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Cours de philosophie des classes de Terminales KAKMENI YAMETCHOUA/PLEG PHILOSOPHIE

CHAPITRE : CONSCIENCE ET INCONSCIENT

Objectif : définir conscience et inconscient et établir leur rapport de complémentarité en


montrant qu’ils sont des réalités complexes et essentielles dans la compréhension de l’homme

INTRODUCTION
A la question de savoir Qui-suis-je ? La réponse apportée par la philosophie, de
Socrate à Descartes et par-delà consistait initialement à faire de l’être humain, une personne,
un sujet doué de raison, libre et conscient, capable d’actions intentionnelles, capable de
conscience, de conscience de soi, d'autres opérations et états mentaux (réflexion, désir…). Si
Descartes définit le sujet essentiellement par la pensée, Pascal dans le même sens fait de lui un
« roseau pensant ». Car par la pensée, la conscience, le sujet se distingue des animaux
caractérisés par l’instinct, il se sépare du monde, de la matière, du mouvement. Etre conscient
de soi, c’est être maître de soi, s’élever au niveau des exigences morales, de l’égalité
fondamentale de tous les hommes. Ainsi, la conscience serait une revanche de l’esprit sur la
réalité matérielle, l’instance suprême qui gouverne, contrôle et peut tout. Elle fait de l’homme le
« maître et le possesseur » de la nature. Cette survalorisation et cette sacralisation de la
conscience va de pair avec le rejet systématique de la réalité d’un inconscient psychique, elle
relève selon l’affirmation de Jean-Paul Sartre de « la mauvaise foi ». Pourtant, malgré ce rejet,
Sigmund Freud va à travers ses recherches opérer une révolution de type copernicienne en
affirmant la réalité de l’inconscient. Pour lui, l’inconscient constitué d’interdits refoulés,
gouverne l’homme à son insu. Désormais, l’homme est étranger à lui-même, la conscience n’est
plus transparente et toute puissante, ce qui soulève d’après les philosophes de la conscience, le
problème de la liberté et de la responsabilité. Admettre l'hypothèse d'un inconscient psychique
est-ce dénier à l'homme toute responsabilité? Ou encore est-ce rendre vain tout effort de
lucidité à l'égard de soi-même? Qu’est-ce que la conscience ? Qu’est-ce que l’inconscient ? Peut-
il nous apprendre quelque chose de nous-mêmes ?

I- QU’EST-CE QUE LA CONSCIENCE ?


A- Définitions

Au Sens général, la conscience est synonyme de savoir, connaître. L’étymologie "cum-


scientia", « avec science, savoir » confirme cette définition. Être conscient, c’est agir, sentir, ou
1
penser, et savoir qu’on agit, sent, ou pense. La
conscience est la connaissance plus ou moins claire que
le sujet qui pense à de lui, du monde et de ses actes.
C’est la conscience psychologique. On distingue alors la
conscience spontanée ou immédiate et la conscience
réfléchie ou médiate.

1- La conscience immédiate

La conscience est liée à la perception, à la saisie


immédiate (intuition) de soi-même, de nos représentations et de nos actions. C’est notre
relation au monde.

2- La conscience médiate

Elle consiste à nous percevoir nous-mêmes comme percevant. Si je dis : « j’ai chaud» je ne
saisis pas seulement la chaleur, je me saisis moi-même comme ayant chaud. La conscience
médiate est intimement liée au langage. Elle suppose le pouvoir de dire « je ».C’est la
conscience de soi, fondement de la « subjectivité », qui se détermine par le statut linguistique
de la « personne ». Par elle, je me définis comme subjectivité et singularité. Elle permet
d’entretenir un rapport de transparence avec soi, d’accéder à mon intériorité, de dialoguer avec
soi-même. Elle crée un décalage de soi à soi, en ce sens être conscient, c'est se voir exister, le
« je » se pose en face du « moi » ; je me dédouble en un sujet et un objet.

A- Comment parvient-on à la conscience ?

Les méthodes pour parvenir à la conscience sont nombreuses. Nous allons étudier quelques-
unes.

1- Le doute méthodique

Le doute est un état d'incertitude sur la réalité d'un fait, l'exactitude d'une déclaration, la
conduite à adopter. Il s’oppose à l’assentiment et se traduit par un refus d’affirmation ou de
négation. Chez Descartes, le doute est le chemin vers la pensée, le cogito qui se découvre. Afin
d’établir la vérité sur des bases inébranlables grâce au critère de l’évidence, il doute de ce que
nous apprennent nos sens sur le monde extérieur, lesquels sont trompeurs. Par la suite, il
s’attaque aux vérités mathématiques en introduisant l’hypothèse d’un « malin génie », celle
d’un dieu mauvais et rusé qui prendrait plaisir à le tromper. Allant au-delà du doute ordinaire,
son doute devient radical et universel, il est méthodique et hyperbolique. Comment parvient-il
à sortir du doute hyperbolique ? Par une certitude intellectuelle que peut déjouer les ruses du
malin génie, celle de l’ego cogito : « Je suis, je pense » ou « je pense, donc je suis ». Je peux douter
de tout sauf de l’acte de douter. Si douter, c’est penser, même le malin génie ne peut faire que je
me trompe quand je dis « je doute ». Cet acte concentre actuellement ma pensée, enveloppe mon
existence. Je suis indubitablement comme sujet de ce doute. La conscience se découvre, ici, dans
sa séparation d’avec les choses, non pas comme objet mais sujet. Descartes érige donc la
conscience, comme fondement de toute certitude. Elle est ce qu’il y a de plus certain au monde.
Elle est douée d'une certitude spéciale, que rien ne peut atteindre.
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En faisant du sujet pensant, de la subjectivité, le point de départ de toute expérience,


Descartes ne peut être certain que de sa propre existence. Les autres et les choses n’ont pas
plus de réalité que les images des rêves. L’idéalisme cartésien a pour conséquence le
solipsisme. En clair, chez Descartes, les hommes sont des sujets. Il y a un esprit distinct du
corps (dualisme), nous avons conscience de ce que nous sommes, nous sommes responsables
de nos actions et disposons d’un libre-arbitre qui nous permet de poursuivre librement des
buts afin d’échapper au déterminisme universel.

2- La conscience comme intentionnalité et réalisation de soi

L’intention est l’application de l’esprit à un objet à connaître, qu’il s’agisse d’un objet
extérieur ou d’une pensée. La peur par exemple n’est pas une donnée intérieure mais une
attitude en face de quelqu’un. La conscience constitue déjà une action, une façon de me diriger
vers le monde, de viser un objet extérieur, autrement dit une « une intentionnalité », un
mouvement de la conscience vers autre chose qu’elle-même, tension vers, intention. « Toute
conscience est conscience de quelque chose » nous dit Husserl. Contrairement à Descartes, la
conscience ne peut être séparée du monde, elle n’est pas une substance pensante ou « une chose
pensante » autarcique séparée des autres choses ; elle n’est pas « chose » du tout, elle est une
activité de projection vers les choses. Elle est relation à ce dont elle est conscience, mouvement
dirigé hors d’elle-même, elle est ce qui nous jette au monde, nous projette vers nos souvenirs ou
vers l’avenir. L’expérience de la conscience de soi et du monde n’est donc pas expérience
solitaire. Le sujet se constitue et constitue son monde dans et par sa relation avec les autres et
le monde extérieur. L’intersubjectivité est la condition de la subjectivité. La conscience
suppose l’action, mieux la transformation des choses par soi. L’esprit se découvre et prend
conscience de lui-même à travers ses œuvres, à travers les transformations qu’il imprime au
monde extérieur et les réalisations qu’il laisse après lui.

3- L’angoisse

Dans la philosophie existentialiste, elle désigne un sentiment d'inquiétude morale ou


métaphysique lié à la réflexion sur la condition humaine. Chez Sören Kierkegaard, l’angoisse
n’est rien d’autre que le vertige de l’individu libre face à des choix contradictoires, lorsque
s’affrontent plusieurs possibilités. Elle est état affectif d’anxiété et il s’interprète comme
l’invitation faite par Dieu à chaque individu à s’engager dans une voie qui soit bonne pour lui. Il
affirme en ce sens que « L’angoisse est la possibilité de la
liberté ; seulement, grâce à la foi, cette angoisse possède une
valeur éducative absolue » p. 252. Chez Sartre, l’angoisse
renvoie à la « nausée » qui désigne l’état d’esprit d’un
individu qui prend conscience de la pure contingence de
l’Univers, du délaissement, elle est la conscience de la
totale liberté de choix à laquelle se confronte à tout instant
l’individu. Elle est « la saisie réflexive de la liberté » et se
distingue de la peur qui a un objet déterminé. Elle permet
à l’individu de se soustraire à la chaine des causes et
d’échapper à la loi souvent implacable du déterminisme et du fatalisme. L’individu n’est pas
un en-soi mais un pour-soi, un projet parce qu’il est fondamentalement libre et transcendance.

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Chez Albert Camus, ce sentiment est lassitude et se traduit par l’absurde. Faulker pense que
« Camus disait que le seul rôle véritable de l’homme, né dans un monde absurde, était de vivre,
d’avoir conscience de sa vie, de sa révolte, de sa liberté ».

A- Conscience et valeurs morales

La capacité de distinguer le bien du mal et de porter des jugements à valeur morale sur ses
actes et sur ceux d’autrui. La conscience morale est la connaissance des devoirs que nous avons
à remplir et la manière dont nous les remplissons. L'être conscient est celui qui connaît la
portée de ses actes, qui sait ce qu'il fait et si ce qu'il fait est bien ou mal. Être conscient de ce que
l'on fait signifie assumer de manière responsable ses actes. Par opposition, l'être irresponsable
sera qualifié d'inconscient. D’où provient cette conscience morale, sur quoi repose son autorité?
Deux réponses possibles :

- La conscience morale aurait une origine naturelle. Pour Jean Jacques Rousseau, elle
est la voix de la nature qui parle en nous, nous avertissant contre le désordre de nos passions.
Elle est une « voix intérieure» qui est « un principe inné de justice et de vertu ». Elle est
l’ « Instinct divin, immortelle et céleste voix; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais
intelligent et libre; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu ».

- La conscience morale aurait une origine sociale. D’après Emile Durkheim, elle est
l’intériorisation de la contrainte sociale. Il affirme en ce sens que « C’est la société qui, en nous
formant moralement, (...) notre conscience morale est son œuvre et l’exprime ; quand notre
conscience parle, c’est la société qui parle en nous ». Freud abonde dans le même sens et identifie
la conscience morale au Surmoi. En clair, l’autonomie de la conscience humaine n’est jamais
totale et il y a toujours une part de conditionnement

Pour un sujet qui s’identifierait à la conscience, la responsabilité ne fait pas de doute : à


partir du moment où tout est transparent pour le sujet, à chaque instant il sait ce qu’il fait,
peut en juger, il en est donc responsable. Mais si tout ne nous est pas aussi transparent,
connaissons-nous toujours qui nous sommes et ce qui nous pousse à agir ? Et si l’unité du sujet
n’était pas aussi évidente? Sommes-nous toujours maîtres de nous-mêmes? Ne peut-il pas y
avoir de l’inconscient en nous ?

I- L’INCONSCIENT ET LA REMISE EN QUESTION


DU SUJET

A- Qu’est-ce que l’inconscient ?

Nous procéderons à la définition de l’inconscient à partir


d’une distinction notionnelle.

1- Inconscient comme adjectif

Comme adjectif, l’inconscient est synonyme de


l’inconscience, qui désigne l’état de ce qui est dépourvu de conscience. Il qualifie l’état du sujet
qui n’est pas conscient de son environnement, d’un danger, qu’il agit mal. On dit d’un homme
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évanoui, d’un phénomène physique qu’il est


inconscient. « Quelle inconscience ! » ou : « tu es
complètement inconscient ! ». L’inconscience, ici, porte
à notre relation au monde extérieur, elle est
situationnelle.

2) Inconscient comme substantif

La grande découverte de Freud sera de montrer


que le mot inconscient n’est pas un adjectif mais un
substantif. Il n’est plus un déficit de ce qui seul
constitue une réalité psychique, à savoir la conscience.
Il devient une réalité psychique à part entière.
L’inconscient est une zone du psychisme restant étrangère à la conscience, parce qu’une force
de refoulement l’empêche de devenir consciente. Elle est donc un système constitué de
contenus refoulés et caractérisé par l’absence de contradiction, l’intemporalité et l’ignorance du
principe de réalité. C’est une force psychique active, pulsionnelle, résultat d’un conflit
intérieur entre les désirs (ça) qui cherchent à se satisfaire et une personnalité (surmoi) qui
leur oppose une résistance.

A- Légitimation et justification de la théorie freudienne d’un inconscient psychique

Est-on en droit d’admettre un


psychisme inconscient et de travailler avec
cette hypothèse ? Pour Freud, l’hypothèse
d’un inconscient est nécessaire et légitime
parce que nous possédons les preuves de
son existence. Il inflige ainsi à l’orgueil
humain une humiliation, après l’humiliation
cosmologique de Copernic et l’humiliation
zoologique de Darwin, en affirmant que
nous ne sommes pas maîtres de nous-même
et que la conscience n’a aucune
souveraineté. Elle n’est qu’un effet de
surface, un épiphénomène aux ordres de
trois maîtres : le ça, le monde extérieur et le surmoi, car son hétéronomie est radicale. Dans
Introduction à la Psychanalyse, il affirme qu’« un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie
humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est
seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements
rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique ».

Pour formuler l’hypothèse d’un inconscient psychique, il est nécessaire, selon Freud,
d’expliquer les lacunes des données de la conscience, car celles-ci « sont extrêmement
lacunaires ». Ces données peuvent être un symptôme névrotique, un rêve, un acte manqué, un
fantasme qui sont pour la conscience des énigmes, dans la mesure où elle ne peut pas les
rapporter à sa spontanéité. L’intérêt du freudisme est de chercher à expliquer psychiquement
une donnée psychique, de sortir de l’obscurité psychique. Ce qui l’a conduit à élaborer une
5
théorie de la maladie mentale et une théorie de l’interprétation des rêves. L’hypothèse d’un
inconscient psychique se justifie ainsi à l’aide de deux arguments.

1- L’argument théorique

Chez Freud, la normalité est toute relative, puisqu’il y a selon lui une Psychopathologie
de la vie quotidienne : l’inconscient des personnes normales peut s’exprimer par exemple
dans les jeux de mots, les lapsus, les actes manqués, les troubles de comportement, etc.

-Les actes manqués. Ce sont les actes qui ratent leur intentionnel et expriment autre chose que
celui-ci. C’est le cas des ratés de la parole ou de l’écriture appelé lapsi, c’est également le cas
des ratés de la mémoire à travers l’oubli. « Un acte manqué est un discours réussi » disait
Jacques Lacan, c’est le discours de l’inconscient. Il nous en apprend beaucoup sur nous-
mêmes.

-Le rêve. Il est, selon Freud, un rebus, c’est-à-dire une chose obscure et difficile à comprendre.
Il est la manifestation et la réalisation d’un désir refoulé ou censuré par la conscience. Il est le
lieu du dévoilement. Il faut distinguer en lui le contenu manifeste et le contenu latent. Le
premier est absurde, incohérent, le second recèle le sens du rêve. Seul un travail
d’interprétation peut retrouver derrière les images manifestes les significations cachées. Avec
Freud, le rêve ne fait plus l’objet d’une interprétation religieuse et d’une interprétation
physiologique mais d’une conception psychologique. « Le rêve est, donc, la voie royale qui
mène à l’inconscient ».

- Les troubles mentaux. Freud élabore une étiologie psychologique des troubles mentaux.
Pour lui, le psychisme est une structure conflictuelle où des forces contradictoires s’affrontant,
l’équilibre mental est une conquête précaire. Cette conquête n’est pas sans périls pour la santé
mentale future. Car notre histoire est marquée par des traumatismes naturels ou
circonstanciels et par la formation de complexes. Freud appelle ainsi un ensemble d’affects
dont l’origine remonte à l’enfance. Toujours caractérisés par l’ambivalence amour/haine, ils
sont source de culpabilité. Ces contenus affectifs de notre histoire sont mémorisés sous forme
de traces et perturbent considérablement notre équilibre psychosomatique et nous plongent
dans un état de maladie mentale. Comme maladie mentale, on peut citer entre autre les
psychoses, les hystéries et les névroses. Une explication des troubles psychiques conduit
Freud à élaborer une méthode de soins dont on comprend qu’elle a pour enjeu de faire prendre
conscience au malade de l’origine de
ses troubles. Cette méthode
thérapeutique est la cure analytique.
(On dit aussi : psychanalyse, cure
cathartique, psychothérapie
analytique).

2- Argument théorique : la cure


analytique

La psychanalyse avant d’être


une méthode d’investigation, elle une discipline fondée par Freud. Elle est à la fois une théorie
en ce sens qu’elle considère que tout fait psychique « doit être analysé ». Elle repose sur « La
méthode des associations libres ». A ce titre, elle apparaît comme « un effort de
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clarifications » et d’établissement des lois qui


régissent le fonctionnement des choses. Son
originalité consiste à penser que seul un travail sur
les affects pathogènes, les traces mnésiques, le
refoulé peut promouvoir une libération du sujet.
C’est la situation analytique qui permet le
déplacement des affects et leur réorientation sous
forme non pathogène. Seul un mode opératoire
mettant hors-jeu la vigilance de la conscience
rend possible le retour à la mémoire de ce qui était
oublié. La psychanalyse guérit par une victoire sur l’inconscient. Elle est thérapeutique. Cf.
Texte 6

A- Théorie freudienne du psychisme et fondement de la personnalité

La théorie freudienne en donnant à l’inconscient une importance décisive a renouvelé


profondément la conception du psychisme humain et u sujet. La validation de l’hypothèse d’un
inconscient suppose la tripartition du psychisme en instances. C’est dans la deuxième
topique que Freud distingue trois instances de la personnalité psychique : le ça, le moi et le
surmoi, et examine l’équilibre difficile que doit réaliser le moi entre les pressions du surmoi, de
l’inconscient (ça) et du monde intérieur. L’exigence d’une souveraineté de la conscience est
donc une prétention exorbitante : « le moi n’est pas maître dans sa propre maison ». Cf. Texte 7
et 8. Freud valide ainsi l’idée de l'existence d'un déterminisme psychique.

B- Limites et critiques de l’hypothèse de l’inconscient freudien

Ainsi, Freud légitime son hypothèse d’un inconscient psychique sur deux éléments majeurs : un
élément théorique, à savoir le pouvoir explicatif de comportements qui sans cela demeureraient
incompréhensibles ; un élément pratique, à savoir l’éventuelle efficacité thérapeutique du
travail sur soi amené par l’investigation psychanalytique. Il nous faut donc examiner de manière
critique les deux arguments en question.

1- S’agit-il d’une théorie scientifique ?

C’est précisément sur le terrain de la rigueur scientifique que porte la critique de


l’épistémologue Karl Popper, l’épistémologie étant la discipline philosophique visant à
réfléchir de manière critique sur les méthodes de la science, sur ses possibilités et ses limites.
Popper constate que la psychanalyse se présente comme une science d’interprétation. En
effet, les comportements étudiés, que ce soit des paroles ou des actions, possèdent certes un
sens, parlent du sujet, de sa vie intérieure mais ce qui apparaît n’a jamais un sens évident, revêt
au contraire un sens caché qu’il convient de déchiffrer et donc d’interpréter. L’interprétation
psychanalytique découle des théories psychanalytiques. La psychanalyse devient par essence
irréfutable. Il ne satisfait pas aux exigences de la scientificité. Un énoncé est scientifique si et
seulement si, il se préoccupe de tester ou de réfuter sa validité. Dès lors, conclut Popper, la
psychanalyse ne peut être considérée comme une activité scientifique. Il s’ensuit que la
psychanalyse n’est pas testable avec ses propres méthodes car elle ne se fonde pas sur des faits
objectifs mais sur l’interprétation qu’elle en postule. Aussi n’est-elle jamais en état de se
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falsifier, elle ne fait que s’auto confirmer en permanence. Puisqu’elle a
besoin de ses propres certitudes pour les vérifier, elle n’est pas une
science, elle est une croyance dogmatique ou une idéologie, caractère
qu’elle partage selon l’analyse poppérienne avec le marxisme. « La
psychanalyse ne peut être réfutée, donc ce n’est pas une science »
affirme Karl Popper dans Conjectures et réfutations.

1- L’inconscient : Un problème moral

Loin d’être un vecteur de clairvoyance, la psychanalyse serait


une manière d’hypothéquer un authentique effort de lucidité à l’égard
de soi-même. Le freudisme constitue une limite pour notre liberté et pose un problème moral
sérieux. Pour certains philosophes, à l’instar de Sartre et d’Alain, l’inconscient est délégitimé et
censuré. Il valide l’idée d’un déterminisme psychique qui essentialise le sujet et le rend
irresponsable de ses actes. Pour Sartre, c’est une invitation à entretenir la mauvaise foi. Pour
lui, la mauvaise foi, c’est un mensonge conscient, c’est une duplicité de la conscience. Car
l’homme n’est homme que parce qu’il est conscient. La conscience est donc « transcendance »,
elle est, à la différence des objets, toujours autre chose qu’elle-même, elle est ce par quoi le
Néant vient au monde, elle est liberté. Son pouvoir de néantisation garantit sa liberté et sa
responsabilité. Ainsi, affirme-t-il dans L’Existentialisme est un humanisme que « tout homme qui
se réfugie derrière l’excuse de ses passions, tout homme qui invente un déterminisme est un
homme de mauvaise de foi ».

Pour Alain, l’inconscient psychique freudien est une redoutable méprise sur le moi, un
idolâtre du corps. En effet, l’inconscient est un faux second moi, qui n’est pas psychologique
mais pure chose physiologique, « un abrégé du mécanisme ». Le cogito est entièrement
transparent à lui-même, il est savoir psychologique, savoir moral. C’est le savoir revenant sur
lui-même et prenant pour centre la personne humaine elle–même, qui se met en demeure de
décider et de se juger. Il est pouvoir. Le freudisme invalide cette définition du sujet. En clair,
l’inconscient est un mythe dangereux.

I- En guise de conclusion : Rapport entre Conscience et Inconscient

L’homme est-il conscient ou inconscient ? La réponse apportée est que l’homme est à la
fois conscience et inconscient. Ces deux entités parfois distincts constituent sont essences. Il
est donc un composé psychosomatique. Il y aura chaque échec de compréhension sitôt qu’on
voudrait le réduire à une seule dimension. Il faut désubstantialiser l’homme. L’une des erreurs
du cartésianisme ou de l’existentialisme est de vouloir réduire l’homme uniquement à la
dimension consciente, de valider l’hypothèse de la liberté totale et de la responsabilité complète
du sujet, ceci en excluant la dimension inconsciente. Le mérite de Freud est d’avoir à travers sa
théorie réorienter le débat sur le moi, le sujet. Elle a contribué à une nouvelle version du moi
sans l’annuler. Freud a montré ainsi l’importance et la nécessité de l’inconscient psychique.
Grâce à sa découverte révolutionnaire, la question de la sexualité humaine d’une part, a
quitté la sphère exclusive de la moralité pour entrer dans l’ère de l’examen objectif et
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scientifique. Il s’agit là d’un acquis considérable et définitif ; d’autre part, même si c’est peut-
être de manière illusoire, les théories de Freud apportent un gain de sens à propos des
comportements humains. La psychanalyse, bien que contestée, s’intéresse aux différents
aspects de l’existence humaine et se propose de les expliquer, qu’il s’agisse de la religion, de
l’art, de la politique, du droit, de l’affectivité ou de la morale. La psychanalyse est ainsi
interprétée, par son fondateur, comme une contribution à l’œuvre civilisatrice puisqu’en
mettant en lumière les causes des divers déterminismes dont nous sommes l’objet, en donnant
sens à l’obscurité psychique, elle nous permet de devenir plus lucides et avec cette lucidité
accrue, plus responsables. « Le moi doit déloger le ça. C’est là, une tâche qui incombe à la
civilisation tout comme l’assèchement du Zuiderzee » affirme Freud dans Nouvelles conférences.
Pour Jean Laplanche « s’il y a du nouveau en l’homme, c’est par la psychanalyse. Non pas par le
bouleversement des mœurs, mais par la modification qu’elle induit dans notre rapport à notre
intérieur ».

Sujets de réflexion
1- Sommes-nous maître de nous-mêmes et de notre destin ?

2- La conscience est-elle toujours synonyme de connaissance ?

3- Que pensez-vous de cette affirmation de Sartre dans L’Existentialisme est un humanisme :


« tout homme qui se réfugie derrière l’excuse de ses passions, tout homme qui invente un
déterminisme est un homme de mauvaise de foi » ?

4- Freud a-t-il raison d’affirmer que « le moi n’est plus maître dans sa propre maison » ?

5- Admettre l'hypothèse d'un inconscient psychique est-ce dénier à l'homme toute


responsabilité?

6- L’inconscient nous rend-il libre ou esclave ?

Kakmeni Yametchoua, kakmenischaller@gmail.com / www.kakmenischaller.kazeo.com

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