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CHAPITRE 3 : LA CONSCIENCE ET L’INCONSCIENT

Problématique : N’existe-il pas une autre instance que la conscience qui détermine
l’homme ? L’inconscient est-il un mythe ?

Objectifs pédagogique terminal : L’élève sera capable de déterminer les rapports de la


conscience et de l’inconscient dans le comportement du sujet.

Durée : 06 heures

INTRODUCTION :
De son étymologie latine cum (avec) et scire (savoir), la conscience est la connaissance claire
et distincte que l’homme a de lui-même, des actes qu’il pose et du monde dans lequel il est.
C’est par elle que l’homme se distingue de l’animal et qu’il se pose comme sujet. Depuis le
cogito de Descartes, une tradition philosophique désigné par « philosophie du sujet » qui
identifie l’homme à la conscience. Cependant, l’homme étant une entité psycho-somatique
c’est-à-dire qu’il est la fois esprit et corps, il ne saurait se réduire à sa seule dimension
psychologique. Portée par la psychanalyse de Sigmund Freud, l’inconscient vient montrer que
l’homme a une dimension qui lui échappe. Il revient donc de définir de manière urgente la
réalité humaine du point de vue psychologique. L’homme est-il seulement volonté, un être
pensant et maître de ses actes ? Est-il plutôt l’objet de divers déterminismes (biologique,
socioculturelle) ?

I. LA CONSCIENCE

L’homme est le seul animal doué de conscience. Dans ce sens la conscience prend l’extension
de raison. Sur le plan épistémologique, la conscience est l’intuition que nous avons de nous-
même et du monde. Celle-ci varie en fonction des circonstances et est toujours tournée vers
quelque chose. Selon Edmund Husserl : « la conscience n’est jamais état de conscience mais
toujours conscience de l’état »1 c’est-à-dire que la conscience n’est pas statique ou figée, elle
est dynamique : c’est l’intentionnalité de la conscience.

De même la conscience est sélective dans la mesure où elle intervient lorsqu’il y a une
difficulté, lorsque l’automatisme de l’habitude ne suffit plus. Dans ce sens Henri Bergson
déclare que « toute conscience est choix ».2

1
Méditations cartésiennes
2
En considérant également la conscience comme changement, la conscience a une relation avec le temps.
Bergson distingue le temps subjectif (durée) du temps objectif (horloge)

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Par ailleurs, les notions de mesure ne peuvent s’appliquer à la conscience. Ainsi, celle-ci ne
peut être quantifiable, on ne peut l’étudier scientifiquement.

1.1. Les différents types de conscience

La conscience est polymorphe. Nous pouvons distinguer

a- La conscience psychologique

Etre conscient ici signifie que le sujet à une connaissance immédiate de ses actes et de lui-
même. Il peut prendre ses états de conscience comme objet de conscience autrement dit il
peut faire un retour sur lui-même (introspection). Les facultés comme la mémoire,
l’intelligence, l’imagination, la volonté sont corolaire de la conscience psychologique. La
conscience permet ici de choisir et de se choisir. Elle implique donc la liberté et la
responsabilité.

b- La conscience morale

La conscience morale désigne la conscience en tant que juge intérieur de nos actes et
intentions. C’est la conscience du devoir au sens kantien. La réflexion philosophique soulève
le problème de son origine et sa valeur. Pour Jean-Jacques Rousseau, la conscience morale
est innée, c’est la marque de notre nature divine, c’est l’instinct divin. Il s’agit d’une
conception naturaliste de la conscience contre laquelle s’oppose Emile Durkheim (1858-
1917), pour qui la conscience est adventice. En effet, Emile Durkheim soutient que la
conscience morale est d’origine sociale, c’est une intériorisation des lois de la société. Dans
ce sens il déclare que « quand notre conscience parle, c’est la société qui parle en nous. »
cette théorie adventice de la conscience est également défendu par Thomas Hobbes (1588-
1679) pour qui l’homme serait un loup pour l’homme, la morale ne commencerait que là où
l’homme s’attache à un groupe.

Au-delà de ce débat sur l’origine de la conscience morale, celle-ci se manifeste par le


sentiment de honte, la pudeur, le regret, le remord et le contentement.

1.2. Conscience : vérité ou illusion

Notre conscience mieux que toute autre réalité est la seule instance à saisir ce que nous
sommes, pensons et sentons. Cependant lorsque nous essayons de la définir, elle devient
fugace. Ainsi loin d’être l’instance par de vérité par excellence comme le prétende les
philosophes du sujet (Descartes, Sartre, Pascal, Kant), les philosophes du soupçon (Marx,
Freud, Nietzche) voient en elle, la source d’illusion sur nous et sur le monde. En examinant
nos actions, on se rend compte que la conscience n’a pas une prise entière sur le corps.
Baruch Spinoza dira dans ce sens que « le corps, par les seules lois de la nature peut
beaucoup de choses dont l’esprit reste étonné. » Ainsi, nous n’avons pas toujours conscience
des lois qui nous déterminent à agir. C’est ce constat qui servira de base à la réflexion
psychanalytique de Sigmund Freud.

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II. L’INCONSCIENT
Jusqu’au 19ème siècle, on admettait que tout phénomène psychique relevait de la conscience,
en d’autres termes que l’homme était totalement maître de ses actes. Avec Freud, il s’établit
que certains mobiles de nos actions nous échappent. C’est ce qui faire dire à Freud que « le
moi n’est pas maître dans sa propre maison ». Ainsi, l’homme est mû par une autre instance
psychique : l’inconscient

André Lalande définit l’inconscient comme « ce qui s’applique aux faits qui peuvent
être scientifiquement étudiés en dehors de la conscience, parce que la conscience n’en
exprime qu’une partie minime. » C’est donc l’ensemble des phénomènes psychiques
dont la saisie et le contrôle nous échappe.

2.1. Manifestations et différents types d’inconscients

Les manifestations de l’inconscient sont multiformes. Nous avons, les actes manqués, les
rêves, les lapsi et l’oubli, les névroses: Freud remarque donc que : « le moi n’est pas
maitre dans sa propre maison », car tout lui échappe.

Parmi les types d’inconscient, on distingue :

- L’inconscient primitif ou physiologique

Il est héréditaire, biologique, inné et instinctif (battements de paupières, poussée de


cheveux, digestion, battements du cœur, les tendances affectives.)

- L’inconscient acquis

C’est la disparition de la conscience dans une habitude à l’origine consciente. (Reflexe dû


au travail à la chaine, conditionnement et apprentissage.) Roger Ebacher dira dans ce sens
que : « l’inconscient agit en nous sans nous et malgré nous ».

- L’inconscient collectif

Il est constitué par l’ensemble des mythes et des croyances communément admis et qui
constitue le socle commun de l’humanité.

2.2 FREUD et la psychanalyse.

Chez Sigmund Freud, l’inconscient n’est pas une simple spéculation philosophique.
L’inconscient est une véritable découverte scientifique qui permet de guérir les
maladies du système nerveux. Il constate que bien de maladies du trouble de
comportements sont dû aux disfonctionnements du mécanisme des représentations mentales
depuis l’enfance.

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2.3. Les contenus du psychisme humain

En effet, le psychisme humain contient une zone claire : la conscience (1/4) ; une zone
obscure l’inconscient (3/4). L’ensemble de l’espace psychique a essentiellement trois acteurs
qui s’interagissent et s’opposent quelques fois.

- Le « Moi » : c’est l’espace conscient, claire, et contient les phénomènes psychiques


dont le sujet a le contrôle. Il régule le comportement et rend compte de la certitude de
l’existence.

- Le « Sur-moi » : C’est l’ensemble des réalités qui s’impose à nous, des règles morales et
sociales intériorisées. Il tire sa source dans le refoulement moral et social, la censure des
actes indésirables par les interdits parentaux et sociaux.

- Le « ça » : Il est inconscient et résulte des désirs extrêmes du corps. C’est le siège


des pulsions sexuelles. Il s’oppose aux deux premiers et perturbe le moi. Le ça fait veut
s’imposer à travers des troubles de comportements symptomatiques de la sexualité. Le
« ça » représente la « libido » qui trouve des formes nouvelles de sa manifestation.

L’univers spirituel de l’homme n’a donc pas un maitre mais jusqu’à trois maitres qui le
tyrannise à la fois.

b- Psychanalyse et manifestations de l’inconscient.

2.4. Valeur de la psychanalyse de Freud.

Le mérite de Freud, c’est d’avoir prouvé que notre vie psychique déborde largement le
cadre de la conscience. Pour lui : « toute vie affective est marquée par des empreintes
inconscientes. » De plus, nous réalisons que comprendre l’homme c’est comprendre son
évolution depuis l’enfance. Freud distingue ainsi plusieurs stades

Le stade oral (0-2ans) : ici la zone érogène est la bouche, dominée par le plaisir de
succion. Censure : sevrage sinon, tentation de fumer-embrasser-sucreries.

Le stade sadico-anal (2-4ans) : c’est l’organe génital/anus avec le plaisir à déféquer et à


faire mal aux autres. Censure : propreté et hygiène sinon, brutalité-sadisme-sodomie et
homosexualité.

Le stade phallo-clitoridien (4-6ans) : Ici, où on éprouve le complexe d’œdipe. L’enfant


reste très attaché au parent de sexe opposé. Censure encadrement parental sinon, gérontophilie
-fils à Mama/fille à papa.

Le stade latence (6-8ans) : Ici l’enfant oubli tout et il s’attache à l’apprentissage. Censure:
l’éducation et cadre pour l’apprentissage. Sinon, frigidité et aridité sexuelle et faiblesse
sexuelle.

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Le stade génital (8-12ans) : Ici, on veut se servir de l’organe génital. Censure : éviter le tabou
et appliquer la morale familiale. Sinon, timidité et prédation sexuelle.

En fin de compte nous voyons que la vie adulte dépend de ces périodes et des troubles qui
perturbent l’existence subjective. C’est ce qui fait dire à Words Worth que « l’enfant
est le père de l’homme. » Alors, si la personnalité de l’enfant est négligée pendant son
évolution, c’est un homme perdu.

Au-delà de la dimension thérapeutique de la psychanalyse, elle démontre aussi que


l’homme est déterminé par les pulsions tensions sexuelles de son enfance. Ainsi, la
conséquence c’est que si l’homme n’est pas une conscience, il ne peut être entièrement
libre et responsable de sa conduite qui serait influencée par un malin génie : l’inconscient.
Car dit Alain (Emile Chartier) : « un autre moi me conduit qui me connait et que je ne connais
pas ».

III- LES LIMITES DE LA THESE DE L’INCONSCIENT.

La théorie freudienne de l’inconscient a connu une forte opposition et un scepticisme


de la part des rationalistes. Car pour eux, l’esprit humain est intégralement conscient. Freud
veut ramener l’homme au stade de la bête car sa théorie de l’inconscient montre que
l’homme n’est pas libre et responsable. St Exurpery s’inscrit en faux contre la théorie de
Freud lorsqu’il déclare que : « être homme c’est précisément être responsable ». De même
Jean-Paul Sartre partage cet avis en tant que philosophe de la liberté et de la responsabilité
humaine. Pour lui, « le Moi » est souverain et libre de ses choix. De plus, Il affirme qu’ « il
n’y a pour une conscience une façon d’exister c’est d’avoir conscience qu’elle existe. » Il
pense que le moi qui est la conscience est entièrement souverain, maitre de ses actes et de ses
désirs d’où son affirmation : « l’homme est ce qui se fait et ne sera que ce qu’il a choisi
d’être. » Il voit donc dans l’expression de l’inconscient, de l’hypocrisie, de la mauvaise
foi et de la duplicité pour fuir ses responsabilités. Dans ce sens il déclare que « tout homme
qui se réfugie derrière l’inconscient, tout homme qui se réfugie derrière l’excuse de ses
passions, tout homme qui invente un déterminisme est un homme de mauvaise foi. » Alain3
pour sa part soutient que l’inconscient est une absurdité car, on a l’impression qu’il y a
un autre moi qui agit à ma place. Or pour lui : « je veux ce que je pense…savoir c’est savoir
qu’on sait ».4 A partir de cela, il pense que «l’inconscient est un fantôme démobilisateur
comme l’hérédité » du passé on ne peut pas déterminer facilement l’avenir. De plus
Alain considère que « l’inconscient est une méprise sur le moi, c’est une idolâtrie du corps.»5
Enfin, Goblot condamne également l’inconscient en ces termes : « l’inconscient étant hors de
notre porté et loin de notre pensée, ne peut exister. »

3
Alain ou Emile Chartier
4
Dans le même sens André Malraux déclare que : « l’âme est ce qui refuse ce que voulait la bête en moi »
5
L’inconscient est une survalorisation du corps au détriment de la raison

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CONCLUSION :
A la question de savoir si l’homme n’est mû que par des mobiles conscients, nous pouvons
répondre par la négative. Certes la conscience n’est pas une illusion car l’homme se définit
d’abord par sa conscience, sa raison. Cependant, l’homme n’est pas un être entièrement
souverain comme l’on pensée les philosophes du sujet. Paul Valery dira dans ce sens que « la
conscience règne mais ne gouverne pas. » La psychanalyse a contribué à une meilleure
connaissance de l’homme en montrant que ce dernier est à la fois un être conscient et
inconscient. Enfin, comme le pense Hegel, l’homme étant un esprit est nécessairement
conscience de soi, sujet libre et transcendant. L’homme doit parvenir à transcender les
influences de l’enfance et du corps.

Questions d’évaluation :

- L’existence d’un inconscient psychique est-elle incompatible avec la liberté ?


- Que pensez-vous de cette affirmation de Karl Marx : « ce n’est pas la conscience des
hommes qui détermine la réalité, c’est au contraire, la réalité sociale qui détermine
leur conscience » ?
- Que pensez-vous de cette déclaration d’Alain : « La conscience est toujours
implicitement morale et l’immoralité consiste toujours à ne pas vouloir penser qu’on
pense et à ajourner le jugement intérieur. » ?
- Toute possibilité d’une connaissance de l’homme d’évanouie-t-elle à cause
de l’inconscient psychique ?

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