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Henri Wallon,

une théorie originale de la conscience.

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Henri Wallon (1879-1962) est issu d’une famille
engagée politiquement. Il est le petit-fils d’Henri Wallon (1812-
1904), député, ministre, sénateur et « père de la 3ème
République ». A la fin de la seconde guerre mondiale, en 1944, il
se retrouve, à son tour, ministre de l’éducation dans le
gouvernement provisoire présidé par Charles De Gaulle, puis
sera ensuite élu député.

Henri Wallon est le fondateur du laboratoire de psychobiologie de


l’enfant et de la revue « Enfance ». Il est aussi à l’origine
d’une importante réforme du système éducatif avec Paul
Langevin. (De nombreux établissements scolaires portent son nom
ou ces deux noms). Il sera enfin nommé professeur au Collège de
France.

Il fera dans un premier temps des études de philosophie, puis dans


un second temps un cursus de médecine. Les premières lui
donneront à la fois l’importance du milieu, du social et des autres ;
les secondes du biologique. Sa définition de l’individu se résume
ainsi : c’est du biologique plongé, immergé dans du social. Nous

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avons déjà là un grand principe de la pensée wallonienne qui
fonctionnera toujours d’une manière couplée.

Le couple (ici formé par le social et le biologique) sera toujours


analysé en terme dialectique. Il refusera toujours le concept
d’orthogenèse (cher à Jean Piaget et Sigmund Freud) car, si le
biologique peut paraître relativement stable à l’échelle d’une ou
deux générations, le social lui est en perpétuelle transformation.
L’individu sera donc différent et sera condamné à évoluer,
p o s i t i v e m e n t , constamment.
Ainsi l’enfant de 2016 est différent de celui de 1925, car le milieu
dans lequel il évolue a considérablement changé en bien et n’est
plus le même.
La théorie d’ Henri Wallon est une théorie de la conscience. Il
souhaite montrer comment la conscience apparaît, se forme et
se construit au cours du développement de l’individu.
Le sens philosophique qu’il donne au développement est le
suivant : l’enfant est initialement un être social. Totalement
dépendant du milieu pour sa survie, l’enfant va progressivement s’
« individuer » et devenir un être autonome. Mais ce
développement n’est pas linéaire, il se fait par crises successives,
c’est-à-dire par ruptures d’un système couplé (soit A > B, soit B >
A, mais jamais A = B).

1. Une théorie de la conscience

Henri Wallon se demande d’où provient la conscience, c'est-à-dire


le psychisme ou la conscience de soi. Fidèle au matérialisme
dialectique il considère que la conscience de l’individu est une
émergence progressive de la matière en pleine transformation.
Il nous propose donc d’étudier la matière et d’y voir émerger les
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prémices d’un psychisme.
Qu’est-ce qu’un nouveau-né ? C’est, d’une manière lapidaire,
trois kilogrammes de matière en mouvement. Il va donc se livrer à
une analyse minutieuse des mouvements que fait le bébé dès la
naissance. Ceux-ci semblent pour lui se diriger dans deux
directions opposées : le tonus musculaire et le clonus musculaire.
Le tonus musculaire, premier aspect du mouvement, permet le
maintien des postures et des attitudes. Il s’enracine dans la
musculature lisse et les sensibilités intéroceptives (pondérales et
viscérales) et proprioceptives (sous cutanées) en assurent le
dosage et la fonction. Il exerce une force de type centripète,
centrée sur le corps propre, occupée à gérer le maintien postural.
Le second aspect du mouvement est le clonus musculaire qui se
traduit par un rallongement ou un raccourcissement de la
musculature striée. Il permet le déplacement du corps (la
locomotion) et celui des objets (la préhension) et les sensibilités
qui le gèrent sont extéroceptives (les 5 sens). Il exerce une force
de type centrifuge permettant d’établir des rapports entre l’individu
et son milieu. Nous avons là un second couple fonctionnel
(tonus/clonus) qui conformément à la dialectique wallonienne ne
sera jamais en équilibre c'est-à-dire : ou le tonus l’emporte sur le
clonus, ou c’est l’inverse, mais nous n’aurons jamais tonus =
clonus. Henri Wallon va observer dans ces mouvements opposés
les prémices du psychisme et de la conscience : le tonus,
centripète, va être en charge du développement de l’affectivité et
de la personne et le clonus, centrifuge, du développement de
la sociabilité et de l’intelligence. Nous observons ici que
contrairement à Jean Piaget (théorie du savoir) qui n’étudie que le
développement des processus cognitifs chez l’enfant, Henri Wallon
va étudier l’individu dans sa totalité (affectivité, personne,
sociabilité et intelligence). Ces quatre aspects sont toujours
présents à chaque moment du développement. Il y a simplement
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une loi de prépondérance fonctionnelle (Tonus>Clonus,

Clonus>Tonus) et une loi d’alternance fonctionnelle (si le tonus


domine en 1, c’est obligatoirement le clonus qui dominera en 2,
et ainsi de suite). Le développement de l’individu est donc pour
Wallon une succession d’alternances de prépondérances
fonctionnelles.

2. Les stades chez Henri Wallon.

Henri Wallon n’est pas le seul à avoir imaginé et construit des


stades de développement. Toutes les théories de la genèse de
l’individu ont recours à ce concept de stade. Ce qui va changer
c’est le sens philosophique, le nombre, les noms et les contenus.
Sigmund Freud, Jean Piaget, Arnold Gesell et Henri Wallon vont
chacun décliner le développement en ayant recours à ce concept
cardinal en psychologie. Le sens : exemple, pour Jean Piaget qui
étudie l’intelligence, l’enfant va d’un égocentrisme initial à une
socialisation. Henri Wallon montrera que l’enfant est d’abord
social et va s’autonomiser. Le nombre : exemple, pour Sigmund
Freud il y a 5 stades « obligés » et chez Arnold Gesell 24, etc.
Revenons aux stades de Henri Wallon. Ils vont se développer
de part et d’autre d’un axe de vie qui part d’une socialisation
syncrétique (le nouveau-né est social, pour des raisons vitales et
biologiques : il a besoin de son milieu pour exister et le
représentant le plus important en est sa mère) à une autonomie
et une individuation. De part et d’autre de cet axe les stades
vont se succéder en alternance de la naissance à l’âge de
seize ans, donnant ainsi l’impression d’un développement en
dents de scie. Il n’y a pas grand-chose de psychologique qui se
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passe avant la naissance pour Henri Wallon. Le biologique est le
plus important.

Le premier stade est appelé impulsif et émotionnel et couvre la


première année (impulsif 0-3 mois et émotionnel 3-12 mois). Il se
trouve du côté du tonus, ce qui veut dire que la
prépondérance est donnée au développement affectif et à la
personne.
Le terme impulsif est dû aux réflexes archaïques, sorte de
décharges motrices pures qui préfigurent, la maturation aidant,
des réponses qui deviendront émotionnelles.
L’émotion, pour Henri Wallon est d’origine tonique. Elle prend sa
source dans le tonus postural et sera la première forme de
communication du nouveau-né avec son entourage.

Social, dépendance, parasitisme radical.

Autonomie, individuation, identité.

Figure 33 : axe de vie et sens du développement chez Henri Wallon.

L’enfant est pour Henri Wallon une sorte de résonateur


musculaire qui vibre en phase avec le tonus émotionnel de la
mère qui est à cette époque la représentante principale du
milieu dans lequel il vit. Le nouveau-né pille et imite déjà le tonus
de son environnement immédiat. Il calque son tonus sur celui
de sa mère. Nous sommes ici en plein dans ce « dialogue
tonique » décrit par Julian De Ajuriaguerra1, qui va permettre la
construction des prémices de sa personnalité en s’enracinant

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Neuropsychiatre et psychanalyste, il succédera à Henri Wallon au collège de France. Il est,
bien que psychanalyste, le disciple et le continuateur de l’œuvre d’Henri Wallon. 6
dans le modèle émotionnel maternel. Et vers la fin de la
première année, le stade émotionnel se modifie
progressivement : le tonus s’efface pour permettre à l’activité
clonique de prendre le dessus et l’apparition de la marche en est
le signe majeur.

Le second stade, appelé Sensori-moteur et Projectif commence


donc au début de la seconde année. Il s’agit d’un stade
Centrifuge, c'est-à-dire qui donne le prima du clonus cinétique au
développement.
CENTRIPETE
Tonus musculaire Sensibilités: maintien postures &
attitudes
intéro et proprioceptives

Clonus musculaire Sensibilités Déplacement du corps :


locomotion. Extéroceptives Déplacements des objets :
Préhension.

CENTRIPETE

Figure 34 : Répartition du tonus (centripète) et du clonus (centrifuge) de part


et d’autre de l’axe de vie.

Autrement dit c’est la sociabilité et l’intelligence qui vont se


développer en importance. Mais nous n’aurons jamais chez H.
Wallon de stades purement sociaux ou intellectuels, pas plus que
de stades affectifs et centrés sur le développement de la
personne : ces quatre aspects de ce qui forment l’individu sont
toujours présents ensemble mais sont soumis à la loi de
l’alternance de prépondérance fonctionnelle. Ce second stade est
lui aussi divisé en deux demi stades : la partie sensori-motrice (12
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à 18 mois) et la partie Projective (18 à 36 mois)
Les progrès entre 12 et 18 mois sont d’ordre social et
intellectuel. En effet, l’évolution psychomotrice permet à l’enfant
d’aller ou de ne pas aller volontairement vers autrui grâce à la
marche. Cette locomotion lui permet d’investir aussi l’espace
environnant et les objets qui le composent. A partir de 18 mois,
l’apparition de la fonction sémiotique lui permet de développer
l’intelligence et ses représentations.

CENTRIPETE

TONUS MUSCULAIRE STADE 1


Sensibilités intéro et IMPULSIF (0-3 mois)
Proprioceptives puis
Maintien des postures EMOTIONNEL (3-12 MOIS)
et des attitudes

TONUS POSTURAL

CLONUS MUSCULAIRE
Sensibilités extéroceptives
Déplacements du corps et
Des objets (locomotion et
Préhension)

CLONUS CINETIQUE STADE 2


SENSORI MOTEUR (12 – 18 mois)
CENTRIFUGE puis
PROJECTIF (18 – 36 MOIS)

Figure 35 : Alternance de prépondérance fonctionnelle entre le premier et le


second stade.

Le troisième stade (le personnalisme) commence à trois ans. Il


réinvestit le tonus postural et reste centré sur le
développement de l’affectivité et de la personne. C’est ici que
la conscience de soi se consolide. Elle est le résultat de la
convergence de deux couples fondamentaux : la conscience
d’autrui qui précède, prépare et permet la conscience de soi et la
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conscience du corps qui permet, en la précédant, la conscience
de soi.

Le personnalisme montre que l’enfant passe par des phases


d’imitation des modèles adultes aimés et une phase
d’opposition très importante pour la construction de soi, de ces
mêmes modèles. Le langage qui passe du « il » au « je » traduit
cette affirmation de la conscience de soi.

Le stade catégoriel est le quatrième stade. L’intelligence (c’est l’âge


universel de la scolarité obligatoire : 6 ans) et les relations sociales
sont les aspects dominants de cette période qui va jusqu’à douze
ans. Ce stade rebascule du côté du clonus cinétique et les
catégories opératoires qui se développent ici sont fondées sur le
couple.

Figure 36 : Les cinq stades du développement.

5. Stade de
3. Stade du l’Adolescence
Personnalisme
1. Stade
T Impulsif
et Emotionnel

2. Stade Sensori moteur


et Projectif
4. Stade Catégoriel

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Le premier couple opératoire est la tautologie (A=A). Si l’on
demande à l’enfant ce qu’est la pluie, il répondra : la pluie c’est de la
pluie.
Puis le couple dépasse la tautologie (A=A) par, la pluie c’est du vent,
par exemple, (A=B). Enfin le dépassement du couple est la série,
etc.
Et les mécanismes d’identification de la conscience évoluent et le
groupes (les copains) sont investis : la vie sociale est à son apogée.

A partir de la puberté (obligation biologique de l’espèce), on


change à nouveau de prépondérance. Le tonus postural reprend
le dessus : C’est le stade de l’adolescence (résultat de processus
sociaux) ultime étape de la construction de la conscience de soi
et qui va de douze à seize ans. Elle est ponctuée par des crises
identitaires importantes (crises d’adolescence) nécessaires pour
devenir adulte. Tout se passe comme si l’adolescent pour devenir
adulte passait par une phase d’opposition (seconde crise après
celle du personnalisme) à l’adulte pour enfin devenir conforme à
celui-ci. On y retrouve aussi la problématique de l’image et de la
conscience du corps (transformations staturales énormes), de
l’imitation et de l’identification à de nouveaux modèles héroïques
(acteurs, chanteurs, etc.) et de l’opposition quasi systématique.
Cependant cette seconde crise d’opposition fait tache d’huile ne
se limitant plus aux parents mais semble remettre en cause toute
la société. Ce stade marque pour Henri Wallon l’achèvement de
la conscience de soi qui est maintenant temporelle : l’adolescent
devient capable de se projeter dans le futur.

En résumé, le développement de l’individu pour Henri Wallon est


ponctué de crises de croissance (rupture de l’homéostasie ou

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entropie) nécessaires à la construction de l’affectivité, de la
personne, de l’intelligence et de la sociabilité. Il semble toutefois
que Henri Wallon soit plus intéressé par les aspects relevant de la
fonction « tonico-posturale » que ceux relevant du « clonico-
cinétique » : en effet trois stades sont consacrés aux prémices de
la conscience de soi (émotionnel), à son apparition
(personnalisme) et à son achèvement (adolescence) alors que
deux seulement semblent nécessaires à la formation de
l’intelligence et de la sociabilité.

3. l’image spéculaire

Cas particulier de l’étude et de la théorie de la conscience de soi


chez Henri Wallon, l’image spéculaire (l’image de soi dans un
miroir) est exemplaire de sa démarche intellectuelle. Le dispositif
est très simple : un enfant et un miroir sont suffisants. Exemplaire
car il répond point par point à la dialectique de la genèse de la
conscience de soi.
Tout d’abord nous, adultes, savons que les mouvements du
l’image dans un miroir sont tributaires des mouvements du
modèle :

Si je bouge l’image va bouger en même temps. Nous savons


aussi que l’image d’un miroir est une image inversée par rapport
au modèle. L’image de ma main droite est du même côté de
l’hémi plan que ma vraie main. L’enfant va devoir faire toutes ses
expériences pour s’approprier son image du corps.
Devant le miroir, l’enfant est le modèle. Il s’enracine donc dans
des sensations de types intéroceptives et proprioceptives qui
relèvent donc d’une activité « tonico-posturale ».

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En face de lui, c’est-à-dire dans le miroir, il voit une image
(visuelle = extéroceptive) qui relève donc de l’activité « clonico-
cinétique ». Si Henri Wallon a raison, l’enfant va d’abord voir dans
le miroir en face de lui un autre enfant différent de lui-même
(La conscience de l’autre précède la conscience de soi). Comment
va-t-il progressivement s’approprier cette image pour la faire
sienne ?
Vingt sept mois sont nécessaires pour qu’il comprenne que cette
image visuelle est bien la sienne. Autrement dit l’appropriation de
l’image spéculaire (qui passe par la conscience somatique de lui-
même consubstantielle de celle de l’autre) lui permet de prendre
conscience psychologiquement de lui et entrer ainsi dans le stade
du personnalisme (conscience objective de soi).
L’appropriation de l’image spéculaire se fait par une succession
d’étapes qui suivent les stades du développement.
A trois mois les réactions du nourrisson devant le miroir sont
indiscutablement des réactions sociales. L’image est donc bien
celle d’un autre.
A huit mois apparaît le retournement. Le dispositif est le
suivant : un adulte se tient derrière le bébé en restant silencieux.
L’enfant voit dans le miroir deux choses : un autre bébé (son
image) et un adulte. Puis l’adulte fait du bruit : le bébé se retourne
vers la source sonore et voit l’adulte. Et dans le miroir, l’adulte ne
sera plus qu’une image. Dès que l’enfant verra par la suite quelque
chose dans le miroir (une personne, un objet, etc.), il se retournera
systématiquement. Il y a généralisation du processus en même
temps qu’il y a un décalage (un conflit, donc un déséquilibre). En
effet l’image de l’enfant reste toujours celle d’un autre enfant alors
que celle de l’adulte n’est qu’une image renvoyant à un autre.
Vers douze mois nous assistons à une première expérimentation
active : l’enfant se déplace vers le miroir, joue avec l’autre qui s’y
trouve et ne réussissant pas à le toucher et l’attraper va voir
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derrière le miroir.

A dix huit mois, en prenant simplement l’enfant sur ses genoux


devant le miroir, l’adulte va angoisser l’enfant jusqu’à le faire
pleurer. Pourquoi ? L’enfant sait dans son tonus musculaire qu’il
est sur les genoux du même adulte. Il y a conflit entre le
proprioceptif (tonus) et l’extéroceptif (vision) d’où l’apparition de
l’angoisse.

Vers vingt deux mois, c’est une seconde phase d’expérimentation


active qui apparaît.

L’enfant va tester l’autre dans l’image, le prendre en défaut. Il va


suspendre ses propres mouvements pour voir ce que fait l’autre.
Il va ainsi comprendre que l’autre est tributaire du miroir et n’existe
que dans la glace et cet autre devient un autre privilégié car
toujours le même.

A vingt cinq mois commence une phase d’évitement de l’image qui


est dans le miroir. L’enfant se bloque, ne joue plus avec l’autre,
n’ose plus le regarder. Henri Wallon pense que c’est le résultat
d’un conflit perceptif entre les éléments en faveur d’un autre et les
indices aussi nombreux en faveur de soi.

Vers vingt sept mois enfin, c’est l’appropriation de l’image


spéculaire sous forme d’ « insight ». Il jubile narcissiquement parce
qu’il sait maintenant que l’image est celle de lui. Il va aussi
s’appeler par son prénom.

A partir de là l’enfant va sembler régresser devant la glace : il


devient maladroit et gauche. Mais cette maladresse apparente est

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la traduction d’un énorme progrès : il est devenu capable de réunir
les informations d’origine toniques et cloniques. Autrement dit, il se
sert maintenant de la vision pour ajuster sa motricité, et comme
l’image est inversée par rapport à l’hémi plan, il cafouille. C’est
comme si nous adultes nous nous servions des informations
visuelles pour nous raser ou nous maquiller. La vision n’est plus
que le support des informations kinesthésiques.

René Zazzo, élève d’Henri Wallon, travaillera sur les jumeaux


(couple) et notamment sur leurs réactions devant le miroir. Il
montrera que ceux-ci mettent plus de temps que les autres enfants
pour s’approprier l’image spéculaire (1960). Ils sont perturbés par
leur double gémellaire et donc victimes plus longtemps de cette
illusion. De la même manière, les jumeaux ont un retard dans
l’acquisition du langage parlé (6 mois en moyenne), car ceux-ci
peuvent utiliser (50% d’entre eux) un langage qui leur est
personnel : la cryptophasie gémellaire. C’est une sorte de langage
secret (jargon incompréhensible par toute la famille et autrui) qu’ils
s’inventent1 pour pouvoir communiquer entre eux.

Enfin les Gardner (1969) ont travaillé en utilisant l’ameslan


(American sign language = langage des signes américains pour
sourds muets) sur les réponses des chimpanzés à leur image
spéculaire. Ils ont montré que ces singes adultes s’appropriaient
immédiatement leur image dans le miroir2.

1
La cryptophasie gémellaire est une notion développée par René Zazzo. Yves Lebrun,
cryptophasie gémellaire et retard de langage chez les jumeaux, Enfance, 1982, 35/3, pages 101
à 108. (La cryptophasie peut apparaître exceptionnellement chez des couples très fusionnels : il
s’agit alors d’idioglossie ou de langues dites indépendantes).
2
Tous les primates ne se reconnaissent pas dans le miroir : le gorille, par exemple, et Koko
semble bien être une exception. Les bonobos, les chimpanzés, les ourangs-outans réussissent
l’expérience de l’image spéculaire (Eugene Linden, Ces singes qui parlent, Paris, Seuil,
1979).L’éléphant d’Asie se reconnaît lui aussi dans le miroir (Self-recognition in an Asian
elephant by Joshua M. Plotnik, Frans B. M. de Waal and Diana Reiss, PNAS published online
Oct 30, 2006) ainsi que les raies manta (Journal of ethology, May 2016, Volume
34, Issue 2, pp 167–174, Ari Csilla. & D’Agostino Dominic “Contingency checking and self-
directed behaviors in giant manta rays: Do elasmobranchs have self-awareness?”). Les chiens
et les chats ne semblent pas réussir l’épreuve du miroir, par contre la pie, le choucas et le
corbeau se reconnaissent parfaitement. 14
ENFANT MIROIR

Modèle Image

Tonus postural Clonus cinétique

Enfant voit d’abord Un autre

Puis va, par étapes


successives,
comprendre que cet
autre c’est :

Lui (tonique) Lui (visuel)

l’enfant et le miroir ne font plus qu’un


Figure 37 : Le dispositif théorique du miroir.

La reconnaissance (appropriation)
se fait quand les sensations
intéroceptives (tonus) et
proprioceptives (clonus) convergent

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Œuvres choisies d’Henri Wallon

Délire de persécution. Le délire chronique à base d’interprétation,


Paris, Baillière, 1909.

La Conscience et la vie subconsciente in G. Dumas, Nouveau traité


de psychologie, Paris, PUF, 1920-1921.

L' Enfant turbulent, Paris, Alcan, 1925, réédition, PUF, Quadrige,


Paris, 1984.

Psychologie pathologique, Paris, Alcan, 1926.

Les Origines du caractère chez l'enfant. Les préludes du


sentiment de personnalité, Paris, Boivin, 1934 ; réédition, Paris,
PUF, Quadrige, 2002.

La Vie mentale, Paris, Éditions sociales, 1938 ; réédition 1982.

L’Évolution psychologique de l'enfant, Paris, Armand Colin, 1941,


réédition 2002.

De l'acte à la pensée, Paris, Flammarion, 1942 ; réédition 1970.

Les Origines de la pensée chez l'enfant, Paris, PUF, 1945 ;


réédition 1963.

Principes de psychologie appliquée, Paris, Armand Colin, 1938.

Niveaux de fluctuation du moi, Paris, 1956, in l'Évolution


psychiatrique, p. 607 à 617, octobre décembre 2007.

Présentés par Emile Jalley et Liliane Maury, Ecrits de 1926 à


1961 - Psychologie et dialectique, Paris, Messidor, 1990.

La vie Mentale, tome VIII de L’encyclopédie Française, sous la


direction d’Henri Wallon, Paris, Edition Larousse, 1938.

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Hommages à Henri Wallon

Hommage à Henri WALLON, Paris, L'Évolution psychiatrique,


Centre d'éditions psychiatriques, t. XXVII, numéro 1, janvier-mars
1962.

In Memoriam: Henri Wallon (1879-1962), Paris, Revue Française de


Sociologie, vol. 4, numéro 1, janvier mars 1963, p. 11.

Lecture d'Henri Wallon, choix de textes. Introduction de Hélène


Gratiot Alphandéry, Paris, Éditions sociales, 1976.

René Zazzo, Psychologie et marxisme ; la vie et l’œuvre d’Henri


Wallon. Paris, Denoël Gonthier, 1975.

René Zazzo, Le problème de l’autre dans la psychologie d’Henri


Wallon, in Vers l’Education nouvelle, N° spécial, « hommage à Henri
Wallon, 1964, pages 73-79.

Émile Jalley, « Wallon lecteur de Sigmund Freud et Jean Piaget.


Trois études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse »,
Paris, Éditions La Dispute, Collection Terrains, 1981,

Émile Jalley, « Wallon : La vie mentale », Paris, Éditions sociales,


1982.

Émile Jalley, « Freud, Wallon, Lacan. L'Enfant au miroir », Paris,


Éditions EPEL, 1998.

Monette Martinet, théorie des émotions. Introduction à l’œuvre


d’Henri Wallon, Paris, Aubier Montaigne, 1972.

Philippe Melrieu, Sous la direction de, Hommage à Henri Wallon, pour


le centenaire de sa naissance, Toulouse, Université de Toulouse II Le
Mirail, (aujourd’hui Université Jean Jaurès).1981.

Serge Nicolas, Henri Wallon (1879-1962) au Collège de France.


Paris, Bulletin de psychologie, 2003, vol. 56, numéro 463, 105-119.

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