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Septembre 2001

207

Autisme
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Nationale des Orthophonistes Paris
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Sommaire Septembre 2001 N° 207
Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Nicole Denni-Krichel, orthophoniste

AUTISME

Nicole Denni-Krichel, orthophoniste 3

Orthophonie et autisme : les attentes des parents 5


Catherine Milcent, pédopsychiatre

1. Les troubles autistiques : données actuelles 11


Claude Bursztejn, pédopsychiatre, Strasbourg

1. Problèmes posés par le diagnostic précoce de l’autisme infantile


chez le très jeune enfant 25
Anne Danion-Grilliat, Claude Burzstejn, pédopsychiatres, Strasbourg
2. L’évaluation des compétences communicatives chez l’enfant autiste 37
Marie-Joëlle Fernandes, orthophoniste, Montpellier
3. L’imitation dans la prise en charge orthophonique de l’enfant autiste 53
Nicole Denni-Krichel, Christiane Angelmann, Stéphanie Bour, orthophonistes, Strasbourg
4. Le programme Makaton pour des enfants autistes : expérience d’une institution,
expérience institutionnelle 71
Nathalie Sarfaty, pédopsychiatre, Créteil
5. Le système P.E.C.S. - Un système alternatif au langage 83
Chantal Brousse, orthophoniste, Mougins
6. Intérêt et limite de l’utilisation de l’ordinateur avec des enfants autistes 95
Alain Barré, psychologue, Nantes

1
1. Les enjeux de l’intervention précoce dans l’autisme 101
Bernadette Rogé, G. Magerotte, J. Fremolle-Kruck, psychologues
Toulouse et Mons - Belgique
2. Témoignage sur l’évaluation et sur la prise en charge précoce
d’un enfant autiste 109
Francine Cuny, Bérengère Marais, orthophonistes, Paris
3. Les Centres de Ressources pour l’Autisme - Principes généraux et illustration
du fonctionnement du CRA du Languedoc-Roussillon 123
Pr Charles Aussilloux, psychiatre, Amaria Baghdadli, praticien hospitalier, Montpellier

133

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Nicole DENNI-KRICHEL
Orthophoniste
16, rue de l’Elmerforst
67200 Strasbourg
Service Psychothérapique pour Enfants et
Adolescents
Hôpitaux universitaires de Strasbourg
67000 Strasbourg

J
’ai un système auditif qui fonctionne comme un ampli au maximum de sa
puissance. J’ai deux choix : je poursuis et me laisse envahir par un déluge
de sons, je me coupe de la source de sons » T. Grandin « Ma vie d’autiste »
Ed. O. Jacob, 1994.
« Je n’étais pas capable d’expliquer ce que je ressentais par des mots...
J’ignorais que les mots pouvaient servir à ça. Pour moi, le langage n’était
qu’une extension de mes obsessions, un instrument au service de mon goût de la
répétition » Clara Clairborn Park « Histoire d’Elly », Calmann-Levy.
« Il parlait de façon mécanique, sans inflexion, mélangeant l’ordre des
mots et confondant les pronoms... Pour Sean, le langage était un embrouillamini
qu’il lui fallait démêler, afin de tirer un schéma de pensée. Il donnait l’impres-
sion d’inventer lui-même le langage plutôt que d’apprendre à reproduire ce qu’il
entendait depuis des années ».
« Je me souviens qu’ils (mes parents) m’adressaient des paroles, mais ce
n’étaient que des paroles et rien d’autre. Il me semble que je ne savais pas ce
qu’elles signifiaient, mais je m’en fichais ».
« Je commençais à réaliser que les gens se servaient du langage pour
communiquer entre eux, mais je ne savais pas comment ils s’y prenaient... Je
n’avais toujours pas compris comment les gens faisaient pour parler entre eux.
J’avais l’impression... que j’étais un extraterrestre. Je n’étais pas davantage
capable de communiquer avec les humains qu’une créature venue d’une autre
planète ».
« Il ne se servait pas du langage pour exprimer des sentiments, des pen-
sées ou des questions. Ce qu’il disait semblait avoir été appris par cœur... »
Baron, J et Baron, S « Moi, l’enfant autiste » Coll. J’ai lu.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


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Enfant dans sa bulle...
dans son monde à lui...
refusant tout contact avec autrui...
L’enfant autiste est souvent décrit comme un enfant qui ne communique
pas.
Or, ces différents témoignages font pourtant émettre l’hypothèse que les
enfants autistes seraient plutôt des enfants dont la manière de communiquer est
insolite, différente, étrange....
Il s’agit donc pour nous, professionnels du langage et de la communica-
tion, d’envisager que le comportement des enfants autistes correspond à leur
logique de vie propre issue de leur singulière façon d’appréhender le monde.
A nous de donner à chaque enfant autiste la possibilité de développer ses
capacités de communication quelles qu’elles soient, et de lui permettre de deve-
nir ainsi un être de langage, capable de langage.
A nous d’établir pour lui une progression personnalisée, définie par les
capacités de l’enfant tout en respectant ses étapes d’acquisition.
A nous de réorganiser les conduites verbales, de restaurer les fonctions
déficientes ou développer les moyens de suppléance en nous appuyant sur les
capacités préservées, en utilisant tous les moyens rééducatifs déjà connus et
employés dans d’autres pathologies (ébauche orale, questions fermées, aide
contextuelle, gestes, pictos, écrit...).
A nous d’accueillir ces parents encore trop souvent meurtris par un senti-
ment de culpabilité, d’impuissance, de désarroi, d’isolement, d’abandon...
En n’oubliant pas, comme le fait remarquer U. Frith « qu’une grande par-
tie des efforts de communication doit, bien sûr, être à la charge de l’individu
non autiste ».
Merci à tous mes petits patients pour ce regard furtif qui peu à peu se
fixe, pour ce sourire qui petit à petit se précise jusqu’à devenir intentionnel,
pour ce geste d’abord ébauché qui devient demande... Tous ces petits « riens »
qui nous amènent à aller toujours plus loin.

4
Orthophonie et autisme :
les attentes des parents
Dr Catherine Milcent

Résumé
La spécificité de l'autisme : compétences sociales limitées, peu de motivation pour l'interac-
tion, peu d'apprentissage par observation ou imitation, et fréquemment un intérêt exclusif
pour des activités d'auto stimulation voire même d'automutilation rendent la rééducation du
langage et de la communication difficile chez les personnes avec autisme.
Il est donc nécessaire pour les professionnels qui les prennent en charge de savoir modifier
des comportements parfois obstacles directs à l'apprentissage : violence, colères, opposi-
tion, stéréotypies.
Les techniques béhavioristes basées sur la « Modification du Comportement » et « la théorie
de l'apprentissage » font preuve d'une grande efficacité dans ce domaine. L'orthophoniste
pourra ainsi améliorer l'attention, la sociabilité ou la compréhension verbale même si l'ex-
pression orale ou les aspects pragmatiques ou conversationnels sont plus difficiles à déve-
lopper. Lire peut parfois être enseigné avant l'installation complète du langage oral et ainsi
être utilisé pour développer l'acquisition de mots et leur utilisation dans la communication.
Mots clés : autisme, communication, modification du comportement, théorie de l'appren-
tissage, orthophonie.

Autism and speech and language therapy : parental expectations

Abstract
Autism is characterized by the following features : poor social skills, low motivation for social
interactions, limited ability to learn through observation, poor imitation skills, self-stimulation
or self-injury. This clinical picture makes language and communication therapy particularly
difficult in autistic persons.
Speech and language therapists therefore need to be familiar with Learning Theory and
Behavior Modification techniques, an approach which is very useful in modifying those
behaviors that hinder learning, such as temper tantrums, aggressiveness, oppositional
behaviors and stereotyped mannerisms.
Through this approach, speech and language therapy may improve the child's attention span,
his social skills and receptive verbal skills, even though expressive skills or pragmatics and
conversational skills are more difficult to shape. In some cases, reading skills may have been
acquired before semantic skills, and may be used to further develop the child's verbal skills.
Key Words : autism, communication, behavior modification, learning theory, speech and
language therapy.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


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Dr Catherine MILCENT
Psychiatre, pédopsychiatre
et parent d’un adulte avec autisme
Autisme France
1209 Chemin des Campelières
06250 Mougins
Tél. 04.93.46.00.48

L
’autisme a été jadis considéré à tort comme une maladie mentale et de
l’anxiété, conséquence d’un environnement parental inadapté. Cette thèse
est aujourd’hui réfutée.

♦ Rappel des connaissances actuelles


Il est désormais reconnu que l’autisme provient d’un défaut d’équipement
neurobiologique. Il entraîne un handicap dévastateur s’il n’est pas rééduqué
rapidement et intensivement.
• Les circuits neuro-anatomiques impliqués concernent la réticulée pon-
tique, le cervelet : vermis et noyaux, le lobe temporal supérieur et sur-
tout les projections de ces circuits sur le lobe préfrontal.
• Les principaux neuromédiateurs les plus souvent mis en cause sont la
sérotonine, le glutamate et les endorphines.
• Le résultat de ces perturbations du développement est un déficit com-
plexe, de la neuro-modulation et de la perception qui touche l’intérêt
social, la communication ainsi que certaines fonctions motrices.
• Ce « défaut de câblage » dont on ignore encore beaucoup de choses en
2001, mais dont on connaît la forte composante génétique, se produit
très précocement au cours du développement embryonnaire sur le terri-
toire d’expression de gènes dont certains ont déjà été identifiés (Hoxa 1,
WNT 2, etc.). Certaines maladies génétiques connues parmi lesquelles
la Sclérose tubéreuse ou l’X fragile s’accompagnent d’autisme dans un
certain nombre de cas.
• Administrés à certaines étapes du développement de l’embryon, certains
facteurs exogènes, toxiques ou pharmacologiques par exemple : Val-
proate, thalidomide, alcool, ou viraux : herpès, rubéole, toxoplasmose,
etc., peuvent également interférer avec l’expression de ces gènes, inter-
rompre le développement de ces structures et se manifester par un syn-
drome autistique.

6
Les conséquences neuropsychologiques de cette erreur du développement
sont gravissimes car elles touchent la capacité de l’individu atteint à s’intéresser
à l’environnement de façon traditionnelle, en particulier à en comprendre le sens
en tant que constitué de personnes et d’objets extérieurs.
Souvent, captivée par le détail, la personne avec autisme perçoit mal les
ensembles (gestalt). Elle se polarise « sur la branche et perd de vue la forêt ».
L’attention de la personne avec autisme est le plus souvent happée par les
attributs partiels des objets et sa motricité se concentre sur de l’autostimulation des
différents canaux sensoriels : bruits répétitifs, vibrations, balancements, objets qui
tournent, odeurs, etc. L’intérêt pour le monde des personnes en est d’autant réduit.
Or, on ne communique pas avec ce que l’on ne perçoit pas ou peu.
S’il n’y a pas intervention rééducative précoce, cette organisation auto-
centrée va se figer, donnant l’image connue des symptômes de l’autisme (triade
de l’autisme avant 36 mois) que l’on trouve dans toutes les descriptions clas-
siques : Kanner, Asperger, Lorna Wing, et les classifications internationales :
DSM, ICD, etc. :
1 - déficit qualitatif de l’interaction sociale,
2 - de la communication non verbale et verbale et
3 - obsessions, rituels et motricité aberrante.

♦ Difficultés particulières de la rééducation : spécificité de l’autisme


L’orthophoniste est, par définition, une ou un spécialiste de la communi-
cation ; mais très souvent ne sait pas où commencer sa rééducation avec des
enfants ou des adultes pour lesquels les fondements de l’intérêt social ne sont
pas encore en place.
Ces professionnels sont donc souvent désorientés par les éléments sui-
vants :
• L’absence de réponse aux consignes (manque de compliance), et la diffi-
culté à inhiber une motricité désorganisée ou mal finalisée (hyperacti-
vité ou l’inverse), révélatrice des troubles frontaux, les rend difficiles à
canaliser.
• L’absence d’envie de « faire plaisir » à l’autre est souvent la règle ini-
tiale même si par la suite on pourra la développer. L’enfant autiste se
soucie généralement peu du point de vue de l’autre et ne cherche pas à
faire spontanément comme les autres ou à parler ou lire pour faire plai-
sir à celui-ci ou ressembler à celle-là. Cette difficulté à percevoir ou
s’indexer sur le point de vue de l’autre est largement décrite dans la
théorie de l’esprit (cf. U. Frith).

7
• L’absence d’apprentissage par observation et par imitation pose égale-
ment des problèmes tant que l’imitation n’a pas été systématiquement
enseignée comme prémice par des méthodes adéquates, pas toujours
connues des spécialistes du langage.
• L’auto stimulation est l’occupation principale de l’enfant avec autisme
tant que d’autres intérêts ne lui sont pas enseignés.
• Généralement, les premiers essais d’apprentissage et de communication
sont vécus comme dérangeants par l’enfant autiste et sont rejetés avec
violence. Les colères ou les automutilations désarment souvent le pro-
fessionnel orthophoniste qui malheureusement recule ou renonce : « Cet
enfant n’est pas prêt... ; revenez plus tard ! ».
Malheureusement, plus tard, ce sera pire encore. L’enfant sera encore
moins prêt et plus installé ou figé dans son comportement autistique.
Comme beaucoup d’enseignants, les professionnels orthophonistes sont
plus habitués à travailler sur des acquis et une motivation sociale déjà établie. Ils
sont plus experts à rééduquer entre autres : l’articulation, l’expression orale ou
la lecture, quand ils peuvent compter sur la participation active de l’intéressé et
sa demande.
Il faudra donc commencer par se bagarrer contre l’équilibre précaire
qu’a établi cet enfant avec son handicap. Ce n’est pas sans difficulté que le pro-
fessionnel accepte, pour faire progresser l’enfant autiste, de se confronter à son
refus avec tranquillité mais détermination.
C’est donc par une rééducation de cette « négligence sociale », véritable
éducation de l’attention portée aux personnes et aux choses, et par l’enseigne-
ment systématique de l’imitation que commence la démutisation.
Le principal ennemi du professionnel sera alors le peu d’intérêt que la
personne avec autisme lui porte et le plaisir intense qu’il trouve par contre à
s’auto stimuler avec toutes sortes d’intérêts singuliers : lumières, contrastes,
mouvements, balancements, postures, certains sons, odeurs, etc.
Il s’agit donc de motiver la personne avec autisme en devenant le princi-
pal objet d’intérêt de celui-ci ; le principal renforçateur tout en l’extrayant de
ses auto stimulations et ce n’est pas le plus simple et demande imagination et
créativité.

♦ Techniques utiles
L’approche béhavioriste appliquée à l’autisme dérive de celle appliquée à
la pédagogie en général.
Très développée outre Atlantique, outre Manche ou dans les pays du nord
de l’Europe, elle se base sur la théorie de l’apprentissage, développée par Skin-

8
ner autour des années 50 (cf. en langue française : Richelle, Lajeunesse, Cot-
traux, Berthiaume, etc.)
Dès que l’on aura établi un minimum de compliance, et pour cela les
techniques de modification du comportement extraites du béhaviorisme sont très
utiles, l’imitation des gestes simples puis sériels puis complexes sera enseignée
systématiquement.
L’imitation de la manipulation d’objet avec des consignes le moins com-
plexe possible : « fais ça », par exemple, permettra de développer progressive-
ment des manipulations d’objets en miroir qui serviront à établir les bases du
jeu qui comme le reste ne se développe pas tout seul.
Dans les trente dernières années, le béhaviorisme appliqué à l’autisme est
passé de techniques assez rigides (cf. Lovaas) à des techniques plus naturelles
en situation (cf. Ron Leaf, Koegel, Kohai, Prizant, etc.). Même si l’apprentis-
sage par essai distinct (Discrete trial) s’emploie encore beaucoup, l’apprentis-
sage incident (Incidental Teaching) permet une généralisation plus rapide.
Les moments les plus pédagogiques étant les occasions autour des
besoins naturels de l’enfant de demander ou d’obtenir des objets ou de produire
des actions, c’est donc autour des repas ou des sorties que le langage sera déve-
loppé autant qu’en séances individuelles. Les acquis « au bureau », en face à
face à deux seront relayés par des séances en groupe et ceci implique que l’or-
thophoniste puisse informer et former les éducateurs responsables et les
familles. La personne avec autisme a besoin qu’on lui enseigne à
communiquer : prêter attention, comprendre, parler et converser toute la journée
dans son cadre naturel et non pas seulement quelques heures dans un cabinet
d’orthophonie.
Ce que les parents d’enfants autistes attendent donc des spécialistes du
langage, c’est d’abord :
• qu’il ne soient pas rebutés par les difficultés liées au manque d’intérêt
ou de compréhension sociale des personnes atteintes d’autisme. C’est à
dire qu’ils les prennent en charge le plus tôt possible sans invoquer que
la personne n’est pas prête ... Qu’ils contournent cette absence de com-
pétences sociales, à défaut de la combler, en développant la compréhen-
sion des mots et des signes ou des pictogrammes ;
• que les comportements difficiles soient motifs non plus d’exclusion de
cette population mais d’analyse et de formation supplémentaire si
nécessaire par une formation permanente appropriée ;
• qu’ils soient également prêts à former les personnes qui interviennent
auprès des personnes avec autisme : parents et professionnels, afin que
celles-ci deviennent à leur tour des relais compétents. Souvent l’acquisi-

9
tion de la lecture viendra avant la compréhension du sens des mots ou
de leur expression orale.
Si l’enfant autiste parvient à intégrer un minimum de culture commune à
ses pairs d’âge : lire, écrire, compter, s’il peut devenir un adulte qui n’agresse
pas, ne fait pas peur, communique et comprend mieux le langage, il sera plus
apte à ne pas être exclu de la société. C’est le but que poursuivent les parents.
Trop souvent encore, ce n’est pas le handicap lié à l’autisme qui les fait
exclure mais le surhandicap lié à l’absence d’éducation et de compréhension de
notre langue et de nos codes sociaux.
C’est en cela que le partenariat avec les professionnels de la communica-
tion nous est indispensable et précieux.

10
Les troubles autistiques : données actuelles
Claude Bursztejn

Résumé
Par rapport à la description initiale de Kanner, la conception de l’autisme infantile s’est
transformée. Les critères actuels des classifications internationales (DSM IV et CIM 10) déli-
mitent un syndrome comportemental, dont la pratique clinique montre qu’il correspond à
une population très hétérogène. Cette hétérogénéité se retrouve également au niveau des
multiples facteurs étiologiques probablement impliqués.
La plupart des auteurs s’accordent sur l’importance de la précocité de la prise en charge
thérapeutique et éducative.
Mots clés : autisme, psychoses précoces, troubles envahissants du développement, géné-
tique, cognitions sociales.

Autistic disorders: current trends

Abstract
Compared with Kanner’s initial description of infantile autism, the conception of this disorder
has evolved. Current criteria from international classifications (DSM IV and ICD 10) describe
a behavioral syndrome which includes a very heterogeneous population, as confirmed by
clinical practice. This heterogeneity is also reflected in the multiple etiological factors which
seem to be involved in the disorder.
Most authors agree on the importance of early therapeutic and educational intervention.
Key Words : autism, infantile psychotic disorders, pervasive developmental disorders, gene-
tics, social cognition.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


11
Claude BURSZTEJN
Professeur de Psychiatrie de l’Enfant
et de l’Adolescent
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
67000 Strasbourg

L
e terme d’autisme est aujourd’hui connu de tous et évoque des représen-
tations que des films, des émissions de télévision grand public et de mul-
tiples ouvrages ont contribué à former.
Il y a aujourd’hui un relatif accord autour de la description des princi-
pales caractéristiques de ce mystérieux trouble du développement. L’expérience
clinique montre, cependant, que ce consensus apparent cache bien des incerti-
tudes et que, en dépit d’un nombre considérable de travaux, de multiples ques-
tions continuent à se poser sur la nature de cette pathologie, ses limites, ses
causes, et les traitements qui peuvent lui être opposés.

♦ Rappel historique
C’est en 1943 que le psychiatre américain (d’origine viennoise) Léo Kan-
ner a décrit, pour la première fois sous le terme « trouble autistique du contact
affectif », 11 cas d’enfants présentant, depuis leur toute petite enfance, une inca-
pacité à établir des relations normales avec les personnes. Deux symptômes
étaient caractéristiques, pour Kanner, des cas qu’il décrivait : leur isolement
extrême et leur désir « obsessionnel et anxieux » de maintenir constant leur
environnement. Il insistait aussi sur l’intelligence dont faisaient preuve ces
enfants, au moins dans certains domaines, contrairement aux déficients mentaux
qu’il avait pu observer par ailleurs.
Un an plus tard, un pédiatre autrichien, Hans Asperger, publiait, apparem-
ment sans connaître l’article de Kanner, la description de cas très voisins qu’il
dénommait « psychopathologie autistique ».
Pendant plusieurs décennies, le syndrome de Kanner a été considéré
comme une pathologie très rare, réalisant une forme particulièrement grave et
précoce de psychose de l’enfant. C’est surtout à partir des années 1970 qu’un
intérêt croissant pour ce trouble s’est manifesté. Mais la publication DSM III (1)
(1) DSM III (Diagnostic and Statistic Manual) 3e édition de la classification de l’Association Psychiatrique
Américaine.

12
en 1980 a marqué un tournant majeur dans la situation de l’autisme, considéré
désormais comme le prototype, la forme principale d’un groupe nouveau de
pathologies : les troubles envahissants du développement.
L’analyse des raisons - pas uniquement scientifiques - de ce changement
dépasserait les limites de cet article. Ce qui est intéressant de noter c’est qu’il a
été le point de départ de modifications profondes de la conception même de
l’autisme, de sa place dans la nosographie psychiatrique, ainsi que de la descrip-
tion des caractéristiques cliniques nécessaires à son diagnostic.
Un point important est à souligner : contrairement à la position initiale de
Kanner, les critères diagnostiques actuels du trouble autistique ne tiennent
aucun compte du niveau de développement cognitif général. C’est un des fac-
teurs qui a contribué à un élargissement considérable du cadre de l’autisme :
cette étiquette diagnostique rassemble aujourd’hui des patients, enfants et
adultes très hétérogènes tant en ce qui concerne les symptômes qu’ils présen-
tent, qu’en ce qui concerne leurs capacités cognitives et le degré de handicap
social dont ils souffrent.

♦ La clinique de l’autisme
Les critères descriptifs communs à la CIM 10 (Classification Internatio-
nale des Maladies de l’OMS) et au DSM IV, repris par l’ANDEM en 1994, font
actuellement autorité dans la littérature scientifique. Rappelons que la Classifi-
cation Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (CFT-
MEA), récemment révisée, ne comporte pas de liste fermée des critères mais
renvoie, pour l’autisme, à la description de Kanner.
L’autisme infantile (CIM 10) ou troubles autistiques (DSM IV) est décrit
comme un syndrome comportemental associant :
• des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques : ce
terme recouvre les troubles concernant les échanges avec autrui et le
défaut d’utilisation du regard, de la mimique et de la gestualité dans les
interactions avec les adultes ou d’autres enfants ;
• des altérations qualitatives de la communication, terme sous lequel sont
regroupés les troubles du langage mais aussi le défaut d’apparition du
jeu symbolique ;
• des comportements, intérêts et activités réduits, répétitifs et stéréoty-
pés : il s’agit aussi bien des stéréotypies motrices et des jeux répétitifs et
stéréotypés que des exigences des enfants autistes. Cela exige que les
conditions qui les entourent restent constantes, ce qui peut donner lieu à
l’organisation de rituels plus ou moins complexes.

13
Plusieurs remarques sont à faire sur cette description devenue classique,
qui a l’avantage d’être assez simple et cohérente :
• en fait, dans la pratique, le nombre de symptômes regroupés dans cha-
cun des groupes, varie d’un cas à l’autre, ainsi que, au fil du temps, chez
un même patient ;
• de plus, comme le montre la pratique d’échelles d’évaluation, comme la
CARS, chacun des symptômes peut être affecté d’un coefficient de
sévérité plus ou moins grand.
La pratique clinique se confronte ainsi à une infinité de variations de la
symptomatologie.
Il faut relever, par ailleurs, que le triple syndrome par lequel les classifi-
cations internationales résument la séméiologie de l’autisme, ne rend pas
compte de la complexité des relations qu’un patient autiste, enfant ou adulte,
établit avec son environnement humain et matériel et laisse de côté des éléments
cliniques importants. Il ne mentionne pas, en particulier, la possibilité de
moments d’angoisse sévère, souvent accompagnés de comportements d’auto-
agressivité auxquels tous ceux qui sont amenés à intervenir auprès de personnes
autistes doivent être préparés.
En d’autres termes, s’il est vrai que des troubles de la communication, et
plus précisément de la communication sociale, sont au centre de ce que nous
appelons l’autisme, il est certainement inadéquat de réduire l’autisme à un
simple déficit fonctionnel. Il y a beaucoup de raisons de penser que bien des
comportements étranges que ces patients manifestent ont pour fonction l’évite-
ment de la souffrance majeure éprouvée par eux.

♦ Autisme et retard mental


Comme on l’a vu plus haut, les critères diagnostiques qui font autorité
actuellement ne tiennent pas compte du développement cognitif général. De fait,
il est apparu que l’association d’un retard mental et d’un syndrome autistique
plus ou moins typique, ou plus ou moins complet, était d’une grande fréquence.
Si l’on considère l’ensemble des patients inclus dans les critères actuels
de l’autisme, on estime que plus de 75 % ont un certain degré de retard mental
et que dans la majorité des cas, le QI est estimé inférieur à 50.
A l’inverse, dans une population de déficients mentaux, la proportion de
cas dans lesquels coexistent des symptômes autistiques est d’autant plus impor-
tante que le niveau de développement est plus bas :
* de 2 % chez les enfants dont le QI est compris entre 50 et 69,
* elle passe à 86 % lorsque le QI est inférieur à 20.

14
Cette notion est importante à plusieurs points de vue. Tout d’abord, dans
la pratique clinique on a tendance à privilégier la symptomatologie autistique en
négligeant ou en minimisant le retard mental. Or, la plupart des études sur l’évo-
lution montrent que, même s’il est difficile à évaluer, le niveau de développe-
ment cognitif général (imparfaitement résumé par le QI) reste, avec l’acquisition
du langage, un des principaux déterminants de l’évolution.
Par ailleurs, il faut noter qu’une grande partie des recherches sur les cor-
rélats neuro-biologiques de l’autisme concernent en fait, majoritairement, des
cas d’autisme comportant un retard mental moyen ou sévère. De ce fait, il est
souvent difficile de préciser si les associations observées sont liées au retard
mental ou concernent spécifiquement l’autisme.
Compte tenu des difficultés liées à l’hétérogénéité actuelle de l’autisme,
de plus en plus d’auteurs soutiennent la nécessité d’individualiser des sous-caté-
gories de ce syndrome. On s’est beaucoup intéressé, ces dernières années, aux
autistes dits de haut niveau - qui correspondent probablement davantage aux cas
décrits par Kanner - n’ayant que peu ou pas de retard mental et qui peuvent
même présenter des capacités surprenantes dans certains domaines (calcul,
mémoire, représentation graphique, ou musique). La notion « d’autisme de haut
niveau » se superpose plus ou moins avec la notion de syndrome d’Asperger sur
lequel nous reviendrons plus loin.
Mais il serait sans doute important aussi, de s’intéresser davantage aux
autistes avec grave retard mental (QI inférieur à 20). En effet, leur prise en
charge pose des problèmes majeurs tant aux institutions accueillant des défi-
cients mentaux qu’aux rares institutions spécifiques pour enfants autistes.

♦ Les autres troubles envahissants du développement


La connaissance d’une pathologie ne saurait être complète sans la prise
en considération des différences, similitudes et parentés éventuelles avec
d’autres affections.
En ce qui concerne l’autisme, comme pour la plupart des pathologies psy-
chiatriques, il s’agit là autant d’une question de diagnostic différentiel que d’un
problème de délimitation.
La CIM 10 et le DSM IV décrivent, dans le chapitre des troubles envahis-
sants du développement, plusieurs autres syndromes :
• le syndrome de Rett est caractérisé par l’apparition, après quelques mois
de développement normal, d’une régression des acquisitions psychomo-
trices, accompagnée d’une décélération de la croissance du crâne, d’une

15
perte de la motricité manuelle intentionnelle, remplacée par des stéréo-
typies particulières à type de torsion ou de lavage des mains ; il existe
enfin, surtout au début, une diminution de l’intérêt pour l’environnement
social. C’est ce dernier symptôme qui a pu, dans certains cas, faire por-
ter abusivement le diagnostic d’autisme. Récemment, une anomalie d’un
gène porté par le chromosome X a été mis en évidence dans ce syn-
drome rare qui atteint presque exclusivement le sexe féminin (contraire-
ment à l’autisme). Il faut rappeler ici que d’autres affections génétiques,
notamment le syndrome d’Angelmann, sont susceptibles de présenter
des traits autistiques pendant toute ou partie de leur évolution.
• Le trouble désintégratif de l’enfance est une autre éventualité rare : ce
terme désigne des cas dans lesquels une régression de la communication
verbale et non verbale, ainsi que des relations sociales survient après au
moins deux années de développement en apparence normal.
• Mais c’est surtout le syndrome d’Asperger qui suscite des discussions,
depuis qu’il a été introduit par la CIM 10, puis repris par le DSM IV.
Dans cette dernière classification, les critères, pour ce diagnostic, exi-
gent en plus des caractéristiques symptomatiques du trouble autistique,
l’absence de retard général du langage et l’absence de retard « dans le
développement cognitif, le comportement adaptatif et la curiosité pour
l’environnement ».
Depuis son introduction, en 1993, se pose la question de savoir s’il s’agit
d’un syndrome autonome ou d’une simple variante clinique de l’autisme (recou-
vrant la notion d’autisme « de haut niveau »).
Par ailleurs, certains auteurs ont proposé d’autres critères, moins exi-
geants que ceux du DSM IV, permettant d’appliquer ce diagnostic à des sujets
présentant des troubles modérés des interactions sociales, même s’ils présentent
un certain degré de retard mental.
Cette dernière proposition vise en fait à réduire la catégorie résiduelle :
« Troubles envahissants du développement non spécifiés », pour laquelle il n’y a
pas de critères spécifiques, seulement une description assez vague (altération
sévère et envahissante du développement de l’interaction sociale ou des capaci-
tés de communication verbale et non verbale, soit des comportements, des inté-
rêts et des activités stéréotypés). Or, on sait qu’un nombre important d’enfants
(1,5 à 2 fois plus que ceux répondant aux critères stricts de l’autisme) sont sus-
ceptibles d’entrer dans ce cadre.
Un des intérêts de la classification française (CFTMEA) a été de s’inté-
resser depuis longtemps à ce groupe d’enfants : une grande partie correspond
en effet aux dysharmonies psychotiques (association de retards et dysfonc-

16
tionnements dans le domaine du langage ou de la psychomotricité, de troubles
des relations à autrui, ainsi que de difficultés du contrôle pulsionnel et des
productions fantasmatiques). Par ailleurs, la CFTMEA, dans sa ve rs i o n
récemment révisée, inclut dans le chapitre qu’elle consacre aux psychoses, les
catégories cliniques du chapitre « troubles envahissants du développement »
de la CIM 10.
La difficulté de cette discussion renvoie à la complexité même de la réa-
lité clinique qui confronte, en fait, à une infinité de variantes, souvent intermé-
diaires entre les types décrits par les classifications.

♦ Données épidémiologiques
C’est encore un domaine en plein remaniement. Tant que l’on a pris pour
référence la description de Kanner, les études épidémiologiques donnaient une
prévalence de l’autisme dans la population générale de 2 à 4 pour 10 000, avec
une sur-représentation du sexe masculin (classiquement 4 garçons pour 1 fille).
Depuis la publication du DSM III, les chiffres apportés par les enquêtes
n’ont cessé d’augmenter. Alors qu’il y a encore quelques années on s’accordait
sur une estimation moyenne de 6 à 8 pour 10.000, plusieurs études récentes
avancent des prévalences supérieures à 10 pour 10.000.
L’interprétation de cette augmentation est, comme tout ce qui concerne
l’autisme, discutée. Il est probable que l’un des facteurs explicatifs majeurs est
l’évolution des critères diagnostiques (une étude avait montré que, appliqués à
un même groupe de patients, les critères du DSM III faisaient inclure dans l’au-
tisme 25 % de sujets de plus que ceux de la CIM 10 !). On souligne aussi le rôle
probable des progrès du diagnostic et du dépistage de l’autisme.
Mais quelques auteurs, repris par les média et sur Internet, avancent aussi
la notion d’une « épidémie » d’autisme dans les pays développés, épidémie
qu’ils rapprochent des campagnes de vaccination contre la rougeole. C’est ce
qui a amené récemment l’Association des Pédiatres Américains à une mise au
point rappelant qu’il ne s’agit là que d’hypothèses non confirmées et recom-
mandant la poursuite des campagnes vaccinales.

♦ Les données de la recherche


Depuis plus de 30 ans, un effort considérable de recherche s’est déployé
dans de multiples directions pour tenter de comprendre l’origine et les méca-
nismes neurobiologiques sous-jacents aux troubles autistiques. Malgré le
nombre considérable d’études publiées, peu de données restent aujourd’hui

17
indiscutables : des résultats, parfois annoncés bruyamment dans les média, n’ont
pas été confirmés par des études ultérieures. L’une des clés de ces divergences
est probablement l’hétérogénéité des troubles autistiques : il est probable, en
effet, qu’en dépit de la référence aux mêmes critères diagnostiques, les études
dont les résultats sont contradictoires portent, en fait, sur des populations com-
portant des différences non envisagées par ces critères (degré de retard mental,
notamment). Il est possible qu’on soit ici dans une situation analogue à celle
d’un chercheur qui tenterait vainement de découvrir des anomalies biologiques
communes chez les sujets présentant un même niveau de retard mental, mais
relevant en fait d’étiologies différentes.

Pathologies associées
Il paraît aujourd’hui clairement établi que le syndrome autistique, surtout
s’il est associé à un retard mental, peut s’observer chez des patients porteurs
d’affections reconnues, notamment d’affections génétiques. Les maladies pour
lesquelles la probabilité de cette association dépasse nettement ce que voudrait
le simple hasard, sont la maladie de Bourneville, le syndrome d’Angelmann et
le syndrome de l’X fragile, (encore que, dans ce dernier cas, la fréquence de
l’association ait été revue à la baisse dans les études les plus récentes). Rappe-
lons aussi que près de 30 % des personnes présentant des troubles autistiques,
présentent des manifestations épileptiques apparaissant à un âge variable, sou-
vent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte.
Globalement cependant, si on considère une population d’enfa n t s
autistes, c’est seulement chez une minorité d’entre eux (20 à 40 % au maxi-
mum) qu’on peut identifier de telles pathologies associées. Ce chiffre est suffi-
sant, toutefois, pour justifier des examens neuro-pédiatriques et génétiques
approfondis lorsque le diagnostic d’autisme est évoqué.

Les études biochimiques


D e nombreuses études ont porté sur le métabolisme des
neuromédiateurs ; un seul résultat est confirmé : l’augmentation de la sérotonine
dans le sang, observée chez environ 30 % des autistes. Mais on ne sait pas si
cette augmentation a un rapport quelconque avec une modification du métabo-
lisme de la sérotonine cérébrale.
Les études sur les endorphines ont donné, jusqu’ici, des résultats contra-
dictoires.
Plusieurs études, par contre, suggèrent l’existence d’une réponse hormo-
nale au stress, augmentée chez les patients autistes.

18
Etudes d’imagerie cérébrale
Les progrès des techniques d’image rie cérébrale ont relancé les
recherches d’une anomalie morphologique ou fonctionnelle du cerveau dans
l’autisme. Mais dans ce domaine non plus, il n’y a pas actuellement de résultat
établi de manière indiscutable. On s’est beaucoup intéressé au cervelet, après la
publication par Courchesne (1995) d’anomalies du vermis (partie centrale) céré-
belleux constatées à l’IRM chez les autistes adultes ; ceci semblait corroborer le
constat d’une réduction des cellules du cervelet fait dans quelques cas d’autop-
sie. Les études en IRM qui se sont succédées depuis cette première publication
ont donné des résultats contradictoires et actuellement on considère que les ano-
malies cérébelleuses ne sont en aucune façon constantes chez les personnes
autistes, et que si elles existent, elles sont probablement non spécifiques (elles
s’observent dans des cas de retard mental sans autisme).
L’intérêt se porte davantage, actuellement, sur les techniques d’imagerie
fonctionnelle qui permettent de visualiser le métabolisme lors de l’activation de
différentes zones cérébrales. Ces études commencent à apporter des résultats
intéressants (notamment des anomalies métaboliques dans les régions normale-
ment impliquées dans le langage (Zilbovicius et collaborateurs) mais ces don-
nées demandent encore à être confirmées par d’autres équipes. Il faut rappeler
de plus, que la plupart de ces techniques, qui exigent une certaine coopération
du patient, ne peuvent être appliquées qu’à un petit nombre d’autistes dits de
« haut niveau ».
Etudes génétiques
Deux arguments majeurs sont en faveur de l’implication de facteurs géné-
tiques dans l’autisme.
• D’une part, les études épidémiologiques qui montrent que le risque de
trouver un deuxième cas dans une famille où existe déjà un enfant
autiste, est de 6 à 8% soit 100 fois plus que dans la population générale.
• D’autre part, les recherches sur les jumeaux qui montrent que lorsqu’il
s’agit d’un couple monozygote la concordance de l’autisme est de 60 %,
soit 10 fois plus importante que dans un couple hétérozygote (pour
lequel le risque est identique à celui d’autres membres de la fratrie : 6 à
8 %).
Partant de ces données, plusieurs groupes cherchent actuellement à préci-
ser les régions chromosomiques communes aux sujets atteints d’une même
famille, ce qui devrait permettre d’identifier les gènes impliqués.
Malheureusement, les résultats des quatre grandes études internationales
publiées jusqu’ici ne sont pas tous concordants : si toutes s’accordent sur une

19
zone située sur le chromosome 7, d’autres zones chromosomiques (chromo-
somes 1, 2, 6, 13, 18, 16, 19) sont signalées par certaines équipes et non par
d’autres.
A nouveau se pose la question de l’hétérogénéité probable de l’autisme. Il
n’est pas exclu d’ailleurs que les facteurs génétiques soient impliqués dans cer-
taines formes d’autisme et non dans d’autres.
On comprend combien il est difficile actuellement de donner des conseils
génétiques aux familles, qui le demandent avec une insistance bien compréhen-
sible.
Recherches cognitives
Les premières études ont cherché à identifier des particularités des pro-
cessus impliqués dans la communication, le traitement de l’information senso-
rielle, le raisonnement, l’utilisation des symboles. On a montré ainsi que les
autistes pouvaient être très performants dans la saisie de détails d’un stimulus,
mais avaient des difficultés particulières à replacer ces détails élémentaires dans
un ensemble signifiant. On a montré aussi leurs difficultés à généraliser les
apprentissages acquis dans un domaine donné, ainsi que leur achoppement dans
les processus de symbolisation.
Plus récemment, on s’est intéressé au domaine des cognitions sociales,
c’est à dire aux processus qui interviennent dans la communication et les rela-
tions entre les individus. On savait déjà, par l’observation clinique, que les
autistes utilisent peu les gestes et mimiques exprimant des états affectifs ; cer-
taines études suggéraient, de plus, un défaut de compréhension des manifesta-
tions émotionnelles d’autrui. A la suite de ces travaux, S. Baron-Cohen,
U. Frith, A. Leslie ont avancé l’hypothèse d’une incapacité à attribuer à autrui
des croyances, des pensées (déficit de « théorie de l’esprit », représentation
empathique que chacun se forme de la pensée d’autrui) qui serait l’anomalie
fondamentale expliquant l’ensemble des manifestations de l’autisme. Cette
hypothèse séduisante est étayée par des données expérimentales. Il n’est cepen-
dant pas sûr qu’on puisse appliquer ces résultats à l’ensemble des enfants consi-
dérés actuellement comme autistes (2). D’autre part, l’interprétation de ces don-
nées est encore discutée : la « théorie de l’esprit » est-elle innée, ou se
constitue-t-elle dans les premiers échanges de l’enfant avec son environnement
(P. Hobson). L’intervention d’autres dysfonctionnements cognitifs (troubles des
fonctions exécutives, déficit de cohérence centrale) a aussi été suggérée.

(2) Ces épreuves sont réalisées essentiellement chez des autistes obtenant des niveaux proches de la normale
aux tests d’efficience intellectuelle ; d’autre part, 20 % des enfants autistes testés et la plupart des cas de syn-
drome d’Asperger, réussissent les épreuves de « théorie de l’esprit ».

20
Mais la question que continuent de poser ces recherches est de savoir s’il
est suffisant de penser l’autisme en termes de déficience des fonctions touchant
à la communication intersubjective : une clinique attentive ne peut manquer de
faire évoquer l’idée d’un retrait social actif et non d’un simple déficit.
Ceci conduit à réinterroger la place actuelle des théorisations psychanaly-
tiques.

Place de la psychopathologie et de la psychanalyse


Il faut dépasser aujourd’hui le grave malentendu qui, partant d’une vulga-
risation et d’une présentation trop schématique d’hypothèses psychanalytiques,
a fait peser sur les parents un surcroît de sentiment de culpabilité et de souf-
france. C’était, faut-il le rappeler, méconnaître que la psychanalyse ne se situe
pas sur le plan de la causalité des événements pathologiques, mais sur celui de
leur signification. Il en est résulté un rejet, parfois violent, de toute approche
psychologique. Mais faudrait-il croire que les personnes autistes, à l’opposé de
tout autre être humain, sont totalement imperméables aux influences des rela-
tions avec leur entourage ? La réalité clinique montre le contraire. Ceci conduit,
non pas à accuser la famille, mais à reconnaître l’importance des parents dans
l’évolution de l’enfant (ce que confirment toutes les études). La nécessité de
leur apporter un soutien et de rechercher leur coopération apparaît à tous comme
une priorité.
Les recherches psychanalytiques contemporaines se sont dégagées des a
priori étiologiques et tentent de modifier le cours du processus autistisant - pour
reprendre l’expression de J.Hochmann - en cherchant à mieux comprendre et à
modifier les mécanismes psychiques qui l’entretiennent. C’est la valeur défen-
sive du retrait autistique qui est mise en valeur. Des défenses qui luttent contre
des angoisses difficiles à figurer, mais que le comportement parfois violent et
destructeur - souvent vis à vis d’eux-mêmes - de certains patients nous fait pres-
sentir et dont les écrits d’autistes particulièrement doués, nous donnent une
représentation.
Pour conclure, l’autisme garde encore une large part d’inconnu et suscite
encore bien des débats.
Quelques points de consensus se dégagent cependant.
• Il n’est plus guère discuté que, dans la description actuelle, l’autisme
correspond non pas à une maladie unique mais à un syndrome, proba-
blement hétérogène, résultant probablement de facteurs étiologiques
multiples - éventuellement associés (ex : génétique + environnement).

21
• On s’accorde aussi sur la nécessité d’un abord aussi précoce que pos-
sible ; c’est ce qui justifie l’intérêt actuel pour les recherches sur le
dépistage et le diagnostic chez de très jeunes enfants.
• De plus en plus d’auteurs s’accordent aujourd’hui pour reconnaître la
nécessité d’associer action thérapeutique et actions relevant du domaine
éducatif et pédagogique. L’opposition entre soin et éducation qui a mar-
qué il y a une vingtaine d’années les débats dans les milieux spécialisés,
apparaît aujourd’hui dépassée : la nécessité d’une articulation entre ces
deux dimensions, chacune appuyant l’autre, est de plus en plus reconnue
par tous.
Dans ce contexte de prise en charge pluridisciplinaire concertée, menée
dans une perspective à long terme, le travail sur la communication précoce que
mènent des orthophonistes, a de plus en plus une place essentielle.

REFERENCES
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des Troubles du Comportement. Masson, Paris 1993
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WING L., GOULD J., 1978, Systematic recording of behaviour skills of retarded and psychotic children.
Journal of Autism and Childhood Schizophrenia 1978, 8 : 79-97

22
Classification de l’autisme et des troubles apparentés

CIM 10 DSM IV CFTMEA CFTMEA-Révisée


1993 1994 1988 2001

Troubles Envahissants Troubles Envahissants Psychoses Autisme et Troubles


du Développement du Développement Psychotiques

• Autisme Infantile Tr. Autistique • Autisme PSYCHOSES


Infantile PRECOCES
Précoce (troubles envahissants
type Kanner du développement)
• Autisme Atypique Syndrome de Rett • Autres formes • Autisme infantile
Tr Désintégratifs de l’Autisme précoce - type Kanner
de l’Enfance Infantile Autres formes de
Syndrome d’Asperger l’autisme
• Syndrome d’Asperger
• Dysharmonies
psychotiques
• Troubles désintégratifs
de l’enfance
• Syndrome de Rett TED non spécifié • Psychoses • Psychose précoce
• Autres Tr. Précoces déficitaire,
Désintégratifs Déficitaires Retard mental
• Tr Hyperactifs avec • Dysharmonies avec troubles
retard mental et Psychotiques autistiques ou
stéréotypies psychotiques
• Syndrome d’Asperger • Autres psychoses
• Autres TED précoces ou autres
• TED non spécifié troubles envahissants
du développement
• Psychoses précoces
ou troubles envahissants du
développement non
spécifiés

• Schizophrénie SCHIZOPHRENIES
de l’Enfant • Schizophrénie de l’enfant
• Troubles
schizophréniques à
l’adolescence

TROUBLES DELIRANTS
TROUBLES
PSYCHOTIQUES AIGUS
• Trouble psychotique aigu
polymorphe sans symptômes
schizophréniques
• Trouble psychotique aigu
polymorphe avec symptômes
schizophréniques

23
♦ Critères de l’Autisme infantile (CIM10)
A. Avant 3 ans, anomalies ou altérations du développement, dans au moins un des domaines
suivants :
(1) langage (type réceptif ou expressif) utilisé dans la communication sociale ;
(2) développement des attachements sociaux sélectifs ou des interactions sociales réci-
proques ;
(3) jeu fonctionnel ou symbolique.
B. Au moins six des symptômes décrits en (1), (2), et (3), avec au moins deux symptômes du cri-
tère (1) et au moins un symptôme de chacun des critères (2) et (3).
(1) Altérations qualitatives des interactions sociales réciproques ; dans au moins deux
des domaines suivants :
• absence d’utilisation adéquate du contact oculaire, de l’expression faciale, de l’attitude
corporelle et de la gestualité pour réguler les interactions sociales ;
• incapacité à développer (de manière correspondant à l’âge mental et bien qu’existent de
nombreuses occasions) des relations avec des pairs, impliquant un partage mutuel d’inté-
rêts, d’activités et d’émotions ;
• manque de réciprocité socio-émotionnelle se traduisant par une réponse altérée ou
déviante aux émotions d’autrui ; ou manque de modulation du comportement selon le
contexte social ou faible intégration des comportements sociaux, émotionnels, et com-
municatifs ;
• ne cherche pas spontanément à partager son plaisir, ses intérêts, ou ses succès avec
d’autres personnes (par exemple, ne cherche pas à montrer, à apporter ou à pointer à
autrui des objets qui l’intéressent).
(2) Altérations qualitatives de la communication ; dans au moins un des domaines sui-
vants :
• retard ou absence totale de développement du langage oral (souvent précédé par une
absence de babillage communicatif), sans tentative de communiquer par le geste ou la
mimique ;
• incapacité relative à engager ou à maintenir une conversation comportant un échange
réciproque avec d’autres personnes (quel que soit le niveau de langage atteint) ;
• usage stéréotypé et répétitif du langage ou utilisation idiosyncrasique de mots ou de
phrases ;
• absence de jeu de « faire semblant », varié et spontané, ou (dans le jeune âge) absence de
jeu d’imitation sociale.
(3) Comportements, intérêts et activités, restreints stéréotypés et répétitifs ; dans au
moins un des domaines suivants :
• centres d’intérêts anormaux par leur contenu et leur focalisation ;
• adhésion compulsive à des habitudes ou rituels spécifiques, non fonctionnels ;
• maniérismes moteurs stéréotypés et répétitifs ;
• préoccupation pour certaines parties des objets ou des éléments non fonctionnels des
jouets.
C. Le tableau clinique n’est pas attribuable à d’autres troubles envahissants du développe-
ment ; trouble spécifique de l’acquisition du langage, versant réceptif (F80.2) ; trouble réac-
tionnel de l’attachement de l’enfance (F94.1) ; trouble réactionnel de l’attachement de l’en-
fance avec désinhibition (F94.2) ; retard mental avec quelques perturbations des émotions et du
comportement ou à une schizophrénie (F20.-) de survenue inhabituellement précoce ; syn-
drome de Rett (F84.2).

24
Problèmes posés par le diagnostic précoce
de l’autisme infantile chez le très jeune enfant
Anne Danion-Grilliat, Claude Burzstejn

Résumé
Le dépistage et la prise en charge précoce des enfants porteurs d’autisme permettent de
limiter autant que possible les conséquences gravissimes de ce syndrome, mais impliquent
et sollicitent forcément les parents. Porter un diagnostic tôt, prendre le temps d’accompa-
gner les parents, les aider à rencontrer leur enfant suppose un effort de formation des pro-
fessionnels de santé en charge de ces questions, mais également un effort au niveau de la
collaboration entre les différents professionnels.
Mots clés : autisme, dépistage précoce, diagnostic.

Issues raised by the early diagnosis of infantile autism


in very young children
Abstract
While the early diagnosis and treatment of autistic children can minimize to some extent the
extremely serious consequences of the syndrome, this practice necessarily requires that the
patient's parents be involved in the process. In order to make an early diagnosis, to take the
time to support parents over time, to help them understand and relate to their child, health
professionals involved in this pathology need to be trained accordingly and to collaborate.
Key Words : autism, early diagnosis, diagnosis.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


25
Anne DANION-GRILLIAT Claude BURZSTEJN
Professeur de psychiatrie de l’enfant Professeur de psychiatrie de l’enfant
et de l’adolescent et de l’adolescent
Service Psychothérapique pour Enfants Chef du Service Psychothérapique
et Adolescents pour Enfants et Adolescents
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
67000 Strasbourg 67000 Strasbourg

L
e diagnostic d’autisme infantile n’est le plus souvent porté qu’après l’âge
de 3-4 ans, voire même plus tard, alors que l’on sait, depuis Léo Kanner
(1943), qu’il peut être posé, car la maladie est constituée, dès l’âge de 36
mois. A cet âge, il s’appuie sur un retrait majeur de l’enfant, le souci d’immua-
bilité, des stéréotypies motrices et enfin des troubles majeurs de la communica-
tion et du langage. Mais le décalage entre le moment du diagnostic et la consti-
tution de la maladie elle-même à sa phase d’état n’est pas sans poser de
questions. Il n’est pas rare en effet de remarquer qu’il peut s’écouler quelques
mois, voire même années, entre le moment où les parents sont sensibles à une
anomalie d’un comportement de leur enfant et celui où ils consultent un méde-
cin. Parfois le pédiatre les a incités à consulter et ce sont eux qui retardent le
moment de rencontrer le spécialiste qui posera le diagnostic qu’ils subodorent.
Parfois, le délai est dû au fait que les premiers signes ne sont pas francs et l’in-
termittence des symptômes apparaît rassurante tant aux parents qu’aux profes-
sionnels qui rencontrent l’enfant. Il arrive également, de façon encore trop fré-
quente, que le médecin généraliste ou le pédiatre consulté soit lui-même réticent
à envisager un diagnostic évoquant une psychopathologie grave du jeune enfant
et qu’il ait ainsi tendance à minimiser voire même à dénier des troubles déjà
relativement évidents. Il se peut également, même lorsque l’hypothèse diagnos-
tique s’impose, qu’il y ait encore un retard dû à une enquête étiologique orga-
nique réalisée avant tout abord psychiatrique. Il faut préciser cependant que
l’enquête étiologique de type somatique est nécessaire (génétique, neuroradiolo-
gique, O.R.L., etc). Elle permet un diagnostic différentiel, et l’élimination par
exemple d’une maladie sensorielle de type surdité ou hypoacousie majeure qui
entraînerait un retrait relationnel important de l’enfant. Mais elle n’apporte que
très rarement un résultat positif (images neuroradiologiques, association à une
maladie neurologique ou génétique connue). De toutes façons, cette enquête ne
devrait pas retarder l’évaluation clinique et psychopathologique qui se déploie
toujours sur un certain temps avant d’arriver à une prise en charge et peut même
être menée de front.

26
Les pédopsychiatres ne sont pas les seuls professionnels concernés par le
diagnostic de l’autisme et la prise en charge très précoce de ces enfants. Insis-
tons sur le fait qu’il s’agit d’une approche pluri-disciplinaire qui doit être articu-
lée et qui est amplement justifiée par la difficulté du diagnostic d’autisme chez
un enfant très jeune. Il est nécessaire d’évaluer le développement de l’enfant
dans toutes les dimensions, ceci de façon générale mais plus particulièrement
dans cette situation d’autisme qui touche l’enfant dans ses capacités à entrer en
relation avec autrui et le monde extérieur. C’est au pédiatre que revient en géné-
ral le soin de repérer les prémices de ces troubles. Les psychologues, orthopho-
nistes et psychomotriciens, formés à l’examen des très jeunes enfants et des
troubles précoces de la communication, sont également particulièrement sollici-
tés.
Si nous avons insisté sur le retard encore trop fréquent à poser le diagnos-
tic et mis en évidence les différentes raisons de ce retard, nous voudrions dans
cet article insister sur le fait que, malgré l’absence d’outils d’une grande spécifi-
cité, il est nécessaire que tous les professionnels de la petite enfance soient sen-
sibilisés à cette question de la gravité des troubles relationnels et de la commu-
nication chez le très jeune enfant et ne laissent pas passer un temps précieux en
espérant une évolution spontanément résolutive. Il faut porter très tôt une atten-
tion toute particulière au développement relationnel et de la communication pré-
verbale de l’enfant. Les examens systématiques de santé du tout petit devraient
permettre ce dépistage précoce. Nous y reviendrons.
La plupart des auteurs et des psychiatres cliniciens s’accordent sur l’inté-
rêt de la précocité de la prise en charge de ces enfants. Ils insistent sur ce fait
dans le but de limiter autant que possible les conséquences gravissimes de ce
syndrome, d’éviter une évolution vers un syndrome autistique complet (Houzel
1994), et, ce qui est très important, la mise en place de dysfonctionnements rela-
tionnels surajoutés au sein même de la famille et dûs aux difficultés parentales à
comprendre le fonctionnement de leur enfant malade. Soutenir les parents d’un
enfant autiste très jeune permet en effet d’éviter la mise en place d’un cercle
vicieux pathogène dû non pas à une pathologie parentale qui retentirait sur l’en-
fant et créerait l’autisme, mais plutôt aux effets de l’autisme sur les capacités
des parents à tenir leur place. Il est essentiel de souligner qu’un diagnostic et
des soins précoces apportés à un enfant autiste impliquent et sollicitent forcé-
ment les parents. Porter un diagnostic tôt, prendre le temps d’acccompagner les
parents dans ce temps plus ou moins long de l’acceptation du diagnostic, les
aider à rencontrer leur enfant si déroutant, permet une meilleure alliance théra-
peutique et, à terme, peut-être, une meilleure évolution de l’enfant. Ceci sup-
pose un effort de formation des professionnels de santé en charge de ces ques-

27
tions, mais également un effort au niveau de la collaboration entre les différents
professionnels.

♦ Age de début de l’autisme infantile


Dans sa publication princeps où il décrivait le syndrome d’autisme infan-
tile, Léo Kanner indiquait que « les troubles autistiques du contact affectif »
existent « dès le début de la vie ». Cette notion a été reprise dans les classifica-
tions françaises et internationales de psychopathologie de l’enfant, puisque « le
début des troubles avant 30 mois » est le premier critère diagnostique reconnu,
en particulier dans la classification de l’O.M.S. (CIM X). Cependant, cette for-
mulation ne rend pas compte de la complexité de mise en place d’apparition des
symptômes, ni de la diversité selon les enfants.
Sauvage (1984) a mis en évidence la disparité du discours parental en
rapport avec l’âge d’apparition des premiers troubles. En effet, certains disent
avoir remarqué, dès les premiers mois, quelque chose d’anormal dans le com-
portement de leur bébé ; d’autres disent n’avoir rien remarqué avant la fin de
la première année, voire même avant l’âge de 18 ou 24 mois. Ceci est
confirmé par d’autres données de la littérature. Une méta-analyse de huit
études publiées (totalisant 1512 patients) (Rogers et Dilalla D.L., 1990)
montre que les parents situent le début des troubles vers la fin de la première
année dans 38 % des cas, dans 41 % des cas au cours de la deuxième année,
dans 16 % des cas entre 2 et 3 ans et dans 5 % des cas seulement au-delà de 3
ans. Fombonne et De Giacomo se sont également penchés sur les données rap-
portées par les parents de 82 enfants autistes, présentant un syndrome d’As-
perger ou un autre trouble envahissant du développement. Les résultats sont à
peu près identiques puisqu’ils montrent que dans 30 % des cas les parents ont
remarqué l’anomalie avant 1 an, dans 80 % des cas avant 2 ans. Dans la majo-
rité des cas (74,4 %), ce sont les retards de parole qui les avaient alertés, et
dans 39 % des cas les premiers signes notés étaient des anomalies des
réponses sociales et émotionnelles. Il est évident que ces données, toujours
rétrospectives, reposent sur les seuls dires des parents et peuvent bien sûr être
considérées comme biaisées par une reconstruction a posteriori. Cependant
elles se recoupent et montrent donc une certaine fiabilité.
Les chercheurs ont tenté de confirmer, même a postériori, les éléments
cliniques rapportés par les parents. Un certain nombre se sont penchés sur
l’étude de films ou d’enregistrements vidéo familiaux prêtés par les parents.
Ils ont ainsi essayé de saisir plus objectivement les signes autistiques dans
leurs toutes premières manifestations (Massie, 1975, Mazet, 1990, Adrien &

28
al. 1993, Baranek & al. 1999, Malvy & al. 1997). Ainsi les recherches
publiées comparent les enregistrements d’enfants autistes avec des enregistre-
ments d’enfants dont le développement est normal ou qui présentent un retard
mental sans signe autistique. Des examinateurs ont ainsi repéré, sans connaître
le diagnostic posé chez l’enfant, et à l’aide de grilles d’évaluation pré-établies,
des signes discrets ou des dysfonctionnements interactifs au cours de la pre-
mière année. Mars & Co. (1998) ont comparé les vidéo (enregistrées entre
l’âge de 12 et 30 mois) d’un groupe de dix enfants autistes et d’un groupe de
quinze enfants présentant des troubles envahissant du développement non spé-
cifiés avec des enregistrements d’enfants témoins, présentant un développe-
ment cliniquement normal. Ils relèvent ainsi quelques différences significa-
tives mais cependant re l at ives. Mais il n’est pas sûr que la sémiologie
différentielle, très subtile, repérée dans ces conditions puisse être utilisable
dans des conditions d’examen médical systématique voire même d’observa-
tion familiale.
L’étude de Maestro & al. (1999) a permis de mettre en évidence des
modalités d’entrée différenciées dans la symptomatologie autistique. A partir de
l’étude de vingt-six films familiaux ces auteurs ont repéré trois modalités de
début :
- progressif, dès le deuxième trimestre de la vie de l’enfant, lorsque se
mettent en place un manque de vivacité et de modulation de l’état affec-
tif, sans que pour autant des troubles de la communication soient d’em-
blée évidents ;
- régressif, lorsque, après une période sans anomalie où l’enfant recher-
chait les contacts sociaux, on observe, généralement autour de 18 mois,
un changement dans l’expression du regard de l’enfant et l’apparition de
conduites de repli et d’isolement ;
- enfin, mais de façon beaucoup moins fréquente (3 cas observés), en
alternance c’est-à-dire lorsque l’on observe, entre 6 et 18 mois, des
moments où l’enfant semble interagir normalement avec son entourage
et d’autres où il présente les signes évoqués ci-dessus, en particulier de
repli.
Ces données semblent confirmer les constatations cliniques des parents et
le fait qu’il existe d’importantes variations inter individuelles concernant l’âge
auquel se manifestent les premiers signes d’autisme et leur modalité d’appari-
tion. Elles permettent de mettre en évidence deux âges privilégiés pour repérer
les signes précoces de l’autisme : la fin de la première année et la fin de la
deuxième année.

29
♦ Difficultés d’un diagnostic précoce de l’autisme infantile
Malgré ce que nous avons dit précédemment, ce n’est à l’évidence
qu’entre l’âge de 2 et 3 ans que les signes sur lesquels repose le diagnostic d’au-
tisme infantile deviennent, dans la majorité des cas, tout à fait caractéristiques.
Auparavant, la symptomatologie classique de l’autisme est incomplète,
voire intermittente (Danion-Grilliat A., 1996). En outre, à l’exception de
l’échelle ECA-R (Echelle de Comportement Autistique - Révisée) de Barthé-
lémy et al. (1996), les outils diagnostiques tels qu’échelles et questionnaires
standardisés qui font actuellement référence pour le diagnostic d’autisme chez
les enfants de plus de 5 ans, et notamment l’ADI (Autistic Diagnostic Interview-
Lord & al., 1994), ne sont ni adaptés ni validés pour des enfants de moins de
3 ans.
Les signes précoces que l’on retrouve classiquement sont les suivants :
manque d’intérêt du bébé pour les interactions sociales, anomalies du regard, de
l’adaptation du tonus, ou plus simplement « bébé trop sage ». Ces symptômes
ne prennent valeur de signes précoces en général qu’a posteriori. D’autres
signes, signalés comme classiques, sont repérés de façon très inconstante et ne
sont absolument pas spécifiques de l’autisme infantile : insomnies rebelles, ou
anorexies primaires très sévères. De plus, il existe des situations où des troubles
du contact social de type autistique ont été observés avant 2 ans mais n’ont pas
été confirmés ultérieurement. Ceci amène certains auteurs à considérer que l’au-
tisme ne peut pas être diagnostiqué de façon fiable au cours de la toute première
enfance.
De toute façon, les premiers symptômes relevés chez les enfants autistes
sont souvent discrets et difficiles à différencier des manifestations d’autres états
pathologiques du très jeune enfant, comme le montrent les enquêtes auprès des
parents, mais aussi celles plus systématiques et à partir des vidéos familiales.
Pour certains auteurs comme Guedeney (1999) ou Carel (2000), il ne s’agirait
pas seulement d’un problème de diagnostic différentiel dans la mesure où le
syndrome autistique ne serait qu’une des évolutions possibles d’une réaction
indifférenciée (« la réaction de retrait »), elle-même susceptible d’être provo-
quée par toute une série de facteurs organiques et / ou environnementaux. Cette
évolution vers le syndrome autistique serait en fait la plus grave. Guedeney
(1999) a montré grâce à l’échelle ADBB (Alarme-Détresse-Bébé-Brune) qu’une
réaction durable de retrait peut correspondre autant à une dépression, des
troubles de l’attachement, un dysfonctionnement interactif important, un déficit
sensoriel, un état douloureux intense, une pathologie organique, qu’à un début
d’évolution autistique.

30
Le dépistage précoce des troubles autistiques soulève des problèmes tant
cliniques que théoriques puisque sous-jacentes, ap p a raissent plusieurs
questions :
- L’autisme est-il une pathologie innée c’est-à-dire un trouble ou un défi-
cit présent dès la naissance, voire même avant, dont l’expression serait
limitée avant l’âge de 2 ans par la relative pauvreté du répertoire moteur
et expressif de l’enfant mais dont il faudrait repérer les premiers signes
dès les premières semaines.
- S’agit-il d’un processus dynamique, voire même développemental qui
se constituerait au cours des premiers mois, ou des premières années de
l’enfant, qui dépendrait de facteurs de vulnérabilité prénataux (géné-
tique ou autres) et dont le cours pourrait éventuellement être inversé ou
modifié.
- Ou ces deux hypothèses sont-elles valables selon les enfants ?
Il est certain que les données actuelles de la littérature et de la clinique ne
permettent pas de trancher, et l’on peut espérer que des études prospectives
aideront à clarifier ces questions.

♦ L’apport des recherches actuelles concernant le diagnostic précoce


et/ou le dépistage précoce de l’autisme
Il est important, avant toute chose, de faire la distinction entre diagnostic
et dépistage. S’il est admis que le diagnostic d’autisme dans sa forme d’état ne
peut être porté qu’autour de l’âge de 2 ans 1/2 - 3 ans, cela ne contredit en
aucun cas la nécessité de repérer des signes précoces plus ou moins prédictifs de
l’autisme. C’est cela qui doit être considéré comme dépistage.
Compte-tenu de la subtilité des signes les plus précoces, l’intérêt se porte
actuellement vers la recherche d’indices comportementaux prédictifs sur les-
quels puisse s’appuyer le dépistage précoce. Ceci permettrait la mise au point
d’instruments de dépistage suffisamment simples pour être utilisés dans le cadre
des examens systématiques des nourrissons et des très jeunes enfants.
A la suite de recherches sur le développement des cognitions sociales,
S. Baron-Cohen a construit un questionnaire, le CHAT (check-list for autism in
toddlers ou Questionnaire pour l’autisme pour les tout petits). Ce questionnaire
est composé de 9 questions posées aux parents et de 5 items qui portent sur
l’observation que peut faire le médecin ou l’infirmière dans le cadre d’une
consultation. Ce questionnaire évalue plus spécifiquement 3 comportements qui
sont reconnus comme faisant habituellement défaut chez les enfants autistes :

31
l’attention conjointe, le pointage proto-déclaratif (et non pas proto-impératif
présent chez l’enfant autiste) et le jeu de faire semblant. (Baron-Cohen et al.,
1992).
Une autre étude de Baron-Cohen et al., (1996) a porté sur une population
de 16 000 enfants de 18 mois et a permis de détecter à l’aide du CHAT, 10 cas
d’autisme confirmés à l’âge de 42 mois. Ces auteurs ont ainsi pu confirmer la
spécificité du CHAT pour la mise en évidence de symptômes prédictifs spéci-
fiques de l’autisme. Cependant, une étude récente de Baird et al. (2000) indique
que la sensibilité du CHAT est relativement faible car il ne permettrait de dépis-
ter que 38 % des cas d’autisme et d’autres troubles envahissants du développe-
ment. La faible sensibilité de cette échelle est peut-être due à un problème
méthodologique mais cela montre aussi les limites d’une approche qui se fonde
sur une conception plus théorique que clinique. De plus, il est nécessaire de sou-
ligner que le CHAT ne suffit en aucun cas pour affirmer le diagnostic d’autisme
et qu’il ne règle pas le problème des instruments de diagnostic pour les enfants
de moins de 18 mois.
Si l’âge de 18 mois, retenu par l’étude de Baron-Cohen pour son étude en
Angleterre, paraît relativement bien choisi d’un point de vue économique pour
dépister le plus grand nombre d’enfants autistes en un seul examen, il est indé-
niable que cet âge reste relativement tardif en ce qui concerne les enfants dont
les manifestations autistiques apparaissent dans la première année. La question
est donc de savoir si l’on peut envisager un dépistage plus précoce encore (au
Royaume-Uni, l’examen systématique des nourrissons se situe à cet âge).
Plusieurs recherches sont actuellement en cours pour tenter de repérer des
signes apparaissant avant 18 mois. A partir des connaissances acquises sur le
premier développement et les données de la clinique très précoce des troubles
autistiques, plusieurs équipes, en particulier françaises, travaillent à la mise au
point d’outils de dépistage utilisables chez les très jeunes enfants : 13 mois pour
une étude hollandaise (Buitelaar JK, 1999) ; 8 - 9 mois et 24 mois pour une
étude multicentrique française coordonnée par Bursztejn, Danion-Grilliat et al.
(1998). (Dans cette recherche, nous nous proposons d’examiner les enfants dans
le cadre des examens systématiques et obligatoires du nourrisson, en France.
Pour l’examen du 9e mois, nous avons élaboré un questionnaire qui explore dif-
férents aspects de la communication préverbale et de l’établissement des pre-
miers échanges avec l’environnement. Ce questionnaire, comme pour l’étude de
Baron-Cohen, recueille à la fois les réponses apportées par les parents et les
observations des cliniciens. Il comporte des items faciles à mettre en évidence
dans les conditions habituelles d’un examen pédiatrique et qui concernent la

32
communication, la relation à autrui, l’attention conjointe, la motricité. Pour
l’examen du 24e mois, nous utilisons, ce qui permettra de le valider en France, le
CHAT) ; Pierre Delion et Bullinger étudient les anomalies motrices et posturales
et le groupe Préaut (MC. Laznik) cherche à confirmer la valeur prédictive dès le
3e mois de vie de l’enfant, de l’aspect spécifique des échanges relationnels mère
- bébé, dans une perspective psychanalytique (« les boucles pulsionnelles »).
Soulignons encore qu’une vaste étude de type épidémiologique concer-
nant la petite enfance ne peut de toute façon se situer que dans le cadre des exa-
mens systématiques du nourrisson et de la toute petite enfance mais que ces
examens sont réalisés à des âges différents d’un pays à l’autre (voir la différence
entre la Grande-Bretagne et la France), ce qui représente des problèmes posés
pour la comparaison de ces recherches.
De toute façon, il est encore trop tôt pour prédire ce que seront les résul-
tats de ces travaux de recherche. S’il n’est pas sûr qu’elles conduisent à une
identification spécifique des enfants à risque d’autisme, il est probable cepen-
dant qu’elles permettront au moins de dépister des situations menaçantes pour le
développement psychique de l’enfant et son ouverture à la communication,
situations justifiant pleinement des interventions spécialisées précoces. Ceci est
de toute façon un objectif important en terme de santé publique et ce simple
résultat permettra d’argumenter la nécessité absolue d’un regard précoce porté
sur les troubles du développement et de la communication des tout petits et leur
prise en charge.
En conclusion, le dépistage et le diagnostic précoce des troubles autis-
tiques sont une nécessité absolue et comportent une dimension éthique indé-
niable.
S’il faut suivre avec attention les recherches qui se développent actuelle-
ment dans ce domaine, il faut cependant rester prudent avant de diffuser des ins-
truments de dépistage dont la validité, la sensibilité et la spécificité ne sont pas
encore rigoureusement établies.
Il est important de souligner que la mise en évidence de signes évocateurs
d’un dysfonctionnement développemental chez l’enfant, même dans le cas
d’une recherche, ne peut se faire sans la mise en place simultanée de moyens de
prise en charge et de soins adaptés à ces très jeunes enfants. Il serait éthique-
ment impossible de soutenir que l’on peut chercher à mettre en évidence des
signes évocateurs ou prédictifs de l’autisme sans être en mesure de proposer en
même temps une aide et des soins appropriés à l’enfant et à ses parents. Ceci
implique donc que, de toutes façons, les équipes pédopsychiatriques disposent
de moyens nécessaires pour être disponibles à ces demandes et y apporter des

33
réponses adaptées. Mais cela implique aussi que les professionnels soient for-
més aux soins spécifiques à apporter aux enfants autistes ou en risque de le
devenir.

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35
L’évaluation des compétences communicatives
chez l’enfant autiste
Marie-Joëlle Fernandes

Résumé
Les altérations qualitatives de la communication constituent l’un des critères diagnostiques
du trouble autistique et doivent être évaluées de façon spécifique. Cet exposé montre l’inté-
rêt de se référer à une approche fonctionnaliste pragmatique du langage et présente
quelques outils permettant d’examiner les compétences communicatives, chez des enfants
d’âges et de niveaux de développement différents.
Mots clés : autisme, évaluation, pragmatique, communication verbale et non-verbale.

Assessment of communication skills in autistic children

Abstract
One of the diagnostic criteria of autism is the presence of qualitative impairments in com-
munication, which must be specifically assessed. This paper underlines the value of using a
pragmatic functionalistic approach to language and presents some tools for the assessment
of communication skills in children of different age and developmental levels.
Key Words : autism, assessment, pragmatic approach, verbal and non-verbal communica-
tion.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


37
Marie-Joëlle FERNANDES
Orthophoniste
Centre de Ressources Autisme
Languedoc-Roussillon
SMPEA Peyre Plantade
Service du Professeur Aussilloux
Centre Hospitalier Universitaire
de Montpellier
34295 Montpellier cedex 5

L
es altérations qualitatives de la communication constituent l’un des cri-
tères diagnostiques du trouble autistique et peuvent se manifester notam-
ment par :
- un retard, ou une absence totale de développement du langage parlé,
sans tentative de compensation par d’autres modes de communication
comme le geste ou la mimique,
- chez les sujets maîtrisant suffisamment le langage, une incapacité mar-
quée à engager ou à soutenir une conversation avec autrui,
- un usage stéréotypé et répétitif du langage, un langage idiosyncra-
sique.
A partir des années 70, les questions relatives à l’acquisition du langage
se sont inscrites dans le courant d’analyses fonctionnelles amenant à prendre en
considération l’acquisition d’une compétence communicative et l’acquisition de
moyens de communication conçus comme moyens d’action.
Cette nouvelle approche pragmatique du langage s’est avérée particulière-
ment adaptée pour rendre compte de la spécificité des difficultés rencontrées par
les enfants autistes et a été déterminante dans l’évaluation de la communication
précoce. En insistant sur la continuité fonctionnelle qui caractérise le développe-
ment de la communication depuis la communication pré-verbale, elle a conduit les
cliniciens à étudier ce qui peut être considéré comme les pré-requis du langage.
De nombreux outils d’évaluation ont été élaborés sur ces bases théo-
riques. Pour l’examen des compétences pragmatiques du jeune enfant, nous pré-
senterons la grille d’observations de A.M.Wetherby et C.Prutting puis l’échelle
d’évaluation de la communication sociale précoce de M.Guidetti et C.Tourrette.
En ce qui concerne les enfants plus grands ou les adolescents ayant développé le
langage, on citera les travaux de Brian B. Shulman, de S. Tattershall ou encore
de B.D.Weinrich, A.J.Glaser et E.B. Johnston.

38
♦ La grille d’observations de A.M Wetherby et C. Prutting
Sa particularité est d’avoir été élaborée initialement dans le cadre d’une
recherche dont l’objectif était d’étudier les profils des fonctions de communication
utilisées par des enfants autistes et de les comparer avec ceux d’enfants normaux
(1984) puis d’enfants trisomiques et dysphasiques (1989). L’outil d’évaluation uti-
lisé devait permettre de dépister les anomalies de la communication chez de jeunes
enfants, sans attendre l’apparition du langage verbal et d’éventuelles anomalies.
Comme toutes les grilles d’observation pragmatiques, la grille de A.M.
Wetherby et C. Prutting est adaptée aux stades précoces du développement de la
communication et donc à ses aspects non-verbaux ; elle étudie l’usage que les
enfants font des moyens à leur disposition pour communiquer .
Quinze fonctions de communication ont été distinguées :
- demande d’objet - commentaire pour soi
- demande d’action - dénomination, désignation
- demande de routine sociale pour soi
- demande de permission - accompagnement vocal
- demande d’information
- protestation ou refus - réaction émotionnelle
- reconnaissance de l’autre - réaction vocale au contexte
- comportement pour attirer l’attention sur soi - comportement vocal ou
- commentaire pour autrui verbal non relié à la situation

L’affectation d’une fonction de communication à un comportement pré-


suppose la reconnaissance d’une intentionnalité de la part de l’enfant.
Les 9 premières fonctions regroupent les actes de communication en interac-
tion : l’enfant s’adresse à autrui et attend une réponse ; elles sont divisées en 3
sous-groupes fonctionnels correspondant aux catégories fondamentales de Bruner :
la régulation du comportement l’interaction sociale
- demande d’objet - demande de routine sociale
- demande d’action - demande de permission
- protestation - reconnaissance de l’autre
- comportement pour attirer
l’attention sur soi

l’attention conjointe
- demande d’information
- commentaire

39
Les 3 fonctions suivantes relèvent d’une communication privée, de soi à
soi :
- commentaire pour soi ;
- dénomination ou désignation sur soi ;
- accompagnement vocal.
Les 3 dernières fonctions enfin recouvrent les comportements expressifs à
propos desquels on ne peut parler de communication intentionnelle bien qu’ils
puissent en constituer les bases :
- réaction émotionnelle ;
- réaction vocale au contexte ;
- comportement vocal ou verbal non relié à la situation.
Pour ce qui est des comportements (ou moyens) de communication, sont
recensés :
- les émissions vocales et verbales
- les regards vers le visage de l’adulte
- les gestes conventionnels de la communication non-verbale (ex. : hocher
la tête, pointer, montrer un objet tenu en main, applaudir ...)
- les gestes non conventionnels de la communication non-verbale (ex. :
toucher, repousser de la main ou prendre la main de l’autre pour lui
demander de faire quelque chose...)
- les mimiques et gestuelles émotionnelles
- les comportements émotionnels impliquant tout le corps de l’enfant.
Au départ, seuls les comportements initiés par l’enfant étaient pris en
compte ; les réponses de l’enfant ont été ensuite également considérées.
La recherche menée par A.M. Wetherby et C. Prutting a été ensuite
reprise et adaptée, en France, par M.F. Livoir Petersen (1989). On remarquera
que cette étude a porté sur une population d’enfants autistes plus large que celle
des travaux de référence. Si des points communs pouvaient caractériser ce
groupe d’enfants, il était également noté des différences ; la variété des profils
de communication observés chez les enfants autistes tranchait avec la similitude
de ceux des autres enfants normaux ou trisomiques.
Dans une troisième étape enfin, nous avons fait de cette grille d’observa-
tion un outil clinique d’évaluation de la communication.
Le protocole d’examen, construit sur la base de ces différentes études,
associe le recueil de données quantitatives et qualitatives : il apprécie l’occur-
rence de l’ensemble des actes de communication relevés et recense les fonctions
de communication utilisées. Quand plusieurs groupes fonctionnels sont repré-

40
sentés, il est précisé si les actes de communication en interaction sont minori-
taires, majoritaires par rapport aux comportements non interactifs ou si leur
occurrence est équivalente. Pour les actes de communication interactifs, on pro-
cède de la même façon en comparant la proportion des actes de communication
utilisés à des fins de régulation comportementale, d’interactions sociales et d’at-
tention conjointe.
Les moyens de communication sont également évalués selon les compor-
tements recensés.
Les résultats des recherches menées par A.M. Wetherby et C. Prutting
puis M.F. Livoir Petersen ont montré que les différences observées entre les pro-
fils de communication des enfants autistes et ceux des autres enfants portent
surtout sur les fonctions d’attention conjointe beaucoup moins utilisées par les
enfants autistes - sinon absentes - et les fonctions à fins de régulation comporte-
mentale davantage utilisées par eux que par les autres enfants.
Si l’analyse des profils de communication des enfants autistes (ou « sus-
pectés » de présenter un trouble envahissant du développement) doit donc plus
particulièrement porter sur les fonctions interactives, la prise en compte des
fonctions non interactives reste à mon sens intéressante, dans une perspective
développementale notamment, et constitue l’originalité de la grille d’observa-
tions de A.M. Wetherby et C. Prutting.
Dans une perspective clinique, il est par ailleurs important d’apprécier, au
cours de l’examen, dans quelle mesure, avec quels moyens ou sous quelles
conditions les performances communicatives de l’enfant peuvent s’améliorer.
Des changements sont parfois notés au fil du temps, lorsque l’enfant se familia-
rise avec le contexte.
Le type de matériel utilisé ou d’activités proposées peut également avoir
une influence.
Il arrive aussi que ce soit le comportement de l’examinateur qui contribue
à faire évoluer le profil des fonctions de communication utilisées : certains
enfants qui présentent des comportements s’inscrivant dans « une communica-
tion privée, de soi à soi » ou relevant de « comportements à propos desquels on
ne peut parler de communication intentionnelle » se mettent parfois à initier des
comportements interactifs, à des fins sociales, après qu’on ait imité leurs pro-
ductions vocales ou verbales ; les enfants paraissent souvent surpris et semblent
alors « réaliser » la présence de l’autre ; c’est un peu comme si cette reprise
écholalique fonctionnait comme un miroir sonore (?).
Nous rappellerons que l’utilisation de la grille de A.M. Wetherby et
C. Prutting suppose que le contexte d’observation comporte des situations de

41
jeu semi-structurées où l’adulte ne doit pas être trop directif, afin de permettre à
l’enfant d’initier les interactions.

♦ L’échelle d’évaluation de la communication sociale précoce


de M. Guidetti et C. Tourrette
L’E.C.S.P. se réfère aux travaux de Bruner, de Bates et coll. et de la prag-
matique d’une manière générale mais aussi aux théories néo-piagétiennes de
Fisher ; elle a pour but d’examiner les fonctions communicatives dont l’enfant
dispose pendant les premières années de la vie et permet par ailleurs de détermi-
ner des niveaux de développement.
L’E.C.S.P ne considère que les comportements intéractifs et offre un
inventaire moins détaillé que la grille d’observations de A.M. Wetherby ; on
retrouve cependant les mêmes catégories fonctionnelles :
- la régulation du comportement intervient dans les interactions dont le
but est la modification du comportement d’autrui,
- l’interaction sociale renvoie à des comportements dont le but principal
est d’attirer l’attention sur soi dans le cadre d’échanges ludiques,
- l’attention conjointe est évaluée dans les interactions dont le but est le
partage d’attention avec l’autre, quand par exemple, un des partenaires
essaie de diriger l’attention de l’autre vers un objet, une personne ou un
événement.
L’E.C.S.P. prend en compte les trois rôles que peut jouer l’enfant : il peut
initier l’interaction, y répondre ou encore la maintenir.
Pour les moyens de communication, M. Guidetti et C. Tourrette se réfè-
rent aux stades de l’intelligence sensori-motrice de Piaget et distinguent cinq
niveaux de développement.
- Niveau 1 : niveau simple
Il est marqué par l’apparition d’actions simples, non différenciées et le
début de l’activité intentionnelle de l’enfant en interaction avec autrui.
- Niveau 2 : niveau complexe
Il est marqué par l’apparition d’actions complexes et différenciées ; l’en-
fant commence à participer à des jeux sociaux en différenciant les personnes
mais ne coordonne pas encore ses actions avec les objets et avec autrui.
- Niveau 3 : niveau conventionnel
L’enfant apprend les conventions communicatives ; sa compréhension des
situations reste néanmoins très dépendante du contexte ; il coordonne ses

42
actions avec les objets et avec autrui ; une distinction est faite entre un niveau
gestuel et un niveau verbal, atteint dès que l’enfant utilise des mots simples, iso-
lés en accompagnement ou à la place des gestes, ces mots sont cependant utili-
sés en présence des objets.
- Niveau 4 : niveau symbolique
Il est marqué par l’apparition de la fonction symbolique ; l’enfant peut
désormais comprendre des mots hors contexte ou avec peu de contexte et les
utiliser en les combinant.
Les niveaux simple et complexe sont situés dans le premier semestre de la
vie de l’enfant.
Le niveau conventionnel couvre la période de 7 à 24 mois ; les enfants se
situant au niveau conventionnel gestuel ont entre 7 et 16 mois, au niveau
conventionnel verbal entre 17 et 24 mois.
Le niveau symbolique s’étend de 25 à 30 mois.
Pour chaque fonction considérée (régulation du comportement, interac-
tion sociale, attention conjointe) et pour chacun des rôles occupés par l’enfant
(initiation, réponse, maintien de l’interaction), l’E.C.S.P. propose une série
d’items, qui sont en fait les comportements à évaluer ; ces items sont ordonnés
hiérarchiquement dans chacun des cinq niveaux qui viennent d’être décrits ; 108
items sont répertoriés au total.
La passation de l’épreuve comporte vingt trois situations :
- arrivée
- présenter un jouet mécanique
- présenter des objets sociaux
- appeler l’enfant par son prénom
- présenter des jouets
- chanter une chanson accompagnée de gestes rituels
- attirer et diriger l’attention de l’enfant
- interaction physique...
L’adulte doit s’impliquer dans l’interaction et être capable d’y engager
l’enfant, des moments d’interaction sont aussi à ménager pour permettre à l’en-
fant de prendre des initiatives.
Les comportements de l’enfant feront l’objet d’une cotation. Le but de
cette cotation est d’établir le niveau développemental de l’enfant dans chacune
des séries des 3 échelles et pour l’ensemble de l’épreuve, afin de pouvoir déce-
ler des aptitudes ou des déficits spécifiques dans l’une ou l’autre des compé-
tences communicatives évaluées.

43
La plus grande standardisation des conditions d’examen de l’E.C.S.P. per-
met davantage d’apprécier l’évolution des compétences communicatives d’un
même enfant, d’une évaluation à l’autre.
L’évaluation de la communication à l’aide de l’E.C.S.P. met en évidence
chez les enfants autistes :
- un retard global du développement des fonctions communicatives qui
est plus important que le retard cognitif ;
- une distorsion dans le développement de ces fonctions caractérisée par
une allure plus lente du développement de l’attention conjointe ;
- un défaut spécifique de la mise en œuvre intentionnelle et du maintien
par l’enfant de la fonction attention conjointe.
Les questions qui ont été abordées dans ce champ théorique pragma-
tique sont extrêmement variées et ne se limitent pas à l’étude des actes de lan-
gage.
Certains chercheurs se sont consacrés par exemple à l’étude des déic-
tiques, c’est-à-dire à l’étude de tous ces mots dont le signifié varie selon la
situation d’énonciation.
D’autres chercheurs se sont intéressés au traitement des présupposés ou
ont travaillé sur les principes de coopération permettant de régir les échanges
d’information.
Pour les sujets d’âge scolaire ou les adolescents qui ont pu développer un
langage, on pourra évaluer les fonctions communicatives, comme chez le jeune
enfant, mais il sera très important d’apprécier aussi les autres habiletés pragma-
tiques (Laurence M. Hilton Ph.D, 1990). Les outils dont nous disposons ici sont
encore peu nombreux et n’ont été que rarement appliqués à des sujets autistes ;
leur utilisation peut s’avérer néanmoins intéressante.

♦ Le test d’habiletés pragmatiques de Brian B. Shulman


Il évalue l’utilisation du langage d’enfants âgés de 3 à 8 ans ; son but est
d’étudier les intentions de communication formulées lors de contextes conversa-
tionnels.
Les catégories d’intentions communicatives distinguées sont :
- demande d’action
- rejet/ négation
- nommer/ identifier
- demande d’information
- réponse à une question commentaire

44
- raisonnement
- comportement pour attirer ou maintenir l’attention
- formule de politesse
- salutations
La passation du test comporte 4 épreuves correspondant à 4 situations dif-
férentes :
- conversation entre 2 marionnettes
- conversation avec support d’un dessin
- conversation téléphonique entre l’enfant et l’examinateur
- conversation avec support d’une activité de cubes
La cotation des réponses de l’enfant est la suivante :
- 0 : pas de réponse
- 1 : réponse inappropriée au contexte
- 2 : réponse appropriée mais gestuelle ou non-verbale seulement
- 3 : réponse appropriée mais donnée en un seul mot
- 4 : réponse appropriée avec un minimum d’élaboration
- 5 : réponse appropriée de plus de 3 mots

♦ Liste de contrôle du langage pragmatique


par Sharyn Tattershall
Cet outil permet d’évaluer les difficultés pragmatiques rencontrées par
des écoliers ; il mesure la déficience relative de 36 comportements pragmati-
ques : après avoir observé l’élève participer à quelques conversations, on appré-
cie l’occurrence de chacun des comportements en indiquant s’ils se manifestent
fréquemment (F), parfois (P), rarement (R) ou jamais (J).
1 - Introduction du sujet (topic initiation)
A. Est-ce qu’il introduit les sujets ?
B. Est-il capable d’éveiller l’attention de l’auditeur ?
C. Les informations qu’il donne sont-elles suffisantes ?
D. Est-ce qu’il varie ses sujets ?
E. Est-ce qu’il trouve les mots justes sans trop utiliser « le truc, la
chose, le machin », etc. ?
F. Ses paroles sont-elles cohérentes et faciles à suivre ?
G. S’adapte-t-il à des situations différentes ?
(il varie les formalités de style, le choix du vocabulaire, etc.)
H. Est-ce qu’il souligne les choses les plus importantes sans laisser le
soin à l’auditeur de s’y retrouver par lui-même ?

45
2 - Maintien du sujet (Topic maintenance)
A. Est-ce qu’il répond aux questions ?
B. Est-ce qu’il reconnaît et maintient le sujet ?
C. Est-ce qu’il donne des renseignements concernant le sujet ?
D. S’il est confus, demande-t-il des clarifications ?
E. Exprime-t-il son désaccord ?
F. Attend-il son tour et peut-il introduire un sujet convenablement ?
G. Garde-t-il la parole assez longtemps ?
H. Remarque-t-il que l’auditeur s’ennuie ?
I. Remarque-t-il que l’auditeur est confus ?
3 - Buts variés
A. Fait-il des requêtes sans être trop brusque ?
B. Peut-il donner des instructions claires aux auditeurs ?
C. Se comporte-t-il d’une façon appropriée avec les autres ?
D. Est-ce qu’il sait accueillir, remercier quelqu’un, s’excuser, etc. ?
E. Est-ce qu’il interprète et utilise des signaux non-verbaux ?
F. Quand l’auditeur est perplexe, révise-t-il ses messages ?
G. Ses réponses ont-elles un rapport avec les questions posées ?
H. Est-ce qu’il exprime ses sentiments ?
I. Est-ce qu’il se défend dans un conflit ?
J. Est-ce qu’il exprime ses opinions ?
K. Peut-il soutenir son point de vue ?
L. Fait-il preuve d’imagination ?
N. Pose-t-il des questions pour apprendre, ou bien parce qu’il est
curieux ?
O. Pose-t-il des questions aux adultes ?
P. A-t-il du tact ?
4 - Manifestations non-verbales
A. Parle-t-il assez vite et assez fort ?
B. Son contact visuel avec l’auditeur est-il adéquat ?

♦ Observations pragmatiques par B.D. Weinrich, A.J. Glase


et E.B. Johnston
Cet outil concerne les adolescents et porte sur certains aspects pragma-
tiques du langage dont on relèvera la présence, l’absence ou la déficience. Il est
constitué de 57 questions distribuées suivant 6 catégories :

46
Maniement du sujet (topicalization)
Est-ce que l’élève :
1. propose un sujet et fait des commentaires appropriés ?
2. reste dans le sujet, utilisant un nombre approprié de déclarations ?
3. signale un changement de sujet ?
4. comprend les contraintes imposées par le changement du sujet ?
5. conclut un sujet d’une manière appropriée ?
6. fait appel à des techniques de catégorisation complexes pour satisfaire
aux subtilités du maniement du sujet ?
7. participe avec les autres au choix du sujet ?
Conversation
Est-ce que l’élève :
8. commence et termine une conversation ?
9. parle de son plein gré aux moments opportuns ?
10. écoute la personne qui parle ?
11. intervient dans la conversation au moment opportun ?
12. pose des questions et répond aux questions ?
13. répond lorsqu’on le lui demande ?
14. utilise des connecteurs du discours ?
15. fait attention aux autres participants de l’interaction ?
16. commence et termine une conversation téléphonique ?
Registre
Est-ce que l’élève :
17. utilise un langage approprié au contexte ?
18. utilise un langage approprié aux personnes dans le contexte (âge,
sexe, milieu socioculturel, etc.) ?
19. utilise l’intonation et l’accentuation convenablement ?
Formes syntaxiques
Est-ce que l’élève :
20. utilise toutes les modalités syntaxiques ( interrogative, négative, sub-
jonctive, etc.)
21. utilise une grammaire appropriée au contexte ?
22. ordonne convenablement les informations anciennes et nouvelles ?
23. élimine les informations redondantes ?
24. utilise la coordination et l’enchâssement afin d’éliminer les structures
redondantes
25. utilise convenablement des référents dans la conversation ?

47
26. utilise des connecteurs du discours appropriés ?
27. utilise des pronoms, des articles, des adjectifs et des propositions rela-
tives pour signaler des informations pragmatiques à propos des pré-
suppositions ?
28. sait où et comment utiliser les procédures de simplification syntaxique ?
Langage efficace
Est-ce que l’élève :
29. fournit suffisamment d’informations ?
30. donne et suit les instructions ?
31. fait des hypothèses et des suppositions ?
32. donne des informations de cause et d’effet ?
33. utilise la langue pour faire des choix ?
34. fait des descriptions et explique des problèmes ?
35. exprime des désirs, des besoins, des sentiments, ou des idées ?
36. fait preuve de politesse et se montre accueillant envers les gens ?
37. fait preuve de sincérité ?
38. demande des renseignements ?
39. offre et demande de l’assistance ?
40. raconte une histoire ?
41. donne des noms ou des étiquettes aux personnes et aux choses ?
42. utilise la langue pour feindre ou simuler ?
43. suggère une solution ou ligne de conduite ?
44. montre son désaccord verbalement ?
45. utilise la langue pour consoler et amuser ?
46. fait preuve de compétences métalinguistiques
47. utilise le registre scolaire ?
48. utilise la pragmatique en lisant ?
49. utilise le langage figuré ou métaphorique ?
50. comprend les formes idiomatiques et les utilise convenablement ?
51. utilise la langue pour persuader ?
Communication non-verbale
Est-ce que l’élève :
52. maintient un contact visuel convenable ?
53. comprend les messages non-verbaux ?
54. comprend les paramètres de proximité de l’espace personnel ?
55. fait appel à une communication gestuelle appropriée au contexte ?
56. utilise le langage verbal aussi bien que la communication non-verbale
pour présenter des messages compatibles ?
57. utilise la prosodie convenablement ?

48
On remarquera que l’examen du développement cognitif de l’enfant
pourra rendre compte de certaines des difficultés communicatives rencontrées.
Nous savons que la maîtrise des pronoms je/tu par exemple dépend de la capa-
cité de l’enfant à saisir que différents points de vue peuvent être adoptés sur
l’environnement ; le traitement des présupposés implique la mise en œuvre
d’une théorie de l’esprit...

♦ Conclusion
Comme nous avons essayé de le montrer, l’approche fonctionnaliste prag-
matique apparaît particulièrement pertinente pour rendre compte des difficultés
rencontrées par les enfants autistes dans l’utilisation du langage. L’approche for-
maliste du langage à laquelle se réfère traditionnellement le bilan orthophonique
reste néanmoins indispensable dans la mesure où le développement des compé-
tences linguistiques est presque toujours aussi très problématique. Pour rendre
compte de cela, il arrive même qu’on dise des enfants autistes qu’ils sont « réel-
lement dysphasiques » (Allen et Rapin, 1992) et que « tous les types de troubles
de développement du langage peuvent être observés chez eux, à l’exception des
troubles purs de l’expression » (Chevrie-Muller et Juan Carbona, 1996).
L’évaluation des aspects formels du langage privilégie l’utilisation de
tests standardisés et a pour objectif d’examiner les aptitudes articulatoires ou
phonétiques élémentaires, la phonologie ou encore le lexique et la syntaxe, dans
les versants expressif et réceptif. En fonction des performances obtenues, l’exa-
men des capacités motrices et perceptives s’avèrera parfois indispensable dans
un deuxième temps. Les outils dont nous disposons ici sont bien connus et
extrêmement variés.
On soulignera que pour les enfants les plus en difficulté, il faudra aussi
dans le cadre de cette évaluation, apprécier les possibilités d’utiliser d’autres
moyens d’expression. Les personnes autistes non-verbales peuvent préférer un
traitement visuo-spatial à un traitement auditivo-verbal ; l’utilisation d’images,
de pictogrammes et /ou de gestes par exemple pourra stimuler le développement
du langage oral ou dans certains cas s’y substituer.
Les aspects sémantiques devront aussi être explorés.
Une évaluation doit s’appuyer sur un modèle ; le modèle de Bloom et
Lahey paraît tout à fait intéressant dans la mesure où il distingue les trois com-
posantes du langage et représente les interactions qu’il peut y avoir dans leur
développement. Il arrive que les enfants autistes essaient de communiquer mais
échouent dans leurs tentatives parce qu’ils présentent un trouble de la parole et
que leurs énoncés sont peu intelligibles, parce qu’ils ne s’expriment que par

49
mots-phrases ou encore parce que la façon dont ils s’expriment est très inhabi-
tuelle, par la prosodie notamment ... ; ces particularités entament souvent notre
capacité à réagir et nous sidèrent même parfois.
Dans le cadre du bilan orthophonique réalisé auprès des enfants autistes,
les examens de la forme, du contenu et de l’utilisation du langage sont néces-
saires, complémentaires et doivent être articulés. Les systèmes de communica-
tion augmentée ou alternatif illustrent bien les effets dynamiques qu’il peut y
avoir à relier ces composantes.
Le programme MAKATON par exemple propose de combiner l’utilisa-
tion de différentes modalités de communication : gestes, symboles, langage, et
spécifie qu’il est important de cibler l’apprentissage sur l’enseignement d’un
vocabulaire de base restreint en quantité mais très fonctionnel et de le personna-
liser en fonction des besoins spécifiques de chaque sujet.
On pourra également citer le PECS (Picture Exchange Communication
System) qui a été spécialement conçu à l’intention des personnes autistes
n’ayant pas développé le langage oral : ce système est construit autour de l’utili-
sation de pictogrammes et insiste aussi sur l’intérêt d’identifier les « renforça-
teurs » grâce auxquels la personne autiste sera motivée à communiquer. On
apprend à la personne autiste comment échanger une image contre l’objet désiré
et il est important de répondre immédiatement à ses demandes pour montrer
l’intérêt du mode de communication proposé et favoriser d’autres requêtes...
Pour finir, je voudrais rappeler que le bilan orthophonique s’inscrit dans
un processus d’évaluation pluridisciplinaire qui comprend un entretien médical,
un bilan des compétences sociales réalisé par un éducateur, un bilan psycholo-
gique et presque toujours aussi un bilan psychomoteur. Ces examens contribue-
ront aussi à l’évaluation de la communication ; l’élaboration d’un projet théra-
peutique s’appuiera nécessairement sur les données actuelles ou rétrospectives,
recueillies dans ces différents contextes.

50
REFERENCES
CHEVRIE-MULLER C., NARBONA J. (1996). Le langage de l’enfant, aspects normaux et patholo-
giques. Paris : Masson
LIVOIR-PETERSEN M.F. (1995) Essai comparatif sur l’ontogenèse des syndromes autistiques, Thèse
Montpellier I.
M.HILTON L. (1990) Identifications et évaluations des différences pragmatiques du langage, Glossa, Les
Cahiers de l’UNADRIO-Paris, 18, 14-21
GUIDETTI M. et TOURRETTE.C. (1993) Evaluation de la Communication Sociale Précoce, E.A.P.
SHULMAN B.B.(1993) Test d’évaluation des habiletés pragmatiques, Hôpital Sainte-Justine, Traduction
de MONPETIT A., étudiante en orthophonie, Université de Montréal
TATTERSHALL S. (1988), Managing pragmatic language problems, The Clinical Connection : A quar-
terly idea source for the speech and language specialist working with the youg communicateur,
Volume 2, Number 2
WEINRICH B.D., GLASER A.J.et JOHNSTON E.B. (1986), A sourcebook of adolescent pragmatic acti-
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autistic children, Journal of autism and developmental research, 27, 364-377
WETHERBY A.M. (1986) Ontogeny of communicative functions in autism, Journal of autism and deve-
lopmental disorders, 16, 3 : 295-316
WETHERBY A.M., CAIN D.H., YO NCLAS D.G, WALKER V.G (1988) Analysis of intentional com-
munication of normal children from the prelinguistic to the multiword stage, Journal of speech
and hearing research, 31, 240-252
WETHERBY A.M.,CAIN D.H., YONCLAS D.G., BRYAN A.A (1989) Communicative profiles of pres-
chool children with handicaps : implications for early identification, Journal of speech and hea-
ring disorders, 54, 148-158

51
L’imitation dans la prise en charge
orthophonique de l’enfant autiste
Nicole Denni-Krichel, Stéphanie Bour, Christiane Angelmann

Résumé
Comment la pratique orthophonique auprès d’enfants autistes peut s’inspirer des
recherches effectuées sur l’imitation pour élaborer ses contenus.
Mots clés : imitation, communication, orthophonie, autisme.

Role of imitation in speech and language therapy with autistic children

Abstract
This article describes how research on imitation can inform the practice of speech and lan-
guage therapy with autistic children.
Key Words : imitation, communication, speech and language therapy, autism.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


53
Nicole DENNI-KRICHEL
Stéphanie BOUR
Christiane ANGELMANN
Orthophonistes
Service Psychothérapique pour Enfants
et Adolescents du Pr BURZSTEJN
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
67000 Strasbourg

L
’imitation immédiate et réciproque constitue une base puissante de com-
munication entre les jeunes enfants durant la période prélangagière. En
effet, elle engendre l’échange affectif positif, la proximité physique et l’at-
tention soutenue au partenaire. L’étude fonctionnelle de l’imitation immédiate
mérite sans doute d’occuper également une place plus centrale dans les
recherches sur la communication chez les enfants autistes. »
J. Nadel

A la suite des travaux de MELTZOFF & MOORE, de nombreux spécia-


listes considèrent aujourd’hui qu’il n’est plus possible de conférer encore aux
imitations néonatales le statut d’un simple réflexe, au même titre que le réflexe
de Moro ou la marche automatique : UZGIRIS, NADEL, et bien d’autres
encore, développent l’hypothèse d’une fonction sociale de l’imitation, et même
d’une communication passant par l’imitation au début de la vie.
Pendant les derniers mois de la vie intra-utérine, et ensuite pendant les
premiers mois de la vie extra-utérine, le premier partenaire privilégié du bébé
est bien évidemment sa mère.
Des études récentes ont montré que les interactions précoces mère/ bébé
étaient, en partie au moins, rythmées par des épisodes imitatifs caractéristiques :
les imitations y feraient leur apparition à partir du deuxième mois. La fréquence
de ces interactions imitatives et l’implication respective des deux partenaires
dans ce type d’échange varient en fonction de l’âge du nourrisson.
Dans sa contribution à un ouvrage collectif consacré aux comportements
des bébés, UZGIRIS rapporte ses propres résultats expérimentaux concernant
une étude sur « l’imitation des actes du partenaire à la fois par le bébé et par la
mère pendant des interactions de face à face à quatre moments de la première
année de la vie du nourrisson ».

54
UZGIRIS conclut : « La réciprocité croissante de l’imitation ne vient (...)
pas seulement du fait que les nourrissons débutent plus souvent les épisodes
imitatifs, mais aussi qu’ils contribuent à les prolonger au-delà d’un cycle ». Des
interactions, basées sur l’imitation et représentant plus d’un cycle, sont obser-
vées pour tous les groupes d’âges de cette étude : elles correspondent à 10 % de
l’ensemble des épisodes dans le groupe des plus jeunes et à 25 % de ces mêmes
épisodes dans ceux des plus âgés (8 mois et demi et 11 mois et demi).
Ainsi, l’imitation réciproque, au cours des premiers mois de la vie de
l’enfant, pourrait bien fournir une base pour établir et maintenir la communica-
tion entre la mère et le bébé. Durant près de la moitié de la première année, ce
serait plus généralement la mère qui initierait la majorité des épisodes imitatifs.
Toutefois, il semblerait que, dès deux ou trois mois, les imitations vocales, plus
particulièrement, seraient déjà mieux partagées entre la mère et le petit enfant :
il y aurait donc, très tôt, une plus grande réciprocité entre les deux partenaires
pour les imitations vocales.
En sélectionnant certaines émissions vocales de son bébé, par le fait
qu’elle les répète et donc les confirme, la mère introduit des régularités, source
de prévision et d’anticipation : à travers ce type de conduites, elle contribue à la
mise en place de la situation même d’interaction.
D’une certaine manière, on peut donc considérer que l’imitation précoce
représente une « façon de se parler » pour la mère et le nourrisson, l’imitation
fonctionnant alors comme un code minimal de communication non verbale (en
attendant le développement du langage...). En effet, dans la communication par
l’imitation, on trouve déjà certaines caractéristiques d’une proto-conversation:
attention conjointe, échanges de regards, tours de rôle... La communication par
l’imitation est faite de séquences avec alternance de rôles entre l’imitateur et le
modèle : c’est une prise de rôle alternée, une sorte de « conversation alternée »
comme l’appelle Annie VINTER dans « L’imitation chez le nouveau-né ».
Au cours de la première année, des épisodes imitatifs, impliquant la mère
et le nourrisson et témoignant nettement d’une forme de réciprocité entre les
deux partenaires, existent bel et bien. Ces interactions imitatives sont placées
sous le signe du plaisir partagé : les sourires adressés et les vocalises de plaisir y
sont fréquents. Le bébé donne l’impression de « comprendre » la nature imita-
tive des réponses maternelles et, souvent, il va répéter le même son, le même
geste, la même action comme pour entretenir la dynamique interactionnelle au
moyen de sa propre imitation-réponse : c’est ainsi que chaque réponse imitative,
de la mère ou de l’enfant, va contribuer à maintenir la communication intersub-
jective, à la prolonger un peu plus et même à l’enrichir.

55
Bien sûr, l’imitation immédiate et réciproque ne résume pas à elle seule
toute la richesse affective et sociale des premières interactions entre la mère et
l’enfant. Mais, elle a assurément sa place au sein de ces interactions. Elle y joue
un rôle important en participant à l’établissement et au renforcement des pre-
miers liens et d’une compréhension mutuelle : si elle n’est pas extrêmement fré-
quente pendant les premiers mois, l’imitation n’en demeure donc pas moins
efficace dans sa fonction interpersonnelle de communication.

♦ Imitation et passage d’une communication primaire


à une communication secondaire dite pragmatique :
la place de l’imitation dans l’accès à l’intentionnalité
Avant d’accéder à l’usage des mots, le petit enfant s’exprime par des
gestes, des mimiques, des émissions vocales... L’adulte va très tôt lui prêter non
seulement des compétences, mais aussi des intentions communicatives : c’est
ainsi que le processus de la communication va se développer et s’épanouir pro-
gressivement en se dotant de procédures de plus en plus conventionnelles. Or,
l’imitation pourrait fort bien constituer l’une de ces procédures favorisant le
passage d’une communication primaire à une communication secondaire, prag-
matique et intentionnelle.
C’est au contact d’autres humains, et tout particulièrement au contact de
sa mère, que le très jeune enfant « apprend », petit à petit, à structurer ses
demandes en vue de la satisfaction d’un besoin ou d’un désir : il découvre la
valeur utilitaire et conventionnelle de la communication humaine. Grâce au sou-
tien de l’adulte et au modèle fourni par celui-ci, l’enfant acquiert les données
pragmatiques qui assurent l’indication, le besoin, l’intention, et cela bien avant
qu’il ne prononce son premier mot.
La toute première communication, qui s’instaure entre le nouveau-né et sa
mère, est essentiellement faite d’échanges corporels, de regards croisés, d’ajuste-
ments réciproques, de partage émotionnel : c’est notamment la « synchronie inter-
actionnelle » telle que BOWER et STERN ont pu la décrire. D’abord unité com-
portementale d’appariement gestuel, le format imitatif devient, au fil du temps,
une véritable structure d’échanges référentiels, et c’est cette évolution qui va aussi
conditionner le changement de statut de la communication.
D’après NADEL, deux processus seraient susceptibles de rendre compte
de ce changement fondamental : le partage thématique et la régulation inter-
personnelle des tours de parole.
* Avec ses collaborateurs, NADEL a particulièrement étudié le rôle de
l’imitation dans la communication non verbale : elle défend l’hypothèse

56
que, si l’objet identique (en double exemplaire) serait préféré à tout
autre objet, c’est parce qu’il se prêterait le mieux à une activité imitative
s’exerçant à propos du « même ».
Le plus précoce accord sur un thème serait donc de nature imitative et la
référence à l’objet identique s’apparenterait à une forme d’attention
conjointe dans laquelle l’objet d’attention serait tout simplement dédoublé.
* La régulation interpersonnelle des tours de parole renvoie, quant à elle,
à cette double caractéristique de l’imitation : imiter/ être imité. La sen-
sibilité au fait d’être imité serait d’apparition précoce chez l’enfant et
favoriserait notamment le contact œil/œil. NADEL a mis en évidence
l’existence précoce d’une symétrie « imiter/ être imité ». Par ailleurs, il
apparaît que les sujets qui imitent le plus sont également les plus imités.
L’imitation a donc bien un rôle à jouer dans l’acquisition, pour l’enfant,
de savoir-faire pragmatiques de communication.

♦ Communiquer par l’imitation : la fonction communicative


de l’imitation immédiate et synchrone dans la troisième année
de la vie de l’enfant
Les interactions entre pairs d’âge dans la première et la deuxième année
de la vie
Déjà peu de temps après la naissance, des phénomènes de « contagion »
(pleurs, cris) entre nourrissons sont observés (Cf. PIAGET), cependant la prise en
compte effective d’un autre bébé reste difficilement appréciable au moins pendant
les trois premiers mois. Ensuite, entre trois et six mois, on peut noter l’apparition
des premières tentatives pour atteindre un autre bébé et des premiers contacts tac-
tiles. Et, après six mois, les comportements des bébés entre eux paraissent déjà
beaucoup plus sociaux : sourires, vocalises, interactions autour d’un objet... Toute-
fois, à cette époque, les interactions impliquant exclusivement des enfants sont
encore bien moins nombreuses que celles impliquant un adulte et un enfant.
A partir de la deuxième année, les interactions entre pairs d’âge devien-
nent non seulement plus fréquentes, mais aussi plus longues et plus riches. Et
l’objet représente alors de plus en plus un support facilitateur dans les interac-
tions entre jeunes enfants.
La troisième année, enfin, va marquer un tournant capital concernant la
fréquence et la nature des relations entre enfants d’âges voisins : les conduites
verbales commencent à se développer mais elles restent encore très limitées et,
surtout, l’imitation réciproque va prendre une place centrale dans ces échanges.

57
Les travaux de NADEL sur l’imitation entre enfants
au cours de la troisième année
Cadre théorique de l’étude et hypothèse de départ
L’ouvrage majeur de NADEL consiste en la démonstration d’une hypo-
thèse fort intéressante sur la valeur communicative de l’imitation directe et
réciproque entre enfants du même âge, et en particulier au cours de la troi-
sième année.
En fait, NADEL reprend l’idée wallonienne d’une fonction socioperson-
nelle de l’imitation, envisagée non pas comme un processus unidirectionnel
modèle/ imitateur mais dans le cadre d’échanges réciproques bidirectionnels
entre les deux partenaires : il s’agit donc bien d’une interaction entre deux per-
sonnes où chacune influence l’autre et modifie de ce fait leur relation. Un tel
processus interactionnel contribuerait en outre à la genèse de l’identité à travers
les échanges avec un autre. Notons encore que ces comportements imitatifs à
valeur socio-affective (imitation directe, en présence du modèle) ne correspon-
dent pas aux phénomènes que WALLON qualifie spécifiquement d’« imitation
vraie » (imitation différée, en l’absence du modèle), mais les précèdent dans la
chronologie normale du développement.
L’expérience de NADEL
Pour tester l’existence d’une forme de communication par l’imitation
directe et immédiate chez les enfants âgés de deux à trois ans, NADEL imagine
un protocole expérimental original et qu’elle qualifie de « situation ouverte
contrôlée » : cette situation se veut non stressante et sans adulte « visible ». Des
enfants (de 2;0 à 2;11), compagnons de crèche, sont réunis, par groupes de deux
ou trois, dans une pièce spécialement réaménagée de leur lieu de garde habituel.
Des objets divers sont disposés en différents endroits de la pièce : pour chaque
type d’objets, il y a toujours autant d’exemplaires que d’enfants.
Résultats et interprétation
NADEL résume ses principaux résultats expérimentaux en six points :
* La majeure partie du temps, où les enfants sont ainsi réunis (dispositif
avec objets en plusieurs exemplaires), est consacrée à la recherche de
similitudes dans le choix, le port, et les abandons d’objets identiques.
* La situation où l’enfant choisit des objets identiques à ceux sélectionnés
par le (les) partenaire(s) est très généralement privilégiée. Ainsi, les ports
d’objets en solitaire sont moins fréquents et durent aussi moins longtemps.
* On observe clairement une recherche de simultanéité dans les ports
communs.

58
* Les rôles de modèle et d’imitateur ne sont absolument pas figés et
l’interchangeabilité de ces rôles est même caractéristique, pour un
même enfant et au cours d’une même séquence d’interaction.
* L’utilisation à valeur « sociale » de l’objet est prédominante.
* Le recours au verbal est rare avec des émissions assez brèves ; toute-
fois, lorsque cela se produit, le contenu verbal des échanges entre
enfants est très lié aux préoccupations d’être imité, ou à l’objectif
d’imiter.
L’objet en plusieurs exemplaires semble donc bien favoriser les imitations
directes et immédiates du partenaire : il a donc un statut de médiateur social très
puissant, en particulier dans la troisième année de la vie de l’enfant. Les imita-
tions, mutuelles et réciproquement orientées, sont alors fréquentes : chacun à
son tour imite l’autre ou s’offre à l’autre en tant que modèle à imiter. Un point
est particulièrement important à relever : il n’y a là aucune relation hiérarchique
entre modèle et imitateur ; bien au contraire, la situation interactionnelle est
caractérisée par une relation fondamentalement égalitaire et issue de l’alter-
nance des rôles. Les enfants ainsi observés donnent vraiment l’impression que
le plus important, pour eux, est de « faire la même chose et, si possible, en
même temps ».
Par ailleurs, il apparaît qu’un certain nombre de comportements produits
par les enfants auraient clairement pour fonction de déclencher, chez le (les)
partenaire(s) des comportements imitatifs : il s’agirait notamment de l’offrande
d’un objet identique et du retournement du modèle vers l’imitateur.
Dans l’expérience de NADEL, la recherche constante d’une synchronisa-
tion parfaite des comportements imitatifs entre les partenaires est très caractéris-
tique : quasi simultanéité de l’émission et de la réponse, associée à une similitude
de contenu du message émetteur et de la réponse. Cette synchronisation pourrait
en outre participer à la prise de conscience mutuelle de l’identité des partenaires
de l’échange ; elle s’accompagne d’un partage émotionnel assez intense.
En conclusion, les travaux de NADEL montrent que l’imitation, directe,
immédiate et synchrone, constitue bien une forme de communication prédo-
minante dans les échanges paritaires interindividuels au cours de la troisième
année : « ( ... ) la base principale des relations sociales entre pairs au cours de
la troisième année est l’imitation immédiate, définie opérationnellement comme
résultat d’une recherche de similitude quasi synchrone des productions, que le
contenu en soit verbal ou moteur ».
A partir du critère temporel, et en lien avec la question de la présence ou
de l’absence du modèle, trois grandes formes d’imitation sont identifiées, cha-

59
cune ayant un rôle principal différent pendant l’enfance : l’imitation différée,
l’imitation immédiate décalée et l’imitation immédiate synchrone.
Ainsi est-ce que l’enfant apprend et/ ou communique par imitation ?
Apparemment les deux, mais ce qui est sûr c’est qu’il apprend surtout à travers
des situations interactives, au cours desquelles il est en communication étroite
avec une autre personne ! Or, l’imitation occupe une place particulièrement
importante au sein de ces interactions.
Il apparaît donc que l’imitation, au tout début de la vie, sert deux grandes
fonctions adaptatives : une fonction d’acquisition ou d’apprentissage, et une
fonction de communication.
Déjà, NADEL propose d’accorder une place plus centrale à l’imitation
immédiate dans les recherches sur la communication des enfants autistes
comme dans les examens des troubles primaires de l’autisme.
Puissante base de communication dans la période prélangagière, favori-
sant l’échange affectif et l’attention au partenaire, soutenant certains apprentis-
sages et en particulier l’acquisition des principales compétences langagières,
intervenant dans l’émergence d’une « théorie de l’esprit » et dans la formation
des représentations mentales, l’imitation pourrait donc bien avoir sa place dans
la prise en charge orthophonique du jeune enfant autiste.

♦ Imitation et autisme
Déficits des capacités imitatives chez l’enfant autiste
De nombreuses recherches scientifiques démontrent la présence incontes-
table de déficits des capacités imitatives chez les enfants autistes. SAUVAGE
(1988), ROGERS & PENNINGTON (1996), DE MYER (1972), HAMMES &
LANGDELL (1981), SIGMAN & UNGERER (1984).
Ces études montrent que les enfants autistes ne sont pas dénués de toute
capacité imitative, en particulier pour des actions simples avec des objets. En
fait, c’est essentiellement l’aspect symbolique de l’imitation et du jeu qui leur
pose le plus de problèmes. La pauvreté de leurs imitations, vocales et gestuelles,
pourrait traduire des troubles spécifiques dans la manipulation des représenta-
tions symboliques et abstraites, difficultés qui ne seraient donc pas expliquées
par le seul retard mental.
L’imitation comme base d’accès à la communication chez l’enfant autiste ?
La déficience caractéristique des autistes concernant certaines formes
d’imitation et l’évocation mimée d’objets absents est souvent abusivement géné-

60
ralisée pour aboutir finalement à une déficience globale de l’imitation dans l’au-
tisme. Or, certaines recherches prouvent bien que les enfants autistes sont
capables d’imiter, et même de façon différée. Mais cette imitation est souvent
« anarchique ».
L’enfant autiste semble prêter attention à « n’importe quoi » : dans L’au-
tisme de l’enfant - La Thérapie d’Echange et de Développement est donné
l’exemple d’un enfant imitant l’aboiement d’un chien au loin, mais n’imitant
pas le geste ou le sourire de la personne en face de lui...
Les travaux de NADEL et ceux de l’équipe de Tours (Pro fe s s e u r
LELORD, Professeur BARTHELEMY, Professeur SAUVAGE) témoignent du
fait que les enfants autistes ne sont pas si insensibles aux phénomènes imitatifs
qu’ils ne le laissent a priori paraître. L’imitation pour rait même constituer une
base puissante d’accès à la communication chez ces enfants.
* La sensibilité des enfants autistes aux phénomènes imitatifs :
les travaux de NADEL
NADEL et ses collaborateurs utilisent le même dispositif expérimental :
objets en plusieurs exemplaires permettant l’imitation synchrone à support d’ob-
jets identiques, que celui élaboré pour étudier la communication par l’imitation
chez les enfants ordinaires prélangagiers ; ils l’appliquent à l’étude des produc-
tions sociales des enfants autistes et démontrent ainsi que l’alternance entre le
fait d’imiter et celui d’être imité améliore significativement la communication
chez l’enfant autiste.
Dans ces expériences, l’imitation réciproque et synchrone constitue bien
le support principal des interactions communicationnelles entre les partenaires,
autiste et non autiste. Les imitations du répertoire de l’enfant autiste sont
d’ailleurs à l’origine de la plupart des réponses sociales de ce dernier, quel
qu’en soit d’ailleurs le mode (sourire adressé, contacts physiques, vocalisations
etc.).

♦ Langage, communication et autisme


Les difficultés de langage et de communication ont, depuis la découverte
du syndrome autistique par KANNER en 1943, toujours été considérées comme
des caractéristiques majeures de l’autisme. La gamme des compétences linguis-
tiques, chez les sujets autistes, est en fait très étendue.
En considérant tout le continuum autistique, il apparaît que le problème
fondamental est en réalité celui de la communication plutôt que celui du
langage en soi. En effet, la communication non verbale est également très per-
turbée et, même dans le syndrome d’ASPERGER, la communication sociale,

61
pragmatique, reste souvent très déficitaire malgré d’apparentes bonnes capacités
langagières du point de vue structural.
Les travaux sur la « théorie de l’esprit » tendent à montrer que les enfants
autistes sont généralement incapables de reconnaître les états mentaux des
autres personnes. Partant de cette hypothèse, on comprend que les modes de
communication classiques (sortes de « conventions de communication » d’abord
préverbales puis verbales) leur paraissent parfaitement « opaques », difficiles à
comprendre et donc encore plus à apprendre !
La majorité des travaux sur la communication des sujets autistes s’ac-
corde sur le fait que la moitié seulement de la population autistique (50 %)
accède au langage verbal. Et même pour ces autistes dits « verbaux », on
observe habituellement une dissociation entre des capacités phonologiques et
syntaxiques relativement épargnées et des capacités sémantiques et pragma-
tiques particulièrement affectées.

♦ Présentation du travail autour de l’imitation avec Sébastien


Présentation de l’enfant - Eléments d’anamnèse
SÉBASTIEN a 6 ans 6 mois. C’est l’aîné d’une fratrie de deux enfants.
En juin 1997, des troubles de l’interaction accompagnés de stéréoty-
pies et de perturbations du sommeil motivent une première consultation pédo-
psychiatrique. Une observation et une évaluation spécialisées (Unité d’Evalua-
tion et de Diagnostic des Troubles Précoces du Développement - HUS
Strasbourg) font suite à cette première consultation.
Dans le cadre de l’Unité d’Evaluation, le bilan psychologique, réalisé en
juillet 1997, donne les résultats suivants : au Brunet-Lézine, l’âge de base est
estimé à 8 mois, l’âge global de développement à 16 mois et 12 jours et le
QD à 55 ; le contrôle postural est le domaine le plus développé (19 mois et 15
jours) avec la coordination oculo-motrice (18 mois), puis vient la socialisation
(14 mois) et enfin le langage (10 mois), domaine le plus déficitaire au moment
du bilan. Les résultats du Vineland confirment globalement ceux du Brunet-
Lézine et notamment pour le secteur de la communication.
Au terme de la procédure d’évaluation, les troubles du comportement
de type autistique, puis le syndrome autistique proprement dit, sont confir-
més. SÉBASTIEN est alors admis en Hôpital de Jour en octobre 1997 (2 ans et
10 mois).
Jusqu’à la rentrée 1999, SÉBASTIEN fréquente un groupe pour enfants
autistes à raison de deux jours par semaine (hospitalisation de jour à temps par-

62
tiel) et un jardin d’enfants les autres jours : au service de psychiatrie infanto
juvénile, l’enfant bénéficie de deux séances hebdomadaires de psychomotricité ;
un suivi parental est également mis en place.
Depuis le début de la prise en charge spécialisée, une évolution « en dents
de scie » semble caractériser le parcours de cet enfant.
A partir de la rentrée 1999, la fréquentation du jardin d’enfants ne
s’avère plus possible et l’hospitalisation de jour s’intensifie donc (quatre jours
par semaine en groupe d’enfants autistes). Le suivi parental et la prise en charge
psychomotrice se poursuivent et, depuis février 1999, SÉBASTIEN bénéficie
en plus d’un suivi régulier en orthophonie (en libéral, chez une orthophoniste
travaillant en partenariat étroit avec le service).
Le premier bilan orthophonique est réalisé fin janvier 1999 (4 ans et
1 mois) : il met en évidence que SÉBASTIEN est bien dans le plaisir de l’ora-
lisation. Les productions vocales de l’enfant sont alors essentiellement consti-
tuées de voye l l e s et de quelques re d o u blements syllab i q u e s ( avec les
consonnes bilabiales / p /, / b / et / m /). La réaction aux sons (et notamment à
son prénom) et surtout l’intérêt pour la parole et le visage de l’adulte sont
également signalés : lors de l’observation orthophonique, SÉBASTIEN fixe lon-
guement la bouche de l’orthophoniste, la touchant même avec ses mains lorsque
celle-ci s’exprime verbalement ou émet des sons. Par moments, le garçon peut
d’ailleurs donner l’impression de chercher à reproduire certains de ces sons,
esquissant des mouvements labiaux sans toutefois y parvenir vraiment. Sur le
plan de la réception du langage, SÉBASTIEN semble comprendre les mots les
plus usuels (comme « dodo », « non », etc.) et répondre de façon adaptée à
quelques consignes simples.
En juillet 2000 (5 ans et 7 mois), un nouveau bilan orthophonique précise
que SÉBASTIEN est désormais de plus en plus dans l’interaction duelle,
qu’il n’interrompt pratiquement plus l’échange et que, lorsque cela se produit
encore parfois, il devient tout à fait aisé de rétablir le contact avec lui. SÉBAS-
TIEN est toujours dans le plaisir de l’oralisation et commence même à utiliser le
langage verbal pour réclamer un objet, une personne ou une action. Son stock
lexical (vocabulaire actif) comprend entre trente et cinquante mots utilisés spon-
tanément. Les premières juxtapositions de mots font leur apparition mais restent
encore très minoritaires en regard des mots-phrases. SÉBASTIEN commence
également à répéter par plaisir les mots de l’adulte. Il exprime quelques
demandes, soit non verbalement (pointage), soit verbalement, ou encore en
associant naturellement ces deux modalités d’expression. A l’écoute d’une
chanson ou d’une comptine, il reproduit parfois la mélodie, ou même chantonne

63
le début ou la fin d’une phrase musicale. La compréhension de consignes
doubles est en émergence mais reste encore difficile et très dépendante du
contexte d’énonciation. Ainsi, un an et demi après le début de la prise en charge
orthophonique, les progrès déjà constatés, tant au niveau de la communication
que du langage proprement dit, sont encourageants.
En octobre 2000, SÉBASTIEN bénéficie de deux séances d’orthophonie
hebdomadaires. Depuis un certain temps déjà, le jeune garçon manifeste claire-
ment son intérêt pour les sons et les paroles produites par l’adulte : il donne
l’impression de vocaliser tantôt par pur plaisir (un peu comme les très jeunes
enfants qui « explorent » leurs possibilités vocales avec beaucoup d’effets d’in-
tonation et qui en jouent), tantôt dans un réel but de communication intention-
nelle. Dans ce dernier cas, on distingue deux grandes catégories de fonctions de
communication, dites interactives, assurées par ces vocalises : il s’agit d’actes
de communication à visée de régulation comportementale (demande d’action ou
d’objet, protestation) ou à visée d’interaction sociale (attirer l’attention,
demande de routine sociale).
Il existe donc, chez SÉBASTIEN, des signes en faveur d’un bon poten-
tiel de développement concernant les aptitudes communicatives et même lan-
gagières ; cependant un travail régulier de stimulation s’avère encore absolu-
ment nécessaire. C’est à partir de ces émergences que la prise en charge
orthophonique, amorcée en février 1999, va maintenant se poursuivre avec
l’enfant.
Le travail orthophonique visera ainsi à « transformer » les premières
émergences en acquisitions stables et généralisables, susceptibles de consti-
tuer une assise solide à partir de laquelle la communication de SÉBASTIEN va
pouvoir continuer à s’épanouir encore, et notamment à travers le développe-
ment du langage verbal. Il s’agira en outre de toujours bien mettre en évi-
dence, pour l’enfant, l’utilité, c’est-à-dire la valeur fonctionnelle, du langage
verbal : en effet, la priorité est vraiment d’obtenir une communication prag-
matique, même limitée, mais adaptée au contexte et servant des fonctions de
communication interactives, et non pas l’acquisition d’un langage qui ferait seu-
lement illusion en surface, certes correct sur le plan de la structure mais complè-
tement vide de sens et non adressé. L’orthophoniste tentera donc de faire évo-
luer SÉBASTIEN vers une communication pragmatique plus riche et plus
conventionnelle, garante d’une meilleure intégration sociale.
Les séances d’orthophonie resteront le cadre privilégié et protégé où l’en-
fant pourra consolider, expérimenter et acquérir des compétences communica-
tives et langagières. Pour cela, il conviendra de lui offrir des situations « natu-

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relles » de communication (faire des salutations orales en arrivant et en repar-
tant, demander un jouet, le ballon, les bulles, marquer son refus ou encore expri-
mer sa volonté de rejoindre sa maman etc.), tout en faisant en sorte d’installer
progressivement des procédures plus conventionnelles, d’augmenter le stock
lexical et d’allonger la longueur moyenne des énoncés. La généralisation des
acquis entre les différents milieux de vie de l’enfant se fera, à travers des
échanges réguliers avec la famille et les équipes du service de psychiatrie
infanto juvénile.

Le travail orthophonique avec l’enfant


Le début et la fin des séances sont systématiquement marqués par un
petit « rituel », il s’agit des banales et traditionnelles salutations orales
(« bonjour » / « au revoir »). Ces mots sont particulièrement mis en valeur par
l’accentuation car c’est précisément ceux que l’orthophoniste veut faire
acquérir à l’enfant.
Il attend ensuite la réponse de SÉBASTIEN : tantôt celle-ci vient immé-
diatement et très spontanément, tantôt elle se fait encore attendre et alors il
insiste vraiment jusqu’à obtenir au moins une ébauche articulatoire même très
approximative.
Il accorde une très grande importance à ces salutations orales qui, assu-
rent plusieurs fonctions : c’est une façon de témoigner à l’enfant son respect, de
le familiariser avec les convenances sociales tout en lui donnant des repères
temporels par rapport à la séance d’orthophonie (début/ fin) et aussi, déjà, de sti-
muler en contexte son expression verbale.
L’orthophoniste a souvent été amené à tenir compte et même à exploiter,
toujours dans la perspective d’un travail axé sur la stimulation de la communica-
tion et du langage, les intérêts particuliers de SÉBASTIEN. En effet, comme
beaucoup d’enfants autistes, SÉBASTIEN focalise cycliquement son intérêt sur
un domaine extrêmement précis : entre l’été 2000 et le début de l’année 2001,
trois grands centres d’intérêt ont ainsi périodiquement orienté le contenu de
nombreuses séances (lettres de l’alphabet, dessin du bonhomme et chiffres de 1
à 10). En l’absence de toute sollicitation extérieure, ce genre d’intérêts quasi
exclusifs peut conduire à l’enfermement de l’enfant dans des activités solitaires
et stéréotypées (par exemple, aligner systématiquement toutes les lettres
mobiles sur le sol ...). Aussi, l’orthophoniste s’est immiscé dans ces activités,
mais sans jamais perdre de vue ses véritables objectifs de travail avec SÉBAS-
TIEN : ce faisant, il a donc toujours privilégié le développement de la commu-
nication, le support de travail n’étant finalement qu’un prétexte parmi d’autres
pour y parvenir et jamais un objectif en soi.

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Prenons, en guise d’illustration, le travail orthophonique réalisé autour du
dessin du bonhomme.
A l’automne 2000, SÉBASTIEN est très intéressé par tout ce qui
concerne le corps : il passe beaucoup de temps à dessiner (sur des feuilles et au
tableau) des formes humaines, d’abord des visages, des bonhommes-têtards et
finalement des bonhommes incomplets, puis complets (fin 2000).
Pendant cette période, SÉBASTIEN se précipite souvent vers le tableau
dès son arrivée dans le bureau de l’orthophoniste : il saisit alors une craie et se
met à dessiner un premier bonhomme, puis un deuxième, etc. Tous ses bon-
hommes se ressemblent beaucoup : ils sont toujours très souriants et réalisés
avec des formes très rondes (petite tête et gros ventre, ou grosse tête et petit
ventre).
Pour s’intégrer dans l’activité, l’orthophoniste commence par imiter ses
dessins en attirant son attention par des gestes désignatifs (pointage proto-
démonstratif) associés à des commentaires verbaux : SÉBASTIEN se montre
très intéressé, il l’observe attentivement, puis refait un bonhomme en se référant
ponctuellement à son tracé ; et, quand il a fini, il admire son dessin, puis le
regarde en souriant (attention conjointe). L’orthophoniste prend également
l’habitude de dénommer les différentes parties du corps du bonhomme : il
pointe par exemple les bras sur le dessin et, tout en répétant le substantif corres-
pondant, il prend aussi la main de SÉBASTIEN pour lui faire toucher ses bras et
enfin il touche les bras de SÉBASTIEN... Les mots écrits sont parfois encore
associés. Au bout de quelques séances seulement, le garçon commence lui aussi
à pointer les différents éléments sur le bonhomme et à répéter après l’adulte les
noms précédés des articles : « le ventre », « les cheveux », « la tête » ... Finale-
ment, SÉBASTIEN a ainsi pu non seulement assouvir son intérêt pour le corps,
mais aussi améliorer sa connaissance de son propre schéma corporel et enrichir
son stock lexical : à l’occasion des dernières séances autour du bonhomme, il
dénomme les parties du corps au fur et à mesure de l’élaboration de son dessin
et sans aucune aide ; de plus, la maman signale que son fils réutilise spontané-
ment une partie de ce vocabulaire à la maison, au moment de la toilette notam-
ment. Ce travail a en outre permis de mettre en place et de commencer à généra-
liser l’association article/ substantif chez un enfant qui jusqu’alors s’exprimait
essentiellement par mots-phrases.
Petit à petit, l’orthophoniste l’amène aussi à se décentrer du tableau pour
travailler au bureau avec du papier et des feutres : cela permet de travailler en
face à face avec lui et de passer d’un plan vertical à un plan horizontal. L’ortho-
phoniste en profite pour mettre en place des situations impliquant la formulation
d’une demande verbale ou d’un choix. Il garde les feuilles et la boîte de feutres

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près de lui. Il lui montre d’abord les feuilles et il lui demande « Qu’est-ce que tu
veux SÉBASTIEN ? Tu veux les feuilles ? » : dans un premier temps, l’enfant
manifeste son désir en essayant de saisir les feuilles des mains de l’adulte, en
pointant et/ou en vocalisant puis, en persévérant, l’orthophoniste obtient assez
rapidement une demande verbale (d’abord « euille », puis « feuilles », et enfin
« les feuilles »). Il procède de même pour les feutres et, quand SÉBASTIEN
devient capable de les réclamer en disant « feut » (ou « les feut »), il lui propose
un choix entre deux feutres de couleurs différentes : l’adulte en prend donc un
dans chaque main, et lui demande « Qu’est-ce que tu veux ? Tu veux le feutre
jaune (et l’orthophoniste le montre) ou tu veux le feutre rouge (et il le montre à
son tour) ? ».
La demande verbale, conventionnelle, est l’un des objectifs de travail
pour cette année, aussi la moindre occasion est saisie (et, au besoin, créée) pour
favoriser son acquisition et sa généralisation, comme dans l’exemple précédent.
En séance, les réponses de l’enfant sont évidemment encore très guidées
car cela reste quand même une situation d’« apprentissage » : il s’agit de lui
faire comprendre l’utilité de cette fonction de communication et de lui donner
les moyens de l’exprimer de façon plus conventionnelle ...
Pendant plusieurs mois, SÉBASTIEN a exprimé ses demandes au moyen
du pointage proto-impératif associé à des mots-phrases, puis à quelques juxta-
positions de mots. Un jour, en février 2001, il prend spontanément une grande
voiture jaune pour bébés (avec de grosses serrures et les clefs correspondantes).
Il commence d’abord à jouer seul en essayant d’ouvrir la portière avec les clefs.
C’est alors que l’orthophoniste s’insère dans son jeu en instaurant un tour de
rôle non verbal : il ouvre la portière et l’enfant la renferme aussitôt puis le
regarde, etc. ; puis, l’adulte imite le bruit de la voiture et, quand il fait une pause
en invitant l’enfant du regard, il prend son tour dans cette imitation sonore.
Ensuite, il s’empare de la voiture et la fait sciemment rouler contre la porte en
bois : cela provoque un grand bruit et SÉBASTIEN rit franchement tout en
guettant du regard la réaction de son orthophoniste (il cherche clairement à atti-
rer son attention). L’orthophoniste intervient alors, avec humour, en arrêtant la
voiture juste avant qu’elle n’atteigne le mur et en verbalisant avec exagération
« Non ! Je dis non ! » : SÉBASTIEN comprend la « plaisanterie » et éclate alors
de rire avec un air taquin ... En fait, une sorte de scénario (au sens de BRUNER)
est en train de se mettre en place : en effet, le même schéma d’interaction se
répète à plusieurs reprises, SÉBASTIEN recherchant toujours les mêmes effets.
Au bout d’un moment, l’adulte lui prend la voiture et la garde dans ses bras :
Sébastien veut la récupérer en la lui arrachant des mains, mais l’orthophoniste
refuse et lui demande « Qu’est-ce que tu veux ? Tu veux la voiture ? » ; c’est

67
alors que le jeune garçon répond d’abord « La voiture », puis ébauche « Je veux
la voiture »...
A partir de ce moment, il devient évident que l’on peut commencer à exi-
ger de lui une formulation plus élaborée pour l’expression de la demande, et
l’orthophoniste essaie donc d’obtenir la structure « Je veux ... » (par exemple
avec le ballon, l’appareil à bulles ou encore avec de grandes pièces de puzzle en
mousse représentant les chiffres). Pour l’instant, l’utilisation de cette structure
complexe reste toutefois très aléatoire en séance, et encore plus rare en spontané
ou dans d’autres contextes : il faut donc encore beaucoup stimuler l’enfant, se
montrer patient et persévérant avec lui en acceptant ses périodes de régression.
Il est maintenant toujours possible de rétablir le contact avec lui à travers
un mode de communication plus primitif, non verbal et non conventionnel (le
premier à s’être développé chez cet enfant) : le contact physique, les jeux
moteurs et l’imitation vocale directe réciproque.
D’ailleurs, lorsque SÉBASTIEN cherche spontanément à attirer l’atten-
tion de l’adulte et/ou à partager avec lui un moment de pure complicité, c’est
encore souvent ce mode d’échange qu’il privilégie naturellement. SÉBASTIEN
vient alors se poster devant l’adulte et le regarde fixement d’un air enjoué tout
en vocalisant des sons harmonieux (souvent réalisés avec la bouche fermée) et
en guettant la réaction du partenaire : il est très sensible au fait d’être lui-même
imité et imite toujours volontiers les productions vocales de l’autre en intégrant
les éventuelles modifications apportées par ce dernier... Mais, de temps en
temps, et en fait de plus en plus souvent, sa communication spontanée passe
maintenant par de petites juxtapositions de mots, généralement bien contextuali-
sées et clairement adressées : ainsi, un jour, en fin de séance, il réclame sa
maman en annonçant « Maison avec maman » ; une autre fois, il attire l’ortho-
phoniste devant la baie vitrée, pointe la voiture de sa mère, puis se retourne en
souriant et dit « Voiture maman » ...

Le comportement et la communication de l’enfant en mars 2001 : bilan de la


prise en charge et poursuite éventuelle du travail orthophonique
Ainsi, la communication par l’imitation, et surtout ici par l’imitation
vocale, a été et reste encore un mode d’échange très investi par cet enfant. Au-
delà des mots, c’est un mode de communication émotionnellement très riche et
qui renvoie inévitablement à la communication préverbale naturelle caractéri-
sant les premières interactions entre le très jeune enfant et sa mère : en effet, la
communication par l’imitation témoigne déjà de la mise en place des grandes
bases de toute communication en général, et des précurseurs du langage en par-
ticulier (accordage affectif, attention conjointe, tour de rôle ...).

68
Mais si SÉBASTIEN demeure encore attaché à cette forme primitive de
communication, il est déjà en train d’évoluer vers une communication plus éla-
borée et plus conventionnelle à travers le développement de son langage verbal.
Par son attention, ses regards et certaines de ses attitudes, ce garçon donne par
moments vraiment l’impression de « vouloir » apprendre, et l’apprentissage
par imitation semble constituer, pour lui, une voie privilégiée pour aller vers de
nouvelles acquisitions, au niveau du langage bien sûr mais pas uniquement.
Ainsi, il lui est souvent arrivé de vocaliser avec insistance pour amener l’adulte
à écrire (chiffres, lettres et mots familiers) sur une feuille de papier ou au
tableau.
En mars 2001, SÉBASTIEN est âgé de 6 ans et 2 mois. Il vient tout juste
de quitter l’Hôpital de Jour du service pour intégrer, à temps plein, une structure
d’accueil spécialisée avec une section pour enfants autistes (SISES). L’adapta-
tion à son nouveau cadre de vie se passe relativement bien et les parents sem-
blent satisfaits. Pour l’instant, la prise en charge orthophonique se poursuit
encore avec son orthophoniste habituelle afin de préserver quelques repères
stables dans cette période de grand changement. Un mois avant son départ, la
dernière synthèse fait état de certaines émergences dans le comportement et la
communication de SÉBASTIEN : ce dernier exprime ainsi davantage de
demandes spontanées (« Boire Elisabeth »), dénomme de plus en plus et répète
aussi plus volontiers ; il s’intègre désormais plus facilement dans un groupe res-
treint d’enfants mais nécessite toujours la présence et la sollicitation de l’adulte
pour réaliser une activité structurée.
Les entretiens avec la maman mettent en évidence des progrès sur le
plan du langage et la transposition de certaines acquisitions dans le cadre
de la vie familiale. Ainsi, elle observe nettement que son fils parle aujourd’hui
plus et mieux, même s’il faut encore souvent insister car SÉBASTIEN a généra-
lement tendance à chercher d’abord la solution de facilité (faire une demande
non verbale - pointage - plutôt qu’une demande verbale, par exemple). Toute-
fois, le langage verbal fait de plus en plus son apparition dans la communication
spontanée : SÉBASTIEN peut ainsi inviter son père au jeu par la formule sui-
vante « Viens jouer ballon papa ! ». Globalement, il y a plus de contacts,
d’échanges entre SÉBASTIEN et les membres de sa famille : il aime jouer au
ballon avec son père et, s’il se dispute encore souvent avec son jeune frère, on
note toutefois de rares moments de jeux en commun (surtout avec les voitures).
Le travail orthophonique est donc bien entendu à poursuivre avec
SEBASTIEN. Ses objectifs resteront d’ailleurs globalement les mêmes : favori-
ser, encore et toujours, l’épanouissement du langage verbal - sur les plans de la
sémantique, de la phonologie et de la syntaxe - mais résolument dans le but de

69
mieux servir des fonctions de communication (aspect pragmatique du lan-
gage), qui permettront à cet enfant d’améliorer encore la qualité de ses échanges
avec les autres et de trouver sa place (à son rythme et selon ses possibilités)
dans notre société.

REFERENCES
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70
Le programme Makaton pour des enfants
autistes : expérience d’une institution,
expérience institutionnelle
Nathalie Sarfaty

Résumé
Cet article rend compte des étapes de la mise en place d’un outil de communication pluri-
modale, le programme MAKATON, dans une institution pour enfants autistes. Il ne s’agit pas
de la description d’un outil technique, mais plutôt d’un témoignage sur une expérience insti-
tutionnelle. Cinq ans après le début de cette expérience, l’auteur, pédopsychiatre de l’insti-
tution, tente de dégager quelques pistes de réflexion et d’élaboration théorique sur les
conséquences thérapeutiques constatées pour les enfants et leurs familles, mais aussi pour
les professionnels, et pour la dynamique institutionnelle.
Mots clés : Makaton, communication plurimodale, autisme, institution.

The Makaton Program for autistic children :


An institutional experiment and experience
Abstract
This article summarizes the different stages of implementation of a plurimodal communica-
tion tool, the MAKATON program, within the framework of an institute for autistic children.
The author does not describe a technical tool but rather an institutional experiment and
experience. Five years after initiation of this program, the author (child psychiatrist in this
institution) attempts to identify several lines of thinking and theoretical issues regarding the
therapeutic implications of the program for children and their families, professionals, and
the institution at large.
Key Words : Makaton program, plurimodal communication, autism, institution.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


71
Nathalie SARFATY
Pédopsychiatre
Equipe de l’IPPA
17 avenue Anatole France
94000 Créteil

L
’introduction du MAKATON dans l’institution n’a pas été un simple
essai d’une nouvelle technique dans la prise en charge, elle marque de
façon très précise l’évolution du questionnement de l’équipe à une
époque donnée, celle du milieu des années 90.

♦ Historique et cheminement de l’Institution


Le Centre de Psychopédagogie Clinique, plus communément appelé
IPPA du nom de l’association gestionnaire, est un EMP qui reçoit trente enfants
présentant des troubles autistiques. Il a été créé en 1957 comme lieu d’enseigne-
ment et d’évaluation de l’école d’éducateurs spécialisés de l’IPPA. Cette filia-
tion est importante car cette école enseignait une approche spécifique des
enfants en difficulté psychologique, nommée Psychopéda gogie Clinique, élabo-
rée dans une double référence, celle de la psychanalyse et celle des pédagogies
actives. Le fondement de cette approche globale était l’articulation permanente
de trois versants non hiérarchisés dans la prise en charge : versant éducatif, ver-
sant psychothérapique, versant pédagogique. Au fil des ans, la pathologie autis-
tique devint l’indication principale d’admission, et fut indiquée comme telle
dans l’agrément de l’institution.
Au cours des quinze dernières années nous avons reçu et accompagné
environ 80 enfants autistes, avec un temps de séjour allant de trois à dix ans.
Étant « par naissance » hors du débat « thérapeutique-éducatif » et celui qui le
sous-tend « psychogénèse-organogénèse », nous avons cheminé avec une cer-
taine sérénité à l’époque des querelles violentes de la fin des années 80 et du
début des années 90.
« L’aventure Makaton » s’inscrit dans ce cheminement, quelques années
plus tard.
À cette époque, nous étions de plus en plus sensibles aux difficultés de
compréhension des enfants, en particulier, mais pas seulement, sur le plan ver-

72
bal. L’utilisation de supports visuels et concrets, souvent fabriqués avec les
moyens du bord, s’était intensifiée au cours des dernières années, et du pro-
gramme TEACCH, sans en partager l’esprit, nous avions retenu l’idée de visua-
liser le déroulement du temps, ou celui d’une activité, en autant de séquences
que nécessaires. A l’évidence ces supports visuels aidaient les enfants et l’on
assistait à une diminution des symptômes les plus lourds : si notre monde deve-
nait un peu plus compréhensible pour eux, c’est avec un certain naturel que les
enfants autistes s’avançaient un peu plus sur le chemin qui les éloignait de leur
repli et de leurs activités auto-sensorielles.
Tous les enfants n’avaient pas les mêmes besoins, et si les trois axes de la
prise en charge restaient identiques (soin psychothérapique, éducation « géné-
rale », enseignement pré-scolaire et scolaire), nous avions différencié des
groupes d’enfants en fonction de leur besoin plus ou moins grand d’étayage
visuel et concret. Il y avait donc des groupes « classiques » et des groupes
« concrets ». Les « classiques » utilisaient du matériel de plus en plus symbo-
l i q u e, aussi bien en classe qu’en temps d’ex p ression thérap e u t i q u e, les
« concrets » dans les mêmes temps découvraient et manipulaient des matières et
des constructions simples.
Cette distinction par les supports nécessaires avait l’intérêt de ne pas se
superposer complètement à des groupes de niveau intellectuel global, et nous
paraissait mieux cibler les spécificités autistiques des difficultés des enfants.
Ainsi certains enfants pouvaient commencer à apprendre les rudiments de la lec-
ture et de l’arithmétique, mais avaient besoin de cartes imagées très claires pour
différencier les affects.
En améliorant notre compréhension de leurs difficultés de compréhen-
sion, nous avons été amenés à mieux percevoir que leurs difficultés d’expression
(les deux tiers des enfants n’avaient aucun langage oral) étaient, elles aussi, très
spécifiques et que, pour certains, la souffrance à ne pas pouvoir se faire com-
prendre était manifeste et entraînait des mouvements dépressifs et des troubles
comportementaux.

♦ Une expérience artisanale anti-dépressive


Les mouvements dépressifs, nous les connaissions, nous aussi. Et l’aven-
ture Makaton a été initiée pour tenter de faire reculer notre sentiment d’impuis-
sance et d’échec.
Plusieurs enfants nous posaient cette question de nos limites profession-
nelles, et parmi eux, Hamidou nous a incités à improviser une expérience nou-
velle.

73
Travailler dans une institution pour enfants autistes, c’est être confronté
régulièrement à des sentiments d’impuissance et d’incompétence, et les soirs de
synthèse sont rarement triomphants. Mais certains enfants, à certains moments,
éveillent en nous un sentiment « d’urgence ».
C’était le cas pour Hamidou, cet enfant sans langage mais au regard vif et
aux stratégies intelligentes, dévasté de plus en plus souvent par des colères
impressionnantes qui le coupaient du monde, l’épuisaient et épuisaient son
entourage. Hamidou avait dix ans, il avait été admis au Centre à l’âge de quatre
ans. À l’époque nos soucis et ceux de ses parents étaient bien plus « basiques » :
qu’il se nourrisse et qu’il dorme à un rythme plus régulier. Six ans plus tard, le
garçonnet émacié n’était plus qu’un souvenir mais le gaillard solide que nous
avions en face de nous était à la fois plus présent, plus ouvert, plus en relation,
mais aussi fragile et menacé d’implosion... Il n’était certes pas le premier que
nous voyions payer de vulnérabilité et de souffrance sa courageuse sortie du
grand retrait autistique, mais pour lui c’était trop long, trop fréquent et trop vio-
lent... Et un soir de synthèse, nous nous disions : « que va t-il devenir ? ». Nous
ne sentions pas ses colères comme la manifestation d’une toute puissance
archaïque indépassable mais comme une lutte contre la panique qui l’envahissait
quand le monde, une fois de plus, devenait incohérent, confus, donc menaçant.
Nous nous disions : « il ne comprend presque rien à ce qui se passe autour de
lui, pour lui, à ce qui va lui arriver. Quand il était petit, c’était pareil mais cela
ne le concernait pas. Maintenant il s’intéresse au monde mais celui-ci lui
échappe sans arrêt... ».
Ses éducateurs avaient alors décidé de fabriquer des images le représen-
tant (un petit enfant à la peau noire et à la silhouette un peu ronde) dans les
situations de vie quotidienne les plus usuelles et de les lui commenter, avant ou
au cours des situations concernées. Pour renforcer le message, Claudine Coi-
naud, une de ses éducatrices, formée à la LSF, utilisa intuitivement des signes
quand elle expliquait à Hamidou le contenu des images. Le résultat fut rapide et
net, Hamidou allait lui-même chercher ses images, et fixait de tous ses yeux les
mains de son éducatrice, allant jusqu’à les secouer comme pour lui dire
« parle ». À certains égards son comportement évoquait celui d’un enfant
sourd... Très net aussi fut l’intérêt des autres enfants du groupe, du moins d’une
partie d’entre eux, pour ce nouveau « matériel » réservé à Hamidou : ils
« empruntaient » les images et se mirent à reproduire certains signes à l’inten-
tion d’Hamidou ou pour leur propre usage (en particulier à table où les signes
« pain » et « chocolat » devinrent à la mode).
Devant cet intérêt manifesté par plusieurs enfants, les membres de l’équipe
laissèrent s’exprimer leur créativité et les expériences de cartes ou de carnets

74
d’images commentés aux enfants avec l’appui de signes plus ou moins inventés
(à l’époque, trois personnes de l’équipe - une éducatrice, une psychomotricienne
et l’orthophoniste - avaient une formation en LSF, les autres apprenaient d’elles
quelques signes et improvisaient pour une bonne part) se multiplièrent dans l’ins-
titution, avec un enthousiasme très porteur mais en ordre très dispersé...
Il parut alors raisonnable de se mettre à la recherche d’un outil standar-
disé et Patrick Sanson, notre chef de service éducatif partit au congrès « Les
chemins du Langage » organisé par l’A.I.R à Besançon en Octobre 95 pour se
renseigner sur les divers supports de communication augmentée.
Il en revint en parlant du MAKATON qui venait d’être traduit en France
et commençait tout juste à être diffusé par l’association Avenir-dysphasie.
Les choses allèrent ensuite assez vite, le Dr Franc vint présenter à
l’équipe le projet et le matériel MAKATON. Nous avons ainsi appris que der-
rière ce sigle aux consonances rudes, voire guerrières, se cachaient les prénoms
des trois « fondateurs » du programme, à savoir MArgaret, KAte, and TONy, ce
qui était plutôt bon enfant. Le matériel fut commandé et les images standardi-
sées du programme furent généralisées dans l’institution, sans entraîner la dis-
parition d’un matériel artisanal plus spécifique quand le besoin s’en faisait sen-
tir. Deux, puis trois ... personnes de l’équipe partirent en fo rm ation et
diffusèrent comme elles le pouvaient leur savoir neuf au reste de l’équipe, avec
l’aide de celles qui savaient déjà signer...

♦ La mise en place de l’expérience MAKATON


Après mûre réflexion, il fut décidé d’informer les parents de l’utilisation
à l’essai d’un nouveau support d’aide à la compréhension et à l’expression, en
leur présentant quelques planches et signes au cours d’une réunion ; mais nous
avions le souci de ne pas envahir les différents milieux de vie des enfants de
signes et d’images avant de pouvoir évaluer l’éventuel bénéfice qu’ils pouvaient
en retirer et leur éviter un sentiment d’intrusion douloureux et dangereux. Par
ailleurs, pour les parents l’utilisation de tels supports, les signes en particulier,
était a priori difficile à comprendre et à accepter car ils apparaissaient comme
un renoncement à l’avènement du langage chez leur enfant, malgré nos explica-
tions sur l’utilisation de signes dans les comptines apprises à l’école maternelle
ou dans certaines méthodes d’acquisition de la lecture... (dont celle de Mme
Borel-Maisonny, utilisée dans l’institution).
Tous les enfants de l’institution furent concernés par le vocabulaire
MAKATON. Nous avions sélectionné un choix de mots concernant la vie quoti-
dienne, en respectant les niveaux du programme.

75
Des temps d’apprentissage formels furent organisés :
- dans le cadre de la classe, leur contenu variant en fonction des groupes
d’enfants (« Bleus, Verts ou Rouges », c’est-à-dire en gros « petits,
moyens et grands », « Classiques » ou « Concrets » comme on l’a vu
plus haut) ;
- dans certains ateliers (comme « mime et langage » où les enfants appre-
naient à mieux différencier les différentes émotions) ;
- dans le cadre de rééducations orthophoniques individuelles pour
quelques enfants ;
- dans la lecture quotidienne, avec chaque enfant, de son programme indi-
vidualisé visualisé, les supports visuels allant des photos aux picto-
grammes en passant par des images, et les mots écrits. Ces programmes
étaient lus et commentés aux enfants verbalement et par signes, souvent
en plusieurs séances au cours de la même journée.
Ces temps étaient menés par les éducateurs formés ou en cours de forma-
tion mais connaissant la LSF, avec souvent l’appui de l’orthophoniste.
Des temps d’utilisation plus informels se distinguèrent par leur intérêt : le
temps du repas, les moments de transition, les trajets, le contenu des ateliers les
plus concrets. Tous les adultes de la maison participaient à ce « bain » de lan-
gage MAKATON... avec plus ou moins de facilité...

♦ L’évolution de l’aventure
Ensuite, nous avons donné du temps au temps, et pour beaucoup ce sont
les enfants qui nous ont montré le chemin...
Certains nous ont stupéfiés : comme Claire-Héli, s’emparant des signes
avec avidité et une grande précision, opiniâtre à se faire comprendre, elle qui à
voir évoquait une princesse lointaine... comme Maxime le tourbillon s’appli-
quant à signer une petite comptine et à tenter de maîtriser en même temps la
bouillie de sons qu’il produisait... comme Gaëlle pouvant par signes et par
images évoquer sa colère contre sa mère et la peur qu’elle ressentait alors...
comme Emilie délaissant ses obsessions de texture et de brillance pour inventer
un signe totalement incompréhensible - il s’avéra ensuite représenter la paille
enfoncée dans le gobelet de Mac’Do et signifier « intéresse-toi à moi » - et
mimer les larmes... de la poupée... Comme Hamidou signant « travailler en
classe » sans conviction, mais hurlant beaucoup moins...
Il y eut des surprises : certains enfants n’avaient strictement aucune réac-
tion aux signes (c’était en général un peu moins vrai pour les images), d’autres
les reproduisaient instantanément, l’échopraxie semblant remplacer l’écholalie.

76
Il y eut des surprises chez les adultes, l’inhibition ou la facilité d’implica-
tion dans l’aventure ne respectant pas forcément la hiérarchie, la spécialité ou
l’ancienneté...
Cependant le consensus s’établit en quelques mois dans l’équipe : le
Makaton apportait quelque chose aux enfants et aux adultes et nous avions tous
envie de poursuivre et d’approfondir l’expérience.
La création d’une « commission MAKATON », comprenant les « per-
sonnes ressources » de l’expérience permit une évaluation régulière des réac-
tions des enfants, de l’implication des adultes, de l’intérêt des différents temps
et mode d’utilisation du programme dans la vie de l’institution qui continuait
d’évoluer, d’élaborer et d’organiser d’autres expériences, comme le packing,
une initiation à la lutte, sport de contact rapproché pour ces enfants souvent
phobiques d’un tel contact, ou la musique avec un musicien professionnel, ce
qui donna lieu à une interprétation peu banale du boléro de Ravel sur des bidons
d’essence, l’intensification d’ateliers d’informatique dont un utilisait un logiciel
de pictogrammes MAKATON...
Et le temps passa...

♦ Premières évaluations
Après presque quatre ans, certaines conclusions peuvent être tirées :
- aucun enfant n’a semblé particulièrement mis en difficulté par ce nou-
veau support dans la vie de l’institution : nous n’avons pas noté de réac-
tions d’angoisse ou de refus marquées par une augmentation de troubles
comportementaux ;
- certains y semblent totalement indifférents, mais les évaluations régu-
lières montrent qu’au fil du temps ce nombre diminue, même si l’utilisa-
tion peut être très modeste : reproduire un signe en signe d’assentiment
ou de compréhension, regarder plus ou moins furtivement les images ou
les pictogrammes jusque là « invisibles » ;
- nous avons donc continué, temps d’apprentissage formel et « bain » plus
informel pour tous les enfants, en affinant des indications supplémen-
taires, en individuel ou en petits groupes, selon ce que nous montraient
les uns ou les autres ;
- du côté des parents, les choses se sont décantées d’elles-mêmes : les
parents des enfants les plus concernés se sont formés, d’autres utili-
sent un « lexique de base » appris avec l’aide des éducateurs et par-
fois d’autres parents, d’autres restent très réservés sur l’utilisation
des signes en famille, mais aucun n’a émis de restriction formelle
sur ce support maintenant habituel de l’institution et qui leur est

77
familier par l’affichage de carnets, d’images ou de pictogrammes
quand ils viennent au Centre, et qu’ils voient les éducateurs et les
enfants s’en servir, dans les réunions ou sur les bandes vidéos de
certaines activités.
Les frères et sœurs des enfants, au cours des réunions les concernant
spécifiquement (« réunions des frères et des sœurs », proposées à partir
de l’âge de six ans), et aux cours des manifestations générales (« exposi-
tions » de certaines réalisations, fêtes de l’institution), se montrèrent
d’emblée partie prenante, s’exerçant à déchiffrer pictogrammes ou
signes des programmes avec parfois une nuance d’admiration pour cet
aîné ou ce cadet pourtant si pesant dans la vie familiale. Un des plus vifs
encouragements nous a été donné par une collégienne venue seule en
rollers à la réunion « des frères et des sœurs » : « c’est vraiment bien ce
que vous faites dans ce centre, parce que parler avec ma sœur (en
signes), c’était vraiment déjà bien, mais parler de choses abstraites, alors
là... ».
D’une façon générale, nous avons observé depuis le début de l’expé-
rience une augmentation de l’utilisation familiale de supports visuels
(carnets de photos, images de catalogues), et de celle de signes
« conventionnels » ou en tout cas « transparents »...
- pour au moins cinq enfants l’apparition ou la réapparition d’un début de
langage oral, disparu ou très stagnant, nous a paru clairement en lien
avec le fait de pouvoir, à ce moment de leur évolution, avoir à leur dis-
position un support plurimodal. Et nous pensons avec nostalgie à cer-
tains « anciens » en nous disant : « c’est sûr que cela l’aurait beaucoup
aidé »...
- l’évidente attirance de certains pour les signes gestuels, malgré l’exis-
tence de difficultés praxiques pour nombre d’entre eux, pose avec acuité
l’hypothèse de troubles dysphasiques, constitutifs, séquellaires ou fonc-
tionnels dans certains syndromes autistiques. Claire-Héli avait une com-
préhension verbale correcte, pouvait oraliser quelques mots, mais ne
s’exprimait qu’au minimum, plus occupée à dodeliner de la tête avec un
air absent, ou à concocter des « bêtises » ou des « agressions ». En
signant, elle peut aujourd’hui parler de ses impulsions, de ses désirs, de
sa peur, négocier le temps de port d’un appareil dentaire, et affirmer
péremptoirement à sa sœur aînée que la cassette préférée de celle ci est
« nulle » avec la mimique à l’appui... Mais quand nous demandons à
Claire-Héli pourquoi elle ne dit pas tel mot simple qu’elle sait dire, elle
signe simplement que c’est plus facile...

78
♦ Réflexions théoriques
Que nous donnent à comprendre, et à interroger, ces premiers résultats ?
C’est dans cette tentative d’élaboration que l’aventure MAKATON nous
apporte peut-être le plus, car nous devons réinterroger un certain nombre de nos
représentations cliniques et théoriques.
L’enfant autiste rebelle et tout puissant, refusant quasi idéologiquement le
monde humain, s’estompait déjà des représentations de beaucoup d’équipes
concernées par l’autisme, mais voir ces enfants se saisir de cette nouvelle
perche, assez grossièrement taillée au début, nous les a fait apparaître à la fois
très démunis, et très courageux, car n’ayant pas renoncé à nous rencontrer de
plus près.
Nous pensons que ce mode de communication joue plusieurs rôles :
- L’explication plurimodale, simplifiée, lente, répétitive, de ce qui se
passe dans leur environnement matériel, temporel et humain leur permet d’ébau-
cher un sentiment de continuité, qui devient l’ébauche d’un contenant psy-
chique. C’est cette fonction d’enveloppe, de contenant pour une ébauche de
pensée qui nous paraît primordiale. Moins régulièrement pris au dépourvu,
moins souvent confrontés au chaos d’un monde en morceaux épars et vides de
sens, ils se tournent plus facilement, parfois même avec un naturel insoupçon-
nable jusque-là, vers cette situation à haut risque pour eux qu’est la communica-
tion à l’autre, en commençant par cet autre qu’est l’adulte.
- Mais ils le font sans doute d’autant plus facilement que cet adulte n’a
plus tout à fait le même regard sur eux : l’enfant prend, ou retrouve, une place
de locuteur potentiel, et cette virtualité trouvée ou retrouvée vient faire tiers
dans la relation, vrai « luxe » dans la pathologie autistique qui nous a plus
confrontés à des allers retours parfois violents entre fusion et vide intersidéral...
L’enfant devient moins dépendant des projections de l’adulte interprétant
ses mimiques, ses attitudes ou ses bruitages, à la fois pour lui-même, et pour
l’adulte qui peut se mettre plus à distance de sa relation fantasmatique à cet
enfant-là, à ce moment-là. Se faire signifier, par un OUI signé avec énergie, que
l’on a été compris est très différent de supposer que tel enfant « comprend tout
mais ne le montre pas »... (« maintenant on a quelqu’un en face de nous », ont
dit des parents quand leur enfant a commencé à signer OUI et pouvoir ainsi
affirmer de façon précise avoir compris ou être d’accord).
L’adulte, de son côté, doit accepter l’écart qui se crée entre son langage-
pensée habituel et le discours simplifié et codé qu’il doit mettre en forme, et
avec les mains en plus... Cet effort nécessaire diminue le flux de projections. De

79
plus, en faisant cet effort d’abandonner son territoire langagier et conceptuel
habituel pour rejoindre une sorte de « champ d’à-côté », plus accessible à l’en-
fant, cet adulte renvoie à l’enfant une possibilité d’identification, car se retrou-
ver en territoire étranger, voire extra-planétaire, et tenter d’y prendre quelques
repères pour survivre, c’est ce à quoi cet enfant, justement, passe une grande
partie de sa vie et de son temps et voir les adultes un peu empêtrés et émus de
l’être doit lui donner plus de confiance en lui, et en eux...
À y repenser, d’ailleurs, la mise en place, l’année précédente, d’un atelier
d’anglais, alors que les membres de l’équipe étaient tous loin du bilinguisme
anglo-français reflétait sans doute une intuition du même ordre.
- Pour l’équipe de l’institution, après des débuts un peu désordonnés, le
programme MAKATON est venu renforcer la cohérence du cadre institutionnel.
Avoir à se constituer et à apprendre ensemble un langage commun, en faisant
des choix et des essais, est une expérience institutionnelle précieuse et harmoni-
satrice.
De plus, le caractère novateur de l’expérience amène un bénéfice narcis-
sique, très appréciable dans un travail difficile qui malmène régulièrement l’es-
time de soi et l’estime professionnelle. L’air impressionné du médecin du
SAMU appelé pour un malaise chez un enfant et le voyant, grâce aux explica-
tions parlées et signées de son éducatrice, perdre son air éperdu, se redresser et
partir assez tranquillement sur son brancard, l’air amusé de M. le DDASS, en
visite dans l’institution et salué par les enfants de l’atelier informatique par le
signe signifiant « chef, patron », sont un peu comme des sourires...
Enfin, l’apprentissage de signes en équipe est attractif et ludique, et les
temps MAKATON, précédant la synthèse hebdomadaire, sont une occasion de
défoulement et de rires bienvenue après une journée déjà longue. Depuis
quelques temps, les phrases que les adultes doivent déchiffrer, verbaliser, et
signer, sont fabriquées par les enfants pendant l’atelier informatique et picto-
gramme...

♦ Conclusion
Ce récit est celui d’une expérience intéressante et motivante, pas celui
d’une révolution et encore moins d’un miracle...
Nous sommes convaincus, au bout de quatre ans, que faire l’effort de pro-
poser de nouveaux supports, si l’on est prêt à changer aussi certains de nos a
priori, peut entraîner des améliorations dans notre façon de comprendre et de
tenter de soigner les enfants que nous avons en charge. Le programme MAKA-
TON en a été une bonne démonstration.

80
Mais nous avons aussi appris qu’une telle expérience est très longue, par-
fois décourageante ou peu compréhensible, et qu’elle entraîne, pour toute une
équipe, des contraintes énormes. Il nous semble qu’elle ne peut avoir une
chance d’aboutir, ou même de démarrer vraiment, que si elle est vécue comme
une expérience institutionnelle à part entière, élaborée, réfléchie, régulièrement
réévaluée et surtout repensée...
En ce qui nous concerne, nous avons eu beaucoup de chance avec nos
jeunes partenaires, par la confiance qu’ils nous ont faite pour accepter « nos
mains et nos images dans leurs yeux », par l’opiniâtreté de quelques-uns qui
tenait lieu de balise dans des moments de doute, par leur patience devant nos
débuts émaillés de rires idiots car gênés.
Merci donc à vous, enfants de ces années-là, d’Hamidou à Claire-Héli, de
Junior à Maxime, d’Emilie à Gowthaman, mais il faudrait plus de place... Ce
travail vous a été effort, et c’est un grand privilège que d’avoir fait ce bout de
chemin, un peu de traverse, avec vous...

81
Le système P.E.C.S.
Un système alternatif au langage
Chantal Brousse

Résumé
Il est devenu naturel de consulter une orthophoniste lorsqu’un enfant ne développe pas son
langage à l’âge attendu. Nous voyons donc les enfants de plus en plus jeunes et nous
voyons de plus en plus d’enfants présentant des troubles de développement de type autis-
tique. Nous savons que la stimulation précoce est très importante pour le développement de
leurs capacités de compréhension et pour leur développement cognitif. La rééducation
orthophonique à elle seule ne suffit pas bien sûr, il est important de pouvoir s’appuyer sur le
travail du pédiatre ou du pédopsychiatre, ainsi que sur un psychomotricien et un éducateur.
Mais dans la pratique libérale, ces conditions idéales n’existent pas toujours et lorsqu’elles
ne peuvent être réalisées, il faut malgré tout commencer le plus rapidement possible à aider
la famille en mettant en place une éducation structurée. Le système P.E.C.S. associé à des
techniques comportementales, peut apporter un début de solution très efficace.
Mots clés : compréhension, stimulation précoce, échange, interlocuteur, images.

The P.E.C.S system : an alternative to language

Abstract
When a child does not develop language at the expected age level, it is usual practice to
take the advice of a speech and language therapist. Speech and language therapists there-
fore tend to assess children at an increasingly young age, and to be increasingly confronted
with children who display developmental disorders such as autism. It is recognized that
early stimulation is crucial for the development of the child’s comprehension and cognitive
skills. Used alone, speech and language therapy is not sufficient: it is important to work in
collaboration with the paediatrician, child psychiatrist, physical therapist and special educa-
tion teacher. But these ideal conditions are not always met in private practice. Even when
they cannot be implemented, it is essential that the family be helped in initiating a structu-
red educational project as soon as possible. The P.E.C.S. system, which is associated with
behavioural techniques, can provide a very useful initial approach to the problem.
Key Words : comprehension, early stimulation, exchange, listener, images.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


83
Chantal BROUSSE
Orthophoniste
122 avenue Docteur Maurice Donat
06250 Mougins

♦ Le trouble d’intégration du langage


L’une des principales caractéristiques de l’enfant autiste est un trouble de
la compréhension du langage et des situations sociales qui en découlent. Nous
avons tous en tête le récit de Günilla Gerland qui nous raconte qu’à l’âge de dix
ans, elle jouait un jour dans sa chambre lorsque sa mère excédée lui avait dit :
« Mais enfin, tu peux ranger ta chambre ! ». Très gentiment elle avait dit
« Oui ! » et son étonnement était immense devant la colère de sa mère consta-
tant l’état de la chambre une heure plus tard.
L’enfant avait pris cette phrase dans sa signification littérale et ne pouvait
imaginer par la seule intonation, l’ordre implicite qu’elle contenait.
Cette incompréhension est souvent à la base de nombreux problèmes aux-
quels nous ne pouvons faire face, si nous n’avons pas un moyen de renforcer la
signification du message. Ce trouble a été très bien décrit par Mme Borel Mai-
sonny qui l’appelait la surdité verbale.
Le manque de compréhension est toujours présent dans le cas de l’au-
tisme, à des degrés divers. Il entraîne une incertitude dans les productions de
l’enfant qui, lorsqu’il commence à parler, va répéter ce qu’il croit être la bonne
réponse.
Exemples :
Je pense à V. ce petit garçon, autiste sévère de 4 ans, qui tout fier deman-
dait un jour à son père « Je veux du chocolat ! ». Triomphant et ravi, le père
avait donné un carré de chocolat à l’enfant qui aussitôt s’était roulé par terre en
hurlant jusqu’à ce que son père lui montre les images du cahier de langage.
L’enfant s’était calmé alors et avait montré la banane qu’il a avalée ensuite avec
délice. Il avait repéré les bananes, mais n’avait en tête qu’une formule globale
« Je veux du chocolat ! » pour demander à manger.
Je pense aussi à E. cet autre garçon de 7 ans, autiste sévère également, qui
s’est emparé du nouveau livre que je lui proposais pour apprendre à le commen-
ter, en disant avec un plaisir gourmand : « Ah ! Non alors, il n’en est pas ques-

84
tion du tout ! » formule qu’il venait d’entendre et qu’il avait aimé dans sa globa-
lité. Il savait qu’elle répondait à la question « Est-ce que tu veux ? » mais il
n’avait pas compris le sens négatif de la formule.
Lorsque l’on se trouve devant ce genre de réponse aberrante, qui semble
correspondre à la réalité mais risque de créer une situation ambiguë, il est diffi-
cile de décoder ce que désire l’enfant que l’on a devant soi. Bien entendu cette
incompréhension va conduire à des troubles du comportement, car je pense que
vous pouvez facilement imaginer comme il est inconfortable pour la personne
autiste, de ne jamais pouvoir obtenir ce qu’elle veut et de ne pas avoir les
moyens de comprendre ou de se faire comprendre.
Les enfants et les personnes autistes nous ont souvent surpris par leurs
capacités d’observation visuelle très développées et les différentes méthodes
structurées d’apprentissage s’appuient sur les objets ou les images (TEACCH
Program, A.B.A...) pour indiquer à l’enfant ce que l’on attend de lui ou ce qui
va se passer tout au long de la journée. Les consignes sont données sous forme
de séquences images et permettent de contrôler tous les apprentissages. Il est
nécessaire de penser à décomposer chaque geste, car l’absence de compréhen-
sion de la situation générale risque de rendre l’action inefficace.
Exemple : - aller au lavabo - tourner le robinet - passer la brosse à dents
sous l’eau - mettre le dentifrice - frotter les dents - passer la brosse sous l’eau de
nouveau - rincer les dents - rincer la brosse - ranger la brosse.
Lorsque la personne autiste a compris l’usage de cette séquence qui peut
rester en permanence au-dessus du lavabo, elle peut réaliser cette tâche et
d’autres dans les mêmes conditions, c’est-à-dire en autonomie.

♦ La stimulation précoce
Nous ne manquons pas actuellement de travaux prouvant l’importance de
la stimulation sur le développement du cerveau. Nous savons que chaque étape
du développement de l’enfant est prévue à un âge donné : la vision des formes,
le sourire, l’apparition de la première dent, la marche, les premiers mots et nous
avons grâce aux I.R.M. de fonctionnement, des cassettes vidéo, sur lesquelles il
est possible de suivre le fonctionnement du cerveau en fonction des stimulations
que reçoit la personne étudiée.
Nous sommes également en possession d’études très spécialisées sur le
cerveau, l’exemple le plus connu est celui des violonistes. Cette étude montre
que ces musiciens ont une zone auditive et une zone motrice correspondant à la
main (dextérité), beaucoup plus développées que la moyenne des hommes.

85
La même visualisation par I.R.M. est possible également après un A.V.C.
(accident vasculaire cérébral). On peut constater l’impact de la stimulation, la
personne recréant de nouveaux circuits de fonctionnement grâce aux cellules
intactes.
Nous avons aussi l’exemple du bilinguisme de l’enfant, exposé à deux
langues différentes dès le plus jeune âge que nous pouvons comparer avec les
difficultés des adolescents et adultes qui veulent apprendre une autre langue, à
un âge où le développement du langage est terminé.
Dans le cas de l’autisme, c’est comme si la mise en route des circuits
neuronaux ne pouvait se réaliser spontanément, sans que l’on sache vraiment
pourquoi.
Tous les essais de stimulation précoce qui se multiplient aux Etats Unis, au
Canada, en Suède, en Belgique... et qui enfin commencent en France même s’ils
sont encore rares, permettent de constater que les enfants autistes sont capables de
progresser, de faire des acquisitions importantes et de communiquer. Nous
sommes loin alors des théories des années 50 où l’on nous affirmait que l’enfant
refusait de communiquer. Cette affirmation sans aucun fondement scientifique a
donné lieu à des situations dramatiques où l’on attendait que des adolescents agis-
sent, lisent et écrivent normalement sans avoir jamais appris à le faire.

♦ Le système PECS (Picture Exchange Communication System)


C’est dans le Delaware aux Etats-Unis, que Lori Frost et Andrew Bondy
ont développé un système alternatif au langage : Système de Communication
par Echange d’Images qu’ils ont utilisé avec tellement de succès qu’ils ont voulu
le faire connaître de tous les professionnels s’occupant de personnes autistes.
Après avoir expérimenté et constaté les limites de plusieurs programmes
d’éducation structurée existants, ils ont décidé d’utiliser les mêmes repères
visuels mais dans un esprit différent. Ils ont défini une progression précise pour
la mise en place du système en s’appuyant sur l’échange avec un interlocuteur.
Depuis longtemps déjà, ils utilisaient des symboles visuels pour s’assurer de la
bonne compréhension de l’enfant, l’utilisation des images étant primordiale
dans toute éducation structurée. L’image a en effet un caractère persistant, alors
que la parole est fugace et ne laisse aucune trace.
Alors, quelle est la différence ?
La différence principale de ce système P.E.C.S. est que l’éducateur va
apprendre à l’enfant, à choisir un interlocuteur à qui il doit demander ce qu’il
aime vraiment.

86
Les images qui vont être utilisées ne seront pas des images choisies arbi-
trairement en fonction d’un apprentissage décidé par l’éducateur, mais des
images choisies en fonction des envies et des intérêts de l’enfant. Ce mode de
fonctionnement change tout. Que peut-on imaginer de plus agréable que de tra-
vailler en sachant que l’on va pouvoir obtenir ce que l’on aime et qu’il n’y aura
pas de refus ?
Pour une orthophoniste qui a des impératifs d’emploi du temps, cela per-
met de commencer à travailler à l’heure et sans colère, la rééducation devenant
un plaisir !
Le manuel d’apprentissage explique de façon détaillée le processus à
suivre pour mettre en place ce système qui se décompose en 6 phases. Elles ont
chacune leur importance et suivent un ordre très précis permettant le développe-
ment de la pensée autonome.
Il s’agit de :
L’échange - La spontanéité de la demande - La discrimination d’images -
La bande phrase - La question qu’est-ce que tu veux ? - Le commentaire.
Faire une demande
L’enfant doit faire une demande en échangeant son image contre l’objet
désiré. Souvent les parents vous disent : « Mais il sait me demander ce qu’il
veut, il m’amène devant l’armoire et dirige ma main vers ce qu’il demande ! »
Il faut leur faire prendre conscience que lorsque cette situation se pré-
sente, elle ne correspond pas à une demande. En effet, dans ce cas précis l’en-
fant ne pouvant atteindre ce qu’il souhaite, va chercher un outil, en l’occurrence
la main de son père ou de sa mère, il n’attend rien d’autre que l’objet souhaité.
A aucun moment, il ne sait que sa mère peut accepter (ou refuser) de lui donner
ce qu’il demande.
Nous, nous savons que ce qui caractérise une question ou une demande,
c’est la prise en compte de cette demande par une autre personne, l’interlocu-
teur et c’est cela qu’il est important de développer chez l’enfant autiste qui ne
sait pas communiquer et n’accède pas à l’empathie.
Apprendre à initier cette demande
Lorsque l’enfant a compris que cet échange d’image correspond à la
satisfaction de son désir, nous devons l’aider à généraliser cette notion. C’est-
à-dire que si le parent n’est pas dans la pièce, l’enfant ne doit pas escalader les
meubles au risque de tomber. Il doit avoir l’initiative de prendre son image et
d’aller chercher dans la maison, la personne qui pourra lui donner ce qu’il
veut.

87
Le manuel d’apprentissage du P.E.C.S. décompose avec beaucoup de
rigueur et de précision les techniques à utiliser pour parvenir à ce but. Il s’agit
de ne pas hésiter à utiliser une aide physique (main sur main) et visuelle (sollici-
tation de la main tendue), qui seront différées progressivement jusqu’à ce que
l’enfant agisse seul.
Les différentes phases de cet apprentissage doivent être respectées, car les
nuances dans le comportement sont imperceptibles au début et peuvent donner
lieu à des confusions, l’éducateur ou le parent qui va trop vite perd le bénéfice
du système. Il se décourage alors sans imaginer qu’il a simplement sauté une
étape.
Selon l’âge et les troubles associés à l’autisme, il sera bien sûr plus ou
moins long d’acquérir cette spontanéité de la part de la personne, mais il n’est
pas rare de voir un jeune enfant se précipiter sur son image dès les premières
séances. Pour les plus grands, surtout s’ils n’ont pas eu la chance d’être stimulés
tôt, ou s’ils présentent des difficultés intellectuelles associées, il faudra insister
davantage. Je donnerai un peu plus loin quelques exemples de la mise en place
de ce système avec trois enfants différents.

Transformation de cette demande simple en langage structuré


Lorsque le principe de la demande spontanée est acquis, lorsqu’on est
certain que l’enfant reconnaît les images, les trois premières phases sont maîtri-
sées, le travail de la structure de la phrase et de la langue peut commencer.
Les trois phases suivantes montrent comment on peut très progressive-
ment apprendre à l’enfant (ou l’adulte) à associer deux images : « je veux » et
« banane », d’abord spontanément, puis en réponse à la question « Qu’est-ce
que tu veux ? ».
La question intervient seulement dans la phase V, car ce qui est primor-
dial, c’est l’initiation par l’enfant de la demande spontanée et du choix.
Le travail spécifique de l’apprentissage de la langue peut alors commen-
cer avec la construction des phrases en plaçant les images sur une « bande -
phrase », l’élargissement du vocabulaire et l’introduction du commentaire : « je
vois..., j’entends..., la toupie tourne, le chat mange, le cheval court... »
Les notions cognitives suivent tout naturellement en rajoutant de la
même façon sur la bande - phrase, les notions de nombre, de couleur et de
taille, etc. L’usage des prépositions complète ce travail spécialisé que nous
savons faire qui consiste à développer et à structurer les phrases pour rendre le
langage efficace.

88
♦ Trois exemples d’éducation avec le système P.E.C.S.
Je citerai trois cas parmi les plus caractéristiques d’enfants pour lesquels
j’ai mis en place ce mode de communication :
1) Guillaume : âge de début : 5 ans 11 mois. Autisme sévère.
Suivi en hôpital de jour pendant plus de 2 ans et demi. L’évaluation de
ses compétences montre :
au test de Vineland : socialisation, imitation, communication : se
situent à 6 mois ;
la motricité générale est de 4 ans ;
le P.E.P. (Profil Psycho Educatif) montre un niveau global de dévelop-
pement de 9 mois.
Présentation
Il porte tout à la bouche en criant. Il ne se fixe pas et ne reste pas assis
plus de 5 minutes.
Il supporte mal qu’on le touche, il pince et mord le bras, la main ou la
joue de ceux qui s’approchent de lui. Il est hypersensible aux bruits de
toutes sortes qui le perturbent énormément : il devient agressif, crie en
se bouchant les oreilles.
Il ne sait pas faire correspondre une forme ronde dans un trou rond, ne
fait pas d’encastrement ni de tris - Il ne sait pas empiler des cubes, ni
les faire tomber dans une boîte - Il ne reconnaît pas les couleurs - Il ne
sait pas appuyer sur un bouton et ne peut reconstruire un objet en trois
morceaux - Il contrôle mal l’espace et la coordination œil - main - Il
manque de tonus et la motricité fine est déficitaire - Il ne comprend pas
les consignes et il ne réagit qu’à l’intonation de la voix d’appel - La
seule activité qu’il refait inlassablement est de presser une bouteille en
plastique en se promenant sur la pointe des pieds et en criant - Il n’est
pas propre ni le jour ni la nuit. Il n’aime manger que les raviolis et le
jambon... .
Mise en place du P.E.C.S
Dans un premier temps l’image de la bouteille en plastique et l’aide
physique complète. Puis ajout du jambon et du jus de fruit qu’il doit
demander pour boire ou manger.
Parallèlement à la maison, utilisation systématique d’un symbole
« Toilettes » représentant une image de WC découpée dans un cata-
logue. Chaque fois que l’enfant commence à faire pipi, il est conduit au
WC avec son image dans la main, qu’il doit poser à côté d’une autre
image fixe sur le mur devant les toilettes.

89
L’éducation structurée se fait main sur main, chaque exercice étant
ponctué d’une incitation visuelle pour une demande agréable de nourri-
ture ou de jeu.
Evolution : après un an et demi d’utilisation systématique de ce système.
L’enfant aura bientôt 7 ans.
Il vient volontiers en rééducation, s’assoit et reste assis plus de 30
minutes sans nervosité. Il prend seul les activités qu’il a appris à faire,
dans une boîte à sa gauche - Il exécute le travail puis le repose à sa
droite une fois qu’il l’a terminé (Teacch) - Entre les activités, il prend
seul son cahier et choisit une récompense : un bonbon, du jambon ou la
toupie selon son envie (P.E.C.S.).
Il utilise son symbole pour aller aux toilettes et il n’y a pratiquement
plus d’accident.
Il est capable de discriminer entre 6 images différentes - Il sait faire des
tris de couleurs, de formes, de taille - Il ramasse un objet qui tombe par
terre et le remet à sa place - Il range son cahier dans son cartable et
reconnaît oralement une dizaine de consignes (assieds-toi, ouvre la
porte, ramasse, ...) qu’il a d’abord utilisées en images.
Il ne parle pas, mais accepte le bruit et les contraintes - Il ne mord plus
que rarement - Il a un comportement plus facile dans la vie quotidienne
- Il est devenu câlin et son visage s’est épanoui.
A la maison il fait des demandes spontanées pour manger, boire, aller
aux toilettes ou faire de la balançoire sur le balcon.
Il fait lentement ses acquisitions cognitives, mais il fait seul ses
demandes pressantes, bien qu’il ait encore souvent besoin d’indices
visuels si l’envie est moins forte. Il se situe actuellement en phase III
(discrimination) sans avoir complètement terminé la phase II (sponta-
néité) que nous continuons à travailler régulièrement.
2) Victor : âge de début : 3 ans 11 mois. Autisme sévère. Intégration dans
un jardin d’enfants. L’évaluation de ses compétences de communica-
tion et de socialisation sont celles d’un bébé de 9 mois. Le P.E.P (Profil
éducatif) montre un niveau de développement cognitif proche de la
normale.
Il n’a aucun trouble associé et a été stimulé par ses parents qui compa-
rent avec la sœur aînée et lui proposent régulièrement des activités.
Il répète quelques mots déformés en écholalie mais ne comprend pas
les consignes si elles ne sont pas accompagnées d’un geste naturel.

90
Mise en place du système P.E.C.S. dès la première séance.
L’enfant a déjà l’habitude de regarder les images avec ses parents, il les
reconnaît bien et sait les associer avec les objets représentés, sans les
nommer. Il ne reconnaît pas non plus le mot entendu même s’il essaie
parfois de le prononcer.
Dès la première semaine, la maman me signale qu’il vient la chercher à
travers l’appartement avec son image à la main, pour lui demander à
boire. Les demandes spontanées se multiplient et chaque fois que l’en-
fant regarde son image, il prononce le mot juste. Très vite il devient
capable d’associer deux images « je veux- à boire ! » et nous passons
très vite à la phase VI : le commentaire.
Evolution : après 1 an et demi d’utilisation : avec l’aide des images, il
commence à construire seul des phrases courtes dans lesquelles il uti-
lise quelques prépositions, les nombres (jusqu’à 5) et les premiers
adjectifs . (ex : « je vois trois petits cochons marchent dans l’eau »).
Sans l’aide des images, il se contente de parler par mots juxtaposés. Il
va chercher son cahier de langage si on ne le comprend pas.
Ce système lui a apporté des certitudes. Il n’est plus anxieux et ne
manifeste plus jamais de colère. Il se réfère régulièrement à son cahier
de communication pour confirmation et consulte tous les jours l’em-
ploi du temps que sa maman organise chaque soir avec lui dans sa
chambre, pour prévoir les activités du lendemain.
Il aura bientôt 5 ans et demi et peut suivre en intégration, une grande
section de maternelle avec temps partiel dans une CLISS.
3) Etienne : âge de début : 4 ans.
L’enfant va à temps partiel à la maternelle, section des petits. Il a un
frère aîné et trois sœurs plus jeunes qu’il cherche à imiter.
Il est très autonome et s’occupe tout seul en classe avec les jouets.
L’institutrice le laisse faire, elle n’insiste que pour la mise en rang ou le
temps de dessin à la table de travail.
Les capacités cognitives sont normales, mais l’enfant n’a aucune com-
munication verbale.
Il est évident qu’il n’« entend » aucun mot et qu’il ne réagit qu’aux
gestes. Le trouble d’intégration du langage est massif. Les colères sont
violentes et fréquentes.
Ne connaissant pas encore le système PECS, je mets en place l’éduca-
tion structurée en suivant le programme TEACCH. Nous commen-
çons à travailler grâce au système de la récompense. L’enfant hurle et

91
se roule par terre. Je pose un bonbon « Smarties » sur la petite chaise et
je secoue la boîte. Il reconnaît très vite ce bruit et vient s’asseoir, il a
alors le droit de manger le bonbon et pendant cet instant privilégié, je
lui fais faire une activité simple et courte, posée d’avance sur la table
devant la chaise, puis il a le droit de manger un autre bonbon placé
juste derrière l’activité. Il repart alors se rouler par terre et nous recom-
mençons.
Il prend goût à ce mode de travail et il s’assoit de plus en plus volon-
tiers pour réaliser ce que j’ai préparé pour lui, sans qu’il soit nécessaire
d’utiliser la récompense.
Puis sa maman lui achète une cassette vidéo des images du Père Castor
et il passe des heures à la visionner. Je décide alors d’inclure cette acti-
vité dans les séances structurées à l’aide de l’Imagier du Père Castor
(Ed. Flammarion).
Il commence par feuilleter à toute vitesse les pages sans s’arrêter, plu-
sieurs fois. Puis petit à petit, je m’interpose en posant la main sur une
page et je prononce le nom de l’une des images représentées en choi-
sissant les animaux qu’il préfère. Il commence par se fâcher puis, après
quelques jours, il écoute ce que je dis et finalement, si je ne dis rien, il
ralentit et semble attendre que je prononce le mot.
Après un mois de ce travail, c’est lui qui s’arrête sur chaque image et je
dois dire le nom de tout ce qui est sur la page. Nous feuilletons alors
calmement tout l’imagier et nous citons le nom de toutes les images.
Après plusieurs répétitions d’un même mot, je retarde mon interven-
tion, il attend un peu, puis c’est lui qui ébauche le mot.
A partir du moment où il est capable de prononcer correctement un
mot, je rajoute soit une action soit une qualité.
Il a développé alors une écholalie de plus en plus importante et de plus
en plus adaptée, utilisant tout ce qu’il entendait pour essayer de se faire
comprendre.
La compréhension n’était pas meilleure pour autant car il ne reconnais-
sait que les mots isolés, et malgré beaucoup d’effort, il ne comprenait
pas les situations et faisait des colères de plus en plus violentes.
C’est à ce moment que j’ai découvert le P.E.C.S. et que je l’ai introduit
dans notre mode de travail. Il a d’abord été surpris, puis il a très vite
compris l’intérêt de se faire comprendre et s’est approprié très vite ce
système pour demander des frites et du coca ! Si vite que les parents
qui, dans un premier temps, ne voyaient pas comment les images pou-

92
vaient les aider, ont vite placé des tableaux de communication partout,
avant de faire de manière très structurée, le cahier de communication
dans lequel actuellement, toutes les images sont regroupées.
Evolution : après 3 ans et demi d’éducation structurée, suivi d’1 an et
demi d’utilisation du P.E.C.S., associé au travail structuré :
L’enfant est devenu beaucoup plus calme. Si la situation est prévue
dans l’emploi du temps ou dans l’agenda, il n’y a plus aucune colère. Il
a appris à jouer en respectant une règle du jeu en images. Nous faisons
des demandes alternées et maintenant qu’il a un moyen de se faire
comprendre, il accepte et gère même la frustration.
Exemple : Nous jouions à la dînette avec sa mère et sa sœur. A tour de
rôle nous lui demandions à l’aide de la bande - phrase, ce que nous vou-
lions, il nous le donnait puis à son tour il nous demandait quelque chose.
Bien sûr, j’ai compliqué le jeu comme toujours, en lui demandant le
« petit » poulet (qu’il avait déjà dans son assiette car c’était toujours la
première chose qu’il demandait). Dans la boîte, il n’y avait que des pou-
lets beaucoup plus gros, néanmoins après avoir « lu » ma phrase il a
commencé à chercher vainement. Nous commencions à craindre une
crise lorsque, voyant qu’il n’y avait pas d’autre petit poulet, il a enlevé
« petit » de ma bande - phrase, il a pris son cahier de communication a
cherché le symbole « gros ». Il l’a mis sur la bande - phrase et il a « lu »
alors, triomphant : « Chantal veut le gros poulet ! Génial ! » et il a mis
devant moi le gros poulet que bien sûr j’ai accepté en le félicitant.

♦ Conclusion
Tous ces exemples montrent, je l’espère, que ces enfants peuvent être
aidés par une prise en charge orthophonique précoce. Il ne faut pas hésiter, pour
aider les parents, à mettre en place très tôt cette éducation basée sur la stimula-
tion et la connaissance des difficultés spécifiques de l’autisme.
Cette prise en charge peut permettre d’éviter en grande partie les troubles
du comportement dus à l’incompréhension des situations et permet d’établir une
vraie communication avec la personne autiste.
L’orthophoniste a pour cela un outil de grande valeur, le P.E.C.S. qui lors-
qu’il est utilisé avec l’enfant jeune, en respectant le bon déroulement des
phases, s’adapte particulièrement au travail spécifique de l’orthophoniste. Les
résultats obtenus au Canada et aux Etats-Unis sont encourageants et nous
ouvrent des perspectives réellement séduisantes.

93
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Revue ANAE - 1997 - Textes Fondamentaux en Autisme

94
Intérêt et limite de l’utilisation de l’ordinateur
avec des enfants autistes
Alain Barré

Résumé
Logicom travaille avec une vingtaine de classes ou institutions accueillant des enfants ou
adultes autiste. Nous développons des logiciels et une méthodologie d’éducation cognitive :
la MOP. Les logiciels n’ont pas été spécifiquement développés pour eux au début. Progressi-
vement, ils ont été adaptés en fonction des caractéristiques propres aux autistes. Des bilans
d’utilisation ont été faits avec ces utilisateurs. Plusieurs points se dégagent, précisant l’inté-
rêt et les limites de l’ordinateur avec les autistes.
Mots clés : clarté, motivation, loi du gradient de but, personnalisation.

Use of the computer in working with autistic children :


its usefulness and limitations
Abstract
Logicom works with a score of classes or institutions tailored for autistic children and adults.
Our company develops software as well as a methodology for cognitive skill education : the
MOP. Originally, this software was not specifically designed for this clinical population. But
our tools were gradually adapted to incorporate characteristics of autistic individuals. After
assessing the use of our material by this specific population, several points emerged that
specify the value and limits of using computers with autistic patients.
Key Words : clarity, motivation, law of goal gradient, personalization.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


95
Alain BARRÉ
Psychologue, directeur de Logicom
25, avenue de la Vertoune
44120 Vertou

L es remarques qui se dégagent des observations des utilisateurs tournent


autour de plusieurs thèmes.

♦ Intérêt d’un support visuel.


Tous les utilisateurs soulignent l’intérêt du support visuel des consignes,
éventuellement associé au support écrit et verbal. Cela correspond, évidemment,
aux caractéristiques des autistes plus visuels qu’auditifs. Dans la majeure partie
des cas, l’écran doit être clair et même plutôt dépouillé, pour ne pas introduire
d’éléments distracteurs. Dans certains cas, pour ajouter à la clarté des consignes,
il est nécessaire d’isoler le jeune qui travaille, par deux petits panneaux (amo-
vibles) que l’on clipse de chaque côté de l’écran. Les dessins qui passent le
mieux sont ceux qui sont réalisés dans le style « ligne claire », contours nets
avec à-plats de couleurs, peu ou pas de hachures. Les photos doivent être pré-
sentées également d’une façon assez dépouillée : l’objet ou personnage princi -
pal étant détouré et isolé sur un fond uni ou estompé. Par contre, il est néces-
saire de diversifier progressivement les angles de vue sur l’objet et de présenter
les diverses formes qu’il peut recouvrir. Par la suite, il faudra le présenter dans
des contextes de plus en plus différents, variés et nombreux. Par ailleurs, il a
semblé intéressant de ne pas se contenter d’un mode, le dessin ou la photo, mais
de passer de l’un à l’autre, de faire intervenir progressivement des représenta-
tions 3D, des clips vidéo, etc. La plupart des utilisateurs soulignent l’importance
de pouvoir imprimer les pages-écrans pour que le jeune puisse en disposer sur
un support papier matérialisé.
Plusieurs programmes respectent ces consignes. Dans ceux que nous
avons réalisés, c’est le cas, par exemple de l’Imagier progressif qui présente les
divers aspects d’un même objet ou d’un même concept et qui offre la possibilité
de les personnaliser avec les photos ou vidéos prises dans l’institution.

96
Bien que l’aspect multimédia de l’ordinateur soit perçu d’une façon
positive, il arrive que les bruitages, la musique ou la parole provoque des per-
turbations. Il faut donc prévoir la possibilité de les désactiver dans les pro-
grammes.

♦ L’interactivité
L’interactivité de l’ordinateur présente également un grand intérêt pour
les autistes. En cas de réussite ou en cas d’erreur, la réponse est immédiate et la
possibilité de corriger l’est également. L’information donnée par la machine est
claire, standardisée, ce qui simplifie la compréhension. Toutes ces qualités vont
être très utiles pendant un temps mais elles peuvent, également, avoir des effets
pervers : le sujet peut s’enfermer dans une stratégie dans laquelle il réussit et ne
pas accepter d’en sortir même si cette stratégie n’est plus adaptée. Par ailleurs,
le transfert des acquisitions peut ne pas se réaliser. Il est nécessaire de le prévoir
dès le début des exercices. Le risque est grand, en particulier, pour les apprentis-
sages de lecture qui peuvent se figer dans la lecture globale de quelques mots
associés à des images, sans compréhension du sens. C’est pour cela qu’il nous
paraît indispensable, d’une part de diversifier les exercices sur un même support
(plusieurs logiciels abordant un même problème différemment) mais aussi,
d’autre part, de diversifier les supports utilisés en parallèle (papier crayon,
objets, maquettes, vidéo, peinture, ...).

♦ Les messages d’erreur ou de réussite


Il nous a été signalé à diverses reprises, la difficulté pour certains autistes
d’identifier le personnage, substitut du maître, qui donne les indications de réus-
site ou d’erreur. Souvent, il s’agit de personnages qui sourient ou qui font la
moue. La difficulté de certains autistes à donner du sens aux expressions
humaines est, bien sûr, en cause. Nombre d’entre eux apprennent pourtant à
identifier ces personnages mais il nous paraît indispensable d’introduire d’autres
représentations mieux adaptées, ne serait-ce que les mots écrits « oui » et
« erreur » et de pouvoir les accompagner de messages verbaux modifiables par
les encadrants eux-mêmes.

♦ Motivation et gestion de l’erreur


L’ordinateur suscite l’intérêt des jeunes autistes autant que des autres
jeunes. Quand les programmes sont bien pensés, c’est un outil qui favorise la
motivation chez eux comme chez les autres. Nous pensons que la loi psycholo-

97
gique de l’apprentissage dite « loi du gradient de but » (*) qui sous-tend le fonc-
tionnement de la plupart des jeux, s’applique chez eux avec la même intensité,
sinon plus que chez les autres ! Cette loi permet de comprendre que certains
joueurs (que ce soit sur console ou sur ordinateur), développent des addictions.
Ils restent alors attachés à un même type de jeu répétitif, qui leur procure tou-
jours les mêmes émotions avec intensité. Des autistes peuvent, eux aussi, déve-
lopper un intérêt exclusif pour tel ou tel jeu ou exercice dans lequel ils réussis-
sent, où tout devient prévisible, en particulier les sensations qu’ils vont éprouver
mais ils limitent encore plus leur champ d’action non pas à un type de jeu mais
parfois à un seul jeu. Pour éviter ce phénomène, il est préférable de proposer au
sujet, dès le départ, plusieurs programmes, dans lesquels on s’arrangera pour
qu’il réussisse. On devra disposer pour cela d’une gamme suffisamment variée
de logiciels dès le début.
Plus le jeune est en échec, plus il est nécessaire de lui donner l’occasion
de réussir sur ordinateur. L’observation empirique nous donne à penser que le
niveau des exercices proposés au début doit permettre à l’élève de réussir au
moins deux fois sur trois. Cela suppose de pouvoir diversifier les niveaux et de
paramétrer les difficultés. Cela n’est pas toujours suffisant et quand il s’agit
d’enfants en grande difficulté il nous a fallu personnaliser les exercices, les
tailler sur mesure en intégrant des photos, des mots, des vidéos qui avaient
directement du sens dans leurs univers personnels.

♦ La personnalisation des exercices


Cela nous amène à un autre point évoqué par nombre d’utilisateurs :
« pouvoir travailler sur un thème porteur permettant des compositions théma-

(*) La loi du gradient de but


Pour Clark Hull (Un système de concepts, 1952) la résolution d’un problème de labyrinthe par un rat est une
chaîne de conditionnements, remontant de la récompense finale au dernier carrefour du labyrinthe avant la
récompense, puis à l’avant dernier et ainsi de suite jusqu’au début, chaque fraction de parcours servant de
conditionnement à la fraction antérieure. C’est le concept de « réponse fractionnée ». Si cette hypothèse est
exacte, plus le rat est proche du but plus l’attraction vers celui-ci est forte : c’est le gradient de but.
Qu’en est-il sur ordinateur ? Dans les jeux, en particulier, on propose au joueur un objectif final que l’on peut
atteindre par de nombreuses étapes fractionnées (il peut y avoir jusqu’à cent niveaux et plus), avec des niveaux
progressifs de difficulté mais toujours accessibles y compris en cherchant des aides (les « soluces »). Chaque
étape franchie rapproche le joueur, d’un petit pas, vers la solution augmentant encore sa motivation (le gra-
dient de but) et il ne quittera pas le jeu tant qu’il ne l’aura pas terminé jusqu’à provoquer chez certains une
dépendance (ou addiction) du même type que celle que l’on rencontre chez les parieurs.
Ce qui est remarquable dans ce cas, c’est que le but à atteindre ne représente pas en soi un intérêt particulier. Il
ressemble aux autres « niveaux » ou aux autres plateaux que le joueur a traversés. Mais atteindre ce dernier
niveau, pour lui, est une façon de concrétiser sa réussite, d’augmenter son sentiment de compétence, de regon-
fler son ego et lui procure un incomparable sentiment d’estime de soi. C’est là que se tient la vraie récompense.

98
tiques et utilisant la photo pour relier l’ordinateur au monde de l’enfant ». Ce
point est, aujourd’hui, assez facilement réalisable depuis l’apparition des appa-
reils photos numériques et scanners bon marché et performants. On peut ainsi
partir du « vécu » de l’enfant pour l’intégrer dans les exercices. Le jeune va
ainsi retrouver dans un exercice le poney sur lequel il est monté, le minibus qui
le transporte, éventuellement la photo des parents et des frères et sœurs si ceux-
ci en sont d’accord... De plus en plus de logiciels fonctionnent suivant ce
schéma. Citons, à titre d’exemple : Fenêtre, Découvre-moi, Choisir, Asso3,
Sonimage, etc.
Cette personnalisation a une contrepartie : la complexification de la réali-
sation des programmes et donc leur coût, et la nécessité d’élever le niveau de
compétence informatique des encadrants, parents et éducateurs. Il y a, de ce
point de vue là, encore beaucoup à faire dans les institutions et les écoles d’édu-
cateurs !

♦ La communication
Depuis plusieurs années nous utilisons, avec des personnes autistes et
avec des personnes déficientes intellectuelles, des outils de communication
assistée, développés initialement pour les personnes atteintes d’Infirmité
Motrice d’Origine Cérébrale. L’exemple type en est l’Interprète Multi Codes.
L’intérêt de ces outils est leur souplesse et leur personnalisation. On peut y inté-
grer n’importe quel pictogramme ou dessin ou photo, dans plusieurs dimen-
sions, accompagné ou non de texte et parole naturelle ou synthétique. Ces outils
informatiques sont autant utilisés pour développer un lexique que pour apprivoi-
ser les structures syntaxiques de base. Ils s’intègrent dans une stratégie de com-
munication plus large qui s’appuie sur l’utilisation des pictogrammes pour déve-
lopper les stratégies conatives ou de demande du jeune autiste.
Pour terminer cet article je reprendrai les conclusions contrastées de deux
équipes qui ont mené une expérimentation avec une dizaine d’autistes chacune :
- « l’autonomie et le jeu que permet le logiciel renforcent la stabilité au
travail. Les progressions peuvent être suivies sans pression éducative
excessive, ce qui facilite l’accès aux apprentissages des sujets les plus
fragiles et les plus exposés aux situations d’échec » ;
- « l’ordinateur doit éviter tout ce qui est de l’ordre du conditionnement
dans lequel l’enfant autiste s’infiltre et s’accroche autant que son impé-
rieux besoin de sécurité l’y pousse ».

99
Les enjeux de l’intervention précoce
dans l’autisme
Bernadette Rogé, G. Magerotte, J. Fremolle-Kruck

Résumé
L’intervention précoce peut modifier considérablement le développement des enfants avec
autisme. Toutes les études rapportent des gains significatifs au niveau du Q.I., une amélio-
ration significative des comportements sociaux et de communication, et une diminution des
symptômes autistiques. Les enfants progressent plus lorsque l’intervention est commencée
très tôt et lorsqu’elle est pratiquée de manière intensive. Les résultats des principales
études sont présentés, les facteurs clé et les processus impliqués dans le pronostic d’évolu-
tion sont décrits.
Mots clés : autisme, intervention précoce, développement.

Implications of early intervention in autistic children

Abstract
Early intervention may dramatically change the development of children with an autistic
disorder. All studies have reported significant gains in IQ scores, significant improvement in
social and communicational behaviors and a decrease in symptoms of autism. Progress is
more pronounced when intervention is initiated very early and when it is intensive. This
article presents results from major studies and describes key factors and processes involved
in predicting the course and outcome of the disease.
Key Words : autism, early intervention, development.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


101
Bernadette. ROGÉ*
G. MAGEROTTE**
J. FREMOLLE-KRUCK***

L
es progrès réalisés dans la connaissance de l’autisme facilitent un repé-
rage de plus en plus précoce. Les cliniciens expérimentés sont maintenant
capables de détecter les signes d’autisme aux environs de 12 mois en
moyenne (Volkmar et al. 1994 ; Rogers et Di Lalla 1990 ; Fombonne 1995). Par
contre, des retards dans le diagnostic restent encore trop fréquents en raison du
manque d’expérience des parents dont c’est le premier enfant, de la difficulté de
certains parents à envisager la présence d’une difficulté de développement, et du
manque de formation de certains professionnels peu familiarisés avec les pre-
mières manifestations de l’autisme (Fombonne & De Giacomo 2000). Des
efforts importants restent donc à faire pour sensibiliser le public et améliorer la
formation des différents partenaires du monde médical et éducatif. Il s’agit d’un
problème crucial en matière de santé publique et en matière d’éducation car
l’identification plus précoce des troubles devrait entraîner la mise en place plus
rapide de mesures de soutien adaptées incluant les aspects médicaux, sociaux,
psychologiques et éducatifs (Rogé 2001). Les enjeux sont de taille puisque les
publications disponibles dans ce domaine convergent toutes pour souligner l’im-
pact déterminant de l’intervention précoce sur le développement ultérieur d’un
enfant porteur d’autisme.

♦ Intervention précoce : les faits


Les premiers travaux sur la prise en charge précoce sont ceux de Lovaas
(Lovaas 1987) et de Strain et collaborateurs (Strain & Hoyson 1988 ; Strain,
Hoyson & Jamieson 1985). Ces deux équipes ont développé des modalités d’in-

* Professeur Université de Toulouse, UFR de Psychologie et CERPP (Centre d’Études et de Recherches en


Psychopathologie), responsable du centre de diagnostic et évaluation de l’autisme, Hôpital La Grave, Tou-
louse
** Professeur Université de Mons-Hainaut (Belgique), département d’orthopédagogie, Directeur du Service
Universitaire Spécialisé pour personnes avec Autisme (SUSA)
*** Psychologue, Doctorante CERPP (Centre d’Etudes et de Recherches en Psychopathologie)

102
tervention relativement similaires puisqu’elles sont essentiellement inspirées par
l’approche comportementale. Dans le cas de Lovaas, le programme repose sur
un modèle d’apprentissage par conditionnement opérant qui s’effectue durant
des sessions intensives avec essais répétés. Les renforcements positifs sont utili-
sés pour modifier le comportement. Strain et ses collaborateurs combinent quant
à eux les techniques comportementales avec une approche développementale et
appliquent leur méthode dans le cadre de l’intégration.
Ces deux équipes ont rapporté des résultats très positifs lorsque les
enfants ont bénéficié d’une intervention intensive avant l’âge de 5 ans. Pour ces
deux programmes, environ la moitié des enfants ayant bénéficié de la prise en
charge précoce rejoignait ensuite le cursus scolaire normal (47 % pour Lovaas et
52 % pour Strain et collaborateurs) et n’avait plus besoin de suivi. D’autres
études portant sur des programmes similaires ont aussi rapporté de bons résul-
tats mais jamais à la hauteur de ceux annoncés dans les premières publications
(Olley et col. 1993 ; Fenske et al. 1985).
Les résultats avancés par Lovaas ont donné lieu à des polémiques qui ont
probablement retardé la prise en considération des effets de l’intervention pré-
coce. C’est surtout l’annonce d’une normalisation possible qui a entraîné le plus
de scepticisme et les controverses ont alors porté sur la validité des diagnostics
de départ et sur la méthodologie d’évaluation des effets de la thérapie. Par
ailleurs, l’approche comportementale mal connue, et sans doute présentée de
manière schématique et réductrice a soulevé des réticences importantes en
France.
Aux Etats-Unis par contre, les programmes pour enfants d’âge pré-sco-
laire se sont beaucoup développés dans le courant des années 80 (Olley et col.
1993) et l’on dispose maintenant des premiers éléments d’évaluation de leurs
effets. Dans les revues récentes de cette question (Rogers 1996 ; Erba 2000) les
résultats des programmes d’intervention sont très positifs. Ces programmes
d’intervention précoce s’appuient pour la plupart sur une approche développe-
mentale et comportementale. Ils incluent un travail systématique sur les compé-
tences psychomotrices, cognitives et sociales. La réduction des comportements
problématiques peut y être envisagée de manière indirecte, c’est à dire que l’ob-
jectif est le développement de nouvelles capacités qui viendront concurrencer
les comportements déviants. Elle peut aussi, dans certains programmes, consti-
tuer un objectif plus central. Elle s’appuie alors sur des stratégies de modifica-
tion du comportement, mais elle ne représente jamais l’essentiel du programme
dont l’axe privilégié reste dans tous les cas le travail sur le développement de
nouveaux comportements positifs et fonctionnels.

103
Bien que les modalités de traitement et d’évaluation des résultats varient
d’un programme à l’autre, ce qui pose d’évidents problèmes méthodologiques,
les résultats obtenus doivent être pris en considération. Ces études ont en effet
montré un effet significatif sur le développement avec une augmentation du QI,
une amélioration du langage, l’installation de comportements sociaux plus adap-
tés et une diminution de l’intensité des comportements autistiques chez les
enfants pris en charge. De tels résultats sont généralement enregistrés en 1 ou
2 ans d’intervention précoce et intensive. La majorité des enfants pris en charge
(73 %) atteint un niveau de langage fonctionnel à la fin de la période d’interven-
tion (en général vers 5 ans). Les acquis réalisés dans tous les domaines du déve-
loppement ont été préservés après la fin de l’intervention ce qui montre la stabi-
lité des résultats obtenus.

♦ Les facteurs déterminants de l’efficacité


Les enfants avec autisme tirent donc bénéfice de l’intervention précoce et
il est important de souligner les facteurs qui président à leur mobilisation.
1/ La précocité : lorsque la stimulation intervient entre 2 et 4 ans, l’effet
obtenu est significativement plus important que lorsque le même type de pro-
gramme est appliqué plus tardivement (FENSKE et col. 1985 ; LOVAAS &
SMITH 1988).
2/ L’intensité : lorsqu’un travail spécifique est effectué pendant au moins
15 heures (et plus) par semaine avec un encadrement très personnalisé pendant
une durée de un à deux ans ou plus, les progrès sont conséquents (Rogers 1996 ;
Luiselli 2000). Dans certains de ces programmes, le recours à des pairs non
autistes et aux parents qui reçoivent une formation adaptée permet de prolonger
la stimulation dans les différents milieux fréquentés par l’enfant et de dévelop-
per un apprentissage en milieu naturel qui a plus de chances d’être véritable-
ment fonctionnel.
3/ La spécificité : Les résultats des différentes études (Rogers 1996) mon-
trent aussi que la stimulation précoce et intensive a plus d’effets sur le dévelop-
pement des enfants avec autisme que sur celui des enfants avec d’autres déficits
neurodéveloppementaux. Il existe donc très probablement une plasticité spéci-
fique à l’autisme dans la période précoce du développement. Mais l’effet béné-
fique de la stimulation est fortement lié à l’adaptation de l’adulte aux particula-
rités de l’autisme et à l’individualisation des procédures (Magerotte 2001).
4/ Le choix des cibles de travail : la focalisation de la stimulation précoce
sur les comportements pivot ( KOEGEL et al. 1999a ; 1999b) permet d’étendre

104
les effets à des domaines qui ne sont pas spécifiquement abordés durant le tra-
vail. Le comportement pivot est en effet un élément suffisamment général pour
être impliqué dans plusieurs secteurs d’activité. La capacité de réponse à des sti-
muli variés, la motivation et l’auto régulation du comportement sont les princi-
pales réponses pivot spécifiquement retenues par KOEGEL. D’autres comporte-
ments comme l’imitation, l’attention au partenaire social, constituent également
des pivots à partir desquels les gains obtenus peuvent être démultipliés. Le tra-
vail précoce sur de tels éléments du répertoire comportemental peut avoir un
effet positif sur l’évolution à long terme (KOEGEL et al. 1999b).
5/ L’effet du contexte : L’apprentissage incident, réalisé dans l’environne-
ment naturel est plus efficace car il sollicite davantage la spontanéité de l’enfant,
sa motivation propre et renforce l’aspect fonctionnel des comportements qui
sont en prise directe avec les contraintes de la vie quotidienne (McGEE et al.
1999). De ce fait, l’approche qui reposait sur l’application des principes du
conditionnement opérant dans le cadre de sessions de travail spécifiquement
organisées pour cela tend à être remplacée par le renforcement des tentatives
spontanées de l’enfant pour communiquer ou pour se comporter spontanément
dans son milieu de vie. L’apprentissage en milieu naturel suppose l’implication
forte des parents et de tout l’environnement proche car c’est dans sa famille, et
par extension dans ses lieux de vie habituelle que l’enfant pourra développer des
initiatives que l’on s’efforcera de soutenir et de développer en les renforçant.

♦ Les processus en jeu


La connaissance des facteurs qui président au développement normal
nous permet de mieux cerner l’importance des processus mis en jeu dans l’inter-
vention précoce.
Le phénomène de plasticité cérébrale d’abord étudié de manière expéri-
mentale chez l’animal a été illustré dans l’espèce humaine par des études utili-
sant les techniques non invasives d’imagerie (Courchesne et al.1995 ; Gressens
2001). Si la plasticité cérébrale permet d’envisager la possibilité de suppléances
ou d’atténuation des anomalies avec une stimulation précoce, elle ne peut être à
l’origine d’une restauration totale des fonctions. Les troubles du développement
sont en effet caractérisés par leur impact d’autant plus profond et d’autant plus
envahissant qu’ils sont précoces et induisent en conséquence d’autres perturba-
tions dans le développement du système nerveux. Il n’en reste pas moins que les
chances de solliciter positivement les structures cérébrales en développement
sont d’autant plus grandes que l’intervention est précoce et se situe dans la
période critique.

105
Sur le plan du comportement, les retards et déviances dans le développe-
ment empêchent les apprentissages ou compromettent leur qualité dans la
mesure où ils modifient l’expérience. Les déviances sensorielles peuvent par
exemple générer des réponses aberrantes à l’environnement (attention sélective
à certains aspects au détriment d’autres, absence de liaison entre les différentes
modalités sensorielles...). Les déviances sociales privent l’enfant de la stimula-
tion dans ce domaine et de son impact si déterminant sur l’évolution cognitive et
affective. L’enfant qui ne dirige pas son attention vers les partenaires sociaux,
qui ne recherche pas chez eux les indices pour comprendre l’environnement ou
qui ne reproduit pas les comportements observés chez autrui manque des étapes
décisives de son développement. De même l’enfant qui ne s’engage pas sociale-
ment ne peut saisir l’importance de la communication. Il n’entre pas dans les
premières formes d’échanges qui constituent pourtant le préalable à l’installa-
tion du langage et des autres types de communication. Le travail précoce sur des
cibles comportementales bien sélectionnées est donc susceptible de relancer cer-
tains aspects du développement en corrigeant les anomalies enregistrées au
niveau des fonctions de base. A ce niveau il convient également de prendre en
compte les limites possibles de l’intervention. En dépit de la correction possible
de certains comportements pivot, le style autistique persiste le plus souvent et
des mesures spécifiques d’éducation restent utiles dans le prolongement de la
période précoce du développement pour accompagner l’enfant dans sa progres-
sion et lui donner tous les outils de la communication et de l’adaptation sociale.
Les connaissances actuelles dans le domaine biologique ou psycholo-
gique plaident donc en faveur d’un travail précoce sur les fonctions défaillantes,
avec l’objectif de limiter les effets envahissants de l’autisme. Les enjeux sont de
taille car intervenir tôt signifie corriger au moins partiellement le développe-
ment et donner une assise plus solide aux apprentissages ultérieurs. C’est aussi
ouvrir plus largement la voie de la communication sociale et accompagner les
enfants qui le peuvent vers le langage. C’est enfin contribuer à l’amélioration de
la qualité de vie de l’enfant et de sa famille. Au-delà de ces enjeux qui en soit
devraient être suffisants pour justifier l’intervention précoce, des enjeux socio-
économiques sont également à considérer car limiter les effets envahissants de
l’autisme c’est aussi modérer les coûts de prise en charge ultérieure pour la col-
lectivité. Les enjeux de la prise en charge précoce dans l’autisme sont donc mul-
tiples et ils touchent à la fois le plan individuel, familial et social.

106
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107
Témoignage sur l’évaluation et sur la prise
en charge précoce d’un enfant autiste
Francine Cuny, Bérengère Marais

Résumé
Cette rétrospective sur l’évaluation et la prise en charge précoce d’un enfant présentant un
trouble de la socialisation et de la communication n’a pas la prétention de répondre à l’en-
semble des problèmes qui se posent, tant du point de vue diagnostique que thérapeutique.
Elle reste un témoignage qui veut souligner les difficultés rencontrées par les familles dans
leur quotidien. La perspective de la rééducation orthophonique en libéral chez le jeune
enfant n’est sans doute qu’une alternative, voire un pis-aller, mais elle ne doit pas laisser les
professionnels démunis : il y a des objectifs concernant le développement des capacités de
communication de l’enfant et les moyens peuvent être repris par les familles qui sont alors
en mesure de comprendre et de mieux gérer les troubles du comportement de leur enfant.
Mots clés : autisme, évaluation et prise en charge précoce, aides visuelles, collaboration de
la famille.

A retrospective review of the assessment and early intervention


strategies used with autistic children
Abstract
The purpose of this retrospective review, which summarizes the assessment and early inter-
vention strategies used with children with social and communication disorders, is not to
solve all diagnostic and therapeutic problems encountered in these children. We are prima-
rily interested in highlighting those difficulties to which families are confronted in their daily
life with the autistic child.
Although the implementation of speech and language therapy by a professional Speech and
Language Therapist is only one among several possible solutions (sometimes a last resort),
professionals should not feel helpless in this situation : objectives regarding the develop-
ment of communication skills can be formulated and families can learn therapeutic tools
which will help them improve their understanding and management of the child’s behaviou-
ral problems.
Key Words : autism, assessment and early intervention strategies, visual support, family
collaboration.

109
Francine CUNY
Bérengère MARAIS
Orthophonistes
Service du Pr Mouren-Siméoni
48, bd Sérurier
75019 Paris

M
athieu, âgé de 2 ans 2 mois, est hospitalisé à la demande du médecin
qui l’a reçu en consultation pour retard de développement avec
troubles de la communication et des interactions sociales.
Mathieu a une sœur aînée de 3 ans en bonne santé. Aucune anomalie
n’est retrouvée dans les antécédents. L’enfant a été gardé par sa mère puis mis
deux matinées par semaine dans une halte garderie à l’âge de 20 mois.
Les parents de Mathieu, inquiets par l’absence de langage et par les
troubles du comportement de leur fils à l’approche de la scolarisation, ont
demandé une consultation dans le service de pédo-psychiatrie. Toutefois leurs
premières inquiétudes remontent à l’âge de 12 mois.
L’enfant ne manifestait aucun intérêt pour les personnes, n’établissait pas
de contact avec ses proches, préférant être seul, occupé par des jeux pauvres et
stéréotypés (construction/destruction de tours de 2/3 cubes pendant des heures si
on le laissait faire). Il ne babillait pas et ne montrait aucune appétence pour la
communication, ne montrant aucun objet du doigt, ne réagissant pas quand on
l’appelait, sans aucune manifestation affective envers ses proches mais ayant
développé une intolérance majeure avec colères violentes à la moindre frustra-
tion. Les troubles du sommeil étaient importants avec des réveils nocturnes mul-
tiples en milieu et en fin de nuit.
La mère de l’enfant notait quelques changements une semaine avant
l’hospitalisation. Mathieu pouvait prendre la main de l’adulte pour lui faire faire
quelque chose, il essayait d’imiter quelques gestes de sa mère dans la salle de
bain (limer les ongles, crème sur le visage...). Il déambulait beaucoup, dormait
le jour, se levant à 4 heures. Il ne mangeait qu’avec ses mains. Le comportement
était identique avec les deux parents malgré toutes les adaptations qu’ils avaient
pu mettre en place.
Dans l’unité de jeunes enfants où il est accueilli à la journée, on observe
dans les premiers temps une recherche active de l’isolement, une intolérance

110
aux sollicitations de l’adulte se traduisant par des pleurs inconsolables et un
refus de partage de l’activité.
L’examen psychomoteur met en évidence un retard : niveau situé entre 18
et 20 mois. Une prise en charge en psychomotricité est préconisée.
L’examen psychologique est réalisé à l’aide du PEP-R. Le développement
est caractérisé par une grande hétérogénéité avec des réalisations entre 7 mois
(performance cognitive et cognition verbale) et 23 mois (domaine visuo-percep-
tif). L’autonomie sociale, évaluée avec les échelles de Vineland, montre égale-
ment un profil hétérogène avec des âges développementaux de 9 mois pour les
domaines de la socialisation et de la communication et de 1 an 4 mois pour les
compétences de la vie quotidienne.
L’évaluation des capacités de communication verbale et non verbale
(comme les autres examens) est réalisée sur plusieurs séances pour permettre à
l’enfant de s’adapter et de mieux comprendre la situation.
Les premiers jours d’hospitalisation sont marqués par une grande intolé-
rance à la moindre demande de l’adulte. L’enfant repousse l’adulte, n’établit
aucun contact visuel, ses intérêts sont limités et répétitifs : tours de cubes et gri-
bouillages. Il peut toutefois s’intéresser au matériel proposé par l’adulte si ce
dernier ne le sollicite pas dans un premier temps. Il examine plus le matériel
qu’il ne le manipule. Puis peu à peu, l’enfant prend en compte les demandes de
l’adulte.
On observe :
Sur le plan réceptif :
Auditif :
Une réaction inconstante aux différents sons que les objets soient sonores
ou musicaux.
La réponse à l’appel de son prénom n’apparaît que si l’adulte a réussi à
établir une interaction et n’est observée qu’en fin d’hospitalisation.
Une absence totale de réactions aux consignes et/ou ordres simples pro-
posés sur le mode verbal seul.
Les variations prosodiques de l’adulte ne semblent pas comprises, l’en-
fant reste indifférent aux félicitations et aux encouragements.
Etayée par un support gestuel, la compréhension verbale s’améliore
mais reste très dépendante du contexte. L’enfant peut alors donner un
objet sur demande mais sans choix sélectif. Cependant ces moments
interactifs sont peu maintenus et le plus souvent l’enfant porte l’objet à
la bouche.

111
Visuel :
la poursuite oculaire est de bonne qualité dans les activités qui intéressent
l’enfant (bulles de savon par exemple) et il peut même parfois suivre un
pointage à distance.
L’enfant se montre intéressé par les encastrements dont il comprend le
principe mais a des difficultés pour trouver l’endroit adéquat puis à ajus-
ter la pièce (en raison d’une insuffisance de la coordination oculo-
manuelle).
On note également un intérêt pour les images qu’il regarde attentivement
sans qu’on puisse mettre en évidence d’éventuelles capacités de traite-
ment (pas d’appariement, pas de choix sélectif...)

Sur le plan expressif :


Il n’existe pas de langage organisé. On relève quelques vocalises peu
variées mais qu’il semble possible d’enrichir.
Quelques ébauches de répétitions de mots ont été obtenues dans des situa-
tions de jeux routinières (ébauche de [donne] à [da] pour obtenir les
pièces d’un jeu données une à une à chaque demande de l’enfant) ; ces
ébauches étant associées à une demande gestuelle sollicitée par l’adulte.
On note également une demande gestuelle de renouvellement d’une acti-
vité plaisante (jeux corporels, jeu de bulles de savon). Cette demande était
peu nette et exprimée de façon différée au début de l’hospitalisation, elle
est venue plus rapidement et de façon plus explicite par la suite.
Les demandes ne sont pas associées à un contact visuel.
Il existe des capacités d’imitation dans la manipulation du matériel (mou-
lin à musique, dînette, clochette...). Ces activités ne sont pas maintenues
avec toutefois une amélioration au cours de l’hospitalisation permettant
quelques interactions simples. Ainsi un jeu d’échanges de ballon a été
possible : quelques échanges accompagnés d’un contact visuel de bonne
qualité et d’un sourire social mais encore très inconstants.
On observera aussi au fil des jours une capacité à initier le jeu avec une
attitude anticipatrice adaptée (l’enfant tend les bras pour recevoir le bal-
lon et regarde l’adulte).
L’enfant aime gribouiller sur une feuille mais l’activité devient vite sté-
réotypée sans possibilité d’interaction (gribouillage à tour de rôle par
exemple).
La situation d’ESCS (Early Social Communication Scale) qui est une
situation de test présentée sous une forme ludique, semi-structurée nous permet
d’évaluer les capacités interactives de Mathieu. On observe, en fait, un manque

112
(pour ne pas dire une absence totale) d’intérêt de l’enfant pour les personnes
présentes, pour le matériel proposé, des difficultés importantes pour attirer son
attention, une absence de réaction aux sollicitations de l’adulte, aucune possibi-
lité de contact visuel. L’enfant fuit l’adulte puis finit par s’intéresser aux cubes
que l’adulte lui montre (les cubes étant une des rares activités intéressant l’en-
fant, activité à laquelle il s’adonnait de façon répétitive), il peut alors établir de
brefs contacts visuels, réclamer un cube en disant [donne] avec une intolérance
à la frustration si l’adulte ne lui donne pas le cube immédiatement, faire
quelques manipulations en imitation mais l’enfant ne maintient pas du tout l’in-
teraction et reprend très vite une activité stéréotypée de construction/destruction
de tours de quelques cubes, ignorant puis repoussant l’adulte qui veut partager
son jeu.
En fin d’hospitalisation on observe une amélioration du comportement et
du contact. L’enfant semble mieux comprendre ce qu’on attend de lui et les
réactions d’intolérance diminuent, même si le passage d’une activité à une autre
reste toujours difficile.
Les parents qui avaient pu rencontrer les membres de l’équipe quoti-
diennement, étaient tenus au courant des difficultés et des compétences de
Mathieu.
Ils ont rendez-vous avec le médecin à la fin de l’hospitalisation, le dia-
gnostic d’autisme est annoncé : une prise en charge orthophonique avec une
guidance éducative est proposée, une rééducation en psychomotricité et un sou-
tien parental psychologique seront dispensés par le CMPP.
Décembre 1997
Mathieu est alors âgé de 2 ans 2 mois.
La rééducation orthophonique est mise en place au rythme de deux
séances par semaine et régulièrement au cours de la prise en charge, des séances
seront consacrées à des entretiens avec les parents pour discuter des objectifs et
des moyens. Dans un premier temps, il s’agit :
- d’améliorer la compréhension des situations de travail et des situations
de la vie quotidienne,
- de s’appuyer sur les comportements positifs pour mettre en place des
contraintes,
- lister les comportements difficiles et mettre en place des adaptations à
partir des objets et des images.
Les premières séances se déroulent avec ou sans la présence de la mère,
Mathieu acceptant de me suivre de façon assez indifférenciée. Elles sont assez
difficiles à structurer : Mathieu s’intéresse au matériel proposé (bulles de savon,

113
jetons de couleurs, puzzles et encastrements de formes) mais thésaurise vérita-
blement le matériel ; toute tentative pour instaurer un tour de rôle ou seulement
même une démonstration déclenche des réactions à la frustration intenses : cris
et colères importantes.
Le matériel est alors présenté en double et il est possible d’obtenir que
l’enfant s’asseoit sur la chaise pour manipuler à sa guise le matériel tant désiré.
Progressivement, les contraintes se mettent en place :
- s’asseoir systématiquement pour obtenir un objet, et cela plusieurs fois
de suite.
- ranger le matériel dans une boîte, toujours la même, avant d’obtenir un
nouvel objet.
Les colères cèdent rapidement : l’enfant comprend qu’il aura le matériel
souhaité s’il est assis et accepte que je l’utilise : les imitations se mettent en
place ainsi que des petits tours de rôle (à moi/à toi).
Début Janvier 98
Mathieu est revu en consultation dans le service de pédo-psychiatrie et
c’est l’occasion de faire un premier point sur la prise en charge : les séances se
déroulent assez bien puisqu’il est désormais possible de mettre en place une
situation structurée sur une trentaine de minutes. Il faut bien sûr privilégier les
activités perceptives, celles pour lesquelles l’enfant présente un intérêt spontané.
Il est cependant possible de varier le matériel sans occasionner de réactions à la
frustration trop importantes et de proposer une séquence d’activités déterminée ;
la séance s’achève toujours sur la même activité ce qui permet à l’enfant d’anti-
ciper le moment de son départ : en effet, la fin de la séance occasionne de nou-
velles colères, Mathieu refusant de partir. Le plus souvent, il emporte un objet
utilisé lors de la séance et précisons qu’il est heureux de le ramener la fois sui-
vante : avant la séance suivante, lorsque sa mère lui donne l’objet, cela signifie
bien pour lui qu’il se rend au cabinet.
A ce stade de la prise en charge, nous mettons en place des adaptations
qui consistent dans un premier temps à disposer le matériel sur le plan de travail
de gauche à droite, puis à étiqueter systématiquement le matériel utilisé : il
s’agit d’abord de photos du matériel prises par la mère de Mathieu. Ainsi,
chaque fois que nous utilisons une boîte de jeux (perles à enfiler, bobines de
couleurs...), nous collons la photo correspondante sur un tableau, matérialisant
ainsi la succession des activités. L’enfant peut faire alors la relation entre la
photo et l’activité en cours.
Peu à peu, Mathieu s’approprie cette façon de faire et sans intervention de
ma part, choisit une activité, va coller la photo correspondante, puis s’assoit sur
la chaise, cela pour plusieurs activités de suite.

114
Parallèlement à cela, nous mettons en place des situations d’appariement
objets usuels-photos : plusieurs lunettes pour une seule représentation, et plu-
sieurs photos pour une même paire de lunettes.
Ces situations de travail appariement objet-image sont très appréciées de
Mathieu et la mère peut alors proposer ce même type d’activité à la maison. Elle
lui aménage un coin réservé, avec une petite table et une chaise, où Mathieu va
s’asseoir spontanément, comportement qui déjà s’inscrit bien dans le cadre
d’une demande.
Le comportement à la maison est malgré tout encore difficile : les situa-
tions de repas, le coucher, l’habillage... Nous décidons alors ensemble de tra-
vailler les moments du repas :
- obtenir que Mathieu reste assis quelques instants. L’intérêt porté aux
bulles de savon constitue alors « une clé de réussite » : l’enfant peut
faire des bulles chaque fois qu’il est assis, puis chaque fois, qu’il prend
un aliment.
- le travail concernant la diversification alimentaire débute par des appa-
riements aliments ou emballages avec des photos puis des images
découpées dans les journaux publicitaires. Mathieu apprendra alors à
suivre un schéma illustrant le déroulement du repas : « frites - petit
suisse ».
Progressivement sa mère arrivera à intercaler un aliment jusqu’ici refusé
par l’enfant : « frites-jambon-petit-suisse ».
Mars 98
Une seconde consultation a lieu : la durée de la séance est alors de 45
minutes ; Mathieu entre dans le bureau, se dirige vers la boîte de rangement dans
laquelle est disposé notre matériel et s’assoit spontanément. La situation de travail
est bien comprise : il exécute une tâche de travail de « gauche à droite » : à
gauche, il visualise la tâche, au centre, il l’exécute, à droite, il range le matériel
qui ne peut donc être utilisé une seconde fois. Il peut prendre en compte un
schéma de travail imposé : trois à quatre activités sont représentées par des photos
sur le tableau ; les cartes doivent être rangées chaque fois que la tâche est réalisée.
Les réactions à la frustration sont moins importantes : Mathieu accepte de
finir une tâche et d’entreprendre une autre activité en respectant la consigne. Les
modifications du déroulement de l’activité (appariement sur un autre critère de
couleur par exemple) peuvent déclencher une colère mais surtout des pleurs
inconsolables. L’intervention de la mère est alors nécessaire et Mathieu cherche
son réconfort.
Les activités perceptives et motrices sont toujours privilégiées, mais elles
sont plus diversifiées. Le contact oculaire s’améliore et peut être de bonne qua-

115
lité : poursuite oculaire au delà de la ligne médiane, alternance du regard objet-
personne, la coordination oculo-manuelle est également meilleure.
Maintenant que Mathieu est relativement autonome dans ces activités, les
images codifiées (formes et couleurs) et les pictogrammes sont introduits.
Toutefois, même si les appariements objets-images sont possibles sans
intervention de l’adulte, ils ne sont pas encore généralisés.
L’enfant peut ranger une série de photos ou d’objets tout en prenant en
compte le pointage de l’adulte.
La compréhension verbale est encore très contextuelle et il n’y a pas de
reconnaissance sélective du mot ; Mathieu peut toutefois ranger un objet sur
présentation de la photo correspondante.
Il y a des ébauches de classements de jetons sur des critères de couleurs :
la consigne est non verbale et c’est la disposition du matériel sur la table qui
constitue de façon implicite la consigne, l’enfant fonctionne toujours sur des
appariements.
Les situations interactives (échanges de ballon, jeux de poursuite) sont
possibles et Mathieu peut renvoyer la balle plusieurs fois de suite.
Il demande également le renouvellement d’une activité : le contact ocu-
laire est alors excellent avec une mimique faciale expressive et adaptée.
A la maison, les difficultés concernant le sommeil persistent mais la mère
de Mathieu commence à rapporter quelques points positifs : elle peut obtenir
que Mathieu reste à table lors du repas et pour faire quelques activités.
Dans le même temps, un bilan au CMPP est réalisé et une prise en charge
psychomotrice en individuel est proposée.
Septembre 98
Mathieu fait sa rentrée en petite section maternelle avec un contrat d’inté-
gration dont les partenaires sont l’école, la famille, le médecin du CMPP et moi-
même. Il est convenu que Mathieu vienne à l’école deux matinées par semaine
de 8h30 à 10H30 sur une période d’observation prenant fin en novembre.
Novembre 98
Le bilan du projet d’intégration est assez réservé : « Mathieu n’est pour
l’instant pas intéressé par le groupe, il a tendance à faire des activités quand il le
veut et sans contrainte. Il montre des capacités sans pouvoir les mettre réelle-
ment en oeuvre. Il reconnaît certaines couleurs, les nomme et réalise des encas-
trements. L’intégration sous sa forme actuelle ne peut être prolongée, d’où la
nécessité de réfléchir à des aménagements mieux définis dans le temps, leur
forme et leur contenu. Peut-être sera-t-il nécessaire de chercher un autre lieu
d’accueil ».

116
Décembre 98
La rééducation se poursuit avec les mêmes objectifs : mettre en place les
aides visuelles donnant la possibilité à Mathieu d’anticiper sur une demande, sur
une situation nouvelle à venir, exprimer un choix parmi des propositions en
sélectionnant une photo ou un pictogramme car le pointage n’est pas acquis.
Avec l’aide de la mère, nous élaborons des emplois du temps journaliers avec
une représentation en photos des différents moments de la journée et des lieux :
l’habillage, les repas, les sorties, les activités... Nous exploitons le caractère
ritualisé de certains comportements pour mettre en place des routines afin de
donner des repères à l’enfant et nous associons « en acting » la photo correspon-
dant à la situation, au lieu ou à l’action. Il faut s’assurer de la bonne compréhen-
sion de la relation entre la photo et l’activité en cours.
En séance, on note une nette amélioration des comport e m e n t s
d’échanges : Mathieu demande verbalement le renouvellement d’une activité
avec le mot « encore », peut prendre des tours de rôle en établissant un contact
visuel ; la communication non verbale s’est beaucoup enrichie (souri re s
réponses, manifestations de plaisir ou de mécontentement, réactions à l’accueil
ou au départ, fait le signe d’adieu et de façon inconstante peut dire « au revoir ».
Les productions orales comportent encore des particularités suprasegmentales
en particulier au niveau du rythme, mais le jargon est plus prosodieux et s’ins-
crit davantage dans les échanges ; quelques mots sont repérables et sont
employés de façon adaptée : « encore, non, arrête ».
Janvier 99 (3 ans 3 mois)
Une nouvelle réunion avec l’équipe éducative a lieu et de nouveaux
objectifs sont établis : « confronter l’enfant à des situations sociales nouvelles,
évaluer sa participation à certaines activités » avec l’aide d’une aide éducatrice
dans une nouvelle école. L’idée d’établir un emploi du temps visuel est acceptée
mais sa mise en œuvre reste « timide ».
Juin 99
Le comportement a encore beaucoup évolué : la communication non ver-
bale est de bien meilleure qualité avec un contact visuel spontané, plus soutenu,
une participation affective ; Mathieu a un intérêt spontané pour le matériel et les
personnes. Il peut initier des interactions (demande des jeux de ballons, bulles
de savon, jeux de chatouilles, jeux de cache-cache) avec un contact visuel et un
sourire social. L’attention conjointe est bien meilleure (a des imitations, prend
en compte le pointage à distance et sur un support visuel, participe sur des acti-
vités simples impliquant un tour de rôle) ; on note un début de pointage spon-
tané et sur demande, qui est encore assez stéréotypé. On retrouve encore des
comportements de flairage d’objets, des activités stéréotypées (passer un objet

117
devant les yeux) et des comportements ritualisés ou étranges (se lève et s’assoit
plusieurs fois de suite).
Les réactions à la frustration sont encore présentes, toutefois il n’y a pas
d’auto ou d’hétéro-agressivité. Les colères sont assez cadrables pourvu qu’on
cesse toute stimulation ; Mathieu accède toutefois au refus de l’adulte (com-
prend le non verbal) et aux exigences voulues par une situation (s’asseoir pour
obtenir un objet, ranger ou lâcher un objet pour prendre autre chose).
La communication verbale est encore limitée dans le contexte des séances :
on note toutefois un accès à la compréhension de consignes verbales en contexte,
sans renforcement du geste mais la reconnaissance sélective d’un mot en situation
de désignation en choix multiple n’est pas accessible. Les productions sont moins
altérées (dans le rythme, la prosodie), et s’inscrivent davantage dans les échanges :
elles accompagnent une réalisation ou une demande de renouvellement d’une acti-
vité, signifient le refus ou le mécontentement. Mathieu peut demander son tour de
rôle par le geste, en se désignant ou au contraire solliciter l’adulte en le regardant.
On repère plusieurs mots adaptés : « donne et arrête », les couleurs, les chiffres et
les formes sont correctement nommés.
Les activités proposées s’appuient encore sur des activités perceptives
(rangement, encastrements, tris, appariements), mais le déroulement de la
séance implique la prise en compte de règles telles que la durée de l’activité,
l’ordre, le lieu, le tour de rôle...
Des consignes écrites simples, codifiées par des pictogrammes sont prises
en compte : par exemple « dessine un rond jaune » est codifié par un crayon de
couleur jaune suivi d’un rond. Mathieu peut alors choisir le crayon et dessiner la
forme représentée. Ces consignes sont déclinées : « colle, coupe », critères de
couleurs et de formes (trait horizontal, vertical, croix, carré) et sont ensuite
généralisées à la maison puis à l’école.
Les appariements objets-images, objets-picto grammes puis photos-picto-
grammes sont encore travaillés et repris à la maison par la mère sur des situa-
tions que nous avons choisies afin d’encourager l’autonomie (comme l’ha-
billage, en visualisant la suite des vêtements à mettre), ou pour contourner ou
améliorer des comportements encore difficiles liés par exemple au caractère
imprévu d’une situation.
A 4 ans, Mathieu est ré-hospitalisé dans l’unité pour jeunes enfants pour
bilan d’évolution après deux ans de rééducation orthophonique (en cabinet libé-
ral) et en psychomotricité (au CMPP). Il fréquente une petite section de mater-
nelle à temps partiel (contrat d’intégration scolaire).
Les parents rap p o rtent une bonne évolution du comportement de
Mathieu. L’enfant répond à l’appel de son prénom, le pointage est en cours

118
d’acquisition. Il existe encore des colères à la frustration mais elles sont moins
nombreuses. Les activités stéréotypées sont toujours présentes mais tendent à
diminuer et laissent place à des activités spontanées plus diversifiées. Le som-
meil s’est normalisé mais il existe encore des difficultés alimentaires allant dans
les sens d’une sélection alimentaire.
Lors de cette hospitalisation, on note une grande amélioration : l’enfant
ne recherche plus l’isolement, va vers les autres enfants. Les colères sont moins
fréquentes et l’enfant accepte le réconfort. Il pleure au départ de sa mère et l’ac-
cueille à son retour. Il accepte de partager un jeu avec un autre enfant, peut
attendre son tour et lève le doigt pour demander à jouer. On note l’émergence
d’un jargon ayant valeur de communication. Les moments de repas restent diffi-
ciles : l’enfant a des difficultés à rester assis et refuse d’utiliser une fourchette.
L’enfant s’adapte bien à la situation de l’examen psychologique, malgré
quelques stéréotypies toujours présentes (ici essentiellement flairage d’objets).
Mathieu est tout à fait stable, acceptant sans difficulté le matériel proposé, les
démonstrations effectuées, sans manifester d’opposition ou d’intolérance. Le
contact visuel reste fluctuant, avec encore une recherche de sensations visuelles.
Aucun langage n’est noté pendant l’examen mais parfois un babil mélodieux.
Les résultats obtenus au PEP-R témoignent d’une progression dans la
plupart des domaines mais on retrouve le profil très dispersé des réussites tel
qu’il était décrit lors de l’examen précédent. Les niveaux varient entre 12 mois
(pour le langage) et 4 ans (pour les activités perceptives), les autres scores sont
aux alentours de 3 ans.
Les résultats obtenus à la Vineland témoignent d’une évolution plus lente
sur le plan des compétences sociales et de l’autonomie.
Sur le plan psychomoteur, l’enfant conserve un retard avec des difficultés
plus marquées dans les coordinations bimanuelles, la motricité fine, le gra-
phisme.
L’examen des capacités de communication verbale et non verbale montre
lui aussi des progrès notables. L’installation de situations « routinières » avec
support imagé ou pictographique permet à l’enfant d’établir des repères, d’anti-
ciper les situations et donc une amélioration du comportement.
On observe :
Sur le plan réceptif :
Auditif :
Les progrès sont incontestables. L’enfant est plus attentif, réagit aux sons
de façon nette même si leur localisation est encore inconstante. Il réagit à
l’appel de son prénom et établit un contact visuel avec la personne qui

119
l’appelle. Il se montre réceptif aux messages passant par le canal verbal
mais la compréhension d’ordres et/ou consignes simples est encore très
dépendante du support imagé et/ou gestuel offert par l’adulte. On note
d’ailleurs une bonne prise en compte de cet étayage non verbal et une
bonne compréhension contextuelle. L’enfant sourit aux félicitations, s’in-
hibe au « non » mais la compréhension de mots simples doit être soute-
nue par un support imagé ou pictographique.
Visuel :
Toutes les activités de tris, de classements, d’appariements sont réalisées
sans difficulté avec toutefois quelques manifestations d’opposition ou
d’intolérance face à un matériel nouveau.
L’accès au symbolisme de l’image est un grand progrès et permet
d’étayer la compréhension verbale, permet d’utiliser des emplois du
temps afin d’anticiper le situations, les changements.
Sur le plan expressif :
Absence de langage organisé. On note l’émission de cris et de jargon qui
peuvent tout à fait s’inscrire dans un cadre de communication et qui peu-
vent être accompagnés d’un contact visuel.
Ainsi pour refuser une activité, manifester son mécontentement, l’enfant
crie [o la la] avec une prosodie adaptée et en regardant la personne à qui il
s’adresse. Il commence à pouvoir effectuer des demandes : prend la main
de l’adulte, le regarde en émettant un jargon prosodieux mais cette
demande ne sera pas finalisée. Il peut aussi utiliser une image pour récla-
mer une activité précise dans son emploi du temps. Cependant les
demandes sont encore peu nombreuses.
L’enfant a de bonnes capacités d’imitation. Utilisées dans des situations
ludiques, celles-ci permettent des échanges de bonne qualité mais d’un
niveau assez simple.
L’enfant peut aussi, au cours d’une interaction avec l’adulte, initier à dis-
tance une activité qui lui a plu.
Lors de la situation d’ESCS, on note un contact de meilleure qualité, une
utilisation du regard dans les situations de communication, de nombreuses
conduites d’approche sans toujours pouvoir solliciter clairement l’attention de
l’adulte. Les réponses aux interactions sociales restent fluctuantes mais Mathieu
participe avec plaisir aux jeux sociaux simples dont il sollicite le renouvelle-
ment (même à distance). Les tours de rôle sont bien compris, l’enfant peut par-
tager la lecture d’un livre avec un adulte et on observe un début d’attention
conjointe. L’activité spontanée s’est enrichie : Mathieu manifeste un intérêt

120
spontané pour les objets qu’il manipule de manière adaptée quoique souvent
répétitive. Des imitations symboliques sont obtenues sur sollicitations. Dans le
domaine de la régulation du comportement, on observe des progrès dans les ini-
tiatives, Mathieu peut manifester des demandes en rapport avec ses besoins,
plus rarement pour obtenir l’aide de l’adulte.
L’ensemble de l’observation montre une évolution tout à fait favorable
chez cet enfant. Toutefois, on note que la mise en place d’un emploi du temps
imagé, la prise en charge comportementale individualisée et l’apprentissage par
expérimentation de certaines situations ont permis une régulation du comporte-
ment. Il apparaît donc que Mathieu bénéficierait d’une prise en charge au sein
d’un établissement proposant une action éducative structurée et individualisée.
Octobre 99 (4 ans)
L’intégration scolaire se poursuit ainsi que les rééducations orthopho-
nique et psychomotrice. La coopération avec le CMPP se limite aux rencontres
lors des réunions pédagogiques.
Nos objectifs sont axés clairement sur l’intentionnalité des échanges :
apprendre à demander un objet désiré. Mathieu peut dénommer un objet mais il
reste incapable de demander ce qu’il désire, et il faut beaucoup d’imagination et
de capacités d’abstraction pour parler d’un objet ou d’une personne absente.
Désormais, Mathieu parle mais il n’accède qu’à peu de situations de communi-
cation, verbales ou non verbales (refuse, nomme un objet mais pas une per-
sonne, peut faire un choix, mais ne peut l’exprimer, il ne peut exprimer ses émo-
tions, parler d’un événement passé ou à venir...).
Les règles qui sous-tendent les échanges ne peuvent être explicitées par le
biais du langage oral, nous passons donc par les images ou les pictogrammes.
Pour signifier une demande, l’enfant doit choisir une carte et la coller sur notre
tableau. Ces comportements sont d’abord travaillés en présence de l’objet, puis
peu à peu l’enfant doit aller chercher l’objet dans une autre pièce. Ensuite il
demandera un objet absent.
Nous travaillons toujours sur la base de classements d’objets et d’images,
mais sur des critères lexicaux (ce qui se mange, ce qui se boit...) et non plus seu-
lement sur des critères perceptifs.
Les parents sont soucieux du bien-être de Mathieu. Quoique conscients
des progrès de leur fils, ils perçoivent bien les limites de l’intégration scolaire et
les difficultés à venir. Convaincus de la nécessité d’adapter l’environnement
pour aider Mathieu, et non pas seulement l’inverse, que Mathieu s’adapte à tout
prix à son environnement, ils entreprennent des démarches pour intégrer l’en-

121
fant dans une structure spécialisée qui accueille des enfants de moins de 6 ans.
L’établissement propose une prise en charge pluridisciplinaire et les supports
visuels sont utilisés dans les situations de la vie quotidienne.
Mars 2000
Une nouvelle réunion avec l’équipe pédagogique a lieu : « Mathieu fait
des progrès et accède maintenant à un début d’utilisation sociale du langage par
l’emploi de petits mots ; il a compris la fonction de dénomination. Il accepte
plus le contact avec les autres ».
L’école est d’accord pour poursuivre l’intégration scolaire et étudier les
possibilités d’accueil pour la rentrée prochaine.
Parallèlement, Mathieu est intégré progressivement au sein d’un groupe
de trois enfants dans la structure spécialisée. Plusieurs contacts et rencontres ont
lieu avec l’orthophoniste ou le responsable de la structure et permettent de faire
la liaison.
Les premiers temps, les colères sont nombreuses en particulier sur les
temps collectifs mais, dans l’ensemble, l’adaptation est bonne.
La prise en charge orthophonique en libéral cesse, ainsi que le suivi en
psychomotricité.
Notre dernière rencontre avec les parents est plus que rassurante : ils sont
satisfaits de la prise en charge et de l’évolution de leur fils. L’intégration sco-
laire se poursuit et les projets de vie reprennent le devant de la scène.

REFERENCES
CUNY F., GASSER F. (2000). Evaluation des capacités de communication verbale et non verbale chez
l’enfant autiste. Glossa, 70, 4-14.
SEIBERT J., HOGAN A. (1989). E.S.C.S. (Early Social communication Scale) Echelle du développement
socio-communicatif précoce.
SCHOPLER E., REICHLER R.J. (1979). PEP-R (Profil Psycho-Educatif) Evaluation et intervention indi-
vidualisée pour enfants autistes ou présentant des troubles du développement.
VINELAND (1987). Echelles du comportement adaptatif. SPARROW S. & Al.

122
Les Centres de Ressources pour l’Autisme
Principes généraux et illustration
du fonctionnement du CRA
du Languedoc-Roussillon
Professeur Charles Aussilloux, Docteur Amaria Baghdadli

Résumé
La mise en place à titre expérimental de Centres de Ressources pour l’Autisme s’explique
par les difficultés particulières que pose cette pathologie pour l’organisation des réponses à
lui apporter. Le fonctionnement de ces CRA est destiné à animer des réseaux de diagnostic,
de soins et d’éducation permettant de mobiliser l’ensemble des acteurs très divers. Ils doi-
vent permettre que des compétences soient renforcées par ce travail en réseau et qu’une
dynamique de réflexion et de recherche soit soutenue. Le risque serait que cette nouvelle
structure fonctionne, de façon réelle ou imaginaire, en concurrence avec les acteurs de ter-
rain. Il est donc important que ces CRA soient eux-mêmes pilotés par l’instance de concer-
tation qu’est le Comité Technique Régional pour l’Autisme.
Mots clés : autisme, Troubles Envahissants du Développement, centre ressources, évalua-
tion.

Resource Centers for Autism : General principles and description


of the Languedoc-Roussillon RCA program
Abstract
Experimental Resource Centers for Autism (RCA) were created to solve several serious pro-
blems raised by this developmental disorder. The goal of these RCAs was to stimulate the
development of diagnostic, special care and educational networks, thus mobilizing all pro-
fessionals involved in autism. This network approach is designed to reinforce professional
skills, stimulate the exchange of thoughts and support the development of research. The
main danger may be that RCAs operate in competition with others professionals. It is there-
fore important that an administrative authority such as the « Regional Technical Committee
for Autism », take charge of these RCAs.
Key Words : autism, pervasive developmental disorders, Resource Centres for Autism,
assessment.

Rééducation Orthophonique - N° 207 - Septembre 2001


123
Professeur Charles AUSSILLOUX Docteur Amaria BAGHDADLI
Professeur de Psychiatrie de l’Enfant Praticien Hospitalier
et de l’Adolescent Centre de Ressources Autisme Languedoc-
Praticien Hospitalier Roussillon
Service de Médecine Psychologique pour Service de Médecine Psychologique pour
Enfants et Adolescents Enfants et Adolescents
Clinique « Peyre Plantade » Clinique « Peyre Plantade »
291 avenue du Doyen Giraud 291 avenue du Doyen Giraud
34295 Montpellier Cedex 5 34295 Montpellier Cedex 5

L
es difficultés vécues par les personnes autistes et par leurs familles tien-
nent d’abord aux caractéristiques de cette pathologie qui portent sur ce
qui fait l’essentiel de l’épanouissement personnel et de la vie en famille
ou en groupe : les relations sociales, la communication et les activités que l’on
peut partager. Elles tiennent aussi aux moyens insuffisants, du fait de la limita-
tion de notre savoir et des ressources humaines et techniques qui seraient néces-
saires. Au-delà de ces facteurs primordiaux, on peut observer que les profes-
sionnels et les structures qui ont à faire face à l’autisme se trouvent souvent
dans des situations de cloisonnement, d’isolement, qui renforcent leur sentiment
d’impuissance relative. La prise en considération de tous ces éléments a amené
à réfléchir en terme de santé publique pour améliorer le dispositif de réponse
aux besoins des personnes autistes.

♦ Raisons de la création de Centres de Ressources pour l’Autisme


(CRA)
La multiplicité des problèmes que pose l’autisme génère des contra-
dictions que l’on peut décri re sous fo rme de trois couples de données
opposées :
- Assez de connaissances et d’expériences pour indiquer l’utilité de cer-
tains modes de prise en charge ; pas assez de savoir pour déterminer
une méthode de traitement efficiente dans chaque cas.
Il est vrai d’abord que l’on ne connaît pas bien les nombreux facteurs qui
interviennent dans l’apparition de l’autisme, que l’on comprend mal l’enchaîne-
ment entre les facteurs repérés et les conséquences psychopathologiques que
l’on observe, et entre les troubles présentés et le handicap qui en résulte. Il n’y a
donc pas de méthode globale de soins qui puisse s’appuyer de façon cohérente
sur des évidences scientifiques. Pourtant, les connaissances partielles actuelles,

124
même si elles laissent beaucoup de place à des hypothèses, ont permis d’élabo-
rer des programmes individualisés de soins et d’éducation qui, en moyenne,
améliorent considérablement le pronostic de l’autisme et minorent les consé-
quences en termes de handicap. On en sait donc assez pour exiger que des
moyens de soins et d’éducation soient disponibles, mais pas assez pour les stan-
dardiser et les simplifier dans un protocole unique applicable par des personnes
peu spécialisées.
- Nécessité de recourir à des compétences diversifiées proches du domi-
cile de la personne autiste et difficulté à disposer de professionnels for-
més.
La répartition du trouble sur tout le territoire, dans toutes les tranches
d’âge, requiert la participation de très nombreux professionnels ; sa rareté rela-
tive (une personne sur mille environ) ne donne pas à l’ensemble des profession-
nels de santé et de l’éducation l’occasion de la connaître autrement que par des
données générales théoriques non confortées par l’expérience. Sa diversité est
extrême, selon l’âge de la personne bien sûr, du nourrisson jusqu’à l’âge adulte,
mais aussi selon l’intensité et la forme des symptômes qui la caractérisent et
l’existence de troubles associés. Parmi ceux-ci, il faut noter le retard mental, de
degré très variable dans les 70 % des cas où il est présent, les troubles soma-
tiques comme l’épilepsie et les manifestations anxieuses. Même les profession-
nels qui s’occupent de l’autisme n’ont pas l’expérience de l’ensemble des
formes cliniques et des situations.
Pourtant il faut que les interventions soient disponibles dans l’en-
semble du territoire, car le diagnostic précoce repose sur les acteurs de proxi-
mité. Les soins et l’éducation doivent permettre à la personne autiste, d’une
façon absolue dans l’enfance, relative à l’adolescence et plus distanciée à
l’âge adulte, de bénéficier des interactions et de la continuité du support
familial indispensable pour tout développement affectif et intellectuel. Il faut
de plus que ces moyens soient assez variés, en techniques et en structures,
pour s’adapter aux besoins évolutifs de la personne (Aussilloux, Livoir-Peter-
sen, 1998).
- Importance très grande accordée à l’autisme et faiblesse des moyens
accordés à la recherche.
Que l’on se place au point de vue du coût, économique, humain et social,
ou au point de vue de l’intérêt scientifique pour la connaissance du fonctionne-
ment de l’esprit humain qu’éclairerait la résolution de « l’énigme de l’au-
tisme », il y a une vraie prise de conscience que l’on remarque chez les déci-
deurs politiques et administratifs, dans les médias et dans l’opinion publique : le
sujet de l’autisme ne laisse pas indifférent.

125
En contraste, on remarque le peu de recherches effectuées dans tous les
domaines : aspects biologiques et génétiques, particularités du fonctionnement
psychologique des personnes autistes, évaluations des prises en charge éduca-
tives et thérapeutiques actuelles, découverte et validation de nouveaux moyens
de soins. Même les recherches d’épidémiologie descriptive qui permettent de
cerner les besoins diversifiés en fonction de leur handicap des personnes autistes
sont actuellement dramatiquement insuffisantes.
Cet écart entre les besoins déclarés de la recherche et ce qui est réelle-
ment entrepris tient en partie à l’insuffisance des moyens comme dans la plupart
des autres pathologies, mais aussi dans le fait que l’autisme est abordé par des
professionnels exerçant dans des champs différents, n’ayant que peu de bagages
communs et non habitués à des collaborations pluridisciplinaires et multicen-
triques.
Toutes ces contradictions expliquent en partie les difficultés que connais-
sent les personnes autistes et leurs familles. L’importance de celles-ci a justifié
la parution de la Circulaire Ministérielle AS/EN n° 95-12 du 27 Avril 1995,
relative à « la prise en charge thérapeutique, pédagogique et à l’insertion sociale
des enfants, adolescents et adultes atteints d’un syndrome autistique ». Cette cir-
culaire a permis la mise en place d’un plan d’action régional pour l’autisme qui
avait pour mission, entre autres, de « promouvoir une organisation en réseaux à
tous les niveaux entre les divers services et institutions concernés, qu’ils relè-
vent du champ sanitaire, du domaine pédagogique ou du secteur médico-
social ».
La création d’un Centre de Ressources sur l’Autisme, décidée à titre
expérimental dans le Languedoc-Roussillon, comme dans trois autres régions
françaises (Brest, Reims et Tours), représente un moyen de répondre à cette exi-
gence et d’apporter, dans les cas où cela est nécessaire, des compétences com-
plémentaires utiles aux professionnels de soins et d’éducation confrontés aux
besoins des personnes autistes et de leurs familles.

♦ Fonctionnement du CRA, avec illustration de l’organisation


du CRA du Languedoc-Roussillon
Principes :
Le CRA est destiné à soutenir l’existence d’un réseau pour les personnes
autistes. Celui-ci est constitué par toutes les personnes, services et institutions,
appelés de façon habituelle ou exceptionnelle à s’occuper d’enfants, d’adoles-
cents et d’adultes autistes en Languedoc Roussillon.

126
Son fonctionnement doit permettre de répondre aux objectifs principaux
suivants :
- Augmenter les capacités de toutes les personnes, services et structures
qui ont à s’occuper d’une personne autiste, à quelque titre que ce soit,
sans jamais se substituer à eux.
- Informer l’ensemble des personnes susceptibles de reconnaître le plus
tôt possible un trouble du développement avec troubles interactifs,
parmi lesquels se situe l’autisme. Il pourra s’agir des médecins généra-
listes, des pédiatres, des médecins de PMI et scolaires, des instituts de
formation en soins infirmiers, écoles de puériculture ou d’éducateurs
spécialisés.
- Permettre que dans chaque cas soient assurés un diagnostic précis du
type de trouble envahissant du développement et l’évaluation de l’inten-
sité des troubles autistiques et de leurs conséquences, l’existence de
troubles associés, psychologiques (déficience mentale, anxiété), senso-
riels, somatiques.
- Soutenir les services et les institutions non spécialisés dans l’accueil des
enfants et adolescents autistes pour permettre le maintien de l’intégra-
tion.
- Mettre en place un consensus régional de l’ensemble des services de
pédopsychiatrie de la région, des services de psychiatrie d’adultes et des
institutions médico-sociales pour enfants, adolescents et adultes, sur les
grands principes de prise en charge en fonction des constatations de
l’évaluation.
- Connaître la prévalence du trouble et sa répartition dans la région Lan-
guedoc-Roussillon par catégories d’âge et de besoins en fonction de
l’intensité des troubles et du retard mental associé.
- Donner les informations pertinentes pour la planification des réponses
aux besoins des personnes autistes.
- Assurer l’information sur l’évolution des connaissances en matière de
diagnostic, de soins et d’éducation, et de recherche.
- Rendre disponible pour les professionnels et les familles la liste des per-
sonnes ressources dans tous les domaines : praticiens et institutions en
précisant leurs méthodes thérapeutiques et éducatives, ressources sco-
laires et médico-sociales, associations, administrations.
- Faire connaître les besoins de formation aux organismes de formation,
dans l’ensemble des méthodes actuellement utilisées ou à venir avec des
bases scientifiques, faciliter la mise en œuvre de ces formations.

127
Implantation :
Le CRA de la région Languedoc-Roussillon est localisé à proximité de
l’Unité d’Evaluation des troubles du développement, dans le Service de Méde-
cine Psychologique pour Enfants et Adolescents de Peyre Plantade (CHU
Montpellier), qui a déjà, au titre de la sectorisation psychiatrique et de la
Recherche clinique, commencé de façon partielle, essentiellement pour les éva-
luations, ce type de travail depuis une dizaine d’années.
Moyens :
Ils sont fondés essentiellement sur la création d’une petite équipe multi-
disciplinaire financée par une enveloppe spécifique du budget médico-social. Sa
constitution est la suivante :
- Un praticien hospitalier plein temps en pédopsychiatrie, expérimenté
dans l’évaluation et la prise en charge de l’autisme. Il est chargé de l’or-
ganisation de la formation et de l’information auprès des personnels
médicaux et paramédicaux, ainsi qu’auprès des travailleurs sociaux qui
sont au contact avec la première enfance.
- Un praticien hospitalier à mi-temps ayant une pratique des personnes
autistes adultes et des structures concernées.
- Un cadre soignant à tiers temps, assurant la coordination de l’équipe du
CRA, et chargé d’assurer la gestion.
- Deux psych o l og u e s à temps plein avec des compétences dans le
domaine de l’évaluation et du suivi des enfants, des adolescents et des
adultes autistes.
- Un éducateur spécialisé, un orthophoniste et un psychomotricien à plein
temps, participent aux évaluations, avec les psychologues et les psy-
chiatres. Chacun dans son domaine peut être associé, sur demande
d’institutions, à l’élaboration d’un projet éducatif ou de soins, et initier
ou renseigner les membres de ces équipes sur des approches techniques
diversifiées.
- Une secrétaire à plein temps. Elle assure la présentation des documents
d’évaluation, le contact avec les familles ou les professionnels. Elle par-
ticipe à la présentation de la documentation et à la diffusion des infor-
mations et à l’enregistrement des données de recherche.
- Une documentaliste à mi-temps pour réunir et diffuser l’information
concernant l’autisme à des publics différenciés : familles, profession-
nels en formation ou expérimentés, responsables administratifs, cher-
cheurs.

128
Fonctionnement :
Sur le site du Service de Médecine Psychologique pour Enfants et Ado-
lescents Peyre Plantade, au sein du CHU de Montpellier, sont réalisées des éva-
luations, à la demande des équipes de proximité, qu’il s’agisse de premières
évaluations à visée diagnostique et fournissant des informations aux équipes et
aux parents pour bâtir un projet pour l’enfant, ou qu’il s’agisse de réévaluations
pour adapter les prises en charge. Elles sont précédées et suivies d’échanges
avec parents et professionnels.
Le site est aussi un lieu d’information pour les familles, de façon géné-
rale sur l’autisme, et, pour leur enfant, sur les équipes ou les praticiens dispo-
nibles en fonction de leur domicile.
Il est aussi le lieu de réunion de l’équipe du Centre de Ressources, de
documentation et du travail de recherches cliniques et épidémiologiques (Aus-
sillloux, 1997).
Le CRA intervient aussi à la demande des équipes dans les institutions de
la région, pour des évaluations lorsqu’elles sont plus pertinentes dans le cadre
de l’institution, ce qui est souvent le cas pour les adolescents et les adultes, avec
l’avantage de pouvoir la discuter avec l’ensemble de l’équipe de prise en charge.
Des membres du CRA peuvent aussi intervenir pour participer à l’élaboration
d’un projet, à la réflexion sur la survenue de difficultés particulières ou à
l’orientation d’une personne.
Des liaisons régulières sont prévues avec les équipes tech n i q u e s
des CDES et des COTOREP de chacun des cinq départements, dans le but
de recenser les informations sur les possibilités et les difficultés d’orienta-
tion, mais aussi pour les informer des besoins actuels et à venir, en fonction
des études entreprises. De même, des échanges doivent exister avec l’Educa-
tion Nationale, aux différents niveaux de la région et des départements, et
avec les services des Départements, notamment l’Aide Sociale à l’Enfance
et l’Aide Sociale en ce qui concerne les questions d’hébergement des
adultes.
Enfin, des contacts réguliers doivent être établis avec les associations de
parents, le CREAI pour son expertise dans le domaine du médico-social, l’ORS
pour les travaux épidémiologiques, les Centres de Formation initiale et les Asso-
ciations de Formation Continue.
L’ensemble des activités du CRA fait l’objet d’un rapport annuel destiné
au Comité Régional Autisme, considéré comme le Comité de Pilotage du
Centre de Ressources.

129
♦ Réflexions sur les avantages et les risques du Centre de Ressources.
1. Les CRA ne sont pas une nouvelle dénomination des Unités d’Evalua-
tion des Troubles du Développement : ils sont centrés sur un seul type de patho-
logie d’une part, et leurs missions dépassent largement la seule évaluation.
Les actions d’évaluation demandent des efforts techniques pour leur
bonne réalisation, mais les modèles sont disponibles et leur réalisation éprou-
vée. Elles représentent une bonne base de démarrage de l’activité du Centre de
Ressources, elles sont un bon élément de formation de l’équipe à la fois pour la
maîtrise des techniques, les contacts avec les familles et pour la pratique du tra-
vail pluridisciplinaire. Il y a une bonne visibilité des résultats et une facilité d’en
rendre compte sur le plan quantitatif. Les demandes sont nombreuses et sont
l’occasion de faire connaître et apprécier l’existence du CRA.
Il y a un risque que ces évaluations consomment l’essentiel des res-
sources du Centre, aux dépens des autres missions, alors qu’une partie impor-
tante de ces évaluations doit pouvoir être faite par d’autres professionnels, en
particulier les Services de psychiatrie infanto-juvénile ou les CAMPS. Les CRA
doivent faire porter leurs efforts sur l’augmentation des capacités des équipes de
terrain à réaliser les évaluations et se situer en terme de recours dans certaines
situations particulières et les cas les plus difficiles en termes de diagnostic ou
d’adaptation du suivi. Il serait possible d’envisager dans un proche avenir un
fonctionnement qui différencierait davantage les Unités d’Evaluation, qui sont
indispensables et doivent desservir une population assez limitée (1 à 2 millions
de personnes) pour permettre un travail personnalisé avec les équipes de profes-
sionnels, et le Centre de Ressources proprement dit qui pourrait desservir des
régions plus grandes ou plusieurs régions.
2. La mission d’information et de documentation du public et des profes-
sionnels a une importance que les spécialistes de l’autisme ont tendance à sous-
estimer : en témoignent les questions nombreuses à propos des informations sur
le Net, l’impact des émissions télévisées et des débats qui les suivent, les
demandes pressantes que reçoivent les associations. Pour les spécialistes, il
existe de réelles lacunes dans la documentation scientifique facilement dispo-
nible.
3. La gestion hospitalière comporte des avantages et des inconvénients :
- Elle facilite une synergie avec le potentiel médical diversifié des ser-
vices de psychiatrie, de neuropédiatrie, ou de génétique, et simplifie le
recours aux Consultants. De même le Centre de Ressources prend aisé-
ment sa place comme Centre de Référence dans la carte sanitaire. Enfin
l’hôpital a de bonnes capacités à gérer le long terme.

130
- Par contre, il y a une certaine lourdeur à épouser les contraintes de la
gestion hospitalière qui admet mal la souplesse d’une petite structure
nouvelle dont le fonctionnement doit s’adapter rapidement. L’existence
d’un budget sur l’enveloppe du Médico-social exige que celle-ci soit
gérée d’une façon autonome par rapport au budget global hospitalier, et
ce n’est pas dans les habitudes de tous les gestionnaires, d’où la nécessité
d’un groupe de pilotage qui contrôle l’exécution de ce budget spécifique.
4. La création d’un Centre de Ressources pour l’Autisme peut entraîner
des déceptions : en effet, elle ne résout pas le problème de l’autisme, ne sup-
prime pas les cas graves, ne permet pas de créer des places qui manquent dans
une région. Elle peut même constituer un leurre pour les familles qui n’hésite-
raient pas à déménager, pensant que l’ensemble du dispositif est immédiatement
plus performant et a de meilleures capacités d’accueil à partir du moment où un
tel Centre existe. Son fonctionnement lui aussi peut décevoir du fait des délais
d’attente pour les évaluations et de la latence de visibilité pour la mise en place
d’un vrai travail de réseau.
5. Trois risques peuvent se rencontrer :
- La substitution : le CRA effectuant ou étant supposé le faire, une série
d’actions que faisaient ou que pouvaient faire d’autres acteurs, pour les
diagnostics, les soins, l’éducation, mais aussi pour les formations ou la
recherche : « du moment qu’il y a des spécialistes, qu’ils le fassent ».
- La suppléance. Dans les institutions médico-sociales il peut exister une
carence en personnel qualifié, et actuellement c’est le cas pour le per-
sonnel médical du fait de la réduction du tiers du nombre de psychiatres
dans les dix prochaines années. Il n’est pas envisageable que le CRA
réponde à ce besoin de façon autre qu’exceptionnelle : il suffirait qu’il
manque un mi-temps de psychiatre dans trois institutions de la région
pour que tout le potentiel médical du Centre de Ressources soit utilisé à
cela aux dépens de ses missions !
- L’assujettissement idéologique, consistant à traduire les convictions des
professionnels du CRA en « bonnes pratiques » obligatoires, alors que
certaines d’entre elles n’ont pas été validées sur le plan scientifique.

♦ Conclusion
L’existence de risques et de limites est habituelle dans toutes les pratiques
qui ont une certaine efficacité, et les premières expériences d’un Centre de Res-
sources pour l’Autisme illustrent son utilité, même si l’évaluation de celle-ci
doit rester un objectif constant.

131
La création d’un Centre de Ressources pour l’Autisme fait apparaître de
façon encore plus nette les insuffisances dans lesquelles nous nous trouvons
pour faire face aux problèmes des personnes autistes, et le peu de connaissances
scientifiques dont nous disposons. En même temps, on constate très vite l’im-
portance des efforts qui sont faits à tous les niveaux dans une région et l’envie
de travailler en réseau pour optimiser les réponses.
Il nous semble actuellement prioritaire que les recherches portent sur
l’amélioration des possibilités de diagnostic précoce et sur les évaluations com-
paratives des méthodes de soins et d’éducation en fonction des indications indi-
viduelles, préalables à l’énonciation des bonnes pratiques.
Enfin, si l’on souhaite qu’une structure technique telle que le CRA reste
dans sa fonction au service d’un réseau et ne prenne pas une place d’autorité ou
de contrôle qui ne lui appartient pas, il est indispensable qu’elle ne s’autorise
pas d’elle-même. Elle doit être pilotée par une instance régionale associant des
représentants de l’ensemble des personnes concernées par l’autisme : associa-
tion de parents, professionnels, décideurs administratifs. Le Comité Technique
Régional pour l’Autisme, est tout à fait adéquat pour tenir ce rôle.

REFERENCES
AUSSILLOUX C., LIVOIR-PETERSEN M.F. (1998). Vers une prise en charge intégrée de l’autisme.
Santé Mentale au Québec, XXIII, 1, 19-42.
AUSSILLOUX C. (1997). Evaluation de l’autisme infantile et de psychoses précoces. In : Parents et pro-
fessionnels devant l’autisme, Misès R. et Grand P., Paris, CTNERHI Ed.

132
♦ Quelques adresses

Arapi :
Association pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadapta-
tions - BP 1603 - 37016 TOURS Cedex 1 - tél. : 02 47 35 92 78
e-mail : arapi@wanadoo.fr

EDI Formation
11-13 chemin de l’industrie 6 Résidence Canéopole - bât. D - 06110 LE
CANET - tél. 04 93 45 53 18 - fax : 04 93 69 90 47

Associations de parents
Autisme France : 1209, chemin des Campelières - 06250 MOUGINS
tél. : 0810 179 179
Pro Aid Autisme : 42, rue Bénard - 75014 PARIS - tél. : 01 45 41 52 93
Sésame Autisme : 53, rue Clisson - 75013 PARIS - tél. : 01 44 24 50 00
fax : 01 53 61 25 63

A gence Nationale pour le développement de l’éva l u ation médicale


(ANDEM) : 159, rue nationale - 75640 PARIS cedex 13
tél. : 01 42 16 72 72 - fax : 0l 42 16 73 73

Groupe de recherche sur l’autisme et le polyhandicap (GRAP) : Hôpital de


jour G.Vacola - 44, quai de la Loire - 75013 PARIS - tél. : 0l 42 02 19 19
fax : 01 42 02 87 47

Association de formation et de recherche sur l’enfant et son environnement


(AFREE) : BP 5584 - 34072 MONTPELLIER cedex 03
tél. : 04 67 54 43 76 - fax : 04 67 63 42 26

Université Louis Pasteur - D.U. Autisme et troubles apparentés - 21, rue


Maréchal Lefèbvre - 67100 STRASBOURG - tél. : 03 90 24 49 20

133
♦ Quelques Unités d’évaluation et de diagnostic

Service de Médecine psychologique pour enfants et adolescents du Pr Aussilloux


Clinique Peyre Plantade - 291, Avenue du Doyen Girard - 34295 MONT-
PELLIER Cedex 5 - Marie-José Fernandes, orthophoniste.

CHU Bretonneau - Service de Psychothérapie pour Enfants du Pr Barthélémy -


2, boulevard Tonnellé - 37044 TOURS Cedex - Pascale Dansart, ortho-
phoniste.

Unité d’évaluation et de diagnostic des troubles du développement du Pr Burzstejn


Service psychothérapique pour enfants et adolescents - Hôpital de l’Elsau -
15, rue Cranach - 67200 STRASBOURG - Nicole Denni-Krichel, ortho-
phoniste.

Hôpital Robert Debré - Service du professeur Mouren-Simeoni - 48, boulevard


Sérurier - 75019 PARIS - Francine Cuny, orthophoniste.

Hôpital La Grave - Unité de Psychiatrie et d’évaluation Autisme - Place Lange -


31 052 TOULOUSE

♦ LES SITES FRANCOPHONES (document ARTE)

Autisme France : Présentation de l’association Autisme France : statuts, vie


associative et documentation sur l’autisme.
* http://autisme.France.free.fr/

Asperweb : Site sur le syndrome d’Asperger avec de nombreux liens


* http://perso.wanadoo./frasperweb/

Meuse Autisme
* http://perso.wanadoo.fr/gerard.mercuriali/pas8.html

134
Espoir Autisme Corse
* http://corsica-costaverde.com/eac.htm

Autisme Alsace - Association


* http://www.chez.com/autismealsace

Les associations de la région Rhône-Alpes


* http://www.asi.fr/~aroyer/

Association française pour l’aide aux personnes autistes


Pro aid Autisme
* http://www.eleves.ens.fr :8080/home/meltz/PAAO.html

Fédération Française Sésame Autisme


* http://www.place-publique.fr/min/475.html

UNAPEI - Handicap mental (général)


Plus des liens relatifs au handicap...
* http://www.unapei.org/html/LesLiensPlus.html

Liens divers
* http://www.citeweb.net/autisme/liens.htm
* http://www.autisme.fr

♦ LES ASSOCIATIONS ETRANGERES FRANCOPHONES

SQA Société Québecquoise de l’Autisme


Riche en document en français
* http://www.sca.uqam.ca/~sqa/sqa_home.html

Autisme Montréal
Les sections. Au programme à Montréal :-Autisme Montréal
* http://www.microtec.net/~patboul/index.html

135
Société de l’autisme et des TED (Laval)
* http://w2.lavalnet.qc.ca/autisme-ted/

Association suisse romande


* http://www.geneve-enligne.ch/02associations/autisme/autisme.html

Asperger Syndrome/O.A.S.I.S sur le syndrome d’Asperger


* http://www.udel.edu/bkirby/asperger/

Asperger. Site de Tony Attwood un des grands spécialistes du sujet


* www.Tonyattwood.com/

TEACCH
Serveur du programme Teacch en Caroline du Nord
* http://www.unc.edu/depts/teacch.html

Horizons. Inc.
Diffuse livres, vidéos, etc. sur l’autisme
* http://biz.onramp.net/autism/

The Autism Research Unit


Recherche et information sur l’autisme de l’université de Sunderland
(Paul Shattock)
* http://osiris.sunderland.ac.uk/autism/index.html

Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie,
microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.

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DERNIERS NUMÉROS PARUS
N °2 03 : L’ACCOMPAGNEMENT FAMILIAL - Rencontre : L’accompagnement familial : formation des parents
et des intervenants (S. MARTIN) — Données Actuelles : PACT : Collaboration avec les familles et les ensei-
gnants en rééducation phonologique (C. BOWEN) - Le rôle des parents dans le traitement du bégaiement
(J. FORTIER-BLANC, M. BEAUCHEMIN) - Participation parentale à un programme d’intervention précoce
sur le développement du langage : efficacité du programme parental de Hanen (L. GIROLAMETTO) -
Imitation, reformulation et questionnement : trois procédures d’étayage dans l’appropriation du langage par
l’enfant sourd (S. VINTER) — Examens et interventions : Apprendre le langage en ayant du plaisir - Le pro-
gramme de Hanen pour éducateurs de jeunes enfants : une formation interne dans les crèches, visant à facili-
ter le développement des compétences sociales et du langage oral et écrit (E. WEITZMAN) - L’intervention
centrée sur l’interaction familiale dans le cas de troubles graves du développement du langage (M. MON-
FORT, A. JÙAREZ SANCHEZ) - Essai d’adaptation d’un programme familial à la pratique en libéral
(A. BO) — Perspectives : L’accompagnement des parents en milieu scolaire multiethnique (L. LESSARD)

N °2 04 : REPÉRAGE ET DÉPISTAGE DES TROUBLES DU LANGAGE - Rencontre : Nécessité du dépistage


et du traitement précoce en orthophonie (P. FERRAND) — Données Actuelles : Prédire et dépister préco-
cement les dyslexies de l’enfant : quelques questions théoriques et méthodologiques (S. CASALIS) -
Influence des compétences phonologiques, mnésiques et syntaxiques sur l’apprentissage de la lecture et son
dysfonctionnement. Etude longitudinale de la grande section de maternelle au CP (M. PLAZA) — Examens
et interventions : Le D.P.L. 3 : mises en perspective (F. COQUET) - ERTL4 et ERTLA6, des outils de repé-
rage à l’usage des médecins (B. ROY, C. MAEDER, A. KIPFFER-PIQUARD, J.-P. BLANC, F. ALLA) -
Du PEL 92 au TDP 81, une action de prévention et de dépistage en Guadeloupe (E. EZELIN) - Des outils
pour le dépistage et le diagnostic précoces des troubles d’acquisition du langage : le Questionnaire
« Langage et Comportement 3 ans 1/2 », la Batterie d’Évaluation Psycholinguistique (BEPL-A et B)
(C. CHEVRIE-MULLER) - La BREV : une batterie clinique d’évaluation des fonctions cognitives chez les
enfants d’âge scolaire et préscolaire (C. BILLARD, S. VOL, M.O. LIVET, J. MOTTE, L. VALLÉE,
P. GILLET, A. GALLOUX, AG. PILLER) — Perspectives : TDP 81 dans le département de la Somme
(C. ADJERAD, M. BARBIER, L. LESECQ) - Le dépistage des troubles du langage chez l’enfant. Une
contribution à la prévention de l’illettrisme (C. BILLARD)

N °2 05 : LES MALADIES RARES - Rencontre : Génétique et troubles du langage : dans quelles circonstances
adresser un enfant au généticien (A. MUNNICH, S. JACQUEMONT) — Données Actuelles : Les maladies
monogéniques (M.-L. BRIARD) - Disomies uniparentales (S. LYONNET) - Syndromes microdélétionnels
(A. MONCLA) - Expansions instables de répétitions de trinucléotides (J. AMIEL) — Examens et inter-
ventions : Syndrome de Prader-Willi (A. MONCLA) - Syndrome de Prades-Willi : prise en charge médico-
socio-éducative (A. POSTEL-VINAY) - La prise en charge orthophonique du jeune enfant Prader-Willi
(I. BARBIER) - Syndrome de Moebius (M. LE MERRER) - Conduite orthophoniste dans la rééducation de
l’enfant atteint d’un syndrome de Moebius (I. EYOUM) - Micro-délétion 22q11, Syndrome de DiGeorge
(N. PHILIP) - Bilan des troubles du langage chez l’enfant avec une délétion du 22q11 (C. COUTANCEAU)
- Syndrome de Rubinstein-Taybi (D. LACOMBE) - Prise en charge orthophonique de l’enfant avec un syn-
drome de Rubinstein-Taybi (C. TOFFIN) - Syndrome de Robin (ou séquence de Robin) (V. ABADIE) -
L’oralité perturbée chez l’enfant avec Syndrome de Robin (C. THIBAULT, C. BRÉAU) - Syndrome de
Franceschetti-Klein (P. EDERY, Y. MANACH) - Prise en charge de l’enfant aplasique auriculaire majeur
bilatéral (C. TOFFIN) - Dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne (M.-L. BRIARD) - Dystrophie
myotonique de Steinert (S. MANOUVRIER, M.-L. BRIARD) - Maladie de Steinnert. Troubles cog,itifs chez
l’enfant (M. GARGIULO, N. ANGEARD) - Prise en charge des troubles de déglutition de l’enfant présen-
tant une pathologie neuro-musculaire (M.-F. ABINUN, C. GOLOVTCHAN) - Syndrome de l’X fragile
(A. POSTEL-VINAY, M.-L. BRIARD) - Prise en charge médico-socio-éducative (M.L. BRIARD) —
Perspectives : La communication augmentée : un système original, le programme Makaton (S. FRANC) -
Expérience belge du dépistage du syndrome X fragile : questionnaire X fragile (J.P. FRYNS, M. BORGH-
GRAEF) - Importance de la guidance parentale (I. BARBIER) - Les troubles du langage oral des enfants
atteints d’anomalies héréditaires du métabolisme des protéines (I. PASQUIER, G. TOUATI, M. TOUZIN)

N °2 06 : LE BÉGAIEMENT - Données Actuelles : Le bégaiement : hypothèses actuelles (J. MARVAUD) - A pro-


pos du bégaiement (J. MARVAUD, A.-M. SIMON) - Bégaiement acquis : une étude rétrospective (J. VAN
BORSEL) - Synthèse de l’étude récente de E. Yairi sur les facteurs prédisposant à la chronicisation du bégaie-
ment chez le jeune enfant (C. HAFFREINGUE) — Examens et interventions : Bilan du bégaiement chez la
personne adulte (M.-C. MONFRAIS-PFAUWADEL) - Bredouillement (D. HANSEN) - Troubles d’évocation
de mots associés au bégaiement (N. TEITLER-BREJON) - De retour de Northwestern (V. BOUCAND) —
Perspectives : Elaboration du psychisme - Elaboration du bégaiement chez l’enfant (C. BEAUBERT) -
Le traitement du bégaiement : son approche selon différents pays, influences diverses et leçons générales
(D. A. SHAPIRO)

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