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192)
D’APPRENTISSAGE
CHEZ L’ENFANT
Écouter, observer, aider
TROUBLES
Comment savoir ?
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Chez le même éditeur
TROUBLES
D’APPRENTISSAGE
CHEZ L’ENFANT
Comment savoir ?
Écouter, observer, aider
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Les auteurs de cet ouvrage déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
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À nos jeunes patients et à leur famille, auprès de qui nous apprenons beaucoup,
À nos collègues des équipes soignantes et des équipes enseignantes pour la
richesse et l’ouverture de nos échanges ; leur qualité d’engagement soutient la
nôtre,
À nos maîtres et prédécesseurs, qui nous ont légué un héritage passionnant et
nous ont appris à réfléchir,
Aux acteurs ayant des responsabilités institutionnelles, pour leur soutien,
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XIII
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XVII
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En cas d’embarras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Un peu d’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2. Approches théorico-cliniques
– Intérêt d’une lecture psychodynamique,
par D. Durazzi, S. Mendelsohn, M. Bergès-Bounes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Complexité des troubles – Actualité de la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
L’abord psychodynamique – Une série de questions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
La question de l’organisation du sujet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
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3. Pédopsychiatrie et neurosciences
– Lectures neuroscientifique et psychopathologique
des troubles des apprentissages, par N. Georgieff . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Sommaire XXIII
II. EN PRATIQUE
Accueil de la demande des familles et des enfants
en difficulté, indication et réalisation des investigations
et suivis spécialisés
Coordinateurs : C. Bernardeau, J. Scalabrini et M. Schnaidt . . . . . . . . . 73
Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Centres référents des troubles des apprentissages du langage oral
et écrit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Institutions ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Réseau associatif ressource. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
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Ce n’est certes pas par œcuménisme qu’il faut multiplier les échanges avec
différents courants de pensée et pratiques, c’est parce que ces rencontres animent
l’exercice de la psychiatrie. Cet ouvrage en témoigne.
Raphaël GAILLARD
Professeur de Psychiatrie à l’Université Paris Descartes,
praticien hospitalier au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris
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Alors, écouter, observer… pour pouvoir aider au mieux : voici le défi auquel
nous sommes tous confrontés.
habituellement chez tout enfant en âge de fréquenter l’école : savoir lire, écrire,
compter…
C’est de leur place de cliniciens que les auteurs ont écrit les textes rassemblés
dans cet ouvrage collectif, émanant d’une équipe de « centre référent pour le
diagnostic et la prise en charge médicale des troubles du langage et des appren-
tissages chez l’enfant », celle de l’Unité de psychopathologie de l’enfant et de
l’adolescent (UPPEA), structure de consultation hospitalière de spécialité basée
au sein du service de Psychologie et de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
du centre hospitalier Sainte-Anne à Paris.
Notre propos partira d’un premier point d’accroche : « Apprendre, une aven-
ture pour tous les enfants » et invitera ainsi le lecteur à partager quelques consi-
dérations générales sur la mise en place du langage et l’entrée dans les appren-
tissages, sur les embarras possiblement rencontrés en chemin, et sur les questions
ouvertes lorsque des difficultés s’annoncent.
Évelyne LENOBLE
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Apprendre – Une aventure
Chiffres toujours coupés
par la pièce de puzzle :
Univers 55 roman
corps 44
par ailleurs fort de multiples potentialités en jachère, car non encore déterminées.
C’est là sa chance : une part de liberté, d’inventivité et de créativité lui est laissée,
de même qu’une formidable disposition à apprendre et à se perfectionner sans
cesse s’il sait s’appuyer sur les relations dont il dépend, sur les rencontres qui le
nourriront, et la force de vie qui l’anime déjà.
De telles coordonnées présidant à l’entrée dans la vie du petit humain, laissent
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ainsi la part belle aux rencontres, à l’influence du milieu et de l’éducation, sur le
développement.
Parmi les rencontres fondatrices, portées par les adultes les plus proches du tout
jeune nouveau-né (en général, il s’agit de ses parents), nous nous attarderons ici sur
celle avec le langage. Elle est centrale, déterminante, tant pour le sujet de cet ouvrage,
que pour chaque sujet accédant à son statut d’être humain, doué de parole.
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la sphère familiale, dans un lieu hautement symbolique et chargé d’une mission
sociale et culturelle forte : l’école.
En cas d’embarras
Il arrive parfois que des embarras soient présents, tant sur le chemin de l’acqui-
sition du langage, que sur celui de l’accès aux différentes formes de savoirs :
– Le langage ne se met pas en place, ou s’installe avec difficultés, ou encore
avec du retard. Par exemple, l’enfant rentre à l’école à l’âge de 3 ans, et personne,
à part sa mère et quelques très proches, n’arrive à le comprendre lorsqu’il se
lance dans la parole…
4 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
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sûr l’enfant lui-même se trouvent pris au dépourvu, démunis. L’inquiétude ne
tarde pas à envahir l’espace, et des appels à l’aide sont lancés dans de multiples
directions.
C’est à ce titre que les professionnels de santé peuvent être sollicités par les
familles, les enfants ainsi que les partenaires institutionnels du monde de l’enfance
(école, santé, médico-social). Il leur est alors communément demandé : « Que
faire, que proposer lorsqu’un enfant, quel qu’il soit, se trouve empêché [1] dans
son accès aux apprentissages scolaires ? ».
Un peu d’histoire
L’École a été rendue obligatoire en France par Jules Ferry dans les années
1880. Cette décision majeure donne la mesure de l’enjeu constitué par la
volonté politique d’assurer à tous un certain nombre d’acquisitions (au mini-
mum lire, écrire, compter), par l’intermédiaire de la scolarisation. C’est un choix
qui engage toute une société, bien au-delà des seuls professionnels en prise
directe avec les enfants.
Les questions soulevées par les enfants qui n’apprennent pas, ou mal, ou
avec difficulté et lenteur excessive, ou bien de façon partielle et différenciée
selon l’objet proposé à leur apprentissage, malgré une fréquentation assidue
de l’école, ont ainsi mobilisé de longue date les autorités et les professionnels
de terrain. Rappelons qu’une vingtaine d’années après la révolution culturelle
enclenchée par Jules Ferry et par la décision de rendre l’école obligatoire, le
ministère de l’« Instruction Publique » a fait appel à un psychologue, Alfred
Binet, et à un médecin, Théodore Simon, précisément pour tenter d’avan-
cer et de résoudre le problème des enfants qui s’avéraient résistants à cette
Apprendre – Une aventure pour tous les enfants 5
nouvelle situation. C’est ainsi que sont nées, dans les années 1900, les premières
« échelles d’intelligence », dont on sait le succès et les développements ulté-
rieurs qu’elles ont connus.
Les sciences de l’éducation, la psychologie du développement, la médecine,
la sociologie, la linguistique, l’anthropologie, etc. ont été tour à tour convoquées
à ce débat.
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Dès lors que le registre médical est interrogé pour répondre à l’énigme posée
par les enfants résistants aux apprentissages scolaires, il apporte ses outils, ses
façons de penser et d’opérer : repérer les difficultés, les décrire en termes de
signes et de symptômes, les regrouper éventuellement en syndrome, organiser
une nosographie, nommer les entités pathologiques et les rapporter à des catégo-
ries diagnostiques, etc. puis élaborer une réponse « thérapeutique », c’est-à-dire
proposer des actions de prise en charge.
1. WISC IV : Wechsler Intelligence Scale for Children, IVe révision, ECPA (Éditions du Centre de
psychologie appliquée).
2. NEMI II : nouvelle échelle métrique de l’intelligence 2. G. Cognet, ECPA.
NEPSY II : bilan neuropsychologique de l’enfant. M. Korkman, U. Kirk, S. Kemp, ECPA.
K ABC : batterie pour l’examen psychologique de l’enfant. A.S. Kaufman, N.L. Kaufman, ECPA.
6 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
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Binet et Simon. Ils ont été constitués selon une double visée, scientifique d’une
part, afin d’analyser et d’étudier précisément une difficulté rencontrée dans
l’expérience pédagogique, et d’autre part, une toute autre visée tributaire de la
façon dont une société « égalitaire » traite ceux de ses membres qui sortent du
rang. En effet, la pratique d’évaluations standardisées a également pour objectif
de donner des points d’appui pour dépister, trier et orienter les enfants
selon leurs capacités intellectuelles et leurs aptitudes à répondre aux exigences
scolaires. Ce dernier point très délicat reste une question tout à fait actuelle,
convoquant des axes de réflexion éthique et épistémologique [2] incontour-
nables, tant les risques de dérive dans le maniement des outils, sont présents
et redoutables.
La mise au point et la pratique de tests standardisés (sous forme d’échelles, de
questionnaires, ou de tests) en matière de troubles d’apprentissage se sont égale-
ment étendues aux autres professionnels dont la spécialité les conduit à recevoir
des jeunes patients en difficultés avec les apprentissages, notamment les pédiatres,
orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, etc.
Bien évidemment, les connaissances actuelles en matière de troubles d’ap-
prentissage sont fragmentaires et doivent être régulièrement revues à la lumière
de différents apports. De même, les pratiques cliniques sont en perpétuelle
évolution, appelant au développement de programmes de recherche selon dif-
férents axes fondamentaux (neurosciences principalement) ou cliniques, afin de
valider ou non les hypothèses de travail sur lesquelles les praticiens s’appuient
quotidiennement.
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complexité du domaine étudié.
Historiquement, les premiers termes apparus sont les « dys », en voici quelques
exemples les plus fréquemment utilisés :
– dysphasie : trouble du langage oral ;
– dyslexie-dysorthographie : trouble du langage écrit ;
– dyspraxie : trouble de la coordination et de la construction du geste ;
– dyscalculie : trouble dans le domaine logico-mathématique.
Ces termes, tous formés en « dys », en réfèrent à un « mauvais » fonction-
nement d’une fonction « normale » : ici la formidable capacité d’apprendre,
attribuée à tous les enfants.
Ces dysfonctionnements ont été classiquement repérés par les praticiens
(pédopsychiatres, neuropédiatres, psychologues…) comme des « troubles ins-
trumentaux », c’est-à-dire des troubles portant sur les instruments dont dispose
un enfant pour s’approprier le monde extérieur, le comprendre et s’y adapter,
ce dont témoigne les travaux initiés par J. de Ajuriaguerra, R. Mises, B. Gibello et
bien d’autres, dans les années 1960 à 1980.
Ce sont ces mêmes termes « dys », issus de la clinique et d’une nomination
médicale traditionnelle, qui restent actuellement les plus utilisés dans le langage
courant, en famille, à l’école, et lors des demandes de consultation faites auprès
des services spécialisés.
Actuellement, trois nosographies sont officiellement en vigueur : la CFTMEA5
(R 2012), la CIM-106 et le très récent DSM-57 .
5. CFTMEA : Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent, établie par
R. Mises et N. Quemada. R 2012 : 4e révision de cette classification depuis sa première parution en 1988.
6. CIM-10 : Classification internationale des maladies, dixième révision établie par l’OMS – Chapitre
V (F) : Troubles mentaux et du comportement. Paris, Masson, 1994.
7. DSM-5 : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. American Psychiatic Association, 2013.
8 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
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La question de la spécificité des troubles d’apprentissage reste cepen-
dant ouverte. Chacune des versions de ces nosographies traite ce point de
façon différente. Le DSM-IV par exemple ne retenait pas le qualificatif « spé-
cifique » pour le trouble lui-même, mais l’appliquait à d’autres déterminants,
notamment la culture, le sexe de l’enfant, etc. Le choix retenu par les auteurs
du DSM-5 est tout autre. L’ensemble des troubles d’apprentissage retrouve
le qualificatif de « spécifique » dans son intitulé, mais rassemble dans une
seule catégorie tous les troubles (SLD pour Specific Learning Disorders), c’est-
à-dire ceux relevant de la lecture, de l’écriture, du calcul, du raisonnement,
etc. Le DSM-5, de façon nouvelle, insiste sur une dimension fondamentale et
fort pertinente en clinique : l’accès au sens, et non la seule mise en place de
mécanismes fonctionnels de processus appris « par cœur », est désormais
nécessaire pour qu’une opération d’apprentissage soit considérée comme
en place chez un enfant.
La CIM-10 quant à elle, retient le terme d’« acquisitions scolaires », et main-
tient le découpage différencié selon l’objet d’apprentissage (langage oral, écrit,
mathématiques…) ainsi que la notion de trouble spécifique.
La CFTMEA dans sa version R 2012, confirme de son côté, son attachement
à une double lecture de la complexité clinique. Le praticien ordonne son
diagnostic selon deux dimensions, une dimension dite « principale » situant
le fonctionnement global de l’enfant au plan de son organisation psychopa-
thologique, cela en référence aux grands regroupements de la nosographie
classique – troubles envahissant du développement, troubles névrotiques,
pathologies limites, troubles réactionnels, variations de la normale –, une
8. DSM-IV : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, quatrième révision établie par
l’American Psychiatic Association – traduction française sous la direction de J.D. Guelfi. Paris, Masson, 1996.
Apprendre – Une aventure pour tous les enfants 9
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tous les cas, les troubles du langage oral sont clairement distingués de ceux affec-
tant le langage écrit.
Autre point, non négligeable et commun à ces trois nosographies, les troubles
du développement moteur, ou troubles d’acquisition de la coordination, sont là
aussi clairement distingués des troubles d’apprentissage, et traités dans un autre
chapitre.
Actuellement, l’effort pour préciser et cerner une définition des troubles
d’apprentissage a abouti en pratique, au consensus suivant : le « diagnostic » de
troubles « dys » est essentiellement clinique, et repose sur un faisceau d’éléments
à recueillir et à analyser, dont voici quelques fondamentaux :
– une description la plus précise possible des difficultés présentées par l’enfant
lors de l’examen clinique, ainsi que le recueil des données transmises par les
tiers – parents et entourage plus large (scolaire notamment). Les nosographies
en vigueur proposent, à titre de repères factuels, une série d’items préétablis à
valider ou non pour porter le diagnostic ;
– le recours à la passation individuelle de tests formalisés et étalonnés (bilan
psychologique, orthophonique, psychomoteur, etc.).
Le trouble est affirmé dans un registre particulier (langage, praxies, organisa-
tion perceptive, raisonnement, etc.) au vu des signes retenus lors de la rencontre
clinique avec l’enfant, et des données issues de la passation de tests.
La persistance des difficultés de l’enfant, leurs répercussions sur les per-
formances académiques (résultats scolaires) ou bien tout simplement dans les
gestes de la vie quotidienne (fluidité des actes de langage, appétence pour
les livres, plaisir du récit, capacité à partager les règles d’un jeu, organisation
du geste et de la motricité en situation ludique, etc.), constituent une série
10 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
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En complément, les examens formalisés, ceux qui sont repérés sous le terme
de « tests », sont proposés à titre d’outils spécifiques complémentaires, dont la
visée est de cerner au plus près ce qui « dysfonctionne » et empêche l’enfant de
s’engager dans l’acte d’apprendre.
Dans le registre des troubles d’apprentissage, on observe souvent des résultats
contrastés au traditionnel « bilan d’évaluation ». Les tests d’efficience globale
du fonctionnement cognitif situent le plus souvent l’enfant dans la moyenne de
sa classe d’âge, alors que les résultats des investigations portant spécifiquement
sur le domaine suspecté de trouble, situent l’enfant à un ou deux écarts type en
dessous de la moyenne de son âge.
C’est donc une définition principalement descriptive, sémiologique, qui sert
actuellement de référence, avec un appui sur une quantification statistique des
résultats obtenus aux investigations formalisées.
La prise en compte d’éléments psychopathologiques propres à l’enfant en
difficulté avec les apprentissages, n’est pas mise en avant par les modes de
pensée nosographique actuels. Elle est cependant quotidiennement utilisée en
clinique, car elle permet de faire appel à la notion de structure sous-jacente
susceptible de rendre compte du symptôme observé, et d’articuler les troubles
constatés au sens que peut prendre, chez chaque enfant, le désir d’apprendre,
moteur irremplaçable, pour avancer malgré les embarras rencontrés. Les réfé-
rences à la psychopathologie constituent en pratique les fondements de divers
modes d’action thérapeutique, rassemblés sous le terme d’« approches psy-
chodynamiques » des troubles d’apprentissage, marquant ainsi dans le vocable
choisi, la nécessité de préserver, voire d’insuffler auprès d’un enfant en panne
avec les apprentissages et auprès des adultes qui lui viennent en aide, une
pensée dynamique, mobile et créative.
Apprendre – Une aventure pour tous les enfants 11
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(= trouble phonologique) sont variables selon les mots. Par exemple, « héli-
coptère » est produit « hénitotère », alors que l’enfant a la capacité de
produire isolément chacun des sons constituant ce mot.
s Dyslexie
Difficulté d’acquisition de la lecture ayant un caractère durable et se mani-
festant par des erreurs variables (déchiffrage de mots et de syllabes, identi-
fication et reconnaissance de mots, devinement et/ou substitution de mots,
compréhension de texte, etc.), chez des enfants scolarisés, ayant un niveau
d’efficience intellectuelle normal, sans problème sensoriel primaire (visuel ou
auditif), sans lésion cérébrale, sans trouble psychique grave, sans carence
éducative grave. Différents types de dyslexie ont été décrits.
s Dysorthographie
Difficulté d’acquisition de l’orthographe liée à un manque de maîtrise de la trans-
cription (par exemple : corbeau est écrit « crodo »), et/ou à un manque de maîtrise
du découpage des mots (par exemple : à l’approche est écrit « a la proche »), et/ou
à un manque de maîtrise des règles (usage et grammaire ; par exemple « caillou »
est écrit « cayou », et « il vient » est écrit « il vien »). Elle a un caractère durable,
chez des enfants scolarisés présentant un niveau d’efficience intellectuelle nor-
mal, sans problème sensoriel primaire (visuel, auditif), sans lésion cérébrale, sans
trouble psychique grave, sans carence éducative grave.
s Dysphasie
Altération durable de l’organisation du langage qui excède le simple retard de
langage. L’enfant n’a pas les moyens langagiers d’exprimer ce qu’il pense, ce
qu’il ressent. C’est un trouble rare dont le diagnostic est tardif.
12 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
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ment le champ du calcul. Elles mettent en jeu des dysfonctionnements dans
des domaines très divers : l’espace, le temps, le nombre, le raisonnement
ou encore l’organisation de la pensée.
Plus récemment, d’autres termes, encore trop réducteurs, sont apparus tels
que l’innumérisme qui évoque l’insuffisance des connaissances et des com-
pétences de bases requises pour conduire un calcul.
ğ La dyspraxie
La dyspraxie, littéralement trouble de l’action, est un concept largement dif-
fusé par les médias comme les professionnels mais qui ne semble pas faire
consensus. Notamment dans les différentes nosographies qui n’emploient
pas ce terme.
En effet, le DSM-IV parle de trouble des acquisitions de la coordination
– connu sous l’acronyme de TAC – défini « comme une perturbation marquée
du développement de la coordination motrice ». Le DSM-5 avance la notion
de Developmental Coordination Disorders. La CIM-10 quant à elle évoque
l’expression de « trouble spécifique du développement moteur ». Selon la
CFTMEA, on parle de « trouble névrotique avec perturbation prédominante
des fonctions instrumentales ». Tous ces discours s’attachent à classer et
décrire les troubles. Malgré la description d’une même réalité, la multitude
des termes et des définitions semblent insuffisants pour comprendre préci-
sément la dyspraxie.
Julian de Ajuriaguerra et son équipe ont été à l’origine d’un article princeps
sur la dyspraxie, et ont proposé la définition suivante : « Il s’agit notamment
d’enfants d’intelligence normale, ayant une relative facilité dans le domaine
du langage, mais présentant par ailleurs des difficultés importantes sur le
plan moteur et de l’organisation spatiale. Ces enfants consultent pour des
motifs très variés : maladresse, difficultés d’écriture, difficultés scolaires »
(Stambak, L’Hériteau, Auzias, Bergès et de Ajuriaguerra, 1964)9. Cette défini-
tion permet de garder toute la complexité de la dyspraxie et de penser qu’il
1 n’y a pas une dyspraxie mais des dyspraxies, « conséquence de facteurs
multiples et variés qui empêchent la motricité dans le sens mécanique du
terme, de devenir une activité symbolique » (Ibid.).
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Dans la CFTMEA, les difficultés avec l’inscription de l’écriture sont mention-
nées dans la rubrique « troubles psycho-fonctionnels » en tant que « crampe
des écrivains ».
été le plus étudiées, et la plupart des auteurs ont remarqué que ces troubles
concernaient en majorité les garçons (la même remarque a été faite concernant
les difficultés de langage oral).
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Depuis une quinzaine d’années, les choses ont beaucoup évolué en ce qui
concerne l’approche des enfants présentant des difficultés dans les apprentis-
sages, tant au plan d’une prise de conscience sociale de l’ampleur du problème,
qu’au plan des mesures proposées pour y répondre.
Il est important de souligner à ce propos la place importante tenue par la
mobilisation de différentes associations de parents d’enfants « dys », soucieuses
d’éviter à leurs enfants des parcours scolaires chaotiques et douloureux et deman-
dant instamment que des mesures de reconnaissance et d’adaptation soient ins-
tituées.
En témoignent toute une série d’émergences, dans les instances officielles, de
textes soulignant la nécessité de prendre en compte ce champ complexe (Haut
Comité de santé publique en 1999, Conférence nationale de Santé en 2001, puis
inscription parmi les objectifs du rapport annexé à la loi du 9 août 20049 relative
à la politique de santé publique - « Amélioration du dépistage et de la prise en
charge des troubles du langage oral et écrit »).
La prise de conscience du caractère multidimensionnel des troubles, de même
que leur fréquence et la possible gravité de leurs conséquences ont d’ailleurs
abouti en mars 2001 à la présentation d’un plan d’action interministériel pour
« les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage » (Tableau 1-I). Ce plan
et les mesures qui en découlaient (28 au total), réunissait trois instances minis-
térielles (Éducation nationale, Santé, Personnes handicapées) et était l’aboutis-
sement d’un long travail de réflexion marqué par la publication en juillet 2000
du rapport dirigé par J.-C. Ringard, « À propos de l’enfant dysphasique et de
9. Loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la santé publique (en annexe : rapport d’objectifs de
santé publique pour la période 2004-2008).
Apprendre – Une aventure pour tous les enfants 15
l’enfant dyslexique »10, complété dans un second temps, en mars 2001, par la
présentation commune des travaux réalisés sous la direction de J.-C. Ringard et de
F. Veber (ministère de la Santé) en direction des « enfants atteints d’un trouble
spécifique du langage oral et écrit »11.
Tableau 1-I. Plan d’action interministériel* de mars 2001 « en faveur des enfants
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atteints d’un trouble spécifique du langage ».
Objectifs
« Proposer des solutions permettant de répondre aux besoins des enfants, des familles et des
professionnels de la Santé et de l’Éducation nationale face aux troubles de l’apprentissage du
langage oral et écrit ».
« Ces solutions doivent contribuer très concrètement à une meilleure prévention des troubles
du langage quelle qu’en soit l’origine, un meilleur repérage des troubles spécifiques,
l’établissement d’un diagnostic plus rapide et plus sûr, une meilleure prise en charge des 4 à
5 % d’enfants concernés (1 % présentant des troubles sévères). »
* Ministère de l’Éducation nationale, ministère de la Santé, secrétariat d’État aux Personnes handicapées.
Ainsi, depuis 2001, le paysage éducatif et social ainsi que les réponses appor-
tées aux difficultés que rencontrent les enfants sur le chemin des apprentissages
ont été l’objet de profonds bouleversements [4]. Un des plus importants est la
10. Rapport rendu par J.-C. Ringard (Éducation nationale) au ministre de l’Éducation nationale, février
2000.
11. « Plan d’action pour les enfant atteints d’un trouble spécifique du langage » : propositions par
Mme le Dr F. Veber et M. J.-C. Ringard au ministre de l’Éducation nationale, au ministre délégué à la Santé
et au secrétaire d’État aux Personnes handicapées, mars 2001.
16 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
parution, en 2005, de la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la partici-
pation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
La prise en compte des troubles d’apprentissage chez l’enfant dans un sys-
tème régi par une loi cadre, celle sur le handicap en général (toutes spécialités
et tous âges confondus) a permis de garantir à tout enfant, quel que soit son
« handicap » reconnu, la validité de son inscription scolaire, par principe, dans
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l’école de son quartier. Cette mesure n’est pas toujours applicable, néanmoins
sa portée symbolique est très importante. Elle a permis également au système
d’AVS (auxiliaire de vie scolaire) de se développer considérablement. L’enfant
en difficulté bénéficie alors de l’accompagnement, en situation scolaire, d’une
personne admise dans la classe, à côté de lui, pour l’aider à accomplir son
travail. Ce dispositif constitue en lui-même une véritable révolution des habi-
tudes pédagogiques de l’école française, ouvrant la voie à bon nombre de
questions.
Un point très important doit être souligné à ce propos : la place particulière
des « troubles d’apprentissage » chez l’enfant au regard de la question du han-
dicap. En effet, par définition, l’enfant qui entre à l’école ne sait pas ce qu’il devra
apprendre, il ne s’agit pas là d’un manque par défaut de fonctionnement d’une
fonction mentale ou somatique, il s’agit d’un manque « normal », structurel, sain
et surtout indispensable pour ouvrir l’appétit d’apprendre, mettre en mouvement
le désir de savoir et aussi ordonner les conditions de la rencontre pédagogique.
L’élève qui ne sait pas encore, sera confié à l’enseignant qui sait et dont le métier
et la mission sont de transmettre le savoir. Le déséquilibre fait partie de la relation
pédagogique, ce n’est pas un handicap, c’est un moteur.
La décision d’inscrire les troubles d’apprentissage dans le registre de la situa-
tion de handicap, si elle permet une reconnaissance et de salutaires mesures
d’adaptation visant à soutenir l’enfant dans les embarras qu’il rencontre, n’en
reste pas moins une disposition délicate à manier. Le clinicien se doit d’y réfléchir
au cas par cas, tant il est précieux pour tous de soutenir au mieux la dynamique
pédagogique, articulée par essence autour d’une valeur positive indispensable
à tout élève : le crédit qui lui est fait qu’il va apprendre encore plus, « faire des
progrès »…
Apprendre – Une aventure pour tous les enfants 17
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médicale, afin de faire le point concernant les données scientifiques actuellement
disponibles [3].
La diffusion de ces savoirs, la sensibilisation à destination d’un large public, la
réalisation de guides d’information à l’usage des parents et des professionnels
concernés, ont été quant à elles confiées à l’Institut national de prévention et
d’éducation pour la santé, dont le site Internet12 permet un accès facile à une
large base de données.
En ce qui concerne de possibles recommandations de bonnes pratiques,
chaque corps professionnel (médecins, orthophonistes, psychologues, psycho-
motriciens, ergothérapeutes, etc…) peut se référer aux publications cliniques et
scientifiques propres à son champ et aux codes de déontologie régissant son
exercice. À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de recommandations émanant
de la Haute autorité de santé, spécifiquement établies en direction de la prise en
charge sanitaire des troubles d’apprentissage chez l’enfant.
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en matière d’édification, de diffusion et de transmission d’un savoir et de
connaissances communes, à valeur plus ou moins universelles. Nous quittons
donc dans ce cas le registre individuel, singulier, celui de la rencontre clinique,
centré sur un enfant, sa famille, son école. Ce n’est bien sûr pas le propos de
cet ouvrage, mais il est là aussi bien précieux pour notre pratique de pouvoir
consulter de tels travaux, en raison de la mise en perspective qu’ils apportent.
Le poids des déterminants sociaux et culturels ne peut être mis de côté lorsque
l’on s’intéresse aux questions soulevées par les difficultés d’apprentissage chez
l’enfant.
Enfin, dernier point d’ouverture transdisciplinaire, et non des moindres : s’in-
terroger à propos du langage lui-même. Quelles connaissances peut-on articuler
pour approcher sa structure, sa complexité, sa fonction et ses règles de fonction-
nement ?
Les linguistes, les philosophes, les psychanalystes se sont penchés sur la ques-
tion, chacun avec leurs outils. Leurs travaux nous servent dans notre pratique quo-
tidienne et nous y ferons référence tout au long de cet ouvrage.
Les écrivains, qui prennent la langue elle-même pour matériau de leur créa-
tivité artistique s’interrogent avec grâce et brio sur ce mystère que constituent
l’écriture et la lecture. Quelques citations, choisies parmi une profusion d’œuvres,
nous aideront à clore ce chapitre essentiel et à rappeler notre dette envers tout
ce que notre pratique clinique doit aux apports venus d’autres horizons, la litté-
rature en particulier.
13. Le lecteur intéressé peut consulter le site Internet de l’INSHEA (www.inshea.fr) : Institut national
supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements
adaptés.
Apprendre – Une aventure pour tous les enfants 19
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« Et comment désormais ne pas se demander si c’est un bonheur ou un malheur
pour chaque enfant d’apprendre ? Il faudrait toujours se poser la question avant
de les obliger à s’asseoir, à écouter, à répéter. »
J. Benameur, Les demeurées, Denoël, 2000
« Les mots les plus simples perdaient leur substance dès qu’on me demandait
de les envisager comme objet de connaissance. »
D. Pennac, Chagrin d’école, Gallimard 2007
– Julian de Ajuriaguerra, qui avait ouvert en 1946 une consultation pour les
enfants ayant « des troubles du langage et de la motricité » au sein des structures
historiques de l’hôpital Henri Rousselle, au centre hospitalier Sainte-Anne ;
– Jean Bergès, qui lui a succédé en 1960 et a dirigé pendant trente-cinq ans
(de 1960 à 1995) cette consultation, renommée par lui « Unité de biopsycho-
pathologie de l’enfant et de l’adolescent ».
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Tous deux étaient neuropsychiatres, passionnés par la clinique, par la recherche
et par les divers courants de pensée à l’œuvre à l’époque. Ils avaient pour habi-
tude et pour règle de théoriser leurs pratiques.
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Pédiatre, neuropsychiatre
et psychanalyste
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au champ des troubles d’apprentissage
Les années d’expérience acquise au contact des enfants embarrassés dans les
apprentissages amènent nombre de professionnels à penser le caractère « spé-
cifique » attaché à ce domaine, non pas tant du côté des troubles présentés par
l’enfant, que du côté des réponses qui leur sont opposées.
Un « centre référent pour les troubles des apprentissages » accueille par
définition toutes sortes d’enfants souffrant de difficultés d’apprentissage, quel que
soit le contexte psychopathologique et/ou somatique (déficits sensoriels, neuro-
logiques, pathologie génétique…) concomitant.
L’enjeu d’un « bilan pluridisciplinaire de spécialité » est justement de pro-
poser une analyse, la plus fine et précise possible, des mécanismes en jeu dans
les difficultés telles qu’elles apparaissent au travers des investigations spéciali-
sées. Ce temps de bilan permet le plus souvent d’apercevoir et de dégager
des points d’appui, des leviers qui orienteront, de façon la plus pertinente
possible pour chaque enfant, la mise en place d’actions thérapeutiques et de
remédiations.
Le travail de synthèse, qui succède nécessairement à celui de l’analyse propre
au temps du bilan, s’organise le plus souvent autour des quatre points suivants,
ayant valeur de coordonnées d’orientation pour se repérer dans la complexité
de la clinique des troubles d’apprentissage :
1. Les articulations à construire et à faire fonctionner entre les troubles d’ap-
prentissage repérables et identifiables chez un enfant donné et le fonctionnement
psychopathologique global de cet enfant, c’est-à-dire entre son « style cognitif »
et son mode d’organisation psychique, sa position singulière de sujet doué de
parole et d’intentionnalité.
Apprendre – Une aventure pour tous les enfants 23
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4. Les liens entre construction de l’image du corps, symbolisation des éprouvés
corporels, émergence du langage et des processus de pensée ouvrant la voie au
développement des apprentissages.
Bien évidemment, le travail de consultation hospitalière de spécialité consti-
tue un aspect seulement des dispositions à prendre pour soutenir un enfant en
panne avec les apprentissages, et doit s’articuler à tous les autres champs de
compétence requis autour de l’enfant. Il s’agit du champ pédagogique (ensei-
gnants spécialisés ou non, rééducateurs), de celui des relais possibles auprès des
équipes soignantes de proximité (CMP, CMPP, SESSAD, etc.) et des praticiens
libéraux (orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, psychopédago-
gues, pédiatres, pédopsychiatres, neuropédiatres, etc.) engagés auprès de l’en-
fant, ainsi que du champ des mesures sociales initiées par toutes les démarches
relevant de la sphère du handicap.
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Approches théorico-cliniques
– Intérêt d’une lecture
psychodynamique
D. Durazzi, S. Mendelsohn, M. Bergès-Bounes
Comment aider un enfant quel que soit son équipement initial à progresser
dans les apprentissages ?
Le professeur Nicolas Georgieff dans sa note de lecture commentant le rap-
port INSERM de 2007 sur les troubles d’apprentissage [5] illustre la probléma-
tique du pédopsychiatre tenu de prendre en compte aussi bien la part d’inné
que la part d’acquis dans ces troubles : « On peut donc proposer un modèle
pluri déterministe tel qu’il s’impose globalement en psychiatrie, et un gradient
entre causalité environnementale et psychologique prédominante (produisant
des anomalies acquises) et causalité génétique et biologique prédominante
prédisposant à des anomalies innées, ces deux causalités interagissant le plus
souvent ». Ce commentaire encourage à aborder les difficultés cognitives en se
gardant de toute simplification.
Autrement dit, le pédopsychiatre ne peut se contenter de tentatives d’explications
fondées sur l’opposition « organogénèse, psychogénèse » et doit penser un processus
26 Clinique et approche multidimensionnelle
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Prendre en compte la complexité des troubles conduit à proposer plusieurs
façons de les aborder. Souvent plusieurs actions se conjuguent tant au plan des
investigations que des actions thérapeutiques à engager. L’abord psychodynamique
consiste à prendre en considération la position subjective particulière à chaque
enfant, à s’interroger sur ce qui, dans cette position, peut entraver les apprentissages,
à réfléchir aux aides qui peuvent être apportées. Tantôt il s’agit d’encourager voire
de réanimer le désir d’apprendre, tantôt d’aider la pensée à s’organiser. La réponse
thérapeutique n’est pas toujours une psychothérapie classique, ou une prise en
charge orthophonique ou encore un suivi en psychomotricité. Parfois, un détour par
une technique à médiation corporelle (relaxation psychothérapique, graphothéra-
pie clinique, etc.) peut être proposé avec profit. Dans les cas complexes, la propo-
sition de soin ne peut être que personnalisée, « spécifique » pour chaque enfant.
Les recherches sur les processus psychodynamiques déterminants dans le
domaine de l’apprentissage nous paraissent tout aussi nécessaires que celles
menées dans le domaine des sciences de l’éducation, de la sociologie, des neu-
rosciences ou de la génétique [3].
Dans ces deux derniers domaines, les récents apports fournis par les connais-
sances sur la plasticité cérébrale et sur l’épigenèse, nous imposent de nous déga-
ger de la tentation d’explication se référant à une causalité linéaire.
À l’heure actuelle, les recherches menées en neurosciences ou en génétique
ont permis des avancées intéressantes dans le domaine des connaissances ; toute-
fois, dans le domaine des propositions thérapeutiques, leur portée est encore
limitée. Aucune méthode orthophonique ne se distingue dans le domaine des
dyslexies ; quant aux dyspraxies, les chercheurs cliniciens s’orientent essentielle-
ment vers des mesures de compensation du handicap.
Approches théorico-cliniques – Intérêt d’une lecture psychodynamique 27
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POINTS CLÉS – Épigénèse et plasticité cérébrale
ğ En juillet 2007 est paru dans The Lancet un article illustrant de façon spec-
taculaire les pouvoirs de la plasticité cérébrale [4]. L’article exposait le cas
d’un homme de 44 ans, fonctionnaire, marié et père de deux enfants, qui se
plaignait de douleurs dans les jambes d’apparition récente. Le bilan médical
28 Clinique et approche multidimensionnelle
avait produit ces étonnantes images (Figure 2-1) et conclut sur un diagnostic
d’hydrocéphalie.
Le liquide céphalorachidien – en noir sur la photographie – avait progres-
sivement envahi la boite crânienne ; le tissu nerveux du cerveau – en
gris – s’était trouvé repoussé et réduit à une mince bande aplatie contre
la paroi osseuse. Malgré cela, le cerveau s’était adapté et cet homme
avait pu mener une existence normale de « White-collar worker » (« col
blanc »).
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L’abord psychodynamique
– Une série de questions
L’exposé qui suit vise essentiellement à poser quelques jalons et à permettre
au lecteur de désirer avancer un peu plus dans ce domaine.
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vement lire et écrire, cela ayant été vérifié à plusieurs reprises, ni ses différentes
institutrices, depuis son entrée à l’école élémentaire, ni l’orthophoniste qui le suit
depuis la fin du CP, ne comprennent pourquoi Anatole refuse si farouchement
de faire état de ce qu’il sait dans le cadre scolaire habituel. Ce constat a amené
l’école à prendre la décision de proposer le redoublement du CE2, non parce
qu’il serait en échec, car personne ne peut avoir une idée précise de l’état de
ses connaissances ou de ses capacités d’apprentissage, mais plutôt pour donner
une chance à cet enfant de 9 ans de trouver comment mettre à profit dans ce
cadre-là la curiosité pour le savoir qu’il manifeste souvent de manière inattendue
ou décalée.
Anatole est en effet dans une position ambiguë, car il est bien entré dans le
langage et dans la construction du savoir, mais sans que cela implique pour lui
de s’inscrire dans la mise en circulation de ce savoir ou dans le partage des
connaissances. Il a une approche tout à fait solitaire des éléments de savoir qui
l’intéressent – en particulier les dinosaures et certaines questions de mathéma-
tique ou de physique. Il est capable d’accumuler des connaissances approfondies
sur ces sujets, en lisant des livres que l’on aurait pu croire hors de sa portée,
ou bien en se renseignant sur Internet pendant des heures, mais sans rien en
montrer, comme s’il s’agissait d’un trésor à garder précieusement caché. De fait,
si Anatole fait du savoir une chose secrète qui l’isole des autres, cela lui donne
aussi à ses propres yeux une valeur que son histoire familiale ne lui a pas permis
de trouver dans d’autres registres de la vie. Détenir ce savoir, dont il est seul à
connaître la portée, lui donne ainsi un pouvoir imaginaire sur son environnement,
qui lui a certainement permis de supporter les aléas de liens affectifs fragilisés
et de se soutenir lui-même.
Ce redoublement, très mal accueilli au départ par Anatole qui s’est senti
humilié et stigmatisé, a finalement permis qu’un travail s’engage avec lui.
Grâce à la coopération des parents et de l’orthophoniste, en tenant compte
de son grand appétit de connaissances et en valorisant ses propres stratégies
d’apprentissage, notamment dans le cadre d’un atelier logico-mathématique
mais aussi par des entretiens individuels, il est devenu possible de construire
un environnement suffisamment sûr. Dans ce contexte, Anatole a pu faire
30 Clinique et approche multidimensionnelle
l’expérience que le savoir n’a pas seulement une fonction défensive, rigide
et isolante, mais qu’il peut aussi devenir une modalité plus plastique de la
rencontre avec l’autre.
Articuler son Savoir propre, avec les Connaissances générales proposées par
l’institution scolaire constitue, pour chaque enfant, une épreuve, un travail qui ne
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va pas forcément de soi, comme vient de l’illustrer le cas du jeune Anatole, et
comme nous le montrent nombre d’enfants venus consulter pour les embarras
qu’ils rencontrent lors de cette confrontation.
ğ Cette distinction est issue des théories proposées par la psychanalyse, pour
rendre compte des conditions nécessaires à l’émergence d’un sujet doué
de parole. Ce sujet, celui qui peut dire « je », n’est pas constitué d’un bloc,
une partie de ce qui l’a fondé lui échappe. C’est un effet de la rencontre
avec le langage, système à valeur symbolique déjà là lorsque l’enfant vient
au monde.
ğ Le Savoir se situerait du côté de l’« Inconscient », au sens de la psychanalyse,
c’est-à-dire de cette partie du psychisme qui échappe à chacun de nous, mais
reste active à son insu, celle qui est liée aux fondements de chacun, à la
façon dont il s’est approprié la langue qu’il parle, ce qui est en rapport avec
le mystère des origines (inscription dans la filiation, la langue maternelle, la
culture familiale, etc.)
ğ Les Connaissances seraient à situer du côté du « Moi Conscient », du moi de
la connaissance rationnelle, universelle, partageable avec d’autres, formalisée
par les apprentissages scolaires et universitaires.
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crient dessus, ma mère elle crie pas… et puis elle a arrêté de travailler depuis
2 ans pour m’aider dans mes devoirs, pour avoir du temps avec moi… j’ai une
arme secrète, c’est ma mère… dès que je vois un texte un peu long, j’ai peur…
j’ai peur de pas y arriver… toutes ces lettres… avant, j’avais l’impression que
ces lettres étaient des monstres… le T, un monstre avec la tête toute plate, avec
deux yeux au bout, comme un requin marteau, avec une grande hache… le S,
un serpent venimeux… le W, un monstre avec trois pattes et trois têtes, ça fait
trop peur et ça a pas de bras… le i avec une tête au bout, les fils pleins de sang
dessus… rien que d’en parler, ça me fait peur ! Et puis il faut jamais oublier le
point… maintenant je n’ai plus peur des lettres mais des fois je pense à des trucs
qui font peur, les araignées, les mygales, les zombis qui tuent et qui dévorent, les
fantômes, les monstres marins… mon imagination n’a pas de limites ! ».
Arthur a refusé longtemps « les lettres du maître », parce qu’il voulait « inventer »
les siennes, marquant ainsi son refus de la loi générale. Les « lettres-monstres »
d’Arthur sont rarement exprimées par les enfants non-lecteurs avec ce luxe de
représentations imaginaires. Ce sont le plus souvent l’inhibition et l’angoisse
– sous forme de malaise corporel – qui dominent le tableau : perplexité, silence,
incompréhension, oubli, « difficultés de concentration », devant les lettres, ces
formes à identifier et à assimiler mais qui restent des énigmes, impuissantes à
activer pour eux l’envie et le plaisir de savoir nécessaires à l’acte d’apprendre. Le
spectacle de ces enfants en panne devant quelques lignes ou quelques lettres à
lire peut être impressionnant : maux de ventre, de tête, pleurs, picotements des
yeux – qui peuvent se fermer –, impossibilité d’articuler un son, rien ne sort, rien
ne rentre dans ce corps tout angoisse, très présent dans ses manifestations de
souffrance impossibles à dire. Ce qui sort, c’est souvent un « je suis nul, le plus
nul ! », dans un mouvement de découragement et d’impuissance qui contraste
avec ce que l’on pourrait appeler leur « rébellion » devant la lettre, rébellion sup-
posant un désir de combattre, de ne pas se soumettre. Défi, résistance active : à
quoi ? Aux lettres et aux mots venus de l’autre, aux lois du scolaire, à ces formes
à lire impératives qui les persécutent, les regardent, commandent, ne leur laissant
aucun espace pour s’échapper. Refus de se soumettre, refus de perdre ce à quoi
ils tiennent le plus ? « Je ne veux pas lire parce que je ne veux pas grandir »,
32 Clinique et approche multidimensionnelle
entend-on souvent, « je ne veux pas mourir… ». Lire égale mourir, l’équation est
en place ; lire égale lâcher son enfance, son statut de « petit trésor », lâcher la
langue de la maison, lâcher la mère.
La question du corps
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Une large part de nos réflexions, quelle que soit la structuration des enfants en
termes psychopathologiques, concerne la question du corps. Sans doute faut-il y voir
l’influence de deux maîtres fondateurs des recherches sur les troubles d’apprentis-
sage, Julian de Ajuriaguerra et Jean Bergès, dont l’article princeps sur la dyspraxie
continue de faire référence [1]. Il s’agit aussi du poids de l’expérience clinique qui
nous fait rencontrer des enfants encore mal autonomisés dans leur corps, des enfants
qui ne situent leur corps ni dans l’espace ni dans le temps, des enfants dont l’assise nar-
cissique insuffisante ne leur permet pas le jeu du doute, de l’hypothèse, de l’expéri-
mentation, de l’échec, la mobilité mentale que demande le plaisir des apprentissages.
Le langage courant témoigne des liens étroits qui relient corps et apprentis-
sages, « être tout ouïe », « avaler sa leçon », « recracher sa copie », « dévorer
les livres », etc. sont des métaphores bien connues.
Pour que le corps de l’enfant participe à rendre son espace de pensée dis-
ponible, deux modes d’approche sont proposés : la relaxation thérapeutique et
la graphothérapie, qui seront développées dans le chapitre 8 (pp. 137-144 et
pp. 116-125).
La question du désir
Une dimension toute aussi importante nous paraît être la question du désir.
Nous avons souvent à faire à des enfants quelque peu passifs, qui délèguent aux
adultes tutélaires, principalement la mère, le champ du savoir et du vouloir. Les
parents s’étonnent : ces enfants travaillent, savent leur leçon apprise avec leur
mère, mais se l’approprient si peu qu’ils ne pourront rien en faire à l’école ou au
collège. Les élèves en difficulté se plaignent souvent de ne pas aimer leur maître
ou de ne pas en être aimés. Comment alors avoir de l’appétence pour le savoir
proposé à l’école, et comment désirer le retenir ?
Approches théorico-cliniques – Intérêt d’une lecture psychodynamique 33
Un détour métaphorique
La « bulle »
Les deux dimensions du corps et du désir se croisent, se chevauchent et
s’influencent. Elles reflètent le double flux énergétique qui nous mobilise tous ;
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les psychanalystes parlent de libido d’objet et de libido narcissique ou bien de
jouissance du corps et de jouissance phallique. Une traduction très simpliste de
ces notions théoriques pourrait être plaisir de « buller » chez soi, de se « ressour-
cer » dans un intérieur « cocoonant », de goûter l’eau, le sable chaud, etc., avec,
en contre point, le plaisir de la sortie en ville, d’une course en montagne, d’une
découverte étonnante, d’une épreuve réussie, de rencontre nouvelles.
La tension entre une tendance au repli sur soi, sur la maison, sur maman et
papa et l’envie de découvrir le monde, d’y exercer sa force, est présente en
chacun de nous ; l’enfant y est d’autant plus soumis que le souvenir du sein
maternel est proche. Il aura alors d’autant plus de mal à quitter l’univers du
« cocooning » qu’il ne sent pas toujours « les titres en poche » [6] pour s’auto-
riser à explorer le vaste monde. L’univers du « cocooning » n’est pas l’univers de
l’apprentissage, le temps s’y étire, s’y dilate dans une bulle dépourvue d’angles,
les repères se perdent, l’indifférenciation et l’immobilité règnent… Rester dans
l’univers clos de la bulle est risqué : nous ne désirons plus, nous avons tout, nous
pouvons parfois être des mégalomanes tout puissants retranchés dans notre
royaume mais la peur, la persécution, « le film d’horreur », comme le disait un
jeune patient, peuvent y surgir. Dans cet univers indifférencié nous pouvons en
effet fondre, disparaître, nous liquéfier dans l’eau qui nous baigne, nous faire
dévorer par le sein qui nous nourrit.
Sortir de la bulle
Les adultes savent bien que la bulle peut être délicieuse mais qu’il faut savoir
en sortir. Leurs séjours dans la bulle sont organisés et limités. Ils planent par-
fois, mais leurs décollages sont ritualisés, leurs atterrissages sous la sauvegarde
d’une tour de contrôle bien organisée. Pas question de rester « perchés » pour
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emportons avec nous, va-t-il gêner notre vue, ou nous réconforter? De même
nos façons d’organiser nos voyages peuvent nous modifier, nous pouvons choisir
de nous fier aux panneaux de signalisation qui nous préviennent d’un dan-
ger (mode phobique), ou bien compter sur notre capacité de maîtrise (mode
obsessionnel), notre séjour au monde des objets et de la connaissance en sera
différent. Parfois, nous confondons les panneaux et lisons « danger » là où il n’y
a pas lieu, parfois notre volonté de maîtrise nous rend rigides et peu mobiles
psychiquement. Pour les enfants, sortir de la bulle peut aussi être considéré
comme un drame, un effondrement, un abandon, un rejet, il faut trouver un res-
ponsable : « maman ne m’aime pas, elle n’en fait qu’à sa tête » ou bien « maman
m’aime, mais papa commande ». Ce sera vers ce que le père possède, que se
vectorisera alors le désir, la curiosité, et l’intérêt de l’enfant. Il est souhaitable,
comme le font tous les grands textes de référence, que soit énoncée la loi qui
soumet papa et maman et qui leur a permis à eux aussi de grandir et d’avoir des
enfants. La Bible, par exemple, nous transmet cette loi sous forme d’un mythe
fort intéressant pour notre sujet, en nous signifiant que nous avons été chassés
de l’Eden où, immortels, nous ne manquions de rien. Nous en avons été chas-
sés pour avoir goûté au fruit de l’Arbre de la Connaissance qui permet par la
découverte de la différence sexuelle, la rencontre amoureuse [7].
Nous ne sommes pas immortels, papa et maman mourront, nous ne sommes
pas tout puissants, tout cela est bien difficile à accepter sans quelque révolte. Une
forme de rébellion (mode hystérique) peut être de choisir de n’en rien savoir
du tout, de nier au moins une partie de l’énoncé (pas d’impuissance, ou pas de
manque ou pas de différence sexuelle) ou bien de se tourner vers un homme ou
une femme dont la prestance et la puissance laissent miroiter qu’ils sont épargnés
par la loi commune. Séduire ce personnage, régner sur lui peut tenter, il peut s’agir
du père mais aussi des figures d’autorité côtoyées par l’enfant et l’adolescent. Ces
Approches théorico-cliniques – Intérêt d’une lecture psychodynamique 35
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semblent n’avoir pas suffisamment acquis de représentation de leur corps pour
pouvoir se détacher du corps de leur mère. Ils sont maladroits, se cognent, comme
s’ils évoluaient dans un monde aux limites et aux contours flous comme celles de
leurs propre corps. Ils développent en parallèle un investissement fort du langage,
ils parlent presque comme des adultes, souvent toutefois, leur voix paraît mal
posée, peu incarnée. Une part d’eux même semble encore mal individualisée.
D’autre fois, cette maladresse apparaît à l’adolescence, moment de réorganisation
qui, en réactivant la problématique d’individuation, peut transformer des enfants
vifs et lestes en adolescents gauches et raides.
pour l’enfant, c’est elle qui attribue à son enfant des sensations : « tu as faim, soif,
etc. » ; des mouvements affectifs : « tu es content, en colère, etc. ». L’enfant va
peu à peu sortir d’un monde indifférencié sans relief et nommer les objets qui
l’entourent. La mère lui permet alors, au moment du stade du miroir longuement
décrit par des auteurs tels que Wallon et Lacan, de s’inscrire symboliquement,
c’est-à-dire de pouvoir se représenter sans se voir. L’enfant peut se penser déta-
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ché du corps maternel.
Dans le premier temps d’« individuation séparation », le savoir vient de la
mère. Par la suite, en développant sa motricité, l’enfant va pouvoir jouer les sépa-
rations, jouer à en être l’acteur : il s’éloigne, il se cache et apprend à maîtriser
l’absence. Il peut d’abord jouer « seul en présence de sa mère » (selon la formu-
lation, devenue classique, de Winnicott), puis avoir suffisamment symbolisé cette
présence pour pouvoir être seul sans angoisse. Les questions qu’il pose alors
portent sur ce qu’il ne voit pas, sur ce qui lui manque, sur ce qui apparaît : la
naissance des bébés, la différence des sexes, la mort, les occupations des parents,
leur désir. Le petit chercheur émet des hypothèses, se forge ses théories. Cette
position de chercheur ne peut être tenue que si l’enfant accepte une certaine
solitude, un certain manque à être « maman me quitte pour papa, elle ne fait pas
tout ce que je veux, je ne suis pas tout ce qu’elle veut, elle ne sait pas tout, je suis
soumis à la différence des sexes, à la mort, à la séparation… »
Une telle position, quelque peu ardue, de jeune chercheur se nourrit égale-
ment d’un recours à l’imagination : un monde peut-être recréé dans les récits et
les jeux inventés par l’enfant. Les livres mis à sa disposition commencent à appri-
voiser les peurs et l’impuissance, le loup est vaincu, les marâtres sont confondues,
l’orpheline épouse le prince. Certains enfants ont du mal à quitter ce monde
imaginaire, qui répond au refus des pertes qu’ils ont à reconnaître pour grandir.
D’autres savent en jouer et développent ainsi leurs capacités d’hypothèse et
leur mobilité psychique. Enfin, d’autres enfants semblent bien en panne avec un
imaginaire qui leur fait défaut pour habiller l’arbitraire du savoir formalisé, et les
empêchent ainsi d’accéder au monde des hypothèses.
L’entrée à l’école maternelle, puis au CP, réactualise les problématiques d’indi-
viduation séparation. L’enfant doit se plier à une loi commune, les codes ne sont
plus ceux de la maison. L’entrée dans la langue écrite nécessite un nouveau jeu
Approches théorico-cliniques – Intérêt d’une lecture psychodynamique 37
de découpage ; il faut découper dans ces guirlandes, ces dessins que forment les
lettres, des unités signifiantes, les graphèmes, qui correspondent aux phonèmes
de la langue orale. Le corps est mobilisé, la bouche, le larynx, les yeux, les oreilles,
les mains, les doigts, le tonus corporel sont mis à contribution. L’indisponibilité du
corps peut se traduire en lignes qui se confondent, en traits brouillés, en agitation,
en crampes de la main, en maux de tête de ventre. L’écriture sollicite autant l’apti-
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tude motrice que le désir de laisser une trace. Les mathématiques, quant à elles,
vont s’appuyer sur l’intégration des représentations du corps (système décimal),
de l’absence (zéro), de la séparation (soustraction, division), sur la capacité acquise
au cours du développement sensorimoteur (apports de J. Piaget [9]) à poser un
point d’origine.
L’adolescence est la dernière étape à franchir. Les phobies, la dépression, l’ef-
fondrement scolaire peuvent alors témoigner d’une fragilité de la construction
du sujet. Sur fond de bouleversement hormonal, la question du corps se pose
à nouveau, avec celle de l’identité sexuée et du désir. Certains adolescents se
replient dans une morosité et une inhibition de la pensée, le temps de faire ce
travail de deuil de l’enfance. Parfois cette étape est aussi l’occasion d’une remo-
bilisation et nous avons ainsi pu voir la lecture se mettre en place après quinze
ans. Daniel Pennac illustre de même dans son livre Chagrin d’école un éveil tardif
aux apprentissages [8].
Conclusion
L’approche psychodynamique vise à aider l’enfant à construire son assise nar-
cissique (estime de soi, appropriation de son corps, identité), à pouvoir faire jouer
son imagination tout en gardant les pieds sur terre, grâce à l’appui de l’intégration
de la loi commune qui nous rend tout à la fois manquants et désirants.
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L’intérêt d’une lecture psychodynamique est de constituer une trame sur
laquelle viennent se nouer les différentes remédiations et thérapies. Cette lecture
repose sur le crédit fait à l’enfant en ses capacités de changement et d’évolution,
et soutient de ce fait le désir de savoir propre à l’enfant.
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Pédopsychiatrie et neurosciences
Chiffres toujours coupés
par la pièce de puzzle :
Univers 55 roman
corps 44
– Lectures neuroscientifique
et psychopathologique
des troubles des apprentissages
N. Georgieff
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aux sciences cognitives, aux neurosciences et à l’épidémiologie ; dans la seconde,
s’inscrivent notamment la psychopathologie clinique, les sciences de l’éducation
et de la rééducation, les pratiques sociales. Les troubles des apprentissages ont
été l’objet de nombreux travaux de psychopathologues cliniciens, psychanalystes
ou non, ainsi que de chercheurs en sciences de l’éducation. De ce fait, les troubles
des apprentissages ont suscité depuis plusieurs décennies des convergences, des
confrontations, et parfois des oppositions, entre tenants des approches éduca-
tives, psychopathologiques et neurologiques. Pourtant, le dialogue et l’échange
sont ici comme ailleurs obligatoires. Les troubles des apprentissages sont, comme
le développement lui-même, un objet d’étude et de pratique pluridisciplinaire,
à la croisée des sciences expérimentales et des sciences humaines.
Le dialogue n’est cependant pas toujours aisé. Très schématiquement, nous
soulèverons pour éclairer ces difficultés trois questions : la recherche expérimen-
tale partage-t-elle réellement le même objet que la pratique clinique ? La réalité
psychopathologique ou psychiatrique est-elle définie de la même manière par
chercheurs et cliniciens ? Enfin, les fonctions étudiées, mémoire, langage, sont-elles
définies par les uns et les autres de la même manière ?
La première question posée est de savoir déjà si la recherche objective et la
pratique clinique traitent bien du même objet. Comme le montre l’expertise col-
lective de l’Inserm, l’objet des recherches neuroscientifiques consiste en effet dans
les troubles dits « spécifiques » des apprentissages, excluant un déficit sensoriel
bien sûr, l’échec scolaire, les troubles associés à un retard développemental global,
les facteurs environnementaux (pédagogie inadaptée, niveau socioculturel insuf-
fisant, diversité linguistique) et les « troubles mentaux avérés ». Cette définition
restrictive, qui interroge le psychiatre d’enfant en pratique comme en théorie, est
un premier point de débat.
Pédopsychiatrie et neurosciences 41
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En termes psychopathologique, confrontation à l’adversité (pathologies somatiques,
ruptures affectives), et souvent antécédents de carence et de maltraitance, associa-
tion avec les troubles envahissants du développement, plus souvent les états limites
et « dysharmonies » psychotiques ou d’évolution (ou Multiplex Developmental
Disorders), les troubles névrotiques et conduites d’échec et d’évitement de la sco-
larité et des apprentissages (dites souvent encore « phobies scolaires »), des états
d’inhibition sans déficit intellectuel, les troubles anxieux, les troubles de l’humeur.
C’est donc souvent l’absence de spécificité – au sens de l’existence d’une com-
posante psychopathologique quelle qu’elle soit – d’une difficulté d’apprentissage
qui justifie le plus souvent l’intervention du pédopsychiatre « généraliste » (et non
de ceux qui se spécialisent dans cette clinique de l’apprentissage au sein de pôles
de référence spécifiques pluridisciplinaires).
Il faut alors se demander en quoi les données de la recherche neuroscienti-
fique sont pertinentes pour le pédopsychiatre, autrement bien sûr qu’à l’étape
du dépistage et de l’orientation qui le concerne au même titre que d’autres
professionnels de l’enfance et du développement. La question est alors de savoir
si la compréhension des mécanismes biologiques, génétiques et cognitifs en jeu
s’applique à ces situations auxquelles la pédopsychiatrie répond plus souvent par
des pratiques empiriques que par des rééducations fondées sur les connaissances
neuropsychologiques et neuroscientifiques.
La réponse doit être nuancée selon le contexte clinique psychiatrique des
« troubles des apprentissages ». Tous n’impliquent probablement pas en effet
des anomalies intrinsèques de même nature des mécanismes cognitifs de la lec-
ture, de l’écriture ou du calcul.
Un premier type de trouble des apprentissages rencontré en clinique, largement
décrit par les cliniciens, psychologues ou psychiatres, se réfère à des inhibitions
fonctionnelles plus ou moins ponctuelles ou étendues des apprentissages, dues à
42 Clinique et approche multidimensionnelle
des états intentionnels, c’est-à dire à des stratégies inconscientes qui perturbent le
fonctionnement cognitif du fait d’effets de sens propres au sujet, au contexte et
à son histoire. Ces troubles fonctionnels ont longtemps été référés au modèle du
symptôme névrotique. Il est souvent opposé, mais à tort, au modèle neurocognitif
prévalent du dysfonctionnement des mécanismes cognitifs : c’est l’opposition sté-
rile « symptôme/déficit », qui oppose de manière artificielle logique ou causalité
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intentionnelle ou motivationnelle (consciente ou non consciente : le sens d’une inhi-
bition, lorsque le trouble d’apprentissage correspond à un refus ou un évitement)
et logique ou causalité mécaniste ou de production (une anomalie ou déficit des
processus cognitifs). Une anomalie cognitive est un mécanisme, et non une cause.
Les deux démarches sont distinctes mais ne se contrarient ni ne s’excluent, et on
ne peut opposer désir et mécanismes. Elles sont complémentaires, et l’expérience
clinique conduit à supposer qu’il existe des troubles des apprentissages de nature
« fonctionnelle », réversibles, sans anomalies structurelles des processus cognitifs
mis en jeu, sensibles aux approches psychothérapiques individuelles et familiales.
L’anomalie de performance n’est pas liée alors à une altération première de la com-
pétence. Le déterminisme premier du trouble est dans ces cas environnemental et
psychologique, et l’on se trouve clairement en dehors du champ des « troubles
spécifiques des apprentissages ». Il ne faut cependant veiller à ne pas exclure ceux-ci,
de manière dualiste, au nom de l’existence de troubles que nous dirons « fonction-
nels » pour certaines difficultés d’apprentissage. Les déterminismes cognitifs, géné-
tique et neurobiologique sont également en jeu. Et ce d’autant qu’une anomalie
de performance de nature fonctionnelle peut probablement à terme se chronici-
ser et se transformer en déficit de compétence. Un intérêt majeur des recherches
neuroscientifiques est ici d’attirer l’attention du clinicien sur le poids spécifique du
déterminisme neurocognitif dans les troubles du développement.
Le second type de trouble couramment observé correspond à des troubles
des apprentissages associés à des troubles développementaux étendus du spectre
autistique (TED ou TSA), Multiplex Developmental Disorders ou MDD (en termes
cliniques, états limites, troubles graves de la personnalité, dysharmonies), ou à des
états psychopathologiques (troubles anxieux, troubles de la personnalité, troubles
de l’humeur). La question posée alors est la suivante : la nature des processus sous-
jacents aux troubles des apprentissages est-elle ici analogue, du point de vue des
Pédopsychiatrie et neurosciences 43
anomalies des mécanismes neurocognitifs, à ce qui est connu pour les « troubles
spécifiques » ? Car dans ces situations, le déficit de performance est bien lié à
des anomalies des compétences et donc des mécanismes cognitifs. Cette question
a des implications importantes pour la prise en charge de ces enfants qui associe
toujours pratiques de soin et de rééducation.
En fait, on voit que le problème en pédopsychiatrie est de concevoir la plura-
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lité des déterminismes distincts mais coexistants : déterminisme environnemental,
déterminisme psychologique (qui implique la régulation émotionnelle, les moda-
lités d’attachement, les représentations de soi et la conscience de soi, ou narcis-
sisme, la production de plaisir par le fonctionnement cognitif, la régulation de
l’humeur), déterminisme génétique et épigénétique, et neurobiologique. Tous
sont susceptibles d’infléchir le développement d’une compétence, comme l’ap-
prentissage de la lecture, et tous interagissent. D’où la nécessité de pratiques plu-
ralistes associant approches psychothérapiques et rééducatives ou pédagogiques.
On peut proposer un modèle pluri-déterministe, tel qu’il s’impose globalement
en psychiatrie, et un gradient entre causalité environnementale et psychologique
première ou prédominante (produisant des anomalies d’apparence acquises),
et causalité génétique et biologique première ou prédominante prédisposant à
des anomalies d’apparence innées ; le premier et le second ordre de causalités
interagissant le plus souvent. Une perspective dimensionnelle et polyfactorielle
pluricausale est plus pertinente en psychiatrie qu’une perspective catégorielle et
monofactorielle qui semble inspirer la définition des « troubles spécifiques des
apprentissages ».
La difficulté tient au fait que ces différentes causalités peuvent toutes induire
dans les pathologies psychiatriques des anomalies cognitives et neurobiologiques,
comme l’a bien montré la recherche en psychopathologie cognitive : troubles
dépressifs, troubles anxieux et troubles psychotiques s’accompagnent également
d’anomalies cognitives et neuropsychologiques plus ou moins réversibles ou irré-
versibles. La clinique psychiatrique se prête ainsi aux différentes lectures psycho-
logique, cognitive et neurobiologique ou neuropsychologique.
L’implication du niveau cognitif, accessible à l’approche neuropsychologique,
diffère cependant selon le contexte étiologique en fonction d’un gradient entre
deux pôles : anomalies cognitives premières et plus ou moins irréversibles si le
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développement (TED, MDD) dont le déterminisme associe facteurs génétiques
et environnementaux selon le principe de l’épigenèse.
Ce modèle pluri-déterministe nous conduit au second point, la définition du
fait ou de la réalité psychopathologique. Le problème n’est pas seulement scien-
tifique, mais aussi social : la place du pédopsychiatre dans la prise en charge,
comme dans la compréhension du trouble, est interrogée. Si les troubles des
apprentissages sont placés hors du champ psychopathologique, la légitimité du
pédopsychiatre dans ce champ de pratique est mise en question. Son rôle doit-il
être réduit ici à une simple contribution au diagnostic ou dépistage des TSA, et
au-delà à la prise en charge éventuelle de troubles psychologiques seulement
secondaires au trouble des apprentissages ? Ou bien le pédopsychiatre est-il
concerné par les troubles des apprentissages au même titre que par les autres
troubles du développement constituant la psychopathologie de l’enfant ? Tout
dépend de la définition de cette dernière.
Il s’agit donc de savoir si les « troubles spécifiques des apprentissages » sont,
de par leur déterminisme et/ou leur nature, hétérogènes au domaine clinique
de la pédopsychiatrie, que l’on peut définir aujourd’hui comme celui d’une
psychopathologie du développement. Question de point de vue, comme nous
le verrons.
La lecture de l’expertise collective publiée en 2007 [2] témoigne en effet
d’une certaine ambiguïté sur ce point, c’est-à-dire quant aux relations entre
troubles spécifiques des apprentissages, et psychopathologie ou facteurs psycho-
logiques. D’une part, il est rappelé que les travaux actuels insistent sur la causalité
génétique et biologique des troubles spécifiques (p. 19 in [2]) ; de l’autre, est
suggéré un modèle polyfactoriel combinant facteurs constitutionnels et facteurs
environnementaux pour les troubles spécifiques eux-mêmes (pp. 21-23 in [2]),
conformément aux modèles actuels de la pathologie psychiatrique. Le paragraphe
Pédopsychiatrie et neurosciences 45
consacré aux facteurs génétiques est également informatif, mais aussi nuancé et
critique, posant bien les limites d’un déterminisme génétique des comportements
(p. 45 in [2]), de même que celles d’une causalité cérébrale des anomalies cogni-
tives (p. 44 in [2]). Le rôle des facteurs environnementaux est également réguliè-
rement soulevé (pp. 22-23 in [2]).
Corrélativement, se pose la question des critères qui permettent d’écarter
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l’existence d’un trouble psychopathologique associé. Or, ici encore, l’expertise
témoigne d’une certaine ambiguïté. Il est rappelé que les troubles spécifiques
des apprentissages ne peuvent être attribués à une « pathologie psychiatrique
avérée » (p. 60 in [2]). Mais il est précisé que « le caractère spécifique des troubles
des apprentissages […] n’implique pas qu’ils soient monofactoriels ou isolés ».
La distribution des troubles dits spécifiques « infirme les seules explications socio-
logiques et pédagogiques […] par ailleurs, certaines difficultés d’apprentissages
peuvent s’inscrire dans une psychopathologie avérée ou dans des interactions
précoces perturbées » (p. 9 in [2]).
Ces oscillations témoignent de la manière variable dont la réalité psycho-
pathologique est définie, donc d’une insuffisance de précision de sa définition.
La question est en effet de savoir si la psychopathologie est exclue parce qu’elle
n’existe pas, où parce qu’elle n’est pas vue ou reconnue du fait de prémices
qui l’écartent a priori : le trouble des apprentissages étant défini comme non
psychopathologique par nature. On voit que ce qui est en cause est en fait la
définition du psychopathologique. Si la psychopathologie est réduite à l’existence
de troubles patents, son exclusion est facile. Il en va différemment si elle est définie
comme une dimension nécessairement associée à celle du trouble instrumental.
Bien sûr, si le trouble des apprentissages est exclu a priori du champ psycho-
pathologique par une approche catégorielle, la dimension psychopathologique
de ce trouble fait retour par la voie de l’association à ce dernier sur le même
mode, inter- ou co-catégoriel. C’est l’impasse de la « co-morbidité » psycho-
pathologique ou psychiatrique de troubles définis par postulat comme non psy-
chiatriques ou non psychopathologiques.
La lecture de l’expertise collective de 2007 en témoigne. La notion de
comorbidité réintroduit en effet dans le modèle des « troubles spécifiques des
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(c’est-à-dire en se référant à la définition préalable de ceux-ci qui postule leur
« spécificité »). En fait, ici aussi s’oppose une perspective catégorielle, pour
laquelle la relation entre trouble des apprentissages et troubles psychopatho-
logiques (anxiété, troubles des conduites, dépression) ne peut être que causale
et linéaire, les premiers causant les seconds, ou inversement, et une perspective
dimensionnelle qui éclaire la dimension psychopathologique de tout trouble des
apprentissages. Il semble qu’un modèle uni-causal linéaire empêche de prendre
en compte ici les différentes dimensions ensemble, comme si prises en compte
des processus cognitifs et des logiques psycho-affectives et environnementales
s’excluaient mutuellement en tant que causes exclusives, ou comme si une hié-
rarchie causale était supposée entre ces deux logiques. On retrouve ici une ten-
dance à vouloir subordonner de manière réductrice la psychopathologie au fonc-
tionnement cognitif (elle serait la conséquence du trouble des apprentissages),
pour contester la subordination inverse et tout aussi réductrice des troubles des
apprentissages aux facteurs dits « psychologiques » ou affectifs. Or, l’une et l’autre
démarches méconnaissent la nature des interrelations réciproques entre fonction-
nement psychique au sens large, et développement des apprentissages.
Réintroduire la psychopathologie sous la forme d’une co-morbidité du trouble
est la conséquence logique inévitable d’une exclusion préalable de celle-ci de
la définition du trouble. Une fois posé le postulat que le trouble des apprentis-
sages n’est pas de nature psychopathologique ou ne s’inscrit pas en tant que tel
dans une dimension psychopathologique, cette dernière ne peut être interprétée
autrement que comme associée et/ou secondaire au trouble.
Précisément, un modèle dimensionnel évite cette impasse. Il permet de définir
la réalité psychopathologique comme une dimension de la clinique. Comme toute
réalité comportementale et psychique humaine, les troubles des apprentissages se
laissent décrire et comprendre, et peut-être expliquer, dans différentes dimensions
Pédopsychiatrie et neurosciences 47
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de la conscience ou représentation de soi et d’autrui, de l’état de l’humeur, de
l’organisation de la personnalité, du type d’attachement… donc d’une référence
à différents modèles psychopathologiques, psychanalytiques ou non. Elle a aussi
pour particularité de donner une place importante à l’histoire, événementielle et/ou
subjective, de l’individu dans le développement des troubles. Elle confère ainsi de
manière générale une place importante à l’environnement, surtout humain et inter-
personnel, dans la compréhension de la pathologie. Mais elle n’est plus seule à le
faire, le rôle de l’environnement et donc de l’histoire personnelle étant aujourd’hui
aussi pris en compte et compris par la génétique, notamment depuis la révolution
épigénétique qui privilégie les facteurs environnementaux d’expression des gènes.
La neurobiologie elle aussi prend en compte l’histoire personnelle, notamment par
les conséquences des situations de maltraitance et carence sur le développement
cérébral. De même, la prise en compte de la vie affective ou émotionnelle ne peut
plus être considérée comme le privilège de la psychopathologie, les neurosciences
donnant à l’affect ou à l’émotion une place croissante. Enfin, l’intersubjectivité est
aussi l’objet des neurosciences sociales de l’empathie.
La spécificité de l’approche psychopathologique est donc peut-être à
rechercher ailleurs aujourd’hui. Ce qui la caractérise peut-être le plus clairement
aujourd’hui tient selon nous à la prise en compte de deux réalités. La première
est la relation que le sujet entretient avec ses difficultés d’apprentissage, l’expé-
rience subjective de ceux-ci, et par là la réaction de l’ensemble de l’organisation
psychique à ces troubles. La seconde, corrélative, est le retentissement du trouble
d’apprentissage sur la construction et l’organisation de ce que l’on appellera,
faute de mieux, la personnalité [3] et l’autoreprésentation réflexive de soi, et en
particulier que la psychanalyse décrit comme organisation narcissique. On voit
ici que ce qui spécifie l’exploration psychopathologique tient principalement à
sa méthode : l’écoute du sujet dans l’intersubjectivité, qui révèle ces réalités de
48 Clinique et approche multidimensionnelle
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aussi la fonction narrative (la construction d’un récit mettant le sujet et son his-
toire en scène), sa fonction de création de cohérence donc, la portée littéraire,
métaphorique et poétique, la fonction associative, la fonction symbolique et son
rôle dans le processus de subjectivation, sa fonction imaginaire et son rôle dans
la créativité fantasmatique… Chaque approche, cognitive, biologique, ou clinique
tend en effet à réduire les propriétés de l’esprit humain à ce qu’elle en saisit par
sa méthode. La valeur de la psychopathologie est ici d’ouvrir une profondeur
de champ dans la compréhension de chaque « fonction » et du comportement
humain. Elle nous rappelle que ni le langage, ni la mémoire, ni la conscience, ni la
perception ne se réduisent à l’exécution d’une fonction entièrement connue, et
qu’il nous reste à comprendre leur nature réelle au delà sans doute des catégories
psychologiques commodes mais arbitraires que nous utilisons encore aujourd’hui.
Cette interrogation concerne aussi ce que nous appelons ici les apprentissages.
Peut-être sommes nous finalement confrontés ici, autour des « troubles des
apprentissages », à un autre cas exemplaire de l’écart méthodologique entre la
perspective clinique et la perspective de la recherche expérimentale, neuros-
cientifique notamment. On constate déjà une différence importante entre elles
dans la manière dont elles abordent le dysfonctionnement cliniquement constaté :
l’approche clinique utilise le modèle de la fonction (mémoire, langage…) pour
éclairer l’anomalie pathologique, alors que la recherche utilise cette dernière pour
éclairer la fonction normale qui est son véritable objet.
La démarche clinique, du fait de la commande sociale qui lui est faite : prendre en
compte la situation particulière d’un sujet et y répondre en termes de traitement, est
dans l’impossibilité de simplifier son objet, elle est affrontée à la complexité à travers
chaque cas, chaque situation, qui dans sa singularité ne se réduit à aucun modèle.
Pédopsychiatrie et neurosciences 49
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le cas par le prisme du modèle. Pour cela, la pratique de recherche voit la singularité
du cas comme un ensemble de biais à écarter, pour purifier son objet : l’anomalie
d’une fonction – c’est la condition de l’interprétation des données de l’expéri-
mentation. À l’inverse, l’approche clinique rencontre surtout des objets impurs, qui
tous s’écartent du modèle, et elle privilégie tout ce qu’ils montrent de particulier
et que la recherche considère comme biais. La recherche peut être ainsi conduite à
construire un objet idéal qui s’éloigne de la réalité des faits cliniques, au risque de
fabriquer en laboratoire une clinique psychiatrique artificielle, éloignée de la réalité
mais conforme à ses principes. Le risque pour la clinique est inversement de se
perdre dans la complexité au détriment de l’intelligibilité du réel. Enfin, la recherche
privilégie l’étude de la fonction ou dysfonction (lecture, écriture, mémoire…) alors
que l’approche clinique privilégie la relation du sujet à cette fonction ou dysfonc-
tion. La construction de l’entité des troubles spécifiques des apprentissages, qui
semble issue de la pratique de la recherche plutôt que de la clinique, illustre ce
possible malentendu entre les deux perspectives. Chacune éclaire une même réa-
lité de manière différente, selon ses propres critères méthodologiques. Si cet écart
entre les points de vue peut être source de malentendus, il ne tient qu’à nous d’en
faire une source d’enrichissement des connaissances, en rapprochant chercheurs et
cliniciens et en favorisant leur dialogue à partir de leurs points de vue respectifs sur
une même réalité.
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Articulations du système de soins
Chiffres toujours coupés
par la pièce de puzzle :
Univers 55 roman
corps 44
au médico-social
et à l’Éducation nationale
D. Durazzi, J. Scalabrini, M. Schnaidt
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en difficulté vers un parcours de soins, l’enfant rencontrera soit des professionnels
libéraux (orthophonistes, psychomotriciens, psychologues, psychiatres), soit des pro-
fessionnels appartenant à une équipe CMPP2 ou CMP3. La composition de ces
équipes est sensiblement la même, toutefois les CMP, du fait de leur rattachement
hospitalier et de la souplesse d’un système de financement adapté et spécifique, ont
vocation à recevoir les cas les plus difficiles. Les CMP et les CMPP peuvent proposer
des prises en charge individuelles (psychothérapie, orthophonie, psychomotricité)
mais également des prises en charge en groupe (psychodrame, relaxation, langage,
écriture). Ils peuvent également assurer un travail de consultations familiales.
Les CMP sont également disponibles pour un travail de liaison et d’échanges
entre les différents intervenants tant du côté du soin que du côté de l’enseigne-
ment. Les CMP assurent ainsi une cohérence du suivi tout au long d’un parcours
qui, dans les cas difficiles, peut être marqué par la discontinuité des structures
d’accueil et des orientations.
Leur travail s’inscrit dans la durée et permet qu’au fil des années se construisent
des liens qui facilitent les contacts entre les différents acteurs entourant un enfant
en difficulté.
Les CMP sont rattachés à un intersecteur de pédopsychiatrie qui dispose de
structures de soins variées : centre d’accueil à temps partiel, hôpital de jour, voire
hospitalisation à temps complet. Ces différents dispositifs de soins intègrent dans
leur travail les échanges entre parents et enseignants.
Il s’agit, sans trahir les secrets familiaux, de soutenir le travail des enseignants
qui peuvent être déroutés par les enfants en difficulté, ainsi que d’entendre
que le même enfant peut se montrer différent en famille, sur le lieu de soin ou
à l’école. Cette écoute permet que les orientations soient les plus pertinentes
possible et recueillent une plus grande adhésion des intervenants, ce qui est
une condition de leur réussite.
Ces concertations peuvent être plus ou moins formelles. Elles ont lieu le plus
souvent au sein d’un dispositif mis en place par le système scolaire, « l’équipe
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éducative », nommée aussi « équipe de suivi pédagogique » qui se réunit à
l’initiative du chef d’établissement. Elle comprend les parents, le chef d’établis-
sement, les professeurs concernés, les membres du RASED, le médecin scolaire,
l’infirmière scolaire, l’assistante sociale scolaire, et les soignants engagés dans la
prise en charge de l’enfant.
L’équipe éducative est un lieu de dialogue, un groupe de travail qui réfléchit
à la scolarité de l’enfant.
Selon les difficultés de l’enfant, plusieurs solutions sont envisagées :
– maintien en classe ordinaire ;
– inclusion en classes spécialisées ;
– recours à des services médico-éducatifs ;
– recours à des services de soins à temps complet ou partiel.
4. CLIS : classe pour l’inclusion scolaire ; ULIS : unité localisée pour l’inclusion scolaire.
5. Rapport de commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois sur l’application
de la loi n°2005-102 du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et
54 Clinique et approche multidimensionnelle
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un enseignement général en 6e et 5e avant de proposer un enseignement profes-
sionnel en 4e et 3e. En sortant du collège, les élèves sont principalement orientés
vers des centres de formation des apprentis (CFA) ou des lycées professionnels.
Les EREA sont similaires aux SEGPA, et peuvent proposer des internats.
L’équipe pédagogique peut encore proposer la mise en place d’un pro-
gramme personnalisé de réussite éducative6 (PPRE), qui ne nécessite pas la recon-
naissance d’un handicap par la maison départementale des personnes handica-
pées (MDPH). Il permet un soutien pédagogique spécifique sur une courte durée
et est automatique en cas de redoublement.
L’élève peut aussi être maintenu en classe ordinaire avec l’appui d’un certain
nombre d’aides, pour lesquelles l’accord de la MDPH s’impose :
– aides humaines (auxiliaire de vie scolaire – AVS, ou intervention d’une équipe
de soins et de suivi à domicile – SESSAD) ;
– aides techniques : matériel pédagogique adapté, ordinateur…
– aides financières : prestation de compensation du handicap (PCH).
Ces aides sont obtenues après un recours à la MDPH et s’intègrent dans le
cadre d’un projet personnalisé de scolarité (PPS).
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conseillent les parents et vérifient qu’ils sont correctement informés. L’enseignant
référent de secteur a pour mission d’aider les parents dans la constitution du dos-
sier MDPH et de veiller à la bonne articulation des différentes instances. L’article 64
de la loi énonce qu’« un interlocuteur unique prend en charge les démarches
complexes imposées aujourd’hui à la personne ou sa famille ». En cas de désaccord
entre les parents, l’équipe éducative et la MDPH, un médiateur est désigné pour
privilégier le consensus et maintenir les parents au centre du dispositif.
Le projet personnalisé de scolarisation accompagne tout élève en situation de
handicap au long de son parcours. Il permet de coordonner la scolarisation avec
les différents accompagnements qui peuvent être nécessaires à l’élève (pédago-
gique, éducatif, social, médical, et paramédical). Le PPS est élaboré à la demande
des parents, mais il est construit par une équipe technique d’évaluation pluridis-
ciplinaire de la MDPH.
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L’enseignement y est assuré par des enseignants spécialisés détachés de l’Édu-
cation nationale. La classe fait partie d’une unité d’enseignement pédagogique.
Des intégrations scolaires à temps partiel sur l’école de secteur peuvent également
être maintenues.
Ces structures, qui sont les mieux dotées en personnel soignant, offre un cadre
contenant et rassurant. Elles permettent, sur des temps d’accueil longs, une meil-
leure prise en charge des troubles et la poursuite des apprentissages. Les échanges
soignants-enseignants y sont facilités et les enseignants particulièrement soutenus
pour maintenir leur mission.
Les liens avec l’école de référence sont nécessaires lorsqu’une intégration à
temps partiel est indiquée. Cette intégration permet à l’enfant d’être reconnu
dans un statut social d’écolier, de garder des éléments de référence quant aux exi-
gences du monde scolaire. Les alternances temps de soin, temps d’apprentissage
permettent une meilleure qualité de présence lors des temps d’apprentissage.
Enfin, il existe des structures soins études qui s’adressent aux adolescents et
leur permettent de poursuivre, malgré leur fragilité psychique, des études secon-
daires ou supérieures.
le travail des équipes locales, tantôt à concourir à sa mise en place. Cela néces-
site un patient travail de recueil d’informations auprès des soignants, des équipes
éducatives et des enseignants ainsi qu’un travail d’articulation et de transmission
auprès de ces intervenants, qui doit être mené dans le respect du secret médical.
L’intervention du centre référent permet alors un regard différent. À la faveur d’une
nouvelle évaluation, émerge une autre lecture des symptômes, d’autres propositions
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de soins. Il est important que les échanges entre équipes soignantes (celles de « pre-
mière ligne » et les consultations dites « de recours ») permettent aux différentes
lectures de trouver une cohérence et de s’enrichir mutuellement. Le point de vue
des équipes qui accompagnent l’enfant au plus près et dans la durée est essentiel. La
confrontation entre un point de vue longitudinal et un avis ponctuel est nécessaire
dès lors qu’il faut soutenir une prise en charge complexe et au long cours.
Par la suite, le centre référent peut être à nouveau sollicité pour le même
enfant par l’équipe qui assure le suivi, à titre d’avis sur l’évolution, et/ou d’aide à
l’orientation scolaire ou thérapeutique.
Les centres référents interviennent également lorsque s’imposent des inves-
tigations ou des suivis plus particuliers dans des domaines où leur expérience a
permis le développement de compétences particulièrement spécialisées – lan-
gage oral, langage écrit, calcul, concentration.
La loi de 2005
La loi du 11 février 2005, « loi pour l’égalité des droits et des chances, la par-
ticipation et la citoyenneté des personnes handicapées »7, vise à assurer à tous,
adultes ou enfants, quel que soit le handicap, les mêmes droits.
L’enfant en difficulté d’apprentissage qui doit bénéficier d’aides humaines ou
techniques, être orienté en classe d’inclusion ou vers des établissements médi-
caux sociaux, entre dans le cadre de la loi de 2005. Celle-ci fait actuellement
figure de cadre principal articulant systèmes de soins, services médicaux sociaux
et Éducation nationale.
7. Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et
la citoyenneté des personnes handicapées.
58 Clinique et approche multidimensionnelle
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La définition du handicap proposée par la loi de 2005 recouvre un vaste
champ (article 2) : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limi-
tation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable
ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cogni-
tives ou psychiques, d’un polyhandicap ou trouble de santé invalidant. »
Dans ce nouveau champ, sont à présent inscrits les troubles d’apprentissage, ce
qui impose le passage par le statut d’handicapé pour obtenir une orientation ou
l’appui de certaines structures. Cette reconnaissance, se fait sous l’égide de la MDPH
du département de l’élève. Les MDPH sont des groupements d’intérêt public (GIP)
qui se trouvent sous la tutelle administrative et financière du Conseil général. Cette
politique départementale peut entraîner certaines disparités dans les prises en charge.
La création des MDPH vise à une simplification des formalités administratives
en proposant un « guichet unique » qui regroupe tous les acteurs œuvrant dans
l’insertion et dans l’aide aux personnes en situation de handicap. Elles ont une
mission d’accueil, d’information, d’accompagnement et de conseil aux personnes
handicapées et à leurs familles.
La MDPH est saisie par les parents. Une équipe technique pluridisciplinaire
évalue les pathologies et leur retentissement. Elle s’appuie sur différents avis
– parents, équipe éducative, thérapeutes. Selon les conclusions de cette équipe,
la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)
statue. Les CDAPH se prononcent sur l’orientation en classes d’inclusion ou vers
les établissements médico-sociaux et sur l’attribution de dispositifs d’aide : allo-
cation pour enfant handicapé, carte d’invalidité et de priorité, aides techniques
et matérielles, ordinateur, logiciels particuliers, aides humaines (AVS), aides théra-
peutiques d’un SESSAD.
Articulations du système de soins au médico-social et à l’Éducation nationale 59
Pistes de réflexion
Importance du travail transversal
– La concertation entre les différents intervenants
La concertation entre parents, équipes soignantes et équipes éducatives
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relève, pour la plupart des thérapeutes confrontés à des pathologies nécessitant
un suivi au long cours et des adaptations scolaires, du champ thérapeutique lui-
même. Il s’agit d’une activité fondamentale bien que chronophage. La loi de
2005, en instituant le projet personnalisé de scolarité, a reconnu la nécessité de
ces concertations qui font partie des traditions de travail des équipes éducatives,
des équipes soignantes et des services sociaux.
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temps scolaire, autrefois dévolues à l’école, et se tenant au plus près de l’enfant,
sont à présent du ressort de la MDPH, ce qui implique un parcours plus long,
plus compliqué et une anticipation parfois dès le début de l’année scolaire de
l’orientation de l’enfant :
– Comment rendre le parcours de l’élève plus facile ?
– L’inclusion scolaire est-elle toujours pertinente ?
– Y a-t-il un risque de parcours d’échec dans ce choix ?
Les enseignants spécialisés doivent être stables dans leur fonction, ce qui
ne peut pas toujours être assuré. La difficile question de la formation des AVS
n’est pas encore résolue. Nous ne disposons pas encore d’études longitudi-
nales sur le devenir des enfants reconnus handicapés en raison de leur troubles
d’apprentissage, ni d’études comparatives avec d’autres groupes d’enfants
qui ont suivi, à troubles équivalents, d’autres filières. Combien d’enfants pré-
sentant des troubles des apprentissages, reconnus handicapés le restent-ils à
l’âge adulte ?
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ments scolaires.
Ces mesures, si elles répondent à l’intention louable de soulager des enfants
parfois très gênés dans leur scolarité, ne sont pas sans susciter bon nombre
de réserves quant aux conséquences qu’elles induisent.
ğ À cet égard, on peut évoquer le mode de prise en charge actuel des enfants
qui rencontrent des troubles dans l’inscription de l’écriture, ceux dont l’écri-
ture est trop lente et/ou brouillonne et pas suffisamment lisible. Selon cette
approche, ces difficultés sont suspectées d’être le signe d’une dyspraxie,
c’est-à-dire d’un trouble de la coordination motrice qui empêcherait l’auto-
matisation du geste d’écrire ; le « coût cognitif » de l’écriture deviendrait
trop élevé, d’où une fatigue, une lenteur et une écriture jamais correctement
tracée.
L’usage d’un ordinateur, le recours à un(e) auxiliair(e) de vie scolaire qui peut
le cas échéant écrire à la place de l’enfant, ou la mise en place d’un tiers
temps pour les travaux écrits deviendraient alors incontournables.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit jamais de mesures
anodines. Par exemple, bien que l’ordinateur soit devenu banal dans la vie
quotidienne des enfants, cette utilisation dans le cadre scolaire n’est pas
sans poser problème.
La réaction de certains enfants en témoigne d’ailleurs. L’expérience montre
qu’ils sont nombreux à refuser de tels aménagements ; soit qu’ils les
ressentent comme une privation, voire un risque de perte de leur écriture
manuscrite, soit qu’ils se sentent marginalisés par ce statut différent de celui
des autres élèves de leur classe.
ğ D’autre part, même si la loi donne une représentation extensive à la notion
de handicap, ce terme continue de véhiculer une connotation péjorative. Le
qualificatif « handicapé » reste synonyme de défaillance et d’atteinte irré-
médiable ; être reconnu en tant qu’handicapé peut être vécu, aussi bien du
côté de l’enfant que du côté des parents, comme une véritable blessure
narcissique.
Le diagnostic qui officialise la difficulté avec l’écriture, qui l’authentifie, peut
parfois même prendre la valeur d’une marque identitaire en venant inscrire
l’enfant dans un statut déficitaire dont il lui est toujours délicat de se dégager
par la suite.
62 Clinique et approche multidimensionnelle
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comme une composante du fonctionnement affectif d’un enfant. Il témoigne
toujours en effet d’une fragilité existentielle qui nécessite d’être prise en
compte à un moment ou un autre, en tant que telle, dans une approche
psychothérapeutique spécifique. Bien souvent, c’est plutôt l’adaptation à la
situation scolaire qui est privilégiée au détriment du soin ; le mal être de
l’enfant, sa souffrance, risquent alors d’être négligés lorsqu’ils ne sont pas
tout bonnement méconnus ou occultés.
Et si toutefois un soin est envisagé, il peut s’avérer compliqué par la mise
en place de ces mesures palliatives ; en effet, l’enfant se trouve alors mis
dans la position paradoxale de devoir investir un processus thérapeutique
parfois long, toujours complexe, alors que certains aménagements scolaires
le maintiennent dans une situation de dépendance et de passivité qui vient
entraver ou nier par avance l’évolution qu’une approche thérapeutique pour-
rait lui permettre.
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L’enfant, l’élève, le patient
Chiffres toujours coupés
par la pièce de puzzle :
Univers 55 roman
corps 44
M. Goffinet
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La tranche d’âge des enfants reçus correspond aux 6-12 ans (période de
l’école primaire). Depuis toujours, pour chaque enfant accueilli au GST, inscrit ou
non à la MDPH, l’équipe soignante se déplace à l’école pour des réunions parents,
pédagogues, soignants. Depuis la loi de 2005, ces réunions sont identifiées comme
« réunions de suivi pédagogique ».
Du côté de l’école
L’annonce d’une réunion avec l’équipe de pédopsychiatrie n’est pas forcé-
ment bienvenue. L’enseignant est souvent contraint à faire la réunion sur son temps
personnel, ou bien à quitter sa classe pour participer à ces réunions, obligeant
alors ses collègues à prendre en charge ses élèves.
Surtout, l’arrivée de l’équipe soignante sur le lieu scolaire peut faire l’effet
d’une menace : savoir médical tout puissant qui vient évaluer et juger les com-
pétences de l’enseignant. « Pourquoi cet enseignant n’est-il pas capable d’ap-
prendre à cet enfant ? », « Sa pédagogie est-elle la bonne ? »
Le vécu d’échec est souvent massif pour l’enseignant. Il va devoir devant les parents
et d’autres professionnels raconter les impasses dans lesquelles il se trouve. Ce n’est pas
L’enfant – l’élève – le patient 65
seulement son autorité qui peut être remise en question par un patient turbulent, mais
aussi sa capacité de pédagogue face à un enfant qui ne comprend pas une consigne
malgré plusieurs explications, qui bute sur la combinatoire alors qu’il comprend la
numération, qui savait hier et qui ne sait plus aujourd’hui, qui veut participer mais qui
est toujours à côté, etc. Bref, un enfant qui laisse perplexe et démuni. Ce sentiment
s’accroît encore paradoxalement face à un élève calme et tranquille en apparence.
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Heureusement, ce sentiment d’être jugé dans son travail n’est pas toujours
retrouvé et au contraire, lorsqu’une réunion « prend », c’est l’impression d’être
moins seul(e) et de pouvoir enfin quitter une impasse qui apparaît. Les ensei-
gnants peuvent alors parler de ces temps de travail comme d’une enveloppe,
d’un appui, d’une respiration, d’un lieu de tissage, etc. et constater qu’à l’issue
de ces réunions, le travail d’enseignant redevient possible. Les objectifs de l’école
sont définis avec l’accord de tous pour cet enfant et non plus uniquement en
fonction des programmes de l’Éducation nationale. Des apprentissages restent
possibles malgré les absences de l’élève pour ses soins.
A contrario, le groupe de travail à mis en exergue un écueil possible de ces
réunions côté école : opérer un désinvestissement de l’enseignant. En effet, pour
rassurer ou déculpabiliser l’enseignant devant l’énigme que représente cet enfant,
il est aisé de lui décrire ce que l’on imagine du fonctionnement mental de l’enfant :
les entraves psychiques qui désorganisent sa pensée, les mécanismes de défenses
archaïques auquel il est confronté. Or, si l’enfant semble « trop » malade, trop
étrange à l’enseignant, cela peut au contraire le décourager et notamment ne plus
lui permettre de voir dans l’enfant sa partie élève et lui faire crédit de pouvoir
apprendre. Comment oser apprendre à un enfant la combinatoire alors qu’il est
décrit comme morcelé et envahi par un monde imaginaire ? Et pourtant, nous
avons tous vu des enfants entrer dans la lecture alors que rien ne tient dans leur
monde interne. Et pour certains, c’est même les apprentissages scolaires qui les
aident à faire tenir les choses ensemble et à donner du sens à leur environnement.
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l’élève sur les temps de classe et de ne pouvoir accompagner correctement ce
dernier dans ses apprentissages. « Déjà qu’il a des problèmes, si en plus il saute
la moitié des explications... »
Toutefois, c’est souvent au cours de ces réunions que l’alliance thérapeutique
avec la famille va pouvoir se faire et ce, grâce à la place de l’école. Pour beaucoup,
l’école représente la norme sociale, et en cela, la parole de l’enseignant et du
directeur est décisive. Les parents n’acceptent les soins qu’avec l’« autorisation »
ou la réassurance de l’école. En effet, la proposition médicale semble paradoxale :
« Votre enfant a des difficultés scolaires ? Diminuons son temps de classe et ça
va s’arranger ! ». C’est seulement lorsque les pédagogues décrivent aux parents,
par exemple, comment les apprentissages ne font pas sens pour l’enfant, l’indis-
ponibilité psychique à laquelle ils sont confrontés, la fatigabilité qu’ils perçoivent
parfois après seulement quelques minutes de travail, la souffrance de l’enfant dans
le groupe, et qu’ils expliquent comment la diminution du temps de classe ne va
pas entraver leur enfant mais au contraire lui permettre de profiter pleinement
de ses temps de classe, que les parents pourront alors vivre les temps de soins
de façon plus sereine.
De plus, il est souvent très surprenant, et en cela intéressant, d’entendre l’école
parler des patients. Est-ce du même enfant dont nous parlons ? Cet enfant si
triste et docile au GST, qui vole l’argent de la maîtresse, cet enfant si vide avec
nous qui se réjouit de réciter sa poésie, cet enfant tellement perdu qui réussit les
problèmes, cet enfant si tranquille au GST qui fugue de l’école, urine dans les
poubelles à la récréation, pousse la maîtresse à l’eau lors du cours de natation,
cet enfant dont nous connaissons l’efficience intellectuelle entravée au moment
du bilan psychologique, que l’enseignant nous décrit comme astucieux... Nous
avons souvent le regard et le vécu des parents pour nous parler de l’enfant, mais
il est également précieux et stimulant de confronter notre vision à celle de l’école.
L’enfant – l’élève – le patient 67
Du côté du patient
Nos jeunes patients sont toujours informés des réunions scolaires. Ils savent qui
de l’équipe se déplace dans leur école. Ils savent également que leurs parents y
seront présents ainsi que leurs deux enseignants (celui de l’école et celui du GST).
Le dispositif institutionnel permet un accompagnement au plus près de l’enfant
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pendant ces temps de réunion scolaire ; en effet, alors que le médecin et l’assistant
social sont à l’école, l’enfant est au GST avec les autres patients et les infirmiers.
Régulièrement, les infirmiers rapportent des réactions importantes des patients
pendant le temps de la réunion : « Boris qui se désorganise complètement, s’agite,
semble à nouveau éclaté... Arnaud, qui se met à rouspéter contre tout, ne suppor-
tant pas de ne pas être lui-même présent à cette réunion nous montrant alors à
quel point il est angoissé dès que quelque chose lui échappe. Elena qui semble
subitement prise de remords et qui vient expliquer les bobards racontés à sa maî-
tresse, montrant combien elle est soulagée que la parole circule... ». Nous ferons
des hypothèses sur ces mouvements.
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se coordonner.
Cependant, malgré ce travail en amont (ou peut-être grâce à ce travail préa-
lable), il semble indispensable, bien que parfois difficile, de venir à ces réunions le
plus « ouvert » et disponible psychiquement. Si l’on se présente avec un objectif
préalablement défini – faire accepter plus de temps de classe à l’école, donner
une solution à l’enseignante sur comment faire, faire prescrire un traitement phar-
macologique par le médecin, etc. –, alors la réunion se transforme en joute. Il
faut supporter de se laisser surprendre... Le fait que ces réunions fassent partie
du cadre thérapeutique, qu’elles ne soient pas une demande exceptionnelle en
situation d’urgence, qu’elles aient lieu même si « tout va bien », permet d’éviter
l’écueil du trop décisionnel.
Hypothèses psychodynamiques
Les troubles de l’apprentissage – Des symptômes
Roger Misès [1] écrivait souvent qu’il faut au maximum éviter la déscolarisa-
tion et favoriser les soins ambulatoires. Quelles sont les situations cliniques qui
nous font proposer la psychothérapie institutionnelle et sa lourde conséquence,
le retrait plus ou moins partiel de l’école ? Lorsqu’il y a trop de discontinuité
psychique pour un suivi ambulatoire, lorsque les liens sont trop menaçants et qu’il
faut diffracter le transfert, lorsque les angoisses sont si morcelantes que l’enfant
ne peut lier les expériences vécues avec ses ressentis et qu’il faut tout rassembler
dans un même espace, lorsque l’enfant n’est pas suffisamment sujet et notamment
en deçà de toute préoccupation scolaire (« il n’est pas en place d’élève » disent
très bien les enseignants), lorsque le groupe (notamment l’école) fait menace alors
qu’individuellement tout va bien, lorsque la famille est trop fragilisée pour assurer
L’enfant – l’élève – le patient 69
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ce titre le reflet de multiples conflits, empêchements ou écueils du développement.
Apprendre, c’est accepter d’être manquant, c’est renoncer à sa toute
puissance, pouvoir dire « je ne sais pas », supporter l’échec, pouvoir perdre
quelque chose sans danger, déplacer une information d’un contexte et la réu-
tiliser ailleurs, supporter l’aléatoire, etc. Or, pour tout cela, il faut se sentir suffi-
samment entier, sujet et confiant du monde extérieur. Comment apprendre les
soustractions à un enfant qui se désorganise dès qu’il voit sa main disparaître
dans un gant ? Comment pouvoir réfléchir seul si maman répète toujours « je
sais tout ce que tu as dans la tête » ? Comment écouter la maîtresse si je dois
surveiller tous les élèves dont j’ai peur ? Comment garder une information en
soi alors que mon corps n’est pas fermé et plein de trous ? Apprendre, c’est
aussi se risquer à comprendre et donc pouvoir s’interroger sur ses origines,
son passé, pouvoir faire des liens entre différents éléments, donner du sens au
monde qui nous entoure, percevoir les choses dans leur globalité et non plus de
manière disjointes... mais « comment faire des liens alors qu’il est dangereux de
parler de maman à papa ou l’inverse ? » ou « comment comprendre si maman
tremble dès que je pose une question sur mon vrai père ? »... Il existe des
dizaines d’exemples cliniques où apparaissent d’éventuelles intrications entre
vies affectives et troubles des apprentissages.
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mais plus une relation à trois. Il n’y a plus de face à face mais de la tiercéité. Et
parfois même, situation quatuor quand le consultant est présent voire quintet quand
l’enseignant référent MDPH est là. Il n’y a plus un savoir contre un autre mais plutôt
plusieurs discours, plusieurs points de vue qui racontent l’enfant. Cette symphonie
(cette cacophonie ?) à plusieurs voix permet de diminuer les tensions et les enjeux,
qui auparavant cristallisaient les échanges médecin-parents, école-parents.
Enfin, en voyant tantôt les soignants, tantôt les enseignants, s’interroger, réfléchir et
ne pas savoir, les parents constatent que les professionnels sont « castrés » et peuvent
alors parfois réactiver leur propres capacités d’élaboration et de questionnement.
Ces réunions permettent de redéfinir la place et le rôle de chacun.
Différenciation indispensable afin de pouvoir échanger et coexister. Trois places
sont ainsi définies – parents, soignants, enseignants – et trois positions subjectives
existent alors et coexistent – l’enfant, le patient et l’élève –, réunis dans un même
espace-temps. On pourrait même ajouter le citoyen quand la MDPH rappelle les
droits de l’enfant et la place que la société lui fait.
L’enfant existe alors dans l’esprit des soignants, parents ou enseignants non
plus seulement que comme l’un ou l’autre mais comme les trois à la fois. En
particulier, il est extrêmement précieux d’entendre l’enseignant parler de l’élève
quand le soignant ne voit plus que le malade. Le discours de l’enseignant per-
met de « dépsychiatriser » le malade dans l’esprit des soignants et parfois des
parents. De même, en humanisant par notre discours de « psy » les compor-
tements étranges voire effrayants d’un enfant en classe, nous permettons aux
enseignants de retrouver les parties élèves dont ils ont besoin pour faire crédit
à l’enfant qu’il peut apprendre.
Ainsi, ce nouvel éclairage « dépsychiatrise » quand les intervenants sont eux-
mêmes envahis par les projections multiples auxquelles les confrontent les patients.
L’enfant – l’élève – le patient 71
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La différenciation entre chacun se fait aussi par le constat qu’au-delà de
la mise en commun des différents points de vue, tout ne se dit pas ; l’espace
psychique de chacun peut alors être délimité et être conservé. Les parents
vérifient que l’équipe soignante ne restitue pas à l’école les éléments de leur
vie intime, qu’ils ont déposés en entretien. Ils découvrent que la maîtresse ne
va pas systématiquement raconter tout de la vie de l’élève, constat que pourra
également faire l’enfant secondairement. Un parent s’entend dire « ce qui se
passe à la récréation, c’est du ressort de l’école » permettant alors de dégager
mère et enfant d’un lien aliénant.
Tous ces mouvements ont donc un effet déconfusionnant sur les différents
adultes qui entourent l’enfant et sur la place qu’on lui fait et à laquelle on l’attend.
Mais au-delà de l’effet sur les professionnels et les parents, ces réunions agissent
également dans l’ici et maintenant sur l’enfant.
L’annonce à l’enfant de la tenue d’une réunion à son sujet, a un effet thé-
rapeutique à part entière : reconnaissance de sa souffrance, découverte qu’il
existe dans nos pensées même en son absence et valorisation narcissique.
Pendant le temps de la réunion, l’enfant est accompagné par les infirmiers au
GST et manifeste souvent beaucoup d’angoisses ou de questions. Une grande
partie du travail est alors de l’aider à se représenter ce qui se passe. Les infir-
miers expliquent qui est présent à la réunion, ils nomment les participants, ils
décrivent le lieu de la réunion, et imaginent avec l’enfant ce qui peut se dire. En
expliquant les liens qui se font entre ces trois discours – enfant-malade-élève –,
l’enfant peut alors lui-même ramener au GST des angoisses ou des difficultés
rencontrées à l’école et dont il ne pouvait parler auparavant, car dans un autre
lieu et comme vécu par un autre que lui. L’effet est parfois spectaculaire sur le
comportement avec des bagarres qui disparaissent de l’école pour envahir le
GST et plus directement sur les apprentissages : la relation à l’enseignant est
72 Clinique et approche multidimensionnelle
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réunion ce qui le concerne, comme le conseille Françoise Dolto, et ce que chacun
attend de lui et comprend de lui.
Parfois, pour certains enfants ayant très peu de capacités de représentation
psychique, l’équipe soignante a décidé de faire, au contraire, la réunion sur un
temps où l’enfant est à l’école de manière à ce qu’il puisse venir en fin de réu-
nion, constater de lui-même la présence de chacun et entendre ce qui avait été
décidé ou dit de lui.
Conclusion
L’ensemble des participants à ce groupe de travail a confirmé l’importance de
regards différents et d’échanges croisés. En effet, la gravité des troubles de nos
patients amènent tous ceux qui les accompagnent à risquer des vécus particuliers
reflétant le fonctionnement psychique de ces enfants : vécu de toute puissance,
de découragement voire d’inanité, tentation de passage à l’acte, rejet et clivage.
L’intensité de ces ressentis est un risque permanent, qui peut paralyser la pensée
et entraver le travail. Il est donc fondamental de pouvoir parler et partager dans
un groupe qui fera tiers et évitera cet écueil.
Enfin et surtout, le travail d’élaboration et de mise en commun des différents
vécus aide à la constitution d’un sujet moins morcelé, qui puisse être à la fois
patient, élève et enfant.
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Accueil de la demande
des familles et des enfants
en difficulté, indication
et réalisation des investigations
et suivis spécialisés
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Organisation et outils de travail
Chiffres toujours coupés
par la pièce de puzzle :
Univers 55 roman
corps 44
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fois dans un temps long et des situations variées. C’est de fait un bilan diffracté
qui entraîne souvent élaboration et maturation.
C’est un bilan, qui ne se veut pas mesure des compétences mais observa-
tion plurielle. Il précise les différents registres de fonctionnement de l’enfant : la
pensée, le langage, la personnalité, le corps, en le plaçant au centre du dispositif.
En fait, le projet commun de l’équipe consiste essentiellement, quel que soit le
matériel utilisé, à solliciter la parole de l’enfant, celle qui vient vraiment de lui.
Il ne s’agit surtout pas de le réduire à une grille d’évaluations, de mesures, mais
d’apprécier les domaines dans lesquels il peut penser plus aisément, montrer ses
compétences et aussi ceux dans lesquels il est en panne. Ce sont les « surprises »
des bilans, les décalages, qui sont intéressants parce qu’ils signent l’émergence
d’un sujet. C’est la raison pour laquelle nombre de bilans ont des effets théra-
peutiques.
Le bilan est constitué d’outils traditionnels utilisés habituellement dans un ser-
vice de pédopsychiatrie mais également d’outils spécifiques élaborés au sein de
l’UPPEA. Seuls ces derniers seront présentés.
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l’inscription de l’écriture
• L’épreuve de Schéma corporel-R : mise en évidence des étapes de la construc-
tion de l’image du corps
Au terme du bilan, l’enfant est reçu d’abord seul puis avec ses parents pour
une consultation de synthèse. Cette dernière est assurée par un(e) psychologue
ou un des médecins de l’équipe. C’est le moment choisi pour rendre compte
des évaluations et où sont envisagées les différentes possibilités de suivis théra-
peutiques.
Ces entretiens avec l’enfant et les parents prennent toujours la forme d’un
échange lors duquel les observations de l’équipe viennent s’articuler avec leurs
remarques, leurs hypothèses et leurs représentations.
Le bilan, outre ce qu’il peut révéler d’inattendu, sert à relancer des interro-
gations sur la psychopathologie de l’enfant, le diagnostic. Souvent il a été pour
l’enfant et sa famille une occasion de questionnement, de réflexion autour de la
plainte initiale.
Le temps du bilan a amené les parents « à penser » leur enfant, les a sensibili-
sés à son fonctionnement psychique. Il leur a permis également de reconnaître sa
souffrance au-delà des embarras exprimés. De sorte que les demandes au départ
les plus instrumentales, les plus opératoires, peuvent aboutir à des prises en charge
thérapeutiques moins ciblées sur le symptôme d’appel. Comme il l’a été souligné
pour le bilan, les indications de suivis ne se font pas selon des critères pré-établis.
De nombreux éléments sont pris en compte au cas par cas : la symptomatologie,
la problématique dégagée à travers le bilan, l’approche thérapeutique la plus
pertinente pour l’enfant et sa famille, etc. Dans le service, plusieurs interventions
éventuellement conjointes sont privilégiées, notamment dans les troubles d’ap-
prentissage.
78 En pratique
ğ Suivis classiques
• Rééducation orthophonique
• Psychothérapie individuelle analytique
• Suivi de parents, consultations thérapeutiques (parents et/ou enfant)
ğ Suivis spécifiques
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• Remédiation de la langue écrite individuelle ou en groupe
• Remédiation logico-mathématique individuelle ou en groupe
• Graphothérapie clinique
• Groupe thérapeutique (Calvin’s T Group® )
• Relaxation individuelle ou en groupe
Au WISC (échelle d’efficience globale), les résultats d’Adrien sont très inférieurs
à ceux attendus pour les enfants du même âge. On repère des difficultés mas-
sives et invalidantes dans le domaine des aptitudes spatiales et perceptives, mais
également dans le domaine de la coordination visuo-motrice.
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On observe, au cours du bilan, qu’Adrien sait profiter de l’étayage et du cadre
apporté par l’adulte. Cela lui permet de s’investir dans les activités et de contenir
certaines angoisses.
L’UDN-II (épreuve de pensée logique qui sera développée p. 96) montre qu’Adrien a
un fonctionnement cognitif qui se rapproche davantage de son âge réel. Certaines
épreuves sont réussies, parfois au-delà de son âge (par exemple les épreuves de
logique et d’utilisation du nombre).
Il est à l’aise aux épreuves à composantes spatiales (sériations et origine spa-
tiale) ; ce qui ne va pas dans le sens de l’hypothèse de dyspraxie soulevée par
les observations scolaires et les difficultés spatiales et perceptives repérées au
WISC.
La confrontation à un matériel scolaire provoque par ailleurs des réactions d’oppo-
sition et d’agitation massives.
Le Rorschach, est dominé par l’angoisse envahissante et persévérante. Le proto-
cole d’Adrien tourne en boucle autour de deux thèmes : les monstres et la mort,
sans échappatoire.
Une année plus tard, les parents sollicitent à nouveau notre unité. Adrien n’est
rentré que partiellement dans la lecture et ne peut toujours pas écrire. Nous
apprenons qu’il n’a plus aucune prise en charge. La psychomotricité est arrivée à
80 En pratique
son terme et l’orthophoniste a jugé que son approche n’était plus pertinente. Les
parents de leur côté ont décidé d’interrompre la psychothérapie.
Adrien est accueilli à ce moment-là dans une classe spécialisée à petit effectif.
Une observation de la langue écrite est alors proposée. Elle met en évidence un
profil très hétérogène avec une coexistence de bonnes capacités et d’échecs
massifs dans les épreuves de lecture et d’orthographe. De nombreux méca-
nismes typiques de dyslexie, dysorthographie sont relevés. Adrien n’ayant plus de
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prise en charge, une remédiation en lecture lui est alors proposée, ainsi qu’une
intégration au groupe thérapeutique Calvin’s T Group®. Cette dernière indication
nous a semblé adaptée pour répondre à ses problématiques relationnelles et lui
permettre d’investir l’écriture sur un mode créatif.
Théa est la cadette d’une fratrie de quatre. Les trois aînés de 15, 13 et 10 ans
étant des garçons dont la scolarité n’a jusque-là posé aucun problème ; le plus
âgé a même sauté une classe.
Lors de la pré-consultation, elle se présente comme une petite fille très vive, au
côté d’une mère extrêmement inquiète, voire angoissée. Cette dernière a inter-
rompu une activité professionnelle très investie à la naissance de sa fille. Quant
au père, il est souvent absent pour de longues périodes comme c’est le cas lors
de ce premier rendez-vous.
Théa n’hésite pas à prendre la parole pour évoquer ses chamailleries avec ses
frères aînés, qui refusent de jouer avec elle, et les consolations qu’elle trouve
auprès de maman. La consultante apprend au passage qu’en l’absence du père,
Théa dort avec sa mère. Interrogée au sujet de l’école, Théa reste évasive, s’en
tient à la cour de récréation et aux copains, très investis.
Organisation et outils de travail d’une équipe pluridisciplinaire 81
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cognitives de Théa et à l’absence de toute désorganisation psychologique. Petite
fille intelligente, à la pensée structurée et harmonieuse, Théa semble pourtant
hésiter à s’engager dans la voie du nombre. Alors qu’elle dispose de toutes
les capacités requises, le maniement de la numération (lecture et écriture de
nombres, mais aussi additions et soustractions) demeure difficilement accessible.
L’imaginaire, utilisé de façon défensive comme un écran au nombre, n’empêche
pas le raisonnement de se mettre en marche de façon très concluante dès lors
que les exercices proposés n’empruntent pas une forme trop ouvertement sco-
laire. Théa dispose en fait de tous les outils nécessaires pour passer aisément en
CE1, et ses empêchements scolaires n’en sont que plus énigmatiques.
L’accès au savoir fait manifestement l’objet d’un conflit psychique qui se traduit
par des moments d’égarement ponctuels ou une soudaine lenteur qui cèdent
en cours d’épreuve dès lors que l’examinatrice ne s’y attarde pas – comme si
Théa tenait à se montrer en difficulté, sur-jouant presque ses embarras, un œil
sur son interlocutrice.
En dehors de la numération, les seules réelles difficultés portent sur le manie-
ment des comparaisons, c’est-à-dire la reconnaissance de la différence et de
l’inégalité. S’agit-il là d’une position de résistance face à la différence des sexes
ou d’une difficulté à faire avec la rivalité, dans une fratrie où les garçons sont
surreprésentés ?
Lors de la consultation de synthèse qui clôt le bilan, les deux parents sont pré-
sents pour accompagner Théa. La consultante propose alors deux suivis en
groupe, logico-mathématique et de relaxation. Il s’agit par là de permettre à cette
petite fille d’aborder tranquillement l’objet mathématique, de découvrir dans un
contexte décalé du cadre scolaire le plaisir de penser, d’apprivoiser la dimension
du nombre. Il s’agit aussi de travailler la question de la rivalité et de l’autonomie
chez une enfant qui semble très accrochée à l’adulte, vissée à une position de
dépendance qui ne lui permet pas de grandir – entre autres, en acceptant de
s’engager dans les apprentissages.
Parallèlement à ces suivis (voir p. précédente et p. 143), Théa et ses parents
seront reçus pour des consultations ponctuelles.
82 En pratique
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Elle doit nous guider dans le choix de l’approche thérapeutique la plus adap-
tée, qui permette de prendre en compte une organisation psychique particu-
lière, unique. Tous les dispositifs thérapeutiques ont été mis en place dans cette
perspective et, au même titre que les outils d’investigation, ont été construits en
référence à une lignée théorique mais également en s’appuyant sur une longue
pratique clinique avec les patients.
Il s’agit donc d’un travail d’élaboration et de conceptualisation constamment
en évolution.
L’UPPEA pour sa part, a toujours cherché à combiner intimement les deux
approches, c’est-à-dire les élaborations des chercheurs les plus pointus et l’expé-
rience clinique acquise auprès d’enfants et d’adolescents présentant des troubles
d’apprentissage.
C’est sous ce double éclairage que vont être maintenant présentés certains des
tests (l’épreuve de Schéma corporel-R, l’épreuve logico-mathématique UDN-II,
les conduites de récit qui font partie du bilan orthophonique) et des outils thé-
rapeutiques mis au point dans l’unité.
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Une fabrique d’outils cliniques
Chiffres toujours coupés
par la pièce de puzzle :
Univers 55 roman
corps 44
pour l’investigation
des difficultés d’apprentissages
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ces marques nous sont parvenues. On retrouve partout les mêmes inventions
mathématiques. Quelles merveilleuses leçons !
L’homme qui, il y a 20 000 ans, a fait 55 entailles sur un os de loup retrouvé
en ex-Tchécoslovaquie était déjà un sacré érudit (pour l’époque) !
L’étude minutieuse de ces premiers itinéraires, effectués il y a si longtemps,
nous renvoie à une évidence. Chacune de ces cultures, si éloignée qu’elle puisse
sembler dans le temps et dans l’espace, a utilisé les mains et les dix doigts que
chaque être humain a toujours à disposition comme référence permanente. De
nombreuses variantes existent : certains comptaient avec des doigts repliés éten-
dus successivement, d’autres faisaient le contraire et partaient d’une position
étendue des doigts. Les possibilités de comptage à partir des doigts approchent
l’infini : on peut en effet ajouter aux doigts de la main ceux des pieds de même
que les phalanges et les articulations.
Dans le monde entier, les hommes se sont donc servi des doigts pour compter.
Il existerait même des méthodes de calcul permettant d’aller jusqu’à dix milliards
à partir des deux mains.
Ces faits, et bien d’autres nous renvoient à une évidence : le corps est le pre-
mier support de la pensée mathématique.
Dans cet ordre d’idée, les doigts forment autant d’unités distinctes. Ce sont
les prolongements des membres articulés au tronc, lieu de sensations continues,
diffuses et complexes, berceau et émetteur de messages ininterrompus dans un
premier temps. Ces messages s’élaboreront peu à peu et contribueront à faire du
corps un centre vital, un axe stable et organisateur, particulièrement au moment
de l’acquisition de la station assise et debout.
Nombreux sont les auteurs, essentiellement psychanalystes, qui ont parlé de
cette période que traverse tout bébé humain et ont montré comment, au cours
Une fabrique d’outils cliniques 85
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troubles du schéma corporel, dans leurs aspects symboliques, jouent un rôle
déterminant au cours du développement de l’enfant, particulièrement semble-t-il
dans le domaine des acquisitions numériques.
L’étude de l’archéologie nous renvoie donc directement à l’histoire de l’enfant
constructeur de ses propres connaissances. Pour mieux, appréhender la com-
plexité des premières acquisitions numériques, il semble important d’exposer ici
dans de brefs paragraphes la genèse des structures logiques élémentaires telle
qu’elle a été reconstruite et exposée par Jean Piaget.
1. Gnosie : capacité de percevoir et reconnaître la forme d’un objet grâce à l’utilisation des sens
(la vue, le toucher…).
86 En pratique
Dans cet élan, il s’interroge sur la façon dont les premiers hommes ont pu
acquérir progressivement le langage, faire du feu, dessiner et même aborder les
bases mathématiques comme la numération.
Hélas, comme le jeune Jean Piaget ne peut rencontrer l’homme de Néandertal
ni celui de Cro-Magnon, il se tourne vers l’enfant, qui, comme son lointain ancêtre,
devient constructeur lui-même de nouveaux savoirs. Jean Piaget, lui-même, est
père de deux filles et d’un garçon. Il les observe systématiquement et savam-
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ment au cours de leurs premières années ; il note avec patience et subtilité leurs
conduites, leurs expressions et leurs émotions. C’est à partir de ces éléments
qu’il bâtit l’essentiel de sa théorie sur les étapes du développement chez l’enfant
et dégage ce qu’il considère comme les principes fondamentaux réglant l’acqui-
sition des savoirs, du plus élémentaire au plus sophistiqué.
Sa productivité est remarquable. Les titres de ses livres et de ses articles
constituent à eux seuls un véritable volume [7]. Un jour, quelqu’un demanda à
Piaget comment il parvenait à rédiger et à publier de si nombreuses études. Avec
l’humour dont il était capable, il répliqua : « C’est que je n’ai pas à lire Piaget. ».
À partir des années 1940, on assiste à une véritable Piaget-mania et beaucoup
considèrent que les problèmes étudiés par Piaget sont définitivement résolus.
Quelques années plus tard, le « système piagétien » a été soumis à de vives cri-
tiques. Certaines remarques sont parfaitement fondées, d’autres révèlent de vrais
malentendus, à moins qu’il ne s’agisse de profondes ignorances. Un bilan intéres-
sant en est tiré [2]. Aujourd’hui, il est possible d’en garder les apports principaux.
Au xxie siècle, il nous est possible de retirer les apports principaux des travaux
menés par Piaget. Nous nous intéresserons plus particulièrement ici, à son analyse
de la genèse du nombre. Pour lui, le nombre résulte d’une fusion-coordination
entre deux structures fondamentales :
– La structure de classe, « permettant de mettre ensemble ce qui va bien
ensemble », c’est-à-dire de dégager l’élément commun présenté par plusieurs
objets apparemment très dissemblables.
– La structure d’ordre permettant de classer des éléments en fonction d’un
critère, par exemple, du plus petit au plus grand, du plus foncé au plus clair.
D’autres concepts fondamentaux, selon la théorie de Piaget, se construisent
environ à la même période, c’est-à-dire en gros autour des années d’entrée à
l’école élémentaire. Citons par exemple :
Une fabrique d’outils cliniques 87
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• Autre point important du système piagétien : la réversibilité qui permet
au sujet de se représenter des situations antérieures – points de départ de ses
actions – et de s’y référer pour évaluer l’ampleur de modifications éventuelles.
C’est une façon d’abolir le temps et de se retrouver, en pensée, à son point de
départ, de réfléchir à son action et d’élaborer des hypothèses qui permettront,
à une autre occasion d’améliorer ses performances. La réversibilité qui rend pos-
sible une infinité de mises en scène sur un petit théâtre intérieur est certainement
une opération mentale qui nous sépare radicalement, nous humains, des animaux
pris dans l’instant, relativement peu perfectibles et/ou sensibles aux processus
d’apprentissage.
Les théories de Piaget ont pu parfois sembler obscures et extrêmement abs-
traites. En fait, lorsque l’on fait fonctionner le système à partir d’expériences s’arti-
culant dans le quotidien, on en réalise l’ampleur et la portée.
Si l’élève imagine que les quantités changent selon leurs apparences, alors
les exercices de mathématiques deviennent absurdes. Ce sont les principes de
conservation et de réversibilité qui assurent la cohérence des démonstrations
du maître.
Ils interrogent donc constamment les obstacles à franchir par l’enfant pour
accéder à la connaissance telle qu’elle se présente durant ce qu’on peut appe-
ler la période de latence. Ils couvrent par conséquent les années de l’école
élémentaire et du collège.
Ces deux outils sont l’épreuve de Schéma corporel-Révisé [4] et l’UDN-II
(utilisation du nombre, 2e version) [5], [6]. Le premier outil d’investigation, Schéma
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corporel-R, s’intéresse, comme son nom l’indique, à l’élaboration développemen-
tale de l’image du corps chez les enfants, tandis que le second, utilisation du
nombre-II, se centre sur les opérations logico-mathématiques plus particulière-
ment dans leurs aspects numériques.
On pourrait croire qu’il s’agit de techniques totalement différentes : il n’en
est rien. Elles appartiennent à la même « famille » dans la mesure où toutes les
deux recherchent les expressions variées d’un concept fondamental à travers la
résolution de situations-problèmes tenant compte de l’âge de l’enfant, de son
niveau d’étude et des modalités d’aide qui peuvent lui être fournies. Ces deux
instruments proposent donc aux praticiens des procédures visant à soutenir
la démarche d’investigation du sujet avec lequel ils travaillent. Il ne s’agit pas
d’évaluer rapidement un rendement brut mais de rechercher finement chez le
sujet consultant l’éventail de ses « compétences ». Est-il en mesure d’élaborer
des hypothèses, de les valider ou bien de les rejeter ? Apparaît-il libre dans sa
réflexion ou adopte-t-il un mode de pensée rigide susceptible d’empêcher ses
réalisations et de stopper ses progrès ?
Il existait bien des techniques telles que le dessin du bonhomme (Figure 7-1), ou
la dame de Fay (dessinée après la consigne : « Une dame se promène et il pleut. »,
Figure 7-2) mais ces tests se basant sur la motricité graphique pouvaient être biaisés
en raison de maladresses ou du manque de motivation présentés par l’enfant.
Jean Bergès continua à approfondir une série d’outils basée sur l’imitation de
gestes. Cependant, sur le thème de la représentation du corps dans ses différentes
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figurations (corps, visage, face, profil…), rien n’était encore à la disposition du
praticien.
Julian de Ajuriaguerra qui s’intéressait particulièrement aux images du
corps, à sa construction et à ses variations, fut alors le premier à synthétiser
ses réflexions sur ce qu’on peut appeler le schéma corporel : « Édifié sur
les impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques et visuels, le schéma
corporel réalise, dans une construction active constamment remaniée des
données actuelles et du passé, la synthèse dynamique qui fournit à nos actes
comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils prennent leur
signification »2.
Le même auteur propose aux psychologues de construire une nouvelle
technique destinée à étudier l’image du corps chez l’enfant. Elle ne fera plus
appel comme les tests classiques, à des situations de puzzle et d’emboîtement
de pièces.
L’épreuve de Schéma corporel devait donc tourner le dos à ces facilités de
cotations centrées sur les ajustements spatiaux plutôt que sur l’image elle-même
(Figure 7-3). Cette épreuve tient compte de la justesse des constructions, sans plus
se soucier de la coïncidence des assemblages qu’il s’agisse de lignes et formes
(Figure 7-4).
Pour réussir le « bon assemblage », l’enfant doit donc se représenter les arti-
culations entre les pièces, savoir que les bras s’attachent à l’épaule et non pas au
milieu du corps, Il doit aussi avoir observé (et compris) que les jambes se placent
à l’extrémité basse des hémicorps, etc.
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Figure 7-1. Dessin du bonhomme tracé par un enfant de 5 ans.
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Figure 7-3. Exemple d’item d’emboîtement tiré de la WISC-III.
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(représentation de face ou de profil opposé) et on demande à l’enfant de
choisir ce qui convient d’assembler.
On distingue trois modes de procédures appliquées successivement.
ğ Évocation : l’enfant travaille sans repère, de façon analytique. Les parties
du corps (dessinées) sont présentées successivement, c’est-à-dire les unes
après les autres. Le sujet doit décider où se placera, par exemple, un bras
s’il ne dispose que d’un repère, la figure.
L’enfant doit pouvoir se repérer grâce à la tête, seul point fixe, et estimer la
zone de tolérance où doit être placée approximativement la pièce qu’on lui
demande de localiser.
3. Par convention en psychologie, l’âge chronologique s’écrit pour un enfant de 11 ans et 11 mois,
11 ; 11 ans.
Une fabrique d’outils cliniques 93
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avec l’épaule et se terminent par des mains bien orientées (les pouces sont
chaque fois à l’intérieur). Et les jambes, terminées par les pieds, prolongent
l’ensemble tronc-bassin et se posent bien latéralisées sur le sol.
ğ Il a fallu 6 ans accomplis pour parvenir à cette performance. C’est un indice,
parmi d’autres, de bonnes capacités d’entrée dans les apprentissages. Pour
que les connaissances présentées en classe parviennent à bien s’intégrer,
mieux vaut disposer d’un corps-repère harmonieusement structuré.
ğ Le praticien choisira à chaque fois sur quelles orientations (face, profil) il
désire travailler, en fonction de l’âge de l’enfant et de son niveau supposé
(Figure 7-6).
ğ L’ensemble de cette épreuve a été soigneusement étalonné, d’abord au
moment de la première publication de l’épreuve et ensuite lors de la seconde
édition en 2010. Nous disposons maintenant de normes très précises tenant
compte de l’âge de l’enfant, du contenu de la représentation et des modalités
de travail.
Corps + visage
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profil est intéressante. Elle montre bien que, dans une « démarche de réalisme
intellectuel », l’enfant tient à affirmer la présence de deux yeux, deux oreilles dans
un visage. Il ne parvient pas à tenir compte du fait que la disposition de profil est
telle qu’on ne peut voir, alors, qu’un seul des organes symétriques.
les étapes rythmant la mise au point de l’image du corps. Ils sauront en repérer
les différentes altérations et seront en mesure de proposer, dans chaque cas, les
conclusions qui semblent le mieux convenir.
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Type d’assemblage : Type d’assemblage :
entassement recherche de paires
3 ans
4 à 5 ans
L’épreuve est largement recommandée à tous ceux qui travaillent avec des
enfants jusqu’à 11 ans et plus âgés si on relève des difficultés importantes.
Ces constructions (voir Figure 7-8) montrent bien la variété des réalisations
des enfants ; c’est pourquoi, l’épreuve est largement recommandée pour de
jeunes patients jusqu’à 11 ; 11 ans et même plus âgés si des difficultés impor-
tantes ont été signalées lors de l’anamnèse ou au cours des épreuves antérieu-
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rement proposées.
Efficience à l’UDN-II
– Pour une investigation prévenante
En complément à une épreuve classique comme les échelles de Wechsler
(WISC), l’UDN-II offre aux cliniciens l’occasion d’une pratique innovante, sans
véritable équivalent. Il tire sa source non seulement des élaborations théoriques
de Jean Piaget d’une part et de Lev Vygotski de l’autre, mais aussi d’une longue
pratique clinique auprès d’enfants présentant des difficultés d’apprentissage
particulièrement en mathématique. Il donne ainsi l’occasion unique de travailler
sur les conduites d’un sujet et sur ses potentialités plutôt que sur ses perfor-
mances brutes.
chercheur. C’est aux rapports entre le langage et la pensée que Lev Vygotski
consacre la plupart de ses recherches. Pour lui, les commentaires verbaux
sont intimement liés à l’activité, quel que soit celui qui l’a entreprise, enfant
comme adulte. Ce passage par le langage aide le sujet à se retrouver dans
une tâche et à l’organiser.
Lev Vygotski est particulièrement connu pour ses réflexions sur ce que l’on
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a appelé la Zone proximale de développement (ZPD). Le repérage de la ZPD
indique jusqu’où peut aller un sujet lorsqu’il est soutenu par un adulte com-
pétent. C’est dans cette zone préalablement précisée, grâce à des épreuves
spécialisées que l’éducateur ou l’enseignant doivent travailler afin d’aider un
apprenant et de fortifier ses progrès. En effet, si les thèmes proposés sont
trop faciles, ils n’apparaîtront que comme des séances « rabâchage » ; s’ils
sont trop ardus, ils risquent de rebuter les sujets en formation. Le concept
de ZPD s’est révélé extrêmement utile entre autre pour les enseignants.
Beaucoup de techniques mises au point au centre hospitalier Sainte-Anne
s’en inspirent en les articulant aux principes piagétiens (Vygotski et Piaget
étaient pratiquement jumeaux et ont entretenu pendant des années une
correspondance fournie.)
Tous les professionnels qui ont goûté à ce plaisir – celui d’une interaction
continue avec un sujet en cours de réflexion – en conviennent aisément : l’UDN-II
n’a pas vraiment de concurrence dans son champ.
C’est au centre hospitalier Sainte-Anne qu’une première version de cet ins-
trument est mise au point en 1980 sous la direction du docteur Jean Bergès. Le
test paraîtra immédiatement aux Éditions du centre de psychologie appliquée
(ECPA) sous le nom d’UDN-80. L’instrument demeure d’abord très modeste : il
est destiné essentiellement à des enfants entre 4 et 7 ans. Il est remanié en 1999
avec un nouvel étalonnage et paraîtra dès lors sous le nom d’UDN-II.
98 En pratique
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L’UDN-II offre un intérêt particulier pour les cas d’enfants et d’adolescents
présentant un échec confirmé dans les domaines scientifiques, et plus précisé-
ment en mathématiques. Cependant, dans la mesure où les explorations effectuées
grâce à l’UDN-II visent à repérer les procédures mentales indispensables pour
pénétrer dans le monde de la connaissance, qu’elle soit ou non strictement sco-
laire, il s’agit d’un instrument d’intérêt général s’adaptant à tous les cas, y compris
aux enfants « hors du lire » (n’accédant pas à la lecture) et aux enfants précoces.
Les expériences de Jean Piaget et de son cercle genevois, reprises par l’équipe
de l’UPPEA peuvent parfois apparaître anodines. Il s’agit par exemple pour l’en-
fant de faire des boules de pâte à modeler, d’introduire des cylindres dans des
éprouvettes, d’assembler des œufs et des coquetiers, des bouteilles et des bou-
chons, de distinguer la couleur de pull-overs. Autant de jeux apparemment sans
importance. Cependant, sous leurs habillages ludiques, ces expériences portent
sur des questions fondamentales dans la construction de l’être humain. Qu’est-ce
que l’identité et la permanence ? Un élément d’un ensemble peut-il en remplacer
un autre ? Comment reste-t-on le même sous d’apparentes transformations ? Où
poser des limites, et quand se référer à des repères ? Est-il possible par la pensée
d’inverser le cours du temps ?
Il s’agit là d’interrogations fondamentales, s’appliquant, certes, à des objets
dans des conditions expérimentales mais aussi à tout être humain qui aura bien
des difficultés à se construire s’il n’essaie pas d’y répondre progressivement.
En se confrontant à ces énigmes, d’apparence banale, non angoissante et même
souvent récréative, imaginées par l’école piagétienne et réunies dans l’UDN-II, le
sujet s’affronte donc à la complexité de son organisation interne. En difficulté ou
non, il se dévoile par ses manipulations, ses propositions, ses essais, ses erreurs et
ses réussites, ses réponses bien ou mal formulées, ses errements surprenants ou
Une fabrique d’outils cliniques 99
ses intuitions fulgurantes. Lorsque le sujet reste enfermé dans son échec, l’UDN-II
propose des modalités d’étayage, fermes et souples à la fois, semblables à celles
recommandées par Lev Vygotski. De telles interventions prennent alors une
importance surprenante : elles aident le sujet à découvrir les contraintes de son
action et ses espaces de liberté, souvent bien plus considérables que ceux qu’il
s’accorde spontanément.
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Chaque enfant et de façon générale, chaque être humain, apparaît comme
« déroutant » à partir du moment où il évolue le plus souvent à un rythme
inattendu et personnel lorsque les circonstances changent. On ne peut donc,
comme certains le voudraient, dresser un catalogue déterminé et permanent des
compétences des uns et des autres. C’est bien ce qu’a montré le travail de la pre-
mière Conférence de consensus en psychologie dédiée à l’étude des instruments
de mesure psychologique destinés aux enfants et aux adolescents ( juin 2010).
Au-delà de l’analyse approfondie du jeune apprenant en panne (c’est la tâche
d’un centre de référence consacré aux troubles des apprentissages), l’applica-
tion réfléchie et raisonnée des instruments, qui ont pu être mis au point, permet
d’avoir un aperçu sur ce véritable kaléidoscope : l’esprit humain.
Nous sélectionnerons ici, parmi la batterie d’épreuves très riche qui lui ont été
proposées, les résultats de l’UDN-II ainsi que du Schéma corporel-R. Teddy est
alors âgé de 8 ; 4 ans et suit le programme d’une classe quelque peu indéfinie
entre le CE1 et le CE2.
100 En pratique
On lui propose l’épreuve des classifications portant sur 27 cartes variant selon
trois critères (nature, couleur et taille). À cet âge, la majorité des enfants parvient
à dégager (parfois avec aide) la présence de deux critères à partir desquels peut
s’opérer le regroupement suggéré : il s’agit de celui de la couleur et de la forme,
la notion de taille demeurant plus abstraite.
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sur l’autre ou alignées), c’est une activité qui à cet âge est en général familière.
Il n’en est pas ainsi pour Teddy, qui se montre totalement perdu et qui mélange
la couleur et la nature d’un objet sans parvenir à opérer un tri cohérent. Il n’a plus
aucun point de repère dans l’exécution du rangement sans toutefois parvenir à
exprimer clairement son trouble.
Les cartes se superposent dans des tas hétéroclites mais Teddy continue vaillam-
ment à les entasser. L’épreuve doit être arrêtée après un échec complet.
Une autre des épreuves de l’UDN-II porte sur la sériation. On propose à Teddy de
bien ranger des baguettes de longueur différente (allant, par exemple, de la plus
petite à la plus grande). Teddy ne voit pas du tout ce qu’il doit faire.
Ainsi, dès qu’il se saisit d’un élément, on est obligé, pour obtenir le résultat visé,
d’accompagner son action : « Tu prends la plus grande de celles qui restent ».
Toutefois, alors que Piaget considère que pour dénombrer utilement, il faut
préalablement construire et organiser l’idée de sériation, Teddy, sans doute bien
entraîné, semble avoir élaboré un concept approprié de Nombre. Dans une épreuve
où on lui demande d’habiller des poupées en retenant « juste ce qu’il faut » (pour
que chaque poupée ait sa robe, « pas plus pas moins »), Teddy dénombre spon-
tanément et préalablement les poupées, puis va chercher en une fois la quantité
correcte de robes. La performance de Teddy semble indiquer que, malgré ses
difficultés, il est en train d’accéder à quelques notions de base, ici le nombre.
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Figure 7-9. Épreuve de Schéma corporel-R orientation de face-corps réalisée
par Teddy.
Le corps de profil est mieux reconstruit car les pièces à disposer, après une
première phase de choix, sont peu nombreuses. Les difficultés de Teddy réappa-
raissent quand il s’agit d’organiser l’apparence globale du visage de profil. Celle-ci
est totalement détruite, que le modèle soit absent ou présent, même si les pièces
qui lui sont présentées sont bien reconnues et bien choisies.
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Ces suggestions ne semblent pas vraiment être retenues par la famille et sont
mises de côté. Seule l’orientation dans une école à petit effectif trouve grâce à
leurs yeux. Teddy fréquente ce cours depuis 4 ans. Les enseignants l’aident à
évoluer dans un sens moins inquiétant mais, sur le fond (il a été revu récemment),
les obstacles détectés, tant à l’UDN-II qu’au Schéma corporel-R, persistent. Il
a maintenant 12 ans et des questions se posent sur les futurs remaniements
psychiques de ce jeune adolescent.
Pour en revenir aux instruments utilisés, les techniques mises au point au centre
hospitalier Sainte-Anne permettent donc des explorations originales, très sensibles
aux différentes formes de difficultés d’apprentissages. Elles ciblent au mieux leurs
objectifs et constituent une aide dans l’opération délicate d’évaluation portant
sur les troubles développementaux et cognitifs qui freinent l’entrée d’un enfant
dans le monde de la connaissance et son épanouissement. De telles investigations
présentent dans ce sens, un intérêt pronostique certain.
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Victor était un jeune garçon malin et charmeur. Adoré par sa mère et son
père qui avaient, à sa naissance, convoqué autour de son berceau toutes les fées
possibles et imaginables, il avait mangé d’un bel appétit, peu dormi, marché de
bonne heure, souri à tous mais peu parlé. Les années passèrent, Victor grandit
mais ne parlait toujours pas…
À la manière de Victor, comme à celle du célèbre prince de Motordu [5], le
temps du bilan ouvre un espace de récits possibles. Il s’agit en fait d’introduire
une temporalité, d’étirer une réalité souvent présentée comme figée, présente
de toute éternité : un « je suis dyslexique » qui résonne comme presque un
destin. Il est proposé à l’enfant de construire une histoire (son histoire ?) avec
les mots et les lettres, autour d’une trame composée de questions ouvertes
comme d’épreuves précises, notamment ce que nous appelons « les conduites
de récit », sollicitation directe des capacités narratives. À charge pour les ortho-
phonistes, d’y lire une cohérence. À l’UPPEA le bilan orthophonique est struc-
turé comme un récit, un récit dont l’enfant sera l’auteur, et, autant que faire se
peut, le sujet.
C’est au centre hospitalier Sainte-Anne, dans les années qui ont suivi la
Seconde Guerre mondiale, autour de Suzanne Borel-Maisonny [1], que se sont
développées les premières consultations orthophoniques. Elles s’adressaient à
l’origine à des enfants qui présentaient des pathologies physiologiques avérées
(infirmes moteurs cérébraux, malentendants, etc.) et entraient difficilement dans
le langage. Elles se sont progressivement ouvertes à des enfants aux fonctions
intègres (sans trouble de l’audition, de la vision, sans atteinte cognitive, géné-
tique ou neurologique) dont l’accès au langage puis aux apprentissages était
néanmoins perturbé.
104 En pratique
Suzanne Borel-Maisonny
(1900-1995)
Fondatrice de l’orthophonie en France
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Suzanne Borel-Maisonny crée le diplôme en 1955 et œuvre activement pour
l’obtention d’un statut légal de la profession et la mise en place d’une nomen-
clature (1964) à travers la fondation du SNO (Syndicat national des orthopho-
nistes, 1959). C’est dans un esprit de recherche et de partage que l’ARPLOEV
(Association des rééducateurs de la parole, du langage oral et écrit, de la voix)
voit le jour à la croisée des chemins du secteur médical et du secteur éducatif.
Grammairienne et phonéticienne de formation, S. Borel-Maisonny exerce dans
divers hôpitaux parisiens, à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à l’hôpital Saint-Michel
auprès d’enfants atteints de fentes labio-palatines et à l’hôpital Henri-Rousselle
à Sainte-Anne. Progressivement, face aux patients qu’on lui présente, elle s’inté-
resse à tous les troubles du langage (surdité, bégaiement, dyslexie, dysortho-
graphie, etc.), aux difficultés instrumentales qu’elle a beaucoup explorées et à la
polysensorialité. Grâce à l’observation, la recherche clinique et expérimentale, elle
élabore la méthode phonétique et gestuelle de l’apprentissage de la lecture. Elle
crée de nombreux tests, dont trois valises distinctes : le test sans parole, le test
d’orientation, de jugement et de langage ainsi que le test d’aptitude, permettant
l’exploration du langage et la mise en exergue de canaux fonctionnels servant de
point d’appui à la rééducation.
Les enfants que nous recevons ont pour beaucoup une histoire longue et
complexe avec le langage, qu’il s’agisse d’un oral malaisé ou d’un écrit difficile.
Ils ont pour la plupart déjà effectué au moins un bilan orthophonique, récem-
ment ou non. Parfois un diagnostic orthophonique est posé, entériné par
un terme précis (retard de langage/de parole, dyslexie/dysorthographie…).
Parfois les questions restent ouvertes (est-ce une dysphasie ? est-ce une dys-
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lexie ?...) et mettent en exergue la difficulté à nommer le trouble lorsque la
position des enfants est mouvante, variable selon les supports et l’interlo-
cuteur, et souvent déconcertante. Pour certains, la rééducation s’est parfois
perpétuée pendant des années sans pause. D’autres, plus rares, n’ont jamais
consulté d’orthophoniste. Ou encore la prise en charge orthophonique a été
interrompue.
Ainsi se rencontrent deux temporalités : le temps long du développement du
langage et ses aléas, le temps court du bilan puisque nous ne rencontrons l’enfant
que ponctuellement, ce qui nous demande de l’aborder sous un angle particulier.
En effet, comment s’adresser à un patient sans amorcer un travail thérapeutique ?
Comment faire en sorte que l’enfant soit suffisamment présent et disponible lors
du bilan, et en même temps qu’il ne l’investisse pas trop afin de laisser le champ
libre à une rééducation ultérieure, qui, la plupart du temps, se déroulera ailleurs
avec une autre orthophoniste.
Ainsi se conjuguent un ensemble de questions. Questions du consultant qui
adresse l’enfant à l’UPPEA et qui concernent le champ du trouble (« S’agit-il
essentiellement d’un trouble du langage ou l’enfant est-il pris dans une patholo-
gie plus globale ? »). Questions des parents, souvent orientées par la recherche
d’une origine (« D’où ça vient ? ») et d’une action à venir (« Qu’est-ce qu’on
peut faire ? »). Questions des professionnels de santé quand les suivis s’enlisent.
Questions des institutions, aux prises avec les exigences scolaires et les nécessités
de l’orientation. Plus rarement, questions de l’enfant, qui lui, est perdu dans un
faisceau d’interrogations qu’il fait rarement siennes.
Le bilan fait à l’UPPEA n’a pas pour vocation essentielle de confirmer ou d’in-
firmer un diagnostic… souvent déjà posé. Il s’agit avant tout de favoriser chez
l’enfant ou l’adolescent, l’émergence ou l’élaboration de représentations concer-
nant ses difficultés avec la langue, la lettre et son histoire, son expérience des
106 En pratique
livres, sa propre inscription temporelle. Pour pouvoir, le cas échéant, les remettre
sur le métier.
Le bilan orthophonique
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La première partie du bilan est un entretien semi-directif qui soumet à l’enfant
les questions suivantes :
– Comment formulerait-il le motif de sa venue ce jour ?
– Comment se représente-t-il la naissance de l’écriture ?
– Quels sont les buts de l’écriture, de la lecture ?
– Quel regard porte-t-il sur les livres à la maison et les lectures familiales ?
Puis, dans un second temps, les diverses pratiques de langage sont observées.
Pour ce faire, les batteries classiques de bilan sont utilisées, qui permettent d’étu-
dier la structure du langage (phonologie, lexique, syntaxe) sur les deux versants,
compréhension et expression. Ces outils sont employés en prenant le temps de
plusieurs passations diversement étayées, ce qui nous permet de repérer des
écarts, qui, quand ils apparaissent, signent une mobilité possible et tracent des
pistes de travail. Un instrument élaboré récemment au sein de l’équipe est éga-
lement utilisé, l’analyse des conduites de récit.
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temps social, vécu) ;
– épreuves de repérage et d’organisation spatiale (visuel, corporel…) ;
– épreuves graphiques (dessins, signes, formes…) ;
– épreuves praxiques ;
– épreuves de mémorisation (entrée auditive /entrée visuelle, avec ou sans
signification…) ;
– possibilité de dénomination.
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s Puis une relecture supplémentaire est effectuée : l’orthophoniste pointe
silencieusement chaque mot dont l’orthographe est erronée, indiquant
ainsi le lieu, mais pas la nature, de l’erreur. Ensuite viennent les questions
de grammaire qui mobilisent directement, quand ils existent, les repères
grammaticaux.
s Enfin, sont proposés des jeux d’associations sur le sens et les sons pour
travailler l’image du mot ou du segment de phrase [3]. Ainsi, pas à pas, au
fil des divers étayages se dessinent les points d’ancrage et les points de
faiblesse et se réamorce une réflexion sur le langage.
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les travaux ont d’abord porté sur les compétences narratives des enfants non-lec-
teurs, les conduites de récit ont progressivement été intégrées au bilan de langage
dans une procédure maintenant formalisée.
Deux supports sont proposés à l’enfant : une bande-dessinée (Figure 7-11) et
un récit à paraphraser (voir encart ci-dessous). La bande-dessinée est un support
visuel. Après un temps d’observation, le support est retiré et l’enfant est invité
à raconter l’histoire à une tierce personne qui ne la connaît pas. La paraphrase
consiste à restituer une courte histoire qui a été lue à l’enfant une ou deux fois.
Dans la paraphrase, les mots sont donnés, reste à élaborer les images mentales.
Dans la bande-dessinée, les images sont données, il lui faut trouver les mots.
À noter que la comparaison des deux récits obtenus, leur homogénéité ou leur
disparité éventuelles, peut éclairer un mode de fonctionnement de l’enfant, plus
auditif ou plus visuel, et orienter les interrogations et les investigations.
Alors il eut peur. Et peu après, en traversant Nantes, il s’arrêta devant un hôtel et
dit aux deux infirmières qu’il n’allait pas plus loin. Elles s’en allèrent rapidement
sans le remercier.
Après dîner, la radio annonça : « On vient d’arrêter près de Nantes les auteurs
du hold-up de la Banque Populaire®, ils avaient pris des habits d’infirmière et
faisaient de l’auto-stop. Malheureusement pour eux, ils ont stoppé une voiture
dans laquelle se trouvaient des gendarmes. Un des gendarmes les a reconnus :
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ils portaient de grosses chaussures d’homme ! ».
Une analyse des narrations des enfants, enregistrées puis transcrites, est ensuite
menée pour repérer comment, et à quel degré, l’enfant peut-il s’impliquer dans
ses récits, de quelle place parle-t-il, et quelle place attribue-t-il à son interlocuteur.
C’est ce qu’on appelle les manifestations de la subjectivité langagière.
De fait, la qualité d’un récit ne joue pas uniquement, loin s’en faut, sur la
mise en œuvre de compétences lexiques et syntaxiques. Bien raconter, c’est
être capable de se décentrer suffisamment pour s’adresser à un interlocuteur
supposé ne pas connaître l’histoire et lui fournir les éléments (« qui » fait
« quoi ») dont il a besoin pour comprendre. Cette capacité à se différen-
cier, à se placer du point de vue d’autrui se manifeste à travers différents
indicateurs. Par exemple, la façon dont les personnages sont introduits : un
enfant qui débute son récit par « l’ours, il » utilise d’emblée l’article défini
et présuppose par là même un savoir partagé avec son interlocuteur (il par-
tage des connaissances et un vécu plus qu’il ne raconte). Autre exemple,
pour la reprise des personnages dans le fil du récit, l’utilisation d’anaphores
floues (« … l’ours mord le poisson. Il part ». On peut alors se demander :
qui part ?) est la marque d’une pratique de langage encore très empreinte
de petite enfance. Elle signifie que quelque chose du passage de la langue
de la maison, de l’intime, à l’autre, celle de l’école par exemple, ne s’est pas
totalement accompli. Il faut aussi pouvoir décoder l’implicite inhérent à tout
support – tout ne peut être mis en mots et à fortiori en images. Il y a toujours
des vides à traiter, à lire et à interpréter. C’est particulièrement vrai dans
la bande-dessinée où le support visuel est par essence incomplet. Chaque
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111
image ne représente qu’un moment, initial ou final, d’une action. L’enfant est
donc amené à penser ce qui s’appelle « l’entre image », ce vide apparent qui
sépare/réunit deux images. C’est sa capacité à se représenter ce qui n’est pas
montré, à faire des hypothèses qui est sollicitée. Certains enfants collent au
support et s’appuient essentiellement sur leurs capacités mnésiques, au risque
d’ailleurs d’oublier certains éléments. Ils produisent alors des récits linéaires,
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descriptifs, souvent ternes.
Après l’avoir décodé, il faut ensuite pouvoir manipuler cet implicite pour en
transmettre les clés sans pour autant le dévoiler trop précocement.
Il faut aussi être en mesure de hiérarchiser les événements principaux et secon-
daires. Une histoire se déroule à plusieurs niveaux.
Un premier niveau, celui des actions et de leurs complications, ce qui est appelé
la trame, composée des événements principaux. Cette trame est essentielle mais
insuffisante pour susciter l’attention et l’intérêt de l’interlocuteur.
Un second niveau sous-tend et explique le premier, celui des éléments
secondaires. Plus un récit est riche, plus il présente d’éléments secondaires
explicatifs, souvent situés dans le registre des émotions (« Il le mord…pour se
venger. Il pleure… parce qu’il a mal. Il se réveille… parce qu’il a peur »). La
variété des affects que l’enfant prête aux personnages vient justifier les actions,
expliciter les liens entre les images, les liens interpersonnels et détermine la
tonalité du récit. Du récit purement descriptif où seule la succession des actions
porte le sens (« Il nage. Un poisson lui mord la queue. L’ours mord à nouveau
le poisson. »), évacuant ainsi toute émotion, toute tension, au récit très animé
qui fait la part belle aux ressentis des protagonistes (« …le poisson le mord. Il
a mal et pour se venger… »).
Ainsi, le choix de certains éléments de langage, le type de construction d’un
récit, sa structure, son rythme, ses lacunes ou ses trop-pleins sont autant d’indica-
teurs de la façon dont l’enfant s’approprie le langage, s’y engage et s’y positionne.
Il faut ensuite vérifier si cette position perdure, ou non, dans les autres pratiques
langagières observées au cours du bilan orthophonique. Y-a-t-il par exemple cor-
rélation entre un effacement du sujet dans le récit et des difficultés importantes
Une fabrique d’outils cliniques 113
d’accès au langage écrit ? Les récits des enfants non-lecteurs, souvent lacunaires
et pauvres, le disent [4].
Il faut également vérifier si cette position est spécifique au langage ou bien
s’étend aux autres domaines de la pensée. Par exemple, débordement de sub-
jectivité narrative et difficulté d’accès aux mathématiques se répondent-ils ? Une
difficulté à hiérarchiser les événements d’un récit fait-elle écho à un défaut d’orga-
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nisation temporelle et à une difficulté à sérier des éléments ?
Au-delà de ces difficultés à raconter, on rencontre des impossibilités totales,
par exemple chez des enfants psychotiques qui, le plus souvent appréhendent
chaque image de la bande dessinée comme un univers fragmenté, sans rapport
avec ce qui précède ni ce qui suit, ruinant toute amorce narrative.
Interroger les conduites de récit permet ainsi d’éclairer l’articulation spécifique
pour chaque enfant entre la façon dont il raconte et la façon dont il écrit, dont il
pense et dont il compte. Les possibilités d’interrogations croisées sont multiples,
elles font la richesse du bilan et favorisent l’émergence d’hypothèses qui peuvent
venir relancer un fonctionnement souvent figé, tant du point de vue de l’enfant
que des équipes.
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Chiffres toujours coupés
thérapeutiques
Graphothérapie clinique
et remédiation en langue écrite
– Deux approches spécifiques
de difficultés avec l’écrit
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ğ Ce sont les éléments fondamentaux de la langue écrite dans notre système
alphabétique. La constitution des écritures alphabétiques est le fruit d’une
longue histoire, de la Mésopotamie antique à nos jours… [5]. Ce trajet est
celui d’une symbolisation progressive des premières traces déposées sur
différents supports (os, cornes, terre, argile, papier, etc.).
ğ Chaque enfant qui « apprend » à écrire, refait pour lui-même, le trajet de la
symbolisation. Les lettres de notre alphabet actuel peuvent s’appréhender
selon trois dimensions :
• Réelle : c’est la trace matérielle laissée sur le support d’écriture, celle qui
demande à l’enfant d’engager son corps et son geste pour tracer ; c’est
également la trace sonore, celle qui s’entend lors de l’épellation.
• Imaginaire : c’est le dessin de la lettre, la forme que l’enfant doit
« apprendre » à tracer et à reproduire.
• Symbolique : cette forme matérialisée, reproductible et identifiable, reçoit
une valeur arbitraire (elle est associée à un son de la langue orale) et devient
ainsi un élément du code en vigueur pour qu’une langue puisse s’écrire et
se lire.
La graphothérapie clinique
M. Laurent, M. Schnaidt
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former des lettres, à les organiser sur des lignes. Écrire nécessite donc un certain
savoir-faire.
Écrire, c’est aussi inscrire du langage et de ce fait le champ symbolique est
convoqué : les lettres ne sont pas seulement des formes, ce sont des symboles
langagiers, elles représentent des sons de la langue.
Plusieurs étapes et toute la durée de la scolarité primaire sont nécessaires à
l’enfant pour qu’il donne à l’écriture sa pleine dimension symbolique et langa-
gière. Cette mise en place s’articule à l’apprentissage du langage écrit (la lecture
et la transcription).
Lorsque l’enfant commence à écrire à l’époque de la maternelle, il cherche
à reproduire des formes : il trace les lettres et les mots comme s’il les dessinait,
par petits segments, plus ou moins bien ajustés les uns aux autres (le « m », par
exemple est constitué de trois petites cannes). À cette étape, la lettre n’est pas
différenciée en tant que telle.
On peut considérer que la lettre a acquis un statut de symbole lorsque l’enfant
la trace comme une unité qui équivaut à un son, et qu’il est en mesure de lier
harmonieusement plusieurs lettres entre elles pour inscrire des mots.
L’acte d’écrire devient véritablement un acte de langage lorsque l’enfant porte
essentiellement son attention sur ce qu’il dit en écrivant plutôt que sur le tracé
de l’écriture.
Tout en étant langage, l’écriture toutefois garde sa qualité de trace. C’est une
trace séparée de soi : contrairement à la communication orale qui implique la
présence de l’autre, lorsqu’on écrit on s’adresse à quelqu’un qui n’est pas là.
C’est aussi une trace représentative de soi, elle est fixée sur un support, offerte
au regard et à l’appréciation de celui qui va lire.
118 En pratique
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des enjeux identitaires, relationnels et affectifs essentiels.
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activités sportives, par exemple.
Le travail de consultation auprès d’eux et de leur famille a permis d’observer
que l’embarras qu’ils rencontrent avec l’écriture s’inscrit toujours dans un
ensemble de difficultés plus large qui s’exprime au plan du comportement et au
plan relationnel.
En effet, il s’agit d’enfants dont le rapport aux autres, le mode de penser et la
manière de sentir, sont très contrastés et déconcertants. Ils peuvent être charmants,
agréables dans l’échange et à d’autres moments extrêmement agaçants car raides
dans leur pensée et dans leurs opinions. Ils sont normalement intelligents mais ils
peuvent être en échec scolaire du fait de leur refus de l’effort et de leur résistance
à composer avec les règles et les contraintes. Ce sont généralement des enfants
très exigeants avec eux-mêmes, mais prompts à se décourager lorsque leurs réa-
lisations ne sont pas à la hauteur de leurs attentes.
Ils sont aussi souvent d’une grande sensibilité, mais ils ont beaucoup de mal à
percevoir ce qu’ils ressentent ; leurs émotions, leurs affects sont confus et s’expri-
ment plutôt sous forme de manifestations corporelles. Ces enfants peuvent par
exemple être débordés émotionnellement, agités, tendus, ou bien sujets à des
affaissements toniques, à des effondrements d’allure dépressive.
On s’aperçoit d’autre part qu’ils sont particulièrement sensibles à toute expé-
rience autour de la séparation et de la perte, ce qui les conduit à adopter des posi-
tions de maîtrise rendant leurs relations aux autres particulièrement compliquées.
Ces particularités du fonctionnement psychique se rencontrent à des degrés
divers chez tous, et elles s’expriment de manière plus ou moins perceptible.
Parfois, le mal être de l’enfant se signale d’abord dans sa difficulté à bien écrire ;
dans d’autres cas, la question de l’écriture peut passer totalement inaperçue ou
seulement en arrière-plan d’une symptomatologie beaucoup plus marquée.
120 En pratique
Mais, dans tous ces cas, le trouble avec la trace écrite fait partie intrinsèque de
ce tableau clinique qui révèle un enfant insuffisamment robuste dans ses assises
identitaires et narcissiques, c’est-à-dire fragilisé dans sa capacité à accéder à un
statut de sujet bien différencié [4]. Cette organisation psychique n’est pas sans
évoquer ce que Roger Misès a décrit sous le terme de « pathologies limites de
l’enfance ».
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Ce sont ces problématiques complexes qui vont être prises en compte dans
le cadre de la graphothérapie clinique. Cette approche thérapeutique, d’ordre
psychothérapique, a en effet été entièrement pensée en référence à l’organisation
psychique de ces enfants.
Roger Misès
(1924-2012)
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consacré à la psychopathologie infantile.
Le dispositif thérapeutique
Dès les années 1960, les études menées sous la direction du professeur Julian
de Ajuriaguerra sur les enfants qui « écrivent mal » avaient permis de mettre
en évidence l’état tensionnel caractéristique de leur difficulté. La nécessité d’un
cadre thérapeutique spécifique s’est imposée ; il s’est inspiré des travaux de la
même époque concernant la relaxation [1]. La graphothérapie clinique s’est ainsi
élaborée comme une approche de relaxation spécifique, prenant en compte
l’engagement du corps dans l’acte de tracer. Un travail de conceptualisation se
poursuit depuis autour de Marie-Alice Du Pasquier, psychanalyste [3].
La graphothérapie clinique ne concerne jamais directement l’écriture. Il ne
s’agit pas d’un travail de remédiation, ni de rééducation dans lequel on corrigerait
l’écriture de l’enfant ou son mode de faire. Le processus thérapeutique repose
sur la mise en jeu des articulations entre le corps, la trace et le regard au travers
des échanges transférentiels1 entre l’enfant et le thérapeute.
1. Transfert : processus par lequel les désirs inconscients s’actualisent dans le cadre d’une relation
thérapeutique.
122 En pratique
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sensorielles. C’est-à-dire comme la projection du vécu corporel tel qu’il va s’expri-
mer dans la texture de la trace et se visualiser sur la feuille. Peuvent ainsi être pris en
compte par exemple la manière dont l’enfant investit l’espace de la feuille : est-ce qu’il
déborde ou au contraire est-ce qu’il se restreint, mais aussi la façon dont il module son
tonus dans l’appui ou dans l’effleurement, de même que le rythme avec lequel il trace.
Au début, puis éventuellement à d’autres moments de la thérapie, le théra-
peute propose les tracés et les réalise devant l’enfant, favorisant ainsi des possi-
bilités d’identification.
Par ailleurs, il intervient dans une perspective de mise en sens en commen-
tant ou en formulant des hypothèses à propos de ce qu’il observe chez l’enfant.
Ces interventions visent à aider celui-ci à percevoir, à différencier, à nommer ses
éprouvés, afin qu’il puisse se les approprier et leur donner toute leur dimension
émotionnelle et affective.
L’objectif de cette approche n’est pas l’amélioration de l’écriture en elle-même,
il s’agit plutôt d’offrir à l’enfant la possibilité d’élaborer ce qui fait frein dans son
fonctionnement. Il pourra ainsi à mesure aménager un rapport plus confiant à lui-
même, un rapport aux autres davantage ajusté, gages d’une inscription plus sereine.
Il explique qu’il a essayé de faire des efforts pour avoir une écriture plus lisible
mais rien n’y fait : « mon écriture reste moche ». Paul souligne qu’il aime bien
écrire et que son écriture lui convient lorsqu’il a le temps de s’appliquer. En plus
de ces difficultés, Paul fait part de résultats faibles en mathématiques précisant
alors que pour ces exercices, il utilise sa propre méthode plutôt que celle de son
maître: « il n’accepte pas ma méthode, il ne comprend pas ! ». Ses relations avec
ses camarades de classe sont complexes et instables : il a du mal à garder ses
amis et il se fait souvent malmener par les autres.
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À l’examen de l’écriture, on observe un état tensionnel très net ; Paul semble
mobiliser tout son corps, son poignet est raidi, ses doigts sont très serrés autour
du stylo et peu mobiles. Son geste d’inscription est saccadé plutôt que rapide.
Ce mode de faire et cette tension se traduisent dans une écriture fragmentée,
au tracé trembloté et aux lettres anguleuses et mal différenciées.
Paul reconnaît spontanément une crispation dans le bras ainsi que la sudation
de sa main. Il confie que cela le gêne particulièrement. En effet, il est souvent
obligé de s’arrêter d’écrire pour détendre son bras, ce qui le ralentit d’autant plus.
Il aimerait bien être aidé.
Les parents de Paul, de leur côté, confient leur découragement. Sa mère explique
qu’elle a du mal à le comprendre depuis toujours, contrairement à sa fille aînée.
Elle décrit un enfant impulsif, « difficile à gérer », qui manque de confiance en
lui ; il se dévalorise beaucoup. Il ne supporte pas l’échec et la frustration peut
l’amener à « piquer des crises très impressionnantes ». Le moment des devoirs
est particulièrement conflictuel ; il rechigne à s’y mettre et ne peut travailler qu’en
sa présence.
Cette année scolaire a été particulièrement laborieuse pour Paul, ses difficultés se
sont révélées plus pénalisantes qu’en début de primaire. Les parents s’inquiètent
aussi beaucoup de son attitude de plus en plus préoccupante.
124 En pratique
Nous proposons que Paul soit revu dans le cadre d’autres examens afin de préci-
ser ses embarras et de réfléchir à une approche thérapeutique pertinente.
Les résultats à l’UDN-II montrent qu’il dispose bien des capacités attendues à
son âge, mais qu’il peut être freiné dans sa pensée par des positions de maîtrise
irréductibles.
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des thématiques régressives et dépressives. L’angoisse de séparation est vive.
On observe aussi un monde émotionnel très confus et vite envahissant.
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cet épisode inattendu de pertes et de retrouvailles répétées, l’a amené à éprou-
ver la continuité du travail et la permanence du lien au thérapeute. Cela semble
avoir permis l’installation d’une relation transférentielle plus souple et on voit ici
comment Paul peut commencer de trouver plus tranquillement sa propre place.
Cette séquence de graphothérapie clinique montre comment ce dispositif spé-
cifique a permis l’amorce d’un processus d’individuation. Au cours des mois
suivants ce mouvement s’est révélé, par exemple, au travers des échanges
avec le thérapeute dans les récits que Paul peut construire à l’occasion des
parenthèses de vacances. Contrairement au début de la prise en charge, où
il ne pouvait absolument rien dire de ces moments d’absence, qui restaient
alors vides de représentation, Paul devient progressivement plus libre de
les évoquer avec des mots. Il peut aussi montrer davantage qu’il est touché
émotionnellement dans certains moments de séparation, par exemple en se
plaignant de « fatigue ».
Dans le même temps, Paul commence à exister de manière moins ténue c’est-
à-dire dans une posture plus campée. Il est plus à même de déployer son
geste dans la recherche d’une aisance, et d’ajuster spontanément le déroulé
de son mouvement en fonction de son ressenti. Il paraît donc progressivement
pouvoir ainsi s’éprouver à travers un espace corporel et un espace psychique
plus définis.
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à l’UPPEA, de nombreuses demandes les concernant sont reçues.
Les jeunes consultants arrivent le plus souvent au bout de plusieurs années
d’échec des apprentissages dans l’attente d’un avis spécifique et de nouvelles
propositions thérapeutiques.
Ces demandes sont le plus souvent adressées par des équipes qui se sentent
embarrassées face à des enfants pour lesquels les solutions thérapeutiques habituelles
ne montrent que peu ou pas d’effet. Les enfants n’ont pu se saisir des différentes juxta-
positions de soin organisées et ils restent coincés dans un rapport impossible à l’écrit.
Durant les premières consultations, l’équipe tente d’envisager le rapport de
l’enfant avec le langage écrit d’une manière plus large et en lien avec sa position
subjective et son organisation psychique. Le dispositif proposé (qu’il s’agisse de
celui de l’observation ou de celui du soin) tente de conjuguer dans un même
espace, langage écrit, position subjective et organisation psychique.
Il est ainsi proposé à l’enfant dans un premier temps, ce qui est appelé « une
observation de la langue écrite ». Cette observation concerne plus spécifiquement :
– de jeunes enfants pour lesquels l’installation des précurseurs de la lecture
n’a pu s’organiser ;
– de jeunes apprenants présentant des troubles sévères et résistants de l’acqui-
sition de la lecture et de l’écriture ;
– des enfants et adolescents présentant des dysorthographies sévères et résistantes.
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Il nous a aussi semblé important de questionner le jeune consultant autour
d’axes complémentaires en lien avec son développement comme par exemple :
– le rapport au temps, à l’espace, à la filiation ;
– la représentation qu’il a (ou pas) de ses difficultés, de son histoire scolaire
et personnelle ;
– les relations entretenues avec ses pairs et sa famille.
La manière dont il a organisé et compris l’utilisation de l’écrit et son fonction-
nement est également regardée avec attention.
La lecture
L’accès à la lecture demande un certain rapport à l’abstraction et plus par-
ticulièrement le passage du rapport figuratif de la lettre à sa valeur symbolique
de signe linguistique. Ce qui est demandé à un enfant pour entrer dans l’écrit,
c’est bien d’accepter de négliger le dessin de la lettre, sa forme qui renvoie à son
nom. La lettre ne doit pas se montrer aveuglante par sa trop grande présence et
sa matérialité. Si l’enfant se laisse happer par l’indice perceptif de la lettre, son
accès au signe linguistique devient impossible. Il effectue alors un acte de recon-
naissance et non de lecture (cf. encadré « Les lettres », p. 116) [1].
Les enfants qui présentent des impossibilités à lire montrent une sorte d’in-
compréhension du fonctionnement combinatoire des syllabes dans l’écrit. Ils s’ins-
pirent aussi très souvent de « théories » qui finalement les empêchent d’utiliser
les règles de conversion grapho-phonétiques et ne peuvent rendre compte de
leur démarche individuelle de lecture. À la place, ce sont diverses stratégies spon-
tanées et inadéquates (devinement, nom de la lettre, syllabation, non-mots, etc.)
qui les empêchent d’accéder à la lecture. Cette pseudo-lecture se traduit par un
128 En pratique
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Par ailleurs, même s’ils ont un accès minimal à la lecture, celle-ci se résume le
plus souvent à ânonner une succession de syllabes sans que la question de la
compréhension et du rapport au langage ne soient représentés. Lire se résumerait
à « faire des sons », écrire, « à faire des lettres ».
Les enfants hors du lire se montrent aussi très attachés à certaines stratégies
et croyances régulièrement repérables et difficilement mobilisables.
L’écriture
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Comme pour cette fillette âgée de 10 ans, reçue en observation du langage
écrit et pour laquelle l’écriture se résume à l’égrenage de lettres hors sens.
Corps et affects
l’organisation psychique est du côté de la névrose ne relève pas des mêmes modalités
s’il est plutôt organisé du côté de la psychose ou s’il présente une pathologie limite.
C’est à l’issue de cette première observation que pourra être proposé à un
enfant un travail sur le langage écrit.
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Antoine, le corps dans tous ses états
Antoine est un jeune garçon de 9 ans qui est reçu pour un
non accès à la lecture et à l’écriture et qui n’a pu se saisir
des aides proposées. Lorsqu’il est reçu en observation sur
la langue écrite, Antoine, évoque des sentiments douloureux
concernant son histoire personnelle. Il se place devant une feuille de lecture et
commence quelques tentatives de lecture qu’il agrémente systématiquement
de « ouille, ouille, ouille… aille, aille, aille ». Antoine met beaucoup de conviction
à sa lecture bien qu’elle se résume à la nomination de lettres et à des associa-
tions de phonèmes incompréhensibles. Antoine lit visiblement les yeux fermés
et justifie avec beaucoup d’irritation sa lecture singulière : « là y a le mot, après
je ferme les yeux et comme ça je vois mieux pour lire dans ma tête ».
Le travail de remédiation
Le terme de « remédiation » a été choisi pour sa neutralité et sa maniabilité.
Cette pratique thérapeutique sort d’un modèle classique purement cognitif ou psy-
chopédagogique. Il s’agit d’une pratique qui est de l’ordre d’une thérapie de la lec-
ture. Elle s’appuie sur l’organisation d’un cadre thérapeutique spécifique qui laisse à
l’enfant la possibilité d’exprimer tout le rapport singulier qu’il a organisé avec l’écrit.
Cette position thérapeutique permet à l’enfant d’inscrire sur le papier et au travers
de la lettre et du lire, ses impasses, ses questionnements, ses peurs, ses angoisses
etc. ; tout ce qui peut faire échec à sa place de sujet face au langage et à sa loi
symbolique. C’est le « hors lire » qui est utilisé comme support thérapeutique [5].
Les erreurs produites, les impossibilités, les variations particulières ne sont jamais
envisagées sur le mode d’une méconnaissance, d’une faille, d’un retard, d’une
incapacité, d’un déficit mais plutôt comme l’expression d’impasses de construc-
tion psychique, de souffrance chez un sujet coincé « hors du lire ». Ainsi, une
Une fabrique d’outils thérapeutiques 131
séance peut uniquement s’organiser autour d’un travail sur une lettre si l’enfant
reçu en thérapie n’est pas en mesure d’aller plus loin.
La langue écrite est quant à elle toujours replacée dans une théorie plus géné-
rale du langage, de son histoire, de son organisation linguistique.
Camille,
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le débordement imaginaire de la lettre
Camille arrive très agité, « je suis tombé dans les arbres, on
faisait une bataille, ils m’ont pris, ils m’ont jeté ».
Camille prend un crayon, décide d’écrire « lavabo » :
– « Je le sais pas en français le “b“ ». Camille trace des « b » sur sa feuille de
toutes les tailles, puis il inscrit des ronds à l’intérieur d’un des « b » :
– « C’est un gros bébé, ou deux bébés, c’est mon frère et moi, j’étais un petit truc
et je suis sorti, je fais les ciseaux, c’est pour couper la ficelle… ça c’est la tête de
maman, je lui ai fait un petit bedon… coucou je suis sorti ! C’est moi ! Un gros petit
bébé, plein de grands cheveux, là aussi il est coupé, on voit la trace de la marque,
je donnais des coups de pieds, un petit pied cassé ».
132 En pratique
– « Un bonhomme, un bonhomme de “b“, “bb“, les cheveux “b“, les fleurs “b“,
partout “bb“, pleins de petites fleurs ».
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Les enfants qui ne peuvent lire et écrire montrent des relations particulières
concernant l’apprentissage de l’écrit et mobilisent des positions subjectives spé-
cifiques.
L’ampleur des difficultés présentes chez ces enfants les conduisent à exprimer
des comportements de peur, de doute et d’angoisse face à la lecture et l’écriture.
La peur de l’échec, les blessures narcissiques sont autant de freins et d’obstacles
à leur entrée dans l’écrit.
Souvent, la nature et l’importance des embarras existants sont largement occultées
par l’enfant, par sa famille et parfois même par l’école. Dans des tentatives de colma-
tage des difficultés, les enfants développent des stratégies inadéquates, des solutions
partielles et aléatoires. Ils se construisent ainsi une carapace qu’ils trouvent sécurisante
et qu’ils expriment de diverses manières : passivité, inhibition, hyper-émotivité.
Le manque d’autonomie, la dépendance, le recours à l’autre sont permanents
non seulement en situation d’apprentissage mais aussi dans la vie quotidienne. Par
ailleurs, les difficultés de concentration font que l’attention de ces enfants est de
courte durée et fragile et ne se fixe que de manière fugace et dispersée. Enfin,
la présence d’une certaine rigidité cognitive rend difficile la prise d’initiatives,
l’organisation et le maniement d’hypothèses [2].
Des conduites de fuite et de répétitions stéréotypées durant la lecture, souvent
à des fins de vérification, signent une lutte contre le désir de savoir et l’acte de lire.
Il nous semble utile de préciser que parfois, le passage d’un enfant d’une quasi
non lecture à une lecture de qualité moyenne est difficile à accepter. Il lui semble
au départ que ce qu’il a acquis en lecture n’est pas véritablement avantageux
pour lui comparé à ce qu’il lui est demandé de fournir sur le plan des apprentis-
sages et de l’exigence scolaire. Il est alors enclin à préserver ses anciennes procé-
dures de fonctionnement et son rapport au lire afin de se rassurer.
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L’enfant a le libre choix de tout l’écrit qu’il utilise. Il peut apporter ses écrits,
ses livres, ses lectures, ou utiliser tout ce qui concerne l’écrit et qui est à sa dis-
position dans le bureau. Un ordinateur est aussi à sa disposition et le choix de
son utilisation dépend aussi de lui. L’ordinateur aide les enfants et adolescents
à contourner certaines inhibitions particulièrement invalidantes comme les rejets
du papier et de l’écriture manuelle. Il présente divers logiciels didactiques,
comme des dictées visuelles ou un travail sur la grammaire de la phrase. Le
choix du travail se fait avec l’enfant qui participe ainsi à l’organisation de ses
apprentissages.
ğ Premier outil
s Il est représenté par un seul tableau noir où le premier niveau de correspon-
dance son-couleur est représenté par 37 rectangles de couleurs différentes.
Il permet de médiatiser la relation oral/écrit dans la modalité non alphabé-
tique que constitue la couleur. Ce tableau qui ne comporte aucune lettre
permet de neutraliser le rôle prédominant accordé à la lettre par l’épellation
très souvent utilisée par les enfants « hors du lire ».
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ğ Deuxième outil
s Il est constitué par une série de huit tableaux où sont représentées toutes
les manières différentes d’orthographier les phonèmes en français. Chaque
phonème reçoit une couleur et celle-ci reste la même quelle que soit sa
transcription graphique. Par exemple, « i, is, y, ient, hie, ids » sont tous
écrits en rouge3.
ğ Troisième outil
s Il consiste en une série de seize tableaux où les mots sont inscrits en
couleur. La relation son/couleur du premier tableau est reprise de manière
systématisée, une couleur représentant toujours le même son quelle que
soit sa transcription graphique. La couleur agit ainsi pour chaque phonème
comme un fait invariable. Cela permet d’établir une correspondance entre
unités visuelles et système phonologique de la langue.
s L’utilisation d’une « lecture en couleur » constitue une aide précieuse pour les
jeunes consultants en panne en lecture et en écriture. Elle représente un outil
sur lequel les enfants s’appuient volontiers pour sortir de leur non lecture.
s Cependant, cet usage de la couleur ne s’étend jamais à l’exercice de l’écri-
ture. Celle-ci est abordée au même moment que l’apprentissage de la lec-
ture et de la correspondance couleur/son/forme.
s Les enfants qui s’approprient progressivement le langage écrit choisiront
d’eux-mêmes et le plus souvent dans d’autres lieux comme la maison
ou l’école, le moment propice à leur passage vers une lecture en noir et
blanc.
3. La lecture du français exige l’intégration de multiples formes pour un même son. Le décalage entre
langue orale et langue écrite est très marqué et les irrégularités sont nombreuses. Des aménagements se
sont organisés comme l’apparition des digraphes « ph » ou de trigraphes « oin ».
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2. Berges-Bounes M, Forget JM. L’enfant et les apprentissages malmenés. Collection « Psychanalyse et
Clinique ». Érès, Toulouse, 2010.
3. Gattegno C. La lecture en couleur. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1966.
4. Stambak M, L’Hériteau D, Auzias M, Berges J, Ajuriaguerra J de. Les dyspraxies chez l’enfant. Psychiatrie de
l’Enfant, 1964, 381 : 496-7-2.
5. Winnicott DW. Jeu et réalité. Collection « Folio essai ». Gallimard, Paris, 1975.
136 En pratique
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Dans les prises en charge en groupe, bien que les patients soient reçus à plu-
sieurs, la sollicitation des thérapeutes est individuelle et l’objet singulier : chaque
patient vient, bien qu’en compagnie d’autres, pour y mener son propre travail.
Dans le cas des prises en charge de groupe, les patients sont reçus à plusieurs
pour mener un travail commun, nourri d’allers-retours de l’individuel au collectif :
c’est à l’ensemble des participants que s’adressent les thérapeutes, et l’objet à
construire est le fruit de leurs échanges.
Les indications sont donc différentes d’un groupe à l’autre, et pensées singu-
lièrement pour chaque patient.
Ponctuel ou prolongé, le passage par un groupe participe d’un projet théra-
peutique global ou constitue la réponse unique à la problématique de l’enfant. Il
peut s’agir d’une étape dans l’évolution vers un travail analytique individuel mais
aussi d’une indication ciblée inscrite dans une temporalité plus longue, le travail se
prolongeant parfois sur plusieurs années. Il n’est pas rare que les suivis en groupe
se combinent avec d’autres propositions thérapeutiques.
Plusieurs dispositifs groupaux (relaxation thérapeutique et Calvin’s T Group®
pour les indications en groupe, et groupe logico-mathématique pour les suivis de
groupe) ont été pensés et créés dans le cadre de l’UPPEA, représentant le fruit
d’années d’expérience et d’élaboration. Par-delà la variété des dispositifs, cette
appartenance historique et théorique commune résonne autant dans leur forme
que dans leurs ressorts et visées thérapeutiques.
Tous ont recours à une médiation (le corps, l’écriture, l’objet mathématique)
et mobilisent plusieurs thérapeutes, ce qui permet de diffracter le transfert, le
rendant moins anxiogène. Il s’agit de groupes ouverts bien que le nombre de
places y soit limité (en moyenne, six enfants par groupe) : de nouveaux patients
peuvent donc s’y intégrer à tout moment de l’année.
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tion, l’accès à la subjectivation, ce qui se traduit notamment par la (re)conquête
d’une mobilité psychique, la réanimation du fil associatif, la possibilité de produire
des hypothèses et de s’engager dans la pensée mais aussi dans des relations – y
compris conflictuelles. Il s’agit en somme de permettre aux patients d’accéder
à une existence autonome, subjective et singulière, dans la reconnaissance de
l’altérité.
Pour cela, chaque groupe a sa façon de convoquer le tiers, d’interroger la
séparation et d’élaborer le rapport à l’autre.
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maladresses, inhibitions, mais la gamme des indications s’est peu à peu élargie aux
troubles des apprentissages (lecture, écriture, calcul, raisonnement), aux troubles à
expression somatique (migraines, difficultés de l’endormissement, maux de ventre),
aux troubles somatiques (neurologie, oncologie, handicap) et aux troubles réac-
tionnels (traumatismes). En effet, cette approche propose à la fois une détente
musculaire en même temps qu’une concentration mentale, c’est-à-dire une solli-
citation du côté de la pensée et de la symbolisation. Ce n’est donc pas une
gymnastique ou un massage, ni une rééducation, ou un maternage, mais un travail
sur le corps que l’enfant vient faire chaque semaine. Cette approche mobilise à
la fois le registre de la sensation et celui de la représentation par l’intermédiaire
du thérapeute en relaxation qui propose des mots et des images pour aider à la
détente, et en même temps touche et mobilise les différentes parties du corps
de l’enfant en les nommant : depuis le bras droit jusqu’au front en passant par
la respiration.
Aujourd’hui, le même protocole perdure. Il peut être proposé individuel-
lement, mais nous lui préférons la relaxation en groupe : groupe ouvert de six
enfants « tout-venant » d’âges voisins, présentant des pathologies différentes et
commençant leur cure à mesure de leur entrée dans le groupe ; chaque enfant fait
ainsi partie d’un groupe expérimentant ensemble cette technique, mais se trouve
pris en charge individuellement par un thérapeute, toujours le même, qui lui parle
et le mobilise, sous le regard des autres enfants, et des thérapeutes présents dans
la pièce : d’où à la fois une égalité dans la cure et un régime de faveur.
Ce travail de relaxation vient faire tiers pour les enfants, tiers le plus souvent
par rapport au corps de la mère dont ils restent dépendants longtemps, en
quasi position d’objet (les garçons essentiellement). La relaxation vise l’auto-
nomie. Dès la première séance, nous disons à l’enfant : « c’est toi qui sais » ;
c’est lui qui sait s’il est détendu à travers les mobilisations du thérapeute, qui
Une fabrique d’outils thérapeutiques 139
ne sont pas un contrôle comme dans un rapport élève-professeur, mais qui lui
permettent de repérer les tensions et de pouvoir les penser. Nous lui proposons
dès le départ, non pas de se détendre à tout prix, mais d’être présent à ce qui
se passe en lui à ce moment là.
De la même manière, en début de séance, il peut parler mais uniquement s’il
le souhaite ; nous ne lui demandons pas de nous restituer tout ce qu’il pense ou
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sent, il est libre de le faire ou pas. En somme, nous lui faisons tout de suite le cré-
dit qu’il est un sujet et qu’il n’est pas le corps ou l’objet de l’autre. De la même
manière, c’est lui qui nous dira lorsqu’il souhaite terminer sa cure de relaxation.
corps, ses rythmes, ses organes, son fonctionnement, ses écarts et ses déborde-
ments. Abord transversal et indirect du symptôme d’appel (lecture, calcul, raison-
nement) qui vient souvent en complément de la remédiation en lecture ou en
calcul souvent proposée en amont, mais qui, dans les cas les plus complexes s’est
avérée insuffisante et bute sur la rigidité psychique défensive de l’enfant. Une
thérapie peut lui être proposée en parallèle et des entretiens familiaux peuvent
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également être associés au dispositif de soin.
Comme nous l’avons dit, la relaxation propose de ressentir, de penser son
corps et de le symboliser par des mots : progressivement, segment par segment
– les bras, les jambes, les fessiers, le dos, la nuque, avant d’aborder la phase de
généralisation et de respiration –, l’enfant peut faire l’expérience que chaque
partie de son corps est limitée par une autre et y est articulée. Éprouver la soli-
dité de l’enveloppe corporelle qui limite l’intérieur de l’extérieur, habiter un
corps qui constitue un vécu nodal, un axe, ancrer un critère d’origine, un corps
qui acquiert un statut de référentiel permanent à partir duquel organiser temps,
espace, généalogie. Questionnement autour de l’origine, des origines, de laquelle
découle habituellement chez l’enfant une multitude de questions, la fameuse pul-
sion épistémophile : « D’où vient-on ? » « Comment fait-on les bébés ? », etc.,
mais qui sont si souvent barrées, refoulées, interdites chez les enfants en panne
dans les apprentissages. Ainsi, cet enfant de 10 ans, CM1, qui consulte selon sa
mère, pour « problèmes en français : dyslexie-dysorthographie et hyperactivité »
et dont le regard fixe le planisphère du bureau, est manifestement incapable de
situer le pays d’origine de son père, dont il n’a eu que très peu de nouvelles
depuis sa naissance. Il a pourtant les yeux au bon endroit sur la carte, et énumère
bon nombre des pays limitrophes, mais conclut « non vraiment j’sais pas, faut
demander à ma mère ». Question du savoir barré, très douloureux, qui renvoie
également cet autre enfant non lecteur de 9 ans, adopté à 4 ans, à la question
des origines. Sa mère déclare en entretien : « ça y est ! Il lit depuis une semaine,
mais depuis qu’il lit, il ne dort plus de la nuit, il rumine, il est souvent question
de son pays d’origine ». Les angoisses à expression somatique (sommeil, maux de
ventre, migraines, asthme, etc.), si souvent au devant de la scène dans le champ
de l’enfance, sont peu à peu élaborées au cours de la cure et infiltrent moins le
déroulement de la pensée.
Une fabrique d’outils thérapeutiques 141
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que l’enfant sait, dans le transfert au thérapeute et au groupe, qu’il n’est pas
lâché, abandonné : il y a d’abord la coupure, la séparation de corps, nécessaire et
douloureuse, matérialisée par la séance de relaxation, car le corps de l’enfant est
encore trop souvent le prolongement de celui de sa mère, comme en témoignent
toutes ces mères qui ont tant de mal à nous confier leur enfant le temps de la
séance et qui restent derrière la porte, profitant de la moindre ouverture pour
regarder ce qui se passe. Il y a aussi, les allers et venues du thérapeute auprès de
l’enfant, tantôt très proche s’adressant à lui, tantôt éloigné, s’occupant d’un autre
enfant ou s’abstenant de le regarder. L’enfant ouvre les yeux, repère où est son
thérapeute dans la salle, regarde les autres enfants du groupe, les écoute, leur
parle, et cet espace et ce temps de possibles, d’expérimentations corporelles, ce
cadre thérapeutique de présence sur fond d’absence est très vite investi comme
un espace de liberté, rare pour lui, puisqu’il est sous le contrôle de l’adulte en
toutes occasions.
La relaxation thérapeutique propose également de faire l’expérience de l’état
de résolution tonique, c’est-à-dire du tonus mis à zéro, puisqu’il ne s’agit pas de
bouger, mais de penser. Échanger de l’action contre de la représentation, déplacer
le plaisir de la mobilité physique à celui de la mobilité psychique.
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L’objectif de la relaxation pour Edwin est de proposer un autre regard sur le
corps de cet enfant, si souvent examiné par les médecins, et coincé dans un dis-
cours maternel entièrement du côté des angoisses somatiques, ce qui semble
renforcer le lien mère-fils. Un regard qui le prendrait en compte comme sujet
pensant, hors du champ médical, afin qu’Edwin puisse à son tour s’autoriser à
jouer de sa pensée avec des hypothèses autour du savoir et de la connaissance,
dans une meilleure mobilité mentale, plus active et une vie fantasmatique plus
riche ; en somme, la relaxation lui permettrait de penser au lieu de s’agiter.
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Théa évoque une poupée. D’une séance à l’autre, ses tenues et coiffures n’ont
de cesse de se renouveler, offrant au regard des trésors d’inventivité qui semblent
inépuisables, à quoi l’on devine la participation des parents à ce petit théâtre.
Poupée, elle l’est en relaxation sur deux versants : le bébé poupon jouant avec
ses pieds dans des expérimentations sensorielles, mais aussi la petite femme
coquette lançant à ses voisins des œillades aguicheuses.
Théa se présente aux premières séances dans une disponibilité extrême. Étendue
sur le dos, les yeux grands ouverts, elle se livre sans reste lorsque la thérapeute
vient la mobiliser, docile à ses manipulations comme si elle était tout entière objet
de l’autre. À qui son corps appartient-il ?
Théa regarde et surtout se donne à voir dans une quête sans frein d’un miroir
où prendre corps. Son avidité spéculaire a tôt fait de se tourner vers les autres
enfants du groupe – les garçons en particulier – auxquels elle adresse des œil-
lades séductrices ou dont elle imite la posture, se faisant reflet de leur corps.
Son regard est de ceux qui appellent sans pour autant reconnaître. L’autre peine
à s’y inscrire autrement que comme appui mimétique, moi idéal : c’est sa propre
forme que Théa cherche dans l’autre. L’œil est l’organe essentiel qui prime sur
toute autre perception mais aussi sur toute représentation : lorsqu’est évoqué
« l’enfoncement des bras » (étape initiale de la cure de relaxation), elle tourne la
tête pour voir si ses bras disparaissent vraiment dans le matelas...
Elle fait très vite part à sa thérapeute de sa difficulté à « penser à une image »,
contradiction dans les termes, incompatibilité du vu et du représenté, l’image
recouvrant pour elle le visible sans aucun recours métaphorique : « Si je ferme
les yeux je vois que du noir ». Théa, qui n’existe que pour le regard de l’autre, ne
risque-t-elle pas de disparaître si la vue lui est ôtée ?
Comment la thérapie de relaxation va-t-elle alors œuvrer pour cette jeune patiente ?
Les suggestions qui lui sont proposées achoppent d’abord sur son accrochage au
corps : comme un tout petit, elle cherche à attraper les cheveux de la thérapeute
penchée sur elle, et lorsque sont nommées les différentes parties de son corps,
Théa les touche ou les regarde comme pour vérifier leur présence.
144 En pratique
Si elle parle, quoique de façon un peu immature, elle est en peine pour manier la
dimension métaphorique du langage. Ainsi, à l’évocation des bras détendus « comme
un tissu épais », elle tire sur sa robe, puis sur le drap, comme pour vérifier (ou don-
ner à voir ?) leur élasticité. Les suggestions proposées sont ainsi ramenées à leur
concrétude, vidées de leur contenu symbolique, dans un aplatissement du langage.
Cependant, au fil des séances et selon la progression habituelle de la cure de
relaxation, la plupart des mobilisations corporelles cèdent la place à de simples
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évocations verbales, la référence au corps comme ensemble se substitue à l’évo-
cation des différents segments, en même temps que la thérapeute prend davan-
tage de distance. Comme les autres patients, Théa se trouve ainsi confrontée à
la question de la perte et de l’absence. Là où elle attend un contact physique et
d’être, la poupée dont la thérapeute jouerait, celle-ci lui propose des représenta-
tions ; là où elle guette un regard, elle reçoit des paroles.
Quittant son attitude d’enfant-objet au corps malléable et manipulable à souhait,
Théa témoigne peu à peu d’une opposition clairement adressée. Ses jambes se
raidissent, elle se soustrait aux mobilisations, tourne le dos à sa thérapeute. Son
acquiescement de façade cède la place à des exclamations agacées lourdes de
frustration : « J’y arrive pas ! ».
Dans un second temps, des interrogations se font jour à l’adresse de la thérapeute.
Ainsi, lorsque est évoquée la pesanteur de tout le corps : « ça veut dire c’est léger
ou c’est lourd ? », question qui porte sur la signification, qui prend donc au sérieux
le langage dans sa capacité de représentation. Question, aussi, qui suppose que
l’Autre n’est plus seulement un miroir mais qu’il aurait quelque chose à lui dire.
Parallèlement, Théa est reçue au groupe logico-mathématique où elle se montre
particulièrement pertinente, ainsi que pour des consultations individuelles et fami-
liales. Au terme de son deuxième CP, les progrès scolaires sont manifestes ; Théa
a quitté sa position d’objet pour se faire sujet d’un savoir possible.
L’un des ressorts thérapeutiques de la relaxation tient sans doute à ce forçage sym-
bolique qui prend à rebours les attentes régressives du patient pour le confronter
au manque tout en lui offrant la possibilité d’en symboliser quelque chose.
Le Calvin’s T Group®
G. Lebugle
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de bandes dessinées issues de l’esprit loufoque de Bill Watterson (Calvin &
Hobbes4). Dans son travail d’écriture et de mise en scène, l’auteur, en effet raconte
les aventures d’un drôle de garnement prénommé Calvin. Au fil des pages, ce
dernier se distingue par une certaine inadaptation aux exigences du monde
extérieur. Son point d’appui essentiel se révèle au travers du lien imaginaire qu’il
entretient avec son doudou Hobbes. Leurs échanges donnent un aperçu des
difficultés existentielles de Calvin et proposent des enchaînements de conflits
illustrés par des situations à la fois cocasses et très justes [5]. La représentation
des parents et des adultes, campés dans des rôles assez caricaturaux, souvent
dépassés par l’énergie fulgurante de Calvin, montre tout à fait finement les
processus d’identification à l’œuvre chez ce héros. Et tout au long de ses histoires,
les difficultés qu’il rencontre pourraient être volontiers interprétées comme un
aperçu des embûches marquant le développement psychologique normal (c’est-
à-dire chahuté…) chez tout enfant.
Cette dimension psychodynamique sera bien évidemment élaborée dans une
approche inspirée de la psychanalyse.
En regard des points d’articulation théorique inhérents à toute forme de prise
en charge en groupe, et en contrepoint, la clinique des enfants accueillis dans
ce cadre nous éclaire sur l’intérêt et l’originalité de cette perspective thérapeu-
tique. Les quelques illustrations qui viennent clore ce propos mettent l’accent
sur la dimension clinique in vivo et soulignent combien certains de nos patients
éprouvent de difficulté à élaborer des hypothèses et à se confronter à des repré-
sentations métaphoriques.
Elles mettent en lumière les différences qui peuvent exister dans la capacité à
faire sens chez les enfants.
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Cela permet de valider la proposition initiale et de repérer les problématiques
en jeu qui vont devoir se travailler. Cette double anticipation clinique partagée
avec le consultant permet de construire le projet thérapeutique. À l’adresse des
parents, cette proposition se solde normalement par un compromis d’alliance
thérapeutique, quelles que soient l’ambivalence ou les réticences qui sont leur
lot et qui se travailleront tout au long de la prise en charge. Il est précisé à
l’enfant qu’il s’agit là d’un travail et qu’il participera à quatre ou cinq séances
d’essai avant de décider de sa poursuite. Il n’est pas question ici d’une activité
de loisir, il lui faut donc s’engager.
Au fil du temps et de l’expérience, l’équipe accueillant les enfants s’est consti-
tuée autour d’un ou deux thérapeutes et de cothérapeutes. Il y a quatre à six
patients par groupe ; chacun est accueilli individuellement par un cothérapeute
assis à la table de travail. Il s’agit en effet d’un travail en groupe où l’adresse est
individualisée. Par ailleurs ce dispositif permet une enveloppe, une bulle de pro-
tection quoique fragile, qui permet au sujet de déployer sa créativité et de nouer
un lien privilégié avec son cothérapeute. L’originalité du dispositif consiste dans
le choix d’un accueil modulé au fil des séances ; en effet, d’une séance à l’autre,
le cothérapeute change alors que le thérapeute reste. Cette variation, qui repose
entre autre sur la possibilité de diffraction du transfert, permet d’éviter potentiel-
lement les effets de transfert massif et leur cristallisation sur tel ou tel cothérapeute,
ce qui engage l’enfant à investir un espace thérapeutique de sa propre place.
Le thérapeute est quant à lui debout, et va d’une place à l’autre au gré des
besoins des patients et de l’animation du groupe. Il intervient sur un mode
d’étayage, de propositions, de tiers, de garant de l’ordre, ou pour donner sens
aux productions de l’enfant.
Après chaque séance, toute l’équipe participe à un temps de reprise. Cela
permet une élaboration groupale nécessaire à la continuité du travail ; chacun
Une fabrique d’outils thérapeutiques 147
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pléter ce dispositif d’élaboration et de supervision thérapeutique.
Le support de médiation
Le matériel proposé aux patients pour la séance est composé d’une planche
ou d’une suite de planches retravaillées issues des albums originaux de la bande
dessinée.
Ces planches ont été préparées spécialement pour chaque séance. D’une part,
les écrits de toutes les bulles, quel qu’en soit le type, ont été effacés (à l’excep-
tion éventuelle de points d’interrogation ou d’exclamation qui soulignent l’attente
d’un texte). D’autre part il s’agit la plupart du temps d’un travail de recomposition
de la part du thérapeute pour mettre en scène une problématique particulière
(conflit entre les personnages, rivalité, frustration, évocation du sentiment de perte,
d’abandon, de solitude, d’impuissance ou à l’inverse de toute-puissance, etc.). La
qualité graphique et expressive de cette œuvre, le registre assez délirant du héros,
par le processus d’identification qu’ils suscitent permettent aux patients de laisser
libre cours à leur imagination.
Tout d’abord, l’enfant prend possession de la planche, l’explore, et en pro-
pose un premier récit ou commentaire.
Dans un second temps, il est invité à écrire l’histoire, éventuellement avec
l’étayage du cothérapeute. Deux stylos de couleurs différentes lui sont fournis
à cette intention ; il choisit celui avec lequel il va écrire et un autre pour le
cothérapeute. En effet, pour les enfants qui n’ont pas la maîtrise de l’écrit, ou
qui s’y refusent, le cothérapeute peut pallier cette défaillance à titre plus ou
moins provisoire ; une négociation répartissant l’attribution des personnages
peut se faire.
L’écriture d’une histoire sur ce média répond à des critères bien spécifiques :
148 En pratique
– la plupart des écrits se fait sous forme dialogique, ce qui suppose pour le
sujet de différencier les personnages et de leur attribuer des espaces de parole
séparés (l’expérience montre que ce n’est pas toujours le cas, du moins au démar-
rage) ;
– l’histoire s’organise avec trois types de bulles et de discours, dialogiques,
narratives, de pensées intérieures ou de sentiments ;
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– la ponctuation ne se limite pas à l’écrit ; il faut aussi pouvoir traduire la sono-
rité du texte (bruits, cris d’effroi ou de colère, onomatopées, signes graphiques
spécifiques traduisant les sentiments).
En complément du travail d’écriture, il est parfois proposé, et surtout au début
de la prise en charge, une pochette de feutres, qui permet d’enrichir le travail
d’écriture de l’enfant par du graphisme, qui souvent initie une production plus
proche d’une expression pulsionnelle.
La séance se termine sur la proposition d’un titre à l’histoire ; elle est datée
et signée par le sujet.
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Ce fonctionnement « explosif » des enfants dysharmoniques, somme toute
assez archaïque, entrave fortement leur capacité à penser et à se penser, ainsi que
leur capacité d’élaboration de conflits. Le processus de subjectivation lui-même
peut être mis à mal. Toutes ces caractéristiques les rendent peu accessibles à un
travail de psychothérapie analytique individuelle.
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pauvre, sans d’autres liens que très projectifs, ou dans des représentations très
concrètes. Une première étape nécessaire consiste à les aider à investir leur appa-
reil à penser, leur capacité à produire de l’hypothèse. Le support de médiation
peut être alors une aide appréciable, puisque le travail d’élaboration est déplacé
sur le héros de l’histoire. Par ailleurs, chacun des participants peut profiter de la
construction du récit en hypothèses des autres participants, par l’écoute, aller plus
loin en la faisant sienne, s’en différencier. C’est ce travail que nous avons choisi
d’illustrer dans la dernière partie.
L’étayage relationnel modulable à chaque séance structure les échanges entre
les participants sur un mode bien différent de l’habituelle relation thérapeutique
individuelle. Il permet la démultiplication de la fonction de tiers du groupe consti-
tué et autorise toutes sortes de sollicitations et d’alliances aussi bien avec les
adultes qu’avec les autres enfants pendant la séance. Cela suppose de travailler
entre autre la question du sentiment de loyauté.
Le propos de cet atelier consiste surtout à soutenir la possibilité pour le sujet
de pouvoir dérouler le fil de ses associations et de laisser libre cours à sa créati-
vité ; il lui faut pour ce faire en accepter certaines règles et limites. C’est l’occasion
d’initier un processus de subjectivation simple. De plus, la présence à ses côtés du
thérapeute et du cothérapeute peut favoriser un dialogue plus personnel avec
l’enfant ouvrant la perspective d’un travail d’élaboration.
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quatre à cinq premières séances, se découvre et s’expose dans la relation à
l’autre et à lui-même : il s’agit de Sébastien, un jeune garçon de douze ans. Au
cours des deux séances précédentes, son attention avait été surtout attirée par
un autre participant, dans une relation en miroir et en rivalité. À l’occasion de
l’absence de cet « alter ego » qu’il souligne, et probablement en réaction, il
s’adresse directement au thérapeute sur un mode assez critique, lui reprochant
de fournir des stylos abîmés. Son insistance donne à penser qu’il s’agit là d’une
première attaque du dispositif. Nous lui faisons entendre que bien évidement
ces stylos sont abîmés à force de travail, mais qu’ils fonctionnent, et qu’en l’oc-
currence, en acheter d’autres dès maintenant serait jeter l’argent par les fenêtres.
À notre grande surprise, il ne comprend ni la formule, ni la métaphore quand
bien même elle lui est expliquée.
Plus encore, à la fin de la séance, il écrit comme titre de l’histoire, introduisant
une correction essentielle de son point de vue : « ne j’étais pas l’argent par la
fenêtre », intitulé qui n’a rien à voir avec l’histoire qu’il a déroulée.
Il tient alors à justifier la chose : « Oui c’est pas les fenêtres, c’est la fenêtre,
on est pas des pieuvres, on a pas des tentacules pour être à toutes les fenêtres ».
À la séance suivante, il interpelle encore le thérapeute sur la manière dont
il est habillé « classe », c’est-à-dire avec une veste de costume, des boutons
de manchettes. Nous reprenons le terme : « classique, à l’ancienne ». Il répond
du tac au tac : « ça se voit, c’est en train de se déchirer ». Là encore, le double
sens du terme « ancien » lui échappe, quand bien même nous essayons d’en
discuter. Sans méconnaître la dimension transférentielle, paternelle de reproche
à l’adresse du thérapeute (son histoire est marquée par l’absence de son père
depuis l’origine), l’ensemble de l’équipe marque à nouveau sa surprise devant
son impossibilité de comprendre une métaphore. Chez ce garçon, la difficulté
152 En pratique
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Dans le premier cas, nous nous saisissons de la proximité du 1er avril pour
proposer une série de planches Calvin du premier avril (il s’agit de trois planches
tirées d’une édition chinoise du Lotus bleu des albums de Tintin). Xavier, sept ans,
adressé en raison d’un fonctionnement de la personnalité assez rigide constitué
autour d’un noyau psychotique [4], s’écrie comme pour lui-même (il ne nous
regarde pas) : « c’est pas Calvin ! »; le thérapeute : « c’est la B.D. de Calvin du
premier avril ! » ; Xavier : « c’est pas Calvin ! » ; l’échange se répète trois fois la
suite. Puis nous lui proposons de s’interroger sur ce qui peut se passer le premier
avril : « c’est la fête ! »; le questionnement réitéré à deux reprises n’y fait rien :
« y a des invités ! »; « on mange ! ». Nous finissons par lui faire entendre que
c’est aussi le jour où l’on fait des farces : « des farces c’est quoi des farces ? » ; le
thérapeute : « une farce du premier avril » ; tout à coup Xavier a une illumination :
« une farce, une blague, c’est une blague ! » et se met à rire, puis se met directe-
ment au travail, décodant à sa guise des signes en langue chinoise que nous avions
laissés au moment d’effacer le texte des bulles : « ça ça veut dire pourquoi ! », et
il construit le scénario d’une histoire tout à fait riche et expressive. Notons qu’à
la fin de la séance un autre patient de dix ans conclut par ce titre : « Calvin se
prend pour Tintin » proposant une hypothèse en lien très judicieuse, empreinte
de souplesse et de compromis, et créative pour le travail.
Pour les enfants encore plus en panne, il est possible de suggérer un tra-
vail d’hypothèse plus simple à l’aide du matériel. Par exemple au moment où
l’enfant donne son titre à l’histoire, à partir d’une planche censée représenter
le décours d’une journée de Calvin, du lever au coucher, Éric, 9 ans, très en
difficulté pour mettre en mots ses idées ses sentiments, propose d’abord le titre
classique suivant ; « la journée de Calvin », s’appuyant dans un premier temps
sur la logique temporelle de la planche. Puis, après un temps de réflexion (son
regard s’attarde sur une image qui montre le héros se prendre un coup sur la
Une fabrique d’outils thérapeutiques 153
figure par un camarade plus costaud qui l’envoie à terre) son visage s’éclaire. Il
rectifie : « la mauvaise journée de Calvin », « à cause de ça ». Cette proposition,
à caractère plus subjectif [1] non seulement nous semble plus incarnée, mais revi-
gore sa curiosité : il remarque qu’il existe une légende de B. Watterson au bas
de la planche « je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’ait parlé de l’enfance
comme une époque vraiment heureuse », légende sur laquelle il nous interroge
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sans en comprendre le sel. Malgré tout, au cours de cette séance, il fait montre
d’une intégration plus sensible et plus globale de l’analyse de la planche et d’une
traduction plus aboutie dans son propos.
Cet investissement est essentiel à notre avis pour ces patients, et leur permet
de s’engager plus avant dans la perspective de construction du sens.
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[1], les opérations et l’élaboration d’un raisonnement, telles que l’UDN-II per-
met de les repérer lors de la phase d’investigation des troubles d’apprentissage.
Souvent ces embarras excédaient des blocages passagers ou des revendications
identitaires (« je suis plutôt littéraire »,…, « je déteste les maths comme ma
mère »…) pour s’organiser en phobie ou en inhibition sévère.
Les groupes logico-mathématiques sont nés d’une interrogation sur la perti-
nence des suivis individuels pour certains enfants. Parfois l’indication d’un suivi
« logico-mathématique » semblait toujours bien fondée mais il fallait inventer
un cadre, relayer une énergie psychique et intellectuelle qui s’épuisait, tant du
côté de l’enfant que de celui du thérapeute. Et pour d’autres, il était nécessaire
de diffracter une relation duelle, l’appui sur un seul « thérapeute gardien du
savoir » venant empêcher tout engagement [3].
Ces groupes sont proposés à des enfants et des adolescents répartis selon leur âge
(primaire et collège) de six à huit participants, et se tiennent de façon hebdomadaire
pour une durée d’une heure. Ils s’adressent à des patients dont l’organisation psycho-
pathologique est variée (phobie, inhibition intellectuelle…) et qui se caractérisent tous
par leur grande difficulté de pensée. Le travail du groupe vise à une construction du
sujet arrimée au cognitif tout en laissant un certain champ à l’imaginaire.
Ces groupes sont conçus comme des ateliers au sens artisanal du terme, c’est-
à-dire comme des fabriques où il est proposé aux enfants d’évoquer puis de
mettre en chantier commun leurs représentations du nombre et de son histoire,
leurs représentations des opérations, des mesures, des relations… de ce que nous
appelons ici des « objets mathématiques » c’est-à-dire des notions, des concepts
qui font l’objet d’une pensée mathématique.
Classiquement, les participants sont réunis autour d’une table et encadrés par
deux à trois thérapeutes (orthophonistes et psychologues) auxquels peuvent se
joindre des stagiaires.
Une fabrique d’outils thérapeutiques 155
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chique particulière : la question de l’origine et le zéro, l’abscisse, l’ordonnée et
l’absence de repères, la filiation et la sériation… Sont accueillies dans un premier
temps les évocations, les associations suscitées par l’objet proposé, très souvent
tirées du côté de l’imaginaire, partant à la dérive et chargées d’angoisse : « le zéro
c’est un trou. On peut tomber dedans… ».
Tout naturellement, la première interrogation proposée concerne l’histoire du
nombre et des numérations [2]. En effet, on constate que les mathématiques sont
souvent vécues comme une révélation immédiate, magique, anhistorique. Il est
important que l’enfant découvre que ce qui lui pose problème a mis des milliers
d’années à s’élaborer. La question inaugurale est donc très souvent : « Mais qui
donc a inventé les mathématiques ? ». Le temps s’invite rapidement : « Quand
les hommes ont-ils commencé à compter ? » Et, sur une déclinaison plus person-
nelle… : « Quand est-ce que vous avez commencé à compter ? À calculer ? ».
Ces questions peuvent nous occuper longtemps et viennent nourrir une concep-
tion du temps souvent embryonnaire, voire inexistante. Les enfants découvrent avec
sidération que cette « universalité » désincarnée qui leur est assenée a, tout comme
eux, une origine, des stades de développement, des accélérations et des difficultés
de croissance. Bref, ils découvrent une histoire vieille de plusieurs millénaires au
cours de laquelle le nombre a pris corps et a été codifié. Une histoire qui leur per-
met de tisser les liens entre corps, nombre et numération, entre entier et partie, entre
présence unique, multiple et absence. Et qui, dans un mouvement réflexif, rejaillit
sur la perception de leur histoire propre : très vite arrivent les autres questions des
origines, des espaces, enrichies par la diversité de leurs cultures.
Ce type de groupe logico-mathématique repose sur trois piliers :
1. Son intitulé « logico-mathématique » : ses résonnances scolaires
et rigides voire solennelles ont suscité bien des hésitations, jusqu’à ce que
156 En pratique
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2. L’orchestration des différences : du côté des thérapeutes, la diversité
des formations professionnelles met en relation dynamique cognitive, dynamique
psychique et affective. Elle permet d’intégrer les associations libres (analogiques)
de l’enfant vers un travail de la pensée (logique) mené en commun.
Il en va de même pour ce qui est des enfants. Au fil des années, il s’est avéré
que la variété des pathologies garantissait une dynamique de groupe. Plus les
modes de fonctionnement sont homogènes plus les représentations mises en
chantier sont circulaires, répétitives, voire figées et viennent se conforter dans
leurs manques. À l’inverse, des registres extrêmement différents provoquent
des étonnements, des réactions, des rejets qui, pour peu qu’ils soient repris,
génèrent (ré/génèrent) des mouvements de pensée ; comme on le voit chez
Dora, une enfant adoptée, qui dessine son arbre généalogique. Sur son schéma,
aucune branche ne la rattache à ses parents, clairement liés l’un à l’autre. Un
autre enfant l’interpelle: « Mais comment tu fais ? T’es accrochée nulle part ! ».
Ce retour d’un de ses pairs va permettre à Dora de se représenter la filiation.
3. L’écrit : le temps de l’écriture est un incontournable du groupe. Nous
demandons aux enfants de coder, avec des signes, des lettres et des chiffres
ce qui vient d’être élaboré. L’écrit permet de garder une trace du chemine-
ment de leur pensée et d’amener les participants à repérer la diversité des
inscriptions possibles et les difficultés d’élaboration d’un code commun. Ainsi,
au cours d’un travail sur la mesure, chaque enfant s’est référé à une partie de
son corps pour mesurer la pièce : trois pieds pour Xavier, cinq pas pour Théo,
65 pouces pour Zoé, deux corps pour Alexia. Quand il s’est agi de coder ces
différents étalons, chacun a produit un dessin qu’aucun autre ne comprenait
ni ne pouvait utiliser. Il a donc fallu se décider pour un symbole commun et
lui attribuer une valeur.
Une fabrique d’outils thérapeutiques 157
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ses propres hypothèses pour l’appliquer aux mathématiques qui nécessitent une
bonne mobilité de penser.
Il se montre d’abord peu intéressé par le contenu des séances et par ses pairs ;
il semble assez inhibé et déprimé, regarde par la fenêtre. Mais vite il va s’animer
lorsque nous proposons au groupe de réfléchir sur l’histoire des nombres et celle
des hommes, en particulier en découvrant certaines techniques de comptage de
nos ancêtres.
A)
B)
Passionné par le football, nous l’amenons avec l’aide de ses pairs à travailler
sur les pays qui participent à la Coupe du monde. Cette proposition l’intéresse
vivement et le mobilise ; ensemble, ils recherchent les pays, leurs capitales et les
situent sur une mappemonde. C’est à ce moment-là qu’il nomme six continents
dont le dernier est le pays d’origine de ses parents, celui de ses propres origines.
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En effet un travail sur l’espace induit inévitablement un travail sur le temps.
Sur cette lancée, Edwin entraîne le groupe sur les chemins de la Préhistoire
et sur les mammouths, et en particulier sur la différence entre les éléphants
d’Afrique et ceux d’Asie. Nous constatons à cette occasion qu’il peut davan-
tage se concentrer sur l’objet mathématique, il suggère en effet au groupe
de comparer les défenses des éléphants en effectuant des proportions et des
conversions.
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comme une petite fille intelligente avec une pensée structurée et harmonieuse
mais elle est réticente à s’engager dans la voie des apprentissages scolaires, en
particulier le nombre. Cette double prise en charge vise à lui permettre davantage
de mobilité de penser et à trouver une place de sujet autonome.
D’emblée, elle interroge de différentes manières la place qu’elle occupe dans
le groupe.
Par exemple, dès les premières séances, Théa est réellement participante ;
toutefois elle accentue sa position de plus jeune par une attitude très imma-
ture. En effet elle abuse d’attitudes régressives notamment lors de ses prises
de parole – minauderies, doigts dans la bouche, articulation infantile… Ses
pairs, comme s’ils se sentaient agressés, ne tolèrent pas son comportement
et réagissent violemment. Il faut alors qu’un thérapeute intervienne pour lui
faire apparaître la contradiction entre la bonne qualité de son raisonnement et
son attitude. Ainsi rassurée sur ses capacités, Théa peut assumer une place
plus authentique, elle reprend son discours depuis le début avec un phrasé un
peu plus franc et précis.
À chaque début de séance, les enfants vérifient quasi-systématiquement la
présence de chacun, ce qui semble fédérer l’ensemble du groupe et créer une
unité avant l’entrée dans le travail. On note que Théa se montre particulièrement
sensible à l’absence tant de ses pairs que des thérapeutes, elle cherche alors
à en connaître la raison de façon insistante, quasi-inquisitrice, ne supportant
pas un manque chez des adultes censés tout savoir. Lorsque parfois l’adulte
se trouve dans l’impossibilité de justifier l’absence d’un enfant, Théa réagit en
ne participant plus ; son regard vagabonde sans pouvoir s’accrocher ni être
accroché ; elle s’assied en déséquilibre sur sa chaise, elle semble s’absen-
ter elle-même comme si une défaillance du côté de l’autre entraînait « des
blancs » dans sa propre pensée. Cette fragilité identitaire s’observe à d’autres
moments lorsqu’une autre fille du groupe, plus âgée, se trouve dans l’incapacité
de répondre, voire même de réagir face à l’activité proposée. Théa va alors de
façon spontanée et imprévisible s’installer tout près d’elle en même temps
160 En pratique
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Contrairement à la rigidité, parfois apaisante, parfois angoissante, sous
laquelle il se présente, le nombre est apparu, au fil de ce périple avec les enfants
comme un objet extrêmement souple, à condition d’être traité comme tel, c’est-
à-dire abordé sous un angle qui ne soit que secondairement, celui du calcul
et des opérations. Le nombre renvoie à l’origine, à l’identité et à la différence,
au corps mesurant et mesuré... Autant de notions qui jalonnent les chemins qui
relient la permanence du nombre à la permanence du sujet.
Partis de l’hypothèse qu’il y a quelque chose à penser, à construire, et pas
seulement à apprendre du côté des mathématiques, il apparaît que le sujet peut
trouver à s’y construire et pas seulement à s’y soumettre. En ce sens, le groupe
logico-mathématique paraît constituer un outil thérapeutique qui déborde le
cadre des difficultés d’apprentissage et se prête à un travail sur la structure de
personnalité. C’est justement parce qu’il a une dimension symbolique exacerbée
et assénée comme telle que le nombre suscite reculs, inquiétudes, sidérations,
phobies…Et c’est parce que sa puissance symbolique est aussi forte qu’elle conti-
nue à faire cadre même lorsqu’elle est outrepassée. Il en reste toujours quelque
chose, suffisamment pour contenir un imaginaire corporel qu’on ne s’interdit pas
de solliciter par ailleurs. Les enfants le savent bien, qui se jouent du signifiant
– logico-mathématique, logique aux maths, zarbi maths – sans jamais trop s’en
éloigner.
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Conclusion
É. Lenoble
À l’issue de ce long voyage au pays des enfants troublés dans les apprentis-
sages, quelles leçons allons-nous en tirer ?
Le point d’interrogation qui ponctue la phrase précédente semble bien consti-
tuer l’essentiel, à ne jamais perdre de vue : la priorité à donner aux questions,
quelles qu’elles soient, ce qui engage une attention de tous les instants, pour ne
pas se contenter de réponses qui seraient valables, une fois pour toutes…
Les points d’interrogation, tout comme les points de suspension, doivent res-
ter actifs, de façon à maintenir la curiosité en éveil, à ouvrir l’appétit d’apprendre,
à susciter le désir de savoir, et bien sûr laisser la place aux rencontres.
La nécessité, vitale pour la pensée en général et pour tout processus d’ap-
prentissage en particulier, de soutenir une telle position s’applique à chacun des
sujets pris dans l’aventure des apprentissages. L’enfant bien sûr, mais également
les adultes participant à son éducation et aux soins qui doivent lui être appor-
tés. Ses parents, en premier lieu, son entourage familial et social immédiat, ses
enseignants et, le cas échéant, les divers rééducateurs et thérapeutes appelés
auprès de l’enfant, lorsque des difficultés résistantes nécessitent un soutien sup-
plémentaire.
162 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
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Un « bilan » des troubles d’apprentissage, ne peut jamais se résumer à un
état des lieux de ce qui est défaillant, il se doit justement de repérer les points
d’interrogation et les points de suspension, c’est-à-dire les points de tension, les
points qui ne se laissent pas cerner facilement. C’est précisément autour de ces
points-là que pourront être aperçus des ouvertures, des chemins inattendus…
Un futur, non entièrement prédit, devient pensable, de par le crédit qui peut
alors être porté à l’enfant que quelque chose de nouveau va advenir…
Second point, souvent sujet à discussion : approches dite globales versus
approches « spécifiques » des difficultés d’apprentissage repérées chez un
enfant.
Le présent ouvrage est principalement inspiré par tout ce que nous avons pu
apprendre de nos jeunes consultants « qui n’apprennent pas », et il est traversé
par toutes les questions restées en suspens, celles qui maintiennent actives notre
désir de comprendre encore mieux, d’aider encore mieux les enfants que nous
recevons. Si les familles arrivent jusqu’à l’hôpital, au centre référent des troubles
des apprentissages, pour y confier leur enfant, c’est bien sûr avec l’espoir que
les choses peuvent s’améliorer : crédit est ainsi fait à l’enfant que des progrès
sont possibles pour lui, qu’il va trouver le moyen d’avancer malgré ses embar-
ras, crédit est fait également à notre équipe que nous allons apporter quelques
éléments de compréhension face au mystère de l’échec de l’enfant, et quelques
pistes pour que l’enfant trouve des stratégies efficaces et adaptées à ses troubles
et retrouve le goût d’apprendre.
Parmi les nombreuses questions soulevées tout au long des pages qui ont été
proposées à la curiosité du lecteur, celle du corps revient sans cesse, alors que
le sujet traité est celui des troubles d’apprentissage, supposé se situer dans le
Conclusion 163
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dualité psyche-soma, celle qui nous fonde dans notre humanité, mais qui semble
parfois bien difficile à cerner ?
Serait-ce cette dualité que nous pourrions reconnaître dans les débats actuels
traversant les différentes spécialités professionnelles convoquées au chevet des
enfants en mal d’apprentissage : neurologie, psychologie, neuropsychologie, psy-
chiatrie ?
Les Anglo-saxons désignent ce paradigme en juxtaposant deux termes, dans
une formulation devenue classique : Brain and Mind, Cerveau et Pensée.
D’un côté, le « tissu somatique » au sens de l’histologie, de la matière vivante
ultra organisée et hiérarchisée, et de son fonctionnement physiologique propre,
spécifique à l’organe-cerveau, d’un autre côté, la matière réputée insaisissable du
psychisme humain, et l’hypothèse d’un monde caché à explorer : l’inconscient.
Encore plus mystérieux : le « texte de l’inconscient », celui dont les psychanalystes
parlent souvent, celui que les grandes figures de la psychanalyse se sont efforcées
de cerner et de décrire, dont l’étoffe serait constitutive de la structure de notre
position subjective, de notre statut d’être de langage… Contrairement au tissu
somatique, ce tissu psychique ne s’observe pas à l’aide d’un microscope ou
d’appareils sophistiqués d’imagerie médicale, il se déchiffrerait plutôt par voie
auditive, en écoutant ce que nous enseignent les patients.
Les registres de ces différents savoirs ne sont pas du même ordre, mais leur
but commun : analyser, comprendre et approcher au plus près les mécanismes
de pensée, agir, remédier sur ce qui ne fonctionne pas ou bien très mal, ce qui
« dys »fonctionne. Ce sont des questions ouvertes, elles continuent et continue-
ront d’animer les chercheurs et les praticiens se réclamant tant de neurologie, de
psychiatrie que de psychologie.
164 Troubles d’apprentissage chez l’enfant
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formées avec les lettres de ce code ne sont pas seulement déterminées par les
règles de transmission du patrimoine génétique, elles sont influencées par des
éléments venus de l’environnement…
Il s’agit clairement, dans ce cas, de la lecture d’un texte. Celui qui s’est écrit
avec les lettres constitutives de la double hélice de notre ADN, et avec les mul-
tiples rencontres contextuelles liées à notre environnement de vie familial, social,
scolaire, linguistique, culturel…
Notre « programmation interne » contient ainsi l’inachèvement, la plasti-
cité, l’adaptabilité, promesses de progrès et appel à la fécondité de rencontres
ouvrant à l’altérité.
C’est tout le champ des rencontres qui est, de ce fait, souligné et reconnu
comme constitutif et nécessaire au développement tant d’un organisme que
d’un sujet.
Quant à l’avènement d’un sujet doué de parole, d’un sujet qui pourra parler
de sa propre place, dire « je », un sujet qui ira à l’école et y apprendra beaucoup
de choses, il nécessite la rencontre avec un autre humain, celui de « l’intersub-
jectivité ». Là aussi, un code est indispensable pour médiatiser la rencontre et
l’inscrire. Le langage aura cette fonction…
Il est d’usage, à l’heure actuelle, dans nombre de publications et de manifesta-
tions scientifiques, de distinguer, de séparer les questions concernant le domaine
psychopathologique, supposé difficile à cerner, de celles relevant du domaine
de la cognition, supposée renvoyer à des données neuropsychologiques plus
clairement formalisables. Cette distinction des champs de compétence et de
références théoriques permet certes, de sérier les questions et de les organiser,
ce qui est indispensable pour mener à bien des actions de recherche formalisée.
Conclusion 165
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et laissons travailler toutes les métaphores de la langue pour ouvrir nos pratiques
et nos recherches en matière de troubles d’apprentissage à toutes sortes de
questionnements féconds et surtout, promesse de savoir…
Annexes
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Centres référents des troubles des
apprentissages du langage oral et écrit1
Région Hôpital Service Téléphone
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Franche- CHU de Besançon, Service de pédiatrie 03 81 21 84 29
Comté CHU Saint-Jacques Centre de référence des
troubles d’apprentissage de
l’enfant du langage oral/écrit
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Lorraine CHU de Nancy, Service de médecine infantile 1 03 83 15 45 70
hôpital d’Enfants CLAP, Centre référent pour
les troubles du langage
et des apprentissages
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CH Lyon-Sud L’ESCALE : Service de 04 78 86 16 63
rééducation fonctionnelle
pédiatrique
Institutions ressources2
INPES : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé
Site internet : www.inpes.sante.fr
Rubrique : Espaces Thématiques/Troubles « Dys »
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L’École des Parents : Fédération nationale des écoles des parents et des édu-
cateurs
Site Internet : www.ecoledesparents.org