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La psychanalyse part de l’hypothèse que la vie psychique ne se réduit pas à la vie consciente  

: je ne suis donc pas


seulement ce dont je me rends compte en me tournant vers moi-même. On peut dire que la conscience de soi ne
coïncide pas chez Freud avec la connaissance et la compréhension de soi. Freud révèle la complexité de la vie
psychique. Mais il nous montre aussi à la fois notre impuissance à nous connaître parfaitement, et le fait que notre
vie consciente est largement déterminée, c’est-à-dire causée, par notre vie inconsciente. Ainsi, chercher à se
connaître nous révèle que nous ne sommes pas ou peu libres.
La notion d’inconscient est donc intiment liée à la notion de liberté.

3) Inconscient et liberté : se connaître est-il synonyme de renonciation à notre liberté ?

Lire ce texte de Freud et essayer de voir le rapport entre inconscient et liberté :

« Le psychique en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es conscient ; ce


sont deux choses différentes, que quelque chose se passe dans ton âme, et
que tu en sois par ailleurs informé. Je veux bien concéder qu’à l’ordinaire
le service de renseignements qui dessert ta conscience suffit à tes
besoins. Tu peux te bercer de l’illusion que tu apprends tout ce qui revêt
une certaine importance. Mais dans bien des cas, par exemple dans celui
d’un conflit pulsionnel de ce genre, il est en panne, et alors, ta volonté
ne va pas plus loin que ton savoir. Mais dans tous les cas, ces
renseignements de ta conscience sont incomplets et souvent peu sûrs ; par
ailleurs, il arrive assez souvent que tu ne sois informé des événements que
quand ils se sont déjà accomplis et que tu ne peux plus rien y changer. Qui
saurait évaluer, même si tu n’es pas malade, tout ce qui s’agite dans ton
âme et dont tu n’apprends rien, ou dont tu es mal informé ? Tu te comportes
comme un souverain absolu, qui se contente des renseignements que lui
apportent les hauts fonctionnaires de sa cour, et qui ne descend pas dans
la rue pour écouter la voix du peuple. Entre en toi même, dans tes
profondeurs, et apprends d’abord à te connaître, alors tu comprendras
pourquoi tu dois devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir.
C’est ainsi que la psychanalyse a voulu instruire le moi. Mais ces deux
élucidations, à savoir que la vie pulsionnelle de la sexualité en nous ne
peut être domptée entièrement, et que les processus psychiques sont en eux-
mêmes inconscients, ne sont accessibles au moi et ne sont soumis à celui-ci
que par le biais d’une perception incomplète et peu sûre, reviennent à
affirmer que le moi n’est pas maître dans sa propre maison. »
[Freud, Une difficulté de la psychanalyse, 1917, in L’Inquiétante Étrangeté et autres essais

 Freud montre ici l’existence d’un déterminisme psychique résumé dans la phrase (à retenir) : « Le moi n’est pas
maître dans sa propre maison » : la vie consciente et les symptômes névrotiques ne sont que les effets de causes
inconscientes (les désirs refoulés). Ainsi, selon le psychanalyste, tout ce que nous faisons, dont les décisions que
nous croyons prendre, vient, s’explique, par notre vie inconsciente. Or, on sait que le déterminisme est l’opposé
de la liberté. Ici cela signifie que nous nous croyons libres mais que nous ne le sommes pas. On pense à Spinoza
et la pierre qui se croit libre de bouger : on ignore simplement les causes qui nous déterminent. C’est ici un
renversement total de la vision qu’on se faisait de l’homme avant Freud et qui était héritée de Descartes :
l’homme y apparaissait comme la créature possédant le libre-arbitre et étant conscient de lui-même absolument.
Ce renversement nous amène à nous demander si la liberté humaine disparaît alors complètement ?
 Freud semble lui-même laisser un espoir dans son texte en écrivant qu’on pourrait éviter de devenir malade (de
symptômes névrotiques ou hystériques) en comprenant mieux nos déterminismes psychiques. Cela signifie qu’ils
ne sont déterminants que s’ils sont inconnus. Donc, entamer une psychanalyse ou un travail sur soi profond a
justement pour but de se libérer de ce qui nous empêche de bien vire ! Mais on voit ici que la liberté est une
conquête, le fruit d’un cheminement, d’un travail difficile à faire et parfois douloureux. Mais on peut dire que la
psychanalyse est une technique de libération de soi par soi.

 Autre argument en faveur de la liberté : Les désirs mal refoulés produisent des effets qui nous échappent mais la
plupart du temps nous restons maîtres d’agir en fonction d’eux, et nous avons toujours la possibilité de nous
soigner. Si j’ai une pulsion d’agressivité par exemple, je ne peux pas m’empêcher, spontanément, d’avoir cette
pulsion, mais je peux m’empêcher de passer à l’acte en ne frappant pas quelqu’un. Le passage à l’acte est donc
sous notre contrôle. Le droit repose entièrement sur cette idée. On ne reproche pas au criminel d’avoir eu telle ou
telle pensée (qui peut s’expliquer par son passé) mais de l’avoir mise à exécution. On postule donc qu’il avait la
possibilité d’agir autrement, et donc que son acte est contingent et non pas nécessaire (Repère!)
Il existe néanmoins des cas où les troubles sont trop puissants (dans le cas de psychoses notamment où le sujet ne
se rend même pas compte qu’il agit de façon anormale) et là nous pouvons dire que le sujet n’est pas responsable,
d’ailleurs lors d’un procès les expertises psychiatriques peuvent conclure à la non responsabilité pénale du sujet
(ce qui interdit de le juger responsable de son acte et de le mettre en prison). Dans ce cas on peut parler d’une
aliénation complète (que la psychanalyse soigne d’ailleurs très mal).

 Enfin, la psychanalyse montre aussi que le refoulement de certaines pulsions ou désirs sont absolument
nécessaires à la vie en société. Celle-ci ne pourrait subsistait si chacun mettait tous ses désirs à exécution. Ce
serait un état d’une extrême violence (voir Hobbes). Donc l’inconscient et le refoulement rendent possible la
liberté collective, le vivre-ensemble. On peut dire que le refoulement a une fonction politique au sens large du
terme.

On voit donc bien que la psychanalyse ne ruine pas complètement l’idée de liberté même si elle nous montre que
nous ne sommes pas « libres comme l’air » et que la liberté relève plus d’une conquête (parfois d’une lutte avec soi-
même) que d’une nature.

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