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L’INCONSCIENT ET LA PSYCHANALYSE

L’être humain est-il une conscience Une ou bien un psychisme dual ?

L’Homme normal existe-t-il ?

La normalité : Est-elle ? Qu’est-elle ?

1) Doute sur la notion de conscience Une et transparente à elle-même.

Qu’il s’agisse de Platon (Vème siècle av J.C.), d’Epicure (IV-IIIème siècle av J.C.), des Stoïciens, des Néo-
Platoniciens, des philosophes chrétiens médiévaux (Saint Augustin, Saint Anselme de Canterbury, Thomas
d’Aquin) – (IV-Vème, XIème et XIIIème siècle.) et encore du classique Descartes (XVIIème siècle.),
Les philosophies : Antique, Médiévale, Renaissante et pré-Classique, défendaient la notion de conscience
qualifiable de : Savoir de soi et sur soi, clair et accessible par l’introspection rationnelle, logique, raisonnable et
morale.
Seulement, cet édifice, apparemment solide de la notion rationnelle et raisonnable de la conscience, se voit
quelque peu ébranlé par la « théorie des petites perceptions » de Leibniz (XVIIème siècle.). En effet, ce philosophe
observe que nos sens saisissent une multitude de perceptions et sensations, internes au corps, ou bien externes à
ce dernier, dont seule la somme grossière et synthétique est retenue et sue par notre esprit. Ainsi, certaines
perceptions conscientisées sont elles-mêmes constituées d’un grand nombre d’entre elles qui échappent à notre
sensibilité, à notre savoir, bien qu’ayant frappé discrètement nos cinq sens et éventuellement traversé nos organes.
Leibniz (XVIIème siècle.) élabore la notion d’un « non-conscient » propre au psychisme humain.
Ce « non-conscient » peut être qualifié a posteriori d’inconscient perceptif du corps auquel échappe un certain
nombre de phénomènes, intérieurs ou environnants.
Notre psychisme est donc filtrant à notre insu et, en cela, il n’est pas sans faille… Ceci explique que la conscience
soit partielle, notamment le conscient du corps. Pour autant, on ne peut encore parler positivement de
l’Inconscient car il s’agit, au regard de Leibniz / Nouveaux Essais sur l’Entendement Humain (XVIIème
siècle.), plutôt d’une inconscience du somatique, d’une négligence naturelle et fonctionnelle de la perception
sensorielle du corps : « C’est une grande source d’erreurs de croire qu’il n’y a aucune autre perception dans l‘âme
que celles dont on s’aperçoit. ». Avant Leibniz, Spinoza (XVIIème siècle.) remarque déjà que l’Homme pense (au
sens d’avoir l’impression, l’opinion de) se connaître et croit aussi agir librement en toute connaissance des causes
de son action. En réalité, ce « croire savoir » est bien, pour le philosophe, le germe de l’illusion de liberté.
Si effectivement nous savons ce que nous faisons, nous ignorons en fait les causes premières et ultimes qui nous
font agir. Selon Spinoza (XVIIème siècle.), l’Homme est déterminé par autre chose que son vouloir, tels :
Les appétits du corps, les passions, les traditions culturelles et religieuses, dans lesquelles il se trouve
commodément ancré, par affection, sans réaliser que ce sont ces déterminismes naturels ou culturels qui agissent
au détriment d’une volonté propre et libre.
Spinoza insistera plus particulièrement sur la force prégnante qu’exercent les dispositions du corps sur celles de
l’esprit.
Le déterminisme de Spinoza / Ethique et Réforme sur l’Entendement Humain , est le premier coup porté à la
prétention d’une conscience Une qui soit d’emblée auto-connaissable.
« Les Hommes se trompent quand ils se croient libres ; cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de
leurs actions mais ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. ».
Leibniz n’entrevoit pas la nécessité d’un remède à ces failles psychiques de la perception ayant une incidence sur
le conscient, considérant que la nature vraie de la conscience, en tant que psychisme, est d’être filtrante, sélective,
et en ce sens, non totale. Après tout, « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » !
Une conscience extrême de notre intériorité et de notre environnement serait autant plaisante que simultanément
douloureuse. Une perception non filtrante serait convulsive et pathogène à cause des tensions opposées
provoquées ainsi par des sensations contradictoires ! Une conscience totale enfermée dans un corps eût été
insupportable ;
Ce qui voudrait donc dire que son imperfection naturelle est pour le mieux- une dose d’inconscience ne faisant
point de mal. A contrario, son contemporain Spinoza évoque bien, quant à lui, la nécessité d’un remède vis-à-vis
du Déterminisme.
Il s’agit d’adopter un recul critique à l’égard de nos passions, de nos affects en les étudiant scientifiquement –
(Observation objectivante, classification, analyse et synthèse) tels des mécanismes afin que ces forces, initialement
négatives, soient utilisables à bon escient tels des atouts au service du « conatus ».
Est ici développée une médecine des passions (une pré-psychologie) qui consiste à se soigner ou à guérir de leurs
mauvais usages et effets, sans devoir les renier, afin d’en faire les instruments efficaces de notre propre
détermination désirante à bien vivre et exister. La détermination, le « conatus » est le concept et la puissance qui
s’oppose au Déterminisme ;
Cette aptitude relève d’une prise de conscience des causes, jusqu’alors ignorées, qui motiveraient vraiment nos
L’inconscient et la psychanalyse

actes et pensées. Aussi, comprendre, qu’a priori, nous ne sommes pas libres en dépit de notre ressenti ou de notre
opinion, briser cette illusion première est le premier acte de libération vers une liberté d’auto-détermination
réaliste et limitée !

En résumé, savoir que l’on n’est pas libre a priori est déjà l’ébauche d’une liberté future.
Il sera possible de construire sa propre détermination contre toute forme de déterminisme jusque-là ignoré.
Bergson (XIX-XXème siècle.), lui aussi, doute de la notion de l’unité de la conscience lorsqu’il met l’accent sur le
fonctionnement extraordinairement sélectif et aléatoire de la mémoire.
La perception mémorielle (qualité du souvenir) et mnésique (quantité des souvenirs) du « soi » le rend ou le
restitue pluriel et fragmentaire.
En plus, ce « soi » passé se trouve inéluctablement soumis à l’interprétation du « moi » présent qui, à peine
présent à lui-même, s’envisage déjà dans l’avenir, immédiat ou plus lointain.
Le contenu des souvenirs dépend de l’attention qu’autrefois nous avons porté à tel ou tel détail de la réalité
subjectivement perçue et, dépend aussi du rôle que le psychisme veut, consciemment ou non, leur faire jouer
présentement.
Husserl (XIX-XXème siècle.) affirmait que la conscience était toujours conscience de quelque chose en particulier,
se définissant et se désignant ainsi par son intentionnalité (ce sur quoi elle se porte singulièrement).
Bergson (XIX-XXème siècle.), contemporain de Husserl, soutient donc une conscience non pas unitaire mais
éclatée, discontinue en sa mémoire et différemment qualitative selon les objets sur lesquels elle peut ou veut
concentrer son attention intentionnelle ! A cet effet, nombre de souvenirs dont nous n’avons pas actuellement
besoin, demeurent agissants dans les tréfonds obscurs du psychisme oublieux, ou bien, sont radicalement
subjectifs et partiels lorsqu’ils sont activés. A ce titre, ils peuvent être involontairement mensongers de la réalité. Il
est ainsi possible de se mentir en toute sincérité et candeur en s’auto-illusionnant (mythomanie)…
« Les souvenirs que ma mémoire conserve ainsi dans ses plus obscures profondeurs y sont à l’état de fantômes
invisibles (…) moi, être vivant et agissant, j’ai autre chose à faire que de m’occuper d’eux (…) ils se lèvent, ils
s’agitent, ils exécutent dans la nuit de l’inconscient une immense danse macabre. » Bergson / Essais et
Conférences in L’Énergie Spirituelle.
Notre passé nous nargue et nous leurre, ainsi criblé par les méandres mémoriels et mnésiques qui structurent
notre intentionnalité. Le souvenir du passé se réinvente quand nous le racontons et nous surprend quand nous
l’oublions, Bergson est donc un partisan de l’Inconscient mnésique et mémoriel accentuant et accréditant le
scepticisme au sujet de notre capacité à nous connaître et à nous maîtriser.
Enfin, Freud (XIX-XXème siècle.) assène le coup final à la notion de conscience unitaire et claire à elle-même. Il
élabore la théorie de l’Inconscient psychanalytique ainsi que la thérapie éponyme.
Selon ce neuropsychiatre, l’Inconscient, dont il traite, est bien plus que le non-conscient de Leibniz et corrobore
le « Déterminisme » selon Spinoza. En effet, l’Inconscient au sens psychanalytique du terme est un système, un langage
et une dynamique agissant considérablement dans le psychisme et sur la conscience de soi, sans que celle-ci en
soit vigilante, du moins avant le recours à une psychanalyse – La rationalité se trouvant elle-même bernée.
L’Inconscient est tel un autre nous-même, un négatif de nous qui n’est pas directement accessible par la partie
rationnelle de notre conscience. Ce système sous-jacent déploie son propre langage – (système de signes
produisant du sens et la signification), soit son propre mode d’expression. Il s’alimente et se motive en
permanence des désirs, des fantasmes, des traumatismes et autres représentations refoulées par le Moi individuel
conscient.
Cet Inconscient renferme de l’inavouable, de l’inacceptable et, tel un mécanisme sournoisement sémantique,
influe sur nos actes, nos pensées, nos comportements, nos discours et, ainsi, détermine en grande partie ce
qu’illusoirement, nous croyons être des sentiments conscients ou des raisons lucides et volontaires.
Ce mécanisme découvert par Freud (certains considère cette « découverte » comme une invention) est bien
davantage que le non-conscient perceptif de Leibniz car il concerne le corps entièrement lié à l’esprit, ce durant
toute la vie et l’existence. Il est autonome et permanent ; sorte de marionnettiste de notre « moi » conscient !

2) Structure de l’inconscient Freudien.

Freud (XIX-XXème siècle.) établit dans sa deuxième topique (schéma explicatif) que le psychisme se structure
selon trois modalités :
1) Le Moi : c’est le plan perceptif globalement conscient de soi qui, involontairement, refoule dans
l’Inconscient ce qu’il ne peut admettre. Le Moi subit l’influence des deux autres instances du psychisme
mais croit se connaître et se maîtriser.

2) Le Surmoi : il représente une perception globalement inconsciente et surestimée de soi. Il est l’instance
qui, telle une mémoire active de l’interdit social et culturel, limite, censure et culpabilise le Moi
l’adaptant aux exigences normatives de la Culture et de la Société. Il est refoulement de fantasmes, de
désirs, d’envies ou de pulsions naturelles, nourries par le « Ça » et, non socialement corrects, normatifs et
conformes.
 Il structure notre tendance à notre culture et civilisation ; il est l’intégration de toute les normes,
limites, interdis sociaux et culturelle, à tous les niveaux : éthiques, moraux

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L’inconscient et la psychanalyse

3) Le Ça : est dans l’Inconscient l’ensemble des désirs ou pulsions, envies sans limite ; il est la force
instinctive et puissante de jouissance qui livre dans l’Inconscient une lutte contre et avec le Surmoi,
engendrant une dialectique, un mouvement psychique, qui fait pression sur le Moi et le manipule, le
déterminant en partie.

L’édifice du psychisme selon Freud (XIX-XXème siècle.) comprend trois « étages », trois niveaux :

1) LE CONSCIENT qui croit naïvement connaître la totalité de ses modalités et contenus.

2) LE PRECONSCIENT que l’on pourrait assimiler à un pré-refoulé, comme une sorte de mauvaise foi, de petits
mensonges avec et envers soi-même qui entretiennent bon nombre d’illusions et de confusions.

3) L’INCONSCENT qui est à la fois la cave et la fondation de l’Edifice, et qui reçoit du Préconscient les éléments
par lesquels il dicte certains comportements au Conscient qui, a priori, l’ignore ou bien le méconnaît.

Analogiquement à un iceberg, l’Inconscient formé du ÇA et d’une grande partie du SURMOI constituerait la partie
immergée bien plus volumineuse que la partie émergée identifiée par le MOI, le Conscient.

3) Névroses, psychoses, perversion, complexe œdipien sont les grandes productions, pathologiques ou
non, de l’Inconscient.

Les « maladies » psychanalytiques se caractérisent principalement par le fait qu’elles ne relèvent pas a priori de
lésions organiques entraînant de façon immédiate des troubles fonctionnels physiologiques.
Lorsque la maladie relève causalement d’un défaut physiologique, c’est prioritairement la psychiatrie et non la
psychanalyse qui la traite.
Pourtant, il est fréquent que psychiatrie et psychanalyse travaillent ensemble lorsque, par exemple, la maladie
psychiatrique aurait pour origine un trouble psychologique profond et ancien.
Telle est la prise en charge psychosomatique de la maladie mentale ou bien d’un trouble non médicalisable.

La névrose : elle résulte du conflit permanent, en notre psychisme, entre le principe de réalité conscientisée et,
d’autre part, le principe de plaisir (de désir) qui lui est contremaître, bien que refoulé. La névrose peut être
phobique, obsessionnelle ou encore hystérique. Elle se manifeste par des comportements quotidiens
contradictoires, parfois incohérents relativement à ce que le Moi sait de lui-même. La névrose se traduit par des
attitudes systématiques, des lapsus répétitifs, des troubles alimentaires, des actes manqués et des rêves
(généralement angoissants).
La névrose se manifeste enfin par un certain nombre de somatisations (symptômes sur le corps et dans le corps) de
ce qui n’a pu être exprimé verbalement par Sigmund Freud sur le conflit intérieur entre le Surmoi et le « Ça ».

La psychose : elle implique une gravissime désorganisation de la personnalité et résulte d’une domination quasi-
totale du principe pulsionnel de plaisir (de désir) sur celui de réalité. Le psychotique prend ses désirs et délires
pour des réalités, et la Réalité pour un délire indésirable. Souvent, il est excessivement introverti, incohérent,
affaibli intellectuellement, imprévisible et autistique. Il vit dans un autre monde et a une notion très confuse voire
inexistante du Bien et du Mal.
Le psychotique fait preuve d’un manque d’empathie. En somme, l’individu vit dans ses fantasmes, détourné
provisoirement, durablement ou définitivement de la Réalité. Cette pathologie peut être aussi d’origine purement
métabolique, organique, neurochimique et relèverait, en ce cas, uniquement de la psychiatrie, voire plus rarement
de la neurologie (ex : paranoïa, schizophrénie, mythomanie…). Elle est généralement d’origine traumatique,
génétique et la prise de substances illicites influencerais sont apparition (pas toujours créant).

La perversion : aucun animal ne peut satisfaire ses pulsions sexuelles de façon non sexuelles, de même ses pulsions
agressives autrement que violemment et physiquement ; tandis que l’Homme peut fort bien élever une pulsion en
désir, et se satisfaire de l’objet, dérivé de sa cause et de sa fin naturelle. Cette dérivation inconsciente participe à
une libido – (Élan vital originellement sexuel, qui transforme la Nature en Culture, par refoulement de nos
pulsions, par exemple : (Une séduction ou un érotisme, initialement sexuel en notre animalité, s’exerçant en des
domaines sublimés tels :
La politique, le sport, la vie professionnelle, les relations sociales et amicales, les arts, etc.).

La perversité : elle est un déplacement des tendances affectives et morales qui convertit le plaisir lié à la volonté du
Bien, en plaisirs et jouissances du mal que l’on commettrait envers autrui. La perversité peut symptomatiser une
façon névrotique de tester le principe de Réalité contre celui de plaisir (de désir) qui cherche à l’absorber.
La perversité dite polymorphe, est celle dont fait preuve inconsciemment l’enfant qui évaluer la résistance de la
Réalité (De l’autorité) extérieure à son Moi. Cette perversité infantile est concomitante du développement de
celui-ci ; Elle relève d’un processus normal et généralement constructif.
Cependant, il existe une perversité pathologique, généralement de l’adolescent et de l’adulte, qui est au croisement

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L’inconscient et la psychanalyse

paroxystique de la névrose et de la psychose. Le pervers se satisfait ainsi de situations malsaines.


Contrairement au psychotique total, le pervers névrotique connaît clairement la différence qu’il y a entre le bien et
le mal, mais se défend d’une réalité traumatique en manipulant ces notions au profit de sa propre jouissance, de sa
capacité à vivre au détriment d’autrui, ainsi réifié – humilié, considéré tel un objet ou un simple moyen (La
réification ou l’abstraction d’autrui, ainsi nié en tant que sujet alter ego).
Le complexe Œdipien : Le complexe Œdipien – inspiré du mythe d’Œdipe – exprime le désir fusionnel
inconscient qu’un fils éprouve un fils de sa mère. L’enfant est inconsciemment amoureux de sa mère qu’il prend
confusément pour une extension de lui-même, soit pour sa possession ou la prolongation de sa propre personne.
Afin de maintenir cette fusion illusoire, le fils doit affronter le principal obstacle, à savoir : le père, qui s’interpose
volontairement ou non, voire : les frères et/ou sœurs ou autres gêneurs.
Aussi, en voulant inconsciemment et symboliquement prendre la place du père, le fils apprendrait à devenir lui-
même un Homme. Le complexe équivalent chez une fille envers son père se nomme : complexe d’Électre (théâtre
de Sophocle).
Ces mécanismes, loin d’être automatiques et systématiques, se manifestent dès les quatre ans de l’enfant, parfois
jusqu’à la fin de l’adolescence, du moins en principe...

Toutes ces productions psychiques dépendent, en intensité et en gravité pathologique, de l’histoire relationnelle,
personnelle et culturelle, du sujet. Elles causent des troubles existentiels aussi longtemps que leur origine précise
et leur mécanisme ne sont clairement identifiés par le patient, à l’aide de son psychanalyste – ce en remontant le
temps refoulé de la mémoire subconsciente ou inconsciente.

4) La thérapie psychanalytique.

« Les données de la conscience sont extrêmement lacunaires aussi bien chez l’Homme sain que chez l’Homme
malade » Métapsychologie / Freud (XIX-XXème siècle.).
Après avoir fait le constat théorique de l’existence de l’Inconscient comme seule explication possible des
phénomènes manifestés par le psychisme, sans que le conscient ne se les explique, Freud entrevoit la possibilité,
concernant la plupart des névroses et quelques rares formes de psychose, de réconcilier le Conscient avec
l’Inconscient en sorte d’atténuer les manifestations conflictuelles troublantes des refoulés.
La psychanalyse est la technique d’interprétation des lapsus, des actes manqués, des rêves, des comportements
insolites qui relèvent tous du refoulement, par le Moi, d’un certain nombre de traumatismes ou de désirs
personnellement ou socialement incorrects ou inavouables. Le terme « psychanalyse » vient du grec ancien psyke
et analuein qui signifient respectivement : l’esprit, puis, décomposer ou diviser voire délier.
Il s’agit d’amener le patient étudié et soigné à prendre conscience de ses déterminismes inconscients, de ses
refoulés, en comprenant leurs modes d’expression et d’influence :
Le langage structuré de cet autre lui-même qu’est son propre Inconscient. Afin que cet Inconscient s’exprime sans
l’entrave de la vigilance rationnelle de la personne en analyse, il est capital que cette dernière ne se sente ni jugée
ni observée, et qu’elle puisse ainsi verbaliser librement, par simple association d’idées ou de souvenirs, qui, pour le
psychanalyste, se dévoilent selon un ordre spécifique. La libre parole fait apparaître, par association spontanée de
pensées, les contradictions handicapantes pour le psychisme et l’existence concrète elle-même.
Durant la cure analytique le patient va procéder à des transferts relationnels et comportementaux sur son
psychanalyste, qu’il pourrait confusément, inconsciemment et provisoirement, considérer telle une figure
relationnelle familiale, parentale, amoureuse, ou autrement… Personnages que son conscient avait soigneusement
évités.
Ces transferts affectifs permettent une scénographie mentale objectivante et éclairante du problème remontant à
la sphère consciente. La résistance du patient à certaines suppositions du thérapeute pourrait se révéler
sémiotiquement (qui fait signe) parlante selon son intensité, sa fréquence et son objet.
La psychanalyse est un long « voyage » dans une mémoire oubliée qui se rappelle sournoisement par le biais des
actes et pensées lacunaires.
Selon Nietzsche, le philosophe se livre à un combat névrotique, motivé par la peur. Cependant, la peur peut
engendrer le courage, ainsi la peur serait vertueuse, ainsi l’affirme Hans Jonas. De cette manière le philosophe ne
mènerait pas son combat par peur, mais par courage.
A travers cette introspection analytique qui ouvre la voie d’un langage secondaire, sub-opérant, nous découvrons
que l’Inconscient se développe hors du temps linaire puisque de vieux traumatismes d’origine infantile, peuvent
constituer l’adulte mal à l’aise ou vraiment malade. Ici, la maladie est le refoulé ignoré d’un « mal à dire ».
La « médication », le principe actif, est ainsi une parole qui extirpe et révèle de douloureux et complexes souvenirs
continuant d’agir sur nos existences, ainsi moins heureuses qu’elles ne pourraient l’être.
La psychanalyse a révélé qu’il était normal, c’est-à-dire courant, fréquent, d’être anormal, c’est à dire
psychiquement mal équilibré. La frontière entre le pathologique, la folie, et la normalité, est ainsi moins épaisse et
radicale.
Un Homme mal à l’aise peut devenir, sans s’en apercevoir, un Homme malade selon des critères sociaux et
médicaux. La psychanalyse a pour but de réconcilier au maximum le conscient avec l’Inconscient de sorte à
normaliser, c’est-à-dire à pacifier, à régler, à réguler, à équilibrer la logique du psychisme afin aussi que l’individu
soit davantage psycho-logique et se sente mieux, en meilleure cohérence avec lui-même et la société.
Si nous sommes tous un peu anormaux au sens de mal réglés, la normalité ne serait-elle, elle-même que le fruit

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L’inconscient et la psychanalyse

d’un fantasme supplémentaire de tel ou tel Surmoi individuel, ou bien culturel et collectif, un simple critère
majoritaire contingent et provisoire ? La conscience humaine est la seule entité qui produise l’Inconscient au sens
Freudien du terme.
Il est en ce sens spécifiquement humain. Partant, si l’Homme est une conscience désirante, à la différence de
l’animal, tel que l’affirmait Spinoza (XVIIème siècle.), il est aussi l’Inconscient refoulé et désirant qui lui est
intrinsèque et inhérent, tel que l’affirmait Freud.
Il n’y a pas d’Inconscient sans conscience, de même qu’aucune conscience ne serait telle qu’elle serait sans
l’Inconscient qui la met constamment en scène.

En somme, le psychisme humain est unitaire parce qu’il est toujours deux en un, en même temps qu’il est toujours
dual tel que le prétendait A. Rimbaud/Lettre du Voyant (XIXème siècle.) : « Je est un Autre ».

5) Quelques notions importantes du vocabulaire Freudien.

Freud (XIX-XXème siècle.) et son contemporain Carl Gustav Jung, pour ce qui est de la notion d’Inconscient
collectif, avaient également évoqué la notion de libido :
La force vitale, la pulsion de vie se caractérisant par le besoin physiologique et organique de désirer, par le désir ou
la pulsion de créer, d’engendrer pour rester en vie et vitalité.
Il s’agit aussi du désir de s’auto-séduire comme il en est d’autrui. La libido est une énergie, une puissance en
chacun, que Freud qualifie de sexuelle. Néanmoins, la sexualité chez Freud ne se limite aucunement à la
physiologie et à l’anatomie des seuls organes ou actes sexuels.
En effet, la libido est la Sexualité de la Vie qui s’engendre elle-même dans un mouvement d’élaboration biologique,
psychique, voire intellectuelle chez l’humain ; elle est une conversion de l’instinct sexuel animal au profit d’une
organisation raffinée et culturelle.
Ainsi, selon Freud la libido n’est pas que la sexualité physique mais également psychique : qu’est-ce qui nous anime
à conquérir telle ou telle personne. Cette énergie, lié au Ça, nous vient de notre instinct de survie. Dans une
dépression nerveuse, non seulement notre libido sociale s’effondre, mais la sexualité physique chute également.
La « pulsion de mort » : La désorientation de la libido en tant que « pulsion vitale », peut conduire l’individu ou les
masses populaires à s’exprimer par l’autodestruction ou la destruction. Une libido excessive autant que frustrée,
par une extra-lucidité névrotique ou pervertie de la Réalité, peut alimenter ce qui dès lors se mue en sexualité
négative, à savoir : la morbidité individuelle ou collective de la « pulsion suicidaire » causant des catastrophes
historiques, lentement ou précipitamment… La paupérisation jusqu’à la misère ou la guerre totale (se détruire en
détruisant les autres) en sont des expressions. L’absence de libido ou sa diminution importante, se manifeste par
l’inhibition du Désir, des fonctions psychiques, voire intellectuelles et, au pire, par des effets sur les fonctions
vitales elles-mêmes. Une libido trop ténue (=affaiblie) se traduit par une régression mentale et même physique de
l’individu qui n’a plus de projet et s’enferme ainsi en lui-même, chute en la dépression abyssale tel Robinson qui,
seul et isolé, confiné sur son île (utopique et achronique), ne se doit plus rien à lui-même, ni même à Autrui.
Le concentrationnaire de P. Lévi / Si c’est un Homme, ou bien l’exclu radical de la société, peut connaître ce sort,
parce qu’isolé passivement jusqu’au dépérissement de soi, comme évoqué au sujet de Robinson, dans Vendredi
ou les Limbes du Pacifique / Tournier (XXème siècle.).

6) Conclusion.

L’Inconscient Freudien est un concept qui violente la notion métaphysique de la liberté, dans la mesure où il
suppose un déterminisme permanent qu’exercerait cette « sub-mémoire » complexe sur nos activités mentales et
corporelles présentes. Toutefois, il serait abusif de dénier à l’Homme sa liberté en tant que libre-arbitre, puisque
Freud (XIX-XXème siècle.) explique clairement que, même si l’Inconscient est indestructible car structurellement
constitutif de notre psychisme, nous pourrions tout de même connaître en bonne partie les causes, les moyens et
les fins de son influence et de sa conséquentialité existentielle.
Cette connaissance intime ne peut être l’œuvre d’une simple logique formelle, d’une rationalité Cartésienne, mais
de la psychanalyse qui est à la fois une étude, une herméneutique, analogique et symbolique, une sémiotique, en
même temps qu’une pratique thérapeutique pouvant soigner ou guérir surtout les névroses non pathologiques.
Cette médecine de l’esprit soulage fréquemment même les conflits internes les plus sévères.
Chacun de nous est donc libre de procéder à une analyse de soi pour déjouer quelques-uns des pièges que nous
tend notre Inconscient. L’Homme normalisé serait celui qui assumerait ses déséquilibres soit ses anormalités sans
devoir s’abîmer ou détruire. La normalisation du psychisme, de la personnalité, ne relève pas dans ce cas du
moralisme Kantien (morale déontologique : la vertu et le bonheur sont distingués et hiérarchisés), mais d’une
lucidité Freudienne. Être normal n’est plus ici se conformer à une norme morale (Critère de mesure et de
fonctionnement). Il s’agit de conscientiser la dualité inhérente au psychisme humain. Chacun peut donc se
normaliser, prendre soin de son psychisme, sans pour autant devoir correspondre, par conformité/conformisme, à
un étalon moral et comportemental, prétendument socialement nécessaire voire universel.

Encore que pour admettre ce que la psychanalyse relativise et nous enseigne, il faille reconnaître

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L’inconscient et la psychanalyse

philosophiquement et/ou scientifiquement l’existence de l’Inconscient et la scientificité - (critères


épistémologiques) de la théorie et de la thérapie qui s’y rattachent. Or, affirmer à l’instar de Freud / Essais de
Psychanalyse Appliquée que : « Le Moi n’est pas maître dans sa propre maison », relève, en revanche, selon
Alain (XIX-XXème siècle.) / Eléments de Philosophie : « D’un art d’inventer en chaque Homme un animal
redoutable d’après des signes tout à fait ordinaires »

Cette herméneutique psychanalytique ne serait qu’un « symbolisme facile » ayant possiblement pour conséquence
la déresponsabilisation morale des personnes que la mauvaise foi aveuglerait, selon Sartre (XXème siècle.).
Ce concept Sartrien de « mauvaise foi » nie l’Inconscient ; il se définit comme le refus quasi conscient de la faute,
de l’erreur ou d’un désir que l’on voudrait taire.
Ses manifestations sont : l’orgueil, la lâcheté et la négligence de l’irresponsable !
Cet irresponsable est l’Homme qui fuit sa difficile liberté. La mauvaise foi ne peut être assimilée à l’Inconscient.
Elle s’apparente plutôt à de l’inconscience - laquelle peut être due à un mensonge envers soi-même (prompt aux
illusions), ou à une véritable paresse de nature intellectuelle ou morale à opérer des choix, à assumer la causalité
de ses désirs.
D’après Sartre, l’Homme est absolument libre de s’autodéterminer et il est donc pleinement responsable de sa
mauvaise foi et de l’inconscience morale ou éthique qui la cause ou qui en découle.
Alain et Sartre (XXème siècle.) refusent l’intérêt de la psychanalyse et la relèguent au statut d’un : « Art si fameux
», soit d’un sophisme habile et complexe, bon pour les crédules, les lâches, les laxistes, qui se refusent la force et la
possibilité d’être libre en soi !

Le neurobiologisme matérialiste représenté par Jean Pierre Changeux (XXème siècle.) et Antonio Damasio
(XXème siècle.), réfute l’Inconscient Freudien en tant que théorie scientifique car l’Inconscient tel que l’a décrit
Freud n’a guère de situation ou localisation anatomique spécifique dans l’encéphale.
La conscience lacunaire de Freud s’expliquerait alors par la complexité du traitement neuronal de l’information et
par d’autres effets physiologiques et métaboliques du système nerveux et hormonal (endocrinien), dont les causes
et effets seraient pathologiques ou normaux, dans le cadre des fonctions cérébrales neuro-électrochimiques.

L’épistémologue Karl Popper / La Science : Conjectures et Réfutations (XXème siècle), en discute également la
scientificité théorique et thérapeutique à cause de leur caractère intrinsèquement improuvable, inexpérimentable
et par conséquent commodément irréfutable. Quand bien-même la Psychanalyse serait-elle fort intelligente et
vécue comme relativement efficace, cela ne serait guère suffisant à l’élever au rang de science positive (c’est-à-
dire ? différence avec science négative ?), ce serait donc une science négative…

Quelques questions demeurent malgré les positions : Sartrienne, Poppérienne ou physiologiste-matérialiste :


En effet, comment expliquer, sans le recours à l’Inconscient Freudien, ces attitudes ou comportements spécifiques
tels : Le masochisme, le sadisme, l’hystérie et d’autres manifestations sans causes apparemment organiques.
Elles ne peuvent être l’œuvre de la « mauvaise foi » seulement, ou, chimiquement, simplement des hormones et
des neurotransmetteurs.
Concernant la critique épistémologique de Popper, ne peut-on pas envisager, à l’instar de Wilhelm Dilthey ou de
Carl Hempel (XIX-XXème siècle.), la notion explicative de preuve négative ou de preuve par récurrence ?

In fine, entre : dualisme et monisme concernant la relation « corps-esprit », spiritualisme-vitalisme ou bien, au


contraire : le matérialisme et le déterminisme contre l’existentialisme (déterminisme ≠ auto-déterminisme),
s’imposent les interrogations suivantes :
Les passions (tendances ou tensions affectives sentimentales, émotionnelles, sensationnelles) sont-elles réellement
maîtrisables ? Doivent-elles toujours être normées si un Homme veut être authentiquement libre et heureux ? Est-
il seulement possible d’être soi-même, de se connaître et de s’accomplir ?
Si la théorie de l’Inconscient individuel ou collectif explique un certain nombre de phénomènes passionnels, elle
ne suffit pourtant pas à répondre à la question métaphysique et pratique de la destinée éthique et politique du
genre Humain ! Ces thèses nous rendraient même sceptiques concernant le bon exercice de nos facultés de
Raison…
Sachant désormais à quel point l’Homme est structurellement complexe, ambivalent, trouble, obscur et
manipulable, par son Inconscient individuel ou collectif [Réf : C. G. Jung (XIX-XXème siècle.)], peut-on encore
faire confiance en sa prétendue capacité ou vocation à devenir l’auteur, le maître raisonnable de son histoire
personnelle, par extension de son Histoire commune ? Comment construire une société et une Culture qui ne
soient point malades et malheureuses ?

A cause du structuralisme psychanalytique, induisant une impossible anthropologie positive, nous sommes
désormais enclins à douter du sens de l’Histoire, à resituer la notion de la « Liberté ».
Un Esprit sinueux, dual, intrinsèquement conflictuel et refoulant, peut-il ou doit-il se réaliser dans et par la
Matière, à quel prix, selon quelles causes, modalités et conséquences ?

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