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COURS DE PHILOSOPHIE FERMER

Leçon 1 : La connaissance de l' homme est-elle possible ?

Problématique 1 : L’HOMME PEUT-IL RELEVER LE DEFI D’UNE EXISTENCE LIBRE ?

Objectif général terminal : Appréhender les difficultés liées à la conquête de la liberté

Introduction générale

On parle souvent de liberté par ici et par là. Mais comprenons nous, seulement ce qu’il
en est de cette notion ? On peut relever qu’elle est une notion complexe puisqu’elle ne se laisse
pas cerner facilement. On peut mesurer l’ampleur de cette complexité au travers de faits divers
dont le cas de Bernard, jeune français « libre parmi les hommes libres qui sera écrasé par la liberté
des autres ».C’est cette liberté au nom de laquelle il est libre de chercher du travail, travail que les
autres sont libres de lui refuser que nous sommes invité à y réfléchir. Aussi nous sommes tenté de
nous demander si l’homme peut être véritablement libre vu la complexité de la notion. La liberté
pour l’homme est-elle le fruit d’une lutte ? Avant toute tentative de réponse n’y a-t-il pas lieu de se
familiariser avec l'homme, son milieu, ses pratiques ?

Problème1 : La connaissance de l’homme est-elle possible ?

Objectif : Montrer la complexité de la nature de l’homme.


Notions : Conscience- inconscience- mémoire-violence-liberté.

Introduction

« Connaît-toi toi-même » est une idée socratique qui inaugure une nouvelle ère de
philosophie. Cette dernière veut désormais s’intéresser à l’homme avant de s’engager dans la
conquête de la nature extérieure. La connaissance de l’univers des dieux recèle des secrets certes,
mais ces secrets ou valeurs nous ne pourrions les aborder sérieusement que si nous connaissons
l’homme qui les étudie. C’est ce qui nous permettra d’apprécier le sens des jugements que
l’homme émet. D’où l’importance de la connaissance de soi, d’où une définition de l’homme dans
sa pensée, dans sa conscience, dans ces jugements. Cette définition de l’homme permettra si
possible de limiter les désirs et passions, de psychanalyser la raison de celui-ci pour éviter toute
illusion.

L’homme se connaît –il mieux par lui –même ou par autrui ? Quelle est la valeur de sa vérité, le
sens de son existence ?

En abordant toutes ces questions arriverons –nous à le connaître véritablement ?

I- L’homme, être biologique défini par la conscience

A-Définition et formes de conscience

1-Définition

Ordinairement on entend par la conscience, le sentiment ou la perception que l’être humain à de


lui-même, de sa propre existence. D’un point de vue philosophique et comme le souligne André
Lalande, c’est « l’intuition qu’a l’esprit de ses états et de ses actes » ; c’est-à-dire une lumière qui
me révèle à moi-même ma vie intérieure et me permet d’appréhender le monde.

Du latin « cum scienscia », elle signifie accompagnée de savoir. La conscience est la faculté qui
nous permet de connaître nos états et nos actes. Ainsi être conscient, c’est agir, parler, danser…et
savoir que l’on agit parle, danse…C’est la conscience qui nous permet de juger d’apprécier de
connaître ce qui nous entoure. Elle est la faculté qui nous distingue des autres êtres vivants.
L’animal reste au simple sentiment de soi, à l’expérience spontanée d’où n’émerge pas le moi.

Contrairement à l’animal, l’homme se saisit comme moi, il est conscience de soi, conscient de son
existence. Hegel (1770-1831) montre dans cette perspective que les animaux et les choses existent
une fois et les hommes vivent deux fois, d’abord physiquement et ensuite spirituellement.
Commentant cette réflexion de Hegel, Alexandre kojève a pu dire « l’homme est connaissance de
soi, conscience de soi de sa réalité et de sa dignité humaine et c’est en ceci qu’il diffère de
l’animal qui ne dépasse pas le simple niveau du sentiment de soi ».

La conscience est et surtout unité et effort de synthèse de plusieurs élément de la nature. C’est elle
qui nous permet de saisir le divers sensible de manière unifiée. C’est donc une activité de
synthèse.

2-Les différentes formes de conscience

On distingue :

La conscience morale : Elle est comme le jugement de nos actes. C’est elle qui nous dit ce qui est
bon ou non, guide nos actes et leur donne un sens et de la valeur. En claire c’est la capacité qu’a
l’esprit d’analyser, de retourner sur soi les actes posés, les états d’âme en jugeant de leur moralité.

La conscience psychologique, n’est rien d’autre que l’intuition que l’on à de sa propre réalité
psychique et du monde extérieur.

La conscience spontanée : c’est la conscience d’un objet tel qu’il apparaît et non en tant que réalité
extérieur. C’est la conscience immédiate.

La conscience réfléchie : c’est le mouvement de réflexion, c’est-à-dire le recul vis-à-vis de son


état de spontanéité. C’est le mouvement de la pensée elle-même lié à notre vie intérieur.
B- La théorie de la permanence et de l’infaillibilité de la conscience chez l’homme.

1-La conscience comme essence de l’homme

René Descartes (1596-1650) professe que l’homme est un être essentiellement conscient. Son
fameux cogito est l’affirmation que je suis irréfutablement indubitablement un Moi, un sujet qui
pense. Ainsi pour Descartes l’homme se défini par la conscience. Il pose ainsi, la conscience
comme la terre natale de la vérité.

Selon lui, nos sens nous trompent. Il faut pour découvrir la vérité tout révoquer en doute.
Descartes se contraint à ce doute tant qu’il n’a pas trouvé la vérité absolument indubitable. Cette
vérité qui résiste à tous les assauts du doute, c’est la présence de ma pensée consciente car il ne
peut pas se faire que ce qui doute ne soit pas. C’est au sein même du doute que surgit cette
certitude cartésienne « je pense donc je suis » ou « cogito ergo sum ». Descartes écrit ceci dans la
quatrième partie du Discours de la méthode pour dire qu’on ne se saisit comme existant que par la
pensée elle-même. Il écrit ainsi que : « par le nom de pensée, j’entends ce qui est en nous de tel
sorte que nous soyons immédiatement conscient ». On note ici que Descartes établit l’identité
entre la conscience et la pensée, et, comme selon lui, l’homme pense toujours, il est donc toujours
conscient.

La conscience est ainsi considérée chez Descartes comme la seule réalité du psychisme humain, ce
qui équivaut que pour connaître, il faut toujours tout appréhender sous l’angle de la conscience.

L’idée cartésienne est soutenue par Alain (1868-1951) qui écrit ceci : « savoir, c’est savoir qu’on
sait ». Autrement dit nul ne peut penser sans conscience de pensée. En claire chaque fois que je
pense, je le sais. Je suis donc tout à fait lucide et transparent à ma conscience.

Ce point de vu d’Alain réfute l’idée d’un inconscient qui à ses yeux relève du corps et non de la
pensée. Le point de vu de Jean Paul Sartre (1905-1980) qui fût lui-même élève d’Alain, s’inscrit
dans la perspective de son maître. Pour lui il n’y à pas divers degrés de conscience, une seule
façon d’exister, c’est d’avoir conscience qu’on existe. Ainsi Sartre ignora l’inconscient au sens
fort du mot. A la place, il parla de mauvaise foi, de mauvaise conscience de l’homme. L’homme
n’est-il que conscience de soi ? La conscience n’est-elle pas action ?

2- La conscience comme intentionnalité


C’est le caractère orienté, adapté à l’avenir immédiat de certains contenus de la pensée. C’est le
fait que la conscience sorte d’elle-même pour s’ouvrir au monde extérieur.

La conscience devient action ou plus précisément une réaction, cette action de la conscience est
intentionnalité c'est-à-dire qu’elle vise un objet extérieur.

Edmond Husserl (1959 – 1939) met l’accent sur l’aspect actif de la conscience. L’intentionnalité
désigne la nécessité où la conscience se trouve dans l’obligation d’être consciente de quelque
chose, obligation morale telle est le sens de sa formule « toute conscience est conscience de
quelque chose »

En effet selon cette formule, toute conscience vise un objet extérieur, elle est un acte, une
projection dans le monde, une façon de se diriger vers le monde. Ainsi, si je perçois un pot de fleur
sur un balcon, cette perception n’est pas un état intérieur, c’est plutôt un acte de ma conscience qui
vise un objet extérieur.

La conscience est toujours dirigée vers quelque chose d’extérieur à elle-même, un sentiment
d’amour.

Prendre donc conscience du monde, c’est le poser comme un objet d’étonnement et d’exploration,
c’est réfléchir sur le monde, le façonner à son image en face du sujet que je suis.

Selon Jean Paul Sartre ma conscience me sépare non seulement du monde mais de moi-même.

Par exemple, prendre conscience que je suis timide, ce n’est plus être timide car désormais il y a
un ‘’Moi’’ qui est timide et un ‘’Je’’ qui reconnaît que le ‘’Moi’’ est timide. Le ‘’Je’’ qui sais que le
‘’Moi’’ est timide n’est pas lui-même timide.

Ma conscience me sépare d’autrui car si elle me révèle à moi-même ma propre vie intérieure, le
monde clos, insulaire de la conscience des autres m’échappe totalement. Je ne connais que leur
geste et leur parole.

Ces différentes réflexions contiennent en toile de fond l’idée de l’unité de la continuité de la


conscience. Ce qui implique que la conscience reste unifiée et permanente en l’homme.

C- La conscience comme condition de la liberté

Etre conscient, c’est avoir une connaissance immédiate de sa pensée, de son activité, de ses actes.
C’est-à-dire que l’être conscient est un être qui sait opérer des choix et choisir pour l’homme c’est
partir de son expérience passée pour entrevoir le futur. Sous cet aspect la conscience devient la
condition de la liberté de l’homme. A cet effet Jean Paul Sartre, tout en s’appuyant sur la
conception phénoménologique qui mentionne que « toute conscience est conscience de quelque
chose » montra que la conscience est d’abord au fondement de l’existence de l’homme, faisant de
‘’celui-ci un être pour soi’’.

En clair, l’homme est un être qui se donne toujours une image qu’il se voit en même temps
condamné à ne jamais être, à ne plus coïncider avec lui-même. Ainsi la conscience est la faculté
par laquelle l’homme se projette, se pose et s’affirme comme une volonté libre, comme un sujet
responsable.

De ce qui précède on peut dire que la conscience traduit l’idée de l’autonomie de la souveraineté
et de la maîtrise de soi.

Au demeurant, tout acte de conscience, qu’il s’agisse d’une pensée, d’une imagination, d’une
sensation est conservée, c’est-à-dire mémorisée et peut faire l’objet d’un souvenir. La mémoire
n’est-elle pas la faculté indiquée pour le faire ?

II- L’homme être défini par la mémoire

A- Définition et forme de mémoire

La mémoire est la capacité pour l’homme de retenir les images, les idées et de les extérioriser. A
l’instar de cette définition, la mémoire au sens général désigne la faculté d’enregistrer dans son
esprit des événements et de se les rappeler à un autre moment ; ce sont des souvenirs. La mémoire
s’occupe donc des souvenirs.

Le souvenir, c’est ce qui revient à l’esprit, c’est le retour spontané à l’esprit d’un évènement passé.
Dans cette relation de la conscience et de la mémoire, la conscience identifie et reconnaît les
souvenirs que la mémoire lui restitue. Ce rapport d’interdépendance est indiqué par le philosophe
Henri Bergson (1859-1941) dans le passage de son œuvre intitulé Energie spirituelle où il écrit : «
qui dit esprit, dit avant tout conscience (…). Conscience signifie d’abord mémoire, conservation et
accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation, la conscience est un
trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir.».

Aussi Bergson dans son autre ouvrage intitulé Matière et mémoire distingue deux sortes de
mémoires : la mémoire habitude et la mémoire pure, vraie ou objective. La première s’acquiert par
des procédés mnémotechniques. Selon Bergson, cette mémoire est forgée de toutes pièces par
l’homme lui-même ; elle n’est pas naturelle, elle est artificielle.
En réalité dit –il l’opération de mémorisation est spontanée, naturelle. La mémoire est disposée
naturellement à enregistrer tous les faits perçus par la conscience. En la conditionnant on ne fait
que la dénaturer. Et cette mémoire qui n’a pas besoin de conditionnement, qui n’a pas besoin de
référence, qui n’est basée sur les intérêts quelconque s’appelle la mémoire vraie ou pure. Mais
quels sont les rôles essentiels que joue la mémoire dans notre vie ?

B-Le rôle de la mémoire dans l’existence humaine

La mémoire a pour rôle essentiel : l’enregistrement, la conservation, l’évocation et la


reconnaissance des souvenirs.

En effet la phase d’enregistrement consiste à capter, à fixer les images qui se présentent à l’esprit.
La mémoire opère par le tri à cette étape de travail car elle est disposée à tout enregistrer (les faits
significatifs ou non ; les faits heureux comme malheureux). Pour savoir qu’un évènement est fixé
dans la mémoire il faut pouvoir l’évoquer c’est-à-dire le restituer ou le présentifier ou encore
l’actualiser. Cette phase s’appelle encore la phase de rappel. Enfin les souvenirs rappelés ou
restitués doivent être maintenant reconnus c’est-à-dire distingués et nommés clairement avec
références précises. Si les souvenirs sont bien conservés, ils seront bien évoqués et reconnus.

C-L’oubli et les défaillances de la mémoire et de la conscience

1- Les limites de la mémoire

L’oubli est généralement perçu comme une anomalie une défaillance de la mémoire et oublier
c’est cesser momentanément ou définitivement de penser a quelqu’un ou quelque chose. L’oubli
est donc un raté de la mémoire dans la mesure où l’homme ne se rappelle plus des évènements
vécus dans son existence ; il devient donc amnésique, incapable d’avoir un devoir de mémoire.
Par exemple lorsque nous avons besoin d’un nom et qu’il nous fait défaut, ou encore le cas des
trous de mémoire.

L’oubli est aussi une déficience de la mémoire car celui qui oubli est comparé a un paralysé de la
connaissance et de l’action.
Cependant Peut-on parler d’une infidélité véritable de la mémoire ?

2-La valeur de l’oubli

Si on reconnaît que le souvenir s’appauvrit avec le temps, on ne peut pas parler de fidélité de la
mémoire. Mais cette infidélité ne traduit pas une lacune de l’évocation mais révèle la présence
d’autres préoccupations. Pour Freud (1856 – 1939), je n’oublie pas n’importe quoi, mais
j’expulse de ma conscience tout ce qui est insupportable, tout ce qui est contraire aux exigences de
la morale.

En effet la fonction positive de l’oubli c’est de nier, de sélectionner les évènements en vue de
construire, d’édifier le présent en faisant table rase d’un passé douloureux. E n ce sens l’oubli
apparait comme l’acte par lequel le bonheur de l’homme est possible. Ainsi pour Henri Bergson «
une mémoire qui ne conserve rien du passé, qui s’oublierait sans cesse elle-même périrait et
renaitrait à chaque instant » Cf. Matière et Mémoire

Cela signifie que sans l’oubli l’homme demeurerait esclaves de ses souvenirs traumatisant ce qui
entraverait sa jouissance de l’instant présent.

L’oubli est donc la condition de la bonne santé mentale, de la vie et du bonheur de


l’homme.

Pour Nietzsche, l’oubli est le gardien de la vie car il représente l’accomplissement d’une fonction
vitale. C’est pourquoi il écrit dans la Généalogie de la morale que « nul bonheur, nulle sérénité,
nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans la faculté
de l’oubli. L’homme chez qui cet appareil d’amortissement est endommagé n’est pas libre et
heureux ». Cela signifie que l’homme doit refouler les contenu douloureux du passé et retenir ce
qui est digne et noble à conserver car celui qui n’oubli pas est ligoté par son passé et tout demeure
en lui ; tout l’affecte c'est-à-dire que tous les évènements laisse des traces dans sa conscience
meurtrie. Comprenons que l’oubli est une manifestation naturelle et normale de l’esprit. Sans la
capacité d’oubli, la vie serait difficile et quelque fois même insupportable. L’oubli permet de
décongestionner l’esprit en y éliminant les idées encombrantes et nuisibles.

Si l’on n’oubliait pas, on aurait régulièrement des surmenages, des crises morales et
psychologiques. Mais oublier exagérément devient une anomalie de la mémoire.

En somme le bon ou le mauvais usage de la mémoire est inséparable de l’oubli, ce gardien de


l’existence. Aussi la mémoire est la faculté par excellence qui permet de connaitre l’homme, de
retenir et de conserver les images, les représentations sociales et extirper de la conscience
collective les évènements traumatisants liés à la barbarie et a la violence de l’homme. Toute fois
pour qu’une chose arrive à la conscience et à la mémoire peut-elle contourner le corps ? .Quelle
place peut-on accorder donc au corps dans la conscience de l’homme ?

3-les limites de la conscience

Le corps de l’homme est incontournable de la définition de l’homme dans l’acquisition de la


conscience. Les cinq sens du corps participent quotidiennement à l’acquisition des informations
que notre conscience reçoit. C’est dans cette perspective qu’il faut situer le point de vue des
empiristes, qui soutiennent que toute véritable connaissance dérive de l’expérience du corps et
des sens avant de parvenir à la pensée, à la raison.

La place de l’expérience et des circonstances que nous vivons est déterminante et c’est en cela
qu’il faut comprendre le point de vue marxiste pour qui le pouvoir de la conscience est limité
parce qu’elle n’est pas totalement indépendante des circonstances matérielles. Aussi il adresse une
critique à Hegel qui, comme tout idéaliste défini l’homme théoriquement par la conscience.

En effet la déclaration de Karl Marx à ce propos est le suivant : « ce n’est pas la conscience qui
détermine la vie, mais c’est la vie qui détermine la conscience » cf. Idéologie allemande. En clair
pour lui, la conscience est une résultante des rapports sociaux car se sont l’environnement, le
milieu social et l’éducation qui confèrent à l’individu sa manière de penser et d’être.

Toutefois signalons que les philosophes idéalistes en définissant l’homme par la conscience
n’ignorent pas qu’il existe en nous des phénomènes qui nous échappent. L’histoire de la
philosophie nous apprend que des rationalistes se sont eux même rendus compte des limites de la
raison.

En effet, certains philosophes depuis l’antiquité ont remarqué des états ou l’homme ne pouvait
affirmer avec certitude sa responsabilité devant des actes qu’il aurait pourtant posé.

Aussi Aristote avait remarqué que « nos tendances profondes se manifestent devant le sommeil
».Dans le rêve on reconnaît effectivement l’expression des désirs, mais ceux-ci se manifestent par
devers soi (sans notre volonté).

Leibniz, dans les Monadologies décrira plus tard certains états ou situations qui échappent à la
conscience : « nous expérimentons en nous même un état où nous ne nous souvenons de rien et
n’avons aucune perception distinguée … ». Ces états de réelles absences dont nous faisons
toujours l’expérience se caractérisent par l’impression qu’on a d’un arrêt de la conscience ;
l’esprit ne reçoit plus le témoignage de sa conscience.

Si dans le rêve, l’esprit peut encore se reconnaître dans la confusion des images, dans la perte de
connaissance ou de conscience, l’esprit se trouve comme dans les ténèbres, incapable d’établir des
relations entre ce qui arrive au corps et lui. Or ce qui caractérise la conscience, c’est de pouvoir
poser l’objet comme différent du sujet. C’est pourquoi si nous nous abstenons à prétendre que tout
ce qui se passe en nous comme acte psychique vient de la conscience, certaines réalités que nous
vivons demeurent incompréhensibles et incohérentes.

Ne faut-il pas regarder alors du côté de l’inconscient ?

III- L’inconscient, instance psychique déterminante de l’homme

A- Définition des concepts et structure de l’appareil psychique de l’homme

1- L’inconscient.

Tout ne peut être toujours et continuellement conscient. On peut définir alors l’inconscient comme
ce qui n’est pas ou n’est plus conscient.

Au sens freudien, l’inconscient n’est pas simplement et purement le non conscient, le négatif en
quelque sorte de la conscience, l’inconscient est au contraire une fonction mentale active, une
pensée en acte (en mouvement) dont le fonctionnement obéit à des règles spécifiques, distinctes de
celles auxquelles est soumise la pensée consciente .En claire l’inconscient désigne la partie où
sont refoulés nos désirs et pulsions. Il explique les phénomènes qui échappent à la conscience et
qui reviennent au mécanisme caché qui détermine le comportement de l’homme. Pour dire que le
comportement est conscient et la signification ne l’est pas.

2 -La psychanalyse

Ce concept désigne à la fois une théorie et une pratique thérapeutique. En tant que théorie, elle
tente de donner un sens, une cause profonde à certains phénomènes qui échappent à la conscience.
Et en tant que thérapie elle soigne ou tente de guérir les troubles psychologies et psychiques dont
l’origine se trouve dans le passé du patient. Il faut alors comprendre avec Freud que l’inconscient
n’est pas le négatif de la conscience mais une fonction active dont le fonctionnement obéit à des
règles spécifiques, distinctes auxquelles est soumise la pensée consciente. Par conséquent, le
psychisme de l’homme ne saurait se réduire à la conscience.

3-La structure de l’appareil

Freud a présenté successivement deux descriptions ou topiques de l’appareil mental. Le premier


topic (1905) qu’il présente d’un point de vue descriptif comme l’inconscient, le préconscient et le
conscient, se schématise comme suit :

La deuxième description (1920) qu’il présente d’un point vue dynamique et qu’il appelle le ça, le
Surmoi et le Moi

a-Le ça

C’est l’espace totalement inconscient obscure ignoré qui constitue le réservoir, des instincts, des
pulsions, des simples désirs et des désirs sexuels de l’homme, toutes les tendances refoulées par le
surmoi. Tous ces désirs et tendances, Freud les appellent les pulsions. Ces pulsions sont refoulées
parce qu’ils sont contraire à la vie morale sociale. Pour cette raison elles ne peuvent surgir à la
conscience mais peuvent cependant le faire à travers les rêves nocturnes.

Les représentations du ça obéissent au principe du plaisir c'est-à-dire demande leur satisfaction


immédiate. L’énergie du ça et des instincts est la Libido comme recherche instinctive du plaisir et
surtout du plaisir sexuel.

b-Le préconscient ou le surmoi :

C’est la censure, le barrage sélectif, le filtre qui ne laisse passer que les pulsions qui sont
conformes à la morale, aux règles sociales. Il est constitué par l’ensemble des lois, des règles
morales, des interdits sociaux et parentaux, des tabous intériorisés par les individus.Le
préconscient est rigoureux et il dit ‘’la loi c’est la loi’’. Dans sa fonction de censure, il rend
possible la vie sociale et morale. Il est appelé aussi l’idéal du Moi. Il est régi par le principe de
réalité, il juge, censure et refoule.

Au sens politique et social, la censure est le fait pour une autorité de limiter, de contrôler et même
d’empêcher la liberté d’expression.
En psychanalyse, la censure est la fonction qui interdit aux désirs, aux pulsions du ça de se
manifester car il viendrait troubler la personnalité consciente.

c-La conscience ou le moi

C’est l’instance qui nous permet de vivre, d’agir et de nous guider dans le monde selon les
renseignements de nos perceptions. Elle désigne la partie de notre personnalité qui assure les
fonctions conscientes (perception, jugement, raisonnement). C’est donc le lieu de la morale, de la
vie sociale, de l’éducation.

Tout comme le surmoi, il obéit au principe de réalité c'est-à-dire qui est conforme aux normes
sociales (lois) dont le surmoi est d’ailleurs le garant. C’est aussi la faculté par laquelle l’activité
intellectuelle est rendue possible.

B-Les manifestations de l’inconscient

1-Les manifestations normales et quotidiennes.

Ce sont les lapsi, les oublis, les actes manqués, les rêves.

L’oubli du point de vue psychanalytique est la manifestation d’un désir refoulé.

Les lapsi sont des erreurs de langage de ceux qui parlent et qui ont un caractère involontaire. Ils
représentent l’irruption de l’inconscient dans la conscience, dans la vie quotidienne

Les actes manqués sont des actes qui ont raté leur but, leur intention pour exprimer d’autres
choses. Ce sont des erreurs d’écriture, de parole, les manies.

Les rêves

C’est l’ensemble des images souvent incohérentes qui apparaissent à l’esprit au cours du
sommeil. Il est par excellence ce qui conduit à la connaissance de l’inconscient : « le rêve est la
voie royale qui conduit à la connaissance de l’inconscient » cf. Interprétations des rêves-Freud

Pour Freud, le rêve est l’expression d’un désir inconscient refoulé, par la censure. Il a pour sens la
réalisation plus ou moins déguisée d’un désir refoulé. Son rôle fondamental est d’être le gardien
du sommeil en permettant l’expression des pulsions refoulées sous une forme acceptable aux
instances de contrôle.

La sublimation

C’est le fait que certaines pulsions de la libido soient détournées de leur but sexuel originel et
orienté vers des buts socialement supérieurs qui n’ont plus rien de sexuel. Par exemple un individu
présentant des tendances sadiques pourrait les satisfaire symboliquement en devenant boucher ou
chirurgien.

Pour Freud ces manquements témoignent d’un désir profond et inconscient résultant de
l’interférence de ce désir avec ce qu’on voudrait ou devrait consciemment dire. Ces actes révèlent
les secrets les plus intimes de l’individu.

2-Les pathologies

Ce sont des anomalies névrotiques liées à une éducation trop répressive qui ne donne pas à
l’individu l’occasion de s’exprimer. Dans les pathologies, nous avons les névroses (maladies, des
affections qui peuvent perturber le comportement de l’homme mais ne le détruisent pas
entièrement. Elles se manifestent par des comportements absurdes).Ce sont aussi les psychoses,
les phobies, les folies, les angoisses, les obsessions, les déviations sexuelles et les
manies…………

C-Le rôle de l’inconscient dans la formation de la personnalité

1-Le complexe d’Œdipe

C’est un ensemble de sentiments et de désirs qui constituent les bases de la personnalité de


l’individu.

Freud choisi le nom de Complexe d’Œdipe pour designer l’attachement sexuel qu’éprouve tout
enfant pour son parent du sexe opposé tandis qu’il ressent de l’hostilité pour le parent du sexe
identique. Le complexe d’Œdipe se met en place entre deux et cinq ans. Il s’agit du stade
phallique. C’est le moment où l’intérêt se concentre sur la zone érogène (sensible) qui est le pénis.
On constate la masturbation et l’érection chez le petit garçon. Ici ce n’est pas l’instinct sexuel mais
l’amour. L’élément sexuel ou corporel est plus ou moins refoulé. Le petit garçon est « amoureux »
de sa mère et par jalousie il « déteste » son père. Il aspire à la posséder pour lui seul ; se
réjouissant de l’absence de son père et boudant quant il le voit ; il témoigne une certaine tendresse
à sa mère. Il exprime souvent de tels sentiments à toute voix, il promet à sa mère de l’épouser, il
insiste pour se coucher à côté d’elle pour voir sa toilette. Le petit garçon ne manifeste pas les
mêmes sentiments affectifs à l’égard de son père. Il voudrait plutôt l’éliminer comme un
concurrent encombrant. Mais quelque fois, on voit de petits garçons faire beaucoup preuves de
tendresse à l’égard de leur père. C’est ce que Freud appelle l’ambivalence c'est-à-dire la
coexistence d’attitudes sentimentales opposés, amicales et hostiles envers une personne.

Ces attitudes opposées entraîneraient un conflit chez l’adulte mais, elles se concilient chez l’enfant
parce qu’il est lié au principe du plaisir (instinct)

2-Le complexe de Caïn

C’est la frustration d’un enfant à la naissance de son frère ou de sa sœur qui croit inconsciemment
que sa place affective auprès de ses parents est menacée. Sa jalousie va jusqu’au désir
ouvertement exprimé de voir l’intrus (le nouveau nés) disparaître. Si par hasard ce souhait se
réalise ou ne se réalise pas, l’enfant devenu adulte en garde souvent un sentiment profond auprès
des plus jeunes.

3-Interprétation des complexes

L’autre apparaît comme facteur indispensable à mon existence et limite ma liberté. Je ne peux agir
comme je veux. Le père apparaît donc comme la condition de la constitution du Surmoi. Disons
que les complexes et la façon dont ils sont refoulés déterminent l’évolution aussi bien que les
sentiments de culpabilité et de remords d’une partie des névroses. Le complexe peut être considéré
comme le moyen des névrosés, car tout enfant qui ne parviendrait pas à surmonter ce complexe
présente une fois adulte des comportements névrotiques.

La crise se résout quand l’individu cherchera plus ou moins dans ses choix amoureux de l’âge
adulte à retrouver l’amour infantile avec le père ou la mère c'est-à-dire que l’enfant doit se
détacher de sa mère et reporter ses désirs sur des objets extérieurs, sur des personnes du même
sexe que sa mère. D’où les relations hétérosexuelles. En plus il doit se réconcilier avec son père en
s’identifiant à lui.
Pour la psychanalyse, la personnalité de l’homme adulte prend sa source dans l’enfance. C’est
pourquoi cette enfance a besoin d’être éduquée, orientée, humanisée.

L’enfance nous suit comme un passé et constitue un destin incontournable qu’il faut clarifier et
comprendre pour mieux apprécier et interpréter la conduite de l’homme adulte.

C’est ce que disait Wordsworth poète anglais en ces termes « l’enfant est le père de l’homme
adulte » soulignant ainsi que les événements majeurs (les traumatismes psychologiques, les
relations premières de l’enfant avec ses parents) sont des données essentielles qui influent sur le
caractère de l’homme adulte. Aux yeux des psychanalystes, l’homme n’est que son histoire.

Le but de la psychanalyse est de purifier notre ‘’ poubelle mentale’’ afin de rechercher l’équilibre
psychique et psychologique de l’homme grâce à certaines méthodes.

D- Critiques philosophiques du concept d’inconscient.

Emile Chartier Auguste dit Alain (1868 – 1951)

Alain a beaucoup stigmatisé sa critique dans un passage de son ouvrage intitulé Eléments de
philosophie. Il dit « il faut éviter ici plusieurs erreurs qui fondent le terme ‘’inconscient’’ la plus
grave de ses erreurs est de croire que l’inconscient est un autre Moi, un Moi qui a ses préjugés, ses
passions et ses ruses ; une sorte de mauvais anges, diabolique conseiller, contre quoi il faut
comprendre qu’il n’y a ni point de pensées en nous sinon par l’unique sujet ‘’Je’’. Cette remarque
est d’ordre morale ». Dans ce passage, Alain met en évidence les dangers du freudisme car selon
lui toute morale doit se référer au ‘’Je’’ comme sujet de connaissance et d’action et donc comme
conscience. Ainsi grossir le terme d’inconscient, c’est aller contre l’éthique.

Pour Alain, il ne s’agit pas de contester la réalité de l’inconscient mais bien de refuser les mythes
dangereux qu’il pourrait envelopper et véhiculer.

Jean Paul Sartre (1905- 1980)

Sartre a soumis dans l’Etre et le Néant le freudisme à une série de critiques dont le sens est
finalement moral. Il refuse tout comme Alain de faire de l’inconscient le maître de nos actes et de
nos choix car écrit-il « ne cherchons jamais d’excuse à nos actes et ne nous abritons jamais
derrière notre inconscient ». Que veut signifier Sartre ? Analysons quelques points.
La conscience connaît ce qu’elle refoule, or l’inconscient nous dit que la partie mentale latente est
faite de désirs dynamiques qui échappent à la conscience. Sartre critique Freud sur ce point car il
se demande comment concevoir une conscience qui ignorerait ce qu’elle refoule et rejette ? Si la
conscience refuse une tendance ou une représentation ne faut-il pas qu’elle détienne un certain
savoir et une représentation du refoulé ?

Sartre soutient que Freud a brisé la vie mentale en même temps qu’il a méconnu la transparence
de la conscience. Freud a brisé la vie mentale en la dénaturant.

En claire pour Sartre, l’inconscient en tant que tel n’existe pas, car nulle vie mentale n’est
totalement ignorante de soi. Pour lui ce qui existe socialement c’est la mauvaise foi qui consiste à
braquer le projecteur ailleurs afin de justifier ses manquements.

IV- L’homme être déterminé par la violence

A- Définition et formes de violence

1- Définition

La violence correspond à tous les actes qui portent atteinte à l'intégrité physique ou psychologique
d'une chose ou d'un être, et, par extension, à tous les actes qui contrarient une spontanéité ou un
projet. La violence, c'est ce qui brise, fait mal ou met des obstacles.

2- Les différentes formes de violence

La violence verbale passe par les mots. Elle consiste à humilier l’autre par des messages de
mépris, d’intimidation ou des menaces d’agression physique. Elle peut se traduire par des
interdictions, du chantage, des ordres... Elle vise à créer un état de tension chez la victime et à la
maintenir dans un état de peur et d’insécurité. Elle blesse moralement la personne, plus ou moins
profondément.
La violence psychologique regroupe tout ce qui concerne l’humiliation. Plus diffuse que la
violence verbale, elle passe davantage par des attitudes. Elle a pour effet de dénigrer, de
dévaloriser et d’humilier une personne. Elle s’exprime parfois par une relation punitive qui
consiste à ignorer la présence de l’autre ou à refuser de communiquer. Cette forme de violence est
destructrice et ne se traduit pas toujours de manière verbale.
La violence physique atteint l’autre dans son intégrité corporelle. Elle peut prendre la forme de
violences légères (une bousculade…) ou de violences beaucoup plus graves, quand elle cause des
blessures physiques ou quand il s’agit d’atteintes sexuelles. Les atteintes sexuelles ont toujours un
retentissement psychique.
B-Les origines de la violence

1-La violence est inhérente à la nature humaine

Selon Thomas Hobbes (1588-1678), l’homme est par nature agressif et méchant. Il est porté par
essence à agresser, à vouloir détruire son prochain, à exercer une emprise sur lui. La raison est
que, selon Hobbes, pour tout homme, un autre homme est un concurrent avide comme lui de
puissance sous toutes ces formes. Cette puissance, cette concurrence, cette avidité et cette gloire
ont pour conséquence la défiance réciproque, la haine de l’autre, la guerre perpétuelle de chacun
contre tous. Hobbes écrit ainsi que «l’homme est un loup pour l’homme». Pour Hobbes donc
l’homme et foncièrement dangereux.

Pour Jean Jacques Rousseau (1772-1778), à l’état de nature l’homme est bon car vivant dans
l’insouciance, c’est la société qui le pervertit et le rend mauvais. Engloutir les autres, les désoler,
les égorger et finir par être l’unique maître de l’univers, telle est «la prétention sécrète du cœur de
tout homme civilisé» cf. Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes.

Pour Freud (1856-193) «l’homme doit porter au compte de ses données instinctives une bonne
somme d’agressivité». Ceci veut dire que l’homme est tenté par nature quelque soit le moment de
son évolution d’agresser son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagement, d’en faire un
objet sexuel sans son consentement, de confisquer ses biens et le tuer. Se fondant sur les
enseignements de la vie et de l’histoire, Freud estime que dès qu’une occasion se présente, cette
agressivité se manifeste spontanément. On comprend dès lors pourquoi il écrivait que «l’homme
n’est point cet être débonnaire au cœur assoiffé d’amour…». Cf. Malaise dans la civilisation.

En somme, l’homme est un être foncièrement mauvais, agressif, prêt à humilier et à détruire
l’autre telle est la nature humaine . Mais dans ce cas, l'homme ne serait pas violent par nature,
mais à cause de la vie sociale.

2-La violence est d’origine sociale

Si on doit admettre que toutes les sociétés se dotent des moyens de juguler la violence des
individus, néanmoins toutes les sociétés ne se ressemblent pas. Elles n'ont pas toutes les mêmes
règles morales, les mêmes mœurs, les mêmes institutions ni les mêmes lois. Par conséquent, elles
déterminent chacune à sa manière certains rapports d'une part entre les individus et d'autre part
entre les individus et les choses. Or, si toutes les formes sociales qui en résultent visent à leur
façon à contenir la violence des individus, il y en a un grand nombre parmi elles qui institue,
favorise ou tolère des rapports sociaux, juridiques, économiques et politiques qui ne sont pas
légitimes ou justes. Comment ne pas y voir une source de mécontentement, de révolte et donc de
violence ? Et, précisément, l'injustice, c'est-à-dire le fait que les uns possèdent sans l'avoir toujours
mérités ce que les autres auraient aussi ou davantage mérités d'avoir, est explicitement à l'origine
de bien des violences, dont le sens alors est ou bien de se venger ou bien de se réapproprier par la
force ce à quoi on a droit. La cause de la violence est donc dans la vie sociale : elle est provoquée
par les injustices sociales, économiques et politiques.

Cette thèse implique du coup que si la vie sociale est organisée en vue de contenir la violence des
individus, ce n'est pas celle due à leur agressivité naturelle qui est en cause, mais celle qui est
provoquée par les injustices. La paix civile serait alors, de manière contradictoire, à la fois mise en
péril et maintenue par l'ordre social et politique lui-même, et notamment par l'Etat.

Mais faire de l'injustice la cause de la violence pourrait dissimuler une cause beaucoup plus
profonde : la vie sociale elle-même, qu'elle soit organisée d'une manière juste ou non. C'est
précisément ce que soutient Rousseau, dans le Discours sur l'origine et les fondements de
l'inégalité parmi les hommes. Selon lui, la vie sociale, parce qu'on s'y compare, met en évidence et
amplifie des inégalités naturelles qui suscitent dès lors la vanité et le mépris chez les plus doués et
la honte et l'envie chez les autres. Autant de passions qui peuvent conduire à la violence. En outre,
dès lors qu'on reconnaît le droit de propriété, des inégalités de richesse apparaissent, ce qui
provoque des relations de domination ainsi que des violences entre des pauvres qui n'ont rien à
perdre et des riches qui veulent accroître leur fortune. C'est donc du côté de la vie sociale qu'il faut
trouver les causes de la violence humaine et non du côté de la nature humaine.

C'est d'ailleurs pourquoi, tandis que Rousseau incrimine les inégalités dans la genèse de conduites
violentes, il innocente la nature humaine. Selon lui en effet, l'homme est bon par nature. Qu'est-ce
qu'il entend par là ? Que l'homme, antérieurement à toute vie sociale, vit dans l'innocence, c'est-à-
dire dans l'ignorance du bien et du mal, l'absence de passion et de malice. Par nature, les actions
de l'homme ne sont animées que par deux sentiments : l'amour de soi, à distinguer de l'amour-
propre, qui lui fait faire ce qui concoure à sa préservation, et, la pitié, que Rousseau définit comme
l'aptitude à se mettre à la place de tout être sensible et qui le dissuade de toute violence. Ainsi, si la
vie sociale est à l'origine de la violence, c'est parce qu'elle est la cause d'une corruption de
l'homme qui en fait un être animé de passions qui le disposent à rechercher son profit au mépris ou
aux dépends des autres.

Ainsi, ce ne serait pas dans la nature humaine, mais du côté de la vie sociale qu'il faudrait situer la
cause de la violence.
C-La dimension ambivalente de la violence

La violence est-elle toujours négative ?

En vérité, la violence est ambiguë. Ce qui paraît condamnable sans retour, inconditionnellement,
c’est la violence nue, gratuite, qui bafoue la rationalité et la justice, en un mot l’éthique : « Réduite
à elle-même, la violence est une absurdité pure, désespoir de l’humain. Le légionnaire romain tue
Archimède ; le milicien nazi massacre le savant juif ou l’artiste non conformiste. La faiblesse de la
violence nue est si évidente qu’elle doute de soi : chaque régime de force cherche, par tous les
moyens, au besoin en se mystifiant lui-même, à s’autoriser le pire en se référant à une instance qui
le dépasse » Gusdorf, La vertu de la force

Que de crimes, en effet, aussi stupides que gratuits, n’ont été commis au nom de « Dieu », de « la
pureté de la race » ou du « sens de l’histoire », par exemple ? Mais ceci ne vaut que pour la
violence gratuite de masse, obligée, pour s’accepter, de recourir à des théories pitoyables (il suffit
par exemple de lire Mein Kampf - « Mon Combat »- d’Adolf Hitler pour être convaincu de la
pathétique faiblesse de raisonnement de telles doctrines).

Individuellement, la violence gratuite a bien du mal à s’ériger en système et se réduit à un


catalogue d’« excuses » lamentables : « J’avais envie » ; « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé » ; «
Je voulais m’amuser » ; "je ne savais pas" etc.

Cette violence-là, bien évidemment, est une offense à l’intelligence humaine et se révèle, dans
tous les sens du terme, injustifiable.

Néanmoins, la violence, justifiée celle-là (par la défense de certaines valeurs liées à la personne
humaine ou à la société) peut se révéler positive et constructive, voire rigoureusement
indispensable. Ainsi, les résistants qui, pendant la seconde guerre mondiale, faisaient sauter des
ponts ou des voies ferrées, mais également tuaient des hommes lorsqu’ils le jugeaient nécessaire,
nous ont-ils permis d’échapper au monstre hideux et inhumain de l’holocauste.

Sans doute n’existe-t-il pas de guerre « juste », mais il existe des guerres et des actes de violence
justifiables et conformes à des valeurs éthiques. Se taire et renoncer à la violence, dans ces cas-là,
relève d’une « liberté d’indifférence », nom pudique de la « collaboration passive », qui équivaut
purement et simplement à de la non-assistance à personne en danger.

A moins, évidemment, d’avoir l’envergure d’un Gandhi et de savoir changer le monde avec des
mots...

Le résultat malheureusement, est souvent plus qu’aléatoire. Socrate : condamné à boire la ciguë ;
Jésus, condamné à mort ; Gandhi : assassiné ; Martin Luther King : assassiné ; Salvador Allende,
bombardé ; Andreï Sakharov, 5 ans de Goulag et 20 d’assignation à résidence en Sibérie ;
Alexandre Soljenitsyne, 20 ans de goulag et exilé, Salman Rushdie : condamné à mort par la
Fatwa... la liste serait longue.

Bref, pour être efficace, il faut parfois savoir passer à la vitesse supérieure. Cependant, il ne faut
pas confondre la violence pure, gratuite et stupide, et « la violence en tant que moyen, parfois
nécessaire, d’une politique rationnelle » Raymond Aron, Histoire et dialectique.

Celle-là, décrite par Hegel dans sa Dialectique du maître et de l’esclave, est édificatrice et est à
l’origine de la conscience et de l’histoire humaine.

Enfin, dans la perspective Marxiste de la lutte des classes, on peut également parler d’une violence
révolutionnaire, accoucheuse de toute nouvelle société (Ex : la Révolution française).

La violence représente alors l’effort brutal et l’effet de contrainte inévitable de toute classe sociale
désireuse de s’émanciper, de se dégager d’un pouvoir révolu en détruisant des formes politiques
figées et mortes.

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