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en mathématiques
Guide pratique de prise en charge
Marie-Pascale Noël
et Giannis Karagiannakis
Dyscalculie et difficultés d’apprentissage
en mathématiques
Dyscalculie et difficultés d’apprentissage
en mathématiques
Dépôt légal :
Bibliothèque royale de Belgique : 2020/13647/087
Bibliothèque nationale de France : juillet 2020
ISBN : 978-2-8073-1899-1
Sommaire
5
Les auteurs
7
Introduction générale
9
Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
• Le chapitre 6 aborde les nombres rationnels, soit les fractions et les nombres
décimaux.
Une structure similaire sous-tend les chapitres 2 à 6. Chaque chapitre comprend
une partie théorique et une partie pratique. La partie théorique inclut l’explication
des processus en question et de leur développement ; les difficultés et défis rencontrés
lors de ce développement sont présentés, notamment chez les personnes présentant
une dyscalculie ou des difficultés d’apprentissage en mathématiques. Ensuite, une
synthèse des études d’intervention visant à remédier à ces difficultés est présentée.
Les deux dernières sections sont davantage orientées vers la pratique clinique.
D’abord, une courte section s’intéresse à l’évaluation de ces processus pour aider le
clinicien à jauger la nécessité d’apporter une aide à ce niveau à l’enfant qu’il accom-
pagne, mais aussi pour permettre d’évaluer, le cas échéant, l’efficacité de sa prise en
charge. Enfin, chaque chapitre se termine par une proposition claire et concrète d’un
programme d’intervention pour accompagner les enfants dans le développement du
processus en question. Ces programmes sont basés sur les connaissances scientifiques
présentées dans la partie théorique du chapitre, mais également sur les expériences
cliniques des deux auteurs de l’ouvrage.
À travers ce livre, nous souhaitons outiller au maximum les coaches pour leur
permettre d’intervenir de manière plus efficace dans leur accompagnement des
enfants en difficulté d’apprentissage et ainsi aider ces enfants à traverser ces
obstacles.
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Chapitre 1
Les bases d’une intervention
cognitive pour les problèmes
d’apprentissage en mathématiques
et les dyscalculies
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
persistantes et graves en mathématiques dans 6 % des cas. Après l’application de leurs
critères d’exclusion, 5,7 % présentaient des difficultés d’apprentissage spécifique en
mathématiques. Pourtant, nombre de ces DAM ne sont pas détectées (Barbaresi,
Katusic, Colligan, Weaver, & Jacobsen, 2005).
La plupart du temps, ces problèmes sont persistants. Par exemple, Shalev, Manor,
Auerbach et Gross-Tsur (1998) ont suivi, sur une période de trois ans, les enfants
qu’ils avaient détectés comme présentant une dyscalculie lorsque ceux-ci étaient en
quatrième année primaire (voir l’étude susmentionnée). Ils ont constaté que presque
tous avaient encore un score faible à un test de mathématiques (inférieur au percen-
tile 25) et qu’environ la moitié d’entre eux présentaient encore des difficultés très
graves avec un score sous le percentile 5. Ces DAM persistent même à l’âge adulte et
on estime qu’un cinquième des adultes en Angleterre ont des compétences en calcul
inférieures au niveau de base requis pour gérer les situations de la vie courante
(Williams, Clemens, Oleinikova, & Tarvin, 2003). Les difficultés rencontrées par les
personnes atteintes de dyscalculie sont multiples et peuvent concerner, entre autres,
la maîtrise des codes numériques (lire et écrire des nombres arabes, comprendre le
système en base 10), le stockage de faits arithmétiques dans la mémoire à long terme
(par exemple, se rappeler que 5 + 4 = 9 ou que 8 × 3 = 24), la réalisation des procé-
dures de calcul ou la résolution de problèmes verbaux en mathématiques.
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Les bases d’une intervention cognitive…
ensemble parmi deux sans compter (soit une tâche évaluant ce système numérique
approximatif), mesurée à l’âge préscolaire, prédit de manière sélective la performance
scolaire en mathématiques à l’âge de 6 ans (Mazzocco, Feigenson, & Halberda,
2011a). Deuxièmement, dans de telles tâches, certaines recherches ont observé que
les enfants avec DAM ou DD avaient des performances inférieures à celles des enfants
à développement typique (par exemple, Mazzocco, Feigenson, & Halberda, 2011b ;
Piazza et al., 2010).
Cependant, plusieurs autres recherches n’ont pas réussi à reproduire ces résultats
(pour une revue, voir De Smedt, Noël, Gilmore, & Ansari, 2013). D’autres recherches
encore ont fait valoir que ce n’était pas tant cette représentation approximative de la
magnitude numérique qui constituerait la base des apprentissages mathématiques,
mais plutôt la capacité de l’enfant à associer des symboles numériques, par exemple,
les mots nombres tels que « cinq » ou les nombres arabes tels que « 5 », à leur sens,
c’est-à-dire à la grandeur numérique qu’ils représentent (Noël & Rousselle, 2011 ;
Rousselle & Noël, 2007). En effet, les nombres symboliques permettent d’aller au-delà
d’une représentation approximative de la magnitude et d’activer une représentation
numérique précise, ce qu’exigent les mathématiques. De nombreuses recherches ont
en effet montré que la performance dans les tests de mathématiques est davantage
corrélée à la capacité de juger, parmi deux nombres arabes, celui qui est le plus grand
plutôt qu’à la capacité de comparer des ensembles d’éléments (c’est-à-dire, des
comparaisons non symboliques). Schneider et al. (2017) ont synthétisé, dans une
méta-analyse, les études mesurant le lien entre les tâches de comparaison de nombres
symboliques (des chiffres arabes) et non symboliques (des collections de points) avec
la performance en mathématiques et ont trouvé une association significativement
plus élevée avec les tâches symboliques (r = 0,302) qu’avec les tâches non symboliques
(r = 0,241). En outre, plusieurs recherches ont indiqué que la performance des per-
sonnes avec DD est particulièrement altérée dans la comparaison des nombres sym-
boliques, et pas tellement dans la comparaison non symbolique. Ainsi, dans une
méta-analyse, Schwenk et al. (2017) ont examiné ces différences et ont montré que
les enfants atteints de DD étaient significativement plus lents que les contrôles dans
les tâches de comparaison symbolique (g de Hedges = 0,75) et, dans une moindre
mesure, dans les tâches non symboliques (collections de points) (g de Hedges = 0,24).
Un autre traitement numérique invoqué comme cause possible de la DD est le
subitizing, c’est-à-dire l’évaluation rapide et précise de petites collections de points
(de 1 à 4 points). Quelques études ont en effet observé une altération de ce processus
chez les enfants atteints de DD (par exemple, Ashkenazi, Mark-Zigdon, & Henik,
2013 ; Moeller, Neuburger, Kaufmann, Landerl, & Nuerk, 2009 ; Schleifer & Landerl,
2011).
Enfin, des recherches récentes ont examiné un autre aspect fondamental des
nombres : leur valeur ordinale. En effet, les enfants atteints de DD sont plus lents que
les enfants typiques lorsqu’il s’agit de réciter la suite des nombres (Landerl,
Bevan, & Butterworth, 2004). De plus, la capacité de juger si trois nombres sont
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
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Les bases d’une intervention cognitive…
2.2.1. Le langage
L’un d’entre eux est le langage. En effet, si les bébés naissent avec une certaine sen-
sibilité à la dimension de la magnitude numérique, le premier apprentissage numé-
rique de l’enfant est celui de la chaîne numérique verbale, soit un apprentissage verbal
dans lequel les mots doivent être appris et produits dans un ordre déterminé. De
nombreux articles ont montré que les enfants présentant un trouble spécifique du
langage montrent de grandes difficultés dans les apprentissages numériques, qu’il
s’agisse du développement de la chaîne numérique verbale, du dénombrement ou du
calcul (Donlan, Cowan, Newton, & Lloyd, 2007 ; Fazio, 1994). Globalement, le
niveau mathématique de ces enfants correspond à leur niveau langagier (Durkin,
Mok, & Conti-Ramsden, 2013). Toutefois, il semble que ce retard serait présent pour
les traitements numériques exacts, mais pas pour les traitements numériques approxi-
matifs portant sur du matériel non symbolique (Nys, Content, & Leybaert, 2013).
Cette relation entre capacités langagières et calcul est également observée dans des
populations tout-venant en considérant plus spécifiquement le rôle des capacités
phonologiques dans le développement numérique et mathématique. Ainsi, plusieurs
études montrent une corrélation entre la performance arithmétique des enfants et
leur conscience phonologique (la conscience des sons ou phonèmes qui constituent
les mots) (voir Donlan et al., 2007 ; Hecht, Torgesen, Wagner, & Raschotte, 2001 ;
Leather & Henry, 1994). Ces capacités de conscience phonologique (mesurées à l’âge
de 4 ou 5 ans) permettraient également de prédire les compétences mathématiques
ultérieures des enfants (Alloway et al., 2005 ; Simmons & Singleton, 2008). Cependant,
Krajewski et Schnieder (2009) montrent que les capacités de conscience phono
logique mesurées à l’âge de 5 ans corrèlent significativement avec la performance en
mathématiques à l’âge de 8 ans lorsqu’il s’agit des capacités de base (comptage et
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
lecture de nombres arabes), mais beaucoup moins lorsqu’il s’agit de tâches nécessitant
la compréhension de la quantité exprimée par les nombres.
De nombreuses recherches se sont aussi intéressées aux personnes présentant une
dyslexie, puisqu’il s’agit là d’un trouble caractérisé par des capacités de conscience
phonologique faibles. Une revue de la question montre que ces personnes ont souvent
de piètres performances en mathématiques, en particulier dans le comptage et la
récupération de faits arithmétiques en mémoire (Simmons & Singleton, 2008). Des
chercheurs ont également étudié des participants dyslexiques en veillant à ce qu’au-
cun ne présente une DD associée. Plusieurs recherches montrent que ces personnes
dyslexiques auraient surtout des difficultés dans la constitution d’un réseau de faits
arithmétiques en mémoire à long terme (par exemple, Boets & De Smedt, 2010 ;
Cirino, Ewing-Cobbs, Barnes, Fuchs, & Fletcher, 2007). Selon Göbel (2015), l’asso-
ciation entre un déficit phonologique et des difficultés de constitution d’un réseau de
faits arithmétiques en mémoire serait liée au fait qu’une même structure cérébrale, le
gyrus angulaire gauche, serait impliquée dans ces deux processus.
2.2.2. La mémoire
Un deuxième domaine important est celui de la mémoire. En effet, les mathéma-
tiques requièrent la mémorisation et puis la récupération d’informations, comme les
mots nombres et leur ordre dans la liste de comptage ou les faits arithmétiques. Une
étude a révélé que les enfants avec DD étaient plus lents à réciter la suite numérique
(Landerl et al., 2004) et de nombreuses autres ont constaté que les enfants avec
DD avaient des difficultés à mémoriser les faits arithmétiques (par exemple,
Garnett & Fleischner, 1983 ; Geary, Hoard, & Hamson, 1999). Les difficultés liées à
la mémorisation de faits arithmétiques ne s’expliqueraient pas par des capacités de
mémoire à long terme globalement faibles (De Visscher & Noël, 2014a-b ;
Mussolin & Noël, 2018), mais par une sensibilité exagérée aux interférences liées à
la similarité des items à mémoriser (De Visscher & Noël, 2014a-b). Une autre
recherche réalisée chez des étudiants universitaires a montré une corrélation entre
la capacité à mémoriser des séquences et les capacités de calcul (Holmes & McGregor,
2007).
En ce qui concerne la mémoire de travail, de nombreuses études ont montré que
tous les composants (y compris l’inhibition, la flexibilité et la mise à jour) sont asso-
ciés à la performance mathématique, la corrélation la plus élevée étant constatée avec
la mise à jour verbale (voir la méta-analyse de Friso-van den Bos, Van der Ven,
Kroesbergen, & van Luit, 2013.) De plus, lorsqu’on compare les différents domaines
numériques, il apparaît que les capacités de mémoire de travail sont davantage cor-
rélées avec la résolution de problèmes verbaux et les calculs (voir la méta-analyse de
Peng, Namkung, Barnes, & Sun, 2016). Enfin, plusieurs études ont montré que les
enfants atteints de DAM avaient une mémoire de travail verbale et visuo-spatiale
médiocre (voir la méta-analyse de Swanson & Jerman, 2006).
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Les bases d’une intervention cognitive…
2.2.4. Le raisonnement
Enfin, la capacité de raisonnement est évidemment importante pour résoudre au
moins les problèmes mathématiques les plus complexes. Certaines études ont en effet
montré que le raisonnement non verbal mesuré avec le test des matrices en première
ou en troisième année primaires prédisait la résolution de problèmes verbaux ou la
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
réussite en mathématiques un an après (Fuchs et al., 2005 ; Fuchs et al., 2006 ; Nunes
et al., 2007). Sur un échantillon couvrant une large tranche d’âge (6 à 21 ans), Green,
Bunge, Chiongbian, Barrow et Ferrer (2017) ont constaté que le raisonnement fluide
était un prédicteur significatif des résultats en mathématiques, 1,5 et 3 ans plus tard.
En outre, Morsanyi, Devine, Nobes et Szucs (2013) ainsi que Schwartz (2017) ont
constaté que les enfants atteints de DD avaient des capacités de raisonnement infé-
rieures aux enfants contrôles (dans ce cas, le raisonnement transitif). Enfin, Nunes et
al. (2007), ont constaté que la formation des enfants au raisonnement logique entraî-
nait des progrès plus importants en mathématiques qu’un groupe contrôle n’ayant
pas reçu cette formation ; ce qui soutient l’idée d’un lien de causalité entre le raison-
nement logique et l’apprentissage mathématique.
En conclusion, le développement numérique et l’apprentissage des mathéma-
tiques reposent sur plusieurs processus fondamentaux ; des processus numériques de
base, mais aussi de nombreux domaines cognitifs généraux, notamment le langage,
la mémoire, les compétences visuo-spatiales et le raisonnement. En conséquence, une
dégradation dans l’un de ces processus peut entraîner des difficultés spécifiques dans
le domaine numérique. Des recherches ultérieures tenteront de préciser ces différents
profils de DD, mais tous les cliniciens, enseignants spéciaux ou coaches en mathéma-
tiques travaillant avec un enfant atteint de DAM ou de DD, doivent être conscients
de cette hétérogénéité et doivent tenter de comprendre quel est le profil spécifique de
l’enfant qu’ils accompagnent de manière à être les plus efficaces possible dans l’inter-
vention qu’ils proposent.
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Les bases d’une intervention cognitive…
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
mathématiques pour les élèves avec DAM qu’à celui de la lecture pour les élèves dys-
lexiques. Bien que la recherche sur « ce qui fonctionne le mieux » dans l’enseignement
des mathématiques pour les élèves avec des DAM soit limitée, certaines méta-analyses
mettent en évidence les pratiques d’intervention, basées sur les preuves, qui sont les plus
efficaces pour les étudiants en DAM. Selon la méta-analyse réalisée par Gersten et al.
(2009), les sept stratégies de remédiation les plus efficaces pour les étudiants avec DAM
sont les suivantes : (1) des instructions explicites, (2) l’utilisation de représentations
visuelles, (3) la verbalisation par l’étudiant, (4) l’utilisation de plusieurs exemples péda-
gogiques, (5) l’utilisation d’heuristiques et de multiples stratégies, (6) le fait de donner
des feedbacks permanents, et (7) l’enseignement assisté par des pairs. L’analyse a mon-
tré que, parmi les stratégies d’instruction susmentionnées, celles amenant les plus
grandes tailles d’effet étaient l’instruction explicite (taille d’effet de 1,22, p < 0,001) et
l’utilisation d’heuristiques et de multiples stratégies (taille d’effet de 1,56, p < 0,001).
L’instruction explicite fournit à l’élève une guidance étape par étape et des possibilités
de pratique (résoudre des exercices) avec des retours ciblés. L’utilisation d’heuristiques
avec des exemples multiples suit une approche plus générique pour résoudre un pro-
blème en impliquant plusieurs façons de résoudre un problème et des discussions avec
les élèves pour évaluer les solutions proposées. D’autres revues de la littérature sou-
tiennent également l’efficacité de l’instruction explicite (par exemple, Chodura,
Kuhn, & Holling, 2015 ; Ketterlin-Geller et al., 2008 ; Kroesbergen & Van Luit, 2003) et
de l’utilisation d’heuristiques et de stratégies multiples (Kroesbergen & van Luit, 2002).
Stevens, Rodgers et Powell (2017) ont récemment effectué une méta-analyse de
25 années d’intervention en mathématiques auprès d’élèves avec DAM de la quatrième
à la douzième année scolaire. L’objectif était de déterminer les effets d’intervention en
mathématiques sur les résultats des élèves. Ils ont constaté une extrême variabilité dans
l’ampleur et la direction des effets, allant de – 0,66 à 4,65, avec une médiane de 0,71.
Les effets moyens constatés étaient moins importants que ceux calculés dans les revues
de littérature précédentes qui s’étaient centrées sur les interventions proposées aux
élèves du primaire exclusivement (par exemple, Chodura et al., 2015 ; Gersten et al.,
2009), ce qui suggère que les interventions chez les élèves avec DAM sont plus efficaces
lorsque ceux-ci sont plus jeunes. En effet, les élèves plus âgés ont probablement plus
de lacunes au niveau de leurs connaissances et plus de conceptions mathématiques
erronées, compte tenu de la structure hiérarchique de l’enseignement des mathéma-
tiques. En termes de contenu d’intervention, les résultats indiquent que les étudiants
ne répondraient pas favorablement aux interventions ciblant un domaine de contenu
spécifique alors que l’élève aurait des lacunes dans les connaissances préalables. Ma
(1999) soutient également cette conclusion en affirmant que les idées fausses et les
difficultés concomitantes des élèves en mathématiques résultent probablement de
l’apprentissage de règles ou d’algorithmes en début d’apprentissage, qui ne sont pas
précis ou qui ne sont pas étayés conceptuellement. En conséquence, elle a suggéré que
les interventions mathématiques pour les élèves en difficulté devraient avoir une fonc-
tion corrective et impliquer de réenseigner les concepts et les principes mathématiques
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Les bases d’une intervention cognitive…
fondamentaux. Par conséquent, il peut être utile d’élaborer des interventions portant
sur des domaines variés partant du plus simple au plus complexe. Travailler de
manière large, touchant plusieurs domaines, y compris revoir des choses plus basiques,
permettra aux étudiants de pouvoir, par la suite, réaliser des tâches mathématiques
plus avancées. En effet, des lacunes plus élémentaires empêchent certains élèves de
pouvoir traiter correctement une série de problèmes, impliquant un raisonnement
mathématique de niveau supérieur (Stevens, Rodgers, & Powell, 2018). Par exemple,
résoudre une équation peut être impossible pour certains élèves, car ils ont des lacunes
dans des connaissances relevant d’apprentissages antérieurs. Revoir ces apprentissages
plus basiques leur permettra d’aller plus loin.
4. De la recherche à la pratique
Dans la section précédente, nous avons vu que les instructions explicites, l’utilisa-
tion d’heuristiques (approche davantage dirigée par l’enseignant) ainsi que de mul-
tiples stratégies et des instructions conceptuelles (approche davantage orientée par
les étudiants) semblent être les stratégies pédagogiques les plus efficaces pour les
étudiants en DAM. Pour cette raison, nous porterons davantage notre attention sur
les principes de (1) l’instruction explicite, (2) de l’utilisation d’heuristique et (3) sur
l’instruction favorisant une flexibilité mathématique en incluant également les autres
caractéristiques d’intervention invoquées, soit l’utilisation de représentations
visuelles, l’utilisation d’exemples multiples, le fait de fournir des feedbacks ou une
rétroaction continue et la possibilité d’un soutien apporté par des pairs. Nous décri-
rons donc une approche pédagogique intégrant plusieurs stratégies pédagogiques,
une compréhension approfondie des aspects conceptuels et une prise de décision en
ce qui concerne la stratégie adaptée à chaque élève.
Avant de passer à la description des différents types d’instructions fondées sur des
preuves, nous souhaitons mentionner une des limites principales de ces études, selon
notre point de vue. En effet, les chercheurs ont recruté les échantillons d’étudiants
avec DAM, principalement en utilisant un test de performance mathématique, puis
en sélectionnant les étudiants dont les scores se situaient sous un seuil déterminé.
Pourtant, Murphy, Mazzocco, Hanich et Early (2007) ont constaté que les seuils
couramment utilisés (percentiles 10 et 25) conduisaient à identifier des groupes
d’élèves présentant des profils cognitifs différents. Par conséquent, l’hétérogénéité des
participants dans ce type d’étude est une limite majeure à l’efficacité des interventions
proposées aux étudiants avec DAM. En effet, une stratégie pédagogique donnée
pourrait très bien être bénéfique pour un enfant avec DAM, mais ne pas nécessaire-
ment être efficace pour un autre élève qui présenterait des forces et des faiblesses
différentes en termes de compétences en mathématiques. Ainsi, en pratique clinique,
les cliniciens ou les coaches doivent être conscients des différents besoins de chaque
étudiant afin de leur fournir la pratique pédagogique la plus adaptée. Comme Ball,
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
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Les bases d’une intervention cognitive…
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
Aujourd’hui, je vais vous montrer comment résoudre des problèmes de soustraction avec des
nombres à deux chiffres en utilisant des bulles. Cette stratégie vous permettra de résoudre
des soustractions de nombres à deux chiffres mentalement.
Ce problème dit « cinquante-huit moins vingt-trois » (pointant le signe moins).
Pouvez-vous décomposer cinquante-huit et vingt-trois ?
58 − 23 = =
Cinquante-huit est constitué de cinquante et de huit (pointer vers 58) et vingt-trois est consti-
tué de vingt et de trois (pointer vers 23).
D’abord je soustrais les dizaines, donc cinquante moins vingt, cela fait trente et j’écris le
résultat dans la première bulle.
58 − 23 = 30 =
Maintenant, je vais soustraire les unités, huit moins trois, il me reste cinq. C’est pour cela que
j’écris « + 5 » dans la seconde bulle (pointer vers le signe +).
58 − 23 = 30 + 5 =
Et pour terminer, je vais trouver ce qui me reste au total, soit trente plus cinq égalent trente-
cinq et j’écris ce résultat final dans le dernier cadre.
58 − 23 = 30 + 5 = 35
Donc, pour résoudre un problème comme cinquante-huit moins vingt-trois en utilisant les
bulles, je soustrais d’abord les dizaines, j’écris le résultat dans la bulle des dizaines, puis je
soustrais les unités et je mets le résultat dans la bulle des unités et finalement je les addi-
tionne pour trouver la réponse.
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Les bases d’une intervention cognitive…
Mais qu’est-ce qui se passe quand les unités que je dois retirer sont plus grandes que les
unités que j’ai ? Voyons cela ensemble avec un exemple.
72 − 43 = =
72 − 43 = 30 =
Maintenant, je vais soustraire les unités. J’ai deux unités et je dois en soustraire trois.
Combien me manque-t‑il d’unités ? Il me manque une unité. Alors j’écris « moins un » dans la
deuxième bulle (pointer vers le signe moins).
72 − 43 = 30 −1 =
Enfin, je vais trouver ce qui me reste en tout, c’est-à-dire, trente moins un, cela fait vingt-neuf
et j’écris cette réponse finale dans le carré à la fin.
72 − 43 = 30 −1 = 29
Donc, quand on soustrait un nombre à deux chiffres avec le modèle des bulles, vous écrivez
le signe plus (+) dans la seconde bulle pour indiquer les unités qu’il reste ou le signe (-) pour
indiquer les unités manquantes, et puis vous faites l’addition dans le premier cas, c’est-à-dire
quand il vous reste des unités et la soustraction dans le deuxième cas, donc quand il vous
manque des unités.
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
Doabler et Fien (2013) ont brièvement résumé les points saillants de la séquence
d’instructions explicites :
• Indiquer clairement les attentes au début de l’instruction ;
• Commencer l’instruction avec un exemple relativement facile ;
• Limiter le nombre d’exemples donnés ;
• Utiliser une formulation cohérente tout au long des activités ;
• Fournir des démonstrations claires et des explications étape par étape ;
• Fournir de nombreux exercices pour mettre en pratique ce qui a été appris ;
• Utiliser du matériel à manipuler pour développer une bonne compréhension
conceptuelle ;
• Donner des feedbacks continus ;
• Faire une révision de tout ce qui a été vu dès la fin de la troisième activité.
Les instructions explicites doivent donc être suivies d’une phase d’exercices et de
mise en pratique de ce qui a été appris pour permettre aux élèves d’améliorer la flui-
dité des processus de résolution pour favoriser leur automatisation et conduire à la
maîtrise (Fuchs et al., 2008b). Ceci peut aussi être fait en utilisant des cartes flash
(c’est-à-dire, des cartes sur lesquelles la question se trouve d’un côté et la réponse de
l’autre) ou des exercices informatisés. Les leçons ou séances devraient aussi inclure
un moment de révision de ce qui a été vu précédemment (VanDerHeyden & Witt,
2005). Cette révision peut prendre différentes formes : exercices d’échauffement en
début de séance, exercices informatisés et révision sous forme d’exercices papier-
crayon (Fuchs et al., 2008a-b).
Une analyse de 34 études d’intervention a montré que l’instruction explicite avait
plus de résultats dans 32 sur 34 des études examinées (Adams & Engelmann, 1996).
C’est également le cas pour les étudiants présentant une DAM. En effet, selon le rap-
port final du Comité consultatif national de mathématiques (National Mathematics
Advisory Panels, 2008), l’enseignement systématique explicite améliore les perfor-
mances des élèves atteints de DAM et favorise le transfert des compétences acquises
à des situations nouvelles. Cependant, le groupe d’experts a noté que, même si les
instructions explicites donnaient systématiquement de meilleurs résultats, rien ne
prouvait qu’elles devraient être utilisées de manière exclusive pour enseigner aux
élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Le comité recommande que tous les
enseignants d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage utilisent de manière régu-
lière et systématique un enseignement explicite, mais que ce ne soit pas nécessaire-
ment le cas tout le temps (Jayanthi, Gersten, Baker, 2008). En effet, des instructions
explicites ne permettent peut-être pas aux élèves de tirer parti des discussions de
résolution de problèmes avec les enseignants et leurs pairs. Les enseignants ou
coaches en mathématiques pourraient envisager d’intégrer des moments de discus-
sion à l’intérieur des phases d’instruction explicite sur les étapes de résolution de
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Les bases d’une intervention cognitive…
problèmes ou de calculs afin de donner aux élèves l’occasion d’expliquer leur raison-
nement mathématique. Des explications de haute qualité peuvent, en effet, favoriser
la compréhension du contenu et exposer les élèves à diverses solutions, ce qui
engendre une flexibilité dans la pensée mathématique (Stevens et al., 2018).
Figure 1.3. Heuristique proposée aux élèves pour guider la résolution de problèmes verbaux.
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
Figure 1.5. Exemple d’un modèle heuristique pour simplifier une expression arithmétique.
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Les bases d’une intervention cognitive…
la plus appropriée selon le calcul présenté. Ainsi, ils optent pour la stratégie de sous-
traction résolue par addition plutôt que la soustraction directe traditionnellement
enseignée (dans laquelle le plus petit nombre est soustrait du nombre plus grand) de
manière adaptée, en fonction de la taille relative du nombre à soustraire. Ces résultats
corroborent l’opinion selon laquelle les étudiants avec DAM, ou du moins certains
d’entre eux (par exemple, ceux dont les capacités de raisonnement sont moyennes ou
bonnes) peuvent bénéficier de stratégies multiples, remettant en question les pra-
tiques typiques des classes d’enseignement spécial, qui souvent, se concentrent uni-
quement sur la maîtrise courante de la stratégie de soustraction directe.
Ainsi, chaque élève devrait être libre de choisir la stratégie qu’il veut utiliser, mais
l’enseignant devrait aider l’enfant à discuter et à réfléchir sur le choix ainsi posé. Par
exemple, lorsque les élèves apprennent les tables de multiplication, l’enseignant ou
le coach peut introduire des stratégies alternatives pour les élèves qui éprouvent
beaucoup de difficulté à mémoriser les faits arithmétiques. Par exemple, il peut
apprendre à l’élève à résoudre le produit 6 × 8 par des moyens visuels (figure 1.6).
Une solution possible dans ce cas peut être de calculer d’abord la moitié « trois fois
six » (3 × 8 = 24), puis de multiplier le résultat par deux pour trouver la solution
(24 + 24 = 48).
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Dyscalculie et difficultés d’apprentissage en mathématiques
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Les bases d’une intervention cognitive…
mathématique des élèves (Jayanthi et al., 2008). Les chercheurs ont démontré qu’une
séquence d’instruction allant du concret (avec de la manipulation d’objets) au figuratif
(avec des dessins, des schémas) et puis à l’abstraction, profite tout spécialement aux
élèves en difficulté, que ce soit dans l’enseignement primaire ou secondaire (Witzel,
2005). Les représentations visuelles doivent être intégrées aux instructions explicites
afin de clarifier la procédure et d’aider au mieux les élèves en difficulté. Par exemple,
pour résoudre le problème de soustraction « 58 – 23 = » présenté ci-dessus, l’enseignant
ou le coach peut utiliser des cartes numériques qui se chevauchent pour montrer
comment décomposer un nombre à deux chiffres en dizaines et en unités (figure 1.8).
En utilisant les cartes, l’étudiant peut facilement réaliser, de manière visuelle et kines-
thésique, que 58 est composé de 50 unités et de 8 unités et que 23 est composé de
20 unités et de 3 unités.
a b
Figure 1.9. Exemple de matériel concret : l’enseignant ou le coach montre le modèle à bulles pour
soustraire un nombre à deux chiffres.
31
Dyscalculie et difficultés
d’apprentissage en mathématiques
Guide pratique de prise en charge
Posséder des aptitudes en mathématiques est essentiel pour vivre et participer à nos
sociétés modernes. Cependant, tout le monde n’est pas capable de maîtriser les bases
de cette discipline.
La dyscalculie touche environ 6 % des enfants, soit autant que la dyslexie. Ses consé
quences affectent directement et durablement la vie de ces enfants s’ils ne sont pas
accompagnés par un spécialiste chargé de leur rééducation. Malheureusement, il
existe peu de professionnels dédiés à la rééducation mathématique, notamment à
cause d’une méconnaissance du trouble. Ce livre a pour ambition de remédier à cette
zone d’ombre, pour mieux guider les personnes en charge d’enfants dyscalculiques.
Ce livre se montrera indispensable pour tous les professionnels accompagnant des enfants
présentant des difficultés d’apprentissage en mathématiques, voire des dyscalculies
développementales.
Les auteurs
Marie-Pascale Noël est, depuis plus de 20 ans, responsable d’un centre de consultations psycho
logiques spécialisées en neuropsychologie et logopédie de l’enfant. Dans ce cadre, elle a contribué
au développement de prises en charge de personnes présentant une dyscalculie, en se basant sur
les modèles de la psychologie cognitive, y compris la neuropsychologie.
Giannis Karagiannakis est mathématicien et a travaillé pendant plusieurs années avec des enfants
et des adolescents présentant des difficultés d’apprentissage en mathématiques. Ces dernières
années, il a collaboré avec Anny Cooreman, fondatrice et directrice de l’école Eureka à Louvain
(Belgique), école pour enfants présentant des troubles spécifiques d’apprentissage. Ensemble, ils ont
développé de nombreux outils pédagogiques, dont plusieurs sont présentés dans ce livre. Il a partagé
son expérience en donnant des formations sur l’intervention en mathématiques à des cliniciens
et des éducateurs dans le monde entier.