morale. Il est engendré en nous par
l’éducation et la société. Il faut souligner que le surmoi fonctionne selon deux principes : le
principe de plaisir et le principe de réalité. Ce qui veut dire que la pulsion qui veut passer à la
pleine conscience doit être en conformité avec les exigences de la réalité. Par exemple, tuer
l’homme, manger la chair humaine, violer une fille sont des pulsions quelconques. Or, on sait
que la réalité (la censure et la société) condamne ses actes immoraux et anti-culturels. Donc
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même si cela procure quelque plaisir de déguster la chair humaine, le surmoi se verra dans
l’obligation de réprimer cette tendance anthropophage (manger l’homme).
Outre la nécessité de l’hypothèse de l’inconscient, elle est aussi légitime. Car elle donne
un sens à certains actes ou faits psychiques incohérents et incompréhensibles. En clair,
l’hypothèse de l’inconscient permet la compréhension de certains actes dont nous n’avons pas
une claire conscience, une claire connaissance.Aussi, l’inconscient est-il un facteur de liberté
de l’homme.
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L’inconscient est, dans une certaine mesure, un facteur de liberté de l’homme. Mais,
comment est-ce possible ? Selon Sigmund Freud, cette liberté s’expérimente dans le
renoncement aux exigences pulsionnelles d’ordre érotique ou agressif que le ça tente
d’imposer à l’homme. Ce renoncement peut se faire par ce qu’il convient d’appeler la
sublimation. La sublimation est la capacité d’échanger le but qui est à l’origine sexuel contre
un autre qui n’est plus sexuel, mais qui est psychiquement parent avec le premier. Elle permet
de rendre compte des activités correspondant à des buts socialement valorisés (création
artistique, activité intellectuelle) apparemment sans rapport avec la sexualité mais qui
trouvent cependant leurs sources dans la pulsion sexuelle. Cette dernière sous la pression du
refoulementchange d’orientation et choisit des objets de valeur supérieure. C’est ainsi qu’en
se livrant au déchiffrement d’œuvre de Léonard de Vinci, Freud montre que l’artiste réussit à
éviter l’écueil de la névrose en déplaçant son énergie pulsionnelle vers une faculté créatrice.
Par ailleurs, la « talking cure », c’est-à-dire la cure psychanalytique peut aider un malade à
reconquérir sa personnalité (personnalité qu’il a perdue du fait de la maladie).Reprenant
l’expression du poète anglais William Word Worth, à savoir : « l’enfant est le père de
l’homme. », Freud estime que la situation présente d’un individu est toujours analysée à la
lumière de son passé. Le malade doit parler librement et raconter ses rêves pour espérer une
guérison totale.
Par ailleurs, force est de constater que diverses critiques ont été formulées à l’égard du
psychisme inconscient.
Les critiques aussi bien négatives que positives ont été formulées à l’égard de la théorie
de l’inconscient développée par Sigmund Freud.
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L’idée de l’existence d’un inconscient psychique a été largement battue en brèche par
plusieurs auteurs pour diverses raisons. Ils considèrent généralement la théorie freudienne de
l’inconscient comme une négation de la liberté humaine. Pour eux, l’inconscient ruine l’idée
de liberté humaine.
Parmi ces auteurs, figurent, en premier lieu, les rationalistes ou les moralistes. Ceux-ci
considèrent l’inconscient comme une hypothèse dangereuse pour la morale. Admettre
l’existence d’une part inconsciente en l’homme serait inventer un « monstre » en celui-ci, et
même le rabaisser au rang de l’animal. Une telle idée est alors insoutenable, puisque, selon les
moralistes, l’homme est un être qui se définit entièrement par la conscience. Laquelle le rend
transparent à lui-même. C’est pourquoi Alain affirme, dans son ouvrage intitulé Éléments de
philosophie, qu’« il n’y a point de pensées en nous sinon par l’unique sujet « je ». Cette
remarque est d’ordre moral. »
En dernier lieu, les scientifiques estiment que l’existence de l’inconscient ne peut être
scientifiquement prouvée, car l’inconscient n’est pas une réalité matérielle et palpable. Par
conséquent, les éléments sur lesquels s’appuie Freud pour prouver son existence peuvent être
erronés et subjectifs. Toutefois, la théorie freudienne de l’inconscient ne serait-elle pas
plausible ? N’y aurait-il pas des avantages à accréditer cette théorie ?
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que toutes nos pensées proviennent de notre zone obscure qu’il nomme le « ça », un auteur
comme André Breton n’hésite pas à saluer la découverte de Freud dans Nadja. Pour l’auteur,
l’homme doit non seulement connaître les forces obscures qui influencent sa conduite, mais
aussi les maîtriser afin d’accéder à la liberté.
Dans ses ouvrages intitulés Le moi et l’inconscient, Psychologie du transfert, C.-G. Jung a lui
aussi contribué à repenser l’inconscient comme une instance non autonome, et en corrélation
notamment avec les autres composantes de l’appareil psychique. C’est dans ce cadre qu’il
élabore le concept d’inconscient collectif. L’inconscient collectif postule qu’il y a des
normes, des idées, des valeurs dépassant l’individu, mais qui l’influencent : il s’agit de
celles de la société à laquelle il appartient.
Conclusion
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