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L'inconscient

Premières approches : Il y a des phénomènes dans notre vie qui échappent à notre
conscience. On peut dire par exemple que la circulation sanguine, ou la respiration
(sauf si j'y prête attention), sont des phénomènes inconscients. On peut aussi dire
qu'une action, un geste que l'on a appris, une fois qu'on les a répétés de nombreuses
fois, qu'on en a l'habitude, sont devenus comme automatiques, inconscients : on les
exécute sans avoir besoin d'y réfléchir (par exemple, pour la conduite d'une voiture,
coordonner le pied sur la pédale d'embrayage et la main sur le levier de vitesse, ou
encore l'apprentissage du placement de la main, des doigts, dans l'apprentissage d'un
instrument de musique). Ou encore, dans un autre registre, on pourra juger qu'un
personne est "totalement inconsciente" si elle roule à une vitesse excessive, et met la
vie d'autrui en danger. Dans tous ces cas, l'adjectif "inconscient" a un sens strictement
négatif, privatif : il désigne ce qui est momentanément ou définitivement privé de
conscience. Mais quand de l'adjectif on fait un nom, et que l'on parle alors de
"l'inconscient", on désigne positivement un "quelque chose", une dimension du
psychisme qui échappe à la conscience (in-conscient), mais qui est active, agissante,
produit des effets sur notre comportement, a sa force propre, son histoire. C'est depuis
Freud (1856-1939), médecin neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse, que
l'on peut parler ainsi de l'inconscient. Réfléchir sur la notion au programme, ce n'est
donc pas du tout s'intéresser aux phénomènes inconscients dont on parlait au début
( ils relèvent plutôt de ce qu'on appelle l'inconscience), mais de l'existence et de la
nature de ce dont freud a fait l'hypothèse et que l'on appelle "l'inconscient".
A partir de là, quelques axes de réflexion...
Comment Freud a-t-il été amené à formuler l'hypothèse de l'existence de l'inconscient,
et ainsi à reconsidérer l'économie, c'est-à-dire l'organisation du psychisme humain? Tel
sera l'objet de la première partie.
Dans une perspective critique, on aura alors à se demander à quels obstacles peut se
heurter l'affirmation de l'existence d'un inconscient. En particulier, on aura à la mettre en
regard avec la question de la liberté, du libre-arbitre : affirmer que mes comportements
peuvent être déterminés (conduits, commandés) par des forces inconscientes actives
dans mon psychisme, n'est-ce pas remettre en cause l'idée d'une maîtrise de moi-
même, d'une volonté souveraine décidant en s'appuyant sur une conscience lucide des
mobiles à l'origine de ses choix? C'est ce que nous examinerons dans une seconde
partie.
Première partie L'hypothèse de l'inconscient.
Freud, Métapsychologie (1915) :
1On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychisme inconscient et de
travailler avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de
l'inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves
de l'existence de l'inconscient. /// Elle est nécessaire, parce que les 5données de la
conscience sont extrêmement lacunaires; aussi bien chez l'homme sain que chez le
malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués,
présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la
conscience. Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez
l'homme sain, et tout ce qu'on appelle symptômes compulsionnels 10chez le malade;
notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d'idées qui
nous viennent sans que nous en connaissions l'origine, et de résultats de pensée dont
l'élaboration nous est demeurée cachée. // Tous ces actes conscients demeurent
incohérents si nous nous obstinons à prétendre qu'il faut bien percevoir par la
conscience tout ce qui se passe en nous en fait d'actes psychiques; 15mais ils
s'ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous
interpolons les actes inconscients inférés. Or, nous trouvons dans ce gain de
sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d'aller au-delà de
l'expérience immédiate. Et s'il s'avère de plus que nous pouvons fonder sur
l'hypothèse de l'inconscient une pratique couronnée de succès, par laquelle
20nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus conscients,
nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve incontestable de l'existence de ce
dont nous avons fait l'hypothèse.
Freud, Nouvelles Conférences d'introduction à la psychanalyse (1933)
Un proverbe met en garde de servir deux maîtres à la fois. Le pauvre moi est dans une
situation encore pire, il sert trois maîtres sévères, il s'efforce de concilier leurs
revendications et leurs exigences. Ces revendications divergent toujours, paraissent
souvent incompatibles, il n'est pas étonnant que le moi échoue si souvent dans sa
tâche. Les trois despotes sont le monde extérieur, le surmoi et le ça. Quand on suit les
efforts du moi pour les satisfaire tous en même temps, plus exactement pour leur obéir
en même temps, on ne peut regretter d'avoir personnifié ce moi, de l'avoir présenté
comme un être particulier. Il se sent entravé de trois côtés, menacé par trois sortes de
dangers auxquels il réagit, en cas de détresse, par un développement d'angoisse. […]
Poussé par le ça, entravé par le surmoi, rejeté par la réalité, le moi lutte pour venir à
bout de sa tâche économique, qui consiste à établir l'harmonie parmi les forces et les
influences qui agissent en lui et sur lui, et nous comprenons pourquoi nous ne pouvons
très souvent réprimer l'exclamation : « La vie n'est pas facile ! » Lorsque le moi est
contraint de reconnaître sa faiblesse, il éclate en angoisse, une angoisse réelle devant
le monde extérieur, une angoisse de conscience devant le surmoi, une angoisse
névrotique devant la force des passions logées dans le ça.
2ème partie Mise en perspective critique de la théorie de
l'inconscient : l'enjeu de la liberté du sujet.
Le freudisme, si fameux, est un art d'inventer en chaque homme un animal redoutable,
d'après des signes tout a fait ordinaires, les rêves sont de tels signes. Mais il y a de la
difficulté sur le terme d'inconscient. L'homme est obscur a lui même, cela est a savoir.
Seulement il faut ici éviter plusieurs erreurs que fonde ce terme d'inconscient. La plus
grave de ces erreurs est de croire que l'inconscient est un autre Moi , un Moi qui a ses
préjugés, ses passions et ses ruses, une sorte de mauvais ange, diabolique conseiller.
Contre quoi il faut comprendre qu'il n'y a point de pensées en nous sinon par l'unique
sujet, Je, cette remarque est d'ordre moral. Il ne faut pas se dire qu'en rêvant on se met
à penser. Il faut savoir que la pensée est volontaire, tel est le principe des remords : "Tu
l'as bien voulu!" On dissoudrait ces fantômes en se disant simplement que tout ce qui
n'est point pensée est corps, c'est a dire chose soumise a ma volonté, chose dont je
réponds. L'inconscient est donc une manière de donner dignité à son corps. C'est une
méprise sur le Moi, une idolâtrie du corps. On a peur de son inconscient, la se trouve
logée la faute capitale. On croit qu'un autre Moi me conduit qui me connaît et que je
connais mal. On voit que toute l'erreur ici consiste a gonfler un terme technique, qui
n'est qu'un genre de folie...Au contraire, vertu c'est dépouiller de cette vie prétendue,
c'est partir de zéro."Rien ne m'engage, rien ne me force, je pense, donc je suis". Cette
démarche est un recommencement. Je veux ce que je pense, et rien de plus. En
somme, il n'y a pas d'inconvénient a employer couramment le terme d'inconscient, c'est
un abrégé du mécanisme. Mais, si on le grossit, alors commence l'erreur, et, bien pis,
c'est une faute.
Pour ce cours, la conclusion sera celle de la deuxième partie.

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