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L'inconscient échappe-t-il à toute forme de

connaissance ?

[Accroche] Nous avons tous une idée, même partielle, de qui nous sommes.
Nous connaissons nos goûts, nos préférences, nos désirs, nos habitudes et
tendances, nos principaux traits de caractère. Cette familiarité avec soi-même se
heurte cependant à une part d’ombre : en effet, d’où viennent ces préférences,
ces habitudes ? Pourquoi désirer ce que je désire ? L’origine de mes désirs et de
mes traits de personnalité, de mes actions et des mes réactions, m’est inconnue.
Je sais comment j’agis et ce que je préfère, mais je ne sais pas pourquoi. Il y aurait
ainsi, en moi, une part d’inconscient qui serait la source de mes désirs et
influencerait à mon insu mon comportement conscient. Ne sachant que de
moi-même ce qui est conscient, répété et visible, la connaissance que j’ai de
moi-même semble incomplète si elle exclut l’inconscient. Pour se connaître, il
faudrait pouvoir accéder à l’intégralité de son psychisme, or l’inconscient, par
nature, résiste se laisser atteindre.
[Reformulation] En ce sens, l’inconscient n’échappe-t-il pas à toute forme
de connaissance, autrement dit, peut-on prendre conscience de ce qui justement
se refuse à devenir conscient ?
[Problématique] Il faut reconnaître, cependant, que l’inconscient s’exprime
à travers certains comportements spécifiques, comme les névroses, ou les rêves.
Il y a aurait donc un accès potentiel à cette part cachée de moi-même, et la
psychanalyse revendique justement d’être une méthode pouvant nous dévoiler les
mystères de notre inconscient. En ce sens, l’inconscient n’est-il pas, par nature,
ce qui échappe à une prise de conscience, ou au contraire n’est-il pas possible de
connaître l’inconscient par l’analyse de sa présence de mon comportement ? Et si
l’inconscient est connaissable, et donc rendu accessible à la conscience, est-il
toujours l’inconscient ou au contraire n’est-il pas comme entièrement absorbé
par la conscience ?
I. Il serait possible de comprendre notre inconscient par l’analyse de notre esprit et de
notre comportement.
=> Freud nous propose une explication du fonctionnement du psychisme qui
nous fait connaître le mécanisme et les éléments centraux de l’inconscient
(refoulement, pulsion, ça/surmoi/moi).

=> Le psychanalyste peut m’aider, en analysant mon comportement conscient et


mes rêves, à mieux me comprendre, et à déceler des régularités, des tendances
que j’ignore.

=> Je peux aussi, par le biais de la sociologie et de la philosophie, comprendre


mon inconscient social, c’est-à-dire cerner ce qui dans mes comportements, mes
croyances et mes valeurs, reflète mon appartenance classe sociale (habitus) et
l’emprise sociale d’une idéologie dominante (l’idéologie).

Transition : la connaissance de l’inconscient social et psychique est toujours


limitée, indirecte et incomplète, et on peut interroger sa valeur.

II. Cependant, connaître et comprendre certains comportements n’est pas une


connaissance directe : il restera toujours quelque chose d’inatteignable.
=> Le diagnostic de mon psychanalyste est impossible à vérifier empiriquement :
il est donc hypothétique.

=> Par définition, je ne peux pas savoir ce que j’ignore : autrement dit, je ne peux
pas être conscient de ce dont je ne suis pas conscient. Je peux seulement et
indirectement reconnaître certains comportements particuliers et y déceler une
tendance.

=> la prise de conscience des déterminismes sociaux n’annule pas ces


déterminismes et ne me dit pas comment je suis personnellement affecté.

Transition : si cet accès prétendu à l’inconscient est si chancelant et incertain


dans ces résultats, cela ne vient-il pas aussi d’une incohérence propre à la notion
d’inconscient ? Ne faut-il pas dépasser cette notion, et rejeter l’idéal d’une
connaissance parfaite de soi ?
III. La notion d’inconscient est paradoxale et incohérente
=> L’inconscient est par nature ce qui résiste à la conscience : rendre conscient
l’inconscient, c’est le dissoudre, le faire disparaître. D’où trois possibilités :
l’inconscient existe et il est absolument inaccessible et inconnaissable ;
l’inconscient peut être connu et s’auto-détruit comme inconscient en devenant
conscient ; l’inconscient n’existe pas.

=> Nous avons une motivation irrationnelle à accepter le concept d’inconscient :


il nous donne une représentation déterministe du psychisme, et le déterminisme
nous libère du poids de nos responsabilités. Nous pouvons cependant remplacer
la théorie de l’inconscient par celle de la mauvaise foi, qui décrit sans
contradiction notre capacité au déni. La théorie de l’inconscient est elle-même
une excuse de mauvaise foi.

=> Même si l’inconscient est une fiction, la plus grande fiction serait celle d’une
connaissance parfaite de soi. Nous sommes le produit de circonstances
contingentes, et donc tout autant contingents. Ma situation sociale ne me définit
pas. La conscience de soi du sujet pensant est par nature un néant, une
non-adéquation, non-coïncidence à soi. Je ne peux donc jamais vraiment me
connaître, parce que ma condition est celle d’un décalage permanent par rapport
à moi-même (Sartre, Hume, etc).

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