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La conscience et l'inconscient

La psychologie est une étude destinée à explorer l'intérieur de l'être


humain. Depuis Socrate qui a invité l'homme à se connaître : « Connais-toi
toi-même », jusqu'à nos jours, la connaissance de soi reste un sujet de débat
entre les psychologues.
Au fait, la psychologie classique, qui était en vogue avant le vingtième
siècle, ne voit dans la personne humaine qu'une capacité consciente de se
connaître et connaître le monde extérieur.
En revanche, la psychologie moderne, celle de Freud et de ses
successeurs, insiste sur le terme de l'inconscient en vue de promouvoir une
connaissance profonde de ce Moi intérieur.
Suite à cette affirmation historique, l’auteur de la citation ci-dessus
défend l’idée d’une conscience psychologique annonçant par-là son
appartenance à la psychologie classique (ou bien soutient le concept
d’inconscient psychique soutenu par la psychologie moderne).
Devant ce conflit, nous pouvons poser plusieurs problématiques :
Comment peut-on comprendre la personnalité de l’homme ? Ou bien quelle
est la réalité de notre vie psychique ? Est-ce qu’elle est totalement basée sur
la conscience ? Ou bien est-elle entièrement fondée sur l’inconscient et
constituée de désirs refoulés ?

La psychologie classique ou bien la conscience


La conscience est l’objet de la psychologie dite classique suivant
laquelle « tout ce qui est conscient est psychologique et tout ce qui n’est pas
conscient est physiologique ». C’est dans ce sens que W. James, philosophe
américain du début du 20ème siècle, définissait la psychologie comme « étant
la description et l’explication des états de conscience en tant qu’états de
conscience ».
En effet, être conscient, c’est avoir le sentiment de son existence, se
sentir, être présent à soi et au monde environnant, vivre dans ce monde
spontanément d’abord et le réfléchir ensuite…C’est aussi se diriger vers
l’autre et être en rapport avec lui…
Pour étudier la conscience, la psychologie classique pratiquait
l’introspection qui est la rentrée de la conscience en elle-même pour se
contempler de l’intérieur. En d’autres termes, par l’introspection, le Je étudie
le Moi, pour cela on a appelé la psychologie classique « Psychologie en
première personne » car le Je, la première personne étudie le Moi, première
personne aussi.

Parmi les philosophes classiques qui adoptaient cette psychologie, on a


Descartes, 17ème siècle. Ce grand philosophe disait que seule la conscience
est l’objet de la psychologie. Pour lui, la conscience, c’est la « Pensée
pensante » et tout ce qui ne relève pas de la pensée pensante n’est pas
conscient et, par suite, n’est pas objet de la psychologie mais de la physiologie
mécanique comme les émotions, les passions, les désirs…Son cogito traduit
bien cette pensée : « Je pense, donc je suis ».

Selon Bergson, la conscience est une fonction au service de l’action. Il


y voit une sélection et une projection. En effet, pour lui, la conscience est un
choix incessant de souvenirs et de projections de ces souvenirs sur les
perceptions actuelles (On reconnaît le présent en l’assimilant à ce qui a été
déjà perçu). La conscience est donc une fonction utile à l’action. Agir, c’est
être au présent et au réel avec toute sa conscience, c’est-à-dire avec tous ses
souvenirs utiles.

Selon Pierre Janet, la conscience est une activité de synthèse. Pour


Janet, nous pouvons comprendre ce que nous entendons, lisons ou
percevons…grâce à notre conscience. Mais cette capacité de synthèse s’avère
parfois difficile et même impossible. Il serait difficile lors d’une grande
fatigue : c’est un cas normal. Mais il serait impossible suite à une maladie
mentale, l’hystérie par exemple. Dans cette maladie, le patient perd totalement
sa tension psychique ou son self-control…Janet, ayant étudié ces cas
pathologiques, a conclu que l’inconscience est la « chute de la tension
psychologique » ou la perte de la capacité synthétisante de la conscience.

Selon les phénoménologues, la conscience est une « intentionnalité »,


l’expression de Husserl. Elle signifie que la conscience en soi, étudiée pour
elle-même, est un non-sens, car ce qui est essentiel c’est le rapport de la
conscience au monde. « Toute conscience est conscience de quelque chose ».
Selon Sartre, la conscience est un acte par lequel nous visons l’objet,
et comme il y a différentes manières de le viser, il faut parler de « types de
conscience » : conscience percevante, conscience imageante, conscience
désirante…Le monde est alors un ensemble de significations et la conscience
est l’opération active de signification. Pour Sartre, très cartésien sur ce point,
refuse l’inconscient psychique et affirme, sans ambages : « Il n’y a pour une
conscience qu’une façon d’exister c’est d’avoir conscience qu’elle existe ».
De là, nous pouvons conclure que la conscience est une réalité
immatérielle, elle est réelle, même si elle n'est pas concrète, donc la
conscience est une faculté. Elle n'est pas un organe, ni un objet, ni une lumière,
ni un instrument, ni un état. Elle est tout simplement un acte.

Critique de la conscience
La conscience est un pouvoir comme tout pouvoir, c'est-à-dire, une
arme à double tranchant : elle peut être une capacité qui trace les valeurs
spirituelles et sublimes : Le Beau, Le Vrai et Le Bien…comme elle peut
dérouter toute notre vie en rendant les objets qui nous entourent des objets de
conflit.
En tout cas, la méthode introspective en première personne de la
psychologie classique manque d'objectivité et ne peut être valable chez toutes
les personnes et dans tous les cas : personnes malades, les enfants, névrosés…
N’oublions pas que la conscience est incapable de cerner toutes les
dimensions de la personnalité humaines (cas pathologiques, déséquilibre de
la personnalité…). Et, si l’acte conscient est précisément un acte
psychologique, ceci ne signifie pas que tout acte psychologique est un acte
conscient, sachant qu’il peut devenir conscient.

Pour toutes ces raisons, les psychologues ont essayé de remplacer la


psychologie classique par une autre méthode plus objective : c'est la méthode
en troisième personne, basée sur la découverte de l’inconscient.

La psychologie moderne ou l'inconscient


La psychologie moderne, qui a commencé avec Sigmund Freud, s’est
basée sur l’inconscient dans l’étude de la personnalité de l’Homme.
En effet, la prise de conscience n'est pas totale pour tenir compte à la
fois de nous-mêmes et de tout ce qui est dans le monde. On est capable, à un
moment donné, de prendre conscience seulement d'une chose ou d'un nombre
réduit de choses, et nous sommes inconscients par rapport aux autres.
Il faut signaler que l'inconscient est différent de l'inconscience dont a
parlé Janet et qui est une chute de la tension psychologique. En effet, si
l'inconscient psychique peut coexister avec la conscience, l'inconscience n'est
que la négation de la conscience.
Pour que la notion d'inconscient psychique soit possible, on est obligé
de réfuter l'ancienne définition de la psychologie en première personne pour
adopter celle de la psychologie en troisième personne : la psychologie est
l'étude du comportement, or un comportement peut être conscient ou
inconscient et la notion d'inconscient psychique n'est plus contradictoire.
Dans l’inconscient psychique, le sujet se trouve pleinement conscient
de ses comportements mais non de leur signification profonde. Alors que cette
même signification apparaît clairement à un autre : « Je suis conscient, par
exemple, d’avoir oublié un rendez-vous, mais je ne sais pas pourquoi ! »,
« Parce que vous détestez la personne que vous vouliez rencontrer ! », dirait
mon ami. L’inconscient, en ce sens, n’est pas opposé à la conscience ; il est
plutôt le vrai mobile d’un comportement, un mobile caché mais susceptible
d’être découvert. Il est, selon Freud, un grand cercle entourant un petit cercle
qui représenterait le conscient ou bien c’est la signification profonde d’un
comportement qui déborde la conscience.

La découverte de l'inconscient revient au père de la psychologie


moderne Sigmund Freud, créateur de la psychanalyse. Freud minimise le rôle
de la conscience et lui accorde une place très modeste, et distingue deux
formes de l'inconscient : L'inconscient normal et l'inconscient pathologique
qui est considéré comme pathogène, vu que les représentations trouvent une
grande difficulté d'apparaître au niveau de la conscience. Elles sont refoulées.

Freud divise le psychisme en deux : le monde inconscient et le monde


conscient :

Le monde inconscient
L'inconscient représente l'ensemble des faits psychiques qui ne peuvent
apparaître dans le champ de la conscience, mais qui déterminent de
nombreuses modifications de nos conduites. L'inconscient selon Freud
comprend le Surmoi et le Ça.
- Le Surmoi
Cette partie inconsciente comprend toutes les interdictions parentales,
familiales, religieuses, morales entassées pendant l’enfance…Donc, le
Surmoi représente le juge qui commande, qui interdit, qui défend, qui
conseille, qui refuse la déroute…

- Le Ça
Le Ça constitue tous les instincts refoulés, toutes les tendances, les
désirs insistants, les souhaits difficilement réalisables à l'heure présente. En
bref, nous refoulons, dans le Ça, ce que nous n'avons pas osé avouer en pleine
réalité.

Le monde conscient
Il correspond à cette capacité de synthèse qui permet d'organiser de
façon continue le plan de notre existence. Freud le nomme le Moi.
En effet, le Surmoi exerce une force normale sur le Moi pour
l'empêcher de céder à l'ordre du Ça. Tout de même, le Ça exerce en même
temps sur le Moi une force contradictoire à celle du Surmoi afin que le Moi
cède à la réalisation des désirs refoulés. Vivre dans cette situation, le Moi
éprouve un manque d'équilibre.
Mais pour laisser une place à un Moi associé, c'est l'esprit harmonieux,
muni de synthèse, qui intervient pour étudier le conflit entre ces deux forces
inconscientes. Ce Moi répond à ses besoins, désirs et tendances sans en être
esclave ; il se sert de sa raison qui contrôle et qui guide sans effacer l'affection.

Freud a prouvé l'existence de l'inconscient psychique à l'aide des


arguments suivants :
a) Le lapsus : est le fait de placer un mot inconsciemment à la place d'un
autre. Le lapsus est un phénomène significatif pour le psychanalyste, car il
traduit spontanément une réalité qui hante le sujet en question. Notons que le
lapsus peut se faire soit en parlant, soit en écrivant. Ce mot glissé par erreur
serait d'après Freud, celui inconsciemment on aurait désiré dire.
b) Les actes manqués : Il s'agit d'échouer par hasard à une affaire
quotidienne, habituelle ou familière. En effet, la perte agaçante d'objets, les
maladresses, jouer machinalement avec les doigts, fredonner des
mélodies…ne sont pas si dépourvus d'importance, c'est par ces gestes ou actes
que l'homme trahit le plus souvent ses secrets les plus intimes.
c) L'oubli : avec Freud, l'oubli n'est plus un phénomène passif, par contre il
est actif et fonctionnel. L'oubli d'un rendez-vous, par exemple, peut indiquer
une hostilité inconsciente.
d) Le rêve : Le rêve aux yeux de Freud ne fait que dégager la personnalité,
tout ce qui vient ne fait qu'extérioriser inconsciemment mes sentiments, mes
besoins, mes souhaits, mes penchants, mes malheurs… Mais cette révélation
ne se fait que d'une manière déguisée. Par le rêve, nous essayons de réaliser
fictivement ce que nous n'avons pas pu réaliser en pleine réalité.

Pour explorer l’inconscient, Freud a commencé sa carrière par


l'hypnotisme qui consiste à obtenir des révélations importantes et ignorées à
l'état conscient.
Vu que la patient était dominé par l'hypnotiseur et dépourvu de toute
liberté d'agir, l'hypnose n'était pas toujours efficace ; preuve en est, les
symptômes disparaissaient pour un certain moment, puis réapparaissaient plus
tard. Freud a donc substitué à la technique brutale de l'hypnose, la méthode
psychanalytique de l'exploration de l'inconscient du patient sans être endormi,
c'est l'association libre.
La psychanalyse est donc une technique d'investigation psychologique,
caractérisée par la recherche des tendances refoulées dans l'inconscient et
organisées en complexes, et visant à rendre conscient ce qui est inconscient.

À travers cette psychanalyse, Freud a accordé une importance directe à


la famille, première éducatrice naturelle, car elle est efficace, utile dans la
manipulation, la formation des traits caractériels qui déterminent la
personnalité à un moment donné du futur.
Avec la psychanalyse, le sujet de la sexualité, sujet tabou de la
psychologie classique, est traité de façon très naturelle. Freud affirme que le
désir sexuel ou libido est satisfait dès la naissance et passe par les stades
suivants :
- Le stade oral (0 à 2 ans) : où le nourrisson satisfait son désir sexuel par la
succion.
- Le stade anal (2 à 4 ans) : où l'enfant ressent le plaisir à retenir ou à expulser
les excréments.
- Le stade phallique (4 à 6 ans) : où le plaisir est lié au pénis chez le garçon et
au clitoris chez la fille.
- La période de latence (6 à la puberté) : dans ce stade, toute sexualité disparaît
laissant place à la curiosité intellectuelle.
- La puberté : qui est considérée comme le vrai stade génital.
Ces stades, affirme Freud, dirigent la formation ou la déformation de
notre personnalité et notre communication avec les autres.

La psychanalyse découvre aussi du complexe d’Œdipe, inspiré de la


tragédie grecque de Sophocle : Œdipe tue son père et épouse sa mère. Freud
dit que c'est l'histoire de chacun de nous. Aussi, tout enfant âgé de trois à cinq
ans éprouve un désir agressif envers le parent de même sexe, et ressent de
l'affection pour le parent du sexe opposé. Le garçon s'identifiera à son père,
considéré comme un rival, et la fille à sa mère, qu'ils chercheront à imiter
comme modèles.

Critique de l’inconscient
Certainement, l’inconscient joue un rôle très important dans le
psychisme de l’homme, surtout lorsque le psychisme est malade. En ce cas,
Freud peut avoir raison.
Mais dire qu’il est plus important que la conscience, c’est une
exagération. En effet, si le but de la psychanalyse est de transformer
l’inconscient en conscience pour guérir le malade, ce but indique que la
conscience est logiquement supérieure à l’inconscient.
De plus, Freud a exagéré l'importance de la sexualité : qu'y a-t-il de
sexuel dans la tendance du nouveau-né à sucer son pouce ?
Voyons aussi le complexe d’Œdipe décrit par Freud comme étant
universel. Or les enquêtes ont montré que ce complexe dépend de certaines
situations sociales et familiales.

Synthèse
En définitive, cette réflexion sur la conscience et l’inconscient devra
être perçue comme une tentative de cerner cette réalité complexe et
insaisissable qu’est l’homme. Il est permis de remarquer que dans le champ
de la psychologie classique, l’homme a surtout été défini par sa conscience. Il
serait ainsi un être lucide et pleinement responsable de ses actes. C’est par la
conscience, en effet, que l’homme se définit comme un être de liberté, comme
un sujet moral.
Cependant la découverte de l’inconscient a produit une véritable
révolution psychologique : l’homme n’est plus réduit à la seule conscience.
La psychanalyse a fini par trouver sa place pour déceler et guérir les maladies
psychiques.
Donc, l’opposition prétendue par Freud entre le conscient et
l’inconscient, ne correspond en réalité qu’à la vie psychique pathologique ;
alors que, dans la vie psychique normale, le conscient et l’inconscient
collaborent ensemble dans le cadre de l’unité et de l’adaptation de la
personnalité.

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