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Le développement psycho-affectif

du point de vue de la psychanalyse freudienne











Le développement psycho-affectif c'est ce qui rend compte des processus qui vont
permettre au petit d'homme de progressivement différencier son monde psychique de celui de
la mère et du monde extérieur.
Il conduit à l'autonomisation, à la séparation psychique, à entendre comme la capacité
progressive du sujet à répondre lui-même de sa parole et de ses actes. Les interactions
précoces entre la mère et l'enfant, en lien avec la question du père, tiennent une place
fondamentale dans ce processus. Pour autant, c'est un idéal qui ne s'avère jamais atteint. Tous
tendons tous vers l'autonomie, mais restons marqués des expériences précoces que nous
avons vécu au cours de notre développement psychique.
Toutefois, il est fondamental de ne pas suivre une logique causaliste qui voudrait
expliquer la conduite d'un sujet par son histoire réelle (du style « c'est parce qu'il a été
abandonné par sa mère que... »). Chaque sujet traitera (subjectivera) cette réalité
événementielle à sa manière. Chaque enfant, et chaque adulte devenu, a une position
singulière par rapport à son histoire infantile.
Ainsi, si tous les éléments développés aujourd'hui dans cette intervention peuvent
servir de repères pour les soignants, de boussole pour s'y retrouver dans la rencontre avec les
patients, adultes et enfants, et leurs proches, il est essentiel de garder à l'esprit que chacun
d'entre eux est singulier et ne peut se ranger sous une catégorie pré-établie.

Si mon intervention se propose d'aborder la question du développement psycho-affectif


de l'enfant du point de vue de la psychanalyse, c'est parce que ce sont les psychanalystes,
Freud le premier, qui se sont intéressés au monde interne de l'enfant, et montré comment
l'enfant était déjà tout petit animé de pulsions et d'affects associés. Freud a ainsi proposé une
théorisation du développement affectif du sujet, la théorie des stades libidinaux, qui a été
depuis enrichie voire discutée par de nombreux et illustres psychanalystes (Anna FREUD,
Mélanie KLEIN, Donald Woods WINNICOTT, Françoise DOLTO, Jacques LACAN...).

C'est pour cette raison qu'il va nous falloir en passer par une première introduction à
certains concepts fondamentaux de la psychanalyse freudienne (1ère partie) pour pouvoir
ensuite aborder dans un second temps les étapes du développement psycho-affectif ou
pulsionnel ou libidinal (2ème partie).

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I- Pour commencer à s'introduire à la théorie psychanalytique


1- L'invention de la psychanalyse par FREUD: la question de l'inconscient.

En 1896, Sigmund FREUD (1856-1939) invente la psychanalyse.
Pulsion, inconscient, refoulement, sexualité infantile... ces mots qui nous sont aujourd'hui
familiers, Freud ne les a pas créés mais il a révolutionné leur signification. La vision ne sera
pas plus la même après Freud. Ce bouleversement tient à un terme: l'inconscient.

L'inconscient ne peut s'envisager que du dehors. Ainsi, nous sommes sensibles à ses
manifestations comme les lapsus (ma collègue qui me dit: « si je devais vendre (au lieu de
lire) tous les livres que j'ai à la maison...), les actes manqués, les oublis, et les rêves. Les
formations de l'inconscient surgissent brusquement et dépassent notre volonté et notre savoir
conscients. Ça nous échappe!!
Mais l'inconscient en tant que tel nous reste inconnu. A partir de ces manifestations non
intentionnelles (rejetons de l'inconscient) nous supposons l'existence d'un processus
inconscient obscur et actif qui agit en nous, sans que nous le sachions.
L'inconscient est un phénomène qui s'accomplit indépendamment de nous et détermine
cependant ce que nous sommes.

Ainsi, FREUD va faire l'hypothèse que ces manifestations ordinaires que sont les lapsus... les
rêves, mais aussi les symptômes, sont des symboles, c'est-à-dire qu'ils représentent quelque
chose de l'inconscient: ils « parlent » des désirs et des défenses inconscients du sujet.

Exemple: une fillette intelligente qui se trouve en situation d'échec scolaire car conflit
inconscient entre appétence à apprendre et le souci de protéger sa mère et de ne pas
l'invalider en la surpassant. Elle se défend de ce conflit intrapsychique par une inhibition
intellectuelle.

Pour les psychanalystes, l'inconscient gouverne le fonctionnement de la pensée humaine.

« Le moi (siège de la raison) n'est pas maître dans sa propre maison »,
FREUD, « Une difficulté de la psychanalyse », dans Essais de psychanalyse appliquée, 1927.

L'homme devrait depuis Freud renoncer en toute humilité à croire qu'il maîtrise des actes et
ses paroles, et renoncer à l'idée d'être sans faille, autonome et libre.

2- Le fonctionnement du psychisme selon les théories freudiennes

L'étude du développement de l'appareil psychique doit prendre en compte trois points de vue:
dynamique, topique et économique.
2-1 Le point de vue dynamique
Freud met l’accent sur la notion de conflit. Pour lui, toute conduite humaine
est le résultat d’un conflit, d’une opposition ou d’une interaction de forces en
présence:
● conflit entre le sujet et le monde extérieur,
● mais aussi conflit à l’intérieur du sujet lui-même (conflit intra-psychique):
- entre les différents types de pulsions (pulsions de vie/pulsions de mort),
- et entre les pulsions et les défenses opposées à ces pulsions (comme le
refoulement par exemple).

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2-2 Le point de vue topique

Le point de vue topique (topos = lieu) permet de repérer dans l’appareil psychique des zones
différentes caractérisées par un fonctionnement propre. Freud a évolué et a substitué
l’articulation initiale Inconscient- Conscient – Préconscient (1ère topique - 1900) à la
distinction de trois instances (2nde topique – 1923):
● le Ça (réservoir des pulsions, système inconscient, instance qui prédomine au début de la vie
et qui obéit au principe de plaisir),
● le Moi est la partie du Ça qui s'est modifié, différencié sous l'influence directe du monde
extérieur à travers les expériences, et notamment les relations avec les figures parentales. Il
est la façon dont l'individu s'imagine sa propre personne (« moi je suis... »). C'est pourquoi on
dit que le Moi est une instance imaginaire. Il reste soumis à trois maîtres: le Ça, le monde
extérieur et le Surmoi. Le Moi doit remplir sa fonction d'adaptation à l'environnement qui peut
l'obliger à différer la satisfaction des pulsions émises par le Ça. Le Moi développe ainsi des
mécanismes de défense (inconscients) afin de résister aux pulsions socialement
inacceptables, et à l'angoisse liée à ce conflit intrapsychique.
● le Surmoi se forme par l'intériorisation des forces interdictrices que l'individu rencontre au
cours de son développement (par exemple les interdits parentaux). Il présente deux faces:
une face interdictrice (censure) et une face injonctive (commandement). Si les injonctions et/
ou interdictions du Surmoi sont ignorées du sujet il peut se sentir honteux ou coupable.
2-3 Le point de vue économique

Le point de vue économique prend en considération l'aspect quantitatif des forces en présence:
intensité de l'énergie pulsionnelle, intensité des mécanismes défensifs, quantité d'énergie
mobilisée par le conflit...

3- La pulsion, l'angoisse, le refoulement

3-1 La pulsion

La pulsion est ce qui nous pousse à agir.
Chaque pulsion a sa source dans une excitation corporelle créant un état de tension,
elle tend à la réalisation d’un but qui lui est spécifique et qui supprime l’état de tension, elle
cherche sa satisfaction dans un type particulier d'objet.

La pulsion est constituée par une énergie (la libido pour les pulsions sexuelles) et se
situe à l'interface du psychisme et du somatique, ce qui permet le lien entre les deux.

On distingue les pulsions de vie et les pulsions de mort. On parle de dualisme
pulsionnel.
La pulsion de mort (THANATOS) est postulée à la suite d'une remise en cause du
principe de plaisir par la compulsion de répétition.

Il semble exister dans la vie psychique une tendance irrésistible à la répétition qui s'affirme
sans tenir compte du principe de plaisir en se mettant en quelque sorte au-dessous de lui. La
tendance à la répétition est une propriété générale des pulsions qui poussent l'organisme à
reproduire, à rétablir un état antérieur auquel il a dû renoncer. Le changement et le progrès
seraient dus à l'action des facteurs extérieurs, des facteurs perturbants qui obligent

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l'organisme à sortir de cette inertie. Mais l'état antérieur à la vie étant inorganique, on peut
dire que la pulsion tend à ramener l'organisme vers l'inorganique, ou encore que la fin vers
laquelle tend toute vie est la mort. On en arrive ainsi à postuler aux racines de notre vie
psychique, une pulsion de mort.
A celle-ci s'oppose une pulsion de vie (EROS) qui tend à organiser des formes de
substances vivantes de plus en plus complexes et à les maintenir telles qu'elles.
Cependant, les deux pulsions de vie et de mort peuvent se trouver unies dans des
proportions variables et ces variations modifient de façon considérable le comportement du
sujet.
Pulsions de vie et de mort devraient toujours être intriquées.

3-2 L'angoisse
On peut définir l'angoisse comme « un affect de déplaisir plus ou moins intense qui se
manifeste à la place d'un sentiment inconscient chez un sujet dans l'attente de quelque chose
qu'il ne peut nommer » (Roland CHEMAMA, Bernard VANDERMERSCH. Dictionnaire de la
psychanalyse, Larousse, 1998).
L'impossibilité pour une personne de pouvoir circonscrire précisément la source d'un
mal être, de pouvoir en parler, fait surgir un autre sentiment déplaisant, l'angoisse, à la place
du sentiment encore plus déplaisant, voire effrayant, qui ne parvient ainsi pas à la conscience.
Le sujet peut supporter cette angoisse tandis qu'il n'est pas encore prêt à affronter la pensée
qui occasionne l'angoisse. S'il parvient à savoir ce que l'angoisse vient empêcher comme
représentation, et à symboliser ce momentanément innommable, l'angoisse peut s'atténuer,
voire disparaître.

3-3 Le refoulement

Le refoulement consiste à maintenir en dehors de notre conscience quelque chose que
nous ne voulons pas voir et dont il serait trop douloureux de percevoir l'existence. Il peut se
faire que le refoulement ne soit pas tout à fait réussi. Il existe alors ce qu'on appelle le retour
du refoulé : ce qui a été refoulé, et qui est au plus profond de nous, a tendance à se
manifester au travers de ce qu'on appelle les lapsus par exemple.
Le refoulement peut aussi être repéré quand on écoute une histoire racontée par un
patient. On se rend compte, parfois, qu'il manque tout un pan de sa vie qui normalement
devrait se situer dans son récit. On peut alors penser qu'il s'est passé à ce moment de
l'histoire du sujet des événements indicibles qu'il préfère maintenir à distance.

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II- Le développement psycho-affectif
ou développement pulsionnel libidinal


1- Le développement psycho-affectif

Le développement psycho-affectif de l'enfant suit une ligne évolutive qui a ses
caractéristiques propres mais qui se fait en interférence constante et étroite avec les autres
domaines du développement (croissance physique, acquisitions motrices, développement
cognitif dont le langage).
L’affectivité est une notion difficile à définir, cependant on peut dire globalement
qu’elle renvoie aux expériences subjectives, c'est-à-dire aux affects qui leurs sont attachés
par chaque sujet. Ainsi, il est question, selon les cas, de bien-être et de malaise, de plaisir et
de déplaisir, de détente et de tension, d’angoisse ou d’affect dépressif, de peur, de colère…
Le développement psychoaffectif est une longue suite d’expériences plus ou moins
conflictuelles liées à :
•la confrontation de désirs différents voir opposés entre l’enfant et son entourage,
•l’affrontement entre elles des exigences internes diverses du sujet, celles des pulsions
sexuelles et agressives, celles des interdits internes mais aussi celles de l’instance
chargée de l’adaptation à la réalité (conflits intra-psychiques).


2- La « sexualité infantile », de quoi parle-t-on?
Freud a mis en avant que la sexualité ne se réduit pas à la sexualité génitale adulte
mais se développe en deux temps : infantile et post-pubertaire, séparés par une phase de
latence.
La sexualité infantile se développe en plusieurs phases, d’abord caractérisée par des
pulsions partielles, composantes de la pulsion sexuelle, rattachées à des sources d’excitations
corporelles déterminées –les zones érogènes – et se manifestent à travers des conduites
isolées entraînant un plaisir spécifique.
Fonctionnant de façon plus ou moins indépendante au départ, les pulsions partielles
s’unifient et s’organisent sous le primat de la zone génitale entre 3 et 6 ans et définitivement
lors de la puberté.
Les stades de l’évolution libidinale sont caractérisés par une zone érogène prévalente
(orale, anale, phallique) et par un mode de relation d’objet calqué sur l’activité de la zone
érogène. Les différentes périodes du développement affectif sont caractérisées par un
investissement par l’énergie pulsionnelle (libido) d'un objet spécifique.

3- Les stades du développement pulsionnel

3-1 Remarques préalables


L’enchaînement des différents stades est évidemment très progressif et chacune des
problématiques successives (orale, anale, phallique) laisse derrière elle des traces qui
s’organisent en strates successives susceptibles, selon les cas, de cristalliser des points de
fixation, vers où convergeront les éventuelles régressions ultérieures.

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Exemples donnés pendant l'intervention: phénomènes de régression chez un patient
hospitalisé, chez un enfant à la naissance d'un puiné...

Autrement dit, aucun stade n’est purement et simplement dépassé mais on assiste seulement
à une succession de thématiques sous-entendues par une zone érogène déterminée, un choix
d’objet et un niveau de relation objectale spécifiques.

L’enfant les franchit progressivement. La personnalité adulte va dépendre de l’histoire
de ces intégrations successives ainsi que des procédés mis en place pour résoudre les conflits
en présence et surmonter les frustrations. On parle de pathologie quand il existe une évolution
troublée ou en cas de régression persistante et invalidante.

Mort
Naissance

Stade oral

Stade anal

Stade phallique

Complexe Latence Adolescence Vie adulte


Oedipe

Travail de séparation psychique

Dépendance Autonomie
psychique



3-2 Les stades prégénitaux

Ce sont les stades que précèdent l’organisation du complexe d’Œdipe, c'est-à-dire les
stades se situant avant la réunification des différentes pulsions, les pulsions partielles.

On distingue classiquement : le stade oral, le stade anal et le stade phallique (phallus =
représentation psychique du pénis).

3-2-1 Le stade oral

Il recouvre approximativement la première année de la vie.

La zone érogène prévalente ou source pulsionnelle est donc la zone bucco-labiale, le carrefour
aéro-digestif jusqu’à l’estomac, les organes de la phonation mais aussi tous les organes

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sensoriels (importance du regard et de la peau).
Ainsi, que ce soit la nourriture ou les informations sensitivo-sensorielles, il s’agit de faire
passer à l’intérieur de soi des éléments de l’environnement extérieur : on mange ou on
dévore des yeux, on boit des paroles…

L’objet pulsionnel est représenté par le sein ou son substitut (le biberon).
A cette époque, la fonction alimentaire sert de médiateur principal à la relation symbiotique
mère-enfant et très rapidement le plaisir oral vient s’étayer sur l’alimentation. Au delà de
l’apport alimentaire, l’enfant découvre rapidement que l’excitation bucco-linguale procure un
plaisir en soi (suçotement des lèvres ou du pouce).

Le but pulsionnel : Il est double : d’une part un plaisir auto-érotique par stimulation de la zone
érogène orale (succion…) et d’autre part un désir d’incorporation des objets. En avalant «
l’objet », l’enfant se sent uni à lui. A ce stade, avoir l’objet en soi équivaut à être l’objet.

Le sevrage représente le conflit relationnel spécifique de cette période. En réalité, plus que
l’introduction d’aliments non lactés, c’est l’introduction d’une alimentation à la cuillère qui peut
être source de difficultés en amenant une discontinuité supplémentaire entre les cuillerées au
moment même du repas. Celle-ci doit être compensée par un « holding » (D.W. WINICOTT) de
la part de la mère (toucher, regard, paroles…) qui alimentent autant l’enfant.
Si le sevrage est trop tardif, il peut être vécu par l’enfant comme une conséquence de ses
pulsions agressives, c'est-à-dire comme une punition ou une frustration. En revanche, si le
sevrage est trop précoce, avant que l’investissement libidinal n’ait pu se déplacer sur d’autres
objets, l’enfant risque de rester fixé à une relation de type « oral passif ». Le sevrage laisse
dans le psychisme humain la trace de la relation primordiale qu’il est venu clore.

La genèse de la relation objectale débute évidemment à ce stade, mais la notion d’objet est
encore prématurée. Les premières relations d’objet sont encore parcellaires (le sein pour la
mère) et le nourrisson est aux prises avec des objets dits partiels et mal localisés dans
l’espace. Il n’a pas encore conscience du dedans et du dehors, du soi et du non soi ; il vit dans
une sorte d’autarcie où son omnipotence est maximale puisque les objets qui le satisfont
peuvent être encore vécus comme des parties de lui-même ou comme ses propres créations.

A ce stade, il existe une équation symbolique pour l’enfant entre la nourriture et la mère, et les
difficultés relationnelles avec celle-ci peuvent se traduire directement au niveau de
l’alimentation (anorexie, vomissements).

Peu à peu le nourrisson prendra conscience des objets extérieurs, d’une part en différenciant
les objets familiers (aimés) des objets insolites (menaçants), et d’autre part à l’occasion des
expériences de manque, l’enfant perçoit peu à peu que la tension naît en lui-même alors que
la satisfaction lui arrive du dehors.


3-2-2 Le stade anal

Il recouvre approximativement la deuxième année de la vie.

C’est une année consacrée à la maîtrise ou à l’emprise (pulsions d’emprise).


Le plaisir anal (étayé sur l’excrétion des selles) existait déjà auparavant mais il va désormais
se conflictualiser.

La zone érogène prévalente ou source pulsionnelle est la muqueuse ano-recto-sigmoïdienne,


voire toute la muqueuse digestive. Ce n’est donc pas un investissement purement orificiel
puisqu’il va s’étendre jusqu’à l’ensemble de l’appareil musculaire.

A ce stade, il s’agit soit de conserver les objets passés à l’intérieur de soi, soit de les expulser.

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L’objet pulsionnel est cependant relativement complexe car il ne peut être réduit aux fèces. A
cette époque, la mère (et plus généralement l’entourage), est également l’objet partiel à
maîtriser et à manipuler.

Là encore le but pulsionnel est donc double : d’une part un plaisir auto-érotique par
stimulation de la zone érogène anale grâce aux selles, d’autre part une recherche de pression
relationnelle sur les objets et les personnes qui commencent à se différencier. L’enfant
considère en effet ses selles comme une partie de lui-même qu’il peut soit expulser, soit
retenir (distinction entre le dedans et le dehors) ; selles qui deviennent ainsi une « monnaie
d’échange » entre lui et l’adulte.

Le stade anal devient le stade de l’ambivalence maximale puisque d’une part le même objet
fécal peut être conservé ou expulsé (à l’origine de deux plaisirs différents) et d’autre part
parce qu’en fonction du temps et du lieu d’expulsion ou de rétention, il peut prendre la valeur
soit d’un bon objet, soit d’un mauvais objet (arme ou cadeau (relationnel).

C’est donc à ce stade que l’enfant consolide la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, entre le
soi et le non soi, et qu’il commence à prendre plaisir dans la manipulation relationnelle des
objets extérieurs (mère ou substitut).

Ainsi, c’est à 18 mois que Freud, chez un de ses petits-enfants, a décrit le jeu de la bobine
(Fort-Da) qui, au-delà de son pouvoir de symbolisation de la présence et de l’absence de la
mère, traduit aussi l’accession à une certaine maîtrise symbolique et à un certain pouvoir
relationnel sur autrui (on sait que l’enfant adore voir l’adulte ramasser ce qu’il a jeté).

A la lumière de ces données théoriques, l’éducation sphinctérienne ne doit être ni trop précoce
ni trop rigide afin que l’enfant ait le temps d’éprouver un certain pouvoir sur l’autre (condition
de la reconnaissance de l’existence de celui-ci) sans s’identifier à un surmoi parental trop
tyrannique. En tout état de cause la propreté sphinctérienne anale ne pourra être acquise qu’à
l’issue d’une bonne intégration de la phase anale rétentive.

La relation d’objet de type anal : outre l’ambivalence déjà notée (conflit d’ambivalence
primaire : amour/haine), il y a mise en place de l’axe sado-masochique.

La dimension sadique reconnaît une double polarité : la destruction de l’objet extérieur mais
aussi sa conservation en soi pour le contrôler et le manipuler. Elle amène l’enfant à la
découverte du pouvoir sur lui-même et sur autrui (sentiments de toute puissance) et la
découverte de la possession pour autant que les selles puissent servir d’origine et de support à
la notion de propriété privée.

La dimension masochique correspond à la recherche active de plaisir au travers


d’expériences douloureuses. Le plaisir de la fessée, si la douleur n’est pas trop forte, est lié au
déplacement de l’investissement libidinal de l’anus à la peau des fesses. On sait qu’un
maniement excessif de cette attitude éducative peut aboutir paradoxalement à une érotisation
accrue de cette zone corporelle.

La phase anale du développement concourt à la mise en place du couple antagoniste activité/


passivité.






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3-3 Le stade phallique

Il recouvre approximativement la troisième année de la vie.

Annonçant et précédant la problématique œdipienne, il instaure une relative unification des
pulsions partielles sous le primat des organes génitaux, mais sans qu’on puisse encore parler
véritablement de génitalisation de la libido.

Il se centre autour d’une thématique liée à l’absence ou à la présence de pénis.

C’est en quelque sorte une période d’affirmation de soi.

La zone érogène prévalente ou source pulsionnelle est ici l’urètre avec double plaisir de la
miction et de la rétention. Comme le plaisir anal, ce plaisir urétral comporte une dimension
auto-érotique et aussi une dimension objectale.

C’est à ce stade que se manifeste la curiosité sexuelle infantile. L’enfant prend conscience
de la différence anatomique des sexes, c’est-à-dire de la présence ou de l’absence de
pénis. Dès lors le stade phallique va être en quelque sorte une période de déni de cette
absence du sexe féminin ou par le maintien de la croyance en une mère pourvue de pénis.
La fille va manifester son envie du pénis, soit en imaginant une « poussée » ultérieure du
clitoris, soit par le biais d’attitudes dites « d’ambition phallique » (comportements brutaux,
recherche des dangers, allures de « garçon manqué »).

C’est à cette époque que se structurent certains fantasmes liés à la scène primitive et que
se manifestent un certain exhibitionnisme et un certain voyeurisme. Ces tendances qui
appartiennent au plaisir préliminaire de l’adulte cherchent ici à se satisfaire pour leur propre
compte. On sait les rapports qui existent, grâce aux sublimations, ente la curiosité sexuelle et
la curiosité intellectuelle.

L’enfant va également élaborer des théories sexuelles infantiles qui correspondent à


l’interprétation des faits en fonction de son vécu libidinal et compte tenu de son incapacité à
les intégrer sur un plan rationnel.

Au total, le stade phallique demeure un stade prégénital car le pénis est davantage conçu
comme un organe porteur de puissance ou de complétude que comme un organe strictement
génital.

C’est un stade qui demeure en grande partie narcissique et non pas objectal : la question «
d’en avoir ou pas » ne renvoie pas en effet à l’usage qu’on peut en faire mais au simple fait de
la possession du pénis. Les angoisses spécifiques de ce stade sont évidemment des angoisses
de castration.

La "castration" en psychanalyse désigne une expérience psychique complexé vécue
inconsciemment par l'enfant vers l'âge de 5 ans et décisive pour l'assomption de sa future
identité sexuelle.

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3-4 Le complexe d'Oedipe

Le complexe d’Œdipe est le point nodal qui structure le groupe familial et la société
humaine toute entière (prohibition du meurtre et de l’inceste).

C’est le moment fondateur de la vie psychique assurant le primat de la zone génitale, le
dépassement de l’auto-érotisme primitif et l’orientation vers des objets extérieurs.

Le complexe d’Œdipe permet l’avènement d’un objet global, entier et sexué. Il joue enfin un
rôle crucial dans la constitution du Surmoi.

La période œdipienne se situe approximativement entre 4 et 7 ans.



3-4-1 L’angoisse de la castration

Nous en avons parlé au stade précédent mais la castration œdipienne diffère de la castration
phallique en ce qu’elle est moins narcissique et plus objecto-centrée.

Autrement dit, la perte n’est plus seulement une amputation de soi et de son pouvoir, mais
une limitation de sa relation à l’autre. L’angoisse de castration s’origine dans la constatation de
la différence des sexes. Face à cette angoisse, le garçon va se défendre par le
surinvestissement du pénis. La fille, elle qui a découvert son clitoris, mais pas encore son
vagin, va développer une « envie du pénis ». C’est cette envie du pénis qui va introduire la
problématique œdipienne.
3-4-2 Comme dans la légende de Sophocle, Œdipe-roi

Le complexe d’Œdipe correspond à une attirance pour le parent de l’autre sexe et à des
sentiments de haine et/ou de rivalité pour le parent de même sexe.

3-4-3 Différences importantes entre le garçon et la fille

Chez le garçon, le complexe d’Œdipe ne suppose pas un changement d’objet d’amour (l’objet
d’amour initial étant déjà la mère), alors que chez la fille un tel changement doit s’opérer.

C’est l’inverse au niveau des identification, le garçon ayant à changer d'objet d'identification
(de la mère au père), alors que la fille garde le même objet d'identification principal (la mère).
Ce phénomène expliquerait, selon Freud, le fait que souvent les identifications féminines de la
fille sont plus ancrées que les identifications masculines du garçon.

Chez le garçon, l’angoisse de castration vient mettre un terme assez brutalement à la
problématique œdipienne, l’enfant devant renoncer à sa mère sous l’effet de la menace
castratrice.
Chez la fille en revanche, c’est l’angoisse de castration qui initie la problématique œdipienne
dont la liquidation sera chez elle moins rapide que chez le garçon, s’étalant sur plusieurs
années.

L'amour oedipien est un amour doublement entravé : entravé de l’intérieur, car l’attirance pour
une parent implique un certain renoncement à l’autre (tiers regretté) et entravé de l’extérieur
par la menace de castration (tiers redouté).
Ceci explique pourquoi les mouvements anxio-dépressifs sont fréquents pendant la phase
œdipienne ainsi que des émergences phobiques sous-tendus par une peur plus ou moins
inconsciente de perdre l’amour du parent du même sexe.

Le complexe d’œdipe marque une étape décisive puisqu’il instaure la prévalence de l’être sur

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l’avoir. Il ne s’agit plus seulement d’avoir ou non le pénis mais d’être un homme ou une femme
à l’instar des images parentales avec tout le jeu relationnel que cela implique.

Prohibition de l’inceste essentiellement, ce complexe d’Œdipe permet la mise en place du
Surmoi définitif. L’acceptation de la différence des sexes confère également à l’enfant une
aptitude au deuil et à l’activité symbolique de type adulte.

3-5 La période de latence


C’est la période classiquement a-conflictuelle, se situant entre 7 et 12 ans.
En réalité, les conflits des stades précédents persistent en partie, mais se montrent moins
prégnants en raison d’une modification structurale des pulsions sexuelles.

3-5-1 Une relative obsessionnalisation de la personnalité
("7ans l'âge de raison")


L’éducation et l’enseignement savent d’ailleurs mettre à profit cette période pour demander à
l’enfant l’acceptation de rythmes réguliers et une discipline plus précise (soumission à la
règle). Les tendances obsessionnelles reposent sur la mise en place de formations
réactionnelles (dégoût, pudeur, gêne...) qui vont permettre à l’enfant de se dégager peu à peu
des conflits sexuels de la période précédente. Ainsi apparaissent les sentiments de tendresse,
de dévotion et de respect envers les images parentales.

3-5-2 Une désexualisation progressive des pensées et des comportements

Une dé-sexualisation des pensées et des comportements grâce à un travail de refoulement
permettant les sublimations. Les sublimations, en déplaçant les buts pulsionnels vers des
objectifs plus socialisés (jeux et sports collectifs, musique, etc.…) donnent lieu à une
disponibilité particulière de l’enfant pour les apprentissages pédagogiques (tout en rappelant
que l’énergie de ces nouveaux intérêts - la pulsion épistémophilique -demeure issue des
intérêts sexuels originels).

3-5-3 Une extension extra-familiale de la problématique œdipienne



Ceci va permettre l’attirance de l’enfant vers des activités sociales plus larges et des milieux
relationnels différents (école, groupes d’enfants…) grâce au déplacement des conflits primitifs
sur des substituts des images parentales. Ce phénomène concourt grandement à la liquidation
du complexe d’Œdipe.




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Bibliographie

CHEMAMA R., VANDERMERSCH B. (sous la direction de)., 1995. Dictionnaire de la
Psychanalyse, Larousse, Paris, 1998.

FREUD S., 1922. Introduction à la psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1961.

MARCELLI D., 1982. Enfance et psychopathologie, Les Ages de la vie, Masson, Paris, 1999.

LAPLANCHE J., PONTALIS J-B., 1967. Vocabulaire de la Psychanalyse, P.U.F., Paris, 1997.

REZETTE S., Psychologie clinique en soins infirmiers, Masson, Paris, 2008.

ROBERT M., La Révolution psychanalytique, Payot, 1964.

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