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Cours d' Epistémologie clinique

4ème année Psychologie


ESP 2020-2021

Dr Jalil NEHAS
Le préalable à la rencontre
clinique
  
 De l'importance  de la démarche
thérapeutique initiée par le
participant
1er mouvement
  La première prise de conscience . Les prémisses d' un
retour du refoulé . Les débuts de la première
élaboration de la psyché.
2ème mouvement
 Le temps à prendre pour parler à un proche, pour se
renseigner sur un professionnel de la santé mentale,
pour décrocher son téléphone.
3ème mouvement
 La prise de décision . Le 1ier passage à l'acte. La
première confrontation avec e réel. Le sujet fait le
choix de vouloir parler à quelqu'un
4ème mouvement
 Le deuxième passage à l'acte. La prise de rendez-vous.
5ème mouvement
 Le jour "j" . La préparation, y aller ou pas , comment
s'habiller, être accompagné ou pas ...
6ème mouvement
 La concrétisation et le 3ième passage à l'acte. Le sujet
se déplace  et    va honorer son rende-vous. Chemin
faisant, se pose des milliards de questions.
       Est -ce bien la bonne décision ? suis -je capable de
m'entretenir avec quelqu'un  Qu'importe il  est déjà dans
le mouvement... 
7ème mouvement
 L'arrivée à destination . La salle d'attente. Les
questions qui continuent à fuser.
Qu'est ce que je fais là ? Que dois-je dire ? Qui sera le
monsieur ou la dame ? Que va -t-il me dire ? 
Je reste ou je pars ? va-t-il me prendre pour un fou, pour
une folle ?, va-t-il me juger ? va -t-il me comprendre ?
saura -t-il me "guérir" ?
8ème mouvement
 LA RENCONTRE. La découverte. La première
impression, les premiers regards , les premiers
gestes ( le sourire, la mimique, serrer la main ou
pas, choisir la place...)

Cela dure peu de temps , mais cela


pourra déjà attiser la curiosité que   pourrait avoir
  un participant sur le clinicien.
9ème mouvement
 Les premières paroles , les premiers échanges. Pour
que la présence  du participant prenne tout sens , il
faudrait que le clinicien soit en mesure de se séparer de  
   ce qui lui est le plus familier : son discours clinique. Il
est souhaitable  que ce même clinicien échange avec des
mots qui ne relèvent pas de la psychologie. Un discours  
plutôt commun , et à la portée du participant. Il faudrait
avoir en tête que le souci premier du professionnel est
celui d' accueillir une personne humaine, loin de toute
pensée aliénante ( la maladie par exemple),  et à qui il
faudrait tenir un discours des plus simples...
10ème mouvement
  - La fin de la première séance. Une séance  qui  devrait
garder toute sa philosophie de RENCONTRE, devrait
aussi à la limite du possible, ne pas entrer dans le vif du
sujet ( c'est à dire dans la problématique comme
 présentée  par le sujet)  mais seulement faire découvrir
au participant l'espace thérapeutique comme lieu ouvert
à toute personne , au delà de sa  croyance, de sa culture,
de son sexe, de sa couleur, de sa richesse, de son
orientation sexuelle. 
10ème mouvement
Winnicott disait  à propos de  la souffrance psychologique qu' "
il y a des riches et des pauvres. Et il n'est nullement
question d'argent. " En quelque sorte devant la souffrance
psychologique , il y a comme une certaine équité entre tous les
êtres humains. Cette première séance est donc cruciale pour
démystifier la clinique et commencer à la rendre accessible.
Cette séance continue d'ailleurs dans le couloir et jusqu'à la
sortie de  l'espace thérapeutique. On voit donc comment elle est
plus que jamais  portée par la personne du clinicien.
- Le ressenti du participant sur le clinicien après cette
première séance.
- Le participant reviendra t-il ou pas ?
  L'entretien clinique
- L'entretien clinique est le socle de la méthode clinique.
L'histoire individuelle est au cœur de l'entretien clinique.- 
-Il n'existe pas de modèle d'entretien  unique , dans la
mesure où la dimension subjective est de mise. C'est à dire
que les participants ne sont pas semblables , de même que
les cliniciens. Chaque professionnel est porteur et
responsable de "son" modèle. Il est souhaitable de ne pas
travailler par procuration. S'inspirer oui , mais ne pas
s’enfermer dans l’exclusivité d'un exemple. Un exemple n'
a pas vocation  à être exemplaire.
 L'entretien clinique
- Nous pouvons observer sans sombrer dans la
méthode de  la psychologie objective. Et si l'écoute  est
en premier chef le déclencheur de cet entretien , la
parole du clinicien la nourrie et l'entretient .

- L'entretien est situation et acte de mise


en RELATION  , par l'écoute , la parole et le langage.
L'entretien clinique
- C'est une relation intersubjective entre les personnes
engagées dans l'entretien clinique.
- La relation du  départ est non-égalitaire . Puisque
nous partons du postulat qu'il y a un demandeur le
participant , et un professionnel clinicien  formé pour
le recevoir. Quand bien même cette relation est non
égalitaire , le clinicien n'est pas le maître de la
cérémonie. Cela ne fait pas de lui ,  celui qui sait sur
l'autre le " malade".
L'entretien clinique
- L'atténuation de la position non égalitaire , pourrait
prendre corps ( ou pas ) dés que le clinicien commence
à échanger avec la sujet. C'est lé début aussi de
l’intégration ( par le participant) de la personne du
clinicien et au delà du cadre. 

- Ce sont les éléments précurseurs du lien. Et base de


la confiance qui prendra place tout doucement dans la
relation
L'entretien clinique
- Le clinicien n'est pas le détenteur de connaissances
capables de dénouer les pires souffrances. Il a tout à
gagner d'aller à la rencontre de la subjectivité du sujet,
sans jugement ou  un préalable théorique quelconque .

- Il  sera donc  celui qui pourrait accompagner   le


participant , avec l'apport de celui -ci , pour le
déclenchement de mouvements psychiques
symbolisables.
L'entretien clinique
- La position non égalitaire est de mise dans la clinique
médicale, puisque le sujet dépend entièrement de son
médecin , qui est détenteur de techniques pour
apporter une certaine guérison . 

- Cette position s’estompe , dans la clinique


psychologique, à partir du moment où le clinicien
engage toute sa personne, engage  sa singularité , et
met l'autre le sujet demandeur dans une position de
quelqu'un qui participe à sa propre reconstruction.
L'entretien clinique
- Pour ce faire , il met en branle son intuition, son sens
clinique, et surtout une certaine maîtrise de son
fonctionnement  émotionnel .

- De la position non égalitaire ou asymétrique


( normal au début) , le clinicien averti est celui qui
saura instaurer une position symétrique, en dehors de
toute relation d 'ASSUJETTISSEMENT  . Car
l’assujettissement ne peut que mettre le participant
dans une position de subordination.
L'entretien clinique
- L'acceptation du participant est de manière
inconditionnelle , est un préalable important pour tout
entretien clinique.

- Dans l'entretien clinique , l'important est d'accueillir


les mots du participant tels quels , sans chercher à les
offusquer et utiliser d'autres mots à la place ( jargon de
la clinique).
L'entretien clinique
- L'entretien clinique est souvent influencé par l'école
d'appartenance , mais le clinicien digne de son nom est
celui qui fait fi des courants théoriques , et qui reste
centré sur son participant.

- Le clinicien fait alors preuve d' ADAPTABILITÉ ,


C'est une position libre mais contenante qui rend
la clinique opérante.- 
L'entretien clinique
- D' un autre côté , le clinicien qui campe sur ses
positions de penseur ,  de sauveur, de guérisseur , avec
un certain mépris , un esprit hautin , avec de la
précipitation, de la sympathie, de l’apitoiement, est un
clinicien qui pourrait mettre en péril l'entretien et
 rajouter de la souffrance à la souffrance. 

- L'attitude agréable dans l'entretien   est importante


pour la confiance , chemin ouvert à l'empathie, et
laisse place après à l'attitude clinique professionnelle .
L'entretien clinique
    - Quand bien même , la demande n'émane pas de la
personne elle même , comme chez un enfant , ou dans
 une injonction de soins, ou encore dans  une
obligation familiale etc, la qualité du clinicien est
appelé à mettre en branle ,  un entretien  capable
d'amener la personne à devenir sujet de la demande et
à s'installer plus ou moins durablement   dans le
dispositif thérapeutique .
L'entretien clinique
 - L'entretien est un lieu où il y a des communicants au
sens clinique du terme. Cette communication est
fondamentale pour bâtir une INTERACTION
CLINIQUE qui a beaucoup manqué par ailleurs à la
psychanalyse. L’interaction permet à  l'entretien d'être
vivant et en mouvement , pour permettre une certaine
liberté à l'expression , afin que le participant puisse
exprimer ses maux avec ses mots, et que le clinicien
puisse faire un décryptage de ces mots, lire entre les
lignes, lire aussi les non-dits, les oublies, les résistances,
les projections etc.
L'entretien clinique
 -  Une interaction bien construite sans position
hiérarchique, entre le clinicien et son participant  peut
mettre en œuvre  un préalable intéressant au lien,
majorer le processus d'alliance,  et par conséquent
pousser ce même participant à être non seulement
écouté mais surtout entendu.
L'entretien clinique
- Dans l'entretien clinique, notre expérience nous a
démontré que le participant est attentif à  l 'intérêt , la
réceptivité, l 'écoute, et l 'attitude agréable du clinicien.
       L' expérience nous a démontré aussi que les
participants sont troublés par les cliniciens qui prennent
note sur leur bloc, ou sur l’ordinateur. Cela pourrait
susciter chez eux comme un sentiment d'écoute flottante
de la part de ces mêmes cliniciens.
C- la démarche clinique du thérapeute, ou le
clinicien en acte.
 Après avoir mis en évidence la grande importance de
l'entretien clinique et son utilisation et  qui est par
ailleurs le cœur de la démarche clinique, il est  aussi
important de mettre en exergue , quelques  données
cliniques fondamentales que le clinicien devrait aussi
maîtriser pour pouvoir mener cet entretien et mener à
terme un accompagnement thérapeutique.
Comme on n'est pas parent par le simple fait de mettre
un bébé au monde , mais qu' on le devient , On ne n
'est  pas non plus clinicien par le diplôme  mais  on le
devient . De même on ne cherche pas à être clinicien
pour résoudre nos propres problèmes , ou ceux de
notre entourage. Ou encore l'amour de notre
prochain , ne fait pas forcément de nous de bons
cliniciens.
Le clinicien en devenir, est aussi une personne
humaine imbibée de contradictions , de questions sans
réponses, de désirs non assouvis , de pré-notions, de
stress, même d'angoisses etc etc etc .
L 'authenticité  du clinicien est de se dire que la
thérapie n'est qu'un moyen et non une fin . Elle ne
peut que déclencher ( et c'est déjà très important) une
sorte de prise de conscience du participant . 
Par ce faire , il sera l'accompagnateur , une sorte
d'accoucheur et non le faiseur de miracles, même si
souvent c’est ce qu'expriment beaucoup de nos
participants : « Depuis que je vous vois, ma vie a
complétement changé… » Ou encore : « Je vous suis
redevable à vie… ». On pourrait alors, se laisser  se
berner par les représentation  de ces derniers et enfler
notre propre plaisir " je suis indispensable ", " Ne ratez
pas mes rendez -vous , c 'est très important pour vous",
" Le participant est très content quand il me voit , il me
le dit toujours", " J'attend cette personne  qui est
toujours impatiente de me voir", " Ies participants
veulent souvent m 'offrir des choses" etc .
Le clinicien authentique est celui qui entame la
 thérapie avec un participant, sans  à priori clinique ,
capable de suspendre ( et non d’effacer) toute
interrogation automatique sur les symptômes. Qui
engage toute sa psyché, sa personne, son histoire , au
delà de toute considération émanant d
'une quelconque scientificité.
Il devrait ( le clinicien), se présenter comme un
ethnologue ( même avec ses connaissances sur les
cultures)  qui va s'engager sur une culture vierge ( celle
du participant), et qui va se laisser découvrir sa
particularité , son histoire, et sans interventionnisme
aucun.
C'est à partir de là qu'il va construire. Il ne va pas
entamer sa clinique sur un terrain conquis , avec des
prédispositions préétablies. Il est dans l'acquisition . L
'acquisition d'une identité, celle du psychologue
clinicien , qui demande un tas de compromis, de
renoncements , de stratégies, d'adaptations.
C'est donc la production  d'une personnalité en
devenir ( primordiale en clinique), qui est le fruit de
cette identité de psychologue , qui elle même est le
produit d 'une identité personnelle , qui s'y détache de
temps en temps le temps d’une thérapie, mais sans se
perdre. Elle se détache par des remises en question,
des compromis, des renoncements.
Cette identité de psychologue mobile tout au long du
parcours professionnel, commence déjà par les
formations, les stages, les rencontres avec les
 professionnels, et aussi bien sur les expériences de
vie ...
Le  clinicien est celui aussi qui est capable de
 comprendre  que le participant pourrait nous renvoyer
notre propre reflet , et qui est " un autre nous
mêmes", c'est à dire qu'il va nous renvoyer par
moments nos propres difficultés , nos propres
émotions ( complications conjugales, problème
d'argent, souci de sommeil, souci alimentaire, forte
consommation de substance, problème de deuil non
entamé et et et ...) .
Le clinicien est dans un travail continue sur sa manière
d 'être et de faire , il devrait être à la fois distant et
 disponible, lui même et  décentré culturellement,
attentionné et  attentif, une personne singulière et
professionnelle .
Avoir aussi la capacité de s'interroger à chaque
moment sur sa pratique, ses propres représentations ,
et leur éventuelle influence sur la production
discursive du participant au cours des entretiens.
 Car à défaut de se repositionner , et de partager sa
pratique ( analyse de la pratique) , cela pourrait
mener à une forme de pratique clinique cadenassée , et
pourrait même aller à l'encontre de notre mission
première : celle d'accompagner les personnes en
souffrance psychique.
Le clinicien dans sa démarche , devrait s'attendre à
prendre seul   les complications psychiques du
participant au fur et à mesure que ce dernier  "re"
découvre les péripéties de son histoires,  et aussi à
 l'acceptation de son état d'esprit à chaque rencontre,
et ses humeurs qu'elles soient positives ou négatives.
La rencontre entre  un clinicien et un participant  
gagnerait dans sa bonne démarche , à s'inscrire dans
un cadre bien porté par le premier et donc mieux
intégré par le deuxième . Car si le participant n’intègre
pas le cadre intégré , la démarche clinique se
présenterait comme hors-sens , et pourrait même
endommager la rencontre clinique.
La clinique opérante est le résultat de la capacité du
clinicien à dépasser ce que j'appelle la psychologie
"naîve" ou la "psychologie-réalité", et qui est le produit
de notre propre développement au sein d'une société
donnée et véhiculé par le langage et les
représentations sociales .
le clinicien en acte est donc celui qui a fait le choix de
prendre des risques ,  d'avancer sur un terrain miné ,
mais armé de sa conviction , de sa capacité à se
surpasser, à se décentrer, à  dépasser le travail par
procuration , à s'adapter à son public, à requestionner
sa clinique , mieux à l'innover ,   à affronter d'abord ses
propres "démons" , pour aller affronter ceux porter par
ses patients.
Merci pour votre attention

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