Vous êtes sur la page 1sur 286

LES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES

EN ORTHOPHONIE
Sous la direction de Thierry ROUSSEAU
(UNADRIO)

TOME I
PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE
TROUBLES DU LANGAGE ORAL
PRÉFACE

L’orthophonie est une discipline jeune qui s’est construite progressivement, souvent de manière intuitive grâce
au génie clinique de certains praticiens. Elle s’est également enrichie des connaissances de nombreuses autres
disciplines, en particulier la médecine mais aussi la psychologie, les sciences du langage ou encore les sciences de
l’éducation.
Cette diversité des apports scientifiques et cliniques, cette position au carrefour de plusieurs professions, ont
parfois créé une difficulté d’identification des professionnels mais ont aussi fait l’originalité, la singularité et sans
doute la richesse de l’orthophonie.
Malgré cela, inévitablement, des orthophonistes, dans leur pratique, se sont heurtés à des questions sans réponse,
à des cas n’entrant pas dans les modèles théoriques proposés, à des moyens d’investigation insuffisants, à des solu-
tions thérapeutiques anormalement inefficaces ou au contraire à des tentatives intuitives opérant de façon sur-
prenante. Quelques-uns ont alors cherché les réponses, soit dans une démarche de praticien-chercheur, soit en
intégrant des équipes de recherche d’autres disciplines. Ainsi, progressivement, tant au niveau de l’évaluation des
troubles que de leur prise en charge, une connaissance spécifique, purement orthophonique a vu le jour,
riche à la fois des acquis des sciences connexes mais aussi des acquis de l’orthophonie elle-même.
C’est avec l’idée de rassembler ces connaissances et l’objectif de théoriser une pratique que j’ai voulu réaliser cet
ouvrage collectif, pensant que c’était mon rôle en tant que président de l’Union Nationale pour le Développement
de la Recherche et de l’Evaluation en Orthophonie (UNADREO). Pour se faire, une équipe de recherche (ERU 9),
dont j’ai assuré la direction, a été créée, rassemblant tous les co-auteurs à qui il a été demandé de rédiger un
chapitre sur un thème qui correspondait à un libellé de la nomenclature des actes professionnels des orthophonistes
ou du décret de compétence, l’objectif étant de couvrir l’ensemble du champ thérapeutique de l’orthophonie.
Il a été également demandé de mettre l’accent sur l’aspect thérapeutique et non sur l’évaluation.
Une large autonomie a été accordée aux auteurs qui devaient partir des troubles pouvant avoir été relevés lors
de bilans orthophoniques et proposer, à partir de là, les solutions thérapeutiques orthophoniques possibles.
Les auteurs devaient, en fait, tenter de répondre à ces 4 questions :
• quelles sont les solutions thérapeutiques face à telle pathologie ? ples différentes approches
• pourquoi choisir cette approche ? ples références théoriques
• comment agir concrètement ? pla pratique clinique
• quels résultats espérer ? pl’évaluation des pratiques
Il leur était bien sûr fortement conseillé d’être le plus exhaustif possible : en orthophonie, comme dans la plupart
des autres disciplines de soins, il n’existe que rarement une possibilité thérapeutique unique. Chaque auteur devait
éviter de ne présenter que sa pratique personnelle mais il est bien évident que l’exhaustivité et l’impartialité sont
difficiles dans ce genre d’exercice. Des choix ont forcément été faits, à commencer par le choix, que j’assume,
des auteurs : tous ont une compétence reconnue, notamment par des travaux antérieurs, dans le sujet qu’ils ont
traité, ils sont quasiment tous chargés d’enseignement et un certain nombre est engagé dans une équipe de
recherche. Par ailleurs, et même s’ils sont nombreux à avoir suivi parallèlement une autre filière universitaire, 33
des 37 co-auteurs sont orthophonistes et tous ont une pratique professionnelle de clinicien.
Chaque auteur a souvent lui-même fait des choix plus ou moins volontaires, chacun ayant une pratique préfé-
rentielle qui risque immanquablement de transparaître. Je ne suis pas intervenu à ce niveau, laissant à chaque
auteur la responsabilité de ses orientations, j’ai simplement veillé à ce qu’elles soient étayées et qu’elles aient une
assise théorique ou clinique suffisante.
Qu’il me soit donc permis de remercier chaleureusement tous les auteurs à qui je suis bien conscient d’avoir
demandé un gros travail mais qui se devait d’être fait. L’orthophonie arrive à maturité : même si elle ne renie pas
être la petite fille de la médecine, la petite soeur de la psychologie et la cousine germaine de l’éducation, elle est
désormais capable d’être autonome. Tous les auteurs ont bien montré la spécificité de l’approche thérapeutique
en orthophonie, certes souvent issue d’une pratique intuitive enrichie d’une connaissance multidisciplinaire mais
désormais alimentée par une réflexion des orthophonistes eux-mêmes sur leur pratique clinique qu’ils ont codifiée
et qu’ils soumettent au crible de l’évaluation scientifique, en particulier à travers une collaboration avec
l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) dont l’UNADREO est l’interlocuteur
privilégié. Tout ceci aboutit à l’élaboration d’un savoir propre à l’orthophonie qui a pour objet le développement, le
rétablissement ou le maintien des capacités de communication orales et écrites des individus. C’est la définition même
d’une science, d’une science orthophonique qui a besoin de se développer, de s’enrichir, de progresser
perpétuellement grâce, notamment, à l’existence d’une recherche officielle en orthophonie et ce, d’abord et
avant tout, dans l’intérêt des personnes touchées dans leur outil de communication qui doivent avoir la garantie
que les professionnels à qui elles demandent de l’aide sont issus d’une discipline qui dispose des meilleurs moyens
pour mettre en œuvre une thérapie adéquate.
De nombreuses pierres ont déjà été posées pour l’élaboration de cette science orthophonique, cet ouvrage vient
sceller l’édifice.

Thierry Rousseau
Président de l’UNADREO
LES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES EN ORTHOPHONIE

TOME I
PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE
TROUBLES DU LANGAGE ORAL

CHAPITRE I : Rééducation des troubles de l'articulation (isolés, d’origine perceptive


et liés à des déficiences organiques) :
Catherine THIBAULT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

CHAPITRE II : Rééducation de la déglutition atypique :


Gilles LELOUP, Christiane LANGEL, Brigitte PERSONNAZ ......... 29

CHAPITRE III : Rééducation des retards de parole et de langage oral :


Françoise COQUET, Pierre FERRAND ........................................ 67

CHAPITRE IV : Rééducation des dysphasies :


Marc MONTFORT, Adoracion JUAREZ-SANCHEZ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

CHAPITRE V : Rééducation du bégaiement :


Anne-Marie SIMON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

CHAPITRE VI : Education précoce au langage dans les handicaps de l’enfant


de type sensoriel, moteur, mental :
Lydie MOREL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

CHAPITRE VII : Education ou rééducation du langage dans le cadre de l’autisme :


Nicole DENNI-KRICHEL, Stéphanie BOUR .............................. 221

CHAPITRE VIII : Rééducation des troubles de la phonation liés à une division palatine ou
à une incompétence vélo-pharyngée :
Hélène BAYLON, Pedro MONTOYA .......................................... 253

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE – langage oral ................................................................ 271


CHAPITRE I
Rééducation des troubles d’articulation
(isolés, d’origine perceptive
et liés à des déficiences d’origine organique)

Catherine THIBAULT, Orthophoniste


D.E.S.S Psychologie Conseil
D.U. Neuropsychologie de l’enfant
Chargée d’enseignement à l’université Paris VII

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION
A – Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
B – Trouble d’articulation et retard de parole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
C – Trouble d’articulation et acquisition des phonèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

II – PRINCIPES GÉNÉRAUX ............................................................................................. 13

III – RÉÉDUCATION DES TROUBLES D’ARTICULATION D’ORIGINE PERCEPTIVE ET LIÉS À DES


DÉFICIENCES D’ORIGINE ORGANIQUE
A – Rééducation des troubles d’articulation d’origine perceptive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
B – Rééducation des troubles d’articulation liés à des déficiences organiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

IV – DE LA RÉÉDUCATION DU COMPORTEMENT NEUROMUSCULAIRE DE LA SPHÈRE


ORO-FACIALE À LA RÉÉDUCATION DE L’ARTICULATION
A – Rééducation des pré-requis articulatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
B – Rééducation des praxies articulatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
C – Rééducation de l’articulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

V – RÉÉDUCATION DES TROUBLES D’ARTICULATION ISOLÉS


A – Altération portant sur les voyelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
B – Altération portant sur les consonnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
C – Les guide-langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

VI – CONCLUSION .............................................................................................................. 27

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 28


I – INTRODUCTION
A - DÉFINITION
Un trouble d’articulation peut être relatif à une cause :
• organique,
• fonctionnelle (non-découverte du mouvement adapté au son à émettre),
• perceptive (non-appréciation de la structure phonétique ou de la séquence des phonèmes).
Un facteur concernant le développement psycho-affectif peut s’y ajouter, rarement causal, mais compliquant
le traitement. Il est important de prendre également en compte les difficultés de mémorisation.

B - TROUBLE D’ARTICULATION ET RETARD DE PAROLE


Chaque langue opère un tri parmi tous les sons possibles, compte tenu de l’appareil phonatoire humain, et leur
donne une place dans le système phonologique qui lui est propre. L’enfant devient alors incapable d’articuler
les sons qui n’appartiennent pas à ce système, il perd aussi la faculté de produire certains sons qui font partie
de la langue qu’il est en train d’acquérir (Yaguello,1981).
Aussi y-a-il chez l’enfant de deux à quatre ans un décalage entre sa compétence passive (son aptitude à reconnaître
les sons distinctifs de sa langue) et sa compétence active (sa capacité à les reproduire). Sur le versant de l’expression,
lorsque, de phonétique, l’univers sonore devient phonologique, l’enfant doit apprendre à repérer consciemment les
frontières souvent ténues qui séparent les sons pour les produire correctement.
Sans raison apparente, l’enfant n’a pas trouvé le mouvement correct qui eût permis la production d’un
phonème sans défaut. A l’âge où se constituent les mécanismes articulatoires, une erreur s’est produite et l’enfant
ne l’a pas modifiée. C’est dans cette non-modification du mouvement faux que réside le trouble fonctionnel,
tout bébé commence par une prononciation hésitante des phonèmes qui exigent le plus d’habileté. Il n’y a
guère de jeune enfant capable de dire immédiatement bien les consonnes ch et j (un seval, des zouzoux), les r
(pati) et les l en position défavorable ou les plus difficiles des groupes consonantiques. Mais entre 3 et 5 ans,
ces réussites approximatives disparaissent et la prononciation devient peu à peu celle des adultes. La persistance
de ces défauts constitue un trouble de prononciation qu’on peut définir par une erreur motrice permanente et
systématique dans l’émission d’un phonème, qu’il soit vocalique ou consonantique.
Ne seront pas considérées comme défaut d’articulation :
• soit une prononciation imprécise,
• soit les fautes intermittentes qui résultent d’un phonétisme mal établi chez l’enfant trop jeune.
Un trouble d’articulation ne se corrigera pas de la même manière qu’un retard de parole, même si l’on trouve
souvent un trouble d’articulation dans un tableau de retard de parole/langage.
Si le trouble d’articulation touche le phonème de façon isolé et systématique, le retard de parole concerne
l’altération du phonème dans le mot d’une manière aléatoire.
Sur le plan clinique, le trouble d’articulation se réfère à la phonétique de la langue, alors que le retard de parole
concerne la phonologie.
Les troubles fonctionnels d’articulation et de parole sont souvent dus à l’association d’une immaturité psycho-
affective et gnoso-praxique orale qui se traduit par la persistance d’habitudes nocives telles qu’un tic de succion,
la tétine voire la prise du biberon.
Soulignons d’après l’étude de Margaillan-Fiammengo (1971) que les suceurs de pouce ont un champ perceptif
bouleversé, des capacités d’attention et de concentration labiles renforcées par une ventilation buccale.
Il est indispensable de prendre en considération ces mauvaises habitudes et de commencer une prise en charge
dès que l’enfant et sa famille sont inscrits dans une dynamique de changement.
Notons parmi les origines d’un trouble d’articulation chez un enfant, l’imitation d’un modèle familial.

11
C - TROUBLE D’ARTICULATION ET ACQUISITION DES PHONÈMES
Jakobson a distingué des sons qui aboutissent à un système phonémique chez l’enfant qui apprend une langue
obéissant à un ordre de succession strict et universellement valable du point de vue perceptif et moteur :
L’enfant part des oppositions maximales (ouverture/fermeture), puis les oppositions s’affinent. Par ailleurs les
phonèmes antérieurs, plus visibles apparaissent avant les postérieurs, si bien que l’enfant part de l’opposition
voyelle ouverte et consonne occlusive. Puis, d’une part, les consonnes constrictives se dissocient des occlusives
(le passage du souffle étant permis par une occlusion moindre) et, d’autre part, l’ouverture vocalique se module
et permet la série des voyelles ouvertes et fermées. Apparaissent ensuite la combinaison du bruit consonantique
et des sons vocaliques permettant la production des consonnes sonores, les consonnes liquides(r,l) apparaissent
en dernier.
Ce qui nous amène à la chronologie des acquisitions phonémiques proposé par Rondal (2000) :
Les traits correspondent en leur point de départ à l’âge auquel environ 50% des enfant prononcent le son
correctement et en leur point d’arrivée à l’âge auquel le son est acquis par la très grande majorité des enfants.

Tableau 1 : Chronologie des acquisitions phonémiques.


12
II – PRINCIPES GÉNÉRAUX
Quand un sujet présente un trouble d’articulation, celui-ci consiste toujours en une faute de mouvements des
organes intéressés. Dans tous ces troubles, nous observons un double versant : moteur et perceptif.
Or cette erreur motrice, presque invariablement systématique et constante pour un phonème donné, n’est pas
toujours aisée à corriger et ceci pour plusieurs causes :
Dans la conscience phonétique du sujet, le son erroné qu’il émet est généralement substitué au phonème qu’il
aurait dû et qu’il croit produire, si bien que sa boucle audio-phonatoire étant ainsi modifiée, le sujet ne peut
plus entendre la différence entre son phonème et celui de la langue.
Aussi, la rééducation doit non seulement donner au sujet les moyens moteurs de produire le phonème mais
encore de l’introduire dans son système phonétique, ce qui est un véritable travail de "déconditionnement".
C’est pourquoi la rééducation comprendra des exercices moteurs (rééducation des pré-requis articulatoires)
préparatoires aux mouvements qui seront demandés pour la production du nouveau phonème lui même qui
deviendra conscient. Il sera d’abord demandé isolé comme un bruit sans même donner de modèle auditif pour
ne pas faire réapparaître le son erroné (rééducation des praxies articulatoires).
Puis une fois que le phonème sera produit ainsi, le sujet en aura une représentation perceptivo-motrice suffisante
et pourra le reproduire et le reconnaître. Si la production du sujet n’est pas troublée par la confrontation entre
cette nouvelle représentation et l’ancienne, l’orthophoniste pourra introduire progressivement le phonème dans
des groupes jusqu’à la syllabe où la signification apparaît de façon évidente, parfois même lorsqu’on s’abstient
de donner un modèle sonore.
Sur le plan moteur, on n’oubliera pas que les phonèmes s’écoulent en un temps fort bref, de l’ordre du dixième
de seconde, temps pendant lequel a lieu l’installation du mouvement, sa tenue et sa décomposition si le
phonème est en position finale, mais s’il est suivi d’un autre son, le mouvement du premier phonème se
combine avec le second et ces changements de position généralement insensibles à l’oreille à cause de leur rapidité
sont le moment difficile dans la réalisation des nouveaux mécanismes d’articulation.
Peu à peu, le sujet modifie sa boucle audio-phonatoire et par conséquent son phonétisme dont la production
est devenue consciente et contrôlée. Il restera, alors à l’intégrer dans une chaîne articulatoire de plus en plus
longue, d’abord au ralenti jusqu’à ce qu’elle devienne de moins en moins contrôlée et consciente et par consé-
quent qu’elle soit automatisée (rééducation articulatoire). Le sujet devra être capable d’ employer les nouveaux
mécanismes sans ralentir ni interrompre le discours émis à la vitesse normale de la parole.
Remarquons que les articulations nouvellement constituées doivent être introduites dans toutes les associations
phonétiques possibles et on se servira au début d’ensembles non signifiants afin que le sens ne fasse pas resurgir
le mécanisme erroné.
Il conviendra aussi d’éliminer des exercices tout logatome contenant un phonème perturbateur (phonème dont
la présence dans un mot est de nature à perturber l’articulation d’un autre phonème du même mot) tant que
l’articulation sur laquelle on travaille n’est pas bien installée (Maurin-Cherou, 1993).
Soulignons la difficulté à intégrer dans le langage courant ces nouvelles acquisitions et modifications du
comportement articulatoire. En effet, une modification du système phonétique bouleverse souvent l’ensemble
du système de communication à travers une image du corps modifié.

III – RÉÉDUCATION DES TROUBLES D’ARTICULATION


D’ORIGINE PERCEPTIVE ET LIÉS À DES DÉFICIENCES
ORGANIQUES

A - RÉÉDUCATION DES TROUBLES D’ARTICULATION D’ORIGINE PERCEPTIVE


(se reporter au chapitre rééducation des retards de parole et de langage oral).
Les troubles d’articulation d’origine perceptive, où l’enfant ne sonorise pas les phonèmes sonores, ne se mani-
festent de façon orale que chez les enfants ne possédant pas encore le langage écrit.

13
Soulignons la relation en chaîne qui existe, par la perception auditive, dans l’apprentissage de l’articulation de
la parole, de la lecture puis de l’orthographe.
Le travail de la perception auditive se fait avec les tableaux permettant de visualiser la vibration laryngée
(Fauvergue).
Il faut utiliser tous les canaux de perception : entendre, voir, sentir.

Tableau 2 : Les consonnes sourdes et sonores.

B - RÉÉDUCATION DES TROUBLES D’ARTICULATION LIÉS À DES DÉFICIENCES


ORGANIQUES
(se reporter aux chapitres : rééducation des troubles de la phonation liés à une division palatine ou une
incompétence vélo-pharyngée, rééducation de la déglutition atypique et rééducation des troubles vélo-tubo-
tympaniques).

1 - Le voile du palais
Qu’il soit divisé, congénitalement court ou insuffisamment mobile, un voile du palais qui n’assure pas sa
fonction, à savoir isoler en un mouvement rapide le cavum du pharynx buccal, est responsable de troubles
phonétiques à des degrés divers.
La rééducation dépend de la classification de la phonation (Thibault, 1999).

◆ Phonation I
Elle ne nécessite une rééducation que si le sujet présente des troubles fonctionnels de la sphère oro-faciale, ainsi
que des troubles d’articulation liés aux malformations de l’articulé dentaire (Rééducation des sigmatismes).

14
◆ Phonation II
La rééducation vise ici à supprimer la déperdition nasale (DN).
S’il s’agit d’une PH II totale, c’est à dire si la DN est généralisée même dans l’effort, les exercices de souffle ne
seront pas suffisants pour permettre au sujet d’acquérir une PHI, et il faudra avoir recours à une vélo-pharyn-
goplastie. Cependant, cette phonation pourra dans certains cas évoluer grâce à la rééducation vers une
phonation II bonne ou I/II.
Dans tous les cas, il est essentiel de monter tous les points d’articulation.

◆ Phonation III
La rééducation s’attache à supprimer les coups de glotte et souffles rauques. Elle sera toujours envisagée avant
la vélo-pharyngoplastie.

2 - les défauts de l’articulé dentaire, de la langue, des lèvres


Les conséquences morphologiques d’une déglutition dysfonctionnelle, d’un tic de succion provoquent un
déséquilibre de la sangle musculaire linguo-labio-jugale et facilitent l’apparition de dysmorphoses dentaires qui
entraîneront des difficultés d’occlusion labiale.
L’articulation de la parole en souffrira immédiatement, la langue utilisant pour ses mouvements le même
schéma corporel archaïque de l’oralité primaire (tic de succion-déglutition, langue basse, ventilation buccale).
Les dysmorphoses dentaires entraînent secondairement des sigmatismes (interdentaux, latéraux, addentaux).

IV – DE LA RÉÉDUCATION DU COMPORTEMENT
NEUROMUSCULAIRE DE LA SPHÈRE ORO-FACIALE
À LA RÉÉDUCATION DE L’ARTICULATION
Avant d’entreprendre toute rééducation d’un trouble articulatoire, il est nécessaire d’apprendre au sujet à
"connaître" sa bouche en lui faisant exécuter différents exercices lui permettant de trouver les stéréotypes
élémentaires nécessaire à l’articulation des phonèmes. Il faut donc donner des automatismes corrects en déve-
loppant une activité énergique et correcte neuromusculaire de la sphère oro-faciale et de la ventilation nasale
(Thibault,1999).
Ce travail sera entrepris au début devant un miroir, avec rigueur et application, selon trois directions :
• détente générale de la musculature
• précisions des actions musculaires
• indépendance des actions musculaires
Toute "grimace" demandée au patient sera dans un premier temps effectuée par l’orthophoniste.

A - RÉÉDUCATION DES PRÉ-REQUIS ARTICULATOIRES


1 - Les lèvres
Il faut surtout travailler la précision de l’articulation des lèvres et leur indépendance relative par rapport à la
mâchoire, leur avancée sans contraction et leur souplesse (les lèvres ont tendance à se contracter sur certains
phonèmes).
Il faut apprendre à contrôler orbiculaire et buccinateur, en travaillant devant un miroir jusqu’à l’obtention de
la symétrie.
La musculation des lèvres et le travail des mâchoires musclent, favorisent la fermeture de la bouche, augmentent

15
les dimensions intérieures du pharynx et desserrent l’ensemble de l’appareil phonatoire tout en aidant au
rétablissement d’une ventilation nasale.
2 - Les joues
Il faut renforcer la musculature jugale, en exerçant une pression sur la face interne des joues avec un abaisse-
langue, en apprenant à gonfler les joues.

3 - La langue
Il faut travailler son avancée, l’agilité de sa pointe et la non-contraction de sa racine.
La platitude de la langue doit être obtenue dans toute rééducation de l’articulation.
Le sujet doit apprendre à sentir la position de la langue (apex et bords latéraux) sur la papille rétro-incisive
supérieure.
Le clic lingual contribue à sensibiliser l’enfant à une bonne position de la langue sur le palais, tonifie la pointe
de la langue, lui apprend le mouvement vertical et permet l’allongement du frein.

4 - La déglutition
Connaissant les liens qui existent entre la déglutition dysfonctionnelle et l’articulation au niveau des appuis
linguaux, il semble intéressant de rééduquer la déglutition. Les anomalies de déglutition, de succion et
d’articulation ne doivent pas être considérées isolément. Une déglutition correcte avec une bonne motricité
labiale et une position linguale de repos assure le plus souvent le maintien d’un bon articulé et d’une articulation
de la parole correcte.

5 - La ventilation naso-nasale
Il est important que l’enfant est une bonne conscience de la différenciation orale/nasale. L’apprentissage du
mouchage narine après narine, la stimulation des muscles du nez, permettront de rétablir une ventilation
naso-nasale correcte.

6 - Le souffle et l’insuffisance vélaire fonctionnelle


Les exercices de souffle doivent aider à diriger et discipliner le souffle, à assurer son orientation et sa durée. Ils
sont destinés à renforcer la musculature vélaire et pharyngée. Ils permettent d’établir la distinction entre les
deux modes d’articulation (oral et nasal).

7 - Le geste phonatoire
Il est intéressant de favoriser les exercices de détente et de respiration permettant la prise de conscience par
l’enfant de son schéma corporel et de sa respiration abdominale de repos.

8 - Les massages
Par exemple :
• Pour favoriser l’inspiration nasale : massage des ailes du nez.
• Pour détendre la houppe du menton : massage circulaire.

16
• Pour allonger et tonifier la lèvre supérieure, entre le pouce et l’index, étirer la lèvre.

B – RÉÉDUCATION DES PRAXIES ARTICULATOIRES


Puis viennent les exercices préarticulatoires, où l’on isole le mouvement à effectuer de la perception du son, où
l’on donne donc des stéréotypes fonctionnels. Pour chaque phonème sont notés les stéréotypes fonctionnels
mis en jeu dans l’articulation de ce phonème.

◆ Mouvements des lèvres :


a) Agrandissement de l’ouverture labiale.........................................(1)
b) Diminution de l’ouverture labiale .............................................(2)
c) Avancée des lèvres .....................................................................(2’)

◆ Mouvements du maxillaire inférieur :


a) Vers le bas...................................................................................(3)
b) Vers le haut ................................................................................(4)

◆ Mouvements du voile du palais :


a) Relèvement ................................................................................(5)
b) Abaissement ..............................................................................(6)

◆ Mouvements de la langue :
a) Protraction (avec ou sans appui) ................................................(7)
b) Vers l’arrière (avec ou sans appui) ..............................................(8)
c) Bords latéraux relevés (avec ou sans appui) ..................................9)
d) Langue pointue, agilité de l’apex .............................................(10)

◆ Mouvements de la glotte :
Activité rythmique rapide – vibration laryngée ............................(11)
Tableau 3 : Liste des stéréotypes fonctionnels de la sphère oro-faciale mis en jeu dans les praxies
articulatoires. Effets moteurs des stéréotypes élémentaires.

17
PHONÈMES STÉRÉOTYPES ÉLÉMENTAIRES

Lèvres Langue Maxillaire Voile Vibration


inférieur laryngée
Voyelles :
A ..................... (1) (3) (5) (13)
O..................... (1) (2’) (8) (3) (5) (13)
o ...................... (2) (2’) (8) (5) (13)
ou .................... (2) (2’) (8+) (5) (13)
è ...................... (8) (9) (3) (5) (13)
EU................... (1) (8+) (9) (3) (5) (13)
i ....................... (2) (7+) (9) (5) (13)
é ...................... (2) (7) (9) (5) (13)
eu .................... (2) (8) (9) (5) (13)
ü...................... (2) (8+) (9) (5) (13)
AN .................. (1) (3) (6) (13)
ON.................. (1) (8) (3) (6) (13)
IN ................... (1) (8) (9) (3) (6) (13)
UN.................. (1) (8+) (9) (3) (6) (13)
Consonnes :
P...................... (1) (2) (5)
B...................... (1) (2) (5) (13)
M .................... (1) (2) (6) (13)
K ..................... (1) (8) (3) (5)
GU .................. (1) (8) (3) (5) (13)
L...................... (1) (7) (10) (3) (5) (13)
R apical ........... (1) (7) (10) (3) (5) (13)
T ..................... (1) (7) (9) (5)
D..................... (1) (7) (9) (5) (13)
N..................... (1) (7) (9) (6) (13)
F...................... (2) (8) (9) (5)
V ..................... (2) (8) (9) (5) (13)
S ...................... (2) (7) (9) (5)
Z ..................... (2) (7) (9) (5) (13)
CH .................. (2’) (9) (5)
J....................... (2’) (9) (5) (13)
R uvulaire (1) (8) (10) (5) (13)

Tableau 4 : Praxies articulatoires et stéréotypes élémentaires.

18
C - RÉÉDUCATION DE L’ARTICULATION
Les exercices dits d’articulation seront entrepris après s’être assuré de la bonne intégration des différentes praxies
labio-linguo-jugales et des praxies articulatoires.
La consonne à obtenir est considérée comme un bruit schématisé, la voyelle par un point (Thibault, 1999).

1. Le bruit seul.

2. • La voyelle est choisie en fonction de l’aperture et de l’antériorité :

"a" pour commancer, puis "a, o, e, i, u, ou, an"


3. c • La consonne placée devant est une consonne facile, acquise par le sujet.

4. • • Avec trois lettres il est possible déjà de répéter des mots significatifs.

5. • La consonne en cours d’acquisition en initiale.

Tableau 5 : Schématisation des bruits pour les exercices d’articulation.

V – RÉÉDUCATION DES TROUBLES D’ARTICULATION ISOLÉS


Les techniques présentées sont issues du travail de Madame Borel-Maisonny.
Les troubles d’articulation consistent en des déformations, des remplacements ou des suppressions.

A - ALTÉRATIONS PORTANT SUR LES VOYELLES


Moins altérées que les consonnes, elles donnent cependant lieu à des erreurs de mouvements qui peuvent ne
dépendre ni d’un trouble de perception, ni d’une perte auditive, c’est à dire que, tout en entendant bien et en
appréciant correctement un timbre vocalique, l’enfant peut être incapable de trouver l’attitude organique qui
lui permettrait la reproduction. Ceci ne se produit évidemment que pour les voyelles exigeant les positions les
plus difficiles. En français, les voyelles se répartissent en voyelles pures antérieures, moyennes ou postérieures,
auxquelles s’ajoutent les nasales.

1 - erreur de nasalisation
Les voyelles habituellement altérées sont : an, on, in, un. Elles sont oralisées, c’est à dire dépourvues de la dose
de nasalité qui les distingue de a, o, è, oè. Elles vont nécessiter un réglage précis entre le mode oral et nasal.
Correction : Une nasalisation correcte est beaucoup plus difficile à obtenir pour les voyelles que pour les
consonnes. On fera sentir, par frôlement des narines, les vibrations et voir la buée sur une glace métallique. Puis
on commencera par an en abaissant la langue avec un guide langue dans la position d’un a postérieur sans trop
ouvrir la bouche ce qui risquerait de provoquer l’élévation maxima du voile et, bien entendu, en faisant atten-
tion de n’effleurer ni les piliers, ni le voile car ceci provoquerait un réflexe nauséeux. Le voile est alors légère-
ment attiré vers le bas et l’émission du an devient possible. La voyelle on sera apprise ensuite. On veillera à ne
pas trop abaisser la lèvre supérieure, c’est une grimace inutile qui n’aurait pour effet que de couvrir le son.
La voyelle in est beaucoup plus facile à obtenir car elle ne tolère qu’une dose minime de nasalisation.

19
2 - les confusions
• Confusion o –o e
Les voyelles pures confondues sont o et oe (du bor = du beurre).
Pour obtenir le timbre oe, faire aplatir la langue dans la région postéro-moyenne.
• Confusion u-ou
Le sujet ne sait pas avancer et lever la langue en dégageant une cavité postérieure. Il se contente du mouvement
des lèvres. Le timbre produit est ou, on obtient u à partir d’un i pendant lequel on ferme l’orbiculaire
(la couisine = la cuisine).
• Confusion é – è
Certains enfants ouvrent trop les é. Il faut alors, pour en obtenir le timbre juste, montrer, par schéma ou par
artifice graphique (é et i en surimpression), qu’il faut avancer et élever la langue presque comme pour i, les
deux positions et les timbres qui en résultent étant proches.

B – ALTÉRATIONS PORTANT SUR LES CONSONNES


Les consonnes se reproduisent par arrêt ou diminution du courant d’air expiratoire grâce à des zones de contact
ou de rétrécissement nommées points d’articulation.
Principaux défauts d’articulation :
• Les phonèmes les plus altérés sont ceux qui exigent, pour satisfaire l’oreille, la plus grande précision de
mouvement.
• Sont altérés aussi, ceux dont le caractère est labile ou dont la position dans le groupe phonétique, la faible
durée d’émission, ou encore l’absence de contraste avec les phonèmes voisins ne favorisant pas l’audition et
l’identification.
Du point de vue des troubles d’articulation, les consonnes les plus altérées sont les constrictives, puis les occlusives,
ensuite les liquides et enfin les nasales. Nous en expliquerons le mécanisme avant d’en énumérer les altérations
et d’en indiquer la correction.

1 - altérations concernant les constrictives

◆ le mécanisme laryngé des consonnes constrictives


Les constrictives se produisent grâce à un écoulement d’air laryngé freiné en un point quelconque de la cavité
oropharyngée. Ce qui importe, c’est de réduire le canal d’écoulement d’air à l’orifice voulu, pour que puisse
s’établir la fréquence caractéristique nécessaire à la précision du son.
Pour s,z la zone de resserrement est rétroalvéolaire, elle est produite par rapprochement de la région palatale
antérieure et la partie apicale de la langue en position rétroréflexe, sans appui. Il s’établit deux cavités en étroite
communication.
Si la cavité antérieure augmente de volume, l’ s s’aggrave. Si le point d’articulation devient trop postérieur on
entend un ch. S et ch s’aggravent à mesure que s’accroît le volume de la cavité antérieure rétro-dentale.
Les sonores correspondantes z et j se font dans la même position, mais le larynx entre en vibration. Les ouvertures
laryngées varient avec les consonnes constrictives. Les débits respiratoires respectifs sont proportionnés aux
amplitudes de ces consonnes pour une même intensité subjective. En rapport avec une diminution de l’inten-
sité, on observe une diminution de la portance auditive. La sonorité laryngée des constrictives sonores est un
compromis constant entre l’écartement des cordes vocales nécessaire à la permanence du souffle et leur
rapprochement nécessaire à la vibration.
Dans le moment d’ouverture du larynx la pression est très petite car l’air passe dans une cavité béante, dans les
moments de presque fermeture, la pression sous-glottique est suffisante pour entretenir la vibration.
Ceci explique les caractères de ces consonnes sonores :
• Elles sont fluctuantes à cause des variations de pression et de position des cordes vocales.
• Il y a une succession de poussées d’air et de moments où s’amorce la vibration.
• Le fondamental laryngé est tantôt très apparent, tantôt masqué par les perturbations apériodiques du souffle.

20
• La portion caractéristique occupe peu de temps, le phonème s’altèrant plus ou moins fortement au contact
du phonème voisin.

◆ Altérations des constrictives


Anomalies du point d’articulation
Les constrictives les plus altérées sont celles de la série sifflante s, z, ch, j, c’est pourquoi les défauts liés à ces
consonnes portent le nom général de sigmatisme accompagné d’un adjectif indiquant sa localisation.
On remarquera que f et v, bien qu’appartenant à la série constrictive, sont moins souvent déformées que ch, s,
j, z sans doute parce que leur articulation est visible.

• Sigmatisme interdental, encore appelé zozotement, zézaiement, également parfois désigné par l’expression
"avoir un cheveu sur la langue".
L’erreur consiste à placer la pointe de la langue entre les deux arcades. Le défaut est favorisé par les béances
de l’articulé incisif se produisant soit sur le plan horizontal, soit dans le plan vertical. Ces déformations elles-
mêmes peuvent déprendre d’une conformation particulière héréditaire ou non, soit d’une habitude prolongée
d’un tic de succion du pouce. Les béances incisives gênent la rééducation, mais ne l’empêchent pas.
Correction : S’il s’agit d’un s interdental, on peut refouler la pointe de la langue derrière les incisives avec un
guide langue et on fait émettre un bruit de souffle. Il se peut que d’emblée le son obtenu soit satisfaisant. S’il
ne l’est pas, on tâchera, à l’oreille, de déterminer ce qui est encore faux dans le mouvement, et on tentera de
guider la langue vers la bonne attitude. Il faut être attentif à ne pas obtenir un s addental par excès de pression
de la langue sur les dents. Il apparaît que le réglage perceptivo-moteur de cette pression est capital pour
l’obtention d’un phonème correct. Au début, les dents sont en occlusion (travail du buccinateur), puis l’on
doit obtenir le desserrement des mâchoires sans que la langue s’interpose.
A partir du s, on obtiendra le z en sonorisant le souffle.

• Sigmatisme addental
La langue se porte contre les incisives supérieures. La partie antérieure de la langue dans une attitude de
tension excessive est trop près des incisives : le s est trop aigu. Il est souvent associé à une antériorisation et
peut affecter aussi les consonnes occlusives t, d, n.
Correction : Pour le s et le z se reporter à la rééducation du sigmatisme interdental.
Pour t, d, n et parfois l (remarquer que ce sont les consonnes du mot la dent), il faut faire prendre conscience
de la position de la langue sur les papilles palatines. Dans les premiers temps, la prononciation peut s’avérer
mouillée puisque la langue a toujours travaillé en position horizontale et qu’elle manque de force en position
verticale (Fournier, 1991). Le travail de l’apex est nécessaire, il faut que le patient sente la pointe de la langue
sur la papille rétro-incisive supérieure.

• Sigmatisme latéral (schlintement)


Le schlintement (terme inventé à cause du son produit qui est voisin du l) est un défaut qui atteint les
consonnes constrictives dites soufflées s, ch, z, j. Dans la normale, elles se forment grâce à un écoulement d’air
entre la langue et le palais. La pointe de la langue est légèrement redressée vers la région palatale antérieure
pour ch et j. Pour s, z, l’articulation est plus près des dents. Or dans le schlintement, la langue se renfle en
son milieu, touche de sa pointe le palais en arrière des dents et, latéralement, ne touche plus les dents, tandis
que l’air s’échappe sur les côtés entre la denture et les joues. Le schlintement est souvent accompagné de
grimaces faciales avec un déplacement latéral de la mâchoire. L’air passe sur un ou deux côtés au lieu d’être
lingual médian.
Quant au jouyement - ce nom a été donné par Pichon - comme dans le schlintement, les joues ne s’appliquent
pas aux dents et l’air s’échappe bilatéralement, mais la langue, au lieu de toucher le palais dans la région apico-
dentale, en reste très éloignée, si bien que le son produit est celui d’un souffle grave pendant lequel on voit
parfois les joues se gonfler. Ce défaut se manifeste pour les consonnes ch, s, z, j. Il affecte parfois aussi f et v.
La technique de correction est identique à celle du schlintement.

21
Correction : Un étroit couloir d’écoulement d’air doit être aménagé dans la région rétro-alvéolaire. On peut
favoriser la création d’une gouttière en introduisant un sifflet mince ou une paille entre les incisives
supérieures et inférieures. Il est judicieux de discipliner et diriger le souffle.
C’est pourquoi, pour s, on part d’une articulation interdentale (vérifier la platitude de la langue). Quand la
direction du souffle est bonne, on fait rentrer la langue jusque derrière les incisives en la gardant dans la même
attitude et on recherche le même réglage que pour le sigmatisme interdental. Quand le son et le mouvement
sont corrects, on y adjoint des vibrations laryngées et le son devient z.
Pour ch, on peut se servir de l’s corrigé, en repoussant la langue pour que le point d’articulation soit postérieur et
le son correct. On peut encore obtenir cette consonne à partir d’un t palatal dont on accentue l’explosion afin
d’obtenir le bruit correct d’un ch. On demande au sujet d’exécuter un t palatal sans voyelle. Ceci produit un
petit bruit de souffle à l’explosion et la langue se trouve du même coup en positon correcte sans qu’on est eu
à expliquer qu’il ne fallait pas la déporter latéralement. Ensuite, on fait augmenter l’intensité du souffle à
l’explosion et au besoin on tient les joues pour favoriser l’immobilité des organes dans l’attitude où s’est
formée la gouttière médiane, orbiculaire un peu en avant. On a donc modifié l’erreur linguale, en demandant
l’exécution d’un t palatal un peu plus soufflé que dans la prononciation courante : au moment où le t se
détache du palais, il se produit une sorte de ch que l’on tâche de rendre conscient. Ceci fait, on demande de
répéter exactement avec la même position linguale tch et ch immédiatement après. Le ch est ensuite obtenu
directement. Le bruit produit est celui d’un ch correct. Pour j, même mécanisme, auquel on ajoute des
vibrations laryngées.
Le jouyement ou sigmatisme bilatéral exige en outre que l’attitude de surroclusion soit corrigée. On desserre
les arcades en faisant mordre un guide-langue mince et l’articulation des consonnes ch, j produit alors un son
correct.
Il faut inconditionnellement obtenir la platitude de la langue, la bonne direction du souffle, une projection
labiale sans avancée mandibulaire et un renforcement de la musculature jugale (avec un abaisse-langue ou un
guide langue plat, on exerce une pression sur la face interne des joues et sur les commissures labiales en
demandant au sujet d’y résister, cette contraction musculaire une fois ressentie et exécutée, on retire l’abaisse-
langue et le patient doit répéter volontairement le même mouvement).

• Sigmatisme dorsal
Il résulte du déplacement du point d’articulation qui devient trop postérieur pendant que, au lieu de creuser la
langue sur la ligne médiane tout en relevant la pointe, le sujet la relève en dôme et l’air est poussé dans un orifice
étalé entre la langue et le palais dur, la langue se met en dôme dans une attitude voisine de celle d’un k.
Le sigmatisme dorsal ne doit pas être confondu avec la palatalisation. Dans ce cas, le contact entre le dos de
la langue et le palais n’est pas absolu, rétréci, l’air arrive à passer et le sujet émet un son qui se rapproche d’une
sorte de diphtongue avec le (ill).
Correction : Il est presque toujours nécessaire d’obtenir un s interdental pour déshabituer le sujet de mettre
sa langue dans la position fausse. La rééducation se poursuit comme pour le sigmatisme interdental.

• Sigmatisme nasal
Il ne faut pas le confondre avec le souffle nasal ou la déperdition nasale, qui caractérisent la phonation des
fentes palatines. Dans ces deux cas la fuite d’air par la voie nasale est inévitable, le voile ne pouvant fermer le
pharynx, l’air s’écoule à la fois par le nez et la bouche quand il devrait s’écouler seulement par la bouche.
Dans le sigmatisme nasal, le sujet obture la voie buccale par une erreur de mouvement et l’air ne peut plus
s’écouler que par le nez, ce qu’il fait en produisant une sorte de ronflement. La langue en contact avec le palais
empêche l’écoulement d’air par la bouche. Ce mécanisme est produit sans nécessité organique, il ne faut pas
y voir un signe d’insuffisance vélaire, puisque les consonnes altérées sont ch, s, j, z, alors que f et v sont habi-
tuellement corrects. Quand on demande au sujet de souffler par la bouche, par exemple d’éteindre une allu-
mette ou de souffler dans un jouet sonore, il le fait sans difficulté et sans fuite nasale, aucune trace de buée
n’est visible sur un miroir métallique. Les voyelles ne sont pas non plus entachées de nasalité. Il ne s’agit donc
que d’un trouble d’articulation.

22
Correction : On fait apprendre au patient à souffler par la bouche. On fait souffler sur un papier, de ce
mouvement normal, on fait former un f bilabial puis un f articulé normalement. Le f servira à l’émission d’un
s interdental puis en bonne position. Ce s à son tour pourra devenir ch par modification du point
d’articulation, les consonnes f, s, ch sonorisées donneront, vz, j et le tout sera ensuite associé à des voyelles.

• Sigmatisme guttural (ou souffle rauque)


Il est le signe d’une insuffisance vélaire, c’est une des articulations de suppléance caractérisant la phonation
des divisions palatines (souffle rauque). Dans ce cas, en effet l’obstacle mécanique apporté par la fuite d’air
entre le voile et la paroi pharyngée est tel que l’exécution exacte de la consonne est impossible. Pour
compenser la fuite d’air, le sujet ouvre davantage son larynx : un minimum de pression d’air est en effet
indispensable à la production du bruit fricatif. Ainsi, le mouvement d’expiration poussé devient visible et le
sujet trouve plus de facilité à freiner le courant d’air dès le larynx. Au surplus, dans cette position d’écarte-
ment, les cordes ne peuvent vibrer, le sujet remplace donc l’émission d’un j, z ou v soit par un son laryngé
sans bruit fricatif soit par un souffle sans sonorisation laryngée. C’est pourquoi, renonçant à cet impossible
compromis, les sujets qui ont une importante déperdition nasale tendent à remplacer ces consonnes par un
souffle rauque au moins dans la parole rapide.
Bien qu’il soit un signe d’insuffisance vélaire, le sigmatisme guttural peut se produire quand le voile est
normal et il faut alors le considérer comme un banal trouble d’articulation en vérifiant s’il ne serait pas lié à
une déficience auditive.
En tant que trouble d’articulation pur, il est assez rare, et se produit pour les consonnes ch, s, j, z tandis que
f et v en sont exempts. S’il n’y a pas d’insuffisance vélaire son mécanisme est le suivant : réduction du courant
d’air laryngé par rapprochement des cordes vocales : l’air en passant produit une sorte de sifflement, le souffle
rauque. La synergie des mouvements entraîne l’épiglotte qui se rabat sur le larynx pendant que la base de
langue se porte vers la paroi pharyngée. Tout contribue à réduire le canal laryngé et sus-laryngé pour produire
une sibilance suffisamment aigüe. Ces constrictives sont susceptibles d’une faible sonorisation et même d’une
différenciation en fréquence pour ch, s, f ainsi que j, z, v.
On n’oubliera pas que ce type de constrictive est une articulation normale dans le phonétisme de certaines
langues, notamment en hébreu.
Correction : On fait émettre un f bilabial, puis ensuite on procéde comme pour la rééducation du sigma-
tisme nasal. Il y aura cependant une difficulté surajoutée du fait de la grande ressemblance du bruit des souf-
fles gutturaux et de celui des constrictives normales. Il est fréquent que la différence auditive, pourtant très
marquée pour nous, ne frappe pas le sujet. De plus, l’articulation erronée se produisant dès la sortie du larynx,
c’est à dire avant la zone normale de constriction, a souvent tendance à se former avant ou en même temps
que les bruits provenant des positions correctes.
Cette rééducation est longue, il faut rendre l’articulation antérieure, et réduire l’aperture de la bouche qui est
souvent trop grande.

• Sigmatisme occlusif
Les constrictives sont remplacées par les explosives dont le point d’articulation est le plus proche :
ch, s  t
fp
j, z  d
vb
Remarquons que le sigmatisme occlusif peut être dû à une perte auditive peu importante, particulièrement
une perte dans les aigus, il est fréquent dans les retards de parole, cependant il existe en tant que trouble
d’articulation isolé.
Correction : Il faut apprendre au sujet le réglage de la constriction qui est une fermeture moins complète que
l’occlusion, il peut être obtenu par imitation du bruit de la consonne isolée soit f (bruit du vent), soit même
ch, (bruit du train) ou le sifflement de l’ s (bruit du serpent) qui d’ordinaire sont immédiatement possibles.
La liaison avec la voyelle est délicate parce que l’occlusion a toujours tendance à réapparaître, il s’agit ici d’un

23
mode d’articulation et non d’un point d’articulation. Aussi convient-il de commencer par des associations où
la voyelle précède et de choisir les plus fermées d’entre elles (if, ousse, uche). Simple en principe et parfois très
aisée, cette rééducation exige parfois une technique précise pour être menée à bien, surtout si elle coïncide
avec un certain degré d’hypoacousie.

• Sigmatisme glottal :
C’est un défaut fréquent qui consiste dans le remplacement de tout ou une partie des constrictives par des
occlusives glottales. Si on figure cette articulation par une croix, on aura par exemple à la place de la phrase :
"J’ai mangé du saucisson chaud" la réalisation suivante "+ai +an+é +u +au+i+on +au". Ce défaut qui rend
la parole presque inintelligible n’est qu’une erreur motrice, à peu près jamais associée à un trouble de percep-
tion, le sujet sait fort bien les sons qu’il ne peut pas dire, mais il n’a pas trouvé le mécanisme approprié.
Aucune malformation organique n’est à incriminer et il n’y a pas d’insuffisance vélaire, comme il est facile de
le voir en faisant exécuter n’importe quelle autre consonne orale, par exemple une occlusive.
Correction : On fait produire un f bilabial, on le transforme en f véritable, de cet f obtenir par analogie s et
ch. La difficulté réside dans l’association avec la voyelle. Aussi sera-t-il plus aisé d’associer les nouvelles
constrictives à un l ou à un r puis de les faire précéder de voyelles. On dira fli, fri, if avant de réaliser f. On
remarquera que la consonne r peut être entachée du même défaut, c’est le signe que l’enfant avait assimilé
cette consonne aux constrictives. Le procédé de correction est analogue, mais en général les défauts de la
consonne r sont les suivants : déplacement s du point d’articulation vers le larynx et il devient rauque ou vers
une région trop antérieure et il se teinte de / j /ou de / kj /, mais en général il est simplement omis (pa i : paris)
en position forte ou en position faible (pote : porte).

2 - altérations concernant les occlusives

◆ Le mécanisme oro-laryngée des consonnes occlusives


Les occlusives sont, par définition, des temps d’arrêt d’écoulement d’air par fermeture du canal oro-laryngé en
une région variable nommé point d’articulation. De ces zones de fermeture dépend l’individualité des
consonnes. Ce sont en général des substitutions : une autre consonne de la même série tenant la place de celle
qui devrait y être.
Exemple : du cocon (coton), le tetit tatis (petit tapis). Parfois le remplacement se fait avec une consonne d’un
autre groupe : maman, ne mous nis mas na (maman je ne vous dis pas ça). Ces consonnes peuvent avoir un
point d’articulation imprécis. Parfois encore, le mot entier est modifié : du cocola (chocolat), l’alairée
(l’araignée), mais il s’agit alors de véritables "transformations" qui sont rappelons-le un des caractères du retard
de parole. On trouve la confusion t/d, k/g dans les retards de parole, c’est alors une opposition qui manque dans
le système phonologique du sujet, il est capable de prononcer tous ces phonèmes mais isolément. On peut
trouver chez certains une incapacité à prononcer ces phonèmes seul, il s’agit alors, d’un trouble d’articulation.
La consonne p étant visible, elle est en général articulée. Il est rare que l’articulation de p, b, m soit fausse.
Dans ce cas, il faut travailler les praxies labiales et concevoir les bilabiales dans le souffle.

◆ Anomalies du point d’articulation


• T, d mais pas k, g
Correction : On peut obtenir k et g à partir de t et d : il faut maintenir la pointe de la langue en position
abaissée en refoulant légèrement toute la région antérieure. On prendra garde à ne pas faire trop ouvrir la
bouche ce qui donnerait à ces consonnes une position trop postérieure, on peut se servir d’un guide-langue
ou du doigt pour gêner le relèvement apical, on aura plus qu’ à repousser la langue, On ne se contentera pas
d’apprécier à l’oreille le résultat obtenu, mais il faut contrôler le mouvement à vue, car le sujet peut obtenir
un bruit proche de k,g en position apicale.
• K, g mais pas t, d
Ce défaut est plus rare que le précédent. On le trouve dans les cas où le mouvement de l’apex est difficile
pour le sujet.
24
Correction : Pour obtenir t/d, on peut partir d’une fermeture bilabiale avec la langue interposée puis on met
lentement la langue en contact avec la lèvre supérieure.
On obtient ainsi une occlusion anormale qui déshabituera le sujet de mouvement faux à l’intérieur de la
bouche. Puis, sans le prévenir, on soulève la lèvre supérieure pendant la tenue et l’explosion se produit alors
au moment où la langue au moment où la langue perd le contact avec les incisives supérieures. On obtient
ensuite t, d en position addentale, puis en position correcte. Le remplacement de t, d (et aussi r) par k,g et gn
peut être causé par la brièveté du frein de la langue. Il faut en ce cas le libérer, mais cela ne dispensera pas de
la rééducation car la mauvaise habitude motrice est prise.
Rappelons qu’il est préférable d’envisager une freinectomie dans un service de chirurgie maxillo-faciale pédiatrique.

◆ Articulation glottale des occlusives


Elle est caractéristique de l’insuffisance vélaire(coup de glotte substitué ou juxtaposé à l’occlusive dont le
mouvement est alors esquissé); on ne rencontre ce défaut comme trouble d’articulation que fort rarement.
Ce type de consonne est normal en d’autres langues(hébreu, arabe).
Correction : Il est important de concevoir les occlusives dans le souffle, dans leur partie explosive et non dans
l’occlusion, d’antérioriser le point d’articulation pour permettre au sujet de sentir le nouveau point d’articulation
très différent de ce qu’il faisait précédemment et de l’entendre comme différent.

3 - Altérations portant sur les autres consonnes

◆ La consonne l exige la fermeture du pharynx, un contact médian de la langue dans la région pré-palatale,
un aplatissement postérieur de la langue pour que l’air s’échappe latéralement. Cette consonne en français est
tantôt sourde(souple), tantôt sonore(blé). .......................................................
Pour n le point d’articulation est environ le même que pour l, mais le contact linguopalatal est continu, le voile
s’abaisse et l’air s’écoule par le nez.
• Altération de la consonne l.
Le l est en position dorsale et avec abaissement du voile, on entend alors une sorte de gn nasalisé.
Correction : Ce défaut est en relation avec une difficulté à lever l’apex, on fait tirer la langue et ébaucher hors
de la bouche un mouvement de la pointe de la langue vers le haut ou vers le bas indifféremment(travail de
l’apex) puis en même temps on fait émettre des vibrations laryngées. On entend un l satisfaisant, il reste à
rentrer progressivement la langue dans la bouche jusqu’au point d’articulation normal (la langue sur les
papilles palatines). Il faut toujours plusieurs séances pour réussir ce mouvement, et l’associer aux voyelles
d’accompagnement. Ne pas oublier d’enseigner le l sans sonorité.

◆ Pour la consonne / y /, la langue s’arrondit et s’élève, se rapprochant en dôme de la région médiane de la


voûte : l’air s’échappe par ce canal.
Tantôt la consonne est sonore et presque vocalisée(théière---téyèr), tantôt assourdie et franchement consonnan-
tique(il travaille trop---travaytro).
Les confusions l et y sont fréquentes chez les enfants(c’est bleu---sébyoe, mon pied---mon plé).
• Altération de la consonne / y /.
Le point d’articulation est le même que la voyelle i, il n’en diffère que par le mode d’articulation(souffle).
Si l’enfant la reproduit comme l faire prononcer une sorte d’i lâche dont on diminuera la durée.(vlande
deviendra vi—ande puis viande).
- R peut être guttural ou trop antérieur ou absent.
On peut faire prendre conscience des vibrations glottales.
- M est la moins altérée des consonnes en l’absence de malformation ou de paralysie labiale.
On peut faire pratiquer un m avec perception des vibrations (la mouche).

25
4 - anomalie du mécanisme laryngé

◆ L’assourdissement
Ce défaut peut atteindre toutes les consonnes qui normalement doivent être sonores, à savoir : b,d,g,j,z,v.
Elles sont alors prononcées respectivement comme p,t,k,ch,s,f : le peau fromache, le cros pépé (le beau fromage,
le gros bébé), il est fréquent que ce défaut soit asssocié à une absence de nasalisation pour les voyelles : un cra
mateau(un grand manteau). C’est l’oralisation des nasales.
Soulignons que si le sujet ne peut prononcer isolèment les sonores, il s’agit d’un trouble d’articulation, mais si
cette confusion sourde/sonore ne se trouve que dans la chaîne parlée, il s’agit alors d’une restriction au niveau
de ces oppositions dans le système phonologique du sujet.
Mécanisme de ce défaut : il est dû à un excès de tension musculaire. Dans l’absence de nasalisation, le voile
ne limite pas son ascension à une minime élévation : il s’accole du premier coup à la paroi pharyngée comme
pour les autres phonèmes à caractère oral.
Pour les occlusives sonores, le larynx doit vibrer quelques instants, en cavité fermée et l’explosion doit avoir
lieu pendant que le son laryngé existe encore. Il faut donc que la tension bilabiale(b)ou linguo-palatale (t,d)
soit assez faible pour cesser avant que la surpression dans la cavité oro-pharyngée n’éteigne les vibrations, c’est
un mécanisme délicat.
Pour les constrictives sonores, le mécanisme est le suivant : il doit y avoir un débit d’air d’importance croissante
en allant de v à z et de z à j. La difficulté mécanique de ces consonnes est due au fait que leur apprentissage
conscient n’est pas toujours aisé si l’enfant ne l’a pas trouvé spontanément. Ce trouble d’articulation résulte
d’une maladresse motrice ne permettant pas le réglage délicat entre le passage de l’air et les vibrations. Donc,
l’émission de ces consonnes ne peut exister que par un compromis entre ces deux états.
Il est souvent lié à une perception incorrecte, il faut la modifier pour corriger cette difficulté. Ce trouble peut
coïncider aussi avec une légère perte auditive des sons graves ou s’associer à de la raucité vocale, mais il peut
très bien être pure erreur de mouvement.
Le défaut opposé, qui serait un excès de sonorisation, ne se rencontre pas en tant que trouble d’articulation.
On le voit associé aux dysarthries neurologiques.
Correction : On fera sentir les vibrations laryngées par un procédé tactile(main sur le larynx de l’orthopho-
niste). Il n’est pas rare que l’enfant éprouve de la surprise en sentant les vibrations, à la suite de quoi, il arrive
à les entendre, puis à les reproduire. Au début, il ne parvient pas à les émettre simultanément avec le souffle et
il a des difficultés à les lier aux voyelles.
Pour les occlusives, la tenue et l’explosion se fait avec une tension très faible. L’excès d’intensité contribue à
étouffer les vibrations pharyngées. Les sujets qui ont ce défaut savent mal équilibrer la pression d’air et l ‘élasticité
à conserver pendant le mouvement. Bien entendu, les enfants atteints de raucité vocale ou de laryngite
chronique ont alors une raison particulière d’assourdir leurs consonnes.
Par exemple, pour b, on mimera une attitude labiale avec pression très faible, en émettant s’il y a lieu, une série
de b à battements, puis on prononcera très mollement b, puis on l’associera à l, précédé (ouble, oube…) ou uni
à une voyelle(b…oe, b…oe,, b.oe, boe), ce mouvement rappelle celui des lèvres du cheval soufflant sur sa nour-
riture b étant sonorisé, on passera à d et à g avec une articulation très molle.
Pour les constrictives, on diminuera l’intensité du souffle. On commencera par v, si le sujet ne parvient pas à
le sonoriser et continue de dire un f, on demandera au sujet d’émettre un ou continu pendant lequel on
rapprochera à plusieurs reprises la lèvre inférieure des incisives supérieure, à chaque contact, on entendra un v,
qu’on rendra ensuite conscient. De v, on passera à z et à j.

◆ Correction de l’insuffisance de nasalisation :


Il est rare que m,n, gn aient à être corrigés sur ce plan. Si cela était, on ferait produire des vibrations laryngées
à lèvres fermées, puis le m ainsi obtenu servirait à introduire le même mécanisme pour n, au besoin avec inter-
position de la langue entre les lèvres pour faire saisir au sujet l’analogie avec m et ensuite, on obtiendrait gn par
rétropulsion et étalement du dos de la langue sur une portion importante de la voûte palatine.

26
5 - les groupes consonantiques complexes
Chaque élément doit être différencié et correctement articulé. Il est nécessaire de faire prendre conscience au
sujet du déroulement dans le temps.

C - LES GUIDE-LANGUE
Les guide-langue sont une aide précieuse pour obtenir, dans un temps restreint, un conditionnement durable.
Les guide-langue crées par S.Borel-Maisonny doivent être choisis par l’orthophoniste suivant chaque cas, dans
un but très précis de coordination motrice labiale, jugale, linguale et vélaire, nécessaire pour obtenir un son
articulé correct. Ils doivent être employés de façon transitoire et avec discernement, ils seront progressivement
abandonnés lorsque la coordination motrice sera possible et répétitive sans leur aide(Gatelet, 1981).
Les guide-langue plats servent à obtenir la platitude de la langue, interposés entre les joues et le maxillaire
avec traction et opposition d’ouverture pour la musculature des joues.
Les guide-langue longs permettent l’écoulement d’air dans le sillon médian lingual nécessaire à l’articulation
des constrictives s,z.
Les guide-langues ronds (ovoïdes) sont utilisés pour la création de résonateurs antérieurs suivant le volume
de la sphère buccale, par exemple placé derrière le maxillaire inférieur, accompagné d’une projection labiale et
d’un souffle pour obtenir le ch, j.
Le guide-langue plat + 1/2 boule permet d’obtenir un obstacle lingual antérieur avec abaissement de la pointe
de la langue pour k et g.
Les guide-langues section régulière permettent l’arrondissement des lèvres, associé à des exercices de
musculation des joues et de mobilisation antérieure des commissures (a,ou,u,ch,j).
Les guide-langue mixtes
• Plat + boule : ils associeront la platitude de la langue à la création d’un résonnateur antérieur (k,g).
• Long + boule : création d’un sillon médian avec résonnateur antérieur, dans les cas de langue volumineuse,
ils favoriseront l’écoulement d’air antérieure (s,z) en évitant une palatalisation, associés à une projection
labiale ils permettent, dans certains cas, une différenciation du ch, j.

VI – CONCLUSION
Une rééducation doit être décidée d’après des critères d’efficacité et doit obtenir les résultats escomptés.
L’orthophoniste doit savoir entendre, c’est à dire comprendre en quoi le son entendu est inexact, quelles
attitudes ou quels mouvements en ont déterminés l’inexactitude, et en déduire le mouvement à faire exécuter
ou l’attitude à suggérer pour modifier la situation. Il faut savoir observer, être attentif pour regarder et écouter,
imaginer, créer pour s’adapter aux situations toujours nouvelles.
Il est souhaitable de donner à l’enfant une prononciation correcte avant l’apprentissage de la lecture. Dès la
moyenne section de maternelle, il est intéressant, si le comportement psycho-affectif et le développement des
capacités gnoso-praxiques orales de l’enfant le permettent, de lui donner les mécanismes justes de la parole.
Ainsi son contrôle moteur augmentera, ses perceptions s’affineront, en même temps que sa capacité d’attention s’ac-
croîtra.
Il vaut mieux, tant que le mécanisme ne peut être reproduit aisément par l’enfant, que la famille n’intervienne
pas. Il est important de souligner qu’un forçage articulatoire peut entraîner une parole dysfluente.
Toute rééducation des troubles d’articulation ne peut être entreprise qu’à travers une certaine dynamique
évolutive. Il faut considérer que ces troubles d’articulation viennent s’intégrer dans un processus d’évolution et
qu’ils font partie intégrante du vécu individuel du patient avec tout ce que cela entraîne pour l’équilibre et le
développement de sa personnalité.
Rappelons que :
• Les anomalies de déglutition, succion, ventilation et articulation ne doivent pas être considérées isolément.
• Aucune rééducation ne peut être entreprise sans rééducation linguale préliminaire. C’est l’organe clé de
l’articulation.

27
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Borel-Maisonny, S., Launay, CL. (1972). Les troubles du langage, de la parole et de la voix chez l’enfant. Paris :
Masson.
Borel-Maisonny, S. (1965). Pourquoi des guide-langue et pourquoi ces formes ? Correction des erreurs
motrices de la parole. Rééducation orthophonique, 10, tiré à part.
Borel-Maisonny, S. (1996). L’articulation. Rééducation orthophonique, 34, 186, 193-209.
Borel-Maisonny, S.(1996). L’apprentissage de la lecture par la méthode phonético-gestuelle. Paris : Editions
Papyrus, 54 p.
Borel-Maisonny, S. (1961). La correction des troubles d’articulation. In J., Tarneaud, Traité de phonologie et de
phoniatrie (pp 419-433). Paris : Maloine.
Chauvois, A., Fournier, M., Girardin, F.(1991). Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique.
Paris : Ed. SID, 231p.
Equipe du centre d’orthophonie "Etienne Coissard" (1981). Troubles de l’articulation. Paris : Editions Jacquet,
32 p.
Estienne, F., Deggouj, N., Derue,L., Vander Linden, F. (2004). 202 exercices pour remédier aux incompétences
vélo-pharyngées, aux dysfonctionnements tubaires et aux troubles d’articulatoires. Collection "Le monde du verbe".
Marseille : Editions Solal, 136p.
Fauvergue, M-T. (2000). Perception auditive - Pratique de la rééducation. Les cliniques d’ortho-édition.
Isbergues : Ortho-édition.
Gatelet, N. (1981). Utilisation des guide-langue de Madame Borel-Maisonny. Paris : le matériel orthophonique.
Langel, C. (2002). Méthode de rééducation des troubles articulatoires isolés avec les guide-langue de S. Borel-
Maisonny. Paris : Editions Jacquet, 37 p.
Maurin-Cherou, N. (1993). Rééducation des troubles articulatoires isolés. Isbergues : L’ortho édition, 229 p.
Margaillan-Fiammengo, L.(1971). La succion du pouce et sa thérapeutique. Paris : Editions Scientifiques
Françaises.
Thibault, C.,Vernel-Bonneau, F.(1999). Les fentes faciales (Embryologie, rééducation, accompagnement parental),
Collection orthophonie. Paris : Masson, 115 p.
Thibault, C. (non publié). Rééducation du comportement neuromusculaire de la sphère oro-faciale. Cours CES
ODF- Fac Chir. Dent. de Montrouge.
Yaguello, M. (1981). Alice au pays du langage. Paris : Seuil, 197 p.

28
CHAPITRE II
Rééducation des fonctions oro-faciales :
Rééducation de la déglutition
dysfonctionnelle ou atypique

Gilles Leloup, Orthophoniste


DEA de phonétique
DU de neuropsychologie clinique et de réhabilitation

Christiane Langel, Orthophoniste

Brigitte Personnaz, Orthophoniste

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

II – LA TRAME DU BILAN DES FONCTIONS ORO-FACIALES ET DES DÉGLUTITIONS


DYSFONCTIONNELLES OU ATYPIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

III – LA MÉTHODOLOGIE DE LA RÉÉDUCATION DES FONCTIONS ORO-FACIALES ET DES


DÉGLUTITIONS DYSFONCTIONNELLES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

IV – LA RÉÉDUCATION DES DÉGLUTITIONS ATYPIQUES ............................................. 34

V – PRÉSENTATION DES APPROCHES RÉÉDUCATIVES DE LA DÉGLUTITION


DYSFONCTIONNELLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

VI – L’ÉVALUATION DE LA RÉÉDUCATION DE LA DÉGLUTITION DYSFONCTIONNELLE .... 55

VII – CONCLUSION ................................................................................................... 55

VIII – ANNEXE : PRÉSENTATION CLINIQUE : A PROPOS DE 2 CAS DE RÉÉDUCATION


DE LA DÉGLUTITION : B. PERSONNAZ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................... 64


30
I – INTRODUCTION
La déglutition atypique correspondrait "à une interruption dans la maturation de la déglutition du nourrisson,
la transition au stade adulte ne s’effectuant pas" Bassigny (1991). Elle peut-être définie par la triade de Romette
(1982) :
• une contraction des muscles faciaux et des lèvres
• une protrusion linguale
• une absence de contacts dentaires
Cette déglutition est caractérisée par un appui anormal de la pointe de la langue, une interposition linguale,
une difficulté d’élévation de l’apex lingual, un espace libre inter-arcades supérieur à 3mm, une mandibule en
position basse. Ce comportement atypique est installé s’il persiste après l’âge de 10 ans. Il ne porte que sur la
partie volontaire de la déglutition, "la phase orale et la phase linguale" d’après Cot et Coll. (1996). Des classi-
fications des différents type de déglutitions atypiques ont été proposées en relation avec les types de dysmorphoses
dento-alvéolaires ou selon l’appui de la langue et l’activité des muscles de la face (pour une revue de ces classi-
fications : Krys (2003) et Lenouvel (1990.) Il ne semble pas exister de consensus fort sur la sémiologie de la
déglutition atypique ou dysfonctionnelle. Cauhépé et Coll. (1955) relèvent l’hétérogénéité des comportements
de déglutition selon les sujets.
Le terme d’ "atypique" recouvre la terminologie anglo-saxonne qui parle de déglutition normale et anormale :
Cleall (1965). Mais il est fréquent dans la littérature française de rencontrer le terme de déglutition dysfonc-
tionnelle : Soulet (1989), Bouvet (1959), Leloup (1995) ou plus rarement le terme de déglutition infantile ou
primaire qui se rapporte à la déglutition du nourrisson. Nous préférons le terme de déglutition dysfonction-
nelle car il illustre bien le geste de déglutition comme un geste engendrant et dépendant d’un ensemble de
facteurs fonctionnels et comportementaux. En effet, la rééducation de la déglutition recouvre la prise en charge
des fonctions comme : la ventilation, les postures (labiale, linguale, mandibulaire et corporelle), la mastication,
la phonation (articulation et geste phonatoire), la déglutition et l’oralité de la sphère bucco-faciale (succions et
parafonctions). Parler de "rééducation de la déglutition atypique" apparaît comme un libellé restrictif pour
définir la rééducation des troubles des fonctions oro-faciales. Nous parlerons donc de la rééducation des fonc-
tions oro-faciales et de la rééducation de la déglutition dysfonctionnelle.
Dans ce chapitre, nous ne parlerons pas des conséquences/relations de la déglutition dysfonctionnelle sur les
bases osseuses et les arcades dentaires bien qu’elles constituent un des fondements principaux de la compréhen-
sion des troubles des fonctions oro-faciales. Afin d’avoir un aperçu sur les bases biologiques du complexe
maxillo-facial et crânio-facial ainsi qu’un aperçu des méthodes utilisées en orthopédie dento-faciale (les trai-
tements orthodontiques), nous conseillons au lecteur de se reporter à un abrégé d’orthopédie dento-faciale :
Bassigny (1991) ou à des ouvrages associant la rééducation des fonctions oro-faciales et la thérapeutique ortho-
dontique comme dans Chauvois et Coll. (1991)). Une approche des fonctions et dysfonctions dentaires, occlusales,
crânio-mandibulaires et vertébrales proposée par Nahmani et Coll (1990) est également conseillée.
Enfin une compréhension de "l’oralité" du patient dans le cadre des dysfonctions oro-faciales est nécessaire.
Vernel-Bonneau et Thibault (1999) l’abordent dans le cadre des prises en charges rééducatives des fentes palatines.
Elles décrivent une oralité primaire de type réflexe (tronc cérébral) et une oralité secondaire corticalisée. Ces
auteurs introduisent des relations entre la succion-déglutition, la mastication et l’articulation du langage. Plus
largement, la question de la bouche "carrefour pulsionnel" est décrite par Harrus-Révidi (1994), psychanalyste.
Nous n’aborderons que succinctement le bilan orthophonique, le propos étant ici la rééducation. Le cadre de
ce travail ne permet pas de définir à proprement parler les hypothèses de rééducation qui s’appuient sur un
bilan des fonctions oro-faciales et les rapports de ces fonctions avec l’articulé dentaire, la posture corporelle et
l’investissement oral du patient.
Par contre, nous proposerons une méthodologie de la rééducation de la déglutition axée sur les différentes
dysfonctions qui constituent, selon nous, la sémiologie de la déglutition dysfonctionnelle. Cette approche
s’inspire des différentes propositions thérapeutiques recueillies. Un rappel de ces principales approches rééducatives
sera abordé avec une description par Christiane Langel de la myothérapie fonctionnelle oro-faciale, technique
la plus souvent citée et la plus souvent adoptée et adaptée par les orthophonistes. Brigitte Personnaz présentera
une adaptation de cette technique pour deux sujets.

31
II – LA TRAME DU BILAN DES FONCTIONS ORO-FACIALES ET
DES DÉGLUTITIONS DYSFONCTIONNELLES OU ATYPIQUES
Nous avons vu que la rééducation de la déglutition s’inscrivait dans un cadre plus large que la simple évalua-
tion du geste de déglutition. Le protocole de bilan orthophonique de la déglutition dysfonctionnelle décrit
dans le logiciel Labo 2002 par Eyoum et Leloup (2002) tente de recouvrir tous les aspects cliniques de
l’évaluation des fonctions oro-faciales en prenant en compte les gnosies (perception kinesthésique et somesthé-
sique), le traitement (attention, capacités cognitives) et l’aspect principal de cette rééducation : les praxies
(mobilité linguale et faciale). Une description du tonus, des forces musculaires, des acteurs musculaires de la
déglutition est indispensable ainsi qu’un relevé des dysmorphoses dento-avéolaires. Nous porterons particuliè-
rement notre attention sur la position linguale de repos, la respiration ou la ventilation (buccale, nasale, mixte)
ainsi que sur la nécessité d’évaluer les relations entre la langue et l’appareil hyo-lingual, la langue et ses relations
avec les dysmorphoses dentaires et l’occlusion dentaire, la langue et son aptitude à compenser la posture corpo-
relle. Une évaluation de la cinétique mandibulaire (ATM) est également effectuée. Un examen de l’articulation
est associé ainsi qu’un examen de la phonation (relations à établir entre dysphonie vocale et déglutition
dysfonctionnelle). Lors du bilan, les parafonctions (succion, pulsion) sont étudiées, il est aussi conseillé d’éva-
luer la perception par le sujet de sa bouche et de sa langue, perception qui se rapporte au concept plus large de
"l’oralité".

III – LA MÉTHODOLOGIE DE LA RÉÉDUCATION DES FONCTIONS


ORO-FACIALES ET DES DÉGLUTITIONS DYSFONCTIONNELLES
La rééducation du réflexe de déglutition réside dans la modification de cette activité neuromusculaire en
tentant de la rendre consciente sous l’effet d’influences extérieures (le rééducateur) et d’influences personnelles
mettant en jeu les facultés motrices, psychiques et cognitives du sujet. Elle est conditionnée par l’envi-
ronnement musculaire et dentaire, par le traitement orthodontique.
Le rôle du rééducateur est de proposer l’approche rééducative la plus adaptée au patient en s’appuyant sur un
déroulement plus ou moins hiérarchisé de la conduite rééducative choisie. La finalité d’une rééducation de la
déglutition dysfonctionnelle est de faire naître selon Bonnafous (2003), de nouvelles images motrices par
l’éviction progressive des habitudes archaïques de déglutition. En pratique clinique, il s’agit d’après Deffez et
Coll (1995) :
• de faire acquérir à l’enfant une position linguale palatale en posture d’innoclusion et qui restera acquise dans
l’occlusion dentaire.
• de favoriser l’agilité linguale avec une automatisation praxique.
• de favoriser la détente articulatoire.
• de rééduquer le trouble articulatoire.
Pour Fournier (1991), l’apprentissage des bonnes positions de la langue, du fonctionnement correct des lèvres
et des joues, l’acquisition des praxies sont la préoccupation majeure des orthodontistes et des rééducateurs.
Le travail rééducatif doit porter à la fois sur des exercices de musculation pour donner les moyens de réaliser le
geste correct de déglutition et sur des exercices de proprioception. Fontenelle et Woda (1975) ont décrit
l’adaptation de la langue aux informations perçues par les récepteurs périphériques oraux qui permet in fine
de corriger les praxies linguales.
Il semble acquis pour la plupart des auteurs dont nous allons décrire les approches rééducatives que la
motivation, la maturité psychique et neurologique du patient sont nécessaires à la réussite de la prise en
charge. On évoque un âge idéal pour débuter la rééducation de la déglutition au delà de 10 ans. La prise en
charge des parafonctions et plus particulièrement de la succion du pouce peut débuter dès l’âge de 5 ans. La
prise en charge de la rééducation de ventilation nasale peut commencer dès 4 ou 5 ans. La finalité de la
rééducation peut différer selon l’âge de la prise en charge et la motivation du sujet, on peut obtenir chez de

32
jeunes enfants motivés une correction du geste de déglutition, pour d’autre la correction portera seulement
sur le geste de respiration ou sur la posture linguale.
La rééducation devra s’adapter à l’état de l’articulé dentaire, il est difficile de rééduquer une position linguale
lors de la perte des dents temporaires d’autant si on constate un retard d’éruption des dents permanentes. Une
importante supraclusion incise ne permet pas de contenir un appui lingual sur la zone des papilles
rétro-incisives. Le rapport entre forme et fonction est souvent débattu. Subtenly (1970) considère que la
correction de la forme de l’arcade dentaire a fréquemment pour résultat d’entraîner une adaptation simultanée
du comportement de la langue et des lèvres. Alors que pour Cauhépé (1956) le traitement mécanique n’est
qu’un adjuvant au traitement rééducatif. Laude et Coll. (1978) soutiennent que les pressions musculaires
modifiées transformeront les orientations alvéolaires.
Le débat n’est pas clos entre la dysmorphose dento-alvéolaire et les dysfonctions oro-faciales. Faut-il corriger
d’abord la dysmorphose ou la dysfonction sachant que la forme influence la fonction mais que la fonction
modèle la forme ? Ce débat n’est pas tranché par les recommandations pour la pratique clinique de l’ANAES
(2002) dans le cadre des indications de l’orthopédie dento-faciale et dento-maxillo-faciale. : "Les "troubles des
fonctions oro-faciales" doivent être corrigés par rééducation au plus tôt dès que l’environnement nécessaire à
cette correction est compatible avec l’acquisition par l’enfant de procédures correctives, toutefois l’importance
de la dysmorphose (…) peut justifier soit une simple correction de la morphologie coronaire (par soustraction
ou addition) soit par l’utilisation d’un dispositif orthopédique passif visant à rediriger les masses musculaires
ou la position mandibulaire temporairement (…). Ces recommandations renvoient à
l’utilisation par l’orthodontiste, le dentiste, d’appareillages orthodontiques qui permettent de modifier le
comportement lingual comme pour exemples la perle de Tucat décrite par Château (1993) ou l’enveloppe
linguale nocturne de Bonnet (1992)
De cette interrogation sur la forme ou sur la fonction découle aussi la question du moment de la rééducation
des fonctions oro-faciales par rapport à l’intervention orthodontique. La rééducation orthophonique pourrait
intervenir avant un traitement orthodontique. Fellus (1989) avance que l’association du traitement ortho-
dontique à une myothérapie permet de diminuer la durée du traitement et d’obtenir une stabilité du résultat.
Alors que Fournier et Coll. (1975) pense qu’un appareillage qui couvre en partie le palais ne permet pas de
bonnes conditions d’apprentissage du geste à corriger. Toutefois la rééducation est compatible avec un appa-
reillage multi-bagues ou le port d’une force extra-orale qui n’empêchent pas le contact langue-palais. Garliner
(1982) propose une rééducation de la déglutition après un traitement orthodontique. Selon cet auteur, une
modification de la forme demande à modifier la fonction, au même titre que l’on ne peut trouver une
fonction normale dans une forme anormale. Chauvois (1991) demande d’évaluer les fonctions bucco-faciales
après un traitement orthodontique afin d’éviter les récidives de traitement.
D’autre part la déglutition dysfonctionnelle est classiquement décrite comme le résultat de l’association de
plusieurs facteurs :
• une étiologique génétique : Soulet (1989)
• une étiologie anatomique : Couly (1989) pour le volume lingual, la forme des lèvres pour Fieux et Coll.
(1956)
• une immaturité psycho-affective : Rousseau (1997) et Margaillan-Fiammengo (1975)
• des parafonctions comme la succion du pouce : Deffez (1995)
• une respiration buccale : Talmant (1982)
• des troubles de la phonation : Netter (1968), de l’articulation : Maurin (1998)
• la posture linguale : Raberin (1997).
Ces facteurs doivent donc être pris en compte dans la rééducation.
Nous proposons de nous appuyer sur ces critères dysfonctionnels et étiologiques mais en simplifiant
l’approche de l’évaluation et l’approche rééducative selon 4 marqueurs spécifiques des dysfonctions
oro-faciales :
• les parafonctions.
• une respiration ou ventilation buccale ou mixte.
• une posture linguale de repos basse.
• une déglutition dysfonctionnelle.

33
La rééducation de la déglutition ne doit pas être travaillée sans avoir au préalable corrigé ou tout du moins
amorcé le travail de rééducation sur les ou l’un des trois premiers marqueurs spécifiques des dysfonctions
linguales. De ces corrections dépendent la réussite et la stabilité de la rééducation. Un dernier marqueur peut-être
évoqué, le trouble articulatoire audible ou non. Ces marqueurs constituent les 3 premiers axes d’intervention,
le quatrième est la rééducation du geste de déglutition
Ainsi, nous pouvons avancer qu’une méthodologie de la prise en charge des dysfonctions oro-faciales repose
sur :
• la nécessité de prendre en compte les facteurs de l’âge et de la motivation du sujet ainsi que la gestion de
l’environnement bucco-facial et du traitement d’orthopédie dento-faciale.
• l’évaluation des parafonctions, de la respiration ou ventilation buccale ou mixte, de la posture linguale de
repos basse et de la déglutition dysfonctionnelle
• l’importance de définir la finalité du traitement et de se donner les moyens de garantir une automatisation
du geste de déglutition
• l’importance de l’implication du thérapeute dans la rééducation de la déglutition qui initie et soutient la
motivation, propose une conduite thérapeutique

IV – LES TECHNIQUES DE RÉÉDUCATION


Les approches rééducatives en France de la "déglutition atypique" peuvent se résumer à quatre courants :
• La myothérapie fonctionnelle développée aux Etats-Unis dont l’initiateur est Barrett (1988) et ses élèves
Garliner (1983) et Hanson (2003). Ce courant est le plus répandu dans le monde, il a donné lieu à de
nombreuses adaptations rééducatives plus ou moins fidèles à l’enseignement de ses fondateurs.
L’International Association of Orofacial Myology regroupe des thérapeutes et rassemble leurs travaux sur la
myothérapie et son efficacité. Cette thérapie repose sur une rééducation musculaire linguale, labio-jugale et
phonétique en proposant des exercices de difficultés croissantes permettant d’engrammer une déglutition
mature. Ce programme de rééducation est également pratiqué dans la prise en charge des troubles d’origine
neurologique (dysphagie). Cette méthode est décrite par Langel (1997) et Louis (1992). Padovan (1989) en
a fait une adaptation au Brésil qu’elle nomme la "Méthode Padovan"
• Une réadaptation fonctionnelle orofaciale est proposée par Fournier (1991) qui est kinésithérapeute. Cette
thérapie s’inspire des concepts théoriques développés en kinésithérapie. L’auteur a été influencé par les
travaux de "l’école de Nantes". Elle postule de faire prendre conscience au patient des postures et des praxies
erronées, de montrer les praxies et les postures correctes puis de donner les assises musculaires afin de
permettre la réalisation des praxies et le maintien des postures. Cette rééducation propose un ensemble
d’exercices dont certains sont obligatoires.
• La rééducation des fonctions buccales est une approche orthophonique développée par Maurin (1998)
qui s’inspire des travaux de Barrett (1988), du courant phonétique et de sa pratique clinique. Cet auteur
insiste sur la nécessité des relations entre l’observation anatomique et le rapport des forces existant entre
l’articulé et les muscles buccaux mis en jeu pendant les différentes fonctions. La rééducation est plus parti-
culièrement axée sur la rééducation de la déglutition.
• La rééducation de la déglutition salivaire de Deffez et Coll. (1995) est une méthode qui consiste à établir
des nouvelles "images motrices". L’image princeps est celle de l’élévation du dôme lingual contre la voûte
palatine associée à une occlusion dentaire. Cette prise de conscience s’effectue différemment selon l'âge.
Cette approche privilégie la rééducation du geste de déglutition.

D’autres approches rééducatives ont été décrites. Certains auteurs comme Bouvet (1957), Rault-Rommette
(1977) préconisent de rééduquer simultanément la déglutition et l’articulation. Girolami-Boulinier (1970)
qui a introduit la rééducation de la déglutition dans la pratique orthophonique, avait avancé la primauté de la
pression linguale lors du geste de déglutition. Rochebloine (1968) privilégie la rééducation de la phonétique,
il propose de débuter la rééducation de la déglutition par des exercices d’articulation phonétique sur incitation
visuelle et auditive en activant la papille rétro-incisive. Margaillan- Fiammengo (1975) aborde la rééducation

34
de la déglutition par des exercices phonétiques. Contrairement aux rééducations basées sur une prise de
conscience volontaire de la posture et des mouvements de la langue lors de la déglutition, Dahan (1989)
soumet une méthode "neuro-sensorielle" axée sur le contrôle périphérique. Les travaux de Wauters (1982) ne
mettent pas en évidence de différence entre la méthode neuro-motrice et la méthode neuro-sensorielle, il
remarque que, pour la méthode neuro-motrice, les gestes sont plus forcés.
Enfin, on peut citer l’approche rééducative de la déglutition dysfonctionnelle de Schynx (1990) qui construit la
rééducation sur un conte afin de motiver l’enfant et l’aider à se représenter sa bouche et les fonctions oro-faciales.
Une synthèse des divers courants et approches rééducatives débouche sur la primauté d’une rééducation
explicite des praxies bucco-faciales. Il s’agit pour la plupart des techniques de donner aux patients des moyens
de contrôles praxiques et proprioceptifs en développant une compétence musculaire de l’ensemble des muscles
de la sphère bucco-faciale. Lorsque la rééducation phonétique est systématiquement initiée, elle intervient
quand le patient a les moyens de contrôler son geste articulatoire. La question de proposer des exercices mus-
culaires plutôt que des exercices de perception trouve sa réponse dans l’âge de démarrage de la rééducation.
Un enfant jeune bénéficiera certainement plus d’une activation passive et proprioceptive de son "espace-
bouche" pour mobiliser sa langue, que d’explications sur la bonne place d’appui de la langue lors du geste de
déglutition.
Avant d’aborder la description des diverses approches rééducatives, nous détaillerons la rééducation de deux
marqueurs spécifiques des dysfonctions oro-faciales : la respiration nasale et la posture linguale de repos. Une
méthode d’aide à l’arrêt des succions digitales est développée dans le chapitre sur la myothérapie fonc-
tionnelle.

1 - La respiration nasale
Une fois vérifié qu’il n’existe aucune cause organique à la respiration buccale, on entreprend de rétablir une
respiration physiologique (inspiration et expiration nasale). La respiration buccale entraîne une posture basse
de la langue, une ouverture labiale. Il est donc indispensable de corriger la ventilation buccale pour pérenniser
le geste de déglutition.

◆ "awares training" Gugino (1998)


La ventilation nasale
Garder les lèvres jointes avec le minimum de tension et la langue plaquée dans le creux du palais.
Inspirer lentement par le nez (en comptant jusqu’à 10)
Expirer lentement par le nez (en comptant jusqu’à 10)
La ventilation abdominale
En gardant les lèvres jointes et la langue posée sur le palais
Gonfler le ventre en inspirant lentement et profondément par le nez
Rentrer le ventre en expirant lentement et profondément par le nez
L’augmentation de ventilation thoracique
Garder les lèvres jointes et la langue plaquée sur le palais
Gonfler le ventre et élever les épaules en inspirant lentement par le nez
Rentrer le ventre et abaisser les épaules en expirant lentement par le nez (exercices classiques de respiration
pour la rééducation des dysphonies)
Des exercices d’étirements
Se mettre debout, sur la pointe des pieds, le dos contre l’arrête d’une porte ou d’un mur :
Etirer les bras le plus haut possible, joindre les mains, bras tendus au-dessus de la tête, gonfler le ventre en
inspirant profondément par le nez.
Se relâcher, expirer profondément par le nez et relâcher les épaules.

35
◆ Entraînement à la respiration nasale : G.Leloup
• Inspirer par la bouche et expirer par le nez, puis inverser le mouvement. Cet exercice permet de sentir
l’effort à fournir pour inspirer par la bouche, il permet de rassurer le respirateur "buccal" qui peut avoir, de
prime abord, peur de "s’étouffer".
• Demander de respirer par le nez, tenir en apnée en comptant jusqu’à 2, puis 3, au maximum jusqu’à 10 et
inversement en respirant par la bouche. A ce niveau d’exercice, on demande à ce que les lèvres soient jointes
lorsque le patient respire par le nez.
• Demander de respirer par le nez, lèvres jointes, en posant la langue sur le palais (préférer le terme poser à
celui de plaquer ou placer) puis on affine en demandant de poser la pointe de la langue derrière les dents sur
la papille rétro-incisive (petites crêtes)
• Demander de respirer par le nez en serrant les poings, expirer en relâchant. Cet exercice est demandé lors de
contractions importantes des muscles sterno-cléïdo-mastoïdiens.
• Tenir un "f" le plus longtemps possible.
• Poser ses index sur les ailes du nez et forcer un mouvement de gonflement des narines lors de l’inspiration.
• Masser doucement avec les index un point à la naissance des ailes du nez dans le sens inverse des aiguilles
d’une montre.
• Pour les jeunes enfants, on peut demander de faire des grimaces en serrant fortement les lèvres, en élevant
les sourcils pour inspirer et en fronçant le front pour inspirer.
La fréquence est de 20 mouvements pour chaque exercice deux fois par jour, on commence par les exercices
de prise de conscience du geste respiratoire (bouche-nez) puis on propose des exercices avec fermeture
buccale.

◆ L’entraînement de la posture linguale : G.Leloup (1998)


La posture linguale de repos ou posture d’attente est fondamentale car elle conditionne le geste de déglutition
et le geste d’articulation. La pointe de la langue doit être au contact avec le palais au niveau des papilles rétro-
incisives permettant ainsi de libérer le carrefour aérien.
Si les premiers exercices proposés ci-dessous ne sont pas aisément réalisés par le patient qui peut présenter des
difficultés de mobilité linguale, il faut au préalable lui demander de tirer la langue droit devant, de porter sa
langue vers la gauche, la droite (avec l’aide d’un guide langue ou d’un abaisse langue), de porter sa langue
derrière les dents, à l’intérieur des joues.

Les exercices de posture linguale


• Demander un déplacement de la langue d’avant en arrière sur la suture palatale (de la papille rétro-incisive
au palais mou), sans arrêt. Puis on propose de faire le mouvement inverse. On peut schématiser ce
déplacement sur un croquis.
• Demander de choisir deux points (en avant et en arrière) sur la ligne dessinée par le glissement de la langue
sur la suture palatale, puis avec la pointe de la langue passer d’un point à un autre.
• Demander de choisir deux points (à droite et à gauche de la ligne correspondant à la suture palatale) et
passer d’un point à un autre avec la pointe de la langue.
• Demander de poser la pointe de la langue derrière les dents du haut puis du bas et inversement.
• Demander de frotter la pointe de la langue sur la papille rétro-incisive puis de repérer la place de la langue.
Proposer au patient de penser à cette place de la langue dans la journée avec ou sans l’aide de pense-bête.

36
V – PRÉSENTATION DES APPROCHES RÉÉDUCATIVES DE LA
DÉGLUTITION DYSFONCTIONNELLE
Nous aborderons succinctement les approches rééducatives de type phonétique. Certaines de ces approches
font également mention d’une prise en charge des parafonctions et de la ventilation. Il sera décrit ensuite les
techniques rééducatives les plus développées et utilisées par les orthophonistes.

◆ La méthode de Bouvet (1959)


Dans un premier temps, le thérapeute explique le trouble de déglutition et le fait observer à l'enfant à l'aide
d'un miroir. Puis, il explique le mouvement de déglutition typique que l’enfant doit exécuter en le ralentissant
et en le décomposant en ses différents temps. L'enfant doit ensuite apprendre à placer la pointe et les bords de
sa langue sur la muqueuse palatine, à l'endroit convenable que le rééducateur sensibilise avec son doigt et qui
correspond au tiers antérieur du palais. I1 doit ensuite occlure ses mâchoires en position habituelle puis
joindre les lèvres sans contraction exagérée. Il avale alors sa salive sans entrouvrir ses arcades dentaires, sans
déplacer les bords et la pointe de sa langue, et sans contracter sa sangle labio-jugale. II est aisé, en plaçant la
main au niveau du cartilage thyroïde, d’apercevoir le mouvement d'ascension qui permet de vérifier que le
sujet a réellement dégluti. Le patient doit expliquer à l'orthophoniste la façon dont il doit déglutir : le
praticien s'assure ainsi qu’il a bien assimilé le mécanisme. Si l'enfant progresse assez vite, le plus difficile reste
le passage à l'automatisme. Cette automatisation est obtenue par des exercices journaliers du geste typique de
déglutition. L'enfant doit réaliser quelques déglutitions correctes tous les jours, avant chaque repas. Le
contrôle de l’automatisation s’effectue en observant le geste de déglutition au cours du langage spontané et de
la lecture.

◆ La méthode phonétique de Margaillan-Fiammengo (1986)


Margaillan-Fiamango privilégie les exercices phonétiques car ils permettraient d’ouvrir le dialogue avec
l’enfant et d’augmenter sa capacité d’attention. Cet auteur aborde la question de la personnalité des "déglu-
tisseurs" atypiques qu’elle considère plus "vulnérables".
Cet auteur utilise la phonétique pour rééduquer le geste de déglutition selon les cinq phases qui cor-
respondraient au cinq temps d’engagement musculaire lors des déglutitions selon Netter et Bernadout (1986)
Les cinq temps :
• "l’occlusion palato-vélaire" du premier temps de la déglutition s’obtient en réalisant un[ki] auquel on
adjoint la voyelle antérieure [é].
• "l’occlusion vélaire postérieure" correspond au second temps de la déglutition, elle se réalise avec un [kou]
ou [kur].
• le troisième temps se réalise autour du [a].
• le quatrième temps correspond au [ch] prédorsal soutenu par des voyelles postérieures [cho, chon, chou].
• le [t] correspond au dernier temps de la déglutition.
A partir de ces exercices de base, le thérapeute demande ou propose à l’enfant des mots contenant les
phonèmes travaillés. L’enfant doit répéter une sélection de mots chez lui en articulant le plus nettement
possible, la langue étant portée le plus en arrière possible.

◆ La rééducation de la déglutition salivaire de Deffez et Coll. (1995)


Ces auteurs proposent deux types d’intervention : pour le médecin ou le chirurgien-dentiste et pour l’ortho-
phoniste. Nous ne décrivons que l’approche orthophonique. Les auteurs parlent d’acquisitions motrices orales
et de fonctions linguales. Le point de départ de cette approche rééducative est de travailler la position palatale
de la langue :

37
1er temps : élévation de la langue et prise de conscience de la déglutition
• Pour le jeune enfant, on propose deux exercices préalables.
- l'histoire du "bonhomme langue"
L'enfant imagine que sa langue est un vieux bonhomme fatigué qui est tombé sur le ventre (position
basse de la langue lors de la succion-déglutition) et qui, pour marcher, a besoin d'une canne (frein de
la langue). Le thérapeute explique à l'enfant qu'il faut aider ce monsieur à marcher avec sa canne mais
que pour cela, il ne doit pas seulement relever sa tête, sinon il tomberait. Tout le bonhomme doit se
relever, bien appuyé sur sa canne. L’enfant doit faire marcher le bonhomme, les pas correspondent à
des claquements de la langue. Lorsqu'il s'arrête, le bonhomme se repose à nouveau sur sa canne.
Le frein lingual est ainsi mis en tension. Cette tension permet d’obtenir une modification de la
posturale linguale au repos par une élévation de l’apex lingual sur la partie antérieure du palais.
- le galop du cheval
L'enfant doit d'abord visualiser la position palatale de sa langue en l'observant à l’aide d’un miroir.
Puis le thérapeute lui demande d'imiter le bruit des sabots d'un cheval en faisant des claquements de
langue lentement.
• Pour les enfants plus âgés : on propose une prise de conscience de la déglutition à l'aide d'un schéma
simplifié de l'anatomie endo-buccale, on explique la déglutition et ses mécanismes. Puis on demande
d’exécuter des claquements de langue afin obtenir une position palatale linguale.
2éme temps : muscler la langue, automatisation et contact dentaire.
Quel que soit l’âge de l’enfant, on propose :
• des exercices de musculation
Ces exercices de musculation du dôme lingual sont effectués de manière à confirmer l’image ascensionnelle
de la langue : compter jusqu'à 5 à voix haute puis très vite obtenir la position palatale de la langue (pour
tester la vélocité), ouvrir et serrer les dents 10 fois de suite, la langue étant en position palatale afin de
permettre à l'enfant de prendre conscience du contact molaire.
3éme temps : position palatale linguale et contact dentaire
• l’histoire du secret
Cet exercice doit permettre d’associer la position palatale de la langue et l'occlusion correcte des mâchoires.
Le thérapeute raconte à l'enfant l'histoire du secret : "les dents du haut possèdent le secret qui fait grandir
les mâchoires du haut et du bas. Mais les dents du bas ne le connaissent pas, c'est pourquoi elles sont
obligées de se rapprocher au maximum de celles du haut. En effet, celles-ci ne divulguent leur secret qu'en
chuchotant".
4éme temps : la rééducation de la déglutition
La rééducation porte sur la déglutition proprement dite. L'enfant est invité à se placer devant un miroir et à
mettre une petite cuillerée à café d'eau dans sa bouche, serrer les dents et coincer l'eau en collant sa langue
contre son palais, entrouvrir ses lèvres, avaler l'eau sans changer ni la position de sa langue, ni celle de ses
lèvres, ni celle de ses dents. Cet exercice s'effectue quotidiennement, à la maison, 10 fois de suite au début de
chaque repas, jusqu'à devenir un automatisme.

◆ La rééducation des fonctions buccales de Nicole Maurin


La rééducation de la déglutition se décompose en 8 étapes.
"la mise en place de la pointe de la langue"
Le thérapeute utilise soit un guide-langue, soit une poire à air pour sensibiliser la zone d’appui (les papilles
rétro-incisives) puis le patient est invité à mettre la pointe de la langue sur cette zone. Il faut vérifier que c’est
la face palatale de la langue qui porte le contact. Si le patient n’arrive pas à pointer sa langue, l’auteur propose

38
de l’entraîner à attraper du bout de la langue des bouts de papier de plus en plus petits. Dans le cas où le
mouvement de pointage reste instable, on entraîne le patient à porter rapidement la pointe de sa langue sur la
papille rétro-incisive.
"le renforcement de l’appui de la pointe de la langue"
L’auteur propose un exercice de tenue d’un élastique orthodontique sur la zone d’appui travaillée pré-
cédemment. Puis on exerce quelques tractions légères sur le fil attaché préalablement à l’élastique, la langue et
l’élastique ne doivent pas bouger. Les dents ne sont pas en contact. Ces exercices sont proposés au domicile
2 fois par jour pendant une semaine.
Une étape de contrôle
Le thérapeute vérifie le maintien de l’élastique puis il demande progressivement de mettre les dents en contact
et il propose de travailler de cette manière 5 fois de suite, deux fois par jour.
Le travail préalable de la déglutition
Le patient tient l’élastique avec la surface palatale de sa langue, les dents en contact. Le thérapeute introduit
un peu d’eau avec une poire à eau, le patient doit avaler sans bouger la pointe de la langue, dents en contact.
S’il échoue, l’orthophoniste propose des exercices pour travailler la zone postérieure de la langue : le
thérapeute introduit entre les mâchoires trois doigts dans le sens vertical, la tête légèrement incliné vers
l’arrière, il dépose quelques gouttes d’eau sur la partie postérieure de la langue, le patient avale. L’auteur
propose aussi de se référer à la méthode phonétique en articulant la vélaire [k].
Un renforcement de l’occlusion molaire est travaillé par une prise de conscience de la contraction des
masséters en prononçant trois [ti]. Un travail sur les bords latéraux de la langue est réalisé en plaquant la
langue sur l’ensemble de la surface palatale, mâchoires ouvertes, frein de la langue étiré. Cet exercice est à
réaliser 6 fois les 2 premiers jours, puis 2 fois par jour 6 fois d’affilée le reste de la semaine.
La rééducation de la déglutition
Si l’exercice de la déglutition des gouttes d’eau avec l’élastique est parfaitement réussi, l’orthophoniste propose
quelques déglutitions d’entraînement avec l’élastique orthodontique. Puis il demande au patient de retirer
l’élastique et il lui propose de bien mâcher des biscuits avec appui de la pointe de la langue sur la zone
d’appui, dents en contact Le patient doit avaler avec un contrôle sur la contraction des masséters.
"l’étape de renforcement et d’intériorisation"
Le patient est invité à boire au verre, à la paille, des liquides chauds ou froids.
"l’habitude consciente et inconsciente"
Le patient continue à s’entraîner à déglutir avec des solides et des liquides. La vérification de l’automatisation
du geste s’effectue en demandant au patient d’avaler des biscuits pendant une lecture silencieuse. Il est
proposé de faire des contrôles à 3 et 6 mois de l’arrêt de la rééducation.

◆ La rééducation des fonctions oro-faciales de Leloup (1995, 1998)


L’auteur propose une approche selon cinq phases. Seule la première phase doit être travaillée en préalable, les
autres phases sont modulables car plus ou moins nécessaires. La rééducation doit être adaptée à chaque
patient à condition de respecter une méthodologie rééducative définie par le travail sur les marqueurs
spécifiques des dysfonctions oro-faciales (les parafonctions, la respiration buccale, la posture basse de repos,
la déglutition dysfonctionnelle), le travail sur la proprioception (pour établir des points de repères sensoriels et
aider à engrammer les informations neuro-musculaires), le travail de la musculature (pour garantir les moyens
de réaliser les praxies bucco-faciales). Le geste de déglutition peut-être travaillé dès la seconde séance si
le thérapeute constate que le sujet a les moyens de comprendre et de percevoir le geste de correction.

39
La première phase de la rééducation : respiration et posture linguale
L’approche de la rééducation passe nécessairement par une prise en compte de la posture linguale de repos et
de la respiration nasale qui conditionnent la place de la langue. La posture linguale doit aussi se comprendre
par ses relations avec les dysmorphoses dento-alvéolaires et l’occlusion dentaire. L’ensemble de ces dysfonctions
et dysmorphoses doit s’inscrire dans une évaluation de la posture corporelle du patient. Une ventilation
buccale induit le plus souvent une posture voûtée. Un trouble de l’occlusion peut entraîner un déséquilibre
corporel et une compensation linguale (la langue servirait alors à rééquilibrer la posture corporelle). Les
exercices concernant la rééducation de la ventilation et de la posture linguale ont été décrits précédemment.
La seconde phase
L’orthophoniste évalue la capacité du sujet à percevoir son "espace bouche" c’est-à-dire à percevoir la place de
sa langue dans la cavité buccale et à se représenter cette cavité buccale. Le patient est invité à décrire la place
de sa langue au repos et lors de la déglutition. Les exercices de pointage avec la langue s’inspirent des exercices
proposés pour la rééducation de la posture linguale.
La représentation de la cavité buccale est étroitement associée à l’oralité du patient et aux parafonctions
comme la succion du pouce, d’un doigt, de la langue, d’un tissu ou bien l’onychophagie. Le travail d’arrêt de
ces conduites s’appuie sur une approche de type comportemental qui est décrite par Langel dans le chapitre
sur la myothérapie fonctionnelle. Pour les plus petits, le thérapeute peut choisir des conduites de négociations
moins directives afin d’amorcer une prise de conscience du geste de succion. Il faut surtout éviter de
remplacer, de façon prématurée, une succion digitale par une succion linguale souvent plus difficile à corriger.
La troisième phase
Elle consiste en exercices de "musculation" des muscles de la face et particulièrement des orbiculaires des
lèvres en proposant des exercices de mise en contact des lèvres avec pression et sans pression : tenir un guide
langue entre ses lèvres, avancer les lèvres en "cul-de-poule", étirer ses lèvres en les gardant serrées. Des
exercices spécifiques pour la lèvre supérieure peuvent-être proposés, comme la résistance à un guide-langue
(on place le guide-langue sous la lèvre). Les masséters sont travaillés en plaçant un abaisse-langue entre les
dents et en invitant le patient à le serrer. Il est parfois au contraire nécessaire de relâcher la musculature faciale
par des exercices de détente des lèvres, des joues et des massages de la face qui sont utilisés dans la rééducation
des paralysies faciales de Couture et Coll. (1997). Un déséquilibre des forces musculaires peut-être constaté.
L’orthophoniste demande de travailler la musculature du côté le plus faible. La langue est travaillée clas-
siquement en tirant la langue, en la portant en haut, en bas, à gauche et à droite ou en tenant la langue bien
droite sans toucher les lèvres, ou encore avec un appui forcé de la langue sur les papilles rétro-incisives : "la
langue est un pilier".
Parallèlement à ce travail de musculature, l’orthophoniste préconise des exercices de déglutition. Le patient
boit ou aspire avec une paille, une goutte d’eau. Il garde cette eau en bouche quelques instants puis il met les
dents en contact sans serrer et il avale en gardant le contact dentaire. Le thérapeute peut montrer en appuyant
avec un doigt sur la main du patient, la différence entre dents en contact serrées (appui fort et pouvant être
douloureux) et dents en contact sans serrer (appui faible, soutenu mais non nocif pour engrammer une
information proprioceptive). Face à un miroir, on fait remarquer au patient les mouvements des lèvres, du
menton fréquemment associés à une déglutition dysfonctionnelle. Il est proposé de refaire ces exercices avec et
sans miroir et de mettre en place des "pense-bêtes" pour travailler sa déglutition dans la journée.
La fréquence des exercices
Elle varie en fonction des sujets, de leur âge. Ces exercices sont portés sur un cahier (pour les plus jeunes), sur
des fiches pour les enfants à partir de 10 ans. Nous avons constaté qu’il n’est pas nécessaire de faire beaucoup
d’exercices, deux exercices par jour (fréquence de 15 à 20 mouvements par exercice) suffisent à partir du
moment où il y a une prise de conscience de la posture linguale haute et d’une ventilation nasale. Il faut
ensuite expliquer que le maintien d’une "bouche fermée" dépend de la "force" des lèvres d’où la nécessité des
exercices de musculation. Les 6 premières séances s’effectuent en général une fois par semaine, on peut ensuite
espacer les séances si le patient est autonome et si ses efforts sont soutenus par la famille, ceci est

40
particulièrement important pour les plus jeunes. Les séances se déroulent ensuite, une fois tous les quinze
jours puis tous les mois.Un contrôle est demandé à 6 mois.
La rééducation de la phonation est abordée lorsque l’enfant présente une dysphonie vocale associée à une
déglutition dysfonctionnelle. Le travail sur le geste phonatoire corrige le plus souvent le geste de déglutition
dysfonctionnelle. Le thérapeute peut-être amené à proposer des exercices de relaxation. Le travail articulatoire
n’est proposé que lorsque les automatismes du geste de déglutition sont amorcés. Il s’agit de travailler les
apico-alvéolaires [s], [t], [d], [n] et la latérale [l]. Nous reprenons les principes de rééducation de Langel
(2002).

◆ La réadaptation fonctionnelle oro-faciale ou la kinésithérapie oro-faciale de Fournier (1991, 1996)


Cette approche rééducative est définie selon 3 stades qui correspondent à une prise de conscience des praxies
dysfonctionnelles, la proposition des bons gestes, la mise en place des moyens musculaires pour maintenir les
postures. Le travail le plus difficile et le moins motivant est l’automatisation des nouvelles praxies et du geste
fonctionnel de déglutition. La méthode propose des exercices de la posture linguale, de la ventilation et une
correction des habitudes nocives. Un travail sur les ATM est décrit. La méthode est plus ou moins hiérarchisée
par des exercices numérotés de 1 à 40, avec des exercices obligatoires mais il n’est pas nécessaire de suivre un
ordre linéaire. Nous décrirons ici les exercices par fonctions à travailler ou à corriger en donnant un exemple
d’exercice pour chaque groupe.
La première séance
Elle consiste en une prise de conscience volumétrique de la cavité buccale par le patient avec des exercices de
position de repos, de léchage ou de mobilisation de la langue. Ce dernier consiste à déplacer sa langue en
dehors (tirer la langue, la porter à droite, à gauche, en bas et en haut) et en dedans de la bouche.
La déglutition
Les exercices de rééducation sont rapidement abordés. Le thérapeute explique le mouvement correct. Il
propose des exercices comme le "Slurp" de Barrett (1998) qui consiste à aspirer sa salive en faisant le plus de
bruit possible la bouche entrouverte et la langue au palais. On demande cet exercice 10 fois de suite chaque
jour. L’automatisation de la déglutition est acquise lorsque le patient n’a présenté aucune déglutition atypique
pendant une séance de 20 minutes de parole spontanée ou de lecture à haute voix.
Les exercices obligatoires
Ce sont des exercices de rééducation musculaire. Ces exercices sont hiérarchisés, on ne passe pas à la difficulté
supérieure tant que l’exercice précédent n’est pas acquis. L’auteur propose 6 exercices. L’appui consiste à
demander au patient de pousser un abaisse-langue ou la partie creuse d’une cuillère avec la pointe de sa
langue. Cet exercice doit être pratiqué 10 fois chaque jour.
La phonation
Le thérapeute propose des exercices classiques d’articulation des apico-dentales, des fricatives et des
chuintantes ainsi qu’un travail de recul de la langue. Cet exercice consiste en des bâillements répétés en
prenant conscience de l’aplatissement de la langue en arrière et en bas. Il est proposé ensuite d’effectuer ce
recul sans bailler. Cet exercice doit se faire 10 fois par jour.
Les lèvres
Le but du travail musculaire des lèvres est d’obtenir une fermeture des lèvres sans crispation visible. Le patient
est invité à tenir un bouton, un abaisse-langue entre les lèvres avec des difficultés croissantes pour les
maintenir. L’auteur propose des exercices pour travailler séparément les lèvres. Pour travailler la lèvre
supérieure, le patient doit prendre sa lèvre inférieure aux deux extrémités entre le pouce et l’index de chaque
main et descendre le plus bas possible sa lèvre en l’éversant. Il la maintient et descend sa lèvre supérieure
comme pour fermer la bouche. Cet exercice est à effectuer 10 fois pendant 3 secondes chaque jour.

41
Les A.T.M
Le travail sur la cinétique mandibulaire demande un temps de compréhension et de repérage spatial des
mouvements mandibulaires. Le thérapeute peut proposer un exercice de propulsion qui est constitué d’exercices
d’avancement de la mandibule sans forcer pendant une semaine puis un travail statique contre opposition :
le patient avance sa mandibule ensuite il fait opposition à cette avancée avec son poing placé sous la lèvre
inférieure.
La ventilation
La rééducation de la ventilation n’est possible que si l’enfant sait se moucher. Le premier exercice consiste
donc à apprendre au patient à se moucher narine après narine.
Il est également proposé des exercices de flexion–extension des membres rapidement afin de travailler
l’essoufflement.
Les habitudes nocives
Le traitement des habitudes nocives passe par l’accord de l’enfant et par une attitude de persuasion de la part
du thérapeute. L’auteur propose d’utiliser la relaxation.

◆ La myothérapie fonctionnelle oro-faciale selon Langel (1997)


Cette approche est adaptée des méthodes américaines de Barrett (1988) et Garliner (1981), (1983).
Christiane Langel a une pratique exclusive de la rééducation neuro-musculaire dans le cadre des traitements
d'orthodontie et d'occlusodontie. Elle participe aux échanges dans le cadre de l’IAOM (International
Association of Orofacial Myology). Une large place est consacrée dans ce chapitre à cette approche rééducative
car elle est l’inspiratrice des principales techniques rééducatives utilisées en orthophonie.
La myothérapie fonctionnelle - l’expression est un calque de l’anglais américain - consiste en un ensemble de
techniques d’éducation ou de rééducation des fonctions neuro-musculaires oro-faciales auxquelles le pres-
cripteur (odonto-stomatologiste le plus souvent) est confronté :
la ventilation, les postures (labiale, linguale, mandibulaire, corporelle), la mastication, la déglutition, la
phonation. A cet égard, Langel rejoint notre position sur le libellé trop restrictif de "la rééducation de la
déglutition atypique"
Les succions digitales et autres parafonctions
Tous les programmes américains de myothérapie incluent un sous-programme inspiré de la psychothérapie
comportementale pour aider le patient à venir à bout de ses parafonctions, les succions digitales en particulier.
Quinze années de pratique ont permis à l’auteur de confirmer l’efficacité de la méthode exposée ici, et qu’elle
a vu maintes fois réussir à l’Institut de Garliner.
• Principe général : on n’entreprend pas une rééducation neuro-musculaire si la succion n’a pas cessé, sinon
l’échec est assuré. Pourquoi ? Parce que la succion du ou des doigts, si peu fréquente qu’elle soit (par
exemple inconsciemment pendant le sommeil), entretient toujours une posture linguale, voire labiale et
mandibulaire, et un mode de déglutition qui sont précisément ceux qu’on veut corriger par la rééducation.
Concrètement, lors de la prise de rendez-vous par téléphone, si l’on suspecte (en fonction du prescripteur et
de l’âge du patient) qu’il s’agit d’un cas de succion digitale, il faut en demander confirmation et, après s’être
assuré que l’enfant est prêt à accepter une aide, prévoir une plage horaire d’1h30 au lieu d’1h pour un bilan de
myothérapie. Il n’est pas question ici de faire un bilan, dont les données seraient caduques après arrêt de la
parafonction mais seulement de présenter et d’expliquer un programme pour atteindre ce but. Seul à seul avec
le patient, généralement un enfant âgé de six à douze ans, il faut s’assurer une fois encore de sa motivation,
laquelle peut être soutenue par des arguments objectifs : présentation de photos de l’articulé dentaire
avant/après, évocation des difficultés du traitement orthodontique, nécessité éventuelle d’un geste chirurgical
si la succion ne cesse pas. Mais ces arguments ont plus de poids dans les tranches d’âge supérieures, au-delà de
dix ans. Chez les plus jeunes (six à dix ans), c’est davantage la gêne d’être perçu comme un suceur de pouce,
donc comme un "bébé" qui motive l’enfant. Pour cette raison, il ne suce généralement pas à l’école ou s’en

42
cache. D’ailleurs, pour ceux qui le font ouvertement, le pronostic à court terme est un peu plus réservé.
Il s’agit dans un premier temps de déculpabiliser l’enfant (sucer est normal, voire vital chez le nourrisson, mais
doit cesser au-delà d’un certain âge) et de lui demander d’accomplir par lui-même, sans aucune contrainte de
la part des parents ou de l’entourage, un certain nombre d’actes positifs :
• Choix d’un endroit spécial à la maison pour y déposer les "affaires" du pouce (tiroir, étagère ou boîte).
• Tenue d’un calendrier fabriqué par l’intéressé (fig. 1) et promesse d’une récompense de la part des parents
après dix jours de succès sans pouce matérialisés par dix étoiles successives sur le calendrier.
• Bandage du bras pour la nuit (fig. 2) avec l’aide technique d’une tierce personne. On explique à l’enfant que
la tension exercée par la bande au niveau du coude pendant le sommeil lui évitera de porter le pouce à la
bouche de façon inconsciente.
• Application, toujours pour la nuit, d’une bande adhésive (Micropore) de part et d’autre de l’articulation du
pouce afin de permettre un contrôle au réveil, d’où le nom de "mouchard" attribué à ce petit accessoire
(fig. 3).
• Eventuellement, dessin d’une figurine sur le doigt de l’enfant ou sur un "cache-pouce" qui lui est confié.
Certains psychologues, en effet, considèrent le doigt sucé comme un compagnon que l’enfant utilise pour se
sentir moins seul.
D’autres suggèrent une confrontation enfant/pouce, jeu dont l’enfant doit sortir vainqueur :
"non, tu ne vas pas gagner, c’est moi le plus fort !".
• Mise à distance impérative du "doudou" s’il en existe un conjointement à la succion digitale.
• Obligation pour l’enfant de téléphoner régulièrement au thérapeute pour valoriser ses efforts et se sentir
soutenu ("on pense à lui").
Pour certains patients, un simple entretien peut suffire ; les résultats obtenus dans ce domaine par les ortho-
dontistes en témoignent. Dans le cadre de ce programme, certains n’observent que la tenue du calendrier et
les contacts téléphoniques ; on n’en demande pas plus, mais ne sachant pas a priori ce qui va marcher, il est
préférable de donner toujours l’ensemble du programme.
• Les clés de la réussite
- Etre sûr de soi et témoigner à l’enfant sa confiance en le regardant droit dans les yeux : "Toi, je sais
que tu vas réussir !"
- Apparaître comme une sorte de gourou, un parfait étranger qu’on n’a jamais vu et qu’on ne reverra
pas. Ainsi se substitue au couple parent-enfant une relation triangulaire qui fait pencher la balance
du bon côté si l’enfant est prêt, pour peu qu’on évite de démarrer un tel programme juste avant les
vacances scolaires, le désœuvrement pouvant le faire échouer. Plus de 90 % de succès dès la première
semaine, tel est le résultat obtenu par Langel avec la méthode sur l’année scolaire en cours et la
précédente avec une centaine d’enfants et quelques adolescents. Après les succions digitales, l’ony-
chophagie, la succion de la langue et le bruxisme sont sans doute les parafonctions oro-faciales les
plus communes.
• La succion de la langue, parfois liée à une alimentation trop sucrée - Garliner l’avait observée dans les
populations des Caraïbes, grosses consommatrices de fruits exotiques - cède généralement bien à la
rééducation linguale qui, contrairement à ce qui a été dit à propos des succions digitales, doit être instituée
d’emblée. Une langue tonique et bien placée aura beaucoup moins tendance à téter.
• L’onychophagie permet d’observer un phénomène semblable à ce qui aurait déjà pu être mentionné à
propos des succions digitales : l’élément le plus impliqué dans la genèse des dysmorphoses dento-alvéolaires
est ici la langue, bien avant l’objet inséré par intermittence entre les arcades. En effet, le patient qui ronge ses
ongles exerce en même temps une poussée de la langue contre les dents de part et d’autre du point où
l’ongle est rongé. Aucune panacée n’existe à notre connaissance contre cette parafonction rebelle. On peut
toutefois demander au patient de prendre conscience des moments où il ronge ses ongles et d’en tenir une
sorte de "comptabilité". On peut également lui suggérer de soigner ses ongles (manucure pour les femmes).
Le repositionnement de la langue grâce à la myothérapie peut parfois aider à surmonter le problème.
• Le bruxisme, facteur d’usure des dents et parfois de douleurs musculaires, a donné lieu, quant à son origine,
à différentes théories, les unes donnant la prépondérance au stress émotionnel, les autres à l’existence d’un

43
obstacle occlusal que le patient cherche à abraser en grinçant des dents. En myothérapie, nos moyens sont
limités par rapport au bruxisme. On peut envisager la relaxation. Certains suggèrent de "fatiguer" les
masséters juste avant l’endormissement pour éviter le bruxisme nocturne. De toute manière, la consultation
en occlusodontie s’impose.
Le bilan
Langel précise qu’on insistera jamais assez sur l’importance du bilan initial en myothérapie oro-faciale. S’il y a
rééducation, celle-ci sera courte (en général 12 séances et bien souvent moins) Devant un patient réticent
pour consulter un orthophoniste, certains prescripteurs insistent pour qu’il fasse au moins le bilan et
comprenne ainsi "ce qui ne va pas"
Dans la pratique de l’auteur, un bilan d’une heure comporte en général :
• durant 40 minutes, un examen complet de la musculature, de l’occlusion dentaire et des fonctions oro-
faciales afin de déterminer les objectifs et le plan de la rééducation si celle-ci est envisagée.
• durant 20 minutes environ, un maximum d’explications destinées à éclairer le patient et éventuellement la
famille sur les dysfonctions constatées, et à créer la confiance et la motivation nécessaires à l’entreprise.
Le dernier tiers de l’heure consacrée au bilan sera réservé au commentaire des données recueillies dans la
première partie. Généralement à l’aide des schémas (fig. 4 et 5), on explique l’importance de la respiration
nasale en rapport avec les postures de repos, linguale surtout, mais aussi labiale, mandibulaire et corporelle.
Les dysfonctions concernant la déglutition et l’articulation des consonnes pré-palatales et sifflantes sont
expliquées et présentées comme secondaires à la posture linguale de repos. L’auteur donne enfin une esquisse
de la progression envisagée et des conditions à respecter par le patient, et éventuellement la famille, pour la
réussite du traitement.
Du bilan à la rééducation
C’est à partir des données du bilan initial que l’on va construire pour chaque patient un plan de rééducation,
lequel sera adapté au fil des semaines en fonction de l’évolution constatée. Les méthodes américaines
proposent toujours une progression par étapes : d’un travail praxique à un conditionnement psychologique,
diurne puis nocturne". On trouvera donc des plans de rééducation types dans tous les ouvrages de myo-
thérapie (1ère étape : tel et tel exercice à faire X fois, X fois par jour - 2ème étape :... - et ainsi de suite jusqu’à
la fin du programme). Ces plans sont utiles afin qu’aucun domaine ou secteur ne soit oublié, mais ils ne
doivent pas être utilisés tels quels et sans adaptation au cas considéré.
Garliner écrivait à l’issue de chaque séance un nouveau programme à pratiquer jusqu’à la séance suivante et
révisé au début de celle-ci. Les feuilles de consignes étaient donc manuscrites et renouvelées à chaque étape.
L’auteur a retenu cette manière de faire qui présente l’avantage de la souplesse, mais tout écrire prend du
temps, et l’écriture manuscrite peut être un obstacle pour le patient qui doit relire à la maison. Il faudra donc
s’assurer qu’il puisse le faire.
Dans les chapitres qui suivent seront exposés, pour chaque secteur et fonction concernés, quelques-unes des
techniques de rééducation. Ce sont celles qui entrent le plus souvent dans la composition des programmes
personnalisés de myothérapie.
La ventilation
Instaurer une respiration nasale n’est pas facile. Cela demande un effort et suppose de la part du patient la
motivation, que le thérapeute doit créer dès le jour du bilan en expliquant :
• l’intérêt d’inspirer un air filtré, réchauffé et humidifié par les fosses nasales,
• l’influence favorable de la respiration nasale sur le fonctionnement cérébral, l’équilibre émotionnel en
particulier,
• le rapport existant entre la voie de passage de l’air et une posture linguale correcte, nécessaire à la
réussite des traitements orthodontique ou occlusodontique.
Chez l’enfant, apprendre ou plutôt réapprendre à "se servir de son nez" est possible grâce aux techniques
décrites par les kinésithérapeutes, Allaux (1988) et Fournier (1991) en particulier. La rééducation vélo-tubo-

44
tympanique développée par Lederlé et Kremer (1990) orthophonistes, est également à mentionner ici. Enfin,
on n’insistera jamais assez sur l’importance du mouchage, qu’il est parfois nécessaire de rappeler même au
patient adulte.
Lorsque sont apparues, au début des années 90, les bandelettes nasales, sparadrap muni d’un flexible destiné à
maintenir écartées les parois latérales du nez, Langel a tenté de les utiliser avec tous ses patients respirateurs
buccaux. Bien peu d’entre eux ont trouvé là une aide efficace, contrairement aux sportifs chez qui cet
accessoire est très prisé. La pratique clinique a d’ailleurs démontré, s’il en était encore besoin, que la
respiration buccale dans le cadre de la rééducation des fonctions oro-faciale est beaucoup plus souvent due à la
posture linguale qu’à l’état de la filière nasale.
Vers l’âge de 10 ans, lorsqu’une véritable myothérapie devient possible, nous utilisons systématiquement
l’exercice de :
• La tranquillité (ou position de repos) qui consiste à maintenir l’apex lingual sur la papille rétro-incisive
supérieure, "le point", grâce à un élastique orthodontique utilisé comme repère (fig. 6). Le patient garde les
lèvres jointes, mais les dents n’entrent en occlusion que lors des déglutitions. La position est maintenue pro-
gressivement de quelques minutes à une demi-heure pendant une activité de la vie courante (lecture,
télévision, etc.). Cet exercice entraîne à l’acquisition d’une respiration nasale par la correction des postures
de repos labiale, linguale, mandibulaire.
• Le Stomahésive, petit fragment de gomme qui, collé à l’arrière de la papille rétro-incisive préalablement
asséchée (fig. 7), attire spontanément l’apex lingual pendant les 45mn ou 1h qu’il met à fondre. Il remplit
les mêmes fonctions que l’exercice de la tranquillité et s’avère plus efficace avec certains patients, qu’ils soient
enfants, adolescents ou adultes.

◆ La sangle labio-jugale (fig. 8)


Les lèvres
Contrairement à certaines méthodes de rééducation neuro-musculaires oro-faciales développées en France, les
méthodes américaines prennent toutes en compte le facteur lèvres. Il est important de rappeler qu’en raison de
leurs rapports avec les muscles périorbiculaires, les deux lèvres font leur croissance et fonctionnent indé-
pendamment l’une de l’autre.
• Le dynamomètre (fig. 9) est toujours utilisé lors du bilan. Il permet de mesurer la force de résistance de
l’orbiculaire grâce à un bouton plat de 2,5 cm de diamètre, attaché à une cordelette et placé verticalement
entre les lèvres et les incisives (fig. 10). La force de résistance normale se situe, selon Garliner (1983), entre
3 et 5 livres. Réutilisé en cours de rééducation pour mesurer les progrès accomplis, particulièrement chez
l’enfant, cet instrument est un facteur de motivation important. Le thérapeute dispose de toute une
panoplie d’exercices pour tonifier ou décontracter les lèvres et favoriser la jonction labiale.
• Le bouton (fig. 11 et 12) Placé dans le vestibule entre incisives et lèvres, il renforce l’orbiculaire par traction
sur le fil auquel il est attaché. Le bouton mesure en principe 2,5 cm de diamètre, mais peut être plus petit
pour un enfant jeune. Le patient devra résister une dizaine de secondes au moins avant que le bouton ne lui
échappe, et l’action sera répétée dix fois.
• La guerre des boutons (fig. 13) Le principe est le même que pour l’exercice précédent, mais ici deux
boutons reliés par un même fil font de l’exercice un jeu analogue au tir à la corde, à pratiquer à deux. Il est
très motivant pour l’enfant qui voit rapidement s’améliorer son score au dynamomètre.
• Le mangeur de guimauve ou Poids à monter (fig. 14 et 15) Des disques pesant chacun 5 grammes, et
dont on augmente progressivement le nombre jusqu’à 12, sont enfilés sur une cordelette nouée à l’une de ses
extrémités. Le patient, debout et penché en avant, doit par la seule action de ses lèvres faire remonter les
disques jusqu’à sa bouche en remontant la cordelette (d’une vingtaine de centimètres au départ). L’exercice
agit principalement sur l’orbiculaire inférieur et s’avère d’une efficacité remarquable pour obtenir la jonction
labiale chez un patient à la lèvre inférieure éversée par hypotonie. Adolescents et adultes se prennent au jeu.
On pourra bien sûr remplacer la cordelette et les disques du matériel d’origine par un lacet plat et de petits objets

45
pesant environ 5 grammes (morceaux de sucre, par exemple).
• Les massages labiaux. Il s’agit ici de masser la lèvre supérieure de haut en bas lentement et en appuyant fort.
Pratiqué avec l’index recourbé (fig. 16 et 17), l’exercice permet de tonifier et d’étirer une lèvre supérieure
courte ou épaisse et éversée. Pratiqué avec la lèvre inférieure (fig. 18 et 19), il permet une action simultanée
sur les deux orbiculaires en vue de la jonction labiale. Bien que très efficaces s’ils sont faits régulièrement, ces
massages sont un peu fastidieux pour les patients enfants. En outre, ils ne sont guère utilisables avec les
porteurs d’appareils multi-attaches.
• Les gonflements labiaux. Très prisés par Barrett et son école, ils peuvent se faire, selon les besoins, avec la
lèvre inférieure (fig. 20), la lèvre supérieure ou les deux lèvres ensemble. Hanson et Mason (2003) expliquent
que neuf des dix muscles qui composent le réseau musculaire facial (fig. 10) sont connectés directement ou
indirectement au dixième, l’orbiculaire des lèvres, et lui servent d’antagonistes. Si, chez un patient donné,
l’orbiculaire est faible et n’assure pas la jonction labiale, il faudra non seulement le renforcer mais aussi décon-
tracter ses antagonistes. Les gonflements labiaux opèrent simultanément ces deux fonctions et peuvent se faire
avec de l’air ou, beaucoup plus efficacement, avec de l’eau chaude salée. Des cotons salivaires préalablement
mouillés et insérés dans le vestibule, sous l’une ou l’autre lèvre ou les deux, pourront prendre le relais des gonflements
labiaux et prolonger les mêmes actions.
• Le jackpot (fig. 21) D’origine française, cette technique est destinée à augmenter la force de compression des
lèvres pour favoriser la fermeture buccale et son engrammation. Le patient doit ici tenir entre les lèvres et par
le milieu, un abaisse-langue lesté à chaque extrémité par des pièces de monnaie dont on augmente le nombre,
et donc le poids, au fil des semaines. Autre facteur de motivation pour l’enfant jeune : le jackpot ainsi cons-
titué lui revient, une fois le but recherché obtenu.
Un jeton, une médaille ou un bouton tenus de la même manière que l’abaisse-langue, et sur une durée qu’on
allongera progressivement, peuvent être utilisés en vue des mêmes objectifs.
• L’édenté (fig. 22) Les deux lèvres, étirées au maximum dans le sens vertical vers l’intérieur de la bouche, sont
ensuite maintenues par les arcades dentaires. L’exercice améliore la jonction labiale mais favorise également la
respiration nasale en dilatant les narines.
• Le sparadrap Une bande de Micropore large est placée par le patient lui-même sur ses lèvres jointes et gardée
pendant un temps variable au cours d’une activité de la vie courante. La technique, très utilisée outre-
Atlantique, permet bien sûr d’encourager et de vérifier la respiration nasale. Elle est appréciée comme un jeu
par la plupart des enfants, mais certains ne la supportent pas. Il faut respecter ce choix.
Les joues
Les buccinateurs sont les muscles des joues et les orthophonistes savent, que la correction d’un schlintement,
particulièrement lorsqu’il affecte les consonnes [ch] et [j], ne se conçoit pas sans un renforcement parallèle de
ces muscles. On utilise classiquement dans ce but un guide-langue plat et long ou encore ovoïde que l’on place
à l’intérieur de la joue selon Langel (2002). Le patient est alors invité à résister à la traction exercée vers l’extérieur
en ramenant l’instrument contre ses arcades dentaires par la seule contraction de ses muscles jugaux. On peut
préférer pour cet usage une petite cuillère (fig. 23) de type argenterie, aux bords bien arrondis et au manche
rigide qui ne risquera pas la torsion en cours d’exercice.
Faire gonfler des séries de ballons offrant une résistance de plus en plus grande permet un travail en force sur
les deux composants de la sangle labio-jugale : orbiculaire et buccinateur, ainsi que sur le voile du palais.
L’auteur note enfin que lorsqu’un patient se plaint de morsure des joues à la mastication, un travail sur la
musculature jugale est souvent utile, mais que si la dysfonction résiste à ce traitement, elle signe un trouble
occlusal qui n’est pas du ressort de l’orthophoniste.
Les muscles masticateur (fig. 24)
Les releveurs de la mandibule sont essentiellement le masséter et le temporal, accessoirement le ptérygoïdien
interne. Pour renforcer les masséters, la procédure est simple.
• Le "Count To Ten" (fig. 25) Garliner avait ainsi nommé cet exercice qui consiste à serrer les molaires en
comptant jusqu’à 10. Contraction et décontraction des masséters alternent ainsi plusieurs fois de suite au

46
cours d’une même séance. L’exercice peut donner des résultats rapides :
- sur les masséters eux-mêmes en deux ou trois semaines,
- sur l’occlusion dentaire, les béances latérales en particulier, mais cela demande en général un peu plus
de temps.
• Le Thera-Bite (fig. 26 et 27) Ce fer à cheval de plastique vendu par les fournisseurs d’articles orthodontiques
s’interpose entre les arcades et permet de sentir dès les premiers essais la contraction des masséters lorsque
l’exercice précédent n’y suffit pas. Soulet (1989) préconise de l’utiliser une à deux heures par jour en
travaillant, ou devant la télévision, pour freiner l’évolution d’une hyperdivergence faciale.
On n’oubliera pas d’insister sur la mastication d’aliments durs, que nos jeunes patients en général pratiquent
peu. "Il ne mâche pas" disent les parents. Lorsque le prescripteur est un occlusodontiste, et non plus un
orthodontiste, le patient, en principe un adulte, a généralement souffert ou souffre encore de contractures des
releveurs de la mandibule. Parallèlement à l’équilibration occlusale, il devra donc apprendre à décontracter sa
musculature par un travail portant sur les abaisseurs de la mandibule, par des massages, par application de
chaleur. Ayant toujours travailler, pour ce type de patients, en tandem avec des kinésithérapeutes entraînés à
ces techniques, Langel avoue n’en avoir qu’une expérience limitée. En myothérapie, c’est surtout la langue
qui, par son appui contre la voûte palatine, va devenir "l’amortisseur" qui libèrera la musculature à décon-
tracter. En proposant, dès le jour du bilan, la technique du Stomahésive exposée plus haut, assortie d’une
explication sur le rôle de la posture linguale, on peut voir de nombreux patients algiques soulagés plus ou
moins complètement en quelques jours.
La langue (fig. 28)
Rééduquer une langue commence toujours par un maximum d’explications à donner au patient sur cet organe,
les muscles qui le composent, sa position souhaitée dans la cavité buccale, ses fonctions, et le fait qu’on puisse
le rééduquer comme on le ferait d’un bras, d’une jambe ou de muscles abdominaux. Viendront ensuite des
exercices préparatoires destinés à tonifier, affiner, repositionner, en somme "domestiquer" les langues malha-
biles.
Langel signale l’importance de relever, chez les adolescents et les adultes, les festons qui donnent aux bords de
la langue un aspect crénelé aux endroits où elle s’appuie contre les arcades ou s’interpose (fig. 29).
• Les claquements de langue
- Simples Excellents pour tonifier les muscles linguaux, ces claquements doivent être bien sonores, la
pointe de langue frappant vigoureusement le plancher buccal. Certains patients ne produisent au
départ qu’un claquement faible, la langue se décollant de la voûte palatine mais s’arrêtant à mi-
chemin.
- i-o On sollicite ensuite la participation des lèvres qui, étirées vers l’arrière (i) puis projetées vers l’avant
(o), donnent alternativement un son aigu puis un son grave à chaque claquement (trot du cheval).
- La ventouse, (fig. 30) La langue adhère au palais par succion sur tout son pourtour, le frein, bien
vertical, étiré au maximum. On peut ensuite alterner ouverture et fermeture buccale, la langue conser-
vant sa position.
- La pyramide ou Pointe de langue sur "le point" (fig. 31) L’apex lingual fermement appuyé sur la
papille rétro-incisive ("le point"), la langue s’étire, étroite et verticale. Ici encore peuvent alterner
ouverture et fermeture buccales.
Les trois exercices précédents constituent la base du programme proposé en myothérapie pour l’étirement d’un frein
lingual un peu court si la frénectomie n’est pas prévue, ou bien, une dizaine de jours après cette intervention, pour
mobiliser la langue et assouplir la cicatrice.
- La langue en obus (fig. 32) Pour affiner la langue et lutter contre son étalement latéral, le patient
s’aidera des bords incisifs supérieur et inférieur pour dresser le septum lingual et donner à sa langue une
forme à section ronde, de l’apex jusqu’au fond de la cavité buccale. Nombreux sont ceux qui n’y
parviennent pas d’emblée ; on proposera dans ce cas l’exercice suivant.
- Les va-et-vient gauche-droite (fig. 33) Bouche grande ouverte, menton immobile, la langue se
soulève, étroite et bien horizontale, et l’apex vient frapper alternativement les commissures labiales

47
droite et gauche en un mouvement sec, comme le ferait le battant d’un métronome.
Si l’étalement lingual persiste, on pourra recourir à certains artifices. En voici deux :
- Les brossages de langue. A l’aide d’une brosse à dents dure et sèche, le patient brossera succes-
sivement les bords latéraux puis le dos de la langue d’arrière en avant et jusqu’à l’apex, cela quelques
minutes par jour.
- Résistance contre l’abaisse-langue (fig. 34) La langue résiste à la pression exercée contre son bord
par le plat d’un abaisse-langue présenté alternativement à gauche puis à droite pendant quelques
secondes et une dizaine de fois au total.
Ces exercices, pratiqués régulièrement, donneront une langue plus tonique et prête pour une posture et des
fonctions telles qu’on les souhaite.
La déglutition
• La "Payne Technique" ou Test à la Lumière Noire (fig. 35) conçue par Payne permet de visualiser le
placement de la langue au cours de la déglutition. La procédure est la suivante : on dépose sur la langue du
patient quatre points, de la taille d’une tête d’épingle, d’un révélateur composé de vaseline additionnée de
1% de fluorescéine. Généralement, ces points sont disposés de la façon suivante :
- un premier sur l’apex lingual,
- un sur chaque côté de la langue, non loin des bords,
- un dernier sur la ligne médiane.
On demande au patient d’avaler sa salive comme il en a l’habitude, puis la Lumière Noire (rayons ultra-
violets) est dirigée vers l’intérieur de la cavité buccale, révélant les points ou zones d’appui de la langue
pendant la déglutition. Si cette dernière est normale, les quatre points se retrouveront sur la muqueuse de la
voûte palatine, aucune trace ne devant apparaître sur les dents. (fig. 36)
En rééducation, contrairement à ce que montrent les croquis de Zickefoose (fig. 4 et 5) utilisés aux USA
depuis les années 1970, Langel travaille essentiellement sur la déglutition salivaire. La progression suivie
sollicite successivement l’avant, la partie moyenne et l’arrière de la langue.
• Aspiration-déglutition. Ce premier exercice à caractère artificiel est à lui seul un résumé de ce qu’il faut
faire et/ou éviter pour parvenir à une déglutition normale de type "sujet denté". On retrouve ici l’élastique
orthodontique utilisé comme repère (fig. 8).
- Placer l’élastique en couronne sur la pointe de langue.
- Pointe de langue sur la papille rétro-incisive ("le point").
- Serrer les molaires.
- Garder les lèvres ouvertes.
- Aspirer bruyamment et avaler.
En fin de déglutition, l’élastique ne doit pas avoir bougé.
En procédant ainsi :
- on facilite la déglutition de la salive par l’aspiration ;
- on fait travailler la musculature postérieure de la bouche, ce que ne font pas en général les patients
de la myothérapie ;
- on casse la synergie langue/lèvres de la déglutition atypique en obligeant les lèvres à rester ouvertes.
Pour ceux qui ne peuvent se servir de l’élastique dès le début de la progression (langue hypotonique et/ou trop
malhabile), on attendra que la gymnastique linguale ait fait son œuvre, une semaine en général suffit, et pour
certains patients, l’utilisation du jet d’eau (fig. 42) préconisée par Barrett et son école peut être utile pour
faciliter ce premier exercice.
• Déglutition avec 1 élastique - Lèvres Ouvertes (L. O.) On poursuit la progression avec un exercice
similaire au précédent, mais on supprime l’aspiration. Sans cette aide, certains ne peuvent avaler : les lèvres
tendent à se fermer et la langue tend à les rejoindre. Insister sur le serrage des molaires par la contraction des
masséters aide en général à passer ce cap. Pour ce faire, le thérapeute garde à portée de main une feuille
montrant au recto les muscles faciaux (fig. 10) et au verso les releveurs de la mandibule : masséter et
temporal (fig. 28). Les seconds entrent en jeu dans la déglutition, les premiers devant rester inertes. La
plupart des patients comprennent très bien ces images et s’en trouvent fort aidés.

48
• Déglutition avec 2 élastiques (L. O.) (fig. 37) A l’étape suivante, un deuxième élastique placé sur le dos de
la langue vient s’ajouter au premier pour entraîner puis vérifier l’appui médian du muscle lingual contre la
voûte palatine. Le patient doit avoir senti le contact du deuxième élastique contre le palais au moment de la
déglutition, et les deux élastiques ne doivent pas avoir bougé.
Vient enfin le travail de l’arrière de la langue. Barrett présente pour ce secteur des techniques efficaces.
Nous en retiendrons une.
• Déglutition postérieure (fig. 38)
- On interpose trois doigts superposés entre les incisives pour maintenir la bouche grande ouverte.
- La pointe de langue reste en bas.
- L’arrière de la langue rejoint le voile du palais au moment de la déglutition dans un mouvement
forcé dû à l’ouverture buccale importante.
Nombreux sont les patients qui ne parviennent pas d’emblée à avaler de cette manière. On peut alors recourir
à différents artifices :
- faire prononcer des séries de [k] ou [ka] dans cette même position,
- diriger vers la gorge un petit jet d’eau qui déclenchera la déglutition (fig. 39),
- demander des gargarismes avalés avec peu d’eau, la bouche restant grande ouverte.
Pour finir, cette déglutition postérieure doit pouvoir être effectuée facilement avec la salive seule.
Dans certains cas rares et devant des difficultés majeures à mobiliser l’apex lingual en début de rééducation,
on peut-être amené à commencer par un travail sur l’arrière de la langue. Globalement reculée, la langue
sera alors plus libre pour effectuer les mouvements nécessaires dans sa partie antérieure. Une fois encore, il
faut souligner la nécessité d’une progression souple et adaptée aux nécessités de chaque patient.
La déglutition des aliments solides et liquides est prise en compte par tous les programmes de myothérapie
américains connus. On peut ne pas être d’accord avec cet entraînement, Langel ne le propose plus dans tous
les cas. Cet entraînement présente toutefois des avantages non négligeables avec certains patients :
• un travail supplémentaire pour les muscles linguaux et spécialement la partie moyenne de la langue,
• une occasion de parler de la mastication, souvent insuffisante chez les déglutisseurs dysfonctionnels,
• une éducation dont certains enfants ont besoin. Voir les remarques des parents : "Il mange salement, la
bouche ouverte et de façon bruyante...".
Dans ce domaine, Garliner propose :
• Le biscuit avec 1 élastique (L. O.) (fig. 40)
- Prendre un petit morceau de pain ou de biscuit.
- Mâcher avec les molaires, lèvres jointes.
- Rassembler le bol alimentaire ainsi formé sur le dos de la langue.
- Placer un élastique sur l’apex lingual.
- Serrer les molaires.
- Avaler lèvres ouvertes.
En fin de déglutition, la langue doit être parfaitement propre et l’élastique toujours à sa place. Selon la pro-
gression suggérée, l’exercice se fera ensuite sans élastique puis avec des déglutitions lèvres jointes. Après cela,
les nouveaux mécanismes acquis seront introduits au cours des repas.
Pour la déglutition des liquides, on propose un exercice préparatoire destiné à développer et à vérifier la
tonicité des bords et de la partie moyenne de la langue :
• Le piège-à-eau
- Prendre très peu d’eau en avançant les lèvres (la langue ne doit pas venir au contact du verre).
- Piéger l’eau entre langue et palais : système de la ventouse (cf. supra).
- Bouche grande ouverte, pencher la tête à droite, à gauche, en arrière, en avant.
- En avant, serrer les molaires.
- Avaler lèvres ouvertes.
Une langue suffisamment tonique ne laissera pas fuir l’eau, même dans la dernière position, tête penchée en
avant. Une version simplifiée du même exercice, exécuté tête droite, est ensuite demandée par séries d’une
dizaine et servira de transition avec la suite du programme.
• Le verre d’eau mis à la disposition du patient permettra d’enchaîner des déglutitions :

49
- molaires serrées,
- langue au palais,
- lèvres ouvertes,
- puis lèvres jointes (sans contraction),
ceci afin de mimer la déglutition de la salive.
On prendra donc à chaque fois très peu d’eau, et un temps d’arrêt suffisamment long séparera chaque
déglutition de la suivante pour permettre au patient de respirer.
Des déglutitions de la salive seront enfin programmées dans la journée parallèlement aux rappels concernant
la position linguale de repos.
L’articulation
Parmi les patients qui sont adressés par les odonto-stomatologistes en vue d’une myothérapie, 10 à 20%
seulement présentent des troubles d’articulation audibles (sigmatismes antérieurs ou latéraux), mais pra-
tiquement tous ont des points d’appui linguaux atypiques sur les prépalatales [t, d, n, l], voire les sifflantes
[s, z], ceci en vertu du fait que posture et fonctions linguales sont liées. La disparition de ces troubles d’arti-
culation qui ne s’entendent pas a pour nous valeur diagnostique : elle signe la réussite du traitement, tout
comme la disparition du bavage nocturne, celle des festons qui marquent une langue en posture addentale ou
celle de l’aspect caractéristique d’une lèvre inférieure soumise aux actions conjuguées de la salive et de la
respiration buccale.
Pour les prépalatales, Langel utilise depuis longtemps la technique enseignée en orthophonie à Paris VI et
pratiquée à l’hôpital Robert Debré : l’apex lingual est postériorisé "à l’anglaise" et légèrement rétroflexe. On
surcorrige, en exagérant le recul de la langue, la tendance qu’ont les patients à antérioriser les points
d’articulation de ces consonnes. On retrouve sous la plume de Hanson (2003) la même technique destinée
aux patients américains.
Pour les sifflantes, on sait qu’en français standard l’apex lingual se dirige vers les alvéoles des incisives
inférieures. Il n’en va pas de même en anglais où [s] et [z], tout comme [t] - [d] - [n] et [l], s’articulent sur la
papille rétro-incisive ("le point") : un détail bien commode en myothérapie. Or Langel constate qu’un
pourcentage non négligeable de nos patients préfèrent cette articulation haute et l’automatisent plus
facilement. Sans doute faut-il respecter ce choix, l’essentiel étant l’absence de contact addental ou d’inter-
position linguale entre les arcades.
Reste le problème des [ch]-[j] antériorisés, si fréquent chez les patients de la myothérapie et, semble-t-il, peu
décrit dans la littérature orthophonique. Il ne s’agit pas ici de l’enfant qui n’a pas encore acquis ces phonèmes
et les remplace par [s]-[z] antériorisés ou non, mais des patients de tous âges chez qui les deux séries sont bien
différenciées mais qui produisent pour [ch] et [j] une articulation dorsale, l’apex lingual en appui contre les
incisives inférieures ou en position interdentale, le tout généralement accompagné d’une propulsion man-
dibulaire plus ou moins importante.
L’expérience a montré que ce trouble d’articulation audible se corrige facilement et rapidement en
rééducation, surtout grâce à l’aide des guide-langues dont l’utilisation est décrite par Langel (2002) Mais le
passage à l’automatisme s’avère en général difficile, voire impossible, chez les grands enfants, adolescents ou
adultes adressés par les odonto-stomatologistes. Dans ces mêmes tranches d’âges, la correction d’un
sigmatisme interdental sur [s]-[z] considéré comme infantile, ou celle d’un schlintement jugé inesthétique,
donne de bien meilleurs résultats jusque dans la parole courante. Sans doute la différence réside-t-elle dans la
motivation.
L’engrammation
Créer des automatismes à partir des nouveaux comportements acquis en rééducation n’est sans doute pas
chose facile, mais c’est la condition sine qua non de la réussite. Dès lors que consciemment postures et
fonctions sont correctes, il faut "y penser souvent, y penser encore" - vieux refrain connu. Là, tout est affaire
de motivation et d’organisation.
Pour les postures de repos, linguale surtout, et la déglutition, il faut instaurer un système de rappels dans le

50
temps et/ou dans l’espace. Concrètement, dès la deuxième ou troisième étape de la progression, le patient
pratiquant quotidiennement l’exercice de "la tranquillité" ou "position de repos" avec l’élastique ortho-
dontique ou utilisant le Stomahésive, il lui est demandé en cours de séance : "Où est ta (votre) langue ?"
Question qu’il sera invité à se poser à lui-même aussi fréquemment que possible en cours de journée. Des
stimuli auditifs ou visuels qu’il aura choisis peuvent l’y aider. On remet d’ailleurs à tous quelques gommettes
(pastilles de couleurs ou autres formes) à placer sur des objets d’usage courant et qui serviront de "pense-
bêtes".
Pour la nuit, en fin de traitement, Langel propose toujours un auto-conditionnement à pratiquer de façon
systématique pendant une dizaine de jours. Elle explique, en termes adaptés au patient concerné, comment
l’esprit conscient peut, juste avant l’endormissement, transmettre un message à l’inconscient qui, pendant le
sommeil, maintiendra les postures labiales et linguales de repos acquises en rééducation pour peu que les
muscles soient prêts et la motivation suffisante. La constatation au réveil d’une langue en appui par son bord
antérieur contre les papilles palatines et la suppression des indices de respiration buccale nocturne signeront le
succès de la myothérapie.

Fig. 1 Fig. 2 Fig. 3

Fig. 4 Fig. 5

51
Fig. 7

Fig. 6

Fig. 8
Fig. 9

Fig. 10 Fig. 11 - 12

Fig. 13
Fig. 14 - 15

Fig. 16 - 17 Fig. 18 - 19
52
Fig. 20 Fig. 21 Fig. 22

Fig. 23 Fig. 24

Fig. 25 Fig. 26 - 27

Fig.28

53
Fig. 29 Fig. 30 Fig. 31

Fig. 32 Fig. 33 Fig. 34

Fig. 35 Fig. 36

Fig. 37 Fig. 38 Fig. 39

Fig. 40

54
VI – L’ÉVALUATION DE LA RÉÉDUCATION
DE LA DÉGLUTITION DYSFONCTIONNELLE
A notre connaissance il n’existe qu’une étude orthophonique française menée par Thibault (1997) sur
l’évaluation de l’efficacité de la rééducation du comportement neuromusculaire de la région oro-faciale.
Il existe par contre quelques études en langue anglaise dont celle de Benkert (1997).
L’étude de Thibault porte sur 54 patients (36 filles et 18 garçons) de 8 à 13 ans qui ont suivi une rééducation
de la déglutition : 17 enfants présentent une récidive de la rééducation orthophonique, 8 une récidive
partielle (une position basse de la langue associée à une respiration buccale, une déglutition secondaire) et
9 une récidive totale (posture basse de repos, respiration buccale et déglutition primaire). L’échec de la
rééducation serait dû à l’immaturité associée à une absence de motivation pour effectuer les exercices
demandés. Cette constatation viendrait confirmer qu’il est préférable d’entreprendre une rééducation après
l’âge de 11 ans. Cependant, l’auteur propose de considérer la rééducation neuromusculaire comme un facteur
de maturation chez l’enfant et donc de ne pas négliger la prévention Il est conseillé de travailler plus spéci-
fiquement les possibilités perceptivo-motrices des patients pour aider à la correction du geste de déglutition et
éviter les récidives.
La déglutition et la phonation seraient influencées par les comportements ventilatoires. Une déglutition
dysfonctionnelle sans trouble associé est plus facile à rééduquer. Ceci conforte l’idée de marqueurs spécifiques
des dysfonctions linguales toutefois cela demanderait à être confirmé sur des cohortes plus larges de patients
et il faudrait entreprendre des études qui prennent en compte l’ensemble des dysfonctions associées.
L’efficacité de la rééducation orthophonique est débattue par les praticiens de l’orthopédie dento-faciale.
Nombreux sont ceux qui pensent que l’automatisation du geste de déglutition peut-être obtenu par un appa-
reillage orthodontique ou par la modification de l’articulé dentaire. Les études sur l’efficacité rééducative sont
plus probantes pour les jeunes adolescents et pour les adultes, le critère de maturation affective est donc
prégnant. Mais cette constatation repose sur peu d’études longitudinales traitant de l’efficacité de la
rééducation. Il apparaît lors de la revue de la littérature qu’il n’y a pas de cadre méthodologique bien défini
pour le bilan et la rééducation des dysfonctions oro-faciales. Les constatations cliniques montrent un impact
de la rééducation sur les fonctions oro-faciales qu’elles soient de l’ordre de la prévention ou de la correction
des praxies bucco-faciales.

VII – CONCLUSION
Les différentes approches rééducatives se recoupent, elles posent toutes implicitement la condition de l’auto-
matisation du geste de déglutition. On peut reprocher qu’elles n’insistent pas plus sur les liens unissant la
rééducation de la déglutition "atypique" à la rééducation des dysphagies, de la phonation, de la voix oeso-
phagienne, ainsi que de la rééducation tubaire. La proximité des cadres de rééducation permettraient de
construire une approche plus globale de l’ensemble de ces troubles et de ces dysfonctions.
Comme toutes démarches cliniques d’évaluation et de rééducation, il faut pouvoir développer une
méthodologie rééducative en fonction de l’évaluation. Les échecs souvent évoqués lors de la rééducation de
déglutition dysfonctionnelle dépendent d’une compréhension globale du patient, des dysfonctions
oro-faciales et d’un travail pluridisciplinaire.
La rééducation de la déglutition dysfonctionnelle ou atypique est souvent considérée comme une rééducation
mineure. La garantie de résultat dépend de la motivation du sujet mais aussi du thérapeute, Or bien souvent
le travail rééducatif se limite à un travail sur le geste de déglutition en négligeant les préalables à ce geste et à
l’environnement qui le conditionne. Cette rééducation doit s’inscrire dans une compréhension des praxies
bucco-faciales, des praxies corporelles, de la ventilation Elle est sous la dépendance des fonctions de
perception et de l’investissement psychique. La présentation des diverses approches doit pouvoir permettre
une réflexion sur la pratique rééducative en l’adaptant à chacun de nos patients et en développant une
méthodologie qui s’appuie sur le bilan et sur le choix des techniques de rééducation.

55
VIII – ANNEXE

A - PRÉSENTATION CLINIQUE A PROPOS DE 2 CAS DE RÉÉDUCATION


DE LA DÉGLUTITION : Brigitte Personnaz (1991)
Mon propos est de décrire ce que peut-être un suivi rééducatif d’une rééducation de la déglutition. Nous
sommes amenés à voir de plus en plus fréquemment des patients enfants, adolescents ou adultes qui nous sont
adressés par le médecin traitant, l'orthodontiste, le dentiste ou les parents (dans les cas de succion du pouce).
Je souhaite faire partager mon expérience au travers de 2 rééducations d'enfants que tout semblait rapprocher
mais l’une a été couronnée de succès et l'autre fut un échec. Nous essaierons d'en tirer des conclusions
pratiques. Il est bien évident que chaque cas étant "unique", et dans ce mot on trouve "un". Je n'emploie
jamais une seule et même technique de manière rigide mais "pioche", dans celles que je connais, les différents
éléments qui me semblent convenir au "hic et nunc", en gardant bien sûr présent à l'esprit le cheminement à
parcourir pour une réussite de la rééducation.

1 - AGNES
Anamnèse
Cette fillette de 9 ans m'est adressée par son orthodontiste pour un bilan avant un éventuel traitement ortho-
dontique pour une importante béance incisive. L'anamnèse ne montre rien d'anormal, grossesse et
accouchement sans problème, nourrie au biberon, marche et propreté acquises sans difficulté, aucun trouble
des conduites alimentaires. Elle a trois frères aînés, elle est au CM1 qu'elle suit brillamment et elle ne pose
aucun problème en dehors du fait de "sucer son pouce" ce qui contrarie beaucoup ses parents. "Vous
comprenez quand elle était petite on laissait faire, c'était mignon mais maintenant !! et on a beau lui répéter
d'arrêter, lui promettre un cadeau, rien n'y fait"
Pendant tout cet entretien, Agnès restera souriante, attentive à ce qui se dit, les lèvres légèrement entr'ouvertes
avec par moments un appui de la pointe de la langue sur les incisives inférieures. Il existe visiblement une
déglutition atypique.

Tics oraux
La succion du pouce a entraîné un cal sur le pouce droit, (son préféré, celui qui a le meilleur goût), le gauche
n’est utilisé qu’en cas extrême !! Elle ne suce jamais son pouce en classe ni en récré "sauf quand je suis seule et
que mes copains ne veulent pas jouer avec moi, je m'ennuie". En revanche, elle prend son pouce dès qu'elle
est devant la télé, quand elle lit "je comprends mieux quand je suce mon pouce !", pour s'endormir, et dès
qu'elle ne sait pas quoi faire ou qu'elle a du chagrin (et dans ces cas elle serre fort son pingouin en peluche,
seul consolateur qui, lui, comprend tout !)
Position de sommeil
Elle est ventrale, tête tournée de manière à pouvoir sucer son pouce. On retrouve fréquemment de la bave sur
l'oreiller le matin et elle remet systématiquement son pouce en bouche si on le lui enlève dans son sommeil.
Respiration
Elle est mixte, si lors de l'entretien on pouvait noter une respiration buccale avec une légère protrusion
linguale, des examens simples prouvent qu'il s'agit plus d'une mauvaise habitude que d'une impossibilité de
respirer par le nez.
- Si on pince rapidement son nez, la dilatation rapide des narines signe une respiration nasale
- Au miroir de Glatzell, le souffle nasal est tout à fait symétrique et important
- Lors de lecture silencieuse de 3 à 4 minutes, le miroir, placé sous les narines et incliné vers les lèvres, se
couvre de buée du côté nasal.
Agnès sait par ailleurs tout à fait bien se moucher, sa respiration buccale est épisodique, souvent entraînée par
la prise du pouce en bouche.
Examen de la mobilité et de la force des joues
Agnès gonfle sans difficulté ses joues séparément puis ensemble elle fait facilement passer l'air de l'une à

56
l'autre. Elle est tout à fait capable de rapprocher ses joues lorsque je les écarte entre le pouce et l'index, elle
arrive à m'empêcher de les décoller ou de les rapprocher lorsque le guide-langue est introduit dans la face
interne de l'une et l'autre joue. Il n’existe pas de signes de faiblesse de la force jugale. Elle a cependant un peu
de mal à gonfler un ballon de baudruche.
Le volume et la tonicité des masséters restent dans une "normale faible"
Examen des lèvres
On relève un aspect légèrement craquelé de la lèvre inférieure à mettre en relation avec la succion du pouce.
Les freins sont normaux. La mobilité est correcte dans l'exécution des différentes praxies avec cependant une
légère déficience dans le mouvement d'avant en arrière. La force au dynamomètre est de 0,9 (la norme se
situant aux alentours de 2kgs) La position de repos est souvent en légère inocclusion labiale.
Examen de la langue
L’aspect morphologique est normal, aucun signe "festonné" au niveau des bords signant une interposition ou
un appui latéral. Le frein est normal. La mobilité est bonne lors de l'exécution des différents mouvements, le
claquement reste cependant assez peu tonique.
La position de repos est basse avec appui sur la face interne de la lèvre inférieure (voire interposition)
L'examen de l'articulation montre un appui apico-dental des phonèmes t, d, s, z et la répétition de phrases
"Didon dîna, dit-on, du dos dodu d'un dodu dindon "et" ciel ! Si ceci se sait, ses soins sont sans succès"
confirme cette malposition.
Examen de la déglutition
L’observation du visage d’Agnès, lors de sa déglutition, montre une contraction exagérée des lèvres et muscles
faciaux et une interposition linguale, les arcades sont en inocclusion. Le test de la lumière noire montre un
étalement de la substance fluorescente sur toute la partie antérieure de l'apex. Lors de la déglutition des
liquides, la langue vient au contact du verre; la déglutition de gaufrettes laisse de nombreux reliefs sur la
langue, confirmant la déglutition atypique.
Synthèse du bilan :
• Succion du pouce à arrêter avant toute autre prise en charge
• Tonicité des masséters et force labiale à augmenter
• Position de repos à transformer
• Articulation des phonèmes apico-dentaux à améliorer
• Déglutition primaire à rééduquer
La première étape à franchir est l'arrêt de la succion du pouce. En présence de la mère, je m'adresse à Agnès
en essayant de savoir si elle est prête ou non à arrêter. Elle dit avoir fait plusieurs tentatives infructueuses, elle
voudrait essayer à nouveau mais elle ne pense pas y arriver seule. Nous cherchons ensemble les moments où
elle suce son pouce et c'est la plupart du temps à la maison ou en famille. Je fais confirmer à la maman qu'elle
dit souvent à sa fille : "Agnès ton pouce !" Mais que cela n'aboutit pas à grand-chose. Elle en convient tout à
fait ajoutant que le reste de la famille "s'y met aussi" et "ça m'énerve" ajoute Agnès. Glace à l'appui,
j'explique à ma jeune patiente les inconvénients de ce tic oral, insistant sur le fait qu'un arrêt permettrait sans
doute d'éviter un traitement orthodontique et une plus ample déformation dentaire. Nous décidons ensemble
que plus personne ne fera de réflexion à Agnès à propos de son pouce (sourire enchanteur de l'intéressée). Je
m'engage à l'aider si elle le désire. Il n'est pas question de me donner une réponse maintenant, une telle
décision mérite réflexion. Nous convenons qu'elle me préviendra dés qu’elle se sentira prête à ce sevrage. Dès
la fin de la semaine Agnès me téléphone me demandant un rendez-vous.

◆ La prise en charge de la succion du pouce


Nous nous revoyons. Agnès est très étonnée des efforts familiaux pour se taire à son égard et elle est prête à
essayer le programme que nous allons mettre au point. Tout d'abord :
• tenir un calendrier qu'elle aura fabriqué et sur lequel elle indiquera chaque jour son succès à l'aide
d'un code de son choix (signature, croix, dessin, gommette, etc.)
• mettre sur son avant bras une longue chaussette fine (ce qui est plus agréable et moins gênant qu’un
bandage) lors des moments propices à la succion. Ainsi on ne regarde plus la télévision, on ne lit plus

57
sans la chaussette qu'on enfile par ailleurs dès la mise au lit. Agnès prévoit déjà celle qu'elle va
"emprunter " à son père !
• se téléphoner régulièrement pour faire le point.
Je lui remets alors ma carte de visite et m'insurge contre la mère qui tend la main pour la prendre et la mettre
dans son sac ! Nous faisons ensemble un projet de calendrier afin de m'assurer que tout est compris et
prenons rendez-vous pour la semaine suivante.
J2 : on se téléphone tout va bien après un moment un peu difficile pour s'endormir, elle s'est réveillée le
matin avec le gant. Pour être sûre de ne pas sucer son pouce devant la T.V, elle a placé, sous la télécommande,
une chaussette prête à être enfilée.
J5 : un appel un peu moins concluant. La nuit dernière elle s'est réveillée le pouce en bouche et "c'est
vraiment un peu dur". Nous en parlons longuement. Je lui explique que cela me paraît normal de ne pas
réussir du premier coup, cela ne remet pas en question le succès à venir
J7 : on se revoit, le calendrier est parfaitement tenu : seules 2 cases de nuit sont cochées, il n’y a donc eu que
deux échecs nocturnes. Agnès est très fière du résultat. Nous convenons de nous rappeler dans le courant de la
semaine. Nous continuons ce type de prise en charge durant 3 semaines. La confiance tripartite parents, enfant,
soignant, est évidente. Plus d'accident, nous pouvons alors passer à la deuxième partie du programme : la
rééducation de la déglutition proprement dite.

◆ Rééducation de la déglutition
1° séance
Nous travaillerons la position de repos des lèvres, la prise de conscience de points de repères intrabuccaux avec
la langue.
Les lèvres : il est important de prendre l'habitude d'avoir les lèvres fermées. Pour ce faire je propose parmi
différents exercices les deux suivants :
• 1 - Exercice de la tirelire. Je demande à Agnès de garder entre les lèvres un abaisse-langue de chaque côté
duquel on colle une pièce de 10 centimes et ce durant 5 minutes par jour. Chaque semaine nous aug-
menterons le temps et le poids (en ajoutant des pièces au fur et à mesure). A la fin de la prise en charge
la cagnotte lui reviendra. Elle me demande alors si on ne pouvait pas mettre des pièces de 2 euros !
• 2 - La guerre des boutons : un bouton plat de 20 mm est fixé à chaque extrémité d'une cordelette de
20cm environ. Chacun introduit le bouton derrière les lèvres et au signal donné on tire jusqu'à ce
qu'un des candidats lâche prise. Nous commençons par un match en 10 points (fou rire assuré !). Le
score des matches quotidiens devra être inscrit sur le calendrier hebdomadaire.
La langue : il s'agit de prendre conscience de différents repères buccaux. Agnès ferme les yeux et doit le plus
vite possible positionner l'apex à l'endroit que j'aurai touché à l'aide d'un guide-langue à bout arrondi.
Durant les premiers essais la position sera peu précise, le temps de latence est important. On note un
tremblement important de l'apex mais tout rentre assez vite dans l'ordre. Les exercices proposés sont :
• 3 - Placer le plus vite possible l'apex sur la papille incisive et ce 10 fois de suite (à faire 2 fois par jour)
• 4 - Coller l'apex sur la papille et ouvrir et fermer la bouche doucement et le plus grand possible sans
décoller. A faire 2 fois par jour 10 fois de suite.
Agnès devra par ailleurs trouver "un truc" qui servira de pense-bête pour avoir sa langue en haut. Nous
évoquons ensemble diverses possibilités (scotch rouge au bout de ses crayons ou stylos, dessins divers et
variés, gommettes collées, montre changée de poignet etc.), à elle de choisir.
Nous nous quittons en ayant ébauché l'esquisse du calendrier à remplir quotidiennement, à me rapporter à la
séance suivante
2°séance
Nous examinons ensemble le calendrier très bien tenu (gommettes de différentes couleurs) : 2 matches n'ont
pas été honorés "mes parents sortaient et n'ont pas eu le temps". Un morceau de scotch rouge entoure son
stylo pour penser à sa langue à l'école et elle a changé sa montre de bras "pour y penser en plus". Un grand

58
dessin représentant une bouche, orne la porte de sa chambre. Elle a mis l'abaisse-langue devant la télévision
pour y penser à chaque fois et du coup le garde plus longtemps que ce qui est demandé. Nous vérifions la
force labiale qui est passée de 0,8 à 1,8 kg à sa grande joie.
• 5 - Position de repos. On augmente le temps :10 minutes par jour. On place un élastique ortho-
dontique sur l'apex qui vient se positionner sur la papille incisive et il doit y rester d'abord quelques
minutes puis Agnès doit arriver à le tenir 10 minutes. Exercice à faire en même temps que celui de la
tirelire. (exercice 1)
• 6 - Mobilité labiale : attacher un sucre, un bonbon ou tout autre petit objet au bout d'une ficelle à
rôti et penchée en avant, les mains derrière le dos le faire monter uniquement à l'aide de mouvements
labiaux. Poursuivre en augmentant le poids (5 à 6 montées par jour)
• 7 - Position haute de la langue : placer un cube de 2 cm environ entre les incisives et parler ainsi ou
lire un texte en étant attentif à placer l'apex en haut (notre conversation dans cette position fut
empreinte d'un certain nombre de fous rires). Coller la langue sur la papille incisive et parler ou lire à
haute voix sans la décoller (1/2 page par jour)
La déglutition : il s'agit d'empêcher toute propulsion linguale contre les dents et les lèvres. Nous préparons
l'occlusion molaire en créant un geste, un mouvement de succion active, dans l'acte de déglutition.
• 8- Je pose un élastique orthodontique sur le bout de la langue d'Agnès, lui demande de le positionner
sur la papille incisive, de serrer les dents du fond, de garder les lèvres entr'ouvertes et d'avaler en
faisant du bruit "slurp".On vérifie ensuite devant une glace que l'élastique n'a pas bougé.
Après l'avoir assuré qu'elle ne risquait rien au cas où elle l'avalerait, elle se lance. Plusieurs essais sont
nécessaires avant une réussite parfaite.
Nous procédons alors à l'ébauche du calendrier à tenir en fonction de la feuille d'exercices donnés :
L’exercice 5 : 1 fois par jour.
Le 6 : 6 montées par jour
Le 7 : 1 fois par jour des 2 manières
Le 8 : 6 fois de suite 2 fois par
Le 2 : matches un jour sur deux
3° séance
Le calendrier est parfaitement rempli à l'aide de points colorés, la force labiale a encore augmenté (2kgs) et le
système du "pense-bête" est assez efficace. Quand elle y prête attention elle s'aperçoit que sa langue est le plus
souvent déjà en position haute. On augmente le temps de la position de repos (15minutes) et nous abordons
l'étape suivante : le renforcement des muscles antérieurs, la mise en position de la région médiane de la langue
et le renforcement de l'occlusion molaire.
• 9 - Exercices de claquements de 2 types
- Claquements mobiles : coller l'apex sur la papille incisive, "aspirer" fortement la peau du palais, la
bouche étant grande ouverte, compter jusqu'à 5 dans cette position et envoyer brusquement la
langue au fond du palais en émettant un claquement sonore.
Il faudra à Agnès beaucoup d'essais avant d'y arriver. Nous apprécions à chaque fois la sonorité
obtenue à l'aide d'une note de 0 à 5
- Claquement type bouchon de champagne : coller la partie médiane de la langue au niveau du palais,
aspirer fortement les bords marginaux assurant l'étanchéité totale et tirer brusquement la mandibule
vers le bas ce qui fait lâcher la pression, provoquant un bruit rappelant celui du bouchon de
champagne qui saute.
• 10 - Exercice pour renforcer l'occlusion molaire : prendre d'abord conscience qu'en fermant fort les
dents du fond, on sent "une boule "de chaque côté (les masséters) et que les siens sont beaucoup
moins importants que les miens. Puis en contrôlant à l'aide de ses doigts afin que la pression ne lâche
pas, on compte mentalement jusqu'à 10. Garder ensuite cette position et dire le plus fort possible le
son "t" sans que rien ne bouge.
Je lui propose alors de mâcher un chewing-gum par jour uniquement avec les dents du fond (ce qu’elle
accepte avec joie !)

59
• 11- Exercice dit du "tcha": Quand la langue se met en place pour dire vigoureusement "tcha, tchou,
tché", son tiers antérieur est dans l'exacte position nécessaire pour avaler correctement. Je prends
alors une bougie allumée, la flamme étant un peu au-dessous du niveau de la bouche parce que les
incisives ont tendance à infléchir le jet d'air vers le bas, il faut en émettant le son "tcha" arriver à
l'éteindre.
Au début Agnès n'arrivera qu'à faire vaciller la flamme, le son n'étant pas émis suffisamment vigoureusement.
• 12- Exercice dit "des 2 élastiques" visant à mettre en place, de façon précise, le tiers antérieur de la
langue. On met un élastique sur la pointe de la langue, un autre à l'union du tiers antérieur et du
tiers moyen. Il faut monter la pointe de la langue sur la papille incisive, coller le deuxième élastique
au palais, serrer les dents du fond, garder les lèvres entr'ouvertes et avaler avant de vérifier devant la
glace que rien n'a bougé. Cela indique que la langue n'a pas exercé de mouvement de poussée
anormale.
Comme toujours nous ébauchons ensemble le calendrier hebdomadaire :
L’exercice 1 : 1 fois par jour. Agnès me dit pouvoir actuellement regarder la télévision sans problème avec
l'abaisse-langue et ses 3 F et l'élastique
Le 9 : 6 de chaque 1 fois par jour
Le 10 : 6 de chaque 1 fois par jour
Le 12 : 6 fois de suite 2 fois par jour
4° séance
Le calendrier comporte quelques absences de croix mais reste tout à fait acceptable. Tous les exercices sont
parfaitement exécutés. Nous abordons la séance la plus difficile et je rassure ma patiente en le lui disant. Il
s'agit de repositionner la partie postérieure de la langue.
• 13 - Gargarismes. Sans problème pour Agnès. On complique un peu en restant tête en arrière, bouche
grande ouverte, et en avalant une gorgée après le gargarisme. Elle s'étrangle la première fois mais y
arrive bien par la suite.
• 14 - Placer trois doigts (tenus verticalement à l'aide d'un guide-langue) dans la bouche puis dire fort
le son "k" et ensuite avaler le plus vite possible. Les premiers essais sont infructueux mais, à l'aide
d'une seringue, j'envoie un peu d'eau dans la bouche, ce qui facilite les choses et met en place le
mouvement.
• 15 - Bouche grande ouverte, faire le bruit du pistolet le plus fort possible "k, k, k" puis prononcer
une succession de "ak, ak, ak "en gardant la bouche ouverte. Placer les mains à la base du cou et
contracter en reculant brusquement la langue.
On propose une nouvelle organisation du calendrier hebdomadaire :
L’exercice 1 : le temps de repos et le nombre de pièces augmente et la position de repos est de 20 minutes par
jour. Agnès a à lire un livre pour l'école et propose de le faire avec l'abaisse- langue et l'élastique
Le 13 : gargarisme et déglutition à chaque fois qu'elle se lave les dents (je sais qu'elle le fait très régulièrement)
Le 14 : 2 fois par jour 4 fois de suite
Le 15 : chaque exercice 5 fois, 2 fois par jour
5° séance
Les trous du calendrier se trouvent à l'exercice du "k" qu’Agnès trouve trop dur. Elle arrive cependant assez
bien à l'exécuter ici. Nous le reprogrammons donc pour la semaine à venir. Par ailleurs la langue est en bonne
position à chaque fois qu'elle y pense et la maman constate qu'elle n'est quasiment plus la bouche ouverte.
Cette étape est beaucoup plus facile et moins contraignante au niveau des exercices. Il s'agit d'automatiser
l'acte complet de la déglutition :
• 16 - Avaler de la nouvelle manière 5 fois avant et après chaque repas.
Nous cherchons ensemble comment ne pas oublier le pense-bête sur le rond de serviette. Agnès propose que
toute la famille le fasse avec elle autour de la table.
• 17 - Apprentissage de la déglutition des liquides : la cage à eau. Il faut
prendre une petite gorgée d'eau, la maintenir sur la face dorsale de la langue par aspiration bouche ouverte,

60
tête en bas compter doucement jusqu'à 3 et avaler.
Nous nous mettons au-dessus de la poubelle ce qui évite d'être inondée si la pression lâche ! A faire 2 fois
par jour 5 fois de suite.
6°séance
Agnès me propose de recevoir son père qui n'arrive pas à avaler correctement ! L'exercice du "k" est tout à fait
au point et le calendrier sans trous. Il s'agit maintenant d'automatiser la déglutition des liquides.
• 18 - Boire avec attention : c’est à dire appliquer le nouveau geste de déglutition sur les 5 premières
déglutitions pour tous les liquides.
• 19 - Renforcement du fonctionnement du voile. On demande d’ouvrir la bouche et de provoquer des
mouvements volontaires du voile de bas en haut en baillant largement devant une glace afin
d’observer les mouvements du voile. Refaire l’exercice des contractions du cou.
• 20 - Apprentissage de la déglutition des solides. On demande de mordre une bouchée de gaufrette, de
la mâcher longuement puis de ramener le bol alimentaire en collant la langue en haut. Serrer les dents
du fond, garder les lèvres entr'ouvertes, avaler et vérifier devant une glace qu'il ne reste pas de relief
confirmant que la déglutition a été efficace. 2 gaufrettes par jour.
7°séance
Automatisation des comportements appris
• 21 - Prendre un semi-liquide par jour (yaourt, crème etc.) et l'avaler de la nouvelle manière
• 22 - Avaler les 5 premières bouchées de tous les plats de la nouvelle manière.
• 23 - Le soir, avant de s'endormir, se parler les étapes de la déglutition (mettre la langue en haut, serrer
les dents du fond, avaler) et ceci 5 fois en vérifiant que tout se passe bien. Penser à repositionner sa
langue en cas de réveil.
Je lui raconte qu'aux U S A ou au Canada, on demande aux parents de réveiller les enfants la nuit pour leur
demander où est leur langue et les faire avaler, ce qui l'horrifie !
• 24 - Tous les matins au réveil : "où est ma langue" ?
• 25 - Lire tous les jours à voix haute en s'arrêtant à chaque point pour avaler (variante à chaque mot
commençant par "d" comme déglutition)
Les vacances scolaires différent le rendez vous suivant, nous nous retrouvons après 3 semaines d'interruption.
Nous vérifions toutes les étapes et l'observation, au cours de notre conversation, atteste d'un mécanisme par-
faitement efficace et automatisé. Nouveau rendez-vous 1 mois puis 3 mois après, on note une diminution de
la béance incisive, une amélioration occlusale et fonctionnelle est constatée par l'orthodontiste qui ne juge
plus nécessaire d'intervenir. Le nouveau bilan montre que toutes les difficultés mises en évidence lors de notre
première rencontre ont disparu.

◆ Conclusion
Ce résultat positif est dû à un ensemble de facteurs. Agnès, adressée au bon moment par son orthodontiste, a
mesuré d'emblée l'impact négatif de la succion du pouce et a apprécié, tout comme sa mère, l'importance de
la rééducation. Il n'est en effet ni juste ni équitable de demander à un enfant de faire quelque chose s'il n'en a
pas compris l'intérêt. Elle a accepté les règles du jeu et elle s'y est parfaitement tenue, encouragée par sa
famille. Elle a tout à fait investi sa rééducation et l'a suivie très régulièrement tant au quotidien qu'à nos
séances hebdomadaires, clés de la réussite.

2 - EMMANUEL
Anamnèse
Ce jeune patient de 9 ans, plutôt grand pour son âge, m'est adressé par son orthodontiste pour un bilan avant
un éventuel traitement orthodontique. Il présente une importante béance incisive. L'anamnèse ne montre
rien de particulier. Il est l'aîné de 3 garçons, il est au CM1 qu'il suit sans aucune difficulté. Il ne pose aucun
problème en famille en dehors du fait de sucer en permanence son index gauche replié dans sa bouche. Il peut

61
même parler ainsi ce qui le rend parfois difficilement compréhensible. Pendant tout l'entretien, Emmanuel
restera impassible, comme si cela ne le concernait pas malgré les stimulations de sa mère et mes encou-
ragements à donner son avis. Il gardera la bouche ouverte, la langue reposant à la lisière de la lèvre inférieure
et venant fréquemment humidifier la lèvre supérieure. Il existe visiblement une déglutition atypique.
Tics oraux
On note une succion de l'index gauche replié en même temps qu'il caresse son menton du pouce. Il arrivera
difficilement à me confirmer les moments et lieux où cela se passe "très souvent car comme c'est l'autre, je
peux écrire en suçant mon doigt mais j'en ai marre que mes copains me traitent de bébé"
Position de sommeil
La mère lève la tête de la revue dans laquelle elle est plongée pour confirmer une position latérale et la
présence de bave sur l'oreiller le matin.
Respiration
Comme dans le cas précédent, les différents tests attestent une respiration mixte.
Examen de la mobilité et de la force des joues
Comme pour Agnès aucune difficulté spécifique. Seuls, le volume et la tonicité des masséters restent
totalement insuffisants.
Examen des lèvres
Elles sont plutôt épaisses en permanences gercées, ce qui le fait souffrir en hiver. Les freins sont normaux, la
mobilité ne pose aucun problème lors de l'exécution des différentes praxies, la force au dynamomètre est de
0,6, et la position de repos est en inocclusion avec interposition linguale quasi-permanente.
Examen de la langue
Aspect morphologique : langue large, hypotonique. Le frein est normal. La mobilité est bonne lors de
l'exécution des différentes praxies, le claquement reste extrêmement mou. La position de repos est basse avec
appui sur la lèvre inférieure
L'examen de l'articulation montre un appui apico-dental des phonèmes "t, d, s, z"
Examen de la déglutition
Comme pour Agnès, la déglutition s'effectue arcades non serrées, avec une contraction exagérée des lèvres et
muscles faciaux, la langue venant au contact des lèvres. Le test de lumière noire montre un étalement de la
substance fluorescente sur toute la partie antérieure de l'apex. Lors de la déglutition des liquides, la langue
vient entourer l'extérieur du verre et la déglutition des solides laisse de nombreux reliefs sur toute la partie
antérieure de l'apex.
Synthèse du bilan :
• Tic de succion à supprimer en priorité
• Tonicité des masséters et force labiale à augmenter
• Tonicité de la langue à moduler
• Articulation des phonèmes apico-dentaux à améliorer
• Déglutition primaire à rééduquer
Je sors de nouveau la mère de sa lecture pour lui reformuler les conclusions du bilan. Nous essayons d'évaluer
la motivation d'Emmanuel pour arrêter de sucer son doigt. La mère semble tout à fait prête à ne plus
intervenir à la stupéfaction de son fils. Je demande de ne plus accepter qu'il s'adresse à eux le doigt dans la
bouche. Après les explications d'usage qu'Emmanuel écoute avec intérêt, nous prenons un rendez-vous télé-
phonique pour décider ou non d'une aide thérapeutique. Cinq jours plus tard, la mère d'Emmanuel me
demande un rendez-vous car son fils est tout à fait d'accord pour qu'on l'aide à arrêter de sucer son doigt. Je
demande alors que ce soit lui qui m'appelle et j’ai beaucoup de mal à expliquer à cette maman que son fils et
elle ne sont pas une seule et même personne. Deux jours plus tard ce petit patient me téléphone et nous
prenons rendez-vous.
1° séance
Nous mettons au point le calendrier, la chaussette, le téléphone, le silence parental. Nous construisons
l'ébauche du calendrier comprenant 3 colonnes à cocher : "nuit", "école", télévision" et nous nous mettons
d'accord sur l'heure de l'appel téléphonique. Emmanuel semble de très bonne volonté sans qu'on puisse parler
d'une motivation personnelle très soutenue, s'il pouvait se passer de sucer son doigt en classe, ce serait bien

62
mais il ne va quand même pas mettre une chaussette à l'école ce serait la honte. Nous cherchons donc
ensemble un ensemble de "pense-bête" qui pourrait l'aider : coller un énorme pouce sur son cahier de texte,
entourer ses crayons ou stylos préférés d'un scotch de couleur, enduire son doigt d'un liquide amer, mettre un
sparadrap comme s'il s'était blessé etc.
J2 : on se téléphone, il n'a pas trouvé de chaussette, sa mère n'a pas eu le temps de lui en acheter mais il doit
en avoir une paire ce soir. Il a essayé de penser à son doigt en classe mais cela n'a guère marché. "Ça serait plus
facile si je suçais l'autre comme ça au moins quand j'écris, je pourrais pas faire les deux à la fois" Nous
convenons qu'il me rappelle dès qu'il a ses chaussettes.
J4 : c'est lui qui m'appelle. Il a le matériel, il a eu beaucoup de mal à s'endormir et il a pu cocher 2 nuits sur
son calendrier. Il pense à mettre la chaussette en regardant la télévision. Je le félicite chaudement.
J6 : cauchemar cette nuit. Il a ôté sa chaussette pour pouvoir se rendormir. Cela va mieux en classe et dans la
journée. Nous convenons d'un rendez-vous.
2° séance
Nous vérifions ensemble le calendrier. La case "télévision" est bien remplie la case "classe" n'a que quelques
trous alors que la case "nuit" est clairsemée ! J'insiste sur tous les éléments positifs et sur les efforts fournis ce
qui le ravit car il avait peur que je le gronde en remarquant toutes les places vides. Nous recherchons ensemble
comment améliorer les performances et je propose l'exercice de la tirelire quand il regarde la télévision. Il
semble ravi à l’idée de se constituer une petite cagnotte en "travaillant ".
J10 : "c'est trop dur de s'endormir sans son doigt" La mère met la chaussette quand il dort mais elle n'y est
plus le matin. En revanche devant la télévision, pas de problème.
3° séance
Le calendrier : il sort de sa poche une feuille arrachée à un cahier, sans colonnes délimitées et presque
entièrement remplie de croix, toutes tracées à l'aide du même crayon. Il avoue très rapidement avoir tout fait
au moment de partir. Nous rediscutons à nouveau du bien fondé de cette prise en charge. Il demande à
continuer et se pose la question de savoir ce qu'on fera par la suite. J'explique la base de la rééducation de la
déglutition et nous essayons un exercice : "langue de chat, langue de rat "il s'agit de laisser la langue plate
au repos bouche ouverte et de la contracter brusquement afin qu'elle devienne longue et pointue. Cela
l'amuse beaucoup. Nous fixons un autre rendez-vous.
4° séance
Il n'a pas son calendrier et d'ailleurs il ne l'a pas rempli. La chaussette sous la télévision a disparu et il n'en a
pas trouvé d'autre. En fait, il n'en a même pas parlé à sa mère, "elle s'en fiche totalement". Renseignements
pris, il semble en effet qu'Emmanuel ne soit pas du tout soutenu en famille dans ses efforts et après une
longue conversation à 3, il avoue ne pas se sentir du tout prêt à fournir les efforts nécessaires. Nous décidons
alors calmement d'arrêter notre prise en charge et d'attendre le moment propice. J'appelle l'orthodontiste
pour la tenir au courant. Elle lui proposera une "cage à langue qu'il refusera rapidement.

6 mois plus tard


Emmanuel me rappelle. Il se sent prêt à revenir car il ne veut ni cage à langue ni "pique- langue". Nous
reprendrons le cours de notre travail qui se soldera alors par une réussite tant sur le plan de la succion des
doigts que sur celui de la déglutition.

◆ En conclusion
L'attitude thérapeutique à adopter lors d'une rééducation myofonctionnelle demande beaucoup de cir-
conspection. Le patient doit être prêt psychiquement et émotionnellement, suffisamment motivé et soutenu
par son entourage pour comprendre la nécessité du traitement et en accepter les contraintes. Il est par ailleurs
indispensable d'arrêter la succion du pouce avant toute autre intervention. Nous avons vu avec Emmanuel
qu'une précipitation thérapeutique était vouée à l'échec et qu'y surseoir fut bénéfique à long terme. La recette

63
de la réussite pourrait se résumer ainsi :
"Prenez un problème neuromusculaire
Extrayez-en un diagnostic précis
Ajoutez une once de technique rigoureuse
Délayez avec une bonne dose de motivation du patient de sa famille et du thérapeute
Saupoudrez de travail régulier
Et le tour est joué"

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Allaux, J.P. (1988). Apprenez à respirer à vos enfants. Paris : Editions Retz.
ANAES. (2002). Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé. Recommandations pour la
Pratique Clinique : Indications de l’orthopédie dento-faciale et dento-maxillo-faciale chez l’enfant et l’adolescent.
Paris : ANAES.
Bassigny, F. (1991). Manuel d’orthopédie dento-faciale, 2éme édition. Paris: Masson.
Barrett, R.H., Hanson, M.L. (1978). Oral myofunctional Disorders. St.Louis: Mosby.
Benkert, K.B. (1997). The Effectiveness of Orofacial Myofunctional Therapy
in Improving Dental Occlusion. International Journal of Orofacial Myology.
Vol. 23, Special Issue.
Bonnafous, F. (2003). La déglutition dysfonctionnelle et sa rééducation. Thèse Chirurgie Dentaire, Université de
Montpellier.
Bonnet, B. (1992). Un appareil de reposturation : l’Enveloppe Linguale Nocturne (ELN). Rev. Orthop. Dento
Faciale, 26, 329-347.
Bouvet, J.M. (1959). Association des anomalies de la déglutition et de la phonation chez l’enfant. Revue de
Stomatologie, 60, 217-222.
Cauhépé, J., Fieux, J., Coutaud, A., Bouvet, J.M. (1955). Le rôle morphogénétique du comportement neuro-
musculaire. Revue de Stomatologie, 56, 535-538.
Cauhépé, J. (1956). Les causes de la morphogenèse, bases de l’orthodontie. Actual odontostomatol, 34, 219-
220.
Château, M. (1993). Orthopédie Dento-faciale : bases fondamentales. Tome 2 : Clinique (diagnostic,
traitement, stabilisation). Paris : CdP.
Chauvois, A., Fournier M., Girardin, F. (1991). Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique.
Vanves: S.I.D.
Cleall, J.F. (1965). Déglutition: A study of form and function. Am J Orthodontics, 51 (8), 566-594.
Couly, G. (1989). La langue, appareil naturel d’orthopédie dento faciale : "pour le meilleur et pour le pire".
Rev Orthop Dento Faciale, 23, 9-17.
Couture, G., Eyoum, I., Martin, F. (1997). Les fonctions de la face : évaluation et rééducation. Isbergues : Ortho
Edition.
Cot, F., et Coll. (1996). La dysphagie oro-pharyngée chez l’adulte. Canada : Maloine, Edisem.
Dahan, J. (1989). Les perturbations linguales dans les déformations maxillaires : aspect nosologique et
concept thérapeutique. Rev Orthop Dento Faciale, 23, 57-63.
Deffez, J.P., Fellus, P., Gerard, C. (1995). Rééducation de la déglutition salivaire. Paris : CdP.
Eyoum, I., Leloup, G. (2002). La déglutition dysfonctionnelle : protocole d’examen. Rééducation
Orthophonique, 40, 147-152.
Fellus, P. (1989). Modifications dynamiques et posturales de la langue : influence sur la croissance faciale. Rev
Orthop Dento Faciale, 23, 69-77.
Ferré, J.C., Fournier, M. (1996). Réadaptation fonctionnelle orofaciale. In Encycl Méd Chir, 23-495-A-10.
Paris : Elsevier.

64
Fieux, J., Coutand, A., Bouvet, J.M., Netter, J.C. (1956). Les muscles. Causes de dysmorphoses et agents de
traitements. Actual Odonto Stomato, 34, 221-240.
Fournier, M., Brulin, F. (1975). Le moment de la rééducation en ODF. Rev Orthop Dento Faciale, 9, 37-43.
Fournier, M. (1991). Introduction à la rééducation. In A., Chauvois, M., Fournier, F., Girardin, (Eds),
Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique. Vanves : S.I.D
Fontenelle, A., Woda, A. (1975). Déglutition. In M., Chateau, Orthopédie Dento Faciale, tome 1. Paris : C.d.P
Garliner, D. (1981). Myofunctional Therapy. Philadelphia : W.B. Saunders Company.
Garliner, D. (1982). The currents status of myofunctional therapy in dental medicine. Int J Orthod, 20 (1),
21-25.
Garliner, D. (1983). Myofunctional Therapy in Dental Practice. Institute for Myofunctional Therapy, 3rd edition.
Florida : Coral Gables.
Girolami-Boulinier, A. (1970). La rééducation de la déglutition. Rééducation orthophonique, 54, 331-342.
Gugino, C., Dus, I. (1998). Unlocking orthodontic malocclusions: an interplay between form and function.
Semin Orthop Med Dent, 4, 246-255.
Hanson, M.L., Barrett, R.H. (1988). Fundamentals of Orofacial Myology. Sprinfield (Illinois) : Charles C.
Thomas Publisher.
Hanson, M.L., Mason, R.M. (2003). Orofacial Myology. International Perspectives. Sprinfield (Illinois) :
Charles C. Thomas Publisher.
Harrus-Révidi, G. (1994). Psychanalyse de la gourmandise. Paris: Payot
IAOM: L’International Association of Orofacial Myology. www.iaom.com.
Labo 2002. Logiciel d’Aide à la passation du Bilan Orthophonique. Isbergues : Ortho Edition.
Langel, C. (1997). La thérapie myothérapie fonctionnelle. Ortho Magazine, 23.
Langel, C. (1998). Rééducation des fonctions linguales. In Les fonctions oro-faciales : Evaluation, traitements et
rééducation. Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie (pp.241-248). Isbergues: Ortho Edition.
Langel, C. (2002). Méthode de rééducation des troubles articulatoires isolés avec les guide-langue de S. Borel-
Maisonny. Paris : Editions Jaquet.
Laude, M., Thilloy, G., Doual-Bisser, A. (1978). La rééducation neuromusculaire en ODF, Contribution aux
corrections des troubles antérieurs mineurs. Orthod Fr, 49, 871-881.
Lederlé, E., Kremer, J.M. (1990). La rééducation tubaire. Isbergues: Ortho Edition.
Leloup, G. (1995). Dysfonctions linguales. In Entretiens d’Orthophonie (pp. 123-130). Paris : Expansion
scientifique française.
Leloup, G. (1995). Déglutitions dysfonctionnelles. In Entretiens d’Orthophonie (pp. 123-130). Paris :
Expansion scientifique française.
Leloup, G. (1998). La langue Outil de rééducation. In Les fonctions oro-faciales : Evaluation, traitements et
rééducation. Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie (pp. 241-248). Isbergues: Ortho Edition.
Louis, P. (1992). Odontologiste et Orthophoniste : une équipe pour le dépistage et le traitement de la
déglutition atypique. Glossa, 32, 26-33.
Margaillan – Fiammengo, L. (1975). La phonétique : un adjuvant de choix pour la correction des tics oraux
archaïques. Actual Odonto Stomatol, 110, 265-274.
Margaillan – Fiammengo, L. (1990). La rééducation fonctionnelle de la déglutition par la méthode phonétique.
Chez l’auteur, 11, rue A-Mari, 06300 Nice.
Maurin, N. (1998). Rééducation de la déglutition et des autres fonctions buccales dans le cadre des dysmorphoses
dentaires. Isbergues: Ortho Edition.
Netter, J.C. (1968). La phonation en ODF. Actual Odonto-stomatol, 44, 545-547.
Netter, J.C, Bernardout, H. (1986). Phonation, odontologie et stomatologie. In Encycl Méd Chir stomatologie,
1-22008-1-10. Paris : Elsevier.
Padovan, B.A.E. (1998). Thérapie Myofonctionnelle Orofaciale –Méthode Padovan. In Les fonctions oro-
faciales : Evaluation, traitements et rééducation. Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie (pp.241-248).
Isbergues : Ortho Edition.
Personnaz, B. (1991). Dysfonctions et rééducation neuro-musculaire. Le journal de l’Edgewise, 24, 99-121.

65
Raberin, M. (1997). Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale. In Encycl Méd Chir, Odontologie,
23-474-B-10. Paris : Elsevier.
Rault-Romette, D. (1976). La rééducation de la phonation doit-elle ou non accompagner la rééducation de la
déglutition ? Rev Orthop Dento Faciale, 10, 541-545.
Rochebloine, M.J. (1968). Rééducation neuromusculaire orofaciale par des moyens orthophoniques. Orthod
Fr, 39, 281-291.
Romette, D. (1982).Les déglutitions. Orthod Fr, 53, 565-569.
Rousseau, M. (1997). Maturité de la déglutition et maturité neuro-musculaire : corrélation ou non ? Rev
Orthop Dento Faciale, 31, 91-97.
Soulet, A. (1989). Rôle de la langue au cours des fonctions oro-faciales. Rev Orthop Dento Faciale, 23, 31-52.
Soulet, A. (1989).Education neuro-musculaire des fonctions oro-faciales. Rev Orthop Dento Faciale, 23, 135-175.
Subtelny, J.D. (1970). Malocclusions, orthodontic, corrections and oro-facial muscles adaptation. Angle
Orthod, 3, 170-201.
Schyns, A. (1990). Une autre expérience … La rééducation de la déglutition par le conte. Questions de
Logopédie, 23, 79-97.
Talmant, J., Rouvre, M., Thibault, J.L., Turpin, P. (1982). Contribution à l’étude des rapports de ventilation
avec la morphogénése cranio-faciale, déductions thérapeutiques concernant l’O.D.F. Orthod fr, 53, 1-128.
Thibault, C. (1997). Efficacité de la rééducation du comportement neuromusculaire de la région oro-faciale.
Glossa, 57, 42-50.
Vernel-Bonneau, F., Thibault, C. (1999). Les fentes faciales. Paris : Masson.
Wauters, F. (1982). Essai d’une meilleure approche neuro-sensorielle des dyspraxies buccales. Th 3°cycle de
logopédie de U.C de Louvain.
Zickefoose, W.E. (1989).Techniques of Oral Myofunctional Therapy. Sacramento (California): O.M.T.
Materials.

66
CHAPITRE III
Rééducation des retards de parole,
des retards de langage oral

"Parler, c'est marcher devant soi"


Raymond Queneau

Françoise COQUET, Orthophoniste


DU Bioacoustique, Surdité de l’enfant, Pathologie de la parole et du langage
Enseignement pour la Recherche et la Formation en Orthophonie
Chargée d’enseignement à l’Institut d’orthophonie Gabriel Decroix de Lille

Avec le concours de Pierre FERRAND, Orthophoniste


DEA Sciences du langage
Ancien chargé d’enseignement à l’Ecole d’Orthophonie de Toulouse
Animateur de formation continue

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

II – CADRE DE RÉFÉRENCE
A – Conceptions théoriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
B – Approches définitoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
C – Perspective ontogénétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
D – Données de l’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
E – Cadre éthique et déontologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
F – Mise en perspective historique de la rééducation du langage oral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
G – L’approche clinique orthophonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
H– La méthodologie de la prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
I – Évaluation des pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
J – Le concept de prévention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
K – La rééducation du retard de parole, du retard de langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
III – PREMIER AXE DE LA RÉÉDUCATION
A – Cadre de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
B – Domaine : phonologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
C – Domaine : lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
D– Domaine : morphosyntaxe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
E – Domaine : discours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
IV – DEUXIÈME AXE DE RÉÉDUCATION
A – Cadre de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
B – Tableau clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
C – Objectifs thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
D – Méthodes et techniques de rééducation envisageables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
E – Exemples d’activités à visée pragmatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
F – Activités d’expression développant les fonctions du langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

V – TROISIÈME AXE DE LA RÉÉDUCATION : DÉMARCHE TRANSVERSALE


A – Cadre théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
B – Tableau clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
C – Objectifs thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
D – Méthodes et techniques de rééducation envisageables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
E – Exemples d’exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

VI – TROISIÈME AXE DE LA RÉÉDUCATION : DÉMARCHE CIBLÉE


A – Cadre théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
B – Tableau clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
C – Objectifs thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
D – Méthodes et techniques de rééducation envisageables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

VII – RECOURS À DES MÉDIATIONS PARTICULIÈRES


A – Contexte clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
B – Objectifs thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
C – Mise en perspective des médiations utilisables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

VIII – RECOURS À DES PROCÉDÉS D’ÉTAYAGE


A – Cadre de référence : la notion d’étayage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
B – Contexte clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
C – Attitdes adoptées par l'orthophoniste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
D – Moyens privilégiés : les stratégies de retour (feed-back) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

IX – IMPLICATION DU MILIEU FAMILIAL


A – Contexte clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
B – Objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
C – Proposition à l’entourage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
D – Moyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
E – "Programmes" d’accompagnement parental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

X – CONCLUSION ............................................................................................................. 113

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................ 113

68
I – INTRODUCTION
"L'objet d'une intervention langagière n'est ni le langage de l'enfant, ni l'enfant lui-même. Notre objectif est
formé par l'ensemble des processus interactifs susceptibles de faciliter chez l'enfant l'acquisition d'une
meilleure communication et d'un code linguistique déterminé" (Monfort et Juarez-Sanchez, 1996).
La décision de mettre en place une rééducation du langage oral est prise en fonction des données du Bilan
Orthophonique. Celui-ci a permis de mettre en évidence des difficultés particulières, des domaines de déficit,
des potentialités chez le patient et de poser un diagnostic orthophonique de retard de parole et/ou de retard
de langage. Une fois le diagnostic posé, il convient d'établir un projet thérapeutique sur des objectifs ciblés.
Pour mener à bien la prise en charge, l'Orthophoniste va s'appuyer sur une démarche clinique réfléchie et
aura besoin d'avoir recours à des outils rééducatifs (méthodes, techniques ou matériel spécifique) sans négliger
la dimension psychoaffective qui sous-tend toute relation.
La présente contribution se propose d'essayer de formaliser une pratique rééducative du retard de parole et du
retard du langage oral.
La notion de retard de parole et/ou langage est d'abord replacée dans un contexte théorique. Les axes
rééducatifs privilégiés pour la rééducation du patient (prise en compte du trouble langagier, amélioration de la
communication, entraînement des aptitudes à l'acquisition du langage écrit) sont détaillés successivement
selon le plan : rappel du tableau clinique, énoncé des objectifs thérapeutiques, inventaire (non exhaustif) à des
méthodes et techniques de rééducation. Ensuite sont abordés le recours à des médiations particulières et les
procédés d'étayage du langage. Enfin, l'implication du milieu familial dans la prise en charge est évoquée.

II – CADRE DE RÉFÉRENCE
Avant d'aborder l'intervention orthophonique chez les sujets présentant un retard de parole, un retard de
langage, il est nécessaire d'évoquer un cadre de référence :
• les conceptions qui décrivent des modèles théoriques de fonctionnement/dysfonctionnement du langage,
• les approches définitoires des troubles,
[l'intervention cible un trouble du langage oral]
• la perspective ontogénétique,
[l'intervention s'adresse dans la grande majorité des cas à des enfants – sujets en devenir]
• les données de l'évaluation préalable,
[l'intervention s'articule sur des objectifs définis suite aux résultats du bilan]
• le cadre éthique et déontologique,
[l'intervention s'inscrit dans un contexte de soin et de santé publique]
• une mise en perspective historique,
• l'approche clinique,
• la méthodologie de prise en charge,
[l'intervention met en présence un thérapeute et son patient],
• l'évaluation des pratiques,
• le concept de prévention.

A – CONCEPTIONS THÉORIQUES
1 - Modèles théoriques
Pour le langage oral, on peut distinguer différentes approches descriptives de modèles de fonctionnement/dys-
fonctionnement du langage. La référence à ces différents modèles permet de mieux comprendre et
appréhender les retards/déficits/troubles du langage oral et leur prise en charge. "Ces modèles illustrent la
valence neuropsychologique des différents aspects de l'instrument langage oral au-delà de sa valence psycho-
affective" (Billard, 2004), et prennent en compte les différentes modalités observables.

69
• Approche linguistique : cette approche s'intéresse aux caractéristiques linguistiques des productions de
surface et définit un état de langue d'un locuteur. Il est décrit un continuum entre une absence de
production (audimutité), des productions déviantes (dysphasie), des productions décalées par rapport à l'âge
(retard de langage), un code restreint (handicap linguistique) et un code élaboré (habiletés linguistiques de
haut niveau) (Ajuriagerra et coll., 1958).
• Approche pragmatique qui envisage les modes de production et de compréhension du langage en situation
de communication et pose la notion de compétence pragmatique : modèle systémiste de la communication
interactive de l'école de Palo Alto (Bateson, 1950), travaux de Mac Tear, 1985, Costerman et Hupet, 1987,
Bernicot, 1992, François, 1993, approche discursive (De Weck, 1996).
• Approche centrée sur la compétence langagière à l’intersection de trois composantes : la forme du langage
(comment dire ? - le langage est un code), le contenu (quoi dire ? - le langage exprime des idées), l’utilisation
(pour quoi dire ? - le langage est utilisé pour communiquer) (modèle tridimensionnel de Bloom et Lahey, 1978).
• Approche modulaire : le langage est le produit de l’intégration de plusieurs sous-systèmes : phonologie, lexique,
morphosyntaxe, discours, pragmatique, auxquels s’ajoute un niveau métalinguistique (Rondal, 1997).
• Approche psychoaffective et relationnelle : le trouble du langage est un symptôme de l'enfant parlant et
communiquant considéré par rapport à son histoire personnelle et familiale (Berges, 1976, Chassagny,
1977, Dubois, 1990 - 1999).
• Approche cognitive qui s'intéresse au fonctionnement d’habiletés spécifiques hiérarchisées au niveau
primaire sensori-moteur, au niveau secondaire gnosique et praxique, au niveau tertiaire des opérations
cognitives : démarche de la neuropsychologie qui prend en compte les aspects anatomo-physiologiques des
aires cérébrales dévolues au langage (Chevrie et Narbonna, 1996).

2 - La boucle du langage
L'évaluation comme la rééducation en langage oral s'appuie sur la connaissance de la fonction langage comme
fonction cognitive.
◆ Schéma

Schéma 1 : La boucle du langage (Coquet, 2004)

70
◆ Description
Réception / Compréhension
C'est la capacité à accéder à la signification du message. Cela suppose l'intégrité des organes sensoriels et du
système nerveux central, une organisation de la personnalité et un développement psychoaffectif et relationnel
satisfaisants et des capacités :
• d'attention,
• de perception et de reconnaissance,
• de mémoire,
• d'interprétation et d'abstraction.
Accéder au sens suppose la connaissance de la langue utilisée et une interprétation du contexte, de la relation
entre les interlocuteurs et des mimiques et des gestes qui accompagnent le message linguistique.

Production/Expression
C'est ce qui est produit en utilisant différentes modalités corporelles et gestuelles, vocales et verbales ou
graphiques. Cela suppose une intégrité du système nerveux central et des organes effecteurs, une organisation
de la personnalité et un développement psychoaffectif et relationnel satisfaisant et dépend :
• d'une organisation logique et cognitive,
• de la mémoire et de l'attention,
• des capacités motrices.
Le message produit subit des contraintes liées à la langue utilisée et au contexte d'expression.

Architecture à 3 niveaux d'organisation


• Entrées : module de perception (visuelle, auditive, kinesthésique),
• Traitement : fonctions supérieures (sémantique, mémoire, attention, cognitif),
• Sorties : module de sortie (productions orales, écrites, motrices).

- Audition du signal de parole :


Les caractéristiques acoustiques (hauteur, intensité, timbre…) du message sont perçues par l’oreille
et transformées en signaux bioélectriques qui sont traités par le cerveau.
[En parallèle, des composantes visuelles sont perçues : images labiales, mimiques, gestualité de
l'interlocuteur, caractéristiques de l'environnement].
- Gnosies phonétiques
Elles sont sous la dépendance d’un système multi sensoriel qui permet de reconnaître et de se
représenter les sons de la parole (différenciés des bruits) ; ceux-ci sont triés selon leurs caracté-
ristiques phonétiques. Les composantes prosodiques (rythme, intonation, mélodie, durées, accents)
sont décodées partiellement. [Les composantes visuelles sont identifiées également].
- Analyse auditivo phonétique
Elle permet le décodage et la reconnaissance des différents phonèmes, de leurs groupements et leur
succession, ce qui active une "représentation phonologique" des formes sonores localisées et
identifiées.
- Accès lexical
A ce niveau, il y a identification d’une suite de phonèmes correspondant à un mot et activation
d’une "entrée lexicale" parmi les mots contenus dans le lexique mental.
- Décodage des relations morphosyntaxiques
Les marques morphologiques (terminaisons des mots, mots outils comme les prépositions et les
locutions, classes de mots…) et l’ordre des mots dans la phrase sont identifiés.

71
- Traitement sémantique
Le système sémantique permet un traitement au niveau supérieur qui intègre toutes les composantes
(lexique, morphosyntaxe, prosodie) et permet une mise en réseau des connaissances, un accès au sens
comme la mise en place et le maniement des concepts et des idées.
- Traitement pragmatique
La pragmatique désigne la dimension instrumentale et sociale de langage qui recouvre les intentions
de communication, le choix ou la prise en compte des informations, leur mise en rapport avec le
contexte, les interlocuteurs, le thème de l’échange.
- Sélection lexicale
En fonction des données sémantiques à transmettre, il y a choix de mots dans le lexique mental.
- Formulation et programmation morphosyntaxique
Il faut un agencement et une sériation de mots choisis et la mise d’indices selon les caractéristiques
morphosyntaxiques de la langue.
- Programmation phonologique
Pour déterminer la forme sonore du message, il faut choisir des phonèmes (ce qui suppose d’activer
leurs caractéristiques spécifiques) et prévoir leur agencement en syllabes, en mots, en groupes de
mots. Les indices prosodiques sont codés.
- Praxies phonétiques
Sous la dépendance d’un système permettant la coordination des mouvements, il y a mise en place
d’un schéma de programmation motrice pour la réalisation phonétique et l’articulation et d'un
schéma de programmation motrice pour la production vocale et la prosodie.
[Des programmations sont activées en parallèle pour la réalisation des gestes et mimiques faciales qui
vont doubler la verbalisation].
- Production du signal de parole
Le message est produit vocalement et articulé par les organes phonateurs : il a des caractéristiques
acoustiques (timbre, hauteur, intensité,…). Il est accompagné de mimiques, postures et gestes.

B – APPROCHES DÉFINITOIRES
1 - Dans l'espace francophone
Dans l'espace francophone, en héritage des travaux de Ajuriagerra, Borel-Maisonny, et Diatkine (1958),
l'approche des troubles s'inscrit dans une perspective phonétique/linguistique ; à chacune des arti-
culations de la langue correspond un type de trouble :
• première articulation (choix et agencement des mots dans la phrase pour donner une information) : retard
ou trouble du langage,
• deuxième articulation (choix et agencement des phonèmes dans la syllabe et le mot) : retard ou trouble de
parole,
• troisième articulation (phonèmes) : retard ou trouble d'articulation.

Dans le dictionnaire d'orthophonie (Brin et coll., 1997), sont proposées les définitions suivantes :
• Retard de Parole
"Toute altération de la chaîne parlée constatée dans les productions verbales de l'enfant à partir de 4
ans. Peut se manifester par des simplifications de mots semblables à celles qui se rencontrent dans les
productions orales du petit enfant qui commence à parler".
• Retard de Langage
"Apparition retardée ou organisation perturbée de la fonction linguistique au niveau du vocabulaire, de
la structuration syntaxique, de l'utilisation du langage dans la communication. Le langage peut être
atteint dans ses modalités compréhension et expression".

Le retard de parole comme "perturbation de la programmation des phonèmes qui composent un mot"

72
(Coquet, 2004) est distingué du trouble d'articulation (erreur motrice permanente et systématique de
réalisation des phonèmes). Les erreurs rappellent les altérations qui sont normales au cours du développement
mais à un âge où elles auraient dû disparaître et sont sensibles aux procédures de facilitation et d'étayage.
Le retard de langage est "défini par son évolution comme un retard maturatif correspondant aux variations
individuelles les plus extrêmes d'un développement normal" (Coquet, 2004), il est considéré comme un
trouble fonctionnel. Le développement du langage se fait plus tardivement, plus lentement, mais en
respectant les étapes normales du développement. Il est distingué de la dysphasie de développement
considérée comme trouble structurel, sévère et durable. Il aurait un caractère transitoire et serait d'évolution
assez favorable (soit qu'il évolue spontanément, soit qu'il réponde bien aux interventions thérapeutiques et
langagières). Cependant son caractère transitoire ne peut être mis en évidence qu'à posteriori ; chez le sujet
jeune (à 3/4 ans), aucun signe ne permet de savoir de façon précise si le trouble évoluera favorablement ou
non. De plus la récupération de ce retard pourrait n'être qu'illusoire (hypothèse de la récupération illusoire,
Scarborough, 1990) : à long terme, un pourcentage important de sujets continue de présenter des difficultés
de langage (au niveau du langage élaboré) et/ou des difficultés d'apprentissages. Enfin, la composante déficit
des capacités métaphonologiques est prédictive de difficultés d'acquisition du langage écrit.
Le retard de parole et le retard de langage (comme la dysphasie) font partie des troubles spécifiques du
langage oral qui sont distingués :
• des troubles du langage acquis (aphasie de l'enfant),
• des troubles du langage secondaires/associés à une autre pathologie (un déficit sensoriel ou moteur, une
déficience mentale, des anomalies des organes phonatoires, un syndrome génétique, une épilepsie, une
lésion corticale, un trouble envahissant du développement, des carences affectives ou éducatives sévères).

2 - Dans la littérature anglo-saxonne et nord américaine


Dans la littérature anglo-saxonne et nord américaine, on parle de S./L.I. : Speech and/or Language
Impairment (Trouble de la parole et/ou du Langage) pour qualifier globalement les altérations du
langage de l'enfant que ce trouble soit primaire (Spécific) ou secondaire (Secondary).

Le Speech Impairment (Trouble de parole)/Phonological Desorder (Trouble phonologique) regroupe :


• "Delayed Phonological Development/Speech Delay : retard de parole caractérisé par des processus de
simplification (natural phonologic processes) à type d'élision ou de substitution de sons,
• Residual Phonological (Articulation) errors : erreurs résiduelles d'articulation caractérisées par des dis-
torsions dans la réalisation des consonnes" (d'après Schriberg et coll., 1986).

Le Language Impairment (Trouble du langage) se définit comme "désordre global où les différents aspects de
fonctionnement du langage sont altérés : sur le versant expressif, la phonologie, la morphosyntaxe et la
sémantique et sur le versant réceptif, la compréhension" (Bishop et Edmunson, 1987).
Pour cette typologie, comme catégorie incluse ou comme catégorie disjointe selon les auteurs, on parle
également de S.E.L.D. (Slow Expressive Langage Developement) ou Late Talkers (sujets à développement
lent du langage expressif) pour des enfants identifiés très précocement comme présentant un trouble du
langage (moins de 50 mots de vocabulaire actif et absence de phrase par juxtaposition de 2 mots à 2 ans).

Les troubles du langage sont classés sans faire de dichotomie entre retard et déviance :
• pour le DSM-IV en :
- Trouble du langage expressif,
- Trouble du langage mixte expressif – réceptif,
- Trouble phonologique,
• pour la CIM-10 en :
- Trouble spécifique de l'articulation,
- Trouble du langage expressif,
- Trouble du langage réceptif.
73
C – PERSPECTIVE ONTOGÉNÉTIQUE
L'enfant étant un sujet en devenir, il est important de connaître les étapes du développement du
langage oral pour le situer et l'accompagner dans son évolution, déterminer les objectifs à atteindre en
fonction des compétences acquises et de celles restant à acquérir.
De nombreux auteurs ont décrit des stades et des repères de développement (dont Bates - 1994, de Boysson-
Bardies - 1996, Chevrie-Muller - 1999, Kern - 1999, Le Normand - 1986, Rondal – 1998, …).
Il est repris ici de façon synthétique quelques repères de développement (Coquet, 2000) avec en particulier
des âges d'acquisition de compétences langagières pour 90% des enfants notifiés par une astérisque *.
• 0 à 6 semaines
- Dialogue de façon tonique avec l'adulte qui le porte et le manipule
- Reconnaît maman à son odeur, sa voix, son visage.
- Crie dans les situations d’inconfort
- Produit des bruits de succion, soupirs…
• 1 à 4 mois
- Discrimine les contrastes phonétiques de toute langue, est sensible à la prosodie
- Crie et pleure de façon différenciée
- Jase dans les situations de confort : "aœu" "gœu" (* à 4 mois)
- Sourit au visage (6 semaines)
- Met au point un répertoire commun avec l’adulte d’échanges de regards, de mimiques, postures
- Réagit à certaines situations routinières (formats au sens de Bruner) (à partir de 2/3 mois)
• 3 à 8 mois
- Catégorise les voyelles de la langue maternelle (à 6 mois)
- Détecte selon des indices prosodiques les frontières des propositions
- Dialogue vocalement avec l’adulte : "jœ" "am" "wa"
- Est capable d’attention conjointe (son regard suit la direction du regard de l'adulte vers un objet)
• 5 à 10 mois
- Commence à imiter intentionnellement, à produire des gestes symboliques ("au revoir","coucou")
- Donne un objet
- Catégorise les consonnes de la langue maternelle (à 10 mois)
- Détecte la frontière des mots
- Réagit à son prénom (5 mois) et à des mots familiers (à 10 mois)
- Secoue la tête pour refuser (10 mois)
- Babille (redoublement de syllabes de type consonne + voyelle) (* à 10 mois)
• 9 à 12/15 mois
- Est curieux du monde environnant
- Comprend "non" (* à 9 mois), 30 à 40 mots en contexte et quelques mots hors contexte
- Pointe du doigt un objet et produit, pour le nommer, une suite de syllabes que l’adulte identifie
comme un mot
- Utilise "papa" "maman" de façon spécifique (* à 14 mois)
- Utilise un jargon expressif et de nombreux gestes pour communiquer
• 12 à 18/20 mois
- Comprend des consignes avec l'aide du geste et des phrases simples (compréhension de "l'idée" de la
phrase en contexte), une centaine de mots (* à 16 mois)
- Jargonne de façon mélodique avec des mots de sa langue maternelle
- La structure phonologique des mots est altérée, le paradigme articulatoire consonantique est restreint
- Produit un "mot phrase"
• 18 mois à 2 ans
- Comprend des phrases à partir de l'ordre syntaxique des mots si le contexte, la sémantique et la
prosodie sont en cohérence (entre 20 et 24 mois)
- Exécute des ordres simples

74
- Apprend 4 à 10 mots par jour, utilise une cinquantaine de mots (* vers 20/24 mois)
- Le paradigme articulatoire consonantique est maîtrisé progressivement
- Juxtapose 2 mots pour faire les premières phrases (* à 23 mois)
• 2 à 3 ans
- Comprend de plus en plus de mots et des phrases complexes
- Accède progressivement à la compréhension morphosyntaxique individualisée par rapport aux
aspects sémantique et prosodique
- Précise son articulation et organise sa parole
- Utilise plus d'une centaine de mots (* à 30 mois) dont des mots grammaticaux
- Grammaticalise ses phrases (* phrases de 2 mots dont un verbe à 24 mois, * phrases de 3 mots dont
un verbe à 27 mois)
- Dit "je" (à 3 ans)
• 3 à 4 ans
- Est un acteur de la communication à part entière, pose des questions ("où ?","comment ?", "pourquoi ?")
- Sait articuler tous les sons (sauf [ch], [j] pour 30 % des enfants)
- La parole est intelligible (* à 4 ans)
- Comprend 1000 mots en utilise plus de 500
- Fait des phrases de type Sujet + Verbe + Complément qui se complexifient
• 4 à 6 ans
- Met en place des compétences de base dans de nombreux domaines
- Maîtrise son articulation et sa parole
- Dispose d'un lexique développé et structuré (1500 mots à 4 ans – 10 000 mots à 6 ans), a acquis les
principaux morphèmes grammaticaux (pronoms personnels et possessifs, prépositions de lieu, de
temps et de moyen, articles),
- Utilise correctement les flexions nominales et verbales dans la phrase
- Organise ses phrases en récit (à partir de 5 ans)
- Adapte son langage à la situation, à l’interlocuteur
- Respecte les règles conversationnelles
• 6 à 8 ans
- Fait des apprentissages liés à l’écrit
- Maîtrise des compétences métaphonologiques
- Fait des phrases longues et complexes avec enchâssement propositionnel
- Utilise toutes les fonctions du langage
• 8 à 10-11 ans
- Est au stade de la pensée opératoire concrète
- Développe des compétences métalinguistiques
- Maîtrise les différents types de discours
- Tient compte de l’interlocuteur et de la situation
• 10-11 à 14 ans
- Développe une pensée hypothétique et déductive
- Peut argumenter

D – DONNÉES DE L'ÉVALUATION
Une intervention rééducative/thérapeutique ne peut être proposée que suite à une évaluation précise et
rigoureuse qui comprend un entretien d'anamnèse, une observation des comportements et des stratégies de
communication, de langage et d'apprentissage, une évaluation à l'aide d'outils rigoureux si possibles normés,
un recueil des productions de surface. Les éléments recueillis et analysés permettent de poser un diagnostic et
de définir des axes thérapeutiques de prise en charge.
La démarche de Bilan Orthophonique ayant été exposée dans d'autres communications (Ferrand et Tréanton,

75
1983, Coquet, 2002), il n'est présenté ici sous forme de tableau qu'une synthèse des signes cliniques
habituellement rencontrés et décrits dans un contexte de Retard de Parole et/ou de Retard de Langage.

RETARD DE PAROLE RETARD DE LANGAGE


Antécédents divers en fonction des sujets divers en fonction des sujets
A
N Développement psychomoteur normal normal/immaturité
A Examen neurologique sans particularité sans particularité
M
N homogénéité des différents secteurs
Niveau intellectuel sans particularité psycholinguistiques
N
E Comportement psychologique variable variable
S fonction de la conscience
E Entrée en relation du trouble et de l'attitude Immaturité psychoaffective
de la famille
discrimination auditive à vérifier, discrimination
(rechercher
Entrées auditives auditive à vérifier
des otites moyennes récurrentes)
gnosies pouvant être altérées gnosies à vérifier
discrimination et gnosies
Entrées visuelles visuelles à vérifier dans un
contexte de prématurité
somatognosie globale et somatognosie globale et
Entrées kinésomesthésiques et connaissance du schéma connaissance du schéma
motrices corporel à vérifier corporel à vérifier

Traitement mnésique mémoire de travail : difficultés Mémoire à court terme :


empan réduit
compréhension normale ou subnormale
Traitement linguistique sémantique normal programmation : organisation sémantique
B et syntaxique insuffisante
I Traitement cognitif normal normal
L
A Traitement pragmatique normal moyen
N Traitement métalinguistique difficultés difficultés
Traitement de la composante non
normale normale
verbale
parole :
parole : association fréquente avec un
immaturité, trouble sensible
retard de parole
aux procédures de facilitation
Sorties Production / Expression langage : retard d'acquisition
langage : correct lexique : moyen ou pauvre
(mais association possible avec morphosyntaxe / discours :
un retard de langage) difficultés d'organisation syntaxique,
langage enfantin
praxies gestuelles :
immaturité éventuelle
Sorties Production / Praxies motrices
praxies bucco faciales : praxies bucco faciales :
immaturité éventuelle immaturité éventuelle

PRONOSTIC normalisation "rattrapage" vers 6 ans


(attention aux "récupérations illusoires")

Tableau 2 : tableau clinique du retard de parole et retard de langage (Coquet, 2002 in Rééducation
orthophonique n°212, p 37-38) (Reproduit avec l'autorisation de Rééducation Orthophonique)
76
E – CADRE ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIQUE

1 - La notion de pratique fondée sur des preuves (Evidence Based Practice)


Depuis 1990, les démarches de soin, pour des objectifs d'amélioration de la qualité des soins, d'harmonisation
des prises en charge à l'échelle d'une profession ou d'un pays, doivent tenir compte de Recommandations de
bonne pratique.
Les Recommandations sont une photo de l'état de la pratique à un moment donné, réalisée à partir de la
sélection, de l'analyse et de la synthèse de la littérature scientifique, associées à des niveaux de preuve
(d'efficacité) et des arbres décisionnels, à partir d'un consensus d'experts multidisciplinaires.
Pour le langage oral, L'A.N.A.E.S. (Agence Nationale pour l'Evaluation et l'Accréditation en Santé) a édité en
mai 2001 des recommandations intitulées "L'orthophonie dans les troubles spécifiques du langage oral chez
l'enfant de 3 à 6 ans".

2 - Recommandations de l'A.N.A.E.S.
Il est repris ici un extrait du texte des Recommandations concernant la rééducation.
"Les objectifs de la prise en charge orthophonique chez l'enfant de 3 à 6 ans sont, en fonction de l'âge
et des potentialités de l'enfant, de remédier aux différents aspects déficitaires du langage, d'améliorer la
communication de l'enfant et aussi de faciliter l'acquisition des apprentissages scolaires en particulier
du langage écrit, quand l'enfant entrera à l'école.
• Avant 4 – 5 ans :
- Une prise en charge est nécessaire en cas d'inintelligibilité et/ou d'agrammatisme ou de trouble de la
compréhension.
- La prise en charge comporte différents axes : guidance parentale et/ou rééducation orthophonique de
l'enfant.
• Après 5 ans : la prise en charge orthophonique est toujours nécessaire si le bilan confirme l'existence
d'un trouble spécifique du langage.
Les objectifs et les techniques de rééducation sont précisés et communiqués à l'ensemble des acteurs.
Dans tous les cas les contacts et les interactions entre les parents, le médecin de l'enfant, l'orthophoniste et le
système scolaire doivent toujours être développés.
Les enfants présentant des troubles du langage associés à d'autres troubles neuropsychologiques ou à des
troubles des émotions et du comportement nécessitent des prises en charge multidisciplinaires coordonnées
par un médecin au sein d'une équipe ou d'un réseau spécialisé.
La coordination de tous les acteurs de la prise en charge est particulièrement importante en cas de
répercussion sur l'intégration scolaire et sociale" (ANAES – Recommandations, 2001).

F – MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE DE LA RÉÉDUCATION DU LANGAGE ORAL


Trois personnalités ont jeté les bases de la rééducation orthophonique dans le domaine du langage oral et posé
trois préceptes fondamentaux de ce type d'intervention :
• l'approche plurimodale et multi sensorielle du trouble (S. Borel),
• la prise en compte de la vie psychique du sujet (R. Diatkine),
• le travail à 3 niveaux de fonctionnement : celui du discours, celui de la langue et celui de la pensée
(D. Sadek).
1 - L'héritage de Suzanne Borel-Maisonny
"Les conditions sine qua non de la constitution du langage chez l’enfant peuvent se résumer en trois notions :
• entendre,
• comprendre,
• vouloir dire" (Borel-Maisonny, 1979).

77
"Il s’agit, après une observation minutieuse et attentive de chaque enfant présent avec ses proches, de lui
permettre de franchir, ou à défaut de pallier, la ou les difficultés rencontrées. Le but est de lui permettre
d’exprimer ses pensées, remarques, émotions s’il le désire, mais aussi de lui permettre de se forger un langage
"outil de pensée" personnel à sa mesure" (Koppel, 2004).
Divers moyens sont proposés :
• la "psychorythmique"développant tous les aspects de la sensorialité, le rythme, la motricité, les notions
d'espace et de temps,
• l'exercice des discriminations phonologiques relayés par des représentations schématiques,
• une mise en jeu affective au moyen de sketches et de dessins travaillant l'identité, l'expression des
sentiments, du réel ou de l'imaginaire, du certain ou de l'hypothétique, au service de la construction de la
langue.

Schéma 3 : illustrations et codage de la phrase [Le canard va à la mare, il nage]


S. Borel : L'absence d'expression verbale chez l'enfant, 1979
(Reproduit avec l'autorisation de Rééducation Orthophonique)

2 - L'héritage du Pr René Diatkine


Le Pr Diatkine, psychiatre et psychanalyste, a mené des recherches sur l'acquisition du langage et ses
perturbations et sur le développement psychique de l'enfant qui peut être en butte à des conflits pouvant
générer un désinvestissement des apprentissages, des phobies ou des névroses.
Le trouble du langage doit être replacé dans le contexte familial ou scolaire et par rapport à l'ensemble
de la personnalité du sujet, en ne négligeant pas les peurs, l'anxiété, le sentiment de culpabilité ou de rivalité
qu'il risque d'entraîner. L'orthophoniste doit faire preuve d'une grande tolérance, adopter une attitude
d'écoute ou d'attente active, s'autoriser à avoir recours à des activités médiatrices (les jeux, la musique…), se
comporter en thérapeute. La valeur de l'intervention orthophonique, dans une relation vraie patient/ortho-
phoniste, prend en compte la qualité des moyens techniques utilisés.
"Les processus d'acquisition du langage écrit comme du langage oral nécessitent un désir actif, voire violent,
d'appropriation. Education et thérapeutique doivent mettre l'enfant en état de désirer. Aucune action
extérieure ne peut se substituer à l'activité du sujet, bien qu'il soit souvent nécessaire de débarrasser son
chemin d'obstacles qui l'obstruent (Diatkine, 1990).

3 - L'héritage de Denise Sadek-Khalil


D. Sadek-Khalil s'est intéressée à la psycho-mécanique du langage selon la théorie du linguiste Gustave
Guillaume. Son approche du trouble du langage s'articule sur la prise en compte du système de la

78
langue, en amont du discours, dans toute sa complexité et sa flexibilité ainsi que des modes de fonc-
tionnement de la pensée qui régissent la représentation mentale, la généralisation, la particularisation,
l'analogie, l'inférence, la symbolisation…Des modalités comme l'attention, la mémoire, la représentation
mentale, les capacités cognitives de mise en relation sont à travailler tout autant que les mécanismes de la
langue avant de s'intéresser à l'organisation lexicale et syntaxique du discours.
"Puisque la langue est un être mental qui ne s'incarne que dans les phonèmes, les mots et les phrases, on
conçoit que la décrire correctement, c'est décrire des mouvements de pensée, une mobilisation de l'esprit, du
cinétisme. Les mécanismes qui sous-tendent la langue sont le résultat de cette mobilité. Les aptitudes, les
facultés qui font de l'homme un être parlant sont les modalités de ces mouvements" (Sadek, 1981).

G - L'APPROCHE CLINIQUE ORTHOPHONIQUE


"Centrée sur l’enfant pris dans sa globalité, sujet et acteur de son propre développement, l’approche
clinique a l’ambition d’être la synthèse des diverses approches théoriques et méthodologiques.
Elle suppose aussi que soit pris en compte l’ensemble des paramètres qui favorisent ou gênent la construction
du Langage.
Elle exige enfin que l’intervention orthophonique, conduite dans une relation de sujet en devenir (l’enfant) à
sujet aidant (l’orthophoniste), intègre dans sa programmation la totalité de ces facteurs et leur rôle, dans des
évaluations successives, depuis le Diagnostic jusqu’au Traitement. Le tout, construit, organisé et structuré
dans des échanges permanents et interactifs entre les influences des milieux de vie (le contexte) et le
déploiement de l’histoire personnelle (l'intexte).
L'objectif est de mener l'enfant vers la conquête d'une AUTONOMIE mentale, psychique et affective"
(Ferrand, 2004).

Schéma 4 : Approche clinique (Ferrand, 1990)

79
H – LA MÉTHODOLOGIE DE LA PRISE EN CHARGE
On peut distinguer deux catégories de prises en charge :
• la rééducation individuelle,
• la rééducation en/de groupe,
qui sont :
• soit centrées sur le sujet lui-même,
• soit incluant un accompagnement parental.

Pour les approches centrées sur le sujet, on différencie :


• l'approche rééducative formelle,
• l'approche rééducative fonctionnelle,
• l'approche rééducative psychoaffective et relationnelle.

1 - L' approche rééducative formelle centrée sur le sujet


"L’approche rééducative formelle repose sur un principe d’apprentissage opérant ciblant des niveaux de fonc-
tionnement du langage exercés hors contexte (phonologie, lexique, syntaxe…- dans une conception
modulaire) ou des habiletés spécifiques (après inventaire des processus pathologiques - dans une conception
neuropsychologique)" (Adelé et coll., 2001).
Il est proposé des méthodes/démarches de compensation ou remédiation, un entraînement, à l'aide d'exercices
structuraux pré organisés, systématiques et progressifs ciblant les domaines déficitaires ou des compétences
insuffisantes, au cours d’activités diverses : jeux didactiques ou de société, livre, exercices structuraux avec du
matériel à visée rééducative.
L’orthophoniste choisit un contenu d’apprentissage qui est l’objectif de son intervention, un "contenu lin-
guistique pré - programmé, en dehors de son contexte naturel d'utilisation, (selon la) progression : com-
préhension, répétition, expression induite par un stimulus matériel (souvent de type graphique), généra-
lisation à l'usage courant" (Monfort et Juarez – Sanchez, 1996). Il utilise des procédés comme la désignation,
la dénomination, l’exécution de consignes, la proposition de modèles, le conditionnement, le feed back
correctif.

2 - L'approche rééducative fonctionnelle centrée sur le sujet


L'approche fonctionnelle se fixe des objectifs de communication et d'utilisation du langage et postule que le
langage se construit et se développe dans l'interaction en situation.
Il est proposé des situations (dites éthologiques) de communication au cours d'activités libres ou semi dirigées
(jeux symboliques, graphisme en alternance, échanges autour d'un livre …).
L'orthophoniste développe des interventions langagières naturalistes (alternance du tour de parole, imitation,
modelage par imprégnation, renforcement positif, reformulation, questionnement …).

3 - Les approches psychoaffectives et relationnelles centrées sur le sujet


Cette approche envisage le trouble du langage comme symptôme, le symptôme comme porteur de sens et
comme mode de communication à part entière ; le trouble ne peut être traité que par le biais d'une approche
le reliant au fonctionnement psychique du patient considéré comme "Sujet".
• La Pédagogie relationnelle du Langage (Chassagny, 1977) se propose de résoudre les difficultés de l’enfant
en le laissant mettre en acte et développer ses propres moyens pour s’approprier son corps comme
instrument de communication et manifester son désir de communiquer par des moyens conformes à l’orga-
nisation de la langue.
• La Thérapie du Langage et de la Communication (Dubois et Kuntz, 1999) vise à recevoir la demande du
sujet, l’expression de son symptôme, dans une dimension de communication qui positionne chacun comme

80
sujet. L'orthophoniste définit un contrat thérapeutique qui va permettre au patient d'investir le langage de
façon positive.
• L'approche de F. Estienne (1988) qui s'appuie, entre, autres sur les principes de l'Analyse
Transactionnelle veut permettre au sujet d'élargir son répertoire de comportements et d'en découvrir de
nouveaux qui vont lui permettre de dépasser son trouble.

4 - Approches impliquant le milieu familial


Cette approche considère que les premiers partenaires de l'enfant sont ses parents.
• En France, il est proposé à la famille de collaborer au programme d'intervention proposé et appliqué par
l'orthophoniste (family - allied program). L'accompagnement parental se décline en 3 axes :
- "accompagnement des parents afin de les aider à accepter leur enfant tel qu'il est et à adapter leur
éducation et leurs exigences en fonction des difficultés ou du handicap de l'enfant,
- information sur le développement normal de l'enfant dans tous les domaines et la façon dont ce
développement va se passer pour leur enfant pas à pas,
- conseils sur les attitudes à mettre en place ou les activités à proposer à leur enfant afin de l'aider au
mieux pour son développement" (Brin et coll., 1997).
Cet accompagnement est proposé au cours d'entretiens, à l'aide d'enregistrements audio ou vidéo des
interactions parents/enfants, à partir d'activités interactives modèles.
• Dans les pays anglo-saxons, sont développés des programmes qui ciblent les parents sans intervention
directe sur l'enfant. On distingue les interventions qui "traitent directement la propre interaction familiale
comme base du programme (family - centered program) de celles qui proposent des schémas d'in-
tervention dirigés par un spécialiste mais appliqués par la famille (family - focused program)" (Monfort et
Juarez - Sanchez, 1996).

5 - Les rééducations de groupe


• Dans une approche instrumentale, le groupe fonctionne comme une mini société avec ses règles sociales,
comportementales, de partage de l'expérience et de l'information. En rééducation collective, le sujet va
améliorer ses performances (psychomotrices, linguistiques, pragmatiques, cognitives …) au cours de tâches
réalisées avec ses pairs et développer sa créativité. Les activités proposées visent l'exercice d'une compétence
ou d'une stratégie identifiée comme déficitaire. L'orthophoniste est animateur du groupe.
• Dans une approche psychothérapeutique, le groupe "procure à chaque participant un cadre structurant et
protecteur à l'intérieur duquel il va se donner la permission de vivre une expérience positive du langage et de
la communication qui va lui permettre de prendre en main son problème" (Estienne,1985). La thérapie de
groupe permet à chacun de retrouver la dimension symbolique du langage, trouver du plaisir à com-
muniquer avec l'autre par les mots avec le concours de l'orthophoniste qui endosse le statut de médiateur.

I – EVALUATION DES PRATIQUES


1 - Etudes françaises
"Il existe un grand nombre d'articles décrivant différentes méthodes de rééducation et de prises en charge des
différentes populations d'enfants avec troubles du langage, ou faisant état de revues de la question, ou
exprimant des opinions. Les études évaluant de façon méthodologiquement valable l'efficacité des inter-
ventions comparant différentes méthodes semblent manquer" (ANAES, 2001).
L'évaluation des pratiques est habituellement décrite sous forme d'études de cas.
[Liste non exhaustive des revues : Revue A.N.A.E., GLOSSA, Question de logopédie, Rééducation
Orthophonique …]

81
2 - Etudes non francophones
Dans les pays anglo-saxons ou nord américains, des études transversales ou longitudinales à court terme (sur 6
mois à un an généralement) sont exposées pour des échantillons de population de taille réduite ou moyenne
(il est rarement exposé des études de cohortes) avec ou sans population témoin.
[Pour une revue consulter Law et coll., 1998]
"Des essais randomisés contrôlés montrent l'efficacité du traitement ; toutefois l'efficacité à long terme ne
semble pas établie. Les auteurs distinguent le traitement direct (orthophonie) du traitement indirect
(impliquant les parents). Le premier serait plus efficace dans les troubles de la parole, alors que le second serait
plus efficace dans les troubles réceptifs. Les études utilisant des protocoles expérimentaux applicables aux cas
uniques confirment les effets positifs des interventions. Par ailleurs les données disponibles montrent que
l'effet du traitement se généralise : l'amélioration ne porte pas exclusivement sur les aspects traités, mais peut
avoir dans certains cas un effet positif plus large sur le développement du langage de l'enfant. Toutefois les
effets à long terme de l'intervention restent méconnus" (ANAES, 2002).

J – LE CONCEPT DE PRÉVENTION
1 - Principes de base
Les Troubles Spécifiques du langage oral ont souvent des répercussions importantes sur le comportement et
les apprentissages. Des actions de prévention sont nécessaires pour repérer et prendre en charge précocement
les sujets et éviter une inadaptation scolaire et sociale.
Toute plainte concernant le langage, qu'elle soit formulée par la famille ou un professionnel de l'enfance doit
être prise en compte sans attendre.
Des actions de dépistage à l'aide d'outils validés (Rééducation orthophonique, n° 210, 2000) utilisés par les
orthophonistes, les professionnels de la santé ou les enseignants doivent permettre de repérer les sujets
susceptibles d'être porteurs d'un déficit nécessitant la mise en place d'une évaluation diagnostique puis d'une
action de suivi thérapeutique et/ou pédagogique adaptée.
Des actions d'information sur le développement du langage et ses troubles, sur les façons d'optimiser les
interactions parents/enfants et les étayages langagiers doivent venir relayer les interventions thérapeutiques.

2 - Outils de première intention


Le domaine du langage oral est celui pour lequel la quasi-totalité des outils de première intention (repérage et
dépistage) développés sont disponibles.

82
(* Outils mis au point par des Orthophonistes)

OUTILS CIBLES DESCRIPTIF OBJECTIFS


Les Inventaires Français du Parents Comptes rendus Description du déve-
Développement parentaux loppement communicatif des
Communicatif Enfants de 8 à 30 mois premiers gestes et mots à
l'émergence de la grammaire
(Kern, 2000)
Dialogis 0 _ 4 ans* Médecins de PMI lors des Guide pour l'observation et Repérage des signes d'appel et
consultations de nourrissons le dialogue avec les parents facteurs de risques pour le
développement du langage
(Antheunis Ercolani & Roy, Enfants de 0 à 4 ans et
2003) particulièrement de 0 à 2 ans Optimisation des interactions
parents /enfant
Dépistage et Prévention Enseignants Questionnaire (10 questions) Profil de compétences dans les
Langage à 3 ans : DPL3 * Médecins domaines de la communication,
du graphisme et du langage
(Coquet & Maetz, 1997) Enfants de 3 ans à 3 ans 6 (lexique actif et passif, capacités
mois de réception et de production)

Questionnaire Langage et Enseignants Questionnaire (27 questions) Observation de 10 types


Comportement - 3 ans et d'aptitudes et de
demi comportement (voix, parole,
compréhension et expression
(Chevrie-Muller et coll., Enfants de 3 ans 6 à 4 ans du langage, motricité générale
et manuelle, mémoire,
1994 – 1999) comportement dans le jeu,
dans les activités d'éveil,
dans le groupe, en général)

Protocole d'Evaluation Orthophonistes Epreuves "flash" et analyse de Epreuves explorant les


Rapide : PER 2000 * corpus à partir d'images aptitudes dans le domaine
(Ferrand, 1981 – 2000) Enfant de 3 ans 6 mois séquentielles instrumental hors langage
à 5 ans 6 mois et dans ceux de la
discrimination auditive, du
langage oral et de la parole
Epreuves de Repérage des Médecins lors du bilan de la Epreuves "flash" Passage en revue rapide de la
Troubles du Langage 4ème année voix, du débit, de la parole et
à 4 ans : ERTL4 * du langage
Enfant de 3 ans 9 mois à 4 (vocabulaire topologique
(Roy & Maeder, 1992) ans 3 mois passif et expression)
Epreuves de Repérage des Médecins lors du bilan de Epreuves "flash" 18 épreuves testant les
Troubles du Langage et des l'entrée au cours préparatoire compétences actuellement
Apprentissages à 6 ans : admises comme nécessaires
ERTLA6 * Enfants aux 2ème et 3ème trimest- aux apprentissages
res de Grande Section de mater- fondamentaux (ou les
nelle et au 1er trimestre du CP facilitant)
(Roy et coll., 2002)
Batterie Rapide Médecins Epreuves "flash" Subtests correspondants à 4
d'Evaluation des fonctions Orthophonistes fonctions cognitives (langage
cognitives : BREV Psychologues oral, fonctions non verbales
et exécutives, attention et
(Billard et coll., 2002 Enfants de 4 à 9 ans mémoire, apprentissage du
langage écrit et du calcul)
Bilan de Santé Evaluation Médecins lors du bilan de Epreuves "flash" Evaluation des compétences
Développement pour la l'entrée au cours préparatoire sous-jacentes (langage,
Scolarité 5 à 6 ans : BSEDS traitement de l'information
Enfants aux 2ème et 3ème trimest- visuelle) nécessaires à
res de Grande Section de mater- l'apprentissage de la lecture
(Zorman, 1997)
nelle et au 1er trimestre du CP

83
3 - Bénéfices attendus pour l'intervention thérapeutique
• mieux repérer :
- identifier les signes d'appel et les facteurs de risque,
- disposer d'outils fiables pour repérer les premiers signes,
- mieux orienter vers des examens complémentaires qui permettent la pose d'un diagnostic puis la
mise en place d'un suivi,
• mieux aider et remédier :
- intervenir plus précocement,
- développer un partenariat entre les professionnels qui gravitent autour de l'enfant et ses parents,
- mettre en place un suivi longitudinal,
• mieux comprendre :
- croiser les regards sur les difficultés de l'enfant,
- disposer d'informations sur le développement de l'enfant et sur celui du langage.

K – LA RÉÉDUCATION DU RETARD DE PAROLE, DU RETARD DE LANGAGE


L'évaluation a permis de poser un diagnostic de Retard de parole, de Retard de langage. Une rééducation a été
proposée. Celle-ci s'articule autour d'un projet thérapeutique propre au sujet qui doit avant tout être
souple et modulable et être sous tendu par une relation thérapeutique vraie.

Le projet thérapeutique s'appuie sur des objectifs ciblés et se dégage des priorités. Il est possible de décrire
trois axes d'intervention :
• remédier aux aspects déficitaires du langage,
• améliorer la communication,
• entraîner les fonctions cognitives transversales et les compétences sous jacentes pour faciliter les apprentissages.

L'orthophoniste va "outiller" sa démarche. Il a été fait le choix de présenter les méthodes et techniques de
rééducation ayant fait l'objet d'une édition ou d'une publication dans un ouvrage ou une revue (en langue
française ou traduit de l'anglais). Quand il n'en n'existe pas, des pistes rééducatives issues de la pratique
clinique sont proposées. Pour un descriptif plus précis il est possible de se rapporter à l'ouvrage "Troubles du
langage oral chez l'enfant et l'adolescent : Méthodes et techniques de rééducation" (Coquet, 2004).

III – PREMIER AXE DE LA RÉÉDUCATION


Le premier axe de la prise en charge vise à remédier aux aspects déficitaires du langage. Le projet théra-
peutique peut être construit sur des objectifs établis selon une conception modulaire du langage.

A - CADRE DE RÉFÉRENCE
L'approche modulaire part du principe que "le langage est le produit de l’intégration de plusieurs sous-
systèmes : le sous-système des phonèmes, celui des lexèmes, le sous-système grammatical, c'est-à-dire, au sens
propre, celui de la morphosyntaxe, les régulations pragmatiques et l'organisation discursive auxquels s'ajoute
un niveau métalinguistique" (Rondal, 1999).
Chaque sous-système en fonction d'une modularité fonctionnelle dispose d'une certaine autonomie de déve-
loppement comme de fonctionnement, sans oublier "l'intégration des composantes dans le système général"
(Rondal, 1997).
La rééducation doit cibler la compréhension, la production, les représentations qu'a le sujet de sa parole et de
son langage et les domaines où un retard a été mis en évidence (phonologie, construction du lexique, struc-
turation de la morphosyntaxe, discours, pragmatique et sémantique).

84
B - DOMAINE : PHONOLOGIE
1 - Tableau clinique
Le tableau présenté est celui d'une immaturité phonologique avec des processus de simplification qui
rappellent les altérations normales au cours du développement (jusque 4 ans) :
• processus qui affectent la structure de la syllabe ou du mot (addition, suppression),
• processus qui substituent une classe de sons à une autre,
• processus d'assimilation d'un son à un autre,
• processus d'interversion,
• erreurs de segmentation.
Ces erreurs sont habituellement sensibles aux procédures de facilitation et à l'étayage de l'adulte.

2 - Objectifs thérapeutiques
La rééducation doit proposer des tâches précises et progressives pour développer des compétences pour :
• améliorer la saisie des éléments phonétiques, des structures phonologiques et des indices prosodiques,
• développer la boucle audio phonatoire,
• contrôler les processus phonologiques et améliorer l'intelligibilité.

3 - Méthodes et techniques de rééducation envisageables


(Liste non exhaustive)
On peut décrire différents types d'approches en fonction de l'âge de l'enfant et surtout de la nature des
processus phonologiques d'altération de sa parole, des objectifs visés.

Méthodes et Techniques Références

Objectif : Analyse et traitement des processus phonétiques avec support sensori-moteur


• Démarche analytique qui insiste sur la prise de Approche phonétique
conscience des phonèmes et de la syllabe de "On donne à l'enfant les moyens de mieux analyser
façon multimodale : ce qu'il entend et de mieux le retenir" (Borel, 1973).
- auditive,
- tactile (sensations vibratoires),
- visuelle (orthodiagrammes, schémas du tracé
vibratoire),
- gestuelle (geste de rappel du son),

Orthodiagrammes (Borel, 1979)


(Reproduits avec l'autorisation de
Rééducation Orthophonique)
Elle s'appuie sur un procédé de modelage et
utilise l'imitation et la répétition.

85
• Application de la DNP au travail phonologique : Dynamique Naturelle de la Parole (DNP)
chorégraphie phonétique et traces Il est attaché "la plus grande importance aux
Proposition d'une parole enrichie en privilégiant mouvements générateurs réels de la parole qui étant
- le ressenti (massages, mouvements somatiques amplifiés au corps entier, aident la perception,
globaux agrandissant au corps entier les entraînent l'émission et favorisent considérablement la
mouvements articulatoires), mémorisation" (Dunoyer, 1991).
- la visualisation (traces réalisées à la peinture au
doigt qui sont des projections des mouvements sur
le papier).

Traces des syllabes [ta] et [sa]


Tapé des pouces pour rendre l'occlusive [t] et pression
ondulante de la constrictive [s], traces de la couleur
rouge attribuée au [a]

[utilisable en groupe]
Objectif : Entraînement de processus phonologiques ciblés

• Utilisation des situations de conversation pour Approche socio interactionniste


donner systématiquement un modèle juste (feed courant nord américain dans la perspective du
back correctif), modèle de Bloom et Lahey (1978).
• Entraînement sur des séries de mots sélectionnés
en fonction d'un processus phonologique par-
ticulier à mettre en place,
• Programme parental de renforcement à la maison Programme PACT (Bowen, 2000).
d'habiletés acquises en rééducation.
[par la médiation des parents]

Objectif : Analyse et traitement des processus phonologiques

• Technique des "paires minimales" Technique des paires


Ces techniques font appel au sens du langage et (Weiner, 1981)
proposent des images par paires en opposant des "Il s'agit d'analyser les productions verbales de l'enfant,
mots pour lesquels la mauvaise prononciation d'un de trouver les processus qui régissent celles-ci et
mot de la paire rend celui-ci identique au second d'éliminer les processus simplificateurs qui aboutissent à
mot (poule/boule), en cas d'assourdissement boule une diminution des oppositions contrastives et par le
est prononcé poule ce qui entraîne une désignation fait même à une diminution de l'intelligibilité"
par l'adulte d'image erronée qui doit faire réagir (Morrow-Lettre, 1985).
l'enfant et l'amener à se corriger.
• Technique des "paires maximales" (Gierut, 1989 et Williams, 1993).

86
Objectif : Contrôle sémantique

• Technique des "syllabes sémantisées" Technique des "syllabes sémantisées"


Utilisation du principe du rébus : devant la suite (Young, 1987 - décrit par Benaïs, 2002).
de dessins proposées, l'enfant est amené à évoquer
les structures syllabiques correspondant à chaque
dessin et à les intégrer dans la production du mot
en son entier.

Rébus à partir des "syllabes sémantisées" de [parapluie]

Objectif : Exercices d’entraînement

• Pratique pédagogique proposant des jeux Jeux de parole (Lequeux, 1972).


d'imitation, d'onomatopées, d'assonances et de
rimes, de gymnastique phonétique et articulatoire.
[utilisable en groupe]

C – DOMAINE : LEXIQUE

1 - Tableau clinique
"Le lexique se caractérise généralement par un manque d'étendue, de diversité et de précision. Il n'est pas
décrit de manque du mot. L'acquisition des nouveaux mots est assez lente. La compréhension des concepts
spatio-temporels, de topologie et abstraits pose souvent problème. Les mots sont habituellement utilisés dans
une extension de sens restreinte, en sur généralisation ou en sous généralisation" (Coquet, 2004).

2 - Objectifs thérapeutiques
La rééducation vise à mettre en relation référent/signifié/signifiant et doit proposer un travail du lexique en
termes :
• d'étendue (nombre de mots connus, diversité),
• de précision,
• d'accès,
• de mise en réseaux.

3 - Méthodes et techniques de rééducation


(Liste non exhaustive)
On peut décrire différentes approches en fonction de l'âge du sujet et de ses difficultés particulières, des
objectifs visés.

87
Méthodes et techniques Références

Objectif : Constitution d'un lexique de base

• Technique des mots cibles Programme Hanen (Manolson, 1997)


A partir d'une analyse des comportements de com- Le programme Hanen propose un modèle interactif
munication et de production de l'enfant, sélection d'intervention sur le langage et vise à "former les
de séries de 10 mots cibles (compris mais non parents à faire des interactions verbales qui soient
produits) à insérer de façon répétée dans les contingentes du sujet de conversation de l'enfant, la sti-
interactions. mulation ciblée entraîne en plus les parents à présenter
de manière très concentrée des cibles langagières sélec-
[par la médiation des parents] tionnées" (Girolametto, 2000).

Objectif : Mise en liaison / signifiant / signifié

• "Mise en Forme et Mise en Sens : Parcours de l'Apprenti Parleur


Le bricolage des mots" "L'adulte joue le rôle de prêteur de mots et de prêteur
Jeux interactifs à partir d'objets et d'images, de de liens" (Alves et Gibaru, 2001).
mises en situation pour apprendre à "étiqueter"
(poney), découvrir les "traits sémiques" (a 4 pattes,
mange de l'herbe, on monte sur son dos), mettre en
place les champs lexicaux et sémantiques en
référence au "triangle de la signification".

Référent : poney

Signifiant Signifié
[ poney ] "à 4 pattes, mange
de l'herbe…"
Triangle de la signification

• Mise en place de la stratégie de dénomination à Approche psycholinguistique


des "distances différentes du signifié" en fonction du Il ne s'agit pas d'établir simplement "un rapport entre
point de vue où l'on se place dans une série allant du signifiés et signifiants comparable à une bijection, à
particulier au général (Bobi, chien, animal, être une relation binaire réversible entre les éléments de
vivant). deux ensembles" (…) mais de montrer qu'un mot ne
Activités de classification, de sériation d'objets, de recouvre pas un signifié ponctuel et figé, mais un
classement et de répertoire de mots. champ sémantique, vivant de la vie de la langue, dont
les limites sont fonction de la relation (…), du jeu entre
la forme et le sens" (Sadek, 1982).

88
• Mise en relation schéma phonétique et repré- Dynamique Naturelle de la Parole (DNP)
sentation du référent : Application particulière de (Dunoyer, 1991)
la DNP au travail lexical et sémantique Il est possible de "faire prendre conscience de la
Chorégraphie phonétique pour préciser l'arti- structure sonore du mot et de son appartenance au
culation du mot puis visualisation par une "image lexique de la langue" en associant la reconnaissance et
pulsée du mot" en utilisant les couleurs les plus la mémorisation du schéma phonétique et la repré-
courantes des objets et leur forme habituelle mais sentation du référent signifié par ce schéma phonétique"
en reprenant les pulsions phonétiques guidées par (Prado, 1999).
le mouvement des consonnes.

Image pulsée du mot [chapeau]


(mouvement circulaire pour rendre la sensation de
souffle filtrée du [ch] et dessiner le corps du chapeau,
pichenettes pour rendre l'explosion du [p] et dessiner les
plumes
[utilisable en groupe]
Objectif : Développement du lexique
• Exploitation des jeux de lotos (en modalité Manipulation du lexique
visuelle, en évocation par image mentale sans Il est proposé des situations de "manipulation de la
support visuel) langue (…), de mobilisation du champ lexical (…),
pour dénommer, identifier des propriétés, définir, d'évocation de réseaux sémantiques (…), d'induction à
catégoriser, évoquer, manipuler le lexique. la définition logique (…), de nuancement de l'ex-
[utilisable en groupe] pression" (Estienne, 2001 - 2002).
• Notion de champ notionnel et de Mise en Approche psycholinguistique
réseaux
Jeux à partir d'images ou de mots simples et "Dans une perspective psycholinguistique, les opérations
connus pour construire des réseaux et mettre en mentales qui permettent au sujet parlant de
place les relations de dénomination, de super comprendre le lexique utilisé par ses environnements
ordination, d'association verbale, de relation sur ainsi que les processus cognitifs qui favorisent son déve-
l'axe syntagmatique et paradigmatique, ouvrir les loppement, sont aujourd’hui connues (acquisition,
champs sémantiques (polysémie, champ stockage, extension). Ces divers processus doivent figurer
notionnel, synonymie, antonymie, homonymie) et dans tout projet relatif à l’apprentissage et/ou la
les champs lexicaux (flexion, dérivation). rééducation du langage oral chez l’enfant" (Ferrand,
[utilisable en groupe] 2004).

89
D – DOMAINE : MORPHOSYNTAXE
1 - Tableau clinique
"Le tableau clinique est celui d'une immaturité du système morphosyntaxique avec persistance de formes
archaïques du langage enfantin : différenciation retardée des déterminants, pronoms et termes de relation,
difficulté à employer les flexions verbales, à expanser et complexifier les phrases. Les erreurs sont sensibles aux
processus de facilitation et à l'étayage de l'adulte.
La compréhension est préservée ; cependant l'appréhension fine des énoncés longs et/ou à structure complexe,
des consignes doubles ou triples, des situations de mise en relation pose problème et se développe lentement.
Il existe des difficultés pour différencier précisément les contenus sémantiques comme agent/patient, loca-
lisation, causalité/conséquence" (Coquet, 2004).

2 - Objectifs thérapeutiques
La rééducation doit permettre de développer des compétences pour :
• identifier des mises en relations sémantiques concernant les objets, les personnes, les événements : relations
réflexives (existence, disparition, récurrence), topologiques, d'inclusion, d'analogie/différence, intra classe
(attribution, qualité, quantité), interclasse (temporelle, causale, de conséquence), rapports acteur / action /
objet,
• comprendre et exprimer ces relations à l'aide de morphèmes, de flexions (genre, nombre, personne, temps),
d'une structure syntaxique,
• maîtriser les différents types de phrases (assertive, négative, interrogative) en respectant l'ordre des mots, la
grammaticalisation, l'intonation.

3 - Méthodes et techniques de rééducation envisageables


(Liste non exhaustive)

Méthodes et Techniques Références

Objectif : mise en place des structures de base

En développant avec l'enfant des épisodes d'action Coaction


conjointe (coaction) il est possible de développer la Selon Bruner (1975, 1978), "les catégories fonda-
compétence syntaxique. mentales de la grammaire font l'objet, au cours de la
• la reprise du jeu dans son invariance fixe la période pré verbale, d'une construction progressive qui,
structure de base de l'action (acteur + action + elle-même, a pour cadre essentiel les interactions qui
objet de l'action = Sujet + Verbe + Complément), s'engagent entre le nourrisson et les adultes qui
• la modification des paramètres (changement l'entourent".
d'objet, changement de lieu …) met en évidence
les possibilités de permutation sémantique.

90
Objectif : Modelage par imprégnation
Il est proposé aux parents des modèles d'inte- Approche socio-interactionniste
ractions verbales courant nord américain dans la perspective du
• reprenant et reformulant les propos tenus (refor- modèle de Bloom et Lahey (1988).
mulation),
• proposant des modèles (modelage par
imprégnation),
• présentant de manière très concentrée des cibles
langagières sélectionnées (technique des phrases
cibles).
[par la médiation des parents]
• "L'entraînement orienté par une interaction L'imprégnation syntaxique
adaptée en vue de l'apprentissage du langage" Il convient de proposer à l'enfant "des schèmes créateurs
Exercices structuraux d’appropriation des structures qu'il va utiliser pour élaborer ses hypothèses, bases de
syntaxiques proposées par l'adulte, en situation de son propre système verbal" (Lentin, 1977).
jeu contingentée, selon une progression précise (de
la phrase simple à la phrase complexe).
[utilisable en groupe]
• Etayage L'amorçage syntaxique
qui consiste à proposer au sujet au cours d'une Bock et Loebell, (2000) ont mis en évidence la
activité une structure de phrase modèle qu'il notion de" priming et de persévération d'un patron
peut s'approprier et utiliser à son tour lors d'une structural" qui sert "d'amorçage syntaxique même
situation analogue. lorsqu'il n'y a pas de correspondances lexicales et
sémantiques entre la phrase servant d'amorce et la
phrase amorcée" (Leblanc, Syntaxi-jeux, 2003).
• Exercices structuraux Le programme TRANSPARENT
Banque d'images pour systématiser l'utilisation (développé en Belgique).
d'un morphème ou d'une structure syntaxique
(115 structures grammaticales) à partir de jeux de
désignation, description, lotos, mémory…
Objectif : Visualisation de la structure morphosyntaxique
• Codage par des jetons de couleurs des éléments La méthode des jetons
de la phrase (De Becque et Blot, 1994).
Chaque mot de la phrase est figuré par un jeton.
Le changement de couleur des jetons ou le
changement de forme permet une mise en
évidence des notions catégorielles et des règles de
fonctionnement de la phrase

Codage de la phrase [le chat mange la souris]. Les


jetons gris figurent les mots de la phrase, le jeton rouge
figure le verbe

(Reproduit avec l’autorisation de Orthoédition)

91
• Application de la DNP pour permettre de saisir Dynamique Naturelle de la Parole (DNP)
la structure morphosyntaxique de la phrase à l'aide "La DNP se propose de faire sentir et toucher du bout
de : des doigts le découpage morphosyntaxique de la phrase"
- "mémogrammes" codant les mots lexicaux (petites (Dunoyer, 1991).
touches de couleur dont le nombre correspond au
nombre de syllabes du mot),
- "mimogrammes" codant les morphèmes gram-
maticaux.

Codage de la phrase [maman est dans la maison]


[utilisable en groupe]
Utilisation de pictogrammes Les Idéo-pictos alignés permettent à l'enfant de "voir
Il faut faire correspondre une carte (image ou pic- ce qu'il dit, comment se construit une phrase"
togramme) avec une idée reconnue ou dite et la poser (Chauvin-Taillard, 2000).
sur une trame sémantique/syntaxique de référence.

Codage pictographique de la phrase


[le garçon aime le chat]
Objectif : Entraînement morphosyntaxique

• Utilisation du mime Notion de geste propositionnel


mime d'une phrase simple "qui fait quoi" (Pierre "Par le geste significatif, l'enfant intègre dans son corps
mange une pomme), complexification de la phrase les composantes descriptives de la succession des gestes
en enrichissant le mime (où? Quand? Comment?...). propositionnels, ce qui lui permet d'enrichir et de
[utilisable en groupe] développer son langage" (Ferrand, 1965 - 2004).

• Exercices structuraux de génération de phrases, Exercices de manipulation morphosyntaxique en


de complètement de phrases, de transpositions, modalité orale, "d'élaboration et d'assouplissement du
d'enchâssements … langage" (Estienne, 2001).
[utilisable en groupe]

92
E – DOMAINE : DISCOURS
1- Tableau clinique
"La structuration discursive se trouve décalée. Le discours reste longtemps construit par juxtaposition de
phrases. L'utilisation des processus anaphoriques, des connecteurs temporels et logiques pose problème.
La cohérence et la cohésion du discours produit ne sont pas directement repérables" (Coquet, 2004).
2 - Objectifs thérapeutiques
La rééducation doit permettre de développer des compétences pour :
• appréhender la "chrono- logique" des actions,
• identifier et maîtriser les différents types de discours (conversation, récit, argumentation) et leurs règles
linguistiques,
• utiliser et comprendre les règles de cohésion et de cohérence.

3 - Méthodes et techniques de rééducation envisageables


(Liste non exhaustive)

Méthodes et Techniques Références

Objectif : mise en place des structures de base

• Utilisation du mime Notion de script narratif


Le récit est une séquence progressive de phrases "Ce jeu est fondé sur le schéma narratif ou quinaire
comme le mime est une séquence progressive de décrit par Adam : Situation initiale, Nœud
gestes. déclencheur, Action, Dénouement, Situation finale. Le
Mime, pour être complet et significatif doit reprendre
[utilisable en groupe] le même schéma (…)" (Ferrand, 1965 - 2004).
• Utilisation de jeux de "Mise en forme et Mise Le parcours de l'apprenti parleur
en sens" accompagné par le discours de l'adulte L'enfant organise son expérience et peut la traduire en
pour construire des phrases et construire des mots pour l'autre à travers des scripts qui comme les
histoires. scénarios " comportent des séries d'actions enchaînées,
des lieux, des moments, des objets, des personnages et
des formes linguistiques associées"
(Alvès et Gibaru, 2001).
• Utilisation des histoires en images
Les images séquentielles peuvent être considérées
comme une forme de discours. Elles présentent une
histoire complète dont le message est codé par des
moyens purement graphiques, où l’enchaînement
des actions a un caractère très explicite. On peut
repérer une syntaxe des images qui s’organise pour
former une séquence, un mini récit.

93
IV – DEUXIÈME AXE DE LA RÉÉDUCATION
Le deuxième axe de la rééducation vise à améliorer la communication de l'enfant et à développer ses
habiletés pragmatiques.

A - CADRE DE RÉFÉRENCE
Le langage a une fonction de représentation (de la réalité), une fonction de communication (transmettre des
informations), une fonction d'adaptation estimée en termes de réussite/échec de l'utilisation du langage en
situation de communication (d'après Bernicot, 1992).
L'acte de communication est une interaction mettant en jeu au moins deux individus à un moment donné,
dans un lieu spécifique :
- le locuteur qui émet un message,
- l'interlocuteur qui reçoit le message et a la possibilité d'y répondre.
Le message qui transmet une information sur des faits, des sentiments, des opinions, exprime quelque chose
sur la nature de la relation qui unit les interlocuteurs. Le message du locuteur A qui utilise comme vecteur un
système de codes linguistiques, gestuels, sociaux ne prend sens que par son passage en B et son retour en A.
"La situation habituelle de rééducation orthophonique du langage oral met en présence orthophoniste/patient
dans une situation d'interaction, généralement en face à face, autour d'une tâche langagière" et l'on peut
"considérer que la situation de rééducation est une situation de conversation" (Coquet, 2003).
La dimension pragmatique de la prise en charge doit faire l'objet d'une attention particulière.

B - TABLEAU CLINIQUE
Il n'y a pas d'incompétence pragmatique importante. Le patient se positionne comme interlocuteur et
respecte le tour de parole. Cependant, il ne prend pas l'initiative de l'interaction et attend qu'on le sollicite.
Dans ses réponses il se montre peu informatif, ne sait comment organiser l'information et s'adapter à l'inter-
locuteur ou au contexte de façon souple.

C - OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES
La rééducation doit permettre de développer des compétences pour :
• prendre son tour de parole, respecter le tour de parole de l'interlocuteur et appréhender les signaux
d'alternance des tours de parole et de régie de l'échange,
• développer l'intentionnalité et les fonctions du langage,
• améliorer l'adaptation à l'interlocuteur et au contexte,
• affiner la régie de l'échange,
• développer l'utilisation des modalités non verbales,
• gérer une conversation (initiation, maintien et clôture de l'échange, réparation des bris de communication,
lancement, maintien et clôture d'un thème),
• être informatif.

94
D - MÉTHODES ET TECHNIQUES DE RÉÉDUCATION ENVISAGEABLES
Il existe peu de méthodes ayant fait l'objet d'une formalisation théorique ou d'une publication.

(Liste non exhaustive)

Méthodes et techniques Références

• Approche socio-interactionniste : Parler un jeu à deux – Programme Hanen


- proposer des modèles et donner pour les parents
des renforcements positifs, (Manolson, 1992)
- développer des attitudes interactives appropriées
aux objectifs visés.
[par la médiation des parents]

• Favoriser le développement Apprendre à parler en s'amusant – Programme


de compétences sociales : Hanen pour les professionnels
- mise en place du tour de rôle de la petite enfance
- alternance des tours de parole, (Weitzman, 1992).
- initiative de l'échange,
- lancement, maintien et clôture du thème
de conversation.
[utilisable en groupe]
• Mise en place d'une situation interactive Activités fonctionnelles permettant
à visée fonctionnelle "l'exercice des processus de compréhension
à partir d'un objet, d'une situation (ex : formuler et de production à partir de modifications des
une demande) en jouant sur les variables de la contingences de la situation"
situation (objet présent / absent, par gestes / par (Monfort et Juarez-Sanchez, 2001).
mots, pour un interlocuteur familier / non
familier…).
• A partir de situations imagées
Développer la fonction référentielle Pragma
à partir d'éléments lexicaux. (Monfort et Juarez-Sanchez, 2001).
Développer la fonction expressive
(interprétation d'états internes, ajustement
de l'information au contexte, compréhension L'Esprit des autres
et usage des formes linguistiques ambigües. (Monfort et Juarez-Sanchez, 2001).

95
E - EXEMPLES D'ACTIVITÉS À VISÉE PRAGMATIQUE
Le travail des habiletés pragmatiques se fait tout au long des séances, au décours des activités proposées et de
l'interaction établie avec le patient, en fonctions d'objectifs à visée pragmatique.

Activités Objectifs
Jeux sociaux : Tour de rôle (à toi, à moi)
• psychomoteurs (lancers de balle) Alternance des tours de parole
• de société
(lotos, dominos, jeux de cartes, dames …)
Jeux de mimiques et de prosodie Prise en compte de la modalité non verbale en
• imiter, comprendre des expressions faciales, compréhension comme en production
• accompagner une phrase d'une mimique, Utilisation de messages non verbaux compatibles
d'une intonation avec les messages verbaux
Mimes et sketches
• mimer pour faire deviner/comprendre un mime Développement de l'imagination

Marionnettes Régie de l'échange :


• conversations - Initier, maintenir, clore un échange,
• saynètes - lancer, développer, clore un thème
de conversation

Jeux symboliques (faire semblant) Régie de l'échange


Jeux de rôle Adaptation à l'interlocuteur et au contexte

Activités linguistiques : Organisation de l'information


• de description d'images, Développement de l'informativité
• de récit, Adaptation à l'interlocuteur (prise en compte
• d'explication, du savoir partagé) et au contenu
• de catégorisation sémantique, de message (contingence)
• sur la métaphore et l'humour,
• d'inférence.

F - ACTIVITÉS D'EXPRESSION DÉVELOPPANT LES FONCTIONS DU LANGAGE

Activités Fonctions du langage *


Raconter une expérience passée, une histoire Fonction référentielle (ce qu'il y a à dire sur)
Décrire un objet, une scène, une image
Informer en réponse à une question, définir
Expliquer le fonctionnement d'un objet, une
recette, un mode d'emploi, une règle du jeu, un
itinéraire
Travailler l'explicite et l'implicite, les inférences
Exprimer ses sentiments, ses besoins, ses dif- Fonction expressive (exprimer ce que l'on ressent,
ficultés, ses désirs par la mimique, la posture, le ce que l'on pense)
geste, le langage verbal, le dessin

* Fonction du langage selon Jakobson, 1963.

96
Formuler une demande d'aide, d'objet, d'in- Fonction conative (faire faire, convaincre…)
formation, de reformulation ou de répétition
Donner des ordres, des consignes
Argumenter

Saluer Fonction phatique (centrée sur le contact)


Etre poli
Initier un échange, lancer un thème
Changer de thème
Maintenir un échange, un thème
Clore un thème, un échange

Faire des jeux de mots Fonction poétique (jouer avec les mots)
Travailler sur l’humour et la métaphore
Créer un poème, une comptine

S'auto corriger Fonction métalinguistique (réfléchir sur la langue)


Reformuler
Analyser les mots, les phrases

V – TROISIÈME AXE DE LA RÉÉDUCATION :


DÉMARCHE TRANSVERSALE
Le troisième axe de rééducation vise à entraîner les fonctions cognitives transversales et les compétences
sous jacentes aux apprentissages du langage oral comme du langage écrit.

A - CADRE THÉORIQUE
Il est possible de décrire certaines conditions nécessaires à l'acquisition et au développement du langage :
• une latéralité déterminée, un schéma corporel intégré,
• des repères spatio-temporels fixés,
• une analyse et une mémoire auditive fonctionnelles (bonne perception du rythme, discrimination auditive
fine, mémoire des séquences),
• une analyse et une mémoire visuelle fonctionnelles (repérage des signes),
• un geste graphique précis,
sans oublier :
• une maturité satisfaisante,
• une motivation aux apprentissages.
Tout apprentissage suppose des démarches d'appropriation régies par des habiletés/fonctions cognitives qui
s'exercent transversalement : perception, attention, mémoire, raisonnement.

B - TABLEAU CLINIQUE
Il n'y a pas de signes cliniques spécifiques ou de déficits patents. Il faut plutôt parler d'immaturité psycholin-
guistique, de lenteur ou maladresse d'exécution, de procédures manquant de précision et de rigueur, de
stratégies mal adaptées aux objectifs visés.

97
C – OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES
La rééducation doit proposer des tâches précises et progressives pour :
• développer les potentialités en émergence,
• poser des bases pour les apprentissages futurs,
• entraîner des stratégies impliquées dans l'apprentissage de la lecture.

D - MÉTHODES ET TECHNIQUES DE RÉÉDUCATION ENVISAGEABLES


Il existe assez peu de méthodes ou techniques qui aient fait l'objet d'une formalisation théorique ou d'une
publication.
(Liste non exhaustive)

Méthodes et Techniques Références

Habiletés perceptives

Education Perceptive Education perceptive


•sensibilisation aux caractéristiques acoustiques des Il est proposé des exercices pour que les sujets
sons (à l'aide d'instruments de musique et de "apprennent à distinguer ce qu'ils entendent, à saisir
jouets sonores), le contenu d'un ensemble de sons simultanés ou se
• discrimination de phonèmes présentés succédant rapidement, à percevoir les variations de
analytiquement et symbolisés durée et d'intensité et sentir une cadence, à
(schémas vibratoires, orthodiagrammes, codages) reconnaître et pouvoir reproduire un air, à apprécier
la justesse d'une intonation, enfin à se rappeler ce qui
vient tout juste de s'écouler" (Borel, 1965 – 1995).

Schémas vibratoires des phrases [Viens vite]


et [L'autobus va passer]
S. Borel, 1979
(Reproduit avec l'autorisation de Rééducation
orthophonique)
Jeux de rythme Zic et Zac Dynamique de la Parle (DNP)
• découverte d'un rythme (marché, frappé), "Le travail sur la musique de la parole doit prendre
• codage du rythme à l'aide de pièces de bois en compte 4 éléments : les timbres, les durées, les
de formes, tailles et couleurs correspondant aux hauteurs et les intensités, éléments que l'on propose
différentes caractéristiques acoustiques de la parole à l'enfant de ressentir, visualiser et toucher du doigt
• création de comptines sur la séquence rythmique pour en jouer dans sa propre parole.
• utilisation de cette séquence rythmique (Dunoyer, 1991)
dans un mot ou une expression :

Exemple de codage du rythme "bref - bref - long"


Comptine [ ti ti ta__]
Expressions : [Qui est là__?] [ C'est papa__ ]

98
Parole acoustiquement modifiée Programme Fast First Word
Jeux sur ordinateur entraînant les capacités de D'après les travaux de Tallal et Percy, 1971
réception acoustique de base (au niveau de la "Le but de ces exercices est d'atteindre une capacité
catégorisation des phonèmes et de leur successivité) normale à distinguer rapidement des événements
à partir d'une parole artificiellement allongée. acoustiques successifs, ainsi qu'une capacité à traiter les
parties phonologiques de la parole naturelle présentes
dans les mots et les phrases" (Miller et coll., 1999).
Thérapies soniques Oreille électronique et Méthode Tomatis
Entraînement auditif qui utilise un matériel Tomatis, 1977
spécifique constitué de systèmes d'amplification et
de filtrage. Lexiphone et Sémiophone
Beller, 1973
Avertissement : Ces techniques font l'objet de
nombreuses controverses au sein de la communauté
scientifique
Capacités cognitives logico-mathématiques
Activités de manipulation et d'expérimentation
• permettant de découvrir les caractéristiques pré Propositions du groupe COGI –ACT
physiques, prélogiques et présymboliques Morel et coll, 2000
(éducation précoce)
• permettant de mettre en place les schèmes Méthode GEPALM
logiques de classification, sériation et Jaulin-Manonni, 1972 - 2000
de quantification.
Capacités de compréhension
Entraînement de la compréhension littérale Propositions de F. Estienne, 2002
• Activités à partir de consignes simples ou doubles
à exécuter avec des objets
• Devinettes
• Questions fermées
Entraînement au traitement des inférences Compréhension des inférences
à partir d'un support imagé ou verbal Broutard et Bouard, 2002

Monsieur Bricolo est obligé de changer la vitre


que son fils Eric a cassée.
Qu'a pu faire Eric pour casser la vitre ?
exemple d'image à contenu inférentiel
(Reproduit avec l'autorisation de Orthoédition)
Capacités praxiques
Activités diverses (imitation, réalisation sur Entraînement et contrôle praxiques
consignes, exercices structuraux, mise en situation "Praxies" (Coquet, 1992).
affectives dans des comptines et histoires ou dans
des jeux) pour favoriser la prise de conscience
des sensations kinesthésiques et motrices et la
réalisation praxique.

99
E – EXEMPLES D'EXERCICES
Les exercices proposés le sont à partir d'un matériel d'objets (jouets sonores et instruments de musique, jouets
pour jeux symboliques), d'images, ou à partir de jeux à caractère didactique diffusés par les maisons d'édition
spécialisées pour la petite enfance, le handicap ou la rééducation orthophonique.

Activités Objectifs

Habiletés perceptives

Exercices et jeux d'écoute (avec ou sans support Aide à la représentation mentale


d'images) Travail des gnosies auditives
• identification des paramètres du son, Aide à l'analyse phonétique
• discrimination auditive de bruits musicaux
ou non (lotos sonores),
• reconnaissance,
• imitation / reproduction.
Exercices et jeux d'attention visuelle Entraînement du balayage visuel
• progression dans un labyrinthe, Amélioration des capacités de discrimination
• repérage d'erreurs ou de ressemblances, Amélioration des habiletés visuo-constructives
• planification visuo-saptiale pour réaliser
un modèle (à 2 ou 3 dimensions)

Capacités mnésiques

Exercices de mémoire à court terme Augmentation de l'empan (auditif, visuel, moteur)


• reproduction de rythmes,
• répétition de logatomes (jeu du perroquet),
mots ou phrases (jeu des messages),
• copie d'attitudes, imitation de gestes,
• reproduction d'algorithmes visuels,
• jeux de Kim, de Mémory.
Exercices de la mémoire de travail Travail de la flexibilité
• activités de codage sur consignes,
• répétition de mots en verlan, de suites
de chiffres à l'envers.
Exercices d'encodage en mémoire à long terme Facilitation de l'organisation des informations
• activités de classement selon un critère perceptif, à stocker et de leur rappel
• activités d'appariement selon une analogie,
une association d'idée, une assonance.

Habiletés sémantiques en compréhension

Entraînement de la compréhension Entraîner la compréhension littérale


• exécution de consignes, simples puis complexes, Travailler la notion d'inférence
• compréhension d'images, de phrases ou d'histoires Travailler la polysémie
absurdes, d'affiches et de slogans publicitaires, Travailler la compréhension des images
• travail sur les métaphores. et métaphores

100
Activités logicomathématiques

Activités de manipulation d'objets, de matériaux Découverte des propriétés physiques des objets
Activités de classification Mise en place de la notion de classe
Activités de sériation Mise en place de la notion de relation d'ordre
Activités de comparaison
Activités de quantification Travail de la correspondance terme à terme
et du dénombrement

Habiletés motrices

Exercices de détente et de relaxation Contrôle postural


Parcours psychomoteurs Mise en place du schéma corporel
Activité de motricité fine Développement d'habiletés utilisées en écriture
• modelage,
• découpage,
• coloriage,
• traces graphiques.

VI – TROISIÈME AXE DE LA RÉÉDUCATION : DÉMARCHE CIBLÉE


Le troisième axe de rééducation dans une démarche ciblée vise à développer les compétences
métalinguistiques.

A - CADRE THÉORIQUE
Plazza (2000) décrit chez les enfants mauvais lecteurs ou dyslexiques des "difficultés linguistiques précoces.
Les troubles portaient sur l'accès au lexique, la compréhension et la production syntaxique, la conscience
phonémique et syntaxique". Un enfant porteur d'un retard de langage est susceptible de se trouver en difficultés
dans l'apprentissage de la lecture.
La rééducation du langage oral doit comprendre, en particulier chez les sujets à partir de 5 ans, un travail
spécifique des habiletés métalinguistiques.

B - TABLEAU CLINIQUE
On remarque habituellement :
• un retard de mise en place de la conscience phonologique,
• une faiblesse de la conscience métalexicale,
• une faiblesse de la conscience métasyntaxique,
• des difficultés importantes au niveau métadiscursif,
• un manque de souplesse au niveau métapragmatique.

C - OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES
La rééducation doit proposer des exercices pour développer des compétences pour :
• au niveau métaphonologique : prendre conscience de la rime, de la structure syllabique des mots, des sons
contenus dans un mot et pouvoir les manipuler,
• au niveau métalexical : travailler sur la notion de mot comme étiquette, sur la polysémie, sur la notion
d'image et de comparaison et sur la métaphore,
• au niveau métasyntaxique : favoriser la construction, la manipulation, la correction morphosyntaxique.

101
D - MÉTHODES ET TECHNIQUES DE RÉÉDUCATION ENVISAGEABLES
(Liste non exhaustive)

Méthodes et techniques Références

Objectif : développement de la conscience phonologique

Prise de conscience de la structure syllabique, Dynamique Naturelle de la Parole (DNP)


de la différenciation voyelle consonne (Dunoyer, 1991).
• par les grands mouvements et la chorégraphie Le travail avec la DNP permet de traiter la forme
phonétique, orale du message, mettre en évidence sous forme de
- par les traces à la peinture au doigt. jeux les structures phonétiques de la parole, isoler les
unités segmentales comme éléments de parole.

Traces permettant de visualiser les syllabes [car] et


[cra] et en particulier la place du [r]
[utilisable en groupe]

L’activation de la conscience phonologique en Le parcours de l'apprenti Parleur


situation de communication (Alvès et Gibaru, 2001).
• jeux de production vocale ou verbale, "Le bricolage des mots"
• jeux de désignation ou de dénomination d'images - utiliser les indices prosodiques pour percevoir le
(mots / non mots / mots proches phonétiquement format des mots, des syntagmes et des phrases,
/ faux jumeaux). - aider à analyser le mot pour structurer la parole,
- activer la conscience phonologique
(travail de l'inter-syllabe - ajout, suppression,
inversion - puis de l'intra-syllabe - ajout,
suppression, inversion de phonèmes -).
Entraînement de la compétence Phonorama
métaphonologique "Une batterie d'exercices permettant d'entraîner les
Le programme s'articule en 3 étapes qui respectent différentes capacités nécessaires au développement
les 3 étapes du développement phonologique : de la conscience phonologique - reconnaissance,
• la prise de conscience des rimes, identification, manipulation"
• la segmentation du mot en syllabes, (Issoufaly et Primot, Phonorama, 1999).
• la prise de conscience phonémique.
Objectif : développement de la conscience métalexicale
Travail sur la métaphore Le parcours de l’Apprenti Parleur
"des soubresauts et des transports de sens" "La métaphore résulte du transport de signification
Le travail lexical a permis d'aider le sujet d'un énoncé (le comparé) à un autre énoncé
à différencier et identifier le noyau sémique et les (le comparant) en fonction d'un lien de ressemblance
traits sémiques spécifiques. Le travail métaphorique ou d'analogie"
consiste à sélectionner des traits sémiques, (Alvès et Gibaru, 2001).
à les comparer et à les combiner.
[Tu es un cochon : le comparé (garçon),
le comparant (cochon), le lien intersémique
(la saleté].

102
Objectif : développement de la conscience métasyntaxique

Exercices en modalité orale de mobilisation de Mobilisation de la conscience syntagmatique


la conscience syntagmatique "Le but de la rééducation est de stimuler par des
• puzzles de phrases, exercices toutes les fonctions du langage, y compris
• permutations, commutations d'éléments son analyse, pour que l'enfant se l'approprie et puisse
dans la phrase, exprimer ce qu'il ressent, pense, veut et qu'il entre
• analyse grammaticale. dans une communication vraie qui tienne compte
de l'autre" (Estienne, 2002).
Visualisation de la structure de la phrase "Les mots en forme et en couleur"
Il est proposé de représenter graphiquement les Cette méthode permet de "travailler (jouer) avec les
mots par des formes et des couleurs, ce qui permet enfants sur une prise de conscience métasyntaxique en
de mettre à distance le mot et son signifié. amont ou en aval de l'apprentissage de l'écrit"
La couleur donne la nature du mot et la forme sa (Court, 2003).
fonction. Le sujet se construit ainsi des modèles
structuraux qui lui permettent de conscientiser le
fonctionnement de la langue.

Codage de la phrase
[la maman donne une pomme rouge]
(Reproduit avec l'autorisation de Orthoédition)

VII – RECOURS À DES MÉDIATIONS PARTICULIÈRES


Au cours de la séance de rééducation, l'orthophoniste utilise du matériel, des outils, une médiation
particulière pour étayer les activités et exercices proposés.

A - CONTEXTE CLINIQUE
La rééducation s'adresse à un jeune enfant :
• à priori plus à l'aise dans son corps que dans le langage verbal (qui est ici troublé),
• pour qui le jeu est un des moteurs des apprentissages, de la maîtrise de soi et du monde environnant,
• pour qui le livre, très présent dans l'environnement quotidien, est une médiation attendue.

B - OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES
Ces médiations, indépendamment ou non d'une méthode ou technique, permettent de :
• faciliter l'appropriation par l'enfant des propositions faites par l'adulte quand on utilise un canal dans lequel
il n'est pas en difficulté,
• étayer les apprentissages,
• entretenir la motivation,
• inscrire l'interaction dans le champ du plaisir de l'échange.

103
C - MISE EN PERSPECTIVE DES MÉDIATIONS UTILISABLES
1 - La médiation corporelle
Le lien entre motricité et langage n'est plus à démontrer.
• Les activités centrées sur l'expérimentation psychomotrice (parcours psychomoteurs, activités d'adresse…)
permettent à l'enfant de mieux comprendre les rapports entre corps et espace, de développer son schéma
corporel. Il est possible de proposer 3 types de verbalisation autour des mouvements :
- le dialogue en situation d'expérimentation corporelle : l'orthophoniste verbalise au fur et à mesure
que l'enfant fait, celui-ci associe déplacements et gestes avec les concepts topologiques ou cor-
respondant aux parties du corps,
- le dialogue hors situation d'expérimentation corporelle : l'adulte ou l'enfant raconte ce qu'il a fait, ce
qui permet la construction de représentations,
- le dialogue avec support (photos, images) renforce les images mentales et la connaissance et l'emploi
des concepts s'y rapportant.
• Les activités qui proposent une approche plurisensorielle :
- sentir avec le corps les mouvements de la parole (sensations kinesthésiques, tactiles)
- agrandir au corps entier dans des grands mouvements les micro mouvements de l'articulation,
- vivre et ressentir corporellement les caractéristiques prosodiques de la parole (rythmes, durées
syllabiques, intensités, accents).
Elles permettent de développer le langage et la communication sous toutes leurs formes dans un plaisir
partagé.

Exemples de pratiques Références

Psychorythmique Borel-Maisonny S., 1985.


Education perceptive

Dynamique Naturelle de la Parole (DNP) Dunoyer M. 1991.


- Massages
- Chorégraphie phonétique
- Traces
- Jeux de rythme Zic et Zac

2 - La médiation du jeu
"Le jeu prépare au langage de par l'esprit même du jeu qui est sensibilité aux règles et aux conventions en
même temps que simulacre et faire semblant" (Lepot Froment, 1980).
• On attribue différentes valeurs au jeu :
- une valeur fonctionnelle relative aux qualités intrinsèques du jouet ou du jeu et à son degré
d'adaptation à l'utilisation qui en est faite,
- une valeur expérimentale en fonction de ce que l'enfant peut en faire, des expérimentations diverses
qu'il peut réaliser et de ce qu'il peut en retirer pour les apprentissages,
- une valeur de structuration qui varie en fonction du jeu et de la personnalité de l'enfant,
- une valeur sociale puisqu'il suppose la plupart du temps soit un compagnon de jeu, soit un rival.

• On distingue différentes catégories de jeux :


- les jeux sensorimoteurs ou d'éveil qui permettent de faire des expériences et de développer ses
capacités d'observation, d'écoute, de repérage, de programmation d'action,
- les jeux symboliques de "faire semblant" qui développent les capacités d'imagination, de création et
renforcent la structuration de la personnalité,

104
- les jeux de société qui obligent à se confronter à une règle à respecter,
- les jeux à caractère didactique finalisés par des objectifs spécifiques de compétences à développer

• Le jeu peut être :


- libre : le choix est laissé à l'enfant,
- dirigé : il est proposé ou organisé par l'adulte.

Exemples de pratiques Références

Jeu symbolique
• Dans les approches psychoaffectives et Propositions du Centre Hanen
relationnelles - Manolson, 1997,
• Dans les approches socio interactionnistes - Weitzman, 1992).
Jeux de Mise en Forme et Mise en sens Alves C., Gibaru I., 2001.
Jeux à caractère didactique Matériel proposé par Orthoédition

3 - La médiation du livre
• Le livre est un objet particulier qui requiert une utilisation conventionnelle.
• Le livre est un lieu de rencontre avec l'écrit, l'histoire qui est racontée, par son caractère immuable,
renforce la notion de permanence de l'écrit ; il est une ouverture vers la culture.
• Le livre est un moyen de rencontre avec l'autre en tant qu'auteur ou en tant que narrateur. Il s'instaure une
relation triangulaire livre/adulte/enfant.
• Le livre est une source de plaisir puisqu'il permet une rencontre avec l'image ou avec les mots qui font écho
à l'imaginaire, les émotions et les sentiments.
• Le livre est un support d'activités langagières verbales ou non verbales multiples au plan de la compréhension
comme à celui de l'expression. L'interaction langagière autour d'un livre peut constituer un format
dialogique qui renforce le tour de parole. La dénomination des images (imagiers), la description des images
et le récit oral sur images (livres d'images) comme la lecture de texte (livre illustré ou non) propose des
schèmes cognitivo langagiers que l'enfant peut s'approprier.

• Le CONTE comme forme spécifique de récit remplit plusieurs fonctions :


- fantasmatique,
- de médiation vers la culture écrite,
- de construction de la compétence narrative.

Exemples de pratiques Références


Entraînement au langage syntaxiquement Lentin L., 1977.
structuré à partir d'un livre choisi selon des critères
stricts : modelage par imprégnation de "schèmes
créateurs" proposés par l'adulte
Pédagogie de l'accompagnement naturel Lehuche F., 1990.
qui privilégie l'univers du signifiant sans demander
d'effort à l'enfant
• lecture d'images : commentaires
• lecture commentée : lecture de l'histoire,
commentaires, étayage des productions de l'enfant.

105
Choix d'albums et proposition d'activités Propositions du Centre Hanen
annexes autour du livre - Manolson, 1997,
- Weitzman, 1992).

Activités spécifiques à partir d'un conte merveilleux Gillig J.M., 1997.


• écouter et jouer des contes
• fabriquer un conte pour acquérir une compétence
narrative
Activités spécifiques à partir d'un conte Estienne F., 2001
métaphorique
• créer un conte métaphorique
• faire des lectures à plusieurs niveaux

4 - La médiation de la comptine et du jeu chanté

"Les différentes sortes de comptines :


• permettent l'instauration d'une interaction vocale et corporelle, (…) verbale et musicale,
• favorisent l'appétence au langage par leur aspect ludique,
• stimulent et accompagnent la proprioception" (comptines avec jeux de mains ou jeux de doigts), "la
perception spatio-temporelle,
• sont une porte d'entrée dans le langage à partir de leur diversité rythmique, syntaxique, sémantique,
• permettent la mise en place de la conscience phonologique (de par la distribution syllabique et répétitive sur
des carrures musicales)" (Bustarret, 1982).

Exemples de pratiques Références

Création de comptines sur un rythme de base, à Dynamique Naturelle de la Parole


partir d'un matériel non signifiant, qui sont Dunoyer M., 1991
ressenties corporellement puis codées.
Ces séquences, sortes de formats pour la parole,
sont réutilisées dans des petites expressions de la vie
quotidienne.
Utilisation des jeux de nourrice, des comptines Propositions du Centre Hanen
avec jeux de doigts, des formulettes et fabulettes Manolson, 1997, Weitzman, 1992
comme support de l'interaction parents /
enfants.

Exercice de répétition, de mémorisation, Bustarret A.H., 1982.


d'analyse et de création de comptines calibrées à
partir d'une assonance, d'une opposition Besche G., 1973.
consonantique (pour travailler la conscience
phonologique), d'un matériel lexical (à acquérir),
d'une structure morphosyntaxique (à s'approprier).

5 - La médiation du mime et des sketches


Le mime permet à l'enfant de s'exprimer sur une modalité où il est généralement à l'aise, de mettre entre
parenthèses les difficultés verbales pour mieux les dépasser.

106
Exemples de pratiques Références

Utilisation du sketch Borel-Maisonny, 1985


Mise en scène affective d'une phrase préalablement
travaillée dans ses aspects phonétiques, prosodiques,
morphosyntaxiques.

Utilisation du mime Ferrand, 1965 - 2004


- pour développer le lexique (précision et
enrichissement des champs lexicaux)
- pour mettre en place les structures syntaxiques
de base (notion de geste propositionnel)
- pour organiser le discours.

VIII – RECOURS À DES PROCÉDÉS D'ÉTAYAGE


Dans toute situation de prise en charge, l'orthophoniste se place en position d'étayage des productions
langagières et développe des procédés d'accompagnement du sujet dans la tâche à réaliser.

A - CADRE DE RÉFÉRENCE : LA NOTION D'ÉTAYAGE


1 - L'étayage en général
L’étayage est défini comme le support que l’adulte fournit à l’enfant afin de le rendre capable "de résoudre un problème
ou de mener à bien une tâche qui aurait été sans cette assistance au delà de ses possibilités" (Canut, 1998).

2 - La Zone proximale de développement


Selon Vigotsky, "Les échanges prennent la forme d'une interaction de tutelle". Pour chaque tache on peut
décrire trois zones :
• la première zone où l'enfant est capable seul de mener à bien une tâche,
• la deuxième zone, "zone pédagogique où il ne pourrait dominer seul l’activité en question". Cette zone
intermédiaire, appelée Zone Proximale de Développement fait le lien entre le niveau actuel atteint par
l’enfant (niveau réel) et celui qu’il est capable d’atteindre avec l’aide de l’adulte (niveau proximal),
• la troisième zone où la tâche est trop difficile pour lui.
Selon F. François, l’étayage de l’adulte doit coïncider exactement avec cette Zone Proximale de
Développement, sous peine de se transformer en contre-étayage s’il "se situe en deçà de cette zone, c’est-à-dire
si l’adulte répète à l’enfant ce qu’il sait déjà" ou si l’adulte se situe "trop en avant, lui enseignant ce qu’il ne
peut intégrer".

3 - L'étayage langagier
E. Canut (1998) reprend la théorie de Vygotski pour l’adapter au langage : "on pourrait définir la notion de
Zone Proximale de Développement dans le cadre de l’acquisition du langage… comme la distance entre
le niveau langagier actuel de l’enfant (ce qu’il maîtrise sur le plan linguistique) et le niveau potentiel
d’acquisition…ce que l’enfant ne maîtrise pas encore mais qu’il est en passe de maîtriser" grâce à l’étayage
langagier, c’est-à-dire au support que lui propose l’adulte.

107
B - CONTEXTE CLINIQUE
Le sujet est souvent décrit par la famille comme peu mûr et peu autonome.
Lors de l'évaluation, il a besoin de nombreux renforcements.

C - ATTITUDES ADOPTÉES PAR L'ORTHOPHONISTE


Dans la relation que l'orthophoniste met en place avec le sujet, il est nécessaire de privilégier certains modes
d'interaction.

1 - Adopter une attitude adaptée


• se placer à hauteur de l'enfant,
• se monter attentif et disponible à ses intérêts du moment, ses activités, son comportement,
• utiliser et renforcer les modalités non verbales (intonation, mimique, gestes).

2 - Développer la coaction (activité conjointe)


Au cours d'activités partagées, il s'agit de construire ensemble un vécu commun. La mise en place du dialogue
en situation permet de mettre en place des stratégies de référenciation sur des référents communs, objets en
contexte, actions ou manipulations faites ensemble et de préciser le vocabulaire et développer l'informativité.
Comme il y a équivalence entre les éléments de la phrase grammaticale (agent, action, objet de l'action,
récipiendaire de l'action, localisation, possession …) et les facteurs de l'action que l'on peut identifier (il y a
un agent qui réalise l'action, l'action se déroule dans le temps, elle se réalise dans un lieu déterminé, elle a des
effets divers…), agir ensemble permet également de développer la compétence syntaxique.

3 - S'appuyer sur l'imitation


• imitation de l'enfant par l'adulte :
L'imitation de l'adulte "va au devant de l'enfant, le stimule. Elle induit les productions de l'enfant, appelle
une réponse, laisse un blanc où peut se glisser une imitation ou autre chose" (Aimard, 1982). L'imitation par
l'adulte de l'enfant renvoie à ce dernier son propre comportement et l'incite à recommencer, ce qui favorise la
mise en place de l'alternance des rôles.
• imitation de l'adulte par l'enfant :
L'adulte ne sollicite pas directement l'enfant pour qu'il l'imite. Mais quand celui-ci a acquis la construction
du "je" (qui implique une prise de recul et une différenciation soi/autrui) et la représentation mentale des
actions en conformité avec un modèle, la présence d'un modèle suscite une imitation spontanée sans inter-
médiaire.

D - MOYENS PRIVILÉGIÉS : LES STRATÉGIES DE RETOUR (FEED-BACK)


1 - Définition
Le feed-back est défini comme "la manière dont l’adulte réagit verbalement et non verbalement aux
productions verbales de l’enfant" (Rondal, 1983).

2 - Différents types de feed-back


• Le feed-back positif
Cette stratégie de retour concerne les différentes manières dont l’adulte approuve les productions langagières
de l’enfant :
- renforcement verbal (approbation "c'est bien" "oui"),

108
- renforcement physique (geste d'approbation, sourire),
- renforcement naturel (faire ou donner ce que l'enfant demande).
Elle joue un rôle :
- d'accusé de réception du message produit par l'enfant, c'est une façon de lui "signaler que le message
a été enregistré et donc que l’échange peut continuer" (Rondal, 1983),
- de renforcement et de consolidation pour fixer les acquis.
• Le feed-back à type de demande de clarification
L'adulte signifie que le message n'a pas été compris soit à l'aide de modalités non verbales (mimiques
d'étonnement, d'incompréhension ou gestes) soit en formulant expressément une demande de répétition ou
de reformulation.
• Le feed-back correctif
Cette stratégie de retour correspond aux réactions de l’adulte face aux erreurs langagières de l’enfant quand il
propose un modèle verbal correct (qu'il soit phonétique, sémantique ou morphosyntaxique). Cette façon de
faire n'implique pas la répétition par l'enfant mais une engrammation plus ou moins consciente de la forme
correcte. L'enfant y sera d'autant plus attentif si la correction ne porte que sur un élément (une caractéristique)
à la fois de l'énoncé.
• Le feed-back à fonction d'enrichissement ou reformulation
Il consiste en "la reprise de tout ou partie de l'énoncé de l'enfant en le corrigeant et en y apportant des
extensions" (Rondal, 1983) : ajouts lexicaux pour apporter des nuances ou préciser des données, enri-
chissement de la structure syntaxique par une expansion.

IX – IMPLICATION DU MILIEU FAMILIAL


La rééducation du langage oral doit impliquer le milieu familial.

A - CONTEXTE CLINIQUE
L'enfant a souvent besoin de l'approbation de l'adulte qui l'a accompagné et de ses encouragements.

B - OBJECTIFS
Il importe de faire prendre conscience à l'entourage familial de son rôle dans le développement du langage de
l'enfant en proposant (en fonction de l'âge de l'enfant) des informations et des conseils pour optimiser les
interactions.

C - PROPOSITIONS À L'ENTOURAGE
1 - Rôle de l'adulte
• Organiser l'environnement :
- aménager l'espace de vie : éteindre la télévision pendant les échanges, s'installer confortablement,
- aménager le temps : organiser l'emploi du temps pour avoir des activités parents/enfant, planifier
une activité à partager.
• Encourager l'enfant à communiquer :
- se placer à la hauteur de l'enfant, face à face,
- regarder l’enfant tout en le sollicitant par la voix,
- maintenir le contact visuel,
- se montrer à l'écoute,
- réagir aux interactions en suspendant son activité, en répondant.

109
• Développer des moments d’attention conjointe :
- proposer des objets, dessins colorés, photos dans le cadre de vie,
- coordonner la direction de son regard avec celle de l’enfant en direction d’un objet,
- aider à montrer (pointer du doigt) ce qui l’intéresse, à en parler,
- regarder ensemble des albums de photos, des imagiers, des livres,
- raconter des histoires.
• Développer des jeux d'imitation :
- de ce que l'enfant fait (mimiques, gestes, actions),
- de ce que l'enfant dit (sons, mots, phrases),
- pour attirer son attention, lui montrer qu’on s’intéresse à lui, qu’on a reçu et compris son message ;
l’enfant imitera à son tour,
- participer à des jeux de "faire semblant".
• Faire prendre conscience du tour de rôle dans une conversation :
Quand l’adulte a terminé de parler, il doit faire systématiquement une courte pause et montrer à l’enfant que
c’est à son tour d’intervenir. Il faut laisser assez de temps pour que l’enfant réponde (par un geste, un son, un
mot, un signe…).
• Adopter un registre de langage particulier :
- une hauteur vocale augmentée,
- une intonation riche, un peu chantante,
- un débit un peu ralenti,
- des mots accentués,
- un vocabulaire simple et adapté,
- des phrases plutôt courtes,
- des mimiques qui doublent les énoncés,
- des gestes qui montrent, qui décrivent,
- des pauses allongées entre les phrases pour laisser du temps à la compréhension.
• Utiliser des techniques d'étayage du langage :
- poser des questions ouvertes,
- reformuler le message de l'enfant en donnant un modèle correct, en complétant et enrichissant les
énoncés,
- ne pas faire répéter.

2 - Rôle de l'enfant

Face à un accompagnement positif, l’enfant développe différentes stratégies :


• de découverte du monde environnant :
- il regarde,
- il porte attention aux objets, aux autres, aux événements, aux actions,
- il découpe le monde en catégories d’actions, d’objets.
• d’écoute :
- il porte attention au monde sonore, il localise l’origine d’un son,
- il différencie des sons, des bruits,
- progressivement, il perçoit, reconnaît, produit des écarts minimes d’ordre phonétique.
• de compréhension :
- il prend ses premiers indices sur le contour intonatif des énoncés,
- il interprète des situations routinières en contexte,
- il reconnaît des énoncés qui sont accompagnés de gestes de désignation ou de localisation,
- il met en place des stratégies de compréhension lexicale puis morphosyntaxique.

110
• d’imitation immédiate puis différée et créative :
- il imite les actions, les rituels,
- il imite les mimiques, les gestes,
- il imite des vocalisations, des mélodies de phrases,
- il imite des mots, des phrases,
• de production :
- de vocalisations, d'onomatopées,
- de mots,
- de structures grammaticales.
• de dialogue
- il comprend et respecte le tour de rôle.

D - MOYENS
L'orthophoniste peut
• mener des entretiens avec les parents,
• animer des moments d'interaction avec l'enfant en présence des parents ou en les y associant,
• proposer des objectifs de travail entre deux séances de rééducation,
• donner un document aide mémoire reprenant les conseils évoqués.

Encart 5 : Extrait du document de prévention "Papa, Maman!...Le langage c'est important…


(Coquet et coll, 2002)
(Reproduit avec l'autorisation de Orthoédition)

Le programme d’accompagnement familial doit s’adapter à chaque famille de façon spécifique.


Il est souvent nécessaire d’élargir cette démarche aux personnes en contact habituellement avec l’enfant
(professionnels de santé, éducateurs et enseignants, professionnels du secteur social…).

111
E - "PROGRAMMES" D'ACCOMPAGNEMENT PARENTAL
(Liste non exhaustive)

Exemples de pratiques Références

Répertoire de conseils et d'activités pour accompagner Parler, un jeu à deux


l'enfant dans sa découverte du langage Proposition du Centre Hanen - Manolson A., 1998.
La méthode des 3 A :
- Accepter que votre enfant prenne les devants, Essai d'adaptation d'un programme familial à la pratique
- s’Adapter aux intérêts de l’enfant pour partager, en libéral
- Ajouter des mots et des expériences nouvelles. BO A., 2000.

Unités de travail sur 10 séances proposées aux parents Programme PACT


(activités d'écoute, de réflexion, de parole) pour relayer (Parents and Children Together)
l'intervention orthophonique dans le domaine de la Bowen et coll., 2000
phonétique et de la phonologie

Conseils pour optimiser l’interaction adultes - enfants


Accompagnement naturel Le Huche F., 1990.
• aucune demande d'effort à l'enfant,
• priorité à l'univers du signifiant.
Stratégies positives Aimard P., 1996.
Ajustements favorisant la construction du langage :
• regarder et écouter,
• parler à l'enfant comme à un interlocuteur à part
entière,
• reformuler les énoncés.
Conseils aux parents Rondal, 1979 – 1997.
adaptation du langage (choix lexicaux et syntaxiques) et
de la parole (débit, intonation, accentuation).

Documents à destination des familles Objectif Langage


• Livrets reprenant des conseils aux parents pour les F. Ercolani et coll., 1992.
aider à identifier correctement les tentatives de Parents, comment préparer votre enfant au langage
communication de l'enfant et optimiser leurs Parents, votre enfant apprend à parler
interactions avec lui. N. Denni Krichel, 1996.
Papa, Maman …Le langage c'est important!...
F. Coquet et coll., 2003.
• Livret proposant des activités pour développer ou L'apprentissage des sons et des phrases : un trésor à
enrichir le langage ou des stratégies à mettre en place découvrir
pour étayer le langage. Beauchemin et coll, 2000

Programmes à destination des professionnels de


l'enfance :
• Guide pour mener une consultation Dialogoris 0 – 4ans
(repères de développement, signes d'appel, facteurs de P. Antheunis, F. Ercolani, S. Roy, 2003.
risques, arbre décisionnel, canevas pour un dialogue
avec la famille).
• Outil de référence pour évaluer et prendre en charge Dialogoris orthophonistes
le jeune enfant P. Antheunis, F. Ercolani, S. Roy, 2003.
(repères de développement, répertoire de tests,
propositions de prise en charge).
• Classeur d'activités à mener avec le jeune enfant Apprendre à parler avec plaisir
en structure d'accueil collectif Proposition du Centre Hanen – Weitzman, 1992.
(avec pour objectif le développement de la
communication et du langage).

112
X - CONCLUSION
Le choix d'une méthode de rééducation (méthode au sens d'une progression formalisée par un auteur autour
d'objectifs précis et à l'aide d'un matériel souvent standardisé), d'une technique (modalité d'utilisation d'un
matériel, geste thérapeutique ou procédé d'intervention), d'une médiation particulière, ne se fait pas par
hasard mais dépend de données recueillies lors de l'évaluation et d'une réflexion théorique concernant le
projet thérapeutique le mieux adapté.
Les observations multidirectionnelles menées lors des séances permettent de prendre en compte les différents
aspects de la personnalité, l'environnement familial, social, scolaire, le développement cognitif, le sentiment
d'échec, la souffrance psychique… La diversité des méthodes et techniques répond à la diversité des sujets et à
la disparité des signes cliniques qu'ils présentent et de leurs besoins.
Ces moyens divers viennent outiller un projet thérapeutique qui doit rester souple et modulable sans
s'enfermer dans un programme rigide pré-établi, une pratique clinique réfléchie qui permet de choisir,
d'inventer à chaque séance ce qui est le mieux adapté et sous-tendent une relation thérapeutique vraie. Leur
objectif commun reste cependant de "remédier aux troubles du langage, améliorer la communication et
l'acquisition du langage écrit" (Adelé et coll., 2001).

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

CADRE INSTITUTIONNEL
A.N.A.E.S. (Agence Nationale pour l'Accréditation et l'Evaluation en Santé). L'orthophonie dans les troubles
spécifiques du langage oral chez l'enfant de 3 à 6 ans. Paris : Recommandations pour la pratique clinique.
Avenant à la Convention Nationale des orthophonistes du 18 12 2002 publié au journal Officiel le 27 02
2003 (Accord du bon usage de l'architecture rédactionnelle des comptes rendus de bilan).
CIM. 10 (Classification Internationale des Maladies). (1994). Troubles mentaux et troubles du com-
portement. In Critères diagnostiques pour la recherche. Dixième révision. Lausanne : O.M.S. (Organisation
Mondiale de la Santé).
DSM IV. (1996). Les troubles habituellement diagnostiqués pendant la première enfance, la deuxième
enfance ou l'adolescence, In DSM IV : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. American
Psychiatric Association. Paris : Masson.

RÉFÉRENCES THÉORIQUES
Aimard, P. (1982). L'enfant et son langage. Villeurbanne : SIMEP.
Ajuriagerra, J., Borel-Maisonny, S., Diatkine, R., Nartian, S., Stambak, M. (1958). Le groupe des
audi – mutités. Psychiatrie de l'enfant. Paris : Masson.
Bates, E. (1976). Language and context : the acquisition of pragmatics. New York : Academis Press.
Bates, E., Dale, P., Thal, D. (1995). Individual differences and their implications for theory of language
development. In P., Fletcher & B., MacWhinney (Eds). The handbook of child language. Oxford : Basil
Blackwell, 96-151.
Bernicot, J. (1992). Les actes de langage chez l'enfant. Paris : PUF.
Billard, C., Touzin, M., (2004). L'état des connaissances. Paris : Signes éditions.
Billard, C. (2004). Le langage oral : les modèles neuropychologiques – La classification des troubles du
langage. In C., Billard & M., Touzin. L'état des connaissances. Paris : Signes éditions.
Bischop, D. V. M., Edmunson, A. (1987). Language-impaired 4 years-old : distinguishing transient from
persistent impairment. Journal of Speech and Hearing Disorders, 52, 156-173.
Bishop, D. (2000). How does the brain learn language ? Insights from the study of chidren with and without
language impairment. Developmental Medecine and Child Neurology, 42, 133-142

113
Bloom, L., Lahey, M. (1978). Language development and language disorders. New York. John Wiley and Sons.
Bock, J.K., Loebell, H. (1990). Framing sentences. Cognition, 35, 1-39.
De Boyson-Bardies, B. (1999). Comment la parole vient aux enfants. Paris : Odile Jacob.
Borel-Maisonny, S. (1973). Perception et éducation. La parole et la perception des sons. Neuchâtel : Delachaux
et Niestlé.
Brin, F., Courrier, C., Léderlé, E., Masy, V. (1996). Dictionnaire d'orthophonie. Isbergues : Orthoédition.
Brossard, A. et Cosnier, J. (1984). La communication non verbale. Paris : Delachaux et Niestlé.
Bruner, J. (1983). Savoir faire, savoir dire. Paris : PUF.
Chevrie Muller, C., Narbonna, J. (1996). Le langage de l’enfant – aspects normaux et pathologiques. Paris :
Masson.
Coquet, F., Deleneuville, E; Sallé-Tranchard, P. (2000). Partenaires de son langage – CDRom. Isbergues :
Ortho-édition.
Coquet, F. (2004). Approches plurielles du retard de langage – Troubles de la parole. In C., Billard, M.,
Touzin, (Eds), L'état des connaissances. Paris : Signes édition.
De Weck, G. (1996). Troubles du développement du langage, perspectives pragmatiques et discursives. Paris :
Delachaux et Niestlé.
De Weck, G., Rosat, M.C. (2003). Troubles dysphasiques. Paris : Masson.
Diatkine, R. (1990). Essai sur la dysphasie. Psychiatrie de l'enfant. Paris : Masson.
Dubois, G., Kuntz, J.P. (1999). Le sujet, son symptôme et le thérapeute du langage. Paris : Masson.
François, F. (1993). Pratiques de l'oral ; dialogues, jeux et variations des figures du sens. Paris : Nathan pédagogie.
Gerard Naef, J. (1987). Savoir parler, savoir dire, savoir communiquer. Paris : Delachaux et Niestlé.
Gillet, P., Hommet, C., Billard, C. (2000). Neuropsychologie de l'enfant : une introduction. Marseille : Solal.
Jakobson, R. (1963). Essai de linguistique générale. Paris : Editions de minuit.
Law, J., Boyle, J., Harris, F., Harkness, A., Nye, C. (1998). Screening for speech and language delay :
a systematic review of the literature. Health Technology Assessment, Vol 2, 9, 99 – 135.
Le Normand, M.T. (1999). Modèles psycholinguistiques du développement du langage. In C. Chevrie-
Muller & J. Narbonna. Le langage de l'enfant : aspects normaux et pathologiques. Paris : Masson.
Lussier, F., Flessas, J. (2001). Neuropsychologie de l'enfant. Paris : Dunod.
Monfort, M., Juarez – Sanchez, A. (1996). L'intervention dans les troubles graves de l'acquisition du langage et
les dysphasies développementales. Isbergues : Ortho-édition.
Plaza, M. (2000). Influence des compétences phonologiques, mnésiques et syntaxiques sur l'apprentissage de
la lecture et son dysfonctionnement. Etude longitudinale de la Grande Section de Maternelle au CP.
Rééducation Orthophonique, 204. 35-51.
Rondal, J.A. (1983). L'interaction adulte – enfant et la construction du langage. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A. (1998 réédition). Votre enfant apprend à parler. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A., Séron, X. (1999). Troubles du langage. Bases théoriques, diagnostic et rééducation. Bruxelles :
Mardaga.
Schriberg, L.D., Kwiatkowski, J., Best, S., Hengst, J., Terselik-Weber, B. (1986). Characteristics of children
with phonologic disorders of unknown origin. Journal of Speach and Hearing Disorders, 157, 140-161.
Vygotsky, L. (1962). Thougth and Language. Cambridge, MA : MIT Press.

EVALUATION : DÉPISTAGE ET BILAN ORTHOPHONIQUE


Antheunis, P., Ercolani-Bertrand, F., Roy, S. (2003). Dialogoris 0 /4 ans. Nancy : Com-Médic.
Belot, C., Tricot, M. (2001). Les tests en orthophonie. Isbergues : Ortho-édition.
Chevrie-Muller, C., Goulard, J., Plaza, M., Simon, A.M., Dufouil, C. et al. (1994-1999). Questionnaire
Langage et Comportement – 3 ans 1/2. Paris : ANAE.
Chevrie-Muller, C., Plaza, M., Rigoard, M.T. (2000). Pourquoi de "Nouvelles Epreuves pour l'Examen du
Langage" ? Réflexion sur le bilan de langage oral en pratique orthophonique. In Entretiens d'Orthophonie.
Paris : Expansion Scientifique Française.

114
Colleau, A., Coquet, F., Eyoum, I., Leloup, G., Lhuisset, P., Ménissier, A., Roubeau, B., Rousseau, T., Touzin,
M.. (2002). Logiciel d'Aide au Bilan Orthophonique (LABO 2002). Paris : Fédération Nationale des
Orthophonistes.
Coquet, F., Maetz, B. (1997) Dépistage et Prévention Langage à 3 ans – DPL3. Isbergues : Orthoédition.
Coquet, F. (2000). Essai de modélisation du Bilan Orthophonique. GLOSSA, 74, 38-42.
Coquet, F. (2000). A propos du bilan de langage oral de l'enfant. In Entretiens d'Orthophonie, (pp.178-183).
Paris : Expansion Scientifique Française.
Coquet, F. (2002). Le bilan du langage oral. Rééducation Orthophonique, 212, 13-42.
Ferrand, P., Tréanton, A.M. (1983). Le Bilan Orthophonique. Isbergues : Ortho-édition.
Ferrand, P. (2000). Le Bilan Orthophonique en 3D. Entretiens d'Orthophonie. Paris : Expansion Scientifique
Française.
Ferrand, P. (2000). Protocole d'Evaluation Rapide – PER 2000, actualisation du TDP 81. Isbergues : Ortho-
édition.
Kern, S. (1999). Inventaire français du développement communicatif chez le nourrisson : mots et gestes – mots et
phrases. Lyon : Laboratoire Dynamique du Langage.
Leloup, G., Roustit, J. (2002). LABO 2002 : Aide au bilan orthophonique. Rééducation Orthophonique, 212,
7-12.
Rondal, J.A. (1987). L'évaluation du langage. Bruxelles : Mardaga.
Roy, B., Maeder, C (1991 - 1996). Epreuve de Repérage des Troubles du langage utilisables lors du bilan médical
à 4 ans – ERTL4. Nancy : Com Médic.
Roy, B., Maeder, C Kipfer, A., Blanc, J.P., Alla, F. (1996 - 2002). Epreuves de Repérage des Troubles du Langage
et des Apprentissages utilisables lors du bilan médical de la 6ème année – ERTLA6. Nancy : Com Médic.
Roustit, J. (2001). Le bilan Orthophonique. L'Orthophoniste – Dossier, 206.
Zorman, M., Jacquier-Roux, J. (1997). Bilan de Santé Evaluation du Développement pour la Scolarité 5 à 6 ans
– BSEDS. Grenoble : Editions de la Cigale.

MÉTHODES ET TECHNIQUES DE RÉÉDUCATION


Adelé, L., Coquet, F., Dumont, A., Touzin, M. (2001). Le projet thérapeutique orthophonique. (Annexe 3).
In L'orthophonie dans les troubles spécifiques du langage oral chez l'enfant de 3 à 6 ans. Paris : A.N.A.E.S.
(Agence Nationale pour l'Accréditation et l'Evaluation en Santé) : Recommandations pour la pratique
clinique.
Aimard, P. (1982). L'enfant et son langage. Villeurbanne : SIMEP.
Alves, C., Gibaru, I. (2001). Le parcours de l'apprenti parleur. Isbergues : Ortho-édition.
Benaïs, V., Nicolas, P. (2002). La prise en charge orthophonique des enfants dysphasiques : de l'évaluation à la
rééducation. Isbergues : Ortho-édition.
Besche, G. 1973). J'écoute et je dis, m'avez vous compris ? - Avec mes oreilles et ma bouche, avec mes yeux, avec
mes doigts : comptines. Paris : Editions de l'Ecole.
Bo, A. (2000). Essai d'adaptation d'un programme familial à la pratique en libéral. Rééducation
Orthophonique, 203, 139-144.
Borel-Maisonny, S. (1979). L'absence d'expression verbale chez l'enfant. Vers une méthode globale. Paris :
ARPLOE.
Bowen, C. (200). Collaboration avec les familles et les enseignants en rééducation phonologique. Rééducation
orthophonique, 203, 11-17.
Bustarret, A. (1982). L'oreille tendre. Paris : Les éditions ouvrières/Collection Enfance Heureuse.
Chassagny, C. (1977). La Pédagogie Relationnelle du Langage. Paris : PUF/collection Pédagogie d'aujourd'hui.
Chauvin-Tailland, C. (2001). Parler et lire avec les idéo-pictos. Marseille : éditions Solal/Collection Tests &
Matériel.
Collectif d'auteurs. (2000). L'accompagnement familial. Rééducation Orthophonique, 203.
Coquet, F., (1992). Praxies. Isbergues : Ortho-édition.

115
Coquet, F., Dussart, S., Lobry, V. (2003). "Papa, Maman…Le langage c'est important!..." Isbergues: Ortho-
édition.
Coquet, F. (2003). Lecture pragmatique (repères théoriques) de la situation de rééducation du langage oral en
individuel : Une situation de conversation ? In Entretiens d'Orthophonie. Paris : Expansion Scientifique
Française.
Coquet, F. (2004). Les troubles de la parole et du langage oral de l'enfant et de l'adolescent : Méthodes et
Techniques de rééducation. Isbergues : Ortho-édition..
Court, A. (2003). Mots en formes et en couleur. Isbergues : Ortho-édition.
Cronck., J. (1987). La pragmatique, toile de fond pour une rééducation de la communication verbale chez
l'enfant. In L'Orthophonie : Ici, ailleurs, autrement. Actes du congrès international de Nice FNO, 249-261.
Daigneault, G., Leblanc, J. (1972 – 2003). Des idées plein la tête. Exercices axés sur le développement cognitif et
moteur. Canada : Chenelière/McGraw-Hill.
De Becque, B., Blot, S. (1994). La méthode des jetons. Isbergues : Ortho-édition.
Denni Krichel, N. (1998). Parents, comment bien préparer votre enfant au langage. Isbergues : Ortho-édition.
Denni Krichel, N. (1998). Parents, votre enfant apprend à parler. Isbergues : Ortho-édition.
Dunoyer de Segonzac, M. (1991). Pour que vibre la Dynamique Naturelle de la Parole. Lyon : éditions Robert.
Ercolani, F., Claudon, C.L, Schaaf, S. (1992). Objectif Langage.
Estienne, F. (1985). La part des mots, les mots à part. Louvain la Neuve : éditions Cabay.
Estienne, F. (1988). L'apport de l'Analyse Transactionnelle à l'Orthophonie. Rééducation Orthophonique, 155,
325-343.
Estienne, F. (2001). Exercices de manipulation du langage oral et écrit. Paris : Masson/Collection
d'orthophonie.
Estienne, F. (2001). Utilisation du conte et de la métaphore en Orthophonie. Paris : Masson.
Estienne, F. (2002). La rééducation du langage de l'enfant. Savoir - faire - dire - être. Paris : Masson/Collection
d'orthophonie.
Ferrand, P. (1965). L'utilisation du jeu dramatique dans la rééducation des Troubles du Langage oral et écrit.
Revue de laryngologie – Otologie – Rhinologie Georges Portman. Numéro spécial de Phono audiologie, 86ème
année, 11-12, 1021-1058.
Ferrand, P. (2004). L'approche clinique – La médiation du mime. La mise en réseaux lexicaux. In F., Coquet.
Les troubles de la parole et du langage oral de l'enfant et de l'adolescent : Méthodes et Techniques de rééducation.
Isbergues : Ortho-édition.
Fouassier, C. et al. (1998). Qui dit quoi ? Le rôle de la reformulation dans la rééducation du langage oral chez
l’enfant de 4 ans, Rééducation Orthophonique, 196, 83-91.
François, F. (1993). Pratiques de l'oral ; dialogues, jeux et variations des figures du sens. Paris : Nathan pédagogie.
Gatignol, P. (2000). Mémoire de travail. Isbergues : Orthoédition.
Gauquelin, F. (1979). Développer sa mémoire - Méthode Richaudeau. Paris : Editions Retz.
Gillig, J.M. (1997). Le conte en pédagogie et en rééducation. Paris : Dunod.
Girolametto, L. (2000). Participation parentale à un programme d'intervention précoce sur le développement
du langage : Efficacité du programme Parental Hanen. Rééducation Orthophonique, 203, 31- 62.
Issoufaly, N., Primot, B. (1997). Phonorama. Isbergues : Ortho-édition.
Issoufaly, N., Primot, B. (1999). Phonorama : matériel d'entraînement à la compétence métaphonologique.
Rééducation Orthophonique, 197, 95-123.
Koppel, H. (2004). L'éducation au langage selon Suzanne Borel-Maisonny. In F., Coquet, Les troubles de la
parole et du langage oral de l'enfant et de l'adolescent : Méthodes et Techniques de rééducation. Isbergues : Ortho-
édition.
Johnston, J.R., Ellis Weismer, S. (1984). A source book of pragmatic activities. Inc Tucson (Az) :
Communication skill builders,
Lacarrere-Neybourger, C., Lasserre, J.P. (1996). L'approche RV – Prise en charge. Isbergues : Ortho-édition.
Leblanc, I. (2003). Syntaxi-Jeux. Isbergues : Ortho-édition.
Le Huche, F. (1990). Les apprentissages de la communication : Parler – Lire – Ecrire. Paris : Ramsay.

116
Lentin, L. (1977). Apprendre à parler à l'enfant de moins de 6 ans. Où ? Quand ? Comment ? Paris : Editions ESF.
Lentin, L. (1977). Comment apprendre à parler à l'enfant de moins de 6 ans. Aperçu d'une expérience en cours.
Paris : Editions ESF.
Lentin, L. (1977). Du parler au Lire. Interactions entre l'adulte et l'enfant. Paris : Editions ESF.
Lentin, L. (1975). Apprendre à parler en racontant. Paris : ISTRA / ESF.
Lequeux, P. (1972). Jeux de parole de l'école maternelle au CP et au CE. Paris : Armand Colin / Bourrelier.
Manolson, A. (1997). Parler, un jeu à deux. Comment aider votre enfant à communiquer. Guide des parents.
Toronto : Editions du Centre Hanen.
Morrow-Lettre, C. (1985). L'approche phonologique dans la rééducation des troubles de parole. Rééducation
Orthophonique, 141, 63- 67.
Monfort, M., Juarez – Sanchez, A. (1996). L'intervention dans les troubles graves de l'acquisition du langage et
les dysphasies développementales. Isbergues : Ortho-édition.
Monfort, M. et Juarez Sanchez, A. (2001). L'esprit des autres. Madrid : Entha Ediociones. Distribué en France
par Ortho-édition.
Monfort, M. et Juarez Sanchez, A. (2001). Pragma. Madrid : Entha Ediociones. Distribué en France par
Ortho-édition.
Ricard, L. et Toussignant, S. Recueil d'activités pragmatiques. Québec : L'hôtel Dieu de Québec.
Plucheau, C., Simonnet, E. (1996). Cognition et mémoire. Isbergues : Ortho-édition.
Rondal, J.A. (1998). Votre enfant apprend à parler. Bruxelles : Mardaga.
Sadek, D. (1982). Quatre cours sur le langage. Vol II. Paris : ISOSCEL.
Weiner, F. (1981). Treatment of phonological disability using the method of meaninful minimal contrast.
Journal of Speech and Hearing Disorders, 46, 451-461.
Weitzman, E. (1992). Apprendre à parler avec plaisir. Toronto : Editions du Centre Hanen.

117
CHAPITRE IV
Intervention auprès des enfants présentant une
dysphasie développementale

Marc MONFORT, Orthophoniste


Gradué en logopédie
Chargé d’enseignement dans les centres de formation de logopédie espagnols

Adoración JUAREZ SANCHEZ, Orthophoniste


Graduée en logopédie
Chargée d’enseignement dans les centres de formation de logopédie espagnols

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

II – QUELQUES COMMENTAIRES SUR LA SPÉCIFICITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121


III – LA SPÉCIFICITÉ DE L'INTERVENTION ................................................................ 122

IV – L'INTENSITÉ ET LA DURÉE DE L'INTERVENTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

V – LE BESOIN D'UNE APPROCHE PLURI-DISCIPLINAIRE ........................................ 123

VI – L'IMPORTANCE DES MOYENS ALTERNATIFS ET AUGMENTATIFS DE COMMUNICATION . 123

VII – LE BESOIN DE "COMPRENDRE" LES SYMPTÔMES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124

VIII – LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DES PROGRAMMES D'INTERVENTION


A – Le niveau de la stimulation renforcée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
B – Le niveau de la re-structuration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
C – La communication alternative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

IX – CONCLUSION ................................................................................................. 130

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................. 131


I – INTRODUCTION
Le terme "dysphasie" est habituellement lié aux troubles spécifiques de l'acquisition du langage, identifiés
essentiellement par des critères d'exclusion d'autres étiologies plus générales et considérés comme graves par la
persistance des symptômes au cours du développement (Gérard, 1991, Mazeau, 1997, Monfort et Juárez,
2001, Bishop et Leonard, 2000, de Weck, 2003).
La plupart des auteurs considèrent que les enfants présentant une dysphasie montrent une certaine déviance
par rapport au modèle normal de développement du langage, ce qui les différencierait des enfants présentant
un "retard de langage" dont les symptômes seraient surtout quantitatifs : ces déviances seraient surtout
appréciables dans les aspects les plus spécifiques du langage oral, tels que la phonologie ou la syntaxe (Crystal,
1982).
L'agrammatisme, la dissociation automatico-volontaire anormale, l'hétérogénéité lexicale, les troubles de
l'évocation ou de l'informativité sont des exemples de "marqueurs qualititatifs" proposés par différents
chercheurs sans qu'il y ait un consensus actuel ni sur leur valeur ni sur la manière exacte de les identifier.
En réalité, le débat retard-déviance est sans doute un concept somme toute assez théorique et d'application
relative : à partir d'une différence significative entre le niveau de langage d'un enfant et le reste de ses habiletés
cognitives, affectives y sociales, il est dífficilement concevable qu'un "acte de langage" de sa part, considéré
dans son ensemble, puisse être semblable à l'acte de langage produit par un enfant plus jeune dont le déve-
loppement serait homogène.
La déviance pourrait alors tout autant être "primaire" (c'est à dire qu'elle répondrait à une différence
structurelle dans les processus responsables soit du traitement soit de la production du langage) que
"secondaire" aux mécanismes de réajustement ou de compensation provoqués par la dysharmonie du
développement, c'est à dire le retard de l'acquisition du langage par rapport à la dynamique évolutive générale
et par rapport aux besoins communicatifs de l'enfant.
Le terme "dysphasie" couvre un échantillon extrêmement large de symptômes et de cas particuliers puisque
les troubles peuvent affecter tout autant la compréhension que l'expression ou seulement cette dernière.
Ils peuvent être présents dans tous les aspects langagiers (phonologie, sémantique, syntaxe, pragmatique) ou
n'apparaître que dans certains d'entre eux, tout en offrant différents degrés de gravité.
Cette variété des cas individuels a induit un certain nombre d'auteurs à proposer des classifications en sous-
groupes, en fonction des symptômes observables : mis à part les catégories élémentaires du DSM-IV, les plus
utilisées actuellement sont celles de Rapin et Allen (voir révision chez Rapin, 1996) en anglais et celles de
Gérard (1991-1993) en français.
Il est important de rappeler qu'il s'agit de classifications symptômatologiques qui ne reflètent que le moment
présent de l'enfant : celui-ci donc peut changer de sous-groupe au cours du temps : selon l'étude de Conti-
Ramsden et Botting (1999) près de la moitié des enfants de la cohorte qu'ils ont suivie pendant plusieurs
années le font.
Les frontières entre les sous-groupes et entre certaines formes de dysphasie et d'autres pathologies restent
encore imprécises : c'est notamment le cas entre le Syndrome Sémantico-Pragmatique et les Troubles
Envahissants du Développement (Monfort et coll., sous presse).

II – QUELQUES COMMENTAIRES SUR LA SPÉCIFICITÉ


Malgré le succès du terme "trouble spécifique du langage", il faut tout de même exprimer certaines réserves en
ce qui concerne le qualificatif "spécifique".
Quand il s'agit d'un trouble grave et durable de l'acquisition du langage et quand l'on sait l'importance du
code linguistique pour le développement cognitif, affectif, social et instrumental, il est difficile d'imaginer que
l'on puisse envisager le cas d'un enfant dont le langage serait absent ou extrêmement réduit et qui ne
présenterait aucune autre difficulté, ne fût-ce que comme conséquence de cette situation d'incommunicabilité
: l'absence d' habiletés interactives conformes aux besoins de l'enfant aura nécessairement des répercussions
qui devront être prises en considération.

121
À l'inverse, la présence d'un trouble grave du développement du langage provoque des changements et des
réactions dans les réponses de son entourage, ce qui ajoute un aspect en quelque sorte "exogène" à la nature
intrinsèque des troubles dysphasiques.
D'un autre point de vue, toutes les études comparatives entre les enfants de développement langagier normal
et les enfants présentant une dysphasie (voir révision chez Ellis Weismer, 2000) montrent une prévalence
beaucoup plus élevée chez ceux-ci de toute une série d'autres difficultés développementales (perceptives,
cognitives, instrumentales, psycho-motrices et socio-affectives) qui, sans pouvoir être considérées comme des
facteurs étiologiques, apparaissent néanmoins étroitement liées à la présence des troubles langagiers.
Cette combinaison de troubles du langage et de troubles "instrumentaux" a caractérisé d'ailleurs la plupart des
publications françaises à partir des travaux de Ajuriaguerra (par exemple Aimard 1974) pour un point de vue
clinique).
Finalement, la présence d'un "trouble dysphasique" est évidemment compatible avec celle d'autres déficiences
ou dyscapacités dérivant d' autres étiologies (troubles sensoriels, neuro-moteurs ou cognitifs, par exemple) : il
s'agit alors d'enfants présentant un "pluri-handicap" avec tout ce que ce concept signifie d'intéractions
mutuelles entre les différents plans d'altération.
La détermination d'un groupe d'enfants dont les troubles seraient tout à fait spécifiques à l'"organe langage" a
sans nul doute un grand intérêt pour notre connaissance de leur étiologie et il faut pour cela approfondir la
précision des termes et des populations auxquelles ils font référence mais, malgré les efforts des théoriciens
(voir Gérard, 2003), on semble encore assez loin d'un consensus à ce point de vue.
Par contre, sous l'angle de l'intervention clinique, la notion de "spécificité originelle" est sans doute moins
déterminante puisque que nous n' affrontons jamais la "simple" expression des troubles initiaux mais le
résultat évolutif des conséquences de ces troubles sur l'ensemble du développement.

III – LA SPÉCIFICITÉ DE L'INTERVENTION


L'intervention orthophonique chez les enfants présentant une dysphasie reprend la plupart des approches et
des techniques utilisées pour des troubles moins sévères tels que les retards de langage ou les troubles de la
parole, analysées et décrites de manière très détaillée dans d'autres chapitres.
Au niveau des approches, en se limitant aux travaux en langue française, on y retrouvera les contrastes entre :
• des approches plus pragmatiques/éthologiques (Monfort et Juárez, 2001) centrées sur les mécanismes d'in-
teraction communicative
• des approches plus neuro-psychologiques ou neuro-linguistiques (Gérard, 1991,Gelbert, 1994, Mazeau,
1997) qui partent davantage d'un modèle interprétatif des symptômes à partir du dysfonctionnement
cérébral supposé à l'origine des symptômes
• des démarches qui se basent sur une analyse plus linguistique des demandes de langage auquel l'enfant ne
peut répondre (Sadek, 1981-1990, de Weck, 2003 et d'autres propositions plus ponctuelles, influencées par
des linguistes tels que Saussure,Chomsky ou Guillaume)
• des propositions plus "rééducatives", formées par la construction empirique des moyens de "remédiation"
considérés comme les plus efficaces (Potier, 2003)
• des approches psycho-affectives qui réclament une attention spéciale à ce que représentent les symptômes
dans l'architecture psychologique de l'enfant et de son entourage (Dubois, 1988)
• des propositions combinant cette dernière approche avec des éléments empruntés à l'une ou l'autre des
démarches précédentes (Aimard, 1974, Van Waeyenbergue, 1997).
Au niveau des techniques concrètes d'intervention orthophonique et malgré les nombreux commentaires sur la
"spécificité" de la dysphasie et de sa "rééducation" que l'on trouve dans la plupart des manuels, il ne semble pas
exister de différences fondamentales entre ce qui est proposé pour le "retard de langage" et les "dysphasies", tout
au moins en ce qui concerne les moyens d'intervenir sur une cible bien précise de la phonologie, la syntaxe,
la grammaire ou le lexique.
Ce chapitre tentera donc de souligner les aspects de l'intervention qui seraient plus "particuliers" aux cas des

122
enfants présentant des troubles graves du développement du langage : il s'agit le plus souvent d'éléments que
l'on doit ajouter au modèle général que l'on suit dans les cas de troubles moins sévères ou auquel il faut prêter
un intérêt particulier.

IV – L'INTENSITÉ ET LA DURÉE DE L'INTERVENTION


L'intervention dans les retards de parole et de langage est habituellement ponctuelle et poursuit une norma-
lisation du langage de l'enfant (tout au moins au niveau des critères sociaux de normalité langagière).
Dans le cas des dysphasies, cette normalisation du langage est souvent un objectif à très long terme et, dans les
cas les plus graves, il n'est même pas envisageable.
Il faut donc s'adapter à une dynamique différente, qui recherche surtout une amélioration de l'efficacité com-
municative et la prévention d'effets secondaires : il s'agit d'une prise en charge à long terme, développée tout au
long de l'enfance et de l'adolescence.
Le besoin d'un abordage précoce et intensif fait l'unanimité des cliniciens, d'où l'importance d'une identi-
fication rapide des troubles dysphasiques pour éviter des pertes de temps : la systématisation d'instruments de
dépistage à l'école et dans les consultations orthophoniques contribue à une prise en charge de plus en plus
précoce mais il reste encore beaucoup à faire ; dans cette direction, on peut signaler la publication récente de
Dialogaris (Antheunis et al.,2003), un instrument de dépistage, d'orientation et de prévention des troubles du
langage destiné aux orthophonistes mais aussi aux parents et éducateurs.

V – LE BESOIN D'UNE APPROCHE PLURI-DISCIPLINAIRE


Les troubles langagiers sont bien sûr les plus évidents mais ils sont très rarement isolés (d'où la proposition de
Tomblin -2002- du terme "trouble premier de langage" plutôt que "trouble spécifique") : l'orthophonie n'a
pas de réponse à tous les problèmes et il est souvent conseillé de suivre en parallèle d'autres approches, surtout
pour les difficultés psycho-motrices et comportementales.
L'importance des troubles du langage a évidemment des répercussions sur la scolarité : la démarche ortho-
phonique doit la plupart du temps être combinée avec une adaptation ou un renforcement des apprentissages
scolaires, ce qui a déterminé dans certains pays la création d´écoles spécifiques (en Belgique, par exemple), de
classes spécialisées pour enfants dysphasiques (en Grande-Bretagne) ou l'intégration de l'orthophonie dans le
cadre scolaire ordinaire (en Espagne).
Au niveau ministériel, le rapport Ringard en 2000 et le Plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble
spécifique du langage de 2001* servent maintenant de référence en France au besoin d' une démarche globale
pour ces enfants.

VI – L'IMPORTANCE DES MOYENS ALTERNATIFS


ET AUGMENTATIFS DE COMMUNICATION
Il est généralement accepté que l'enfant dysphasique présente des difficultés dans le traitement "en entrée" des
stimulis auditifs et/ou verbaux et dans les processus d' emmagasinement et de récupération en mémoire
(Bishop, 1997, Bishop et Leonard, 2000).
La plupart des approches thérapeutiques propose alors d'utiliser des supports visuels et cinestésiques, que l'on
peut classifier de différentes manières.
• En entrée, c'est l'adulte qui les utilise pour accompagner sa parole et faciliter ainsi chez l'enfant les processus
d'attention, de discrimination et de segmentation de l'information verbale.
*
texte publié dans L'orthophoniste et disponible sur les sites www.orthophonistes.fr
et www.education.gouv.fr.

123
Il peut ainsi utiliser :
- les gestes naturels et la mimogestualité (l'une des bases de la méthode Ledan - Lovenfosse et Van
Hoeck, 2003)
- des signes manuels (différentes modalités de la communication bimodale : Français Signé, méthode
Makaton)
- des gestes de rappel, de type phonologique (gestes Borel, gestes de la méthode verbo-tonale, de la
Dynamique Naturelle de la Parole)
- des pictogrammes ou des idéogrammes (code Grach, le Communimage, cités par Mazeau, 1997)
- des représentations visuelles de certains traits des phonèmes (voir par exemple Borel, 1979)
- du langage écrit
Dans le cas des aides manuelles, cela permet à l'enfant d'ajouter une entrée visuelle à l'entrée auditive,
simultanée à celle-ci, qui peut lui permettre de mieux comprendre ce qu'on lui dit, de segmenter plus
facilement les mots (dans le cas des signes), les syllabes ou les phonèmes (dans le cas des gestes "articu-
latoires") et, ainsi, de garder plus facilement en mémoire certaines séquences.
Ces aides ne sont pas réservées au travail en séance mais peuvent être introduites dans l'interaction naturelle,
quoiqu'à différents niveaux évidemment.
Les aides graphiques (pictogrammes, écriture) ajoutent à leur caractère visuel le bénéfice de la permanence et
de la manipulation concrète, réduisant ainsi l'exigence de mémoire et surtout de mémoire séquentielle.
Par contre, ils sont pour la plupart liés au travail de séance et toujours dépendants d'un support concret dont
l'enfant ne dispose pas toujours, d'où la difficulté de généraliser leur usage chez des enfants qui peuvent se
déplacer de façon autonome.
Si on utilise ces systèmes pour permettre à l'enfant tout autant de comprendre que de s'exprimer, on parlera
d'usage alternatif au langage ; s'il les utilise pour exprimer ce qu'il est capable de comprendre oralement, on
parlera d'usage alternatif à la parole ; s'il s'agit surtout de permettre à un enfant de mieux analyser ce qu'il est
capable de comprendre et d'en étayer ensuite sa propre production orale, l'on parlera alors d'un usage
augmentatif.
En sortie, l'enfant peut s'aider pratiquement des mêmes systèmes, de nouveau d'une manière alternative s'il
les utilise pour se faire comprendre faute de parole efficace, d'une manière augmentative s'il s'agit surtout de
s'aider lui-même à produire une parole ou un langage mieux organisés.
La plupart des programmes destinés aux enfants dysphasiques et à leurs familles proposent actuellement l'un
ou l'autre de ces moyens : certaines équipes ont systématisé leur usage à travers de "méthodes", c'est le cas de
la méthode Ledan ou de la méthode Makaton.
L'objectif des systèmes augmentatifs et/ou alternatifs est en réalité double :
• d'une part, il s'agit de fournir à court terme des moyens qui permettent à l'enfant d'organiser une commu-
nication efficace avec son entourage, d'ouvrir ainsi la porte à son développement général et de prévenir, au
moins en partie, les effets négatifs d'une situation d'incommunicabilité,
• d'autre part, l'on attend généralement de l'emploi de ces moyens un "effet facilitateur" sur le développement
du langage parlé, effet facilitateur qui a été décrit dans la plupart des travaux dans ce domaine et dont la
nature est diverse.
Il y a sans doute un effet indirect qui surgit d'une augmentation de la stimulation de l'entourage à partir du
moment où l'enfant est à même de jouer son rôle habituel d' "incitateur" de l'interaction ; l'effet direct découlerait
de la possibilité que donnent ces instruments à l'enfant d'exercer les mécanismes expressifs sous-jacents à l'acte de
parole (décision pragmatique, choix lexical, organisation du discours) même si celle-ci est encore très
compromise ; il découlerait aussi de l'étayage sensoriel et moteur fourni par la vue et par le mouvement.

VII - LE BESOIN DE "COMPRENDRE" LES SYMPTÔMES


Un même symptôme peut dériver d'handicaps différents, situés à différents échelons du processus de
réception et de production du langage.
Vouloir appliquer à tous les enfants une même technique ou une même méthodologie sous le prétexte qu'elle

124
a obtenu de bons résultats dans un certain nombre de cas est sans doute la cause de nombreux échecs et
déceptions.
Il semble nécessaire de chercher à "comprendre" quel est le niveau perturbé et quels sont les niveaux préservés,
pour chaque cas particulier, dans le but de choisir une stratégie et de développer des instruments d'in-
tervention.
Il est malheureusement plus facile de "prêcher" cette recommandation, somme toute assez triviale, que de la
mettre en pratique.
L'examen neurologique détaillé nous aide parfois à préciser la nature de certains troubles mais, dans les cas
qui nous occupent, cela reste une exception.
On peut alors se rabattre sur des schémas neuro-psychologiques (voir Gérard, 1991-1993 ou Lasserre et al.,
1994) ou psycho-linguistiques (Belinchon et al., chez Monfort et Juárez, 2001, page 44) qui essayent de
décrire ou de représenter les mécanismes sous-jacents à l'acte de langage : il faut alors réaliser un travail
d'analyse des différents symptômes observables chez un enfant et de "construction" d'un modèle explicatif
(non pas étiologique) de son développement pathologique du langage.
Il ne s'agit pas d'expliquer la "cause" du trouble, il s'agit de comprendre ce que fait l'enfant face à l' "objet
langage" aunquel il est confronté.

VIII – LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DES PROGRAMMES


D'INTERVENTION
On peut distinguer globalement trois niveaux d'intervention, complémentaires, dont la mise en place dépend
de la gravité des symptômes et de l'âge de l'enfant.

A - LE NIVEAU DE LA STIMULATION RENFORCÉE.


La première façon d'aider un enfant dysphasique est bien sûr de lui faciliter les choses puisque l'amélioration
de ses propres capacités sera longue et progressive.
Il s'agit de contrôler les contingences des interactions, que ce soit pendant les sessions d'orthophonie ou à la
maison, pour que les modèles langagiers soient plus clairs, plus stables et mieux adaptés au niveau de l'enfant,
tout en maintenant les caractéristiques naturelles de l'interaction, principalement à travers les jeux ou les
situations de vie quotidienne.
C'est donc sur le style et la manière de parler des adultes ainsi que sur les conditions matérielles des situations
d'échange que se centrera l'attention de ce premier niveau d'intervention.
L'on prétend ainsi situer le langage au niveau des capacités de l'enfant avant de chercher à améliorer celles-ci.
À ce niveau, même si on a l'habitude de les opposer, l'on peut s'inspirer aussi bien d'un modèle "éthologique"
comme celui du centre Hanen (Manolson, 1985, Weitzman,1992) que d'un modèle "relationnel" (Aimard,
1974, Dubois, 1985).
Ils sont probablement complémentaires, l'un insistant sur l'ajustement technique de l'interaction langagière,
l'autre sur la qualité de son contenu.
Un point important de ce premier niveau est le besoin d'une guidance et d'un accompagnement familial
intensif et très individualisé : l'enfant qui présente une dysphasie ne peut progresser avec la seule orthophonie :
c'est tout son entourage qui doit pouvoir faire un ajustement important de son interaction communicative et
langagière, comme il en est de même dans d'autres cas de troubles graves du développement du langage, chez
l'enfant sourd ou chez l'enfant IMC.
Cet aspect de notre travail peut être abordé de différentes manières, selon les ressources de chacun : certains
proposent des formations en groupe de parents, ce qui permet aussi un gain important de soutien mutuel
(voir, par exemple le video de Barbier et Eyoum, 2003) ; d'autres l'abordent de manière plus individuelle avec
une assistance programmée et structurée des parents aux séances d'orthophonie (Monfort et Juárez, 2001,
page 145); on peut évidemment combiner les deux démarches.

125
Cela permet également de contribuer à la "réparation" des liens entre l'enfant et ses parents, d'améliorer le
vécu qu'ont ceux-ci des possibilités de leur enfant, de les aider à mieux comprendre la nature de ses difficultés,
de réduire leur angoisse et de reprendre confiance en eux.
Les parents ont besoin également d'information face à un trouble déroutant pour eux, à cause de l'absence de
"signes physiques" de l'handicap et de cette dysharmonie entre les capacités de leur enfant : de là
l'importance des associations de parents (regroupées en France dans la FLA) et de leurs publications (un manuel et
un video de l'AEDA belge, la revue Paroles, Paroles de l'Association Avenir Dysphasie en France, ou Ses yeux
parlent de l'association québecquoise AQEA) qui peuvent aider les professionnels dans cette responsabilité.
Au sein des séances d'orthophonie, ce premier niveau de stimulation renforcée se développe à partir d'un
nombre relativement limité de "formats conversationnels" dont on peut analyser les avantages et les
inconvénients en fonction de l'enfant.

Formats Avantages Inconvénients

Le jeu d'interaction physique Facilité pour éveiller la Limitation fonctionnelle :


Le jeu symbolique avec poupées motivation de l'enfant il s'agit souvent de langage
et jouets référentiel ou lié aux fonctions
les plus élémentaires

La "dramatisation" de situations Stabilité des modèles verbaux Rôle plus dirigiste de l'adulte
réelles ou fictives parce que favorables à
Le jeu compétitif (loto, domino, l'introduction de routines
memory et de scénarios

Livres d'images et histoires Très grande stabilité des modèles Possible limitation de la
illustrées verbaux motivation
Rythme qui peut être ralenti Forte limitation fonctionelle

Conversation

Apprentissage coopératif: Richesse et flexibilité fonc- Moins de stabilité dans les


collages, dessins "partagés", cons- tionnelles modèles verbaux
tructions, préparations de repas
ou de matériel, confection du Rythme d'échange plus rapide
"livre de vie"...

Selon les caractéristques de l'enfant et les objectifs que nous nous sommes fixés, les avantages ou les
inconvénients de chaque format sont relatifs : le manque de richesse fonctionnelle par exemple n'est pas très
important pour un enfant dont les difficultés se situent surtout au niveau des aspects formels du langage et
qui communique très bien ; par contre il serait un obstacle majeur dans le cas contraire, par exemple celui
d'une dysphasie sémantico-pragmatique.
Au cours des échanges qui se produisent á l'intérieur de ces formats (dont les contingences contrôlées servent
à donner de la "clarté" et de la "stabilité" aux modèles verbaux), l'orthophoniste dispose d'une série de
moyens d'étayage qu'elle (ou il) va utiliser pour faciliter et fixer les apprentissages.
Il s'agit pour la plupart de stratégies communément utilisées par les adultes d'une manière plus ou moins
intuitive mais que l'on essaye précisément de rendre explicites pour pouvoir les utiliser de manière planifiée,
en général plus intensive au début et en réduisant ensuite peu à peu l'apport de l'étayage.
Il y a tout d'abord des éléments très généraux, communs à n'importe quelle situation "pédagogique" et qu'il
n'est pas toujours facile de décrire alors qu'ils sont tout à fait identifiables par les enfants, très sensibles au
"style" interactif des adultes qu'ils fréquentent.

126
Le tableau suivant en reprend quelques-uns, sans que cela soit limitatif.

• Contingences matérielles :
- réduction d'éléments distracteurs
- un certain ordre dans le déroulement des séances
- une présentation "intentionnée" du matériel propre à provoquer des prétextes d'échanges
• Attitude de l'adulte :
- une sérénité générale des mouvements et de la voix
- de la flexibilité sans perdre le contrôle de la situation
- interêt manifeste pour l'enfant et ce qu'il fait
- attention à l'initiative de l'enfant et respect du "tour de parole" ou du "tour d'échange"
• Stratégies pour attirer et maintenir l'attention :
- contrôle du temps de chaque activité (savoir en changer juste à temps)
- expressivité générale de la voix et du corps
- sens de l'humour et du plaisir
- imagination et créativité

Il y a ensuite les stratégies d'étayage propres à l'interaction verbale et qui sous-tendent le principe
"coopératif" de n'importe quel échange conversationnel, de l'enfance à l'âge adulte.
• Etayages de l'attention et de la compréhension :
- renforcement de l'intonation
- ajustement du rythme de parole
- choix des mots
- simplification syntaxique
- répétition fréquente
- référence au contexte
- communication non verbale renforcée
• Etayages de l'initiative de l'enfant :
- expansions
- extensions
- incorporations
• Etayages de l'expression :
- modelage
- incitation et modelage
- retard temporel structuré
- induction
- choix entre alternatives
- fausses réponses
- enseignement incidental
- imitation différée

127
"L'étiquetage" des moyens d'étayage est important non seulement pour l'orthophoniste parce qu'elle lui
fournit des repères au cours de situations qui restent assez ouvertes mais aussi pour la guidance parentale parce
qu'elle permet aux parents de mieux "lire" ce qu'ils observent pendant les séances et pendant leurs propres
échanges avec leurs enfants.

B - LE NIVEAU DE LA RE-STRUCTURATION.
Le premier niveau essayait de permettre le développement du langage en proposant de meilleures conditions
d'appréhension du langage ; ce deuxième niveau prétend permettre à l'enfant d'apprendre autrement :
• en empruntant des voies sensorielles et motrices différentes
• en utilisant des modes d'acquisition que les enfants de développement langagier normal n'ont pas besoin
d'utiliser mais qui sont à la disposition des enfants présentant une dysphasie
• en renforçant certaines habiletés non spécifiques au langage oral mais qui jouent un certain rôle dans
l'acquisition du langage.
C'est d'une certaine manière semblable à ce que fait un adulte quand il apprend une langue étrangère : il a
recours à des processus plus conscients et plus cognitifs pour compenser les limites que posent à l'acquisition
naturelle de cette nouvelle langue, son âge et la réduction conséquente de certaines habiletés ; on pourrait
aussi s'inspirer ce que l'on demande de faire à un enfant sans audition fonctionnelle pour acquérir la langue
orale.
Construire chez celui-ci une habileté phonologique par exemple, à partir d'une information exclusivement
visuelle (lecture labiale + LPC + langage écrit), est possible mais se base évidemment sur des processus neuro-
linguistiques différents de ceux qui se mettent en place chez l'enfant entendant.
Le niveau de re-structuration fonctionnelle correspond à la démarche décrite par Mazeau (1997, page 224) :
" analyser les "outils" cognitifs dont dispose-ou non- cet enfant-là, comprendre les stratégies qui sont - ou non -
utilisables, distinguer les voies d'accès disponibles pour certaines acquisitions, éviter des impasses pédagogiques".
Ce deuxième niveau de l'intervention reprend différentes approches, selon les capacités de l'enfant (celles des
symptômes et celles de son développement général) et selon l'objectif de l'intervention :
• l' utilisation de systèmes augmentatifs que l'on peut introduire au sein des activités du premier niveau (c'est
par exemple le cas de signes) ou que l'on utilise surtout pour étayer certains apprentissages pendant les
séances d'orthophonie.
• l'application de stratégies formelles d'enseignement de la parole ou du langage, à partir du moment où les
capacités cognitives de l'enfant le permettent ; c'est là où trouvent leur place les stratégies de type plus
linguistiques, dérivées de l'analyse des "structures" de la langue que l'on cherche à expliciter, ainsi que
l'approche directe de l'apprentissage de la parole.
• l'utilisation de programmes d'entraînement d' habiletés particulières comme la discrimination auditive, la
mémoire séquentielle, le rythme...
Il s'agit là d'une tradition ancienne, dont on peut douter de la prétention parfois explicite de "traiter la
cause" du problème mais dont les techniques peuvent aider à faire progresser l'enfant dans certains domaines
où il présente un déficit significatif ou plus spécifique : on y retrouve depuis les exercices classiques de type
instrumental (jeux de discrimination, d'attention, de mémoire, d'orientation...) jusqu'à l'usage de
technologie informatique du traitement du son (le programme Fast For Word de l'équipe de Tallal- voir, en
français, Miller et al., 1999).
L'approche psycho-motrice centrée sur l'attention, la coordination motrice générale, la stimulation auditive
et la socialisation (quand elle se fait en groupe) serait un autre exemple d'une démarche qui permet
d'acquérir des niveaux de développement qui aideront ensuite l'enfant à mieux profiter des situations
d'apprentissage de la langue, qu'elles soient naturelles ou structurées au sein d'une séance de type plus
formel.
L'intervention formelle pose toujours le problème du choix des contenus que l'on prétend "enseigner" à
l'enfant.
Le manque d'information dont nous disposons en ce qui concerne le développement détaillé de la langue lors
du développement normal et l'existence d'importantes différences individuelles qui dérivent du style propre à

128
chaque enfant constituent des obstacles majeurs à cette prise de décision : on court alors le danger
d'apprendre à l'enfant des contenus qu'il ne va pas pouvoir généraliser en dehors des séances et qui
probablement seront oubliés dès que le renforcement des exercices disparaîtra.
Une solution possible consiste à extraire ces contenus, que l'on va travailler par ailleurs de façon formelle, de
l'observation de l'enfant, des contenus qui existent déjà mais ne sont pas encore efficaces ou qui restent
incorrects, de l'initiative qu'il prend et des besoins qu'il manifeste.
Ce deuxième niveau d'intervention explicite, cognitive, consciente vient donc compléter le premier niveau de
stimulation renforcée et c'est chez celui-ci qu'il devrait chercher les contenus de ses exercices ou de son
entraînement.
Ainsi un énoncé agrammatical mais efficace peut surgir lors d'un format fonctionnel (jeu de communication
référentielle ou conversation spontanée) et l'orthophoniste y répondra d'abord par un "feed-back" correctif
approprié mais continuera ensuite l'échange de façon naturelle.
Ce même énoncé peut être repris plus tard, dans un autre contexte, plus formel : dans le "cahier d'images" de
l'enfant, l'orthophoniste dessine la situation qui a généré l'énoncé et y fixe la forme correcte en utilisant des
stratégies augmentatives : pictogrammes ou langage écrit.
Le fait de se placer dans cette situation (hors contexte) ouvre la possibilité alors, si son niveau le lui permet, de
demander à l'enfant l'application de stratégies de répétition consciente.
Le fait que le modèle utilisé ait d'abord été utilisé spontanément par l'enfant nous autorise à espérer un
meilleur taux de généralisation que si l'orthophoniste avait choisi un "énoncé-type" extrait d'un matériel
imprimé ou d'une logique de "linguistique descriptive" dont on a fait souvent la caricature à propos des
méthodes d'enseignement d'une langue étrangère.
Un moyen différent d'assurer la généralisation d'un contenu présenté de façon formelle est de l'introduire
dans une situation de jeu, soit à travers du matériel spécialisé (type Pragma, Syntax, Pourquoi chez Ortho-
édition, lotos phonétiques, jeux informatiques centrés sur des contenus langagiers - par exemples Séquences &
Dysphasies chez Gerip), soit à travers des jeux classiques de langage (devinettes, Tabou, chaînes de mots,
recherches de rimes...etc).
La motivation du jeu sert alors de support externe à l'apprentissage ou à l'entraînement, comme il en arrive de
même pendant l'acquisition du langage pour certaines formes verbales avec lesquelles l'adulte et l'enfant
jouent.
De nouveau, il faut considérer ces approches comme complémentaires au développement du langage et de la
parole à l'intérieur de situations communicatives véritables qu'elles ne peuvent pas substituer.

C - LA COMMUNICATION ALTERNATIVE.
Certains enfants mettent plusieurs années à disposer ne fût-ce que de simples éléments du langage oral : c'est
le cas des enfants présentant une apraxie/dyspraxie verbale (Shriberg et al., 1997), une Audi-mudité pour
reprendre un terme ancien mais toujours utilisé au Québec ou une Agnosie Auditive Verbale (Rapin, 1996).
Les conséquences de cette incommunicabilité peuvent être considérables et depuis une vingtaine d'années,
s'est produit un mouvement important en faveur de l'introduction précoce de systèmes alternatifs quand
l'absence de langage dépasse un certain âge.
Auparavant, l'introduction de systèmes alternatifs se faisait tardivement, souvent à l'adolescence quand,
finalement, on arrivait à la conclusion que la parole n'allait pas se mettre en place.
L'exigence parfois explicite de connaître la "cause de l'absence de communication orale" (Mazeau, 1997)
comme préalable indispensable de l'intervention est en partie responsable du retard dans cette prise de
décision.
Le danger que cela représente pour le développement de l'enfant et l'évidence d'effets facilitateurs des
systèmes alternatifs sur l'émergence du langage oral (von Tetzchner et Martinsen, 1991) ont complètement
changé la perspective.
Il est proposé maintenant un usage (presque toujours temporel) de systèmes alternatifs, surtout de type
manuel, à des familles d'enfants de deux à trois ans dont la compréhension verbale est nulle ou extrêmement
réduite ou d'enfants à partir de trois ans sans expression orale, même si la "cause" du phénomène est encore

129
imprécise : c'est même souvent la réponse de l'enfant à cette nouvelle possibilité de communiquer qui permet
d'avancer dans l'identification de la nature de ses difficultés.
L'introduction de ces systèmes peut se faire dans le cadre du premier niveau d'intervention, au sein des
familles et de l'école.
L'on peut suivre ainsi un protocole dont les étapes principales sont :
• registre détaillé des intérêts de l'enfant, de ses besoins et de ceux de la famille, des intentions commu-
nicatives, des situations d'échecs...
• choix d'un premier répertoire de signes en fonction de ces données auxquelles on rajoute normalement des
noms de personnes et de lieux familiers, des concepts plus abstraits liés à l'expression d'émotions ou d'états
mentaux internes, des concepts de lieu et de temps et éventuellement des termes liés à des apprentissages
scolaires (comme les couleurs, les nombres...)
• sélection et adaptation des signes aux possibilités motrices de l'enfant, si cela est nécessaire
• apprentissage des signes par la famille et les personnes qui ont une relation stable avec l'enfant
• utilisation naturelle du système par l'entourage immédiat pendant les interactions quotidiennes et ren-
forcement du système par l'orthophoniste pendant les seánces
• registre de l'utilisation spontanée du système de la part de l'enfant
• révision des contenus et des stratégies en fonction de ces données
• registre de l'effet facilitateur sur la compréhension et /ou la fréquence et la richesse des productions orales de
l'enfant.
L'on considère généralement que la sélection individuelle et négociée des contenus et la généralisation de
l'usage du système à l'ensemble des personnes ayant une relation fréquente avec l'enfant sont les deux
principaux critères de réussite dans l'introduction d'un système alternatif, tant au niveau de la communication
qu'en ce qui concerne l'effet facilitateur sur l'émergence de la parole et du langage.
Dans les rares cas où l'usage d'un système alternatif se maintient à très long terme, il est alors nécessaire d'adapter
les systèmes aux besoins et capacités de l'enfant, qui changent avec l'âge : il arrive ainsi qu'un enfant qui a
communiqué avec des signes manuels pendant les premières années y ajoute ensuite l'usage de pictogrammes puis
de langage écrit pour pouvoir communiquer avec plus d'interlocuteurs ; il est alors possible aussi d'utiliser la
technologie qui lui permet une sortie vocale à partir d'éléments graphiques, surtout s'il domine l'écriture.

IX - CONCLUSION
Les symptômes dysphasiques ne sont pas seulement l'expression d'un déficit spécifique.
Ils sont le résultat de la construction par un organisme qui se développe autrement d'un système com-
municatif et linguistique particulier, en fonction de compensations internes et en fonction des caractéristiques
interactives de l'entourage.
L'objet d'une intervention langagière dans les cas de troubles graves de l'acquisition du langage n'est donc ni
le langage en lui-même, ni l'enfant, sinon l'ensemble des processus interactifs qui se développent entre son
entourage et lui et qui déterminent la construction de la communication.
Cela ne veut pas dire que l'on ne doit pas essayer de réduire les déficits particuliers quand ceux-ci sont
identifiés, cela veut dire que ce n'est pas suffisant.
Cela ne veut pas dire non plus que l'on renonce à "enseigner" certains contenus de langage, cela veut dire que
cet "enseignement" devrait s'inscrire dans une approche qui aborde l'acquisition du langage dans son milieu
naturel et à partir des mécanismes intrinsèques d'appropriation de la langue, malgré la présence de l'handicap
et en utilisant les moyens de compensation que cet handicap rend nécessaires.

130
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Antheunis, P.,Ercolani-Bestraul, A. et Roy, S. (2003). Dialogaris. Nancy : Com-Medic.
Aimard, P. (1974). L'enfant et son langage. Villeurbanne : Simep.
Barbier, I. et Eyoum, I. (2003). Les parents et les enfants d'abord. Video. Go-on Productions.
Bishop, D.V.M. (1997). Uncommon Understanding. Hove : Psychology Press.
Bishop, D.V.M. et Leonard, L.B. (2000). Speech and Language Impairments in children. Hove : Psychology
Press.
Borel-Maisonny,S. (1979). L'absence d'expression verbale chez l'enfant. Paris: Arploe.
Conti-Ramsden, G. et Botting, W. (1999). Classifications of children with SLI : Longitudinal
Considerations. Journ. of Speech, Lang. and Hear. Res. 42, 1195-1204.
Crystal, D. (1982). Introduction to Language Pathology. Londres: Arnold.
De Weck, G. et Rosat, M-C. (2003). Troubles dysphasiques. Paris : Masson.
Ellis Weismer, S. (2000). Intervention for children with developmental language delay. In D.V.M., Bishop et
L.B., Leonard (eds), Speech and Language Impairments in Children. Hove : Psychology Press.
Dubois, G. (1988). L'enfant et son thérapeute du langage. Paris : Masson.
Gelbert, G. (1995). Lire, c'est vivre. Paris : Edit. Odile Jacob.
Gérard, C. L. (1991). L'enfant dysphasique. Paris : Editions universitaires. (republié en 1993 à Bruxelles chez
DeBoeck)
Gérard, C.L. (2003). Place des syndromes dysphasiques parmi les troubles du développement du langage chez
l'enfant. In C. Gérard et V. Brun, Les Dysphasies. Paris : Masson.
Lasserre, J.P., Gely A. et Héra, O. (1994). Approche neuropsychologique de la Dysphasie Développementale
en pratique quotidienne. Glossa 38, 4-15.
Lovenfosse, G. Et Van Hoeck, J. (2003) : Les besoins éducatifs des enfants dysphasiques. Site du Ministère de la
Communnauté Française de Belgique. Administration Genérale de l’enseignement et de la recherche
scientifique.
Manolson, A. (1985). Parler, un jeu à deux. Toronto : The Hanen Centre.
Mazeau, M. (1997). Dysphasies, troubles mnésiques, syndrome frontal chez l'enfant. Paris : Masson.
Miller, S.L., Linn, N., Tallal, P., Merzenich, M. et Jenkins, W. (1999). Entraînement à la parole et au langage
acoustiquement modifié. Rééd. Orthoph., 197, 159-182.
Monfort, M. et Juárez, A. (2001). L'intervention dans les troubles graves de l'acquisition du langage et les
dysphasies développementales. Isbergues : Ortho-édition.
Monfort, M., Juárez, A. et Monfort, I. (sous presse). Les Troubles Pragmatiques du Langage et de la
Communication chez l'enfant. Isbergues : Ortho-édition.
Potier, D. (2003). La rééducation orthophonique de l'enfant dysphasique. in C. Gérard et V. Brun,
Les Dysphasies. Paris : Masson.
Rapin, I. (1996). Developmental Language Disorders : A Clinical Up-Date. Journ. of Child Psychol. and
Psychiatry, 37, 643-655.
Sadek-Khalil, D. (1981-1990). Quatre cours sur le langage. Montreuil : Editions du Papyrus.
Shriberg,L.D., Araam, D.M. et Kwiatkowski, J. (1997). Developmental Apraxia of Speech. Journ. of Speech,
Lang. and Hear. Research, 40, 273-337.
Tomblin (2002). Cours sur le diagnostic et l'évaluation des enfants présentant un SLI. Colloque Carrefour
en Dysphasie. Trois-Rivières, 16-17 mai.
Van Wayenbergue, M. (1997). Les modes d'approche clinique de l'enfant présentant des troubles sévères de
l'acquisition du langage oral. in S. Vinter (Eds), Données Actuelles sur les Troubles Sévères du Langage.
Confrontations Orthophoniques 1. Besançon : Université de Franche-Comté.
Von Tetzchner, S. et Martinsen, H. (1991). Spräk og funkjons-henning. Stockolm : Gyldendal Norsk Forlag.
Weitzman, E. (1992). Apprendre à parler avec plaisir. Toronto : The Hanen Centre.

131
CHAPITRE V
Traitement du bégaiement

Anne-Marie SIMON, Orthophoniste


Chargée d’enseignement à l’Université Paris VI
Animatrice de formation continue

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

II – INTERVENTION PRÉCOCE. PRÉVENTION DU BÉGAIEMENT


A – Objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
B – Les facteurs 3 P . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

III – THÉRAPIE DE L'ENFANT D'ÂGE SCOLAIRE


A – Thérapie de l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
B – Thérapie de l'adolescent et de l'adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

IV – CONCLUSION ........................................................................................................ 153

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................................. 153

133
I – INTRODUCTION
De nombreuses recherches dans les pays anglo-saxons font du bégaiement un trouble apparemment bien
connu; pourtant il reste difficile à expliquer et à traiter efficacement, en particulier chez les adultes. On
considère actuellement que le bégaiement s' installe au fil du temps:
• que certes une prédisposition génétique existe, ce qui est actuellement admis par tous les chercheurs ;
pourtant aucun marqueur génétique du bégaiement n'a pu être obtenu à ce jour.
• on peut dire qu'on naît avec le risque de devenir bègue mais surtout qu'en raison de multiples facteurs on le
devient, car dans la mesure où, s'il est traité précocement à son début dès 2 ans jusqu'à 4 ans et demi, ce
trouble disparaîtra grâce à un conseil parental dans la quasi totalité des cas.
Plus le sujet aura bégayé longtemps, plus la thérapie sera longue, car aux caractéristiques de sa parole
s'ajoutent les attitudes et sentiments réactionnels que le trouble provoquera et ancrera, ceci aboutissant à un
réel "style de vie bègue".
Les différentes étapes de l’installation d’un bégaiement, que ce soit chez le jeune enfant, l’enfant à l’âge de
l’école primaire, l’adolescent ou l’adulte, justifient que soit abordé successivement le traitement du
bégaiement à ces différents âges.
Les modalités thérapeutiques émergent avant tout de pratiques cliniques; il existe peu de théorisation de ces
pratiques en langue française.
Globalement on peut dire que la thérapie dans les pays anglo-saxons s'est beaucoup développée grâce en par-
ticulier aux comportementalistes (PETERS & GUITAR, 1991) et aussi à la possibilité d'évaluer avec des
données relativement objectives les résultats de ces thérapies. Il existe- en langue anglaise - des méthodes ou
des programmes de traitement en psychologie comportementale et cognitive assez bien décrits (ONSLOW,
1996). En France il existe une résistance très forte à toute évaluation. On manque de descriptifs des approches
cliniques. Celle des Malfaçons de F. Le Huche (1998) qui fut un grand novateur en France dans ce domaine,
est très éclairante pour comprendre et faire comprendre à un patient comment s'est installé son bégaiement
puis se sont organisées ses modalités de communication en raison de son trouble; mais nous manquons
d'éclairages concrets sur les dispositions cliniques qui permettent au patient d'évoluer.
Très peu d'autres auteurs ont exposé leurs méthodes thérapeutiques, quelques personnes bègues ont publié des
livres sur leur conception du bégaiement et comment guérir (Wemague1994), jusqu'à présent il n'y a pas de
validation de ces méthodes par une évaluation sérieuse de leurs résultats, à part les affirmations de leurs auteurs !!
Nous aborderons d’abord l’intervention précoce pour une prévention du bégaiement chez le très jeune enfant
– dès 2 ans jusqu’à 4 ans et demi.
Après quatre ans et demi le seul conseil parental n’est plus suffisant, même lorsque l’enfant présente un trouble
de fluence isolé. L’enfant a quitté la période extraordinaire de développement qu’il vient de traverser et son
trouble a pris un autre sens, au début il s’agit d’une incoordination de sa parole dans trop d’efforts, mais très
vite l’enfant va se construire comme sujet bégayant ; en particulier en raison de la conscience accrue qu’il a de
son trouble et des réactions le plus souvent inadaptées de l’entourage.
Au fil des publications de ces dernières années (ONSLOW, 1996, SIMON, 1999, STARKWEATHER,
1990,YAIRI, 1999) on ne peut que souligner la nécessité d’une intervention précoce et rapide auprès d’un
jeune enfant qui se met à bégayer. C’est aussi dire combien l’influence a été négative (qui persiste encore
aujourd’hui) des conseils donnés par JOHNSON (1942) dans les années cinquante : attirer l’attention de ces
enfants d’âge préscolaire sur leur disfluence aurait été, selon cet auteur, la raison de l’installation de leur
trouble. En la lui faisant remarquer ou en l’incitant à ne plus reproduire les accrocs de sa parole, hésitations
ou répétitions, qui apparaissent dans toute parole en voie d’acquisition, l’enfant entamerait une lutte contre
ces disfluences en précipitant en quelque sorte l’installation du trouble. Explication sommaire ! Mais on peut
penser néanmoins qu’attirer l’attention de l’enfant pour qu’il sache où poser les pieds quand il apprend à
courir le fera tomber, comme porter une attention à sa parole lui fera faire des efforts pernicieux. Mais de là à
ignorer son trouble ou à faire semblant de ne pas l’entendre, c’est à la fois ne pas vouloir accepter qu’un
enfant, si jeune soit-il il, souffre de cette difficulté; même s’il n’a que des colères ou autres troubles de
l’humeur pour la manifester, c’est beaucoup demander aux parents, le plus souvent dans un grand désarroi
face à leur enfant qui commence à bégayer.

135
Cette hypothèse dite diagnosogénique a nui considérablement à la connaissance du rôle de la prévention, qui
ne s’est développée aux Etats Unis qu’à partir des années 80.On sait maintenant qu’intervenir précocement est
une démarche efficace, évitant à ces jeunes enfants de développer un trouble douloureux et handicapant.
Dans les années 90 se sont développés dans les pays anglo-saxons des traitements comportementalistes :
BLOODSTEIN (1995) et ONSLOW (1996) en ont fait une revue.
Actuellement se développe un tel traitement comportementaliste pour le jeune enfant, appelé le Programme
Lidcombe (ONSLOW, 2002), qui vise à modifier sa parole par des "punitions" ou des récompenses. Cette
approche trouve difficilement un echo en France, n’étant pas inscrite dans une compréhension du bégaiement
comme trouble de la communication, mais visant seulement une "bonne parole". Les attitudes de l’entourage,
les pressions de la vie quotidienne, les attentes irréalistes des parents à l’égard de l’enfant, les demandes
excessives par exemple ne sont pas prises en compte.
Pourtant dès 1971 LE HUCHE exposait les attitudes nocives des parents à l’égard de l’enfant qui bégaie et
cette approche a obtenu et obtient encore un large accord auprès des cliniciens.
Nombre de praticiens hélas continuent – depuis des décennies maintenant – à tenir ce discours aux parents :
"Attendez qu’il grandisse, cela passera tout seul, attendez que les choses deviennent sérieuses à l’école pour
entreprendre un traitement…". Les psychologues aussi parfois appuient ces conseils par des propos tels que
"Ne vous précipitez pas sur ce symptôme, c’est son histoire…". Aucun de ces praticiens n’ignore pourtant que
le feed back donné par ses parents à l’enfant de ses échecs ou de ses réussites a un effet majeur sur la
perception qu’il a de lui-même, donc de sa confiance en lui et de sa capacité à s’affirmer.
On ne peut plus, je crois, maintenir de tels propos. La clinique nous a enseigné (SIMON, 1999) que le
conseil parental, mené par des praticiens formés, permet à une quasi totalité des enfants de cesser de bégayer
dans ce jeune âge. Cette réversibilité est possible alors, mais décroît au fur et à mesure des années durant
lesquelles un enfant a bégayé, inscrivant son trouble dans un naturel qu’il lui sera de plus en plus difficile de
changer. Les chiffres de l’étude de Lena RUSTIN (1991) sont à cet égard éloquents : le pourcentage d’enfants
cessant de bégayer diminue au fil du temps : 80 % à 4 ans, 50% à 6 ans, 20% à 10 ans.
Comme il est confirmé que 75 % des enfants qui ont bégayé jeunes ne seront pas bègues à l’adolescence,
les résultats de l’intervention précoce doivent dépasser un tel pourcentage pour affirmer son efficacité.
Si l’on peut donc être un sujet à risque de bégayer, c’est tout un processus qui se développe au fil du temps qui
conduit peu à peu à se construire comme bègue.
J’exposerai les différents traits de l’intervention précoce par le conseil parental, le traitement de l’enfant d’âge
scolaire de 5 à 12 ans, et dans une troisième partie le traitement de l’adolescent et de l’adulte.

II – INTERVENTION PRÉCOCE. PRÉVENTION DU BÉGAIEMENT


Elle concerne l'enfant parfois avant 2 ans jusqu’à 4 ans et demi. Le traitement de ces enfants passe soit par un
accompagnement parental au cours d’une longue séance et d’un suivi téléphonique si l’évolution est favorable,
soit par une prise en charge de l’enfant dans deux éventualités :
• soit l’enfant a montré au cours d’un examen psycho-linguistique un retard dans ses acquisitions
phonologique ou linguistique
• soit les parents ont besoin d’une aide de l’orthophoniste pour leur permettre d’acquérir des modalités rela-
tionnelles avec leur enfant favorables à la disparition du trouble.

A - OBJECTIFS
Une première longue séance permet aux parents de se sentir accompagnés face au trouble de leur enfant. Elle a
une forte valeur thérapeutique si on évite de les culpabiliser, si on les laisse acteurs des changements nécessaires.
Dans la majorité des cas ce conseil parental suffira à enrayer une possible chronicisation (SIMON, 1999)
En présence de l'enfant, il s’agit de comprendre avec eux quels sont les facteurs de surcharge qui peuvent
déclencher une montée de tension chez leur enfant. Articuler entre eux ces différents facteurs leur permet une
meilleure compréhension de la dynamique de ce processus. La tension qui peut naître de la surcharge subie
par l’enfant fait augmenter les risques d'incoordination de sa parole, d'autant plus si le terrain moteur,

136
linguistique ou émotionnel est fragile. Rien ne peut être reproché à l’enfant concernant sa parole.

B - LES FACTEURS 3P
C’est pour structurer l’intervention (SHAPIRO, 1999) que sont ainsi organisés les facteurs explicatifs de la
venue d’un bégaiement chez un petit enfant. Ces facteurs, appelés très justement par Jean MARVAUD (2001)
"potentialités", sont les facteurs qui prédisposent l’enfant à développer un bégaiement, qui précipitent
la venue du trouble puis qui le font perdurer.
Les résultats des recherches étiologiques ont jusqu’à présent très peu apporté à la clinique. Pourtant les
parents viennent toujours avec cette question :
" Pourquoi bégaie t-il (elle)?" Aussi est-il nécessaire de s’appuyer sur les constats faits par les cliniciens : un
certain nombre de facteurs apparaissent de façon récurrente dans l’anamnèse des enfants qui commencent à
bégayer : aucun de ces facteurs n’est pourtant ni nécessaire ni suffisant pour expliquer un bégaiement :
l’enfant a une histoire, une histoire unique où chacun de ces éléments a un relief propre, et prend un sens par-
ticulier pour chaque famille.
Soulignons que rechercher les dysfonctionnements familiaux est une démarche qui augmente la culpabilité
souvent ressentie par les parents et n’est pas la bonne démarche pour apprécier ces différents facteurs. La
rencontre avec ces familles montrent surtout leur diversité et leur grand embarras, voire leur angoisse face au
trouble de leur enfant. Les culpabiliser, à la recherche d’un pourquoi de la situation au détriment d’un
"Comment vais-je faire demain pour répondre à la souffrance de mon enfant" est contre-productif.

1 - Les facteurs qui prédisposent


un enfant à bégayer sont de plusieurs ordres :

◆ Le facteur génétique maintenant reconnu (ANDREWS, 1984) est manifeste dans certaines familles, épar-
gnant parfois le fils pour réapparaître chez le petit fils, sans que les schémas de transmission soient vraiment
connus. Retenons deux faits :
Le clinicien doit avoir connaissance du rôle de ce facteur pour l’expliquer aux parents, pour répondre à leurs
interrogations à ce sujet, ou à celles de jeunes parents bègues qui s’inquiètent pour leur descendance. Il faut
souligner que ce n’est pas une fatalité, que le bégaiement n’est pas inéluctable (ANDREWS, 1990).
◆ A ce facteur se joint le facteur constitutionnel de l’enfant, à savoir son terrain biologique et psycho-
physiologique, dont certains traits sont très souvent cités par les parents : nerveux, anxieux, volontaire, perfec-
tionniste…voire colérique ou phobique. Certes beaucoup d’enfants peuvent être ainsi, sans bégayer pour
autant. Néanmoins ces traits entraînent certainement une susceptibilité accrue au bégaiement.Le développement
du langage de cet enfant qui commence à bégayer peut être précoce comme retardé, mais la plus récente étude
YAIRI (1999) -rapportée par HAFFREINGUE (2001) montre que les difficultés linguistiques ne semblent
pas faire le lit du bégaiement, sauf lorsque l’enfant montre au début de son langage des habiletés expressives
supérieures à la moyenne des enfants de son âge. Les difficultés phonologiques, elles, semblent contribuer au
tableau qu’offre l’enfant qui commence à bégayer, mais la question de savoir si ces difficultés précèdent le
bégaiement ou le renforcent reste entière. Le bégaiement survient à la fois chez des enfants dont l’acquisition
du langage est en retard par rapport à des normes de développement et à la fois chez des enfants ayant présenté
très tôt un langage élaboré. Dans la prise en charge de ce jeune enfant, qu’il s’agisse juste de l’accompagnement
parental ou d’une prise en charge à plus long terme, l’harmonie des différents aspects de son développement,
moteur, linguistique, cognitif ou affectif, est primordiale. Le bégaiement ne naîtrait-il pas dans un déséquilibre
entre les demandes que l’enfant se fait à lui-même et les capacités dont il dispose ? Ceci étant renforcé par
l’attitude de l’entourage ? Cet aspect est à envisager avec les parents précisément, la présence d’enfants plus âgés
entraînant parfois notre jeune patient dans des apprentissages et des comportements pour lequel il n’est pas
prêt.(SIMON 2002)

137
2 - Les facteurs qui précipitent
sont ceux que les parents citent souvent comme étant l’explication du bégaiement de leur enfant : "Ils l’ont
enfermé dans un placard…, il a fait une chute de vélo…elle a beaucoup ressenti la mort de sa grand-mère
…mon mari est parti en voyage longtemps…". Citer ces facteurs déclenchants a un pouvoir rassurant pour les
parents, mais il est nécessaire que les parents n’y voient qu’un traumatisme, déclencheur certes, mais non
suffisant. Parfois c’est l’accumulation d’éléments qui font traumatisme, chacun d’eux pouvant advenir
isolément comme dans toute famille (naissance d’un puîné, mise à l’école, reprise du travail de la mère …etc)

3 - les facteurs qui pérennisent


A mi-chemin entre ces facteurs déclencheurs, les facteurs qui vont pérenniser le bégaiement, certains
évènements ou situations de la vie de l’enfant, comme la naissance d’un puîné, un déménagement, un conflit
conjugal ou familial, des problèmes de garde de l’enfant sont souvent cités comme contemporains du début
du trouble. Aucun de ces évènements que tout enfant peut rencontrer n’est suffisant pour déclencher un tel
trouble, mais on peut penser qu’une certaine "alchimie" tout à fait particulière à cet enfant là, dans une com-
binaison de facteurs difficiles à identifier, enverra un appel au secours se sentant mal dans sa place.
Il est aisé de penser qu’un enfant en plein développement, à une vitesse prodigieuse, est comme une roue que
le moindre obstacle peut faire vaciller voire tomber. L’enfant est d’autant plus vulnérable que sa maturation est
rapide, surtout si un déséquilibre entre différents aspects de son développement se met en place et peut
provoquer une perturbation intense. Ce déséquilibre peut favoriser l’apparition du bégaiement. Saisir où se
produit le déséquilibre est parfois aisé : par exemple un enfant "qui a parlé très bien et très tôt" selon les
parents, peut avoir été entraîné dans une socialisation pour laquelle il n’était pas prêt, provoquant chez lui un
effort démesuré. De même un enfant qui parle de façon très élaborée n’a pas forcément un développement
cognitif qui lui permettrait d’avoir des représentations concrètes de ce dont il parle et l’emporte dans un
imaginaire qui peut être menaçant. L’enfant qui a parlé très tôt mais n’est pas encore propre par exemple, ou
l’enfant qui suit le rythme d’aînés pour les activités quotidiennes, subit des demandes exigeant une plus
grande maturité cognitive que la sienne à ce moment là.
Une hypothèse semble particulièrement intéressante (BEAUBERT, 2001) : "La première maladresse tient au
fait que l’entourage d’un très jeune enfant (mais souvent aussi les orthophonistes eux-mêmes) s’occupe surtout
de nommer et de faire nommer à l’enfant son monde extérieur en oubliant de nommer peu à peu les ombres
de son monde interne." Une difficulté de la mère à métaphoriser les mouvements intérieurs de son enfant
pourrait être à l'origine du bégaiement. On touche là ce qui sera dit plus loin de l’adulte : un défaut de men-
talisation, un moindre fonctionnement du préconscient est souvent repéré chez nos patients et renverrait alors
à cette période où le langage doit venir structurer tout ce qui est difficile à ressentir ou même à nommer.
Le rôle de l’entourage est primordial pour comprendre les décalages qui peuvent pousser un enfant à réaliser
ce pour quoi il n’est pas prêt. Reconnaître les moments de fatigue, les causes diverses d’excitation, remarquer
ce qui inquiète l’enfant, c’est reconnaître qu’en tant que parents on peut vraiment répondre au signal envoyé
par son enfant et mettre en place d’autres dispositions qui tiennent plus compte de lui, de son déve-
loppement et de la perspective qui est la sienne.
S’ils peuvent comprendre assez facilement ces facteurs chez l’enfant, rares sont les parents qui reconnaissent
leurs propres attitudes lors des échanges avec leur enfant comme pouvant accentuer son trouble : ne font -ils
pas tout ce qu’ils peuvent pour leur enfant ? Néanmoins l’orthophoniste expliquera comment certains
échanges avec lui peuvent lui rendre la parole plus facile (ne pas demander de répéter, cesser toute attitude de
conseils d’élocution, ne pas le presser, changements de sujet trop rapide…).
Cette intervention vise à changer de regard sur cet enfant. Protège t-elle l’enfant de séquelles psychologiques
dues à son bégaiement, alors qu’il faut en moyenne un an pour que le trouble cesse ? Rien actuellement ne
permet de le dire, mais la conscience de son trouble chez le tout petit est là, et l’anxiété parentale peut à elle
seule provoquer des perturbations dont on ne saurait dire les conséquences.
Après l'anamnèse classique, puis après avoir soigneusement écouté ce que les parents avaient à dire de leurs
croyances et de leurs sentiments face au bégaiement de leur enfant, quelles explications ils se donnaient, le

138
terrain possiblement génétique, comment était organisée la vie à la maison, les relations dans la famille etc.
Les parents peuvent comprendre comment leur petit enfant souffre peut être - en raison de son indi-
vidualité- de certains éléments. A leur sujet des changements peuvent être suggérés (ralentir le débit par plus
de pauses, des échanges moins rapides, ralentir le rythme familial, lui accorder leur attention quand il lui leur
demande etc.) sans que jamais des recettes leur soient données.

Troubles associés
Si le bégaiement n'a pas cédé aux dispositions prises par les parents par un changement de regard sur leur
enfant ou s'il existe un retard d'acquisition de l'articulation, de la parole ou du langage, il faut envisager de
faire un examen psycho-linguistique complet de l’enfant, adapté pour un si jeune enfant type BEPL (in
CHEVRIE & SIMON,1997). Lorsqu’il est devenu possible de faire un diagnostic différentiel entre un
trouble de fluence isolé et un bégaiement associé à d’autres difficultés, dans ce dernier cas une prise en charge
orthophonique de l'enfant est proposée aux parents. Mais il faudra garder à l'esprit que l'essentiel est la
disparition de ce trouble, car cela peut gâcher une vie, et que les prises en charge par trop techniciennes
risqueront de renforcer le bégaiement : tout effort de parole nuit à la parole ! Le plaisir de l’échange, du jeu, la
sécurité donnée à l’enfant par l’attention sans partage de l’orthophoniste sont essentiels. Aucun besoin de
matériel orthophonique, l’intérêt de l’enfant pour l’interaction avec le thérapeute est seul garant de vraiment
s’adresser au trouble de communication qu’est le bégaiement. D’autre part, même dans le cas de séances s’a-
dressant au retard de langage ou de parole de l’enfant, l'accompagnement des parents tel qu’il est décrit plus
haut est largement aussi important que le travail avec l'enfant.
Enfin la conviction de l’orthophoniste de la justesse de ses propositions, de son refus de voir ce petit garçon
ou petite fille rencontrer la galère que subissent ses patients adultes, renforce la valeur de l’intervention et
l’engagement qu’elle entraîne. Envoyer un si jeune enfant en psychothérapie parce que finalement on ne sait
que dire ou proposer aux parents n’est pas une solution.

III – THÉRAPIE DE L'ENFANT D'ÂGE SCOLAIRE


L’enfant de cet âge n’est pas dans une période de vie où il est très mobilisable. La période de latence qui suit la
période de développement extraordinaire que vient de passer l’enfant, voit son évolution se ralentir, d’autre
part les changements à faire ne sont plus aussi faciles pour plusieurs raisons :
• des visées éducatives des parents face à ce petit qui a grandi, s’oppose, fait des bêtises, il leur alors difficile de
faire la part du bégaiement dans ses comportements, de plus l’enfant comprend fort bien ce qui se dit à son
sujet.
• le manque de motivation de l’enfant lui-même: petit, c'est la motivation des parents qui assure la
dynamique de la prise en charge, adolescent ou adulte le sujet a une motivation personnelle pour essayer de
se sortir de ce trouble, l'enfant, disons de 6 à 12 ans, n'est pas souvent demandeur de traitement, le plus
souvent ce sont les parents qui s'inquiètent.
• la conscience accrue de l’enfant lorsque son trouble est important, la "honte" de bégayer qui parfois lui fait
nier ses difficultés. Or l’enfant n’a pas encore l’autonomie d’une réflexion sur son propre trouble
• enfin à l’inverse, lorsque les bégayages sont peu sévères, l’enfant ne demande aucun changement et voit les
séances d’orthophonie comme du temps pris sur ses activités de loisir.
L’accroissement de tension et l’accélération du débit annoncent la chronicisation du bégaiement : peut-être
due à
• l’effort musculaire qui se diffuse à d’autre muscles non concernés par la production de la parole.
• un effort pour garder le contrôle qui va dans le sens inverse et accroît le trouble (inversion du réflexe de
détente LE HUCHE,1998)
• augmentation de la pression de temps ressentie par l’enfant du fait du temps supplémentaire nécessaire pour
qu’il s’exprime.
La perte du contact visuel et la notion d’effort sont particulièrement indicateurs de la difficulté de l’enfant.

139
Il se trouve de plus en plus souvent devant un interlocuteur gêné, impatient, qui ne sait quoi faire,
l’interrompt, parle à sa place etc. Les évitements et conduites de fuite se multiplient, ils peuvent être faits de
plus en plus subtilement.
Les sentiments qui habitent l’enfant alors peuvent être de honte, de gêne et de peurs entremêlées, accumulées
comme "des voitures à la casse" (PETERS, 1991), surgissant de toutes ces situations où il bégaie.
Le conseil reçu: "Attendez, ça passera tout seul" n’est plus accepté par les parents qui s'inquiètent, en par-
ticulier en raison des possibles retombées scolaires : l’enfant se met à bégayer en lecture, subit des moqueries
en classe, et des attitudes de repli pour certaines tâches orales apparaissent. L’enfant souhaite souvent qu’on ne
parle pas de son bégaiement.
Aussi est-ce probablement la période la plus difficile à traiter, et parfois nous sommes conduits à surseoir à la
prise en charge dans l’attente de la période pré-pubertaire qui sera beaucoup plus favorable.
Avant d’entreprendre le traitement du bégaiement d’un enfant d’âge dit scolaire, il est nécessaire de connaître
le stade de développement du trouble, que ce soit la partie visible de l’iceberg ou sa partie cachée. Les dif-
férentes étapes de ce développement figurent dans SIMON (2003). Un état des lieux le plus complet possible,
y compris une analyse systématique de la fluence (CAMPBELL& HILL in GREGORY, 2003) est nécessaire
et demandera plusieurs séances avant de commencer le travail sur la parole. Les entretiens avec les parents,
l’enseignant complèteront l’évaluation et faciliteront la décision d’une prise en charge pour les mois à venir.
L’image et l'estime de soi sont fortement dévalorisées, des sentiments négatifs prédominent peu à peu. Il se
sent incompris et sans forcément leur en vouloir il pense que ni ses parents ni l’enseignant ne comprennent
ce que le bégaiement lui fait endurer. Aussi l’intervention de l’orthophoniste sur l’entourage est-elle essentielle
au traitement.

Parmi les recommandations aux parents je voudrais insister sur les points suivants: (SIMON, 2003)
• La demande expresse de baisser temporairement le niveau des mesures et exigences éducatives, à la fois à la
maison et vis-à-vis de l'école : c'est difficile en fait en raison de la pression de l'école et aussi de la plus
grande autonomie de l'enfant.
• De même celle de baisser la pression du temps après avoir repéré tous les moments où elle s’exerce sur
l’enfant mais aussi sur les différents membres de la famille.
• Mettre en évidence avec eux comment est la parole de leur enfant à la maison, les situations difficiles ou
redoutées par lui, comment l'enfant y réagit, et comment les parents et l'entourage réagissent face à l'enfant
qui bégaie, quels conseils lui sont donnés, ce que l'enfant pense de l'école.
• Trouver le juste milieu entre le choix de l'enfant et celui des parents pour toutes les occasions de fatigue,
d’excitation, pour le nombre d'activités.
• Demander aux parents de veiller à leurs réactions quand leur enfant bégaie ainsi qu'aux commentaires sur
son trouble.
• Il faudra qu'il recueille une attention sans partage de ses parents à ce qu'il dit et du temps pour lui seul, et
avec chacun des deux parents.
• Vraiment très impliqués dans cette prise en charge et le plus souvent désireux d'aider l'enfant il leur est
pourtant parfois difficile de séparer ce qu'il en est du bégaiement et de la souffrance qu'eux-mêmes
ressentent - blessure narcissique - des autres aspects, en particulier négatifs, du comportement de l'enfant.
Toutes les dispositions dont nous avons parlé pour le jeune enfant s'appliquent donc ici aussi, mais les parents
sont plus difficiles à convaincre, car l'enfant n'est plus ce petit fragile mais plutôt un "gamin à dresser".
• Il peut exister chez des parents des sentiments de culpabilité qui leur donnent une attitude de déni face au
problème : tout un travail d'accompagnement est alors nécessaire pour qu'ils acceptent de reconnaître ce
sentiment, et en même temps les aider à comprendre que le bégaiement n'est pas le résultat d'une erreur de
leur part, ou pire d'une faute. L'important est qu'ils connaissent les facteurs qui provoquent et amplifient le
trouble de leur enfant, de façon à ce qu'ils ne se blâment pas eux-mêmes.
• Les convaincre que le mieux est de soutenir leur enfant, reconnaître sa souffrance, en parler comme parler
de sa parole quand elle va bien : cela demande patience, confiance, et soutien.
• Une liste de conseils peut être établie avec eux - à coller sur la glace de la salle de bains ou sur le miroir de

140
l'entrée ! Ces conseils ne sont jamais standard et doivent être taillés à la mesure de chaque famille.
• Pendant la prise en charge tenir compte de l'âge de l'enfant : ne pas lasser, mais passer par des périodes sans
séances, puis par des périodes plus intensives, en accord avec l'enfant ; faire comprendre cette démarche aux
parents.
Tenir compte aussi de la distance du domicile et la difficulté pour les parents d'assurer la présence régulière de
leur enfant, en discuter avec eux.
Certains enfants, ayant un bégaiement léger à cet âge, ne désirent pas s'en occuper et les parents peuvent ne
pas être très convaincus qu'une prise en charge est nécessaire. L'attitude la plus efficace, me semble t-il, est
d'expliquer aux parents l'incidence d'un bégaiement sur les années à venir, concours, entretiens d'embauche,
mais parallèlement de proposer à l'enfant - au regard de l'inquiétude des parents et du souhait du thérapeute
d'aider - un contrat court, par exemple de trois mois, qu'il prolongera seulement s'il le décide lui et sans
pression de quiconque – l’orthophoniste s’en porte garant.
Si au bout de cette période il ne souhaite pas poursuivre, alors il faut attendre que le changement opéré par la
puberté donne un nouveau regard et alors il demandera lui-même de l'aide, ce n'est pas du temps perdu.
Le travail en groupe et la constitution de groupes de parents sont deux dispositions très efficaces mais deman-
deraient un trop long développement pour ce chapitre.

A - THÉRAPIE DE L'ENFANT
Il a déjà écouté tout ce qui s’est dit pendant le premier entretien. Aussi est-ce indiqué
• de dépasser le symptôme pour aller à la rencontre de l'enfant, montrer qu'on sait ce qu'est son
trouble, qu'on pourra expliquer beaucoup de choses, commencer très tôt l'investigation du trouble avec
lui : ce sera l’état des lieux tel qu’un enfant de cet âge peut le faire, à savoir avec beaucoup de repré-
sentations concrètes, d’images et d’analogies. Exemples "Le bégaiement c'est comme" ou "Dessine le
bégaiement", "Si je ne bégayais pas je…" "Moi je bégaie parce que.."
Lui faire remplir l’Echelle de ses soucis (CHEMLA, 2001). Certaines échelles d’attitudes peuvent aider
l’enfant à verbaliser ce qu’il ressent (De NIL & BRUTTEN, 1991) mais cet âge a besoin de supports
concrets pour représenter son monde intérieur : "C’est comme mille clous dans ma gorge…C’est un
monstre qui me mange…".
• de rechercher ses sentiments à l'égard du bégaiement mais aussi de la communication en général, avec ses
parents, sa fratrie, ses pairs, mais aussi avec l'enseignant ou autres membres du milieu scolaire ou des loisirs.

1 - Les traits qui décrivent cette thérapie


comme celle de l'adulte d'ailleurs, sont les suivants :
• il y a contre-conditionnement des mécanismes de la parole en intégrant des techniques motrices pour réduire
blocages et prolongations
• une désensibilisation progressive en utilisant une hiérarchie très progressive des unités à travailler, des contenus
et des situations.
• une modélisation par le thérapeute de ce qu'il demande à l'enfant, en termes de fluence ou de comportement
ou d'attitudes. Cette pratique accompagnée se fait aussi hors du cabinet.
• un renforcement par le thérapeute des essais et réussites de l'enfant et apprentissage de l'auto-évaluation
• un transfert et une généralisation dans la vie quotidienne des acquis des séances : ceci demande une relation
entre enfant et thérapeute suffisamment confiante pour que l'enfant puisse parler de ce qu'il ressent, en
particulier dans la vie familiale.
• la perspective à respecter est toujours celle que l'enfant a de son trouble, et les activités proposées iront
toujours dans le sens de ses centres d'intérêt ou de curiosité, ceci conduisant parfois le thérapeute à
s'intéresser à des questions qu'il n'a jamais abordées (le foot, les supporters, des émissions TV et..Harry
Potter).

141
2 - Quelle démarche thérapeutique choisir ?
On peut distinguer deux approches thérapeutiques plus ou moins spécifiques, à rapprocher de la distinction
que fait DELL (1991) entre le "grand bègue" et "le bègue marginal, léger".

◆ Pour un bégaiement de léger à modéré :


S'il s'agit d'un enfant qui commence à bégayer, d'une façon peu intense, on peut alors parler d'une
approche moins spécifique selon les termes de Northwestern (GREGORY, 2003).
Les différents aspects du traitement sont les suivants :
• la compréhension par l'enfant de l'effort qu'il fait pour parler comme cause principale de ses bégayages, est
le premier objectif, parler de son bégaiement en prolongeant ainsi ce qui a déjà été dit durant le premier
entretien. Toutes les explications seront faites au niveau approprié à l’âge de l’enfant.
• introduire de petits pseudo-bégayages par le thérapeute et les faire repérer par l'enfant, puis lui apprendre à
repérer les siens, qu'il devienne peu à peu conscient de ses "trucs" pour éviter certaines situations ou s'y
soustraire.
• entraînement à la relaxation (BERGES, 1974- WINTREBERT, 1986) ou pour les plus jeunes utiliser la
relaxation "poupée de chiffon".
• ces connaissances et cet entraînement sont un préalable à ce qu'il va falloir faire pour contrôler ses
bégayages puis les empêcher de se produire.
• Parmi diverses techniques de fluence la pratique de l'ERASM (GREGORY, 2003) me semble la plus
appropriée. Il s'agit d'une technique, au départ motrice, qui vise à émettre le mot de façon détendue sur le
plan articulatoire : on assure une transition douce entre les deux premiers phonèmes en évitant toute
position pré-phonatoire. L’orthophoniste modélise pour l'enfant, en suivant une progression dans la
complexité et la longueur des unités linguistiques et une progression dans le choix des situations où le sujet
s’implique de plus en plus
Un débit plus lent, une attaque douce, des contacts articulatoires plus légers sont autant de techniques qu'on
utilisera selon l'enfant.
D'autres écoles préfèrent l'"étirement" de la parole, l'utilisation de contacts articulatoires légers (KULLY &
BOBERG,1991), la technique du "pull out" (VAN RIPER, 1982). Ces dispositions très techniques sont
parfois critiquées. Pourtant la recherche de départs en douceur, de transitions douces et de ralentissement du
débit, comme les procure l'ERASM, sont généralement présents dans toutes les dispositions thérapeutiques
proposées à l'enfant.
Ces dispositions peuvent être comprises ou imitées même par des enfants ayant des difficultés intellectuelles.
D’autres dispositions comme rendre l'enfant conscient qu'il se tend et se précipite à chaque fois qu'il a peur
de bégayer, lui apprendre à résister à la pression temporelle, différer ses réponses, allonger les temps de pause,
et garder le contact visuel jalonnent la prise en charge. Les sensations de détente ainsi apportées à l'enfant
diffuseront progressivement dans la production d’une parole de plus en plus spontanée, permettant une
meilleure coordination des articulateurs, une meilleure maîtrise psycho-motrice en général, une réponse
émotionnelle mieux adaptée.
Les supports pour exercer toutes ces dispositions suivent, comme dit plus haut, une hiérarchie très progressive:
passer d'une étape à l'autre suppose l'étape précédente réussie, tout en maintenant l'intérêt de l'enfant:
conversation, jeux, marionnettes, utilisation de journaux ou de pièces de théatre selon l’âge, compétitions,
récit, lecture. Signalons en particulier la lecture où le thérapeute accompagne l'enfant avec sa propre voix, et
en rapprochant progressivement le micro de l'enfant (alors il entend mieux sa propre voix et peut apprécier sa
fluence). Ou encore la voix du thérapeute plus ou moins présente selon la difficulté de l’enfant à lire, car la
lecture dite chorale fait fortement diminuer les bégayages. Le plaisir de l'échange sera toujours présent.
Commenter les lectures, donner son point de vue, solliciter celui de l’enfant, suivre son intérêt etc. A ce stade
on encouragera l'enfant à ne plus éviter la production d'aucun mot, ni à éviter aucune situation de parole.
Dès que cela sera possible et pour les plus grands, plus de flexibilité en matière de prosodie, intensité, rythme,

142
variations des pauses, sera introduite. Le travail de l’expressivité doit s’attacher non pas à mettre le ton,
comme en classe mais faire passer ce que le texte lui fait ressentir.
L'enregistrement et l'écoute de toutes sortes de situations de parole seront nécessaires à l'enfant pour auto-
évaluer sa fluence, et devenir attentif aux modalités d'élocution des adultes. La perception réaliste de la parole
d'autrui permet à l'enfant, en particulier après 9 ans, de se désensibiliser vis à vis de ses propres accidents de
parole qui sont ressentis par lui comme des bégayages : en raison de l'attention qu'il leur a portée jusqu'alors
il attribue au seul bégaiement les accidents pourtant présents dans toute parole. Ne pas viser la parole parfaite.
Dans tout ce que je viens de citer, la prise en charge des difficultés linguistiques sera faite, mais en étant bien
conscient qu'aucune situation ne doit être source de tension, il faut savoir respecter la disponibilité de l'enfant
pour ce travail, de son sentiment d'échec et que les jeux, voire les exercices, doivent garder un caractère
ludique, attrayant pour ne pas renforcer l'enfant dans sa tendance à faire un effort inutile pour s'exprimer.
Les objectifs de cette approche sont de permettre à l'enfant de maintenir une fluence contrôlée dans
(presque) toutes les situations de parole mais aussi de savoir se débrouiller avec des bégayages résiduels, par un
auto-contrôle proche de l'auto-thérapie.
Elle conduit au moins à faire en sorte que l’enfant n’accentuera pas son trouble et en conséquence risquera
moins de se construire comme bègue.

◆ En ce qui concerne les atteintes plus sévères :


L’approche thérapeutique va dépendre du degré de sévérité des bégayages et de la conscience de l'enfant de
son trouble, donc de ses réactions. L'approche du bégaiement qui vient d'être décrite n'est pas suffisante pour
les enfants dont le bégaiement est plus sévère et qui, souvent en raison de la gravité même de leur trouble, ont
déjà gauchi certaines de leurs attitudes et sentiments à l'égard de leurs interlocuteurs.
Les parents évoquent souvent une modification du caractère de leur enfant, voire des colères ou des attitudes
de repli, tous symptômes qu'il faut comprendre comme réactionnels à la frustration, la gêne ou même la
honte de souffrir de ce qui va bientôt être perçu par l'environnement comme un handicap. Parfois cette
approche plus spécifique est utilisée en cours de thérapie d'un bégaiement modéré lorsque les progrès de la
fluence de l'enfant semblent insuffisants.
• Après avoir fait prendre conscience à l'enfant des pseudo bégayages du thérapeute, les lui avoir fait observer,
faire de même avec ses propres bégayages.
• Puis le thérapeute imitera, en les reproduisant, les bégayages de l’enfant, blocages, prolongations,
répétitions, dans la forme la plus exacte possible.
• On lui demandera ensuite de les reproduire lui-même, lui donnant ainsi un sentiment de contrôle sur sa
parole.
• L’étape suivante consistera à modifier devant lui ses bégayages en réduisant la tension d’un blocage ou du
début du mot, ou en ralentissant ou en diminuant le nombre des répétitions, en prolongeant un phonème
de façon moins tendue et moins longtemps par exemple. L'idée est de faire comprendre à l'enfant que la
lutte qu'il mène contre sa parole est sous la dépendance de sa volonté et qu'il pourra donc progressivement
la contrôler.
• Enfin on lui demandera d'imiter à son tour ces modèles à tension décroissante jusqu’à l’ERASM.
Pratiquer des techniques de fluence comme l’ERASM et modifier les bégayages sont deux aspects complé-
mentaires de cette approche thérapeutique.
Les dispositions suivantes sont à mettre en oeuvre en respectant les principes de déconditionnement, de
désensibilisation, de modélisation, renforcement par le thérapeute, transfert et généralisation. Il faudra aider
l'enfant à développer ses stratégies:
• qu'est-ce qu'il se dit avant de prendre la parole ?(valeur du discours intérieur)
• qu'est-ce qu'il essaie de faire quand il parle ?
• qu'est ce qu'il fait quand il sent qu'il va bégayer ?
• qu'est-ce qu'il fait pour se sortir d'un bégayage ?
• qu'est-ce qu'il fait lorsqu'il a eu un gros blocage pour redevenir fluent et se préoccuper de son interlocuteur ?
(comportement tranquillisateur - humour)

143
◆ Autres modalités nécessaires
A ce point de la rééducation de la parole, accompagnée de séances de relaxation segmentaire ou globale,
l'enfant a appris à se servir de l'ERASM, à résister à la pression temporelle, et à conserver le contact visuel
pendant les échanges, en passant par les étapes de transfert à l'extérieur nécessaires.
Ce transfert commence par faire venir au cabinet les différentes personnes importantes dans la vie de l’enfant :
nous avons rencontré les parents lors du bilan, nous les revoyons systématiquement tous les deux mois, cette
disposition faisant partie du contrat thérapeutique de départ. Mais la rencontre soit des grands parents, de la
jeune fille au pair – et parfois même le moniteur du centre de loisirs, au moins au téléphone s’il y a eu
moqueries- est parfois nécessaire en raison de leurs attitudes parfois nocives. Puis la rencontre d’un copain,
celle-ci est parfois difficile à obtenir mais très bénéfique pour notre jeune patient : il pourra entendre
comment on parle de lui à l’école, ce que pense son copain de sa parole. Il pourra aussi entendre ce que le
thérapeute peut dire à son copain susceptible de l’aider, lui.
La désensibilisation de l'enfant vis à vis de ses bégayages pourra passer vers la fin de la prise en charge par la
pratique de disfluences faites volontairement (ou pseudo-bégaiement), petits accidents de parole dont nous
avons dit plus haut qu'ils étaient présents dans toute parole vivante. Ceci est souvent aussi une étape difficile,
même chez l'adulte, où la crainte de voir le bégaiement réapparaître l'emporte sur le constat pourtant constant
du soulagement ressenti lors de la pratique de ces disfluences volontaires.
Le travail sur la respiration et le souffle phonatoire, le plus souvent conjointement avec l'entraînement à la
relaxation, sont indispensables pour certains sujets en parallèle étroit avec le travail rééducatif de la parole ;
ceci est nécessaire en particulier lorsque l'enfant présente des spasmes laryngés (blocages) ou une phonation
inverse, ou encore de l’asthme.

◆ Insistons sur la modification des attitudes :


Si l'enfant bégaie depuis plusieurs années on observe certaines attitudes et sentiments que ses expériences
négatives de parole ont développés. (DE NIL & BRUTTEN, 1991). Il sera nécessaire de les connaître, d'en
parler à l'enfant et de les commenter avec lui.
Les modifications à mettre en place peuvent être les suivantes :
Pouvoir parler de sa parole à sa famille, à ses copains, ou à son enseignant. Donc se désensibiliser de son
bégaiement C'est une étape nécessaire pour tout transfert à l'extérieur. On peut se servir d'articles, de textes,
de dessins sur la parole ou le bégaiement: aux Etats Unis il existe pour les jeunes une publication mensuelle
consacrée au bégaiement : "Letting go ". On peut espérer voir naître en France un tel journal.
Réagir de façon adaptée devant les rires, les moqueries (c'est à dire parler ouvertement de son bégaiement, de
sa thérapie) est aussi le moyen le plus efficace de les voir cesser.
L’enfant apprend à oser dire : "Oui je sais, je bégaie". Et même, un peu plus tard presqu’en rire : "Fais gaffe, si
tu continues à rigoler, c’est contagieux le bégaiement, tu vas l’attraper !".
Accepter l'aide de l'interlocuteur : la crainte d'être interrompu presse l'enfant et le fait bégayer plus ; il doit
apprendre à se comporter de telle façon que son interlocuteur s'autorise à être actif pour que le message passe.
Il peut offrir à l’enfant une formulation possible de ce qu’il suppose être le mot ou l’expression sur lequel
l’enfant bute, de façon détendue et avec une mélodie interrogative, l'enfant peut s'appuyer sur ce que dit
l'autre pour prendre le temps de répondre. Toutes ces dispositions remettent la communication en route
véhiculant un message sans cesse modifié par l'individualité de celui qui l'envoie ou le reçoit (LE HUCHE,
1992). Le rôle de l’interlocuteur actif sera développé dans la partie de ce texte consacré à l’adulte.
Promouvoir des attitudes positives à l'égard d'autrui, en particulier ne pas toujours anticiper négativement sur
les réactions de l'autre : "Je n’ai pas joué dans la pièce de théatre à l’école, c’est parce que je bégaie !".Interprétation
erronée puisque cet enfant là ne bégayait pas du tout pour les textes sus par cœur. C’est une stratégie
indispensable à l'enfant qui bégaie sévèrement et qui souvent ressent un rejet, réel ou supposé, et en souffre
profondément.

144
◆ Rencontrer l'enseignant :
S’interroger ensemble, enseignant et orthophoniste sur l'influence du bégaiement sur les possibilités
d'apprentissage de l’élève est une démarche à mes yeux indispensable: Evite t-il de parler en classe ?
L'enseignant lui-même hésite t-il à l'interroger ? Comment est sa parole en classe pour les différentes prises de
parole (récitation, lecture, exposés) et comment réagit-il à son trouble? Est-il solitaire ou bien intégré? Quelles
sont les réactions des camarades de classe? Quelles situations le mettent en difficulté ? Ce que l'enseignant sait
du bégaiement? A t-il des questions à vous poser ?
Les jeunes sont souvent révoltés de voir à quel point les enseignants sont ignorants des conséquences du
bégaiement sur leurs résultats comme sur leur comportement et se sentent parfois totalement méjugés
("Ne sait pas son texte - ne prend pas d'initiative...") alors que les raisons de leur échec ou de leur non parti-
cipation est leur peur de bégayer, et des moqueries ou rires qui en résulteraient.
On peut proposer à l'enseignant (cf Campagne nationale d’information par l’APB auprès des enseignants
2003-4) au regard des réponses aux questions précédentes, des modalités susceptibles d’aider l’élève telles que
commencer voix dans la voix une lecture ou une récitation, de parler de la difficulté de l'élève aux autres
élèves, (avec son accord évidemment), parler plus largement de la différence, pour éviter les moqueries ou
malmenages, revoir les notes de l’élève à la lumière de son trouble, inciter l'enseignant à en parler avec les
parents, non en des termes de jugement mais au contraire de compréhension et de soutien. Lui proposer aussi
l’attitude de l’interlocuteur actif.
Lui demander de veiller, en cas de difficultés pour l’élève, à ce que les autres membres du personnel scolaire
tels le professeur d’éducation physique ou le surveillant de cantine etc soient suffisamment informés et aient
l'attitude adéquate face à l'enfant qui bégaie :tolérance, patience et soutien.

◆ Critères d'arrêt de la thérapie


Les objectifs de cette approche sont semblables à ceux de l'approche moins spécifique, mais il faut savoir être
patient. On doit savoir que lorsqu'on obtient 5 % de bégayages ou moins entre les mots, et 1%, ou moins de
bégayages à l'intérieur des mots (JOHNSON, 1959) la fluence acquise est celle d'un locuteur peu fluent mais
non bègue à l'oreille de celui qui l'écoute ; il faut accepter aussi parfois cette impression de "non naturel" que
produisent les stratégies du sujet pour conserver sa fluence.
Parfois aussi l'enfant continue à bégayer moins sévèrement certes, mais suffisamment pour que l'on puisse
craindre une rechute ; celle-ci est certainement moins inquiétante que chez l'adulte. Il faut alors essayer
d'obtenir de l'enfant l'attitude la plus objective possible devant cette éventualité, en sachant qu'il ne devra pas
recommencer sa lutte contre sa parole ni remettre en place les comportements secondaires qu'il a appris à
identifier et qu'il lui faudra se détendre comme il sait maintenant le faire. Ses parents pourront l’aider à
modérer ses efforts de toutes sortes pendant cette période. Cette attitude de soutien est certainement la part la
plus importante pour que le bégaiement s’efface.
Ne pas oublier que l'enfant est dans un processus important de maturation, à tous les niveaux, et qu'en
conséquence il atteindra plus facilement que l'adulte la fluence spontanée, qu'il aura moins à faire pour
transférer et maintenir la fluence à l'extérieur. Ce d’autant que le processus pubertaire est en marche. Parfois il
est nécessaire d’atteindre cette période pour que les changements souhaités s’inscrivent dans la transformation
de l’enfant en adolescent.
Nous rencontrons beaucoup de patients adultes qui disent combien la thérapie qu'ils ont reçue quand ils
étaient enfants ne les a pas aidés ou les a même découragés. Certes la période de latence est souvent une
période peu réceptive aux changements que propose la thérapie, que ce soit celle de la parole ou du langage.
Aussi, avec GREGORY (2003), il nous semble que lorsqu'un enfant n'améliore pas sa parole dans les trois ou
quatre premiers mois de thérapie, ou que les conditions d'arrêt dont nous avons parlé plus haut ne sont pas
près d'être réalisées, il vaut mieux interrompre, pour reprendre plus tard cette prise en charge, lorsque l'enfant
sera plus motivé ou plus prêt à faire cette démarche. Celle-ci demande un certain courage puisqu'il s'agit
d'affronter un trouble qu'on a toujours essayé de dissimuler, de s'entraîner et de se forcer à faire des pas
difficiles dans la relation à autrui.

145
Le bégaiement peut gâcher une vie entière. Nous sommes encore ignorants à son sujet mais c'est un trouble
qui lance un défi à tous les cliniciens : en connaître l'étiologie repousserait probablement la conspiration du
silence qui l'entoure, pouvoir comprendre pourquoi tel enfant "guérit " de son bégaiement et pourquoi tel
autre devient une personne bègue, permettrait de prédire de telles évolutions. Nous n'avons pas de certitude
quant aux "outils" thérapeutiques puisqu'ils n'entraînent pas de réponses comparables d'un enfant à l'autre.
Quoi de commun entre ces 4 enfants sur 5 qu'on sait sortir de ce trouble avant l'adolescence et ces enfants
qui en thérapie cessent aussi de bégayer? Que seraient-ils devenus sans thérapie? S'adapter à chaque enfant, à
chaque histoire, à chaque contexte, demande aux thérapeutes souplesse et imagination et à ce titre traiter ce
trouble est passionnant. Pourtant une meilleure connaissance des processus de développement du bégaiement,
comme des processus qui le font diminuer voire disparaître, restent un objectif cité depuis qu'une littérature
sur le bégaiement existe : nous n'avons pas encore atteint cet objectif. Car on n’obtient pas pour l’enfant d’âge
scolaire les mêmes résultats que par l’intervention précoce. L’expérience clinique montre que les enfants pris
en charge parviennent à ne pas se construire comme bègues, ne pas voir leur trouble s’accroître, mais ceux qui
cessent complètement de bégayer ne dépassent pas en nombre les 75% déjà relevés sans thérapie.
L’intervention précoce comme prévention est d'une nécessité enfin reconnue aujourd'hui et laisse espérer pour
le futur une prévalence à l'âge adulte moins grande de ce trouble qui, déjà passablement fixé chez l’enfant,
peut, je le répète, gâcher toute une vie.

B - THÉRAPIE DE L'ADOLESCENT ET DE L'ADULTE


Différentes disciplines s’intéressent au bégaiement : neurologie, linguistique, psychanalyse, sophrologie voire
ostéopathie. Mais nous ne parlerons ici que des approches thérapeutiques utilisables par les orthophonistes,
car elles s’adressent au bégaiement comme trouble de la communication.

1 - Différentes thérapies
Il existe un choix possible de traitements : je citerai trois approches qui me semblent les plus garantes de
résultats positifs :
La théorie des malfaçons de Le Huche (1998), qui, comme on peut le faire pour la thérapie multidimen-
sionnelle décrite plus loin, peut être rattachée aux courants dits humanistes, invitant le sujet à changer, en
visant le développement de son autonomie et de sa responsabilité devant ses difficultés, et les thérapies com-
portementales et cognitives centrées sur des objectifs concrets, réalistes et reposant sur des stratégies
précises.

1 - Le bégaiement serait le résultat des six malfaçons suivantes :

◆ Inversion du réflexe de détente au moment des accidents de parole : on est là presque dans une défini-
tion même des bégayages, à savoir qu'au moment où la personne sent que le contrôle de sa parole lui échappe,
au lieu de lâcher prise comme le locuteur fluent le ferait, la personne bègue passe en force, se conditionnant à
cette réponse dans l'effort et installant un réflexe inversé de tension qui accroît sa difficulté à avancer dans la
production de son énoncé.

◆ Perte du caractère spontané de la parole : plus l'attention est portée à cette parole pour que les mots
sortent, plus la possibilité d'utiliser les mots comme ils viennent spontanément s'altère. Tout ceci entraîne une
perte du contact avec le locuteur, préoccupé qu'est le locuteur à avancer dans la formulation de ses phrases.
Cela entraîne aussi la malfaçon suivante :

◆ Perte du comportement tranquillisateur : ceci découle du caractère précédent, ayant perdu "l'activité radar "
que chacun exerce sur le visage d'autrui pour régler son discours, car n'ayant plus de contact visuel avec
l'interlocuteur, perdant la spontanéité de son langage, la personne bègue ne voit pas les signaux non verbaux

146
qui émanent de son interlocuteur, étonnement, interrogation, agacement ou impatience: peut-être a-t-il perdu
le contact visuel pour ne pas voir ces signaux en réaction à sa difficulté ? Aussi oublie-t-il toute attitude qui
pourrait dire à l'interlocuteur : "Je sais, mais je m'en occupe, écoutez ce que je dis plutôt que la façon dont je
parle ".

◆ Perte de la possibilité de s’appuyer sur la parole d’autrui : Lorsqu'on cherche un mot, un nom, on peut
toujours s'adresser à son interlocuteur et en tournant autour du sujet avec lui, trouver ce mot ou ce nom
recherché. Avoir une difficulté à prononcer ce mot peut relever de la même attitude, qui consiste à faire état
de sa difficulté, chose extrêmement difficile pour la personne bègue qui refuse de montrer qu'il est bloqué, et
ne demandera aucune aide ni ne l'acceptera.

◆ Perte de l’auto-écoute : F Le Huche pense que certaines personnes bègues ont altéré la capacité de se réen-
tendre intérieurement et que restaurer cette capacité permet un meilleur contact avec le ressenti qui accom-
pagne l'expression.

◆ Altération de l’expressivité : Quand on parle on dit non seulement sa pensée mais aussi, à l'aide de
marqueurs intonatifs et prosodiques, ce que l'on ressent et qui l'on est aussi.
Cette expressivité est très souvent altérée chez le patient bègue et il est difficile de savoir ce qu'il pense ou
ressent.
Nous sommes dans cette approche du bégaiement dans un espace entre le niveau symptômatique et le niveau
psychologique, c'est bien l'espace de la communication où techniques et relation à autrui jouent une part
essentielle.

2 - Les thérapies comportementales et cognitives de BRIGNONE et coll (2003)


Les thérapies comportementales se sont développées dans les années 60 (Etats unis, Angleterre, Afrique du
Sud). La partie cognitive est apparue dans les années 70. Ces thérapies visent à diminuer la souffrance
psychologique et à améliorer le bien-être du sujet.
Elles s'attachent à modifier efficacement les modes de pensée et d'action Elles ne font pas intervenir les facteurs
de personnalité et encore moins l'histoire du sujet. Elles se centrent sur l'ici et maintenant, et non sur un
processus ou une structure sous-jacente. Elles s'attachent à agir sur le comment plutôt que sur le pourquoi.
En se concentrant sur le comportement observable et les comportements internes on considère avec le patient
certains de ces comportements comme inadaptés, mais acquis comme n'importe quel autre comportement.
Il ne s'agit pas seulement des mouvements du corps mais "inclut l'ensemble des réponses internes et externes
que fait l'homme en fonction des évènements qui se déroulent dans son environnement…un enchaînement
ordonné d'actions destinées à adapter l'individu à une situation telle qu'il la perçoit et l' interprète"
(COTTRAUX, 1998).
La modification de ces comportements s'appuiera de façon efficace sur les concepts psychologiques de
l'apprentissage.
Il y a quatre phases dans cette thérapie :
• une analyse comportementale externe et interne précise (quand, comment, avec qui, quoi, circonstances
dans lesquelles apparaît le comportement en cause, excès et déficits,
• l’établissement d'un contrat avec le patient, après une ample information du sujet, définissant les
symptômes ciblés et les buts du traitement une durée déterminée dès le départ, le patient est partie prenante
de ce contrat, il ne le subit pas, son implication est essentielle. Il est co-thérapeute,
• une mise en œuvre d'une technique selon un programme et l’élaboration de stratégies thérapeutiques,
adaptées au sujet,
• une évaluation des résultats et éventuellement une remise en cause de la stratégie.

147
Les méthodes thérapeutiques peuvent être résumées ainsi :
• une exposition graduelle au stimulus anxiogène pour obtenir une désensibilisation progressive,
• le conditionnement opérant qui vise à changer les évènements de l'environnement provoquant le comportement
inadapté,
• le conditionnement imaginé (imagerie mentale),
• en ce qui concerne les thérapies cognitives : le renforcement et l'extinction sont des étapes dans les stratégies
utilisées. (augmenter les comportements adaptés, diminuer les inadaptés, éteindre les comportements
inadaptés et le time out,
• l'assertion et l'auto-contrôle en travaillant l'affirmation de soi et l'entraînement aux habiletés sociales sont
des aspects communs.
Lorsqu'on examine les traits des thérapies comportementales et cognitives on constate que dans le traitement
du bégaiement les notions de désensibilisation systématique des situations anxiogènes, auparavant déterminées
avec le patient, leur hiérarchie, font partie de la plupart des prises en charge. La notion de contrat est une notion
moins répandue ; elle implique la prise en charge du patient par lui-même et semble indispensable pour sortir le
traitement du cadre de la séance de thérapie puisque le contrat sera à appliquer à l'extérieur.

3 - Le traitement orthophonique multicentré


Dans ce que j'appelle traitement orthophonique multicentré, ce qui est ma pratique, les aspects que sont la
désensibilisation, la notion de contrat, et le transfert dans la vie quotidienne sont présents. Ils s’appuient sur
les supports théoriques des auteurs cités, empruntant à certains courants. Mais je suis aussi profondément
convaincue qu'une telle prise en charge est un cheminement à deux, patient et thérapeute. Le cheminement
de la thérapie va se régler sur l'adaptation personnelle et relationnelle dont le patient dispose, alors pour lui
proposer un changement à la fois de ses comportements de locuteur et d'interlocuteur. Tout ce travail entraîne
une modification globale de la psychologie du sujet face à son trouble et à sa vie, et aucun programme théra-
peutique n’est applicable tel quel.

◆ Etat des lieux


On ne déterminera pas le pourquoi du trouble, ni son explication dans le passé, néanmoins diriger son patient
vers la ré-émergence de ses souvenirs d'enfant et d'adolescent, sur ses sentiments d'alors, au sein de la fratrie, et
au cours de son histoire personnelle et familiale, est une étape essentielle dans l'évolution de chacun : "Nous
sommes les fruits de notre passé". (GREGORY, 2003)
Le premier entretien, l'évaluation du bégaiement ont permis de faire un bilan, qui est déjà un contrat théra-
peutique. Les différents aspects du traitement peuvent alors être proposés au patient, mais leur choix, l’ordre
dans lequel la prise en charge va s’organiser dépend de l’état des lieux qui, elle, va demander plusieurs séances.
Cet état des lieux est le seul moment réellement commun à tous les patients.
Il s’agira d’une prise de conscience, par le patient, de son trouble dans tous ses aspects : bégayages avec la prise
de conscience des tensions, mouvements accompagnateurs, comportements, attitudes, cognitions, sentiments
et croyances. L’étude des différentes situations de communication cherchera à reconnaître avec qui, où,
quand et comment ces situations sont vécues. Les hiérarchiser servira à l’élaboration de contrats proposés au
patient, au fil du temps, mais aussi d’échanges sur des situations vécues. Cette prise de conscience sera
associée à l'écoute des enregistrements audio ou video.
Ce face à face avec son trouble demande au patient du courage et au thérapeute du doigté. Il sera conduit par
le thérapeute avec respect mais avec précision: c'est difficile pour une personne qui a cherché à cacher son
bégaiement depuis plusieurs années d'accepter cette mise en évidence, quasi mise à nu, pourtant indispensable
à l'établissement d'un projet thérapeutique.
Pour cet état des lieux on pourra se servir de :
• l'analyse systématique de la disfluence (SDA CAMPBELL et coll, 1993) en ce qui concerne les bégayages et
l’analyse des comportements secondaires.

148
• l'utilisation d'échelles soit d'affirmation de soi, soit des évitements, soit des attitudes réactionnelles (SAINT
LOUIS, 2001, BREITENFELD & LORENZ,1989)
• des échanges centrés sur la communication, où les malfaçons peuvent être repérées et discutées, comme le
gauchissement des habiletés et talents de communication (SIMON, 2004)
• l'établissement d'une hiérarchie des situations de parole qui servira à installer progressivement le transfert
dans la vie quotidienne des acquis en cours des séances.
Là intervient le tracé de l'Iceberg- bégaiement (SHEEHAN, 1970): en haut la partie émergée de l'Iceberg où
sont portés tous les traits descriptifs observés par le patient et le thérapeute, à l'écoute de l'enregistrement
audio ou de préférence video, ou relatés par le patient = "Ce que vous donnez à voir et à entendre à votre
interlocuteur".
Dans la partie immergée seront inscrits, à cette séance puis éventuellement au cours de la thérapie, tous les
éléments relatant les difficultés de communication, les problèmes d'ordre psychologique, les sentiments, les
croyances = "Tout ce que le bégaiement vous a fait, vous fait, vous fait faire ou penser".(SIMON, 1993)
Le soulagement que ressent la personne bègue marque le début du traitement : elle voit figurer en clair ce
dont elle souffre depuis tant d'années, dans une sorte de conspiration du silence à laquelle elle-même a
participé, faisant de ce trouble un sujet tabou.
L'évaluation par tous les moyens dont j'ai parlé qui ont mis des termes sur les différents aspects du trouble a valeur
de réassurance et débouche sur un projet thérapeutique, unique pour chaque patient. La priorité à accorder à tel
ou tel aspect dépend de l'évaluation mais aussi du choix que thérapeutes et patients feront ensemble.
Par exemple pour un patient dont la plainte concerne surtout ses difficultés d’adaptation sociale, le thérapeute
peut parler des différents traits qu’il voudrait reconnaître un jour chez son patient et qui représentent donc
des objectifs thérapeutiques, citons ceux qui traduisent l'adaptation de l'individu à son milieu :
• compter sur soi-même ou manque de confiance en soi
• avoir une liberté intérieure de choix
• ressentir un sentiment d'appartenance aux différents groupes qu'on fréquente ou auquel on appartient
• avoir conscience de sa valeur personnelle
• pouvoir résister au désir de s'isoler
• se reconnaître une capacité à dépasser son anxiété et à ne pas éviter
• avoir la capacité d’imaginer le changement possible et le faire.
Et plus généralement dans la société :
• montrer une capacité d'intégration
• au delà de l'intégration pouvoir se faire des amis, des relations de travail
• adhèrer à des valeurs sociales
• exercer des habiletés de communication permettant la sociabilité (résister aux attitudes critiques, de retrait,
voire de rejet)

◆ Quels sont les domaines dans lesquels proposer de travailler ?


Ils seront abordés de façon cyclique, repris plusieurs fois au cours de la thérapie :
la relaxation soit en cure, si le thérapeute est formé pour cette prise en charge, soit de type maîtrise d'énergie
psycho-motrice (cf "Les yeux ouverts" Le Huche) mais aussi des exercices de relaxation segmentaire des
différents secteurs tendus de la personne, dos, épaules, cou, nuque, bouche, menton etc
la "boite à outils" (OTTO,2003) les techniques motrices, telles que l'Erasm, le bégaiement inverse, les dis-
fluences volontaires avec l'analyse phonétique et la résistance à la pression temporelle, visent à obtenir à la fois
une parole plus fluide, mais aussi un savoir bégayer plus souple, mieux contrôlé.
Viser d’emblée une parole fluente-voire parfaite- est souvent le souhait exprimé par les patients en début de
prise en charge. Il est plus réaliste de conjuguer parole plus fluente et bégayages plus souples, même s’il y a un
certain paradoxe à le faire. Cet entraînement ressemble bien à celle d’un grand champion tant il est clair que
modifier les schémas neuro-moteurs de la parole demande de nombreux essais répétés pour automatiser le
contrôle. C’est l’aspect rééducatif de cette prise en charge le plus important : sorte de kinésithérapie de la
parole, elle demande assiduité et persévérance.

149
la projection vocale sera précédée d’abord par l’amélioration du souffle phonatoire: en effet la détente que
procure le temps inspiratoire est souvent absente, en plus d’autres perturbations pneumo-phoniques. Un
travail de statique vertébrale et d’ancrage au sol est souvent nécessaire surtout chez les adolescents.
le chant : il peut être très bénéfique pour un patient de faire cette activité en parallèle avec sa thérapie en
raison de la souplesse laryngée demandée par le chant et du réglage du souffle qui demande détente et
précision.
Seront travaillés ensuite la prosodie et l'acquisition de plus de flexibilité (rythme, intonations, pauses,
longueur des rhèses, respect des unités de sens)
Le travail sur la "bonne distance" (VAN HOOT & ESTIENNE,1996) et résister à la pression
temporelle resteront au centre de tous ces aspects ci-dessus, qu’on peut qualifier de techniques, mais aussi au
centre du travail sur les interactions.(SIMON 2000). Ces deux versants seront particulièrement travaillées
avec les patients ayant une tendance au bredouillement. (SAINT LOUIS,1986)
les attitudes de communication, (et le travail en groupe est pour ce versant très efficace): les comportements
sont étudiés puis modifiés à l’aide de jeux de rôle, ainsi que les sentiments réactionnels, les idées irrationnelles
(GREGORY, 1993) donneront lieu à discussion et une reconstruction cognitive autour du bégaiement se fera
grâce à des connaissances sur le trouble, mais aussi à des expériences de la vie réelle. La place du locuteur est
autant abordée que celle de l'interlocuteur. C’est en réfléchissant sur l’objet de l'échange au cours de son
élaboration réciproque par les partenaires (OREV-LE HUCHE, 1992) que le "pont" (SIMON, 2004) absent
entre la personne bègue et son interlocuteur se reconstruit, qu’une circulation entre le monde de l’un et le
monde de l’autre se rétablit. Ce pont sera en appui sur la prise de contact du locuteur bègue avec son ressenti,
ses émotions et sur l’anticipation, qu’il laissera advenir dans sa tête, des réactions potentielles d’autrui.
"Réinjecter" ainsi l’interlocuteur dans le préconscient du patient par des situations spécifiques est très efficace
pour se sortir du bégaiement.
On pense alors à ce qu’écrit Jean MARVAUD (2002) "Chez eux (les patients bègues) on trouve des qualités
particulières du fonctionnement psychique: des carences au niveau de l’élaboration psychique et de la menta-
lisation (…) et le défaut de constitution du préconscient. Le préconscient représente des éléments
inconscients qui le sont temporairement, qui sont néanmoins disponibles, pouvant être à la disposition de
l’activité consciente…en surmontant une résistance".
Le travail avec l’orthophoniste servirait à vaincre cette résistance, accroissant la capacité du patient à élaborer
ses conflits et réparant ce "défaut de mentalisation" que l’on trouve souvent cité dans la littérature. Cette
hypothèse renvoie à ce qui est dit plus haut concernant l’enfant très jeune : son monde interne ne trouverait
pas, à travers les dits maternels la possibilité d’être reconnu et exprimé.
Les supports de cet aspect thérapeutique peuvent être :
• Les Types R de réponses (SIMON, 2004)
• L’analyse des attitudes de Porter
• Le dessin dicté, la création d’images et le texte à sous-textes (FLE HUCHE, 1998)
• Des jeux de communication à adapter avec l’orientation décrite plus haut.
C’est au cours de ce travail sur la communication que les sentiments et cognitions, voire les croyances, seront
identifiés, puis modifiés, que les textes d’Expression scénique (DARS & BENOIT, 1973) - pour les thé-
rapeutes formés - trouveront leur place.
les habiletés sociales et l'affirmation de soi
Ce chapitre de la thérapie du bégaiement rejoint les modalités des thérapies comportementales. Ces habiletés,
telles que les a décrites L RUSTIN (1995) peuvent être classées en quatre catégories :
• les habiletés de base, telles qu’écouter, maintenir le contact visuel naturel, la posture…
• les habiletés interactives telles complimenter, poser des questions pertinentes, clore un sujet …
• les habiletés d’ordre affectif ou émotionnel telles que reconnaître les sentiments d’autrui ou les siens,
exprimer son attachement…
• les habiletés d’ordre pragmatique ou cognitif telles que se justifier, répondre à des critiques, participer…
C’est dès que deux patients peuvent travailler ensemble qu’il est le plus aisé d’identifier, de modéliser puis de
mettre en œuvre ces habiletés au travers de jeux de rôle.

150
Ces jeux de rôle obéiront à une progression selon deux axes :
• l’axe linguistique par la complexité croissante des situations proposées
• l’axe de l’implication du sujet dans sa prise de parole. Très faible au départ, cette implication concernera peu
à peu une énonciation qui le concerne de plus en plus, qui le dévoile à travers l'expression de ses idées ou
conceptions, ses convictions, ses croyances.
• Exemple : sur une photo aller d’une simple dénomination, à une courte description, puis à l’expression
d’une opinion sur ce qui est représenté ou comment c’est photographié, à l’évocation d’un souvenir puis à
une association d’idées qui pourront libérer des représentations mentales chargées d’ émotion.
◆ Les axes d’intervention qui accompagnent cette thérapie multi-dimensionnelle sont les mêmes que ceux de
l'enfant, sans qu’un ordre d’importance s’impose entre eux.
Rappelons-les :
• contre-conditionnement des mécanismes de la parole. Il existe des praticiens niant l'efficacité d'une telle
approche. Pourtant comme tout geste, écriture, jouer au tennis ou au foot, la parole est inscrite dans un
geste qu’il faut à la fois déconditionner et reconditionner pour trouver la fluence.
• désensibilisation progressive en utilisant une hiérarchie très progressive. Cette hiérarchie est probablement
l’aspect le plus difficile à gérer en raison même de l’histoire unique de chaque patient.
• modélisation par le thérapeute de ce qu'il demande
• renforcement du patient par le thérapeute
• transfert et généralisation dans la vie quotidienne des acquis des séances
• perspective à respecter : toujours celle que le sujet a de son trouble, portant sur ses centres d'intérêt ou de
curiosité.

◆ Je voudrais insister sur deux points


Il est fondamental de faire comprendre et de mettre en oeuvre l'idée que la forme de la parole ne peut
réellement évoluer que si les aspects psychologiques qui sont apparus dans la partie basse de l'Iceberg
commencent à changer et qu'aussi bien, si cette partie plus personnelle de l'Iceberg n'évolue pas, les modifications
acquises de la parole ne se maintiendront pas dans le temps.
Il y a une nécessité de faire progresser le sujet bègue pas à pas, dans chacun des domaines rééducatifs : pour le
support linguistique l’accroissement des unités sur lesquelles on travaille doit être très progressif, c'est à dire aller
du phonème à la syllabe puis au mot et pour le contenu aller d'un énoncé d'un mot à un nombre progres-
sivement plus important de mots. De même les situations de parole doivent être progressivement plus
difficiles, et ceci différemment selon chaque patient : par exemple pour certains, parler à des proches sera plus
aisé qu'à des étrangers et pour d'autres ce sera l'inverse, plus facile de parler devant une personne seule que
devant un groupe, d’acheter du pain que de négocier un contrat. Le plus difficile est dans la majorité des cas
chez l'adulte le téléphone.
Cette hiérarchie à suivre a été longuement discutée puis établie au cours de l’état des lieux.. Contemporaine
de l'Iceberg, elle servira de fil conducteur pour le choix des contrats, c'est à dire des propositions du
thérapeute au patient : d'expérimenter certaines situations, choisies avec le patient, et pouvoir apprécier le
changement attendu en contrôlant le risque pris et sans essayer de monter quatre marches à la fois !

◆ Par quoi commencer ?


Cela est décidé avec le patient après que le thérapeute aura repéré les domaines où il pourra l'aider. Parfois on
commencera par le travail moteur ou la projection vocale ou autre. Mais dans tous les cas de bégaiement
sévère on commencera par les techniques motrices qui permettront ensuite de progresser dans différentes
situations de parole (exercices pré-établis avec des listes de mots, de phrases, description, dessin dicté,
conversation, discussion, négociation, lecture à haute voix, puis jeux de rôle etc..).
Généralement chacun des secteurs travaillés sera repris cycliquement jusqu'à la stabilisation des acquis et
c'est souvent le patient qui choisit ce qu’il veut travailler. Cet aspect du travail est ce que j’appelle la sortie du
"Paraître bègue".
151
Dans cette relation il est sujet de son symptôme : le thérapeute accompagne son patient dans sa quête de sens,
il vient tester avec lui la réalité de ses perceptions, en lui apportant des connaissances théoriques et
techniques, une écoute et la compréhension dont il a besoin.
Le thérapeute est aussi l’interlocuteur actif qui va rendre à la parole de son patient sa valeur de commu-
nication-communion avec l’autre.
Les acquis qui se dessinent au cours d'une prise en charge ne concerneront donc pas seulement la fluence mais
les changements obtenus dans la vie au jour le jour, ce que j’appelle sortir du "Vivre bègue" : par exemple
accepter de passer des entretiens d'embauche, téléphoner sans appréhension, savoir discuter sans agressivité,
savoir refuser, savoir exprimer ses besoins etc. Ces changements modifient peu à peu le style de vie par
plus d'ouverture vers les autres, un sentiment de vivre plus fort, une vie sociale plus adaptée. Ne plus
"Etre bègue", c’est à la fois sortir du "Paraître bègue" et du "Vivre bègue".
Le bégaiement alors ne fait plus écran permanent entre le sujet et les autres, avec la réalité elle-même.
Mais il faut parler aussi de ces patients qui, adultes, se sont construits avec leur bégaiement, répugnent à
rouvrir les vieilles blessures, se contentent de l’identité qu’ils se sont construits avec ce trouble. C’est d’autant
plus fréquent qu’ils ont expérimenté des rechutes. Difficile de vouloir une autre évolution à leur place ! Il est
parfois nécessaire, au bout d’un certain temps de thérapie, de reconnaître que les mécanismes de défense sont
tels qu'aucun changement ne sera possible, sauf si la vie bouscule le patient, divorce, chômage, deuil,
dépression …à qui souhaiter de tels évènements ? On peut ressentir en tant que thérapeute ces situations
comme des échecs, mais elles sont toujours l'échec et du thérapeute et du patient, comme la bonne évolution
est le fruit d'un cheminement commun.
Cette prise en charge occupe une place intermédiaire entre ce que pourrait être une rééducation, et une
psychothérapie .
Il y a transfert, contre transfert et leur repérage par l’orthophoniste certes, mais il n'y a pas analyse de ce
transfert, ni d’interprétation des dires du patient. Par contre les échanges, le jeu, les textes, les techniques sont
autant d'instruments spécifiques qui servent de support à des séances destinées à un patient souffrant d’un
trouble de la communication. Nous restons dans une réalité où joue le symptôme, au nom duquel le patient
est venu nous demander de l'aide. Nous le laisserons libre d'emprunter les chemins que nous lui proposons -
mais nous aurons à être compétent et à défaut l'adresser à plus compétent.
Un suivi sera nécessaire pour que se maintiennent les acquis. Les séances peuvent s’espacer progressivement
mais le contact est maintenu pendant plusieurs mois.
La vie apporte à chacun des circonstances durant lesquels nos fragilités se manifestent à nouveau. Les patients
disent qu’ils restent bègues toute leur vie : je les crois en effet : un tel traumatisme, même si on n’a plus de
bégayages, reste un courant profond de souffrance, dont le flot peut ré-émerger dans certaines circonstances.
Les patients en sont avertis et ce sera à eux de ne pas "rechuter" c’est à dire de revenir à des attitudes "bègues"
d’évitements, des sentiments de honte et de dévalorisation. Ils devront considérer que cette récidive leur
demande de prendre soin d’eux-mêmes, de leur détente, de ne pas trop se demander en termes de fatigue ou
d’objectifs exigeants. Certains outils qu’ils ont appris à utiliser devront être remis en œuvre. La période qu’ils
traversent est difficile mais peut cesser s’ils ne se laissent pas reconstruire comme bègue (MONFRAIS, 2000)
La prise en charge dure en moyenne deux ans, plus 18 mois de suivi, de préférence en groupe.

152
IV – CONCLUSION
Cette prise en charge est complexe mais ce sont nos patients qui nous apprennent où et comment travailler
avec eux. Les orthophonistes pour assurer ces thérapies sont par leur formation au carrefour des différents
versants de la communication, qu’il est nécessaire de traiter pour qu’un patient sorte du bégaiement. C'est une
thérapie passionnante et gratifiante, mais qui nécessite de ne pas s'occuper d'un patient bègue de temps en
temps mais d'y consacrer une bonne part de son activité thérapeutique. Le rôle du thérapeute y est majeur, il
occupe la moitié de l’espace relationnel où le bégaiement se manifeste, il faut être deux pour bégayer !

* "Marcher sur les deux trottoirs d’une rue en même temps ou un seul regard pour voir les deux faces d’une
pièce de monnaie". H Gregory

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Andrews, G.(1984). Epidemiology of Stuttering. In R. F., Curlee et W. H., Perkins(Eds) Nature and treatment
of stuttering. New directions 1-12.San Diego : CA. College-Hill.
Andrews, G. (1990). The genetic nature of stuttering. British Medecine Journal.
Beaubert, C. (2001). Elaboration du psychisme - Elaboration du bégaiement chez l’enfant. Rééducation
Orthophonique, 206, 103-112.
Bloodstein, O.(1995). A Handbook on Stuttering (5ème éd). San Diego : Singular Publishing Group.
Breitenfeld, D.H., Lorenz, D.R (1989).Successful Stuttering Management Program. Cheny: Eastern
Washington university.
Brignone, S., De Chassey, J.(2003). Thérapie comportementale et cognitive. Isbergues : OrthoEdition
Campbell, D., Hill, J. (1993). Application of a weighted scoring system to systematic disfluency analysis. Anaheim
CA: American Speech-Language-Hearing Association.
Chemla, K., Reardon, N. (2001). The school-age child who stutters. Memphis, TN: Stuttering Foundation of
America.
Chevrie,C., Simon, AM.(1997). BEPL : Batterie d’évaluation psycholinguistique. Paris: ECPA
Cottraux, J.(1998). Les thérapies comportementales et cognitives. Paris :Masson
Dars, E., Benoit, J.C.(1973). L’expression scénique. Paris :ESF
Dell,C.W.(1991). L’enfant bègue et sa rééducation. Paris. Masson
De Nil, L., Brutten,G. (1991). Speech-associated attitudes of stuttering and non stuttering children. Journal
of Speech and Hearing research, 34, 60-66
Gregory, C.B. (1993). Idées irrationnelles chez la personne bègue. Glossa, 33, 16-19.
Gregory, H.H.(2003). Stuttering Therapy. Boston : Allyn & Bacon
Haffreingue, C.(2001). Synthèse de l’étude récente de E YAIRI sur les facteurs prédisposant à la chroni-
cisation du bégaiement chez le jeune enfant. Rééducation Orthophonique, 206, 53-62
Johnson,W.(1959). The onset of Stuttering. Minneapolis: University of Minnesota Press.
Le Huche, S.(1992). L’écoute du sujet bègue. In Actes des Journées de Toulouse. Isbergues : OrthoEdition.
Le Huche, F. (1999). Le bégaiement option guérison. Paris : Albin Michel.
Marvaud, J.(2001). Bégaiement, données actuelles. Rééducation orthophonique, 206, 5-20
Monfrais-Pfauwadel, M.C (2000). Manuel du Bégaiement. Paris: Solal
Onslow, M. (1996). Behavioral Management of Stuttering. San Diego : CA. Singular Publishing Group
Onslow,.M., Packam, A.(2002). The Lidcombe Program of early Stuttering Intervention In Bernstein Ratner
and H. C., Healey (Eds), Treatment and Research : Bridging the gap. Majwah. New Jersey: Laurence Erlbaum
Associates.
Otto,C. (2003). Séminaire sur le bégaiement. Lyon. Notes personnelles.
Peters, T.J, Guitar, B.(1991). Stuttering: an integrated. Approach to its Nature and Treatment. Baltimore:
Williams &Wilkins.

153
Rustin, L (1991). Parents, Families and the Stuttering Child. Londres: Far Communications
Rustin, L., Khur, A.(1995). Troubles de la parole et habiletés sociales (Traduction AM Simon). Paris : Masson.
Saint Louis,K.(1986). The Atypical Stutterer. Orlando FL: Academic Press.
Saint Louis, K.(2001). Living with stuttering. Stories, Basics, Resources and Hope. Morgantown : WV. Populore
Publishing Company.
Sheehan, J. (1970). Stuttering Research and Therapy. New york : Harper and Row.
Simon, A.M. (1993). Attitudes communicatives gauchies chez le sujet bègue : approche thérapeutique pour
un changement. Glossa, 33, 8-15.
Simon, A.M. (1999). Paroles de parents. Prévention du bégaiement et des risques de chronicisation. Isbergues.
OrthoEdition
Simon, A.M. (2000). Bégaiement et pression temporelle. Enfance et Psy, 13, 60-67.
Simon, A.M. (2002). Peut-on éviter la souffrance du bégaiement à un jeune enfant ? Langage et Pratiques, 29,
19-29.
Simon, A.M.(2003).L’enfant d’âge scolaire qui bégaie. L’orthophoniste, 230, 19-26.
Simon, A.M.(sous presse). Qu’est devenue la communication quand on bégaie? Comment réparer ? Actes du
IIIème Colloque de l’APB 2004. Lyon.
Starkweather,W.(1990). Stuttering Prevention. Englewood Cliffs. New Jersey: Prentice Hall International.
Van Riper, Ch.,(1982). The Narure of Stuttering. Englewood Cliffs: Prentice Hall.
Van Hoot, A., Estienne, F. (1996). Les bégaiements. Masson : Paris.
Wemague, B. (1994). Rééduquer le bégaiement. Paris : Desclée de Brouwer.
Yairi, E., Ambrose, N. (1999). Early childhood Stuttering I : Persistence and Recovery. Journal of Speech,
Language and Hearing Research, 42,1097-112.

◆ Adresse utile :
APB : Association Parole Bégaiement. Hôpital de la Salpétrière BP 72. 75 622 Paris cedex 13. Tél.
01.46.65.36.39. Internet :www.bégaiement.org.

154
CHAPITRE VI
Education précoce au langage dans les handicaps
de l’enfant de type sensoriel, moteur, mental

Lydie MOREL, Orthophoniste


DEA de psychologie
DESS formation adultes
DU de psychopathologie des processus cognitifs chez l ‘enfant et l’adolescent
Chargée d’enseignement à l’école d’orthophonie de Nancy et de Lyon
Animatrice de formation continue

Avec la collaboration de :

Paulette ANTHEUNIS, Dominique CRUNELLE, Monique CUILLERET,


Françoise ERCOLANI-BERTRAND, Marie-Madeleine FEVE-CHOBAUT,
Anne GUILBERT, Catherine DE GUERBET, Geneviève HASSLER, Stéphanie ROY.

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION ........................................................................................................... 157

II – LES CADRES DE RÉFÉRENCES THÉORIQUES


A – Bases neurophysiologiques du langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
B – Rappel sur les notions fondamentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
C – Etude développementale des pathologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

III – LE CADRE DE L’INTERVENTION DE L’ORTHOPHONISTE EN ÉDUCATION PRÉCOCE


LA RENCONTRE AVEC UN BÉBÉ ET UNE FAMILLE BLESSÉS
A – Les objectifs transversaux partagés par les orthophonistes intervenant en éducation précoce et les
modalités de leurs interventions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
B – Les objectifs spécifiques et la dynamique de l’intervention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

IV – CONCLUSION ............................................................................................................ 214

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................ 216


156
I – INTRODUCTION

◆ Le champ d’intervention de l’orthophoniste


Cette mention est apparue dans la nomenclature des orthophonistes en 2003 ; depuis plusieurs années ces
professionnels plaidaient pour une prise en charge précoce des enfants présentant un handicap. Ainsi Aimard,
Abadie en 1986 soulignaient "Les interventions peuvent être bien plus précoces avec des enfants dont le
trouble du langage et de parole s’inscrit dans le cadre d’un handicap dont le diagnostic peut être porté au tout
début de la vie. Ces enfants sont ou devraient être pris en charge très tôt, dans des équipes spécialisées.
L’attention portée au langage et à la parole n’est alors qu’un aspect de l’éducation précoce proposée,
notamment pour les enfants sourds, malvoyants, I.M.C., trisomiques, porteurs de fentes labio-palatines."
Avec Crunelle nous pouvons dire à présent que : "Tous les spécialistes s’accordent maintenant à reconnaître
que l’intervention précoce, dès les premiers mois de la vie, à l’aide de stimulations multimodales et multi
sensorielles, permet de limiter les conséquences du déficit, d’aider l’enfant à développer des compensations,
"d’ouvrir des portes" et … en retour d’observer une disponibilité plus importante des parents, l’expression de
gestes facilitateurs, … de préserver l’appétence à la communication."
Antheunis, Ercolani-Bertrand et Roy remarquent dans leur intéressant ouvrage Dialogoris- Orthophonie
(2003) que les interventions orthophoniques vont devenir de plus en plus précoces du fait :
• des avancées théoriques de la recherche, des campagnes d'information et de prévention visant les parents, les
enseignants et les médecins,
• de la création et de l'utilisation de plus en plus généralisée d'outils de repérage des troubles du langage,
• des modifications apportées au sein même de la formation initiale des enseignants et des médecins.
La prise en charge précoce s’impose donc dès le diagnostic afin de :
• réaliser une guidance parentale,
• donner à l’enfant les meilleures chances d’accéder au plus vite à la communication et au langage, grâce à de
multiples techniques utilisant l’ensemble des sens préservés et des possibilités motrices (Antheunis, Ercolani,
Roy, 2003).
Elle s’appuie sur les modalités du développement normal mais prend aussi en compte les caractéristiques déve-
loppementales liées à une pathologie particulière ou aux différences interindividuelles. Elle n’a pas forcément
de visée normative mais cherche à aider un jeune enfant à exprimer à son rythme, l’ensemble de ses poten-
tialités (Crunelle, 2000).
Que ce soit en structure institutionnelle ou en libéral, l’éducation précoce au langage s’inscrit dans une
éducation précoce plus large et est le fruit d’un partenariat entre plusieurs professionnels et les familles.

◆ Modalités de recueil des données ayant permis la rédaction de ce chapitre


J’ai pour construire ce chapitre sollicité plusieurs collègues orthophonistes dont l’expérience et les écrits font
référence dans le champ de l’éducation précoce et des orthophonistes qui travaillent en CAMSP ou structures
spécialisées et qui ont bien voulu rédiger un écrit concernant leur pratique. Qu’elles soient ici remerciées pour
leur précieuse collaboration. J’ai également consulté des documents et repris des arguments qui sont
référencés lors de la présentation dans le texte et en bibliographie.
Je n’ai pas la prétention d’avoir fait le tour des publications, j’ai souhaité que le lecteur soit informé des
pratiques argumentées et construites par des orthophonistes. A certains moments le lecteur rencontrera des
redondances ; en effet des arguments de même teneur se trouvent développés dans plusieurs textes, or chaque
écrit ayant une cohérence, j’ai tenu à la respecter.
Des données concernant les conséquences des handicaps sont rappelées, elles peuvent apparaître trop
succinctes, je souligne que ce n’était pas l’objet premier de cet ouvrage. Le lecteur est invité à se reporter aux
documents cités au cours des développements dont il trouvera les références dans la bibliographie.

157
◆ Précisions sur les handicaps abordés dans ce chapitre
Les handicaps moteurs, sensoriels et mentaux ont pour origine des maladies génétiques, des accidents
anténataux, périnataux ou postnataux ou sont d’origine acquise.
Marcelli (1999) réunit cet ensemble pathologique dans un chapitre "dont le seul point commun est
l’existence d’un déficit qu’elle qu’en soit la cause (sensoriel, moteur, mental). Dans tous les cas ce déficit
retentit profondément sur le processus maturatif habituel de l’enfant, entraîne d’importantes modifications de
la dynamique familiale, suscite secondairement des difficultés dans l’élaboration de l’image de soi de chaque
enfant, se complique ainsi de "troubles réactionnels" qui, par leur intensité, peuvent être au premier plan. Sur
le plan épidémiologique, la fréquence d’un handicap sévère dans la population générale est de 14 pour 1000
(Salbreux et coll.1979).
Parmi l’ensemble des enfants handicapés, la répartition est la suivante :
• déficience mentale profonde et sévère : 21%
• atteinte motrice : 19%
• comitialité : 18%
• troubles sensoriels : 17%
- amblyopie : 4,6%
- cécités : 2,4%
- hypoacousie : 4,8%
- surdités : 5,5%
Dans l’analyse factorielle de ces enfants un élément important est constant : la fréquence des polyhandicapés
(42% des enfants handicaps sévères souffrent d’un polyhandicap : déficience mentale sévère, infirmité cérébrale,
comitialité, troubles du comportement…)
Ne seront abordées dans ce chapitre ni l’éducation précoce de l’enfant sourd ni celle de l’enfant autiste traitées
par ailleurs.
Un chapitre est réservé à l’éducation au langage des enfants souffrant de maladie(s) génétique(s). Ainsi il n’y
sera pas fait mention ici, le lecteur est invité à s’y reporter pour compléter cet exposé.

II – LES CADRES DE RÉFÉRENCES


C’est donc à partir de plusieurs écrits soit des documents référencés, soit des documents qui m’ont été confiés
par des orthophonistes que les points témoignant des cadres de référence ont pu être établis.
Ils constituent pour la plupart la charpente des démarches d’éducation précoce au langage sur le plan
• des ancrages théoriques
• des objectifs
• et des modalités d’intervention.
Les ressources théoriques de référence des orthophonistes sont issues de travaux de chercheurs en sciences du
langage, en sciences humaines, en neurologie.
Le lecteur trouvera dans chacun des textes présentés par les orthophonistes des références développementales
dont elles soulignent les aspects fondamentaux : les bases neurophysiologiques du langage ; le rôle du milieu
sur le développement du langage ; le développement cognitif et le jeu dans la construction du langage.
Avec Crunelle nous soulignerons que si on connaît les grandes étapes d’acquisition du langage par le jeune
enfant, son mode d'acquisition reste cependant mal connu. Au delà du débat sur l’influence de l’inné et de
l’acquis, on considère que le développement du langage repose sur une interaction entre la maturation des
zones cérébrales qui lui sont spécifiques et la qualité des stimulations environnementales proposées à l'enfant
dès sa naissance. L’importance de la précocité des interventions orthophoniques auprès de jeunes enfants en
difficulté développementale est admise. Elle s’appuie sur ces travaux portant sur les mécanismes de maturation
cérébrale et sur l’impact de l’environnement sur le développement.

158
A - BASES NEUROPHYSIOLOGIQUES DU LANGAGE
Texte de D.Crunelle
Le langage est certainement la fonction où l’organisation cérébrale atteint son plus haut niveau de complexité.
Le cerveau contrôle les principaux aspects du langage tant au niveau de sa production que de sa com-
préhension. Si la parole dépend de la sensorialité et des aspects mécaniques de la motricité bucco-pharyngo-
laryngo-respiratoire et des centres nerveux qui s’y rapportent, le langage, lui, s’organise au niveau
hémisphérique.
Depuis Broca, en 1861, on sait que l’hémisphère gauche est, pour la grande majorité des individus (87 %),
dominant pour le langage tant sur le plan de l’expression que sur celui de la compréhension. Des travaux plus
récents, Ellis (1984), Narbonna et coll. (1996) précisent que les fonctions formelles du langage ont leur siège
au niveau d’une partie étendue du cortex périsylvien primaire, secondaire et tertiaire de l’hémisphère gauche.
Mais, d’autres zones cérébrales interviennent dans la fonction langagière : l’hémisphère droit joue un rôle non
négligeable sur la prosodie et le pragmatisme, ainsi que sur la compréhension de finesses sémantiques
(humour, métaphores) (Joanette et coll., 1990). Participent aussi le cortex pré-frontal, l’aire motrice supplé-
mentaire, le cortex limbique, le thalamus et les ganglions de la base des deux hémisphères.
Si les localisations cérébrales du langage se précisent chez l’adulte, on ne connaît encore qu’imparfaitement
son ontogenèse, c’est-à-dire les étapes de son développement aboutissant au langage de l’adulte. Toutefois, des
travaux récents nous apportent quelques données : les études sur la myélinogénèse des structures impliquées
dans le langage, celles portant sur le développement des asymétries hémisphériques et des relations interhé-
misphériques.
Le développement des gaines qui entourent les axones neuronaux ou myélinogénèse détermine la maturation
fonctionnelle de ces faisceaux. Yakovlev et Lecours (1967) ont proposé un modèle de "cycles myélinogé-
nétiques", sorte d’indicateur temporel de la mise en place des grandes fonctions corticales, de la période intra-
utérine jusqu'à la maturation. Ils constatent que les régions sous-corticales, noyaux du tronc cérébral et
noyaux gris centraux, sont les premières matures. Pour le langage, la myélinogénèse des fibres thalamo-
corticales auditives, portion sous-corticale des voies cérébrales auditives, commence in-utéro et mature
précocement. Par contre, celle des fibres auditives post-thalamiques, afférentes au cortex auditif, se prolonge
jusqu'à 5-6 ans. Les faisceaux d’association ont une maturation très tardive. Lecours (1975), Bates et coll
(1992) font l’hypothèse qu’il existe une relation entre la myélinogénèse des structures impliquées dans le
développement du langage et les étapes successives de ce développement. Ainsi, le babillage correspond à la
myélinisation, vers 6 mois de vie, des voies thalamo-corticales auditives, et le début du langage à la
maturation du cortex pré-frontal. La morphosyntaxe, l’enrichissement du vocabulaire correspondent à la
myélinisation intracorticale des zones d’association et au processus de stabilisation sélective des synapses
(Changeux, 1983) que nous évoquerons plus loin.
La précocité de la dominance hémisphérique gauche pour le langage semble prouvée. Dès 30 semaines de
gestation, l’asymétrie du planum temporale serait déjà déterminée, ce qui éliminerait l’idée que l’asymétrie
cérébrale ne serait que la conséquence de la fonction (Witelson et coll., 1973), (Wada et coll., 1975). Cette
date correspond à la fin de la période de migration neuronale et au début de la phase de synaptogénèse. Dès
trois mois, au test d’écoute dichotique (des mots différents sont adressés simultanément dans chaque oreille),
on constate une supériorité de l’oreille droite (hémisphère gauche). Cette supériorité ne fera que s’accentuer
tout au long du développement chez le sujet droitier. Brown et Hecaen, (1976) parlent d’un "processus
continu et progressif de latéralisation - concentration". D’abord réparti de manière plutôt symétrique et
diffuse au sein des deux hémisphères, le langage se latéraliserait progressivement dans l’hémisphère gauche et
se concentrerait dans la région spécifique du langage.
Les relations interhémisphériques sont essentiellement réalisées par le corps calleux, situé entre les deux
hémisphères, il a un rôle déterminant dans la dominance cérébrale. Au delà d’un rôle de transfert des
informations, il jouerait aussi un rôle inhibiteur, privilégiant ainsi les fonctions propres à chaque hémisphère
(Banich, 1990). Son rôle dans le développement du langage est essentiel même si ses fonctions précises restent
encore mystérieuses. On constate par exemple qu’en cas d’agénésie du corps calleux, les enfants présentent le
plus souvent une déficience intellectuelle. Elle n’est cependant pas systématique. Par contre, le développement

159
du langage de ces enfants sera la plupart du temps très perturbé, allant jusqu'à la dysphasie de développement
(Habib, 1997).
Trois notions complémentaires sont importantes à évoquer ici : celles de stabilisation sélective des synapses, de
période critique et de plasticité cérébrale.
Changeux (1983) suggère que l’on puisse appliquer au langage sa théorie de l’apprentissage par "stabilisation
sélective" des synapses en voie de développement. Pour lui, la possibilité d’apprendre est liée à un certain
degré de variabilité dans l’organisation synaptique grâce à la capacité des extrémités nerveuses à sélectionner
les connexions importantes et à éliminer les autres, établies transitoirement.
Ainsi, on sait que le très jeune enfant a des capacités infinies de reconnaissance de sons. Peu à peu, il sélectionnera
les sons appartenant à sa langue maternelle et perdra sa capacité à identifier certains phonèmes que l’on
pourrait qualifier d’"inutiles" dans son environnement propre (par exemple, certains sons gutturaux de langue
nordique pour les petits Français). De même, dans la période de babillage, le bébé est capable d’articuler une
multitude de sons qui sont communs à toutes les cultures, que l’enfant soit sourd ou entendant. Ces
émissions vocales se complexifient et vers 6 mois apparaît une différence entre les enfants entendants et non-
entendants et une sélection, donc une réduction, selon la langue maternelle. On pourrait presque parler d’une
perte de capacité première, perte ou abandon de l’inutile. "L’environnement n’a pas un effet instructif sur le
cerveau, mais un effet sélectif parmi l’ensemble de ses possibilités".
Ce constat, à l’origine de la théorie de Changeux montre, au-delà des facteurs génétiques et innés,
l’importance des facteurs environnementaux intervenant sur la maturation cérébrale. A côté des invariances de
développement, cette hypothèse permet de mieux comprendre l’infinité des différences interindividuelles.
Plus qu’une opposition entre facteurs internes et externes, entre maturation et milieu, c’est leur interaction
dans le développement continu de l’enfant qui ressort.
Dans ce débat sur les interactions hérédité-milieu, deux questions se posent : les acquis de la maturation post-
natale sont-ils reliés à l’apparition concomitante d’un comportement ? Et comment les variantes du milieu les
modifient-elles ? (Rigal, 1985).
Pour un développement optimal, il faut qu’il y ait concordance entre maturation cérébrale et stimulation
environnementale. C’est cet ajustement, cette influence réciproque, qui semblent permettre les meilleurs
apprentissages.
Pour chaque grande fonction, et le langage en est une, existent des moments privilégiés où l’apprentissage est
plus facile dans les mêmes conditions environnementales. C’est la notion de période sensible et de période
critique. "Entre les théories génétiques où la réussite motrice et l’âge d’acquisition sont déterminés génétiquement
et les théories environnementales où tout résulte de l’apprentissage (connaissances antérieures et opportunité
d’apprendre) trouve place un modèle adaptatif tenant compte simultanément de la maturation de l’enfant et
des influences externes" (Rigal, 1985).
La période critique pour le langage semble se situer entre 6 mois et 3 ans. Le cerveau, durant cette période,
grossit de manière considérable, les structures cérébrales se développent tout en étant modulées par l’in-
teraction avec le monde extérieur ; le langage dépend de cette interaction permanente, qualité de l’ambiance
linguistique et maturation cérébrale. L’environnement joue là un rôle essentiel : si l’enfant n’est pas baigné
dans le langage durant cette période critique, il ne développera pas cette fonction et même en perdra l’usage.
On peut ainsi citer l’exemple des "enfants-loups".
A cette notion de période critique s’ajoute celle de plasticité cérébrale. Si les phénomènes épigénétiques
deviennent agressions pathogènes plutôt qu’apprentissages, on constatera chez le jeune enfant un "remodelage
cortical" (Narbona et Fernandez, 1996). Une lésion cérébrale chez un enfant jeune n’a pas les mêmes
conséquences ni le même pronostic que chez l’adulte. L’enfant atteint d’une hémiplégie gauche, en période
néonatale, développe son langage oral, même s’il montre certains troubles morphosyntaxiques. De même, si
un enfant, avant 5 ans, subit une lésion de l’hémisphère gauche, il courra moins de risques de présenter une
aphasie qu’un sujet plus âgé et, dans tous les cas, récupérera plus vite son langage. Ces compensations
résultent d’une plasticité cérébrale qui permet l’adaptation du sujet aux événements imprévus qui peuvent
venir modifier le programme génétique. Cette plasticité nerveuse varie selon le type de structures et selon
l’âge. Les processus de remodelage se produiront de préférence au cours des périodes critiques de chaque
fonction.

160
B - RAPPEL DE NOTIONS FONDAMENTALES
1 - Le rôle du milieu sur le développement du langage
Texte de Dominique.Crunelle orthophoniste 1
Dès la naissance, le bébé communique avec son entourage et ce, avant même ses premières vocalises.
D'emblée, sa mimique est expressive et interprétée par les parents qui lui donnent du sens et répondent selon
ce qu'ils ont perçu. Les premières interactions exigent deux partenaires : la mère et l'enfant, tous deux par-
tenaires actifs. Le bébé adopte ainsi une posture de communication, d'accordage, dans laquelle il capte le
regard de sa mère, "regard sortilège" dit Ajuriaguerra (1969), qui interpelle et qui oblige l'adulte à entrer en
relation avec l'enfant. C'est de la qualité de ces premières interactions que dépendra en partie l'évolution du
langage.
Dès les premiers mois de vie, le bébé cherche à imiter ses parents qui, eux-mêmes, imitent ses premières
vocalises et élèvent la hauteur tonale de leur voix pour attirer son attention et l'inciter à vocaliser de nouveau ;
se produit alors un phénomène de "contagion vocale". Ce phénomène évolue pour devenir, vers 7 mois, une
véritable imitation mutuelle, se réalisant par un processus réciproque d'adaptation. Dès les premiers échanges,
on peut employer le terme de "Feed-Back" proposé par Wyatt (1973). Les adultes proches de l'enfant
véhiculent les modèles nécessaires à la construction du langage. Ils le font en ajustant en permanence leur
registre langagier selon une évolution située un peu au devant de celle de l'enfant et par un apport continu de
"feed-back", c'est-à-dire de retour aux productions de l'enfant, cela dans les différents domaines linguistiques.
Ces "feed-back" consistent, au niveau phonétique, en une parole clairement articulée, ponctuée de pauses et
dont la prosodie est accentuée. Au niveau syntaxique, les phrases sont courtes et bien construites. Le discours
fait référence à la situation présente et il est renforcé par tous les moyens de communication non verbale pour
permettre à l'enfant d'accéder à son sens.
Lors des épisodes interactifs, l'enfant intègre non seulement les sons propres à sa langue maternelle, mais
également les modalités conversationnelles utilisées lorsque l'on s'adresse à lui. Il perçoit dans ces échanges
vocaux qu'il existe une alternance d'énoncés et de pauses : une personne lui parle, reprend ses vocalisations,
les interprète, puis ménage un silence qui lui laisse la possibilité de s'exprimer. Ce n'est que lorsqu'il a
terminé, que l'interlocuteur reprend la parole. L'enfant expérimente ainsi le tour de parole comme un moyen
efficace de recevoir la production de l'autre et de se faire entendre. Cette règle qui régit le dialogue s'observe
déjà dans le babillage de l'enfant.
De la même manière qu'il assimile la pertinence du tour de parole, le bébé intègre, grâce à des capacités perceptives
particulières, l'utilité de la prosodie dans la conversation. Ainsi, le bébé paraît beaucoup plus sensible et
attentif à un discours bien structuré en phrases, c'est-à-dire en énoncés, dont les caractéristiques sont
similaires à celles d'une "figure musicale : frontières de la phrase marquées, rythme prosodique". Cette
aptitude à dégager la phrase dans la parole et dans la musique suggère l'existence de processus perceptifs
généraux, plutôt que spécifiquement langagiers (Lynch et coll., 1995). L'organisation prosodique de la langue
maternelle influence précocement les vocalisations de l'enfant. Lynch montre que, en français, l'allongement
final propre aux productions adultes est observé dans les phases prélinguistiques dès l'âge de 2 mois. Vers la
fin du 4ème mois, l'enfant reproduit sans difficulté des mélodies simples, ascendantes, descendantes ou plates
(Konopczynsy, 1990). Puis vers 6/7 mois, il reproduit quelques éléments rythmiques et quelques courbes
mélodiques, parallèlement aux caractéristiques articulatoires émergentes.
On trouve donc dans le prélangage les éléments d'une organisation langagière et une valeur de commu-
nication véritable, que l'auditeur extérieur peut tout à fait interpréter. A quelques mois, l'enfant est capable de
cerner la prosodie comme un ingrédient nécessaire à l'échange, il est aussi capable de prendre en compte le
contexte, puisqu'il sélectionne la mélodie adaptée à la situation.
L'évolution de ces compétences dépend de l'entourage : "ce qui est essentiel c'est que l'enfant soit considéré
comme un interlocuteur et la communication avec lui comme une conversation ; sa mère lui permet d'être à
l'initiative de l'échange et, en interprétant son message, témoigne de sa capacité d'illusion anticipatrice"
1
Directrice de l’Ecole d’Orthophonie - Lille.

161
(Winnicott, 1974). L'adulte, par ces attitudes interprétatives, par les renforcements verbaux et non verbaux
qu'il apporte, sélectionne les conduites communicationnelles de l'enfant et le fait accéder progressivement au
sens et à la fonction de ces comportements (Moreau et coll., 1982).
L'apprentissage de la langue passe en effet, par un "processus d'imitation consciente et d'identification
inconsciente". L'état émotionnel de la mère (pris au sens de l’adulte ayant la relation la plus privilégiée avec
l’enfant) et ses affects orienteront et donneront naissance aux expériences linguistiques de l'enfant (Spitz,
1968). Il est essentiel que la relation mère-enfant s'inscrive dans une continuité, vécue dans un climat de
tendresse exempt de conflit. La communication entre la mère et l'enfant se construit sur un terrain commun,
aussi bien quand elle est d'emblée réussie (la mère décode le message de l'enfant et l'interprétation qu'elle en
donne est conforme à l'intention de celui-ci) qu'après des négociations (l'interprétation ne coïncide pas avec
les intentions de l'enfant, et des ajustements sont nécessaires). Les mécanismes d'ajustement et, de ce fait,
l'évolution linguistique et communicationnelle pourront être mis en péril s'il existe des dysfonctionnements
dans les procédures permettant aux partenaires la vérification de l'échange conversationnel et du degré de
partage des significations (Vinter et coll.,1992).
La cohérence conversationnelle apparaît donc d'abord au niveau sonore avant de s'affirmer au niveau
sémantique. Ainsi, au "feed-back" phonétique succédera une période de "feed-back" sémantique, la mère
attribuant un sens à une suite de syllabes qu'elle reconnaît comme un mot de sa langue, qu'elle répète,
entraînant l'enfant à l'imiter. C'est cette "reprise imitative et la réciprocité de la reprise de l'autre"(Veneziano,
1992), l'alternance des rôles, qui permettent à l'enfant de construire un répertoire de sons. Quand la mère
reprend la production de l'enfant, il la reconnaît comme son énoncé, l'imite, l'utilise pour augmenter sa
précision phonétique, et c'est l’adulte qui lui en donnera le sens.
Tout au long du développement, c'est le langage de l'adulte qui aide l'enfant à faire des rectifications
successives, selon le concept de tâtonnement décrit par Wyatt (1973) et Lentin (1974). Peu à peu l'enfant
donne un sens global aux énoncés ; puis, il passe de la généralisation à une correspondance mots/concepts
plus précise. Les parents apportent à l'enfant un langage constructif, un modèle avec des éléments nouveaux et
formateurs : un "feed-back" correctif, sémantique, phonétique et grammatical. "L’enfant demande que l’on
comprenne ce qu’il dit du monde sans être encore capable de fournir à l’autre les moyens linguistiques
nécessaires. Pour que ses premières tentatives réussissent, il faut que l’enfant ait affaire à des auditeurs-
médiateurs bienveillants, attentifs, prêts à obéir à sa demande. En montrant qu’ils ont compris les propos
tenus par l’enfant, ils lui signalent qu’il est sur la bonne voie, que le langage est bien fait pour parler du
monde" (Bentolila, 1996).
Peu à peu, l’enfant va communiquer avec un auditoire plus large, à des personnes qu’il connaît moins et qui le
comprennent moins bien. Il va devoir, pour être compris, adapter son langage à ses interlocuteurs, ajuster le
message à sa pensée. Son "avenir linguistique" dépendra en partie de l’exigence et de la bienveillance de son
environnement.
Le développement harmonieux d’un enfant et celui de son langage reposent donc à la fois sur la qualité des
stimulations environnementales et sur l’équilibre psychoaffectif dans lequel il vit. Ces deux éléments
conjugués déterminent l’appétence de l’enfant à communiquer et l’aident à maîtriser un code linguistique
élaboré.
Par ce texte coloré de références Crunelle témoigne de l’importance des échanges entre la mère et son bébé et
décrit comment les réglages mutuels enfant - environnement proche conduisent progressivement l’enfant à
vivre le plaisir de communiquer et à se glisser dans l’enveloppe langagière de son environnement. C’est avec
ces références que l’orthophoniste va observer le jeune enfant porteur de handicap et ses parents et organiser
son intervention.

2 - Le rôle fondamental des premières interactions des trois premières années


La connaissance de ces premières interactions pour les liens qu'elles présentent avec l'acquisition des com-
pétences langagières chez l'enfant permet à l’orthophoniste de proposer des conduites étayantes au jeune enfant
handicapé et d’accompagner les parents. Il s’agit pour ce professionnel de mettre en sens toute conduite du jeune

162
enfant et ainsi d'accompagner la mère :
• à mettre du sens sur les conduites du bébé ; en effet le comportement interprétatif de la mère, relevé vis-à-vis
d’autres comportements dès les premières semaines de la vie du bébé, est considéré par Dore (1985) comme
central pour l’émergence du langage : en interprétant les comportements de l’enfant, l’adulte donne une signi-
fication à son comportement "avant que l’enfant ait pu signifier lui-même une telle signification"
• à reconnaître les intentions relationnelles de son bébé. Veneziano, écrit en 2000 : "Contrairement à ce que l’on
pourrait croire, pendant la première année de vie du bébé, la mère est dans la dyade la principale imitatrice des
productions vocales. Ce faisant elle isole ce comportement du reste et le porte "sur le devant de la scène" (Masur,
1987), le transforme en objet de contemplation (Uzgiris, 1984), et permet à l’enfant de voir son comportement
en même temps du point de vue du locuteur et de celui de l’interlocuteur (Sinclair, 1994)"
• dans l'invention de modalités personnelles leur permettant de communiquer : référence à la notion de format de
Bruner dont l'intérêt est de créer des microstructures dont les composantes internes ont un haut degré de prédic-
tibilité. "Lorsque l’enfant est certain des régularités interactionnelles, il peut alors se centrer sur ce que la mère dit
et peut explorer des hypothèses linguistiques" (Brüner, 1983).
Les études sur l’acquisition du langage sont nombreuses Il existe différentes approches théoriques qui proposent
des hypothèses explicatives quant au processus d’acquisition du langage. Karmiloff (2001) souligne : "L’approche
nativiste qui considère que les mécanismes mentaux par lesquels l’enfant acquiert le langage sont non seulement
innés mais également propres à ce domaine. L’approche cognitiviste a été développée par Piaget et ses disciples.
Pour eux l’acquisition du langage fait appel aux mêmes mécanismes généraux que ceux nécessaires au
développement cognitif. D’autres théoriciens comme Brüner réservent à l’interaction sociale une place essentielle
dans leur théorie du processus d’acquisition du langage". Ce chapitre ne reprendra pas les travaux de ces
chercheurs, il en est fait largement référence dans celui concernant la rééducation des troubles du langage.
Depuis quelques années les techniques modernes de recherche ont mis en évidence des capacités du bébé jusque là
ignorées par exemple les capacités précoces du bébé à porter son attention sur la parole. Karmiloff-Smith et coll
(2001) mettent en garde "contre la tendance malheureusement très répandue dans la littérature spécialisée à passer
automatiquement de la parole au langage par une généralisation abusive. On ne saurait confondre le traitement
précoce de la parole, des sons du langage et la connaissance de la signification du langage et sa structure."

3 - La construction des différents aspects du langage en référence aux modalités interactionnelles


Tourette (2000) nous propose d’enraciner les différents aspects du langage dans les modalités interactionnelles
qui se tissent entre le jeune enfant et son entourage.

◆ L’aspect dialogique (tours de parole) trouve son origine dans les procédures d’alternance succion/pauses,
donner/prendre, cacher/trouver.

◆ L’aspect pragmatique (communication sociale) est préparé lorsqu’il y a partage d’intention communica-
tive et de centre d’intérêt (attention conjointe) ; ceci dans un contexte où ce qui est dit est en rapport avec ce
qui est fait.

◆ L’aspect lexical (vocabulaire) est enraciné aux moments d’attention partagée où les regards, les pointages
sont accompagnés d’étiquetage.

◆ L’aspect syntaxique (ordre des éléments de la phrase) est originé dans les formats d’action conjointe, où
existe une correspondance entre la structure de l’action (sujet, action, objet) et celle de la phrase (sujet, verbe,
complément) ; ces formats permettent un repérage des éléments invariants et des éléments substituables.

◆ L’aspect symbolique est lié au moment où le mot remplace l’objet.


Nous noterons particulièrement l’argument suivant qui est mentionné par plusieurs orthophonistes et qui a été
décrit par Bates (1975), Nicolich (1971), Cipriani (1982) : le jeu symbolique multigestuel est contemporain
de la combinaison de mots.

163
Ogura (1991) souligne que le moteur commun de cette apparition conjointe - jeu symbolique et combinaison
de mots - pourrait être la capacité cognitive de coordination.
Si les références concernant l’acquisition du langage sont essentielles pour l’orthophoniste dans sa
compréhension de la construction du langage, de la communication et de la pensée et dans l’appréciation des
conduites observées chez les jeunes enfants porteurs de handicaps, les travaux des équipes de recherche sur les
études de la pathologie en psychologie développementale sont tout aussi importants pour comprendre les
pathologies et appréhender les conséquences sur les plans langagier et cognitif.

4 - Coordinations sensori-motrices et communication


L’importance de reconnaître que l’activité d’extraire des régularités est nécessaire à la construction de
certains aspects du langage est précisée par Florin (1999). "Découvrir le sens des mots suppose aussi le
découpage du monde en unités et catégories que l’on sépare les objets des actions et qu’on repère
l’identique malgré les différences c’est à dire la catégorisation. La capacité de catégorisation se développe juste
avant et conditionne probablement la période de l’explosion lexicale de 18 à 36 mois."
D’une façon plus générale Piaget (1945) cité par Veneziano (2000) a mis en évidence cette apparition
conjointe entre le développement sensori-moteur et l’émergence du langage qui a été développée plus tard par
les auteurs cités ci-dessus. "La capacité de construire des catégories d’objets et d’actions, des relations entre
ceux-ci, et l’acquisition concomitante d’objet permanent, acquises pendant la période sensori-motrice,
fournissent des bases pour construire des relations de significations stables et pour saisir la nature de la
relation de signification qui lie les signifiants langagiers à leurs signifiés. La capacité d’utiliser des moyens
différenciés pour obtenir un but et l’établissement de liens causaux entre actions et événements ou entre
événements, qui sont également construits à la période sensorimotrice constituent, quant à eux, des acquis
cognitifs nécessaires à l’utilisation des premiers mots en tant que signifiants partagés de communication."
Cette entrée dans la communication est particulièrement remarquée lorsque entre 8 et 12 mois, l’enfant
coordonne dans un même acte communicatif les comportements dirigés vers une personne-gestes et regards-
et les actions dirigées vers un objet. Il s’agit du "signalement dual" (Bates et coll.1975, Masur 1983) qui va
permettre à l’enfant d’accomplir des fonctions communicatives de base telles que la requête d’objet et la
requête d’attention partagée sur un objet ou un événement : les proto-impératifs et proto-déclaratifs mis en
évidence par Bates et coll.(1975). Les premiers mots viendront s’insérer dans des situations communicatives
déjà mises en place et exprimeront au début ces mêmes types de fonctions (Veneziano, 2000).
Bonnet (1991) dans sa recherche sur la genèse de la communication de l'enfant propose de lier l'évolution de
la causalité chez l'enfant à ce développement de la communication. "Les conduites de communication
supposent la capacité de déduction causale et correspondent à la période d'une causalité objective que l'enfant
attribue aux comportements d'autrui et d'une causalité psychologique qu'il attribue à ses gestes, à ses
mimiques, à ses mots lorsqu'il sait qu'il peut modifier ces comportements."

C - L’ÉTUDE DÉVELOPPEMENTALE DES PATHOLOGIES


Les orthophonistes s’appuient nécessairement sur les travaux en recherche développementale pour construire
et ajuster leur intervention. Le lecteur pourra découvrir d’autres arguments théoriques dans les propos
décrivant les modalités d’intervention dans la prise en charge des jeunes enfants porteurs de handicap, et
appréhender comment ils constituent les fondations de leurs pratiques professionnelles. Plusieurs points sont
dégagés pour être exposés dans cette partie
L’intérêt de la psychologie du développement pour les pathologies a évolué au fil de l’histoire de la discipline.
Mellier (2003) souligne "de descriptives puis à visée différentielle, les études sont passées à des propositions de
démarches explicatives (neuropsychologie du développement) pour chercher à prédire le devenir des enfants à
partir de marqueurs précoces, pour instruire des dispositifs de remédiation des troubles du développement."
Cependant il faut se garder de proposer "une définition de l’enfant en développement en cas de pathologie
qui serait réduite aux insuffisances biologiques qui altèrent le fonctionnement de ses systèmes organiques ou

164
réduite aux effets des anomalies que le milieu familial ou institutionnel impose à l’enfant, il s’agit d’étudier la
pathologie dans sa formation et ses transformations, c'est-à-dire comprendre "comment l’enfant construit ses
connaissances sur le monde et sur lui, comment ces connaissances s’organisent et s’automatisent, quels liens
elles entretiennent entre elles et en quoi ces organisations spécifiques sont différentes de celles de l’enfant sain,
en quoi elles sont plus ou moins adaptatives." et j’ajouterai en tenant compte du cheminement émotionnel de
cet enfant et de son histoire dans sa famille.
Cette recherche de compréhension de la différence se trouve bien sûr dans les données de la psychiatrie de
l’enfant. Citons entre autres Ajuriaguerra (1958) Lebovici (1985) Marcelli (1999) Misès (1975), Golse
(1985), Gibello (1984). On peut noter également les recherches menées par des psychologues comme
Inhelder (1969) (enfants déficients mentaux) ; Oléron (1957) Lepot-Froment et col. (1995) (enfants sourds) ;
Fraiberg (1991) et Hatwell (1966, 2003) (enfants présentant une cécité) ; Bullinger (1994) (enfants
présentant des déficiences sensorielles profondes) ; Guidetti et coll. (1999) (enfants handicapés) ; Nadel
(2002) (enfants présentant des troubles autistiques) ; Rondal (1985, 1986, 1990) Vaginay (2001) (enfants tri-
somiques) ; Meljac (1994) (enfants présentant un syndrome de Williams Beuren) ; Karmiloff-Smith (2001,
2003) (enfants à développement atypique dont Williams Beuren) et Borel-Maisonny et coll (1950) pour ses
travaux fondateurs en orthophonie. Ces quelques noms parmi tous ceux que j’aurais pu mentionner laissent
entrevoir l’étendue des références à disposition des orthophonistes, ces auteurs se trouvent assez régulièrement
cités dans leurs écrits.
Comme Crunelle le rappelle, les recherches sur l’acquisition du langage chez l’enfant ordinaire ont mis en
évidence que certaines conduites telle l’attention conjointe, l’alternance des tours de rôle, le pointage,
l’imitation et les productions vocales comme le babillage sont des fondements de la communication.
(Guidetti, 2003). Ces piliers de la communication ont été explorés chez les enfants atypiques. Vinter (1999)
souligne que toute évaluation de l’enfant trisomique et tout projet d’accompagnement parental ne peut faire
l’économie de l’exploration de ces conduites. Morel (1993) rapporte les observations de plusieurs chercheurs
ayant comparé des enfants ordinaires et des enfants trisomiques : Landry et coll. (1990) par exemple souligne
un retard dans la mise en place du processus d’attention conjointe. Les jeunes enfants restent plus longtemps
dans une attention à leur mère lorsqu’ils sont en condition de jeu plutôt que dans une attention conjointe.
Les regards de va et vient de la mère au jouet sont moins fréquents chez les enfants trisomiques. Ils montrent
plus de difficulté à regarder un autre objet lorsqu’ils sont fixés sur un premier. Dans leurs conduites d’ex-
ploration aux objets, Mac Turk (1985) mentionne que les enfants trisomiques manifestent peu de signes
sociaux envers leur mère, c’est comme s’ils ne recherchaient pas d’indices extérieurs à eux et à la situation
spécifique. On va noter par conséquence des difficultés de réglage dans la mise en place de l’activité conjointe
avec l’entourage et des conduites d’interpellation peu développées. Wootton (1990) remarque que les enfants
produisent des émissions sonores en pointant le doigt mais ne regardent pas systématiquement le visage de
l’adulte. Les parents ne reconnaissent pas cette conduite comme pouvant signifier une conduite de pointage et
n’étayent pas par des émissions sonores. L’enfant n’étant pas reconnu comme producteur de "choses" à
partager peut alors progressivement cesser ses émissions et le parent de son côté ne recherche pas vraiment le
contact par le regard lors d’échanges avec des objets.
Vinter (1999) signale les travaux de Jones (1977). Il observe de nombreuses collisions vocales dans les
interactions mère-enfant trisomique. Les enfants ont beaucoup de mal à mettre en place l’alternance de rôles.
Concernant les capacités d’imitation, on peut noter des déficits de l’imitation qu’elle soit gestuelle ou vocale.
Peu de travaux ont exploré les productions vocales des jeunes enfants trisomiques. Vinter rapporte que les
données de ses travaux relèvent dans la production des jeunes enfants trisomiques un babillage instable et un
répertoire consonantique particulièrement stéréotypé.
Les études dans le champ de la pragmatique interrogent également les modes d’interactions des parents
d’enfants trisomiques avec leur enfant. On peut mentionner les travaux de Maurer et coll (1987). Les auteurs
soulignent que dans la plupart des cas pour leur échantillon, les parents d’enfants trisomiques interagissent
avec leur enfant sous forme d’énoncés directifs et ce pour obtenir une conduite particulière de leur enfant
durant la séquence de jeu. Ils ne semblent pas dans un souci de produire des échanges conversationnels. Les
interventions des parents d’enfants trisomiques sous forme de commandes sont fréquentes lorsque l’enfant

165
joue de manière non conventionnelle.
Karmiloff et coll.(2003) notent que "les différences au niveau des paroles adressées à ces enfants atypiques
pourraient s'avérer très importantes. La recherche a démontré qu'en général, les enfants atypiques sont plus
passifs dans l'interaction conversationnelle que les enfants normaux, et que les adultes sont moins prompts à
interagir avec les enfants passifs qu'avec des enfants actifs. De plus, si le motherese est bien souvent utilisé
avec les enfants atypiques comme avec les enfants normaux, il s'agit souvent d'une forme appauvrie de parole
destinée à l'enfant. On s'est aperçu que, de manière générale, dans les cas atypiques, les personnes en charge
de ces enfants réagissent beaucoup moins au contenu sémantique effectif des énoncés de l'enfant et leur
proposent beaucoup moins de reformulations. On note également des énoncés plus courts et moins variés, et
quand des questions leur sont posées, elles ne demandent habituellement que des réponses par oui ou par
non. Ces différences sont souvent fonctions des retards. Reste à comprendre s'il existe un lien de type cause
entre un handicap langagier et des paroles parentales atypiques.
Il n'y a rien de surprenant à ce que la parole adressée aux enfants soit différente selon qu'ils sont normaux ou
atypiques : les discours destinés aux enfants sont, de manière prédominante, adaptés au niveau de langage
réceptif de l'enfant… L’incapacité de l'enfant à réagir de manière adéquate à certains types de messages lin-
guistiques peut aussi mener à une dépression partielle des échanges dialogiques. Il se pourrait alors, dans
certains cas, que l’interaction entre enfant et parents ne parvienne pas à soutenir de manière adaptée le
processus d’acquisition du langage, parce qu’elle demeurerait trop limitée.".
Tous les éléments issus des travaux de la pathologie développementale sont à prendre en compte dans
l’observation des enfants et des relations parents enfants. Cet aspect transparaît dans les développements
présentés dans les paragraphes suivants.

III – LE CADRE DE L’INTERVENTION DE L’ORTHOPHONISTE


EN ÉDUCATION PRÉCOCE
L’orthophoniste construit son approche clinique,
• en réalisant un bilan lors des premières rencontres avec le jeune enfant,
• en définissant des objectifs transversaux et spécifiques reliés à des arguments théoriques,
• en articulant ces objectifs à des principes et des modalités constitutifs de sa démarche,
• en procédant à des évaluations régulières lui permettant d’appréhender le cheminement de l’enfant et de
réajuster ses objectifs et d’en définir d’autres.

◆ La rencontre avec un bébé et une famille blessés.


On ne peut développer le contenu du cadre de l’intervention de l’orthophoniste sans avoir d’abord soulevé la
nécessité d’une réflexion sur son positionnement personnel face à la différence et aux conséquences
émotionnelles liées à l’arrivée d’un bébé "pas comme les autres". L’orthophoniste qui reçoit un bébé et ses
parents est impliqué à réfléchir à ce qui se joue dans la rencontre d’un bébé atteint dans son corps et des
parents perturbés dans leur parentalité.
Les prises en charge étant de plus en plus précoces, les professionnels sont engagés dans un réel travail d’ac-
compagnement familial. L’arrivée d’un bébé "pas comme les autres" va provoquer dans la plupart des cas des
"faux pas dans la danse de l’accordage affectif" (Stern, 1978). En effet Korff Sausse (1996) écrit : "Les parents
sont sous le coup d’un traumatisme au sens psychanalytique du terme, à savoir un choc totalement inattendu,
d’une intensité telle qu’il fait effraction dans le psychisme, dont il désorganise le fonctionnement : il anéantit
toutes les défenses habituelles et en fait apparaître d’autres, parfois beaucoup plus pathologiques. On voit
alors des parents qui ont des réactions anormales ; mais il s’agit de parents qui réagissent à une situation
anormale." Les parents sont en état de sidération et en incapacité de penser leur enfant. (Bélargent, 2000). Ils
expriment leur impression de rupture totale, il y a désormais un avant et un après. Ces parents blessés dans
l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et décontenancés par ce bébé différent, perdent leur intuition et sont fragilisés

166
dans leurs propres compétences. Ils perdent non seulement leurs repères dans le temps et dans l’espace mais
également quelque chose de leur identité. Je souscris tout à fait aux propos de Bélargent lorsqu’elle souligne
que "nous nous trompons d’objectif en voulant aplanir les réactions parentales et les supprimer pour qu’enfin
la famille parvienne à accepter le handicap (ce qu’aucun de nous n’accepte)". Elle nous interroge "Ne doit-on
pas, nous-mêmes, accueillir et accepter leurs réactions comme étant l’expression de leur souffrance et-pour les
parents- comme étant la manière de réaliser ce travail si difficile de remaniement psychique qu’oblige l’af-
frontement de deux réalités, l’une externe, la réalité du déficit de l’enfant et l’autre interne, la réalité du désir
d’avoir un enfant-normal-". Elle invite les professionnels à être "non plus seulement attentifs à ce bébé mais à
être attentifs à ce que cette mère, ce père voit, à ce qu’il pense, à ce qu’il croit et ce qu’il craint, à ce qu’il désire
ou à ce qu’il redoute, à ce dont il a besoin ; cette intentionnalité nous éloigne de ce qu’est la guidance
parentale qui visait à mettre en application un certain nombre de données que celui qui sait impose à
l’autre…"
Cet enfant " pas comme les autres" interpelle le professionnel : il suscite un malaise, l’enfant aveugle ne nous
voit pas ; l’enfant sourd ne nous entend pas ; l’enfant trisomique ne nous comprend pas bien ; l’enfant
handicapé moteur a des mouvements incontrôlés, l’enfant psychotique a des réactions bizarres. Ces com-
portements nous déconcertent. Ils dérangent nos modes habituels de communication. (Korff Sausse, 1996).
Aller vers cette famille en souffrance, c’est s’engager dans une rencontre avec l’autre, différent de soi. C’est
également se laisser conduire à la recherche de soi-même (Bélargent, 2000). "C’est également réfléchir à
comment nous allons vivre cette particularité (type double contrainte) de cet accompagnement familial en
prise en charge précoce : nous plaçons délibérément les parents en position d’être l’objet de nos soins et de
notre sollicitude et en même temps nous définissons les parents comme des partenaires dans notre mission
auprès de leur enfant".
Ce cadre est constitué d'objectifs transversaux et spécifiques partagés par les orthophonistes
intervenant en éducation précoce et par les principes qui guident leur intervention d’autre part.
L’option a été d’articuler dans le même écrit les objectifs aux modalités d’intervention.

A - LES OBJECTIFS TRANSVERSAUX PARTAGÉS PAR LES ORTHOPHONISTES


1 - Dysfonctionnements précoces. Intérêts et modalités d’une prise en charge précoce.
Texte de D.Crunelle
Le développement normal de la communication et du langage reposerait sur cette interaction permanente
entre mécanismes de maturation cérébrale et apports environnementaux.
C’est sur ce postulat théorique que repose le principe de précocité d’une prise en charge orthophonique pour
les enfants en difficulté.
Certains enfants rencontrent des difficultés développementales précoces d'origines diverses et parfois
cumulées, plus ou moins sévères : lésion neurologique néonatale, trouble chromosomique, déficit sensoriel,
conséquences d'une grande prématurité, trouble spécifique d'apprentissage du langage, milieu carencé,
troubles psychoaffectifs… Que le déficit soit d’origine physiologique ou environnementale, il sera porteur de
conséquences négatives sur le développement de la communication et du langage. Les difficultés motrices,
toniques, perceptives et/ou mnésiques de certains enfants ne leur permettront pas de bénéficier pleinement
des stimulations environnementales : les attitudes parentales pourront aussi être perturbées, du fait du déficit
initial qui compromet les interactions. Par ailleurs, si un enfant évolue dans un milieu carencé, on peut
craindre que la pauvreté des stimulations qu’il reçoit ne limite ses potentialités d’apprentissage.
Un bilan précoce précis et, si besoin, des prises en charges spécifiques peuvent aider un enfant à acquérir les
compétences nécessaires au langage, favoriser les interactions, les jeux vocaux et de langage et apporter des sti-
mulations adaptées, informatives et verbalisées. S’associent à ces objectifs ceux de revalorisation de l'enfant, le
maintien de son appétence à communiquer, l'accompagnement parental visant à aider les parents à découvrir
et à reconnaître les potentialités de leur enfant. C’est par leur précocité que les suivis peuvent aider l’enfant à
se construire, en s’appuyant à la fois sur les mécanismes et périodes de maturation cérébrale et sur l’impact de
l’apport environnemental.

167
Parmi les jeunes enfants en difficulté, on repère trois populations : les enfants déficitaires, les populations "à
risque", et ceux sans anamnèse particulière.
Si l'enfant est déficitaire (enfant sourd, IMC, trisomique…), l'évaluation orthophonique doit être très
précoce, les difficultés spécifiques à chaque pathologie étant bien identifiées et connues pour leurs
conséquences. On veille à apporter les aides techniques nécessaires (appareillage, codes de communication) et
toute compensation jugée utile. On aide l’enfant à découvrir son environnement, à y prendre les informations
utiles à la communication (facilitations motrices, renforcement informatif).
Le travail avec les familles vise à aider les parents à apporter à leur enfant les stimulations adaptées, à exprimer
leur désarroi et à accepter leur enfant dans sa différence.
Parmi les populations à risques, nous distinguerons les enfants nés prématurément et ceux de milieux
défavorisés.
Tout enfant né prématurément ne présente pas de difficultés développementales mais le pourcentage de
risques s’en trouve renforcé (28 % des enfants nés prématurément - risque renforcé par l’extrême pré-
maturité). Des bilans réguliers proposés à ces enfants dans le cadre du suivi systématique proposé dans les
services de néonatologie permettent de rassurer les parents de ceux dont le développement est harmonieux et
de proposer les suivis jugés utiles aux enfants présentant des difficultés.
De même, on connaît le lien existant entre niveau socio-culturel, développement du langage et compétences
scolaires. L’appartenance d’un enfant à un milieu défavorisé est un facteur de risques de difficultés d’appren-
tissages. Il convient de les prévenir, en particulier en développant d’étroits partenariats entre les professionnels
de la santé et de l'éducation.
Enfin certains enfants sans anamnèse particulière présentent néanmoins des difficultés d’acquisition du
langage. La solution d’attentisme (ça va s’arranger…) trop souvent encore proposée, est grave de
conséquences, génératrice en particulier d'échec scolaire et d'exclusion. En dehors de difficultés majeures
repérables très précocement, on peut, dès 3 ans, dépister des difficultés de compréhension ou/et d'accès à la
morphosyntaxe, éléments prédictifs en particulier de troubles d'apprentissages scolaires (Le Normand, 1995),
et, là encore, aider l’enfant à trouver des stratégies d’apprentissage et ses parents à lui proposer un envi-
ronnement riche tant sur le plan affectif que sur celui des stimulations.
On constate que la notion de précocité est variable d’un enfant à l’autre, d’un type de difficulté à l’autre. Elle
correspond pour l’enfant déficitaire à la période du diagnostic ; pour l’enfant à risques, elle conduit à proposer
des bilans réguliers ; pour l’enfant sans anamnèse particulière, elle s’appuie sur des démarches de repérage, de
dépistage mené à l’école maternelle. Elle correspond, dans tous les cas, à apporter, dès le constat d’un dysfonc-
tionnement, les aides adaptées, en s’inscrivant autant que possible dans la période critique que nous avons
décrite.
Le jeune enfant est un être en construction, dont l'évolution repose sur une interaction étroite entre com-
pétences innées et apport environnemental. Il suffit parfois d’interventions précoces, ponctuelles ou
soutenues, pour prévenir les difficultés, permettre à l’enfant d’exprimer ses potentialités, aider les parents à les
percevoir, éviter les surhandicaps souvent liés à un déficit de communication : troubles cognitifs, relationnels,
comportementaux et échec scolaire.

2 - Notion de compétences fondamentales pour la construction de l’intervention


Antheunis, Ercolani et Roy (2003) proposent de réfléchir à la démarche d’observation de l’enfant, celle de
dialogue avec les parents et celle de la construction de l’intervention selon les compétences suivantes.
Elles constituent des bases pour la construction du langage sans lesquelles l'enfant ne développe pas son
langage de façon harmonieuse.
Les Compétences socles
• La mise en place du regard
• La poursuite visuelle
• L’attention conjointe
• L’attention et l’orientation aux bruits environnants :

168
• La capacité à utiliser des mimes, des gestes à visée communicative apportant un complément d’information
et des gestes symboliques
• La capacité à utiliser le pointage
• La capacité à être dans l’échange et le tour de rôle
• La capacité d’imitation motrice
• L’élan à l’interaction
La compréhension non verbale
• La capacité de demandes non - verbales et para-verbales de l’enfant
• La capacité à utiliser la mimique et reconnaître les mimiques des autres
• La compréhension non verbale
La communication verbale
• La facilité à la sonorisation
• Les productions sonores de l’enfant
• La capacité d’imitation "verbale"
Les compétences cognitives
• La manipulation des objets
• La sensibilité au monde des personnes et des choses, des états, des actions et des événements
• Les capacités prélogiques et logiques
• La capacité de jeu symbolique : le "faire-semblant"
• La capacité de mémorisation, d’attention
Le langage de l’enfant
• La compréhension verbale
• La capacité de répétition spontanée
• Le langage de l’enfant : compréhension et expression ;la phonologie ; le lexique ; la syntaxe ; la pragmatique
Les capacités motrices

◆ La prise en charge précoce proposée par ces mêmes orthophonistes développera les modalités suivantes :
Centrées sur les enfants : Le projet concernant l’enfant est adapté à chaque enfant en fonction du bilan et
peut comprendre par exemple :
• La stimulation de la tonicité labiale, linguale, jugale…
• L'établissement d'une bonne communication à un niveau préverbal (gestes, pré-mots, mimiques) entre
l'enfant et son entourage, sans oublier de rechercher la position corporelle la plus adaptée pour ces activités.
• La mise en place de la pré - conversation, des tours de rôle, des routines.
• La mise en place de l'attention conjointe.
• Le développement, la diversification, l'enrichissement du babillage.
• L'entraînement de la sensibilité et de la discrimination auditive.
• L'entraînement de la sensibilité au monde des personnes, des objets, des états, des actions et des événements
concrets et journaliers.
En effet, la base sémantique du langage est constituée par un répertoire lexical limité qui encode les objets
familiers concrets, les principales personnes de son entourage, de même que les états et les changements
d'états de ces objets et personnes, les actions que les personnes effectuent sur les objets et les sentiments
immédiats de ces personnes. Cette base avant de devenir sémantique doit être vécue par l'enfant et les réalités
pratiques qu’elle comporte doivent être clairement exprimées et signalées à l'enfant, jouées et répétées de
nombreuses fois par ce dernier avant qu'on ait de bonnes chances de pouvoir y faire correspondre les entités et
les marquages linguistiques.
• La constitution d'un vocabulaire productif d'environ une cinquantaine de mots familiers à référents concrets

169
désignant des objets, des personnes, des actions et des états avant de pouvoir envisager d'entraîner la
production d'énoncés comportant deux mots puis davantage.
• L'entraînement à la verbalisation de relations sémantiques que l'enfant peut appréhender cognitivement et
vivre dans son environnement journalier.
• L'entraînement à l'emploi des articles, des prépositions, des auxiliaires, des marquages de genre, de nombre,
de temps,... permettant la grammaticalisation du discours.
• L'amélioration de la qualité fonctionnelle du langage.
• La mise en place d'un système de communication alternatif.
• L'imitation gestuelle et verbale.
• Les jeux de faire semblant, les jeux symboliques et construits.
• Le travail sur les fondements logiques du langage.
Centrées sur la famille : accompagnement familial ; guidance parentale.
Nous retiendrons comme nécessaires, à la suite des orthophonistes (Antheunis, Ercolani, Roy, 2003) les
approches rééducatives intégrant une démarche d’accompagnement parental.
Lors du bilan, l’orthophoniste a peut-être mis en évidence des perturbations primaires ou secondaires de la
communication parents/enfant. Dans ce cas, l’accompagnement parental vise, entre autre, à réduire ces
perturbations.
L’orthophoniste peut utiliser des entretiens, des séquences d’enregistrement vidéo d’interactions
parents/enfant commentées, des documents de prévention commentés, des supports écrits d’exercices pour
"l’entraînement" des parents au repérage des tentatives de communication de l’enfant, à l’utilisation de
moyens d’aide (Hanen), des activités interactives "modèles", le dialogue avec entre autres l’utilisation de la
fonction écho, les groupes de parents…
Si l’enfant est gardé par une assistante maternelle, ses grands-parents, s’il est déjà scolarisé, s’il va à la crèche…
l’orthophoniste peut élargir cette démarche aux personnes habituellement en contact avec l’enfant.
Le projet thérapeutique s’adapte à chaque parent, à chaque enfant et à chaque situation. Il comprend des
objectifs comme :
• valoriser les parents,
• valoriser l'enfant aux yeux de ses parents,
• permettre aux parents d'ajuster leurs attentes et les informer sur les étapes intermédiaires du développement,
• faire la démonstration et conseiller les parents afin qu'ils apprennent :
- à jouer
- à verbaliser plus pendant les activités du quotidien,
- à profiter de ce que l'enfant propose,
- à maintenir le contact visuel,
- à initier même si l'enfant est peu réactif,
- à utiliser une communication multimodale,
- à choisir des questions ouvertes,
- à établir un contact physique lors des échanges verbaux,
- à savoir attendre pour laisser une chance à l'enfant de prendre son tour,
- à réduire les tournures impératives et négatives,
- à supprimer les comportements négatifs, (agressivité, rejet, réponses affectives associées à la
déception, l'angoisse, l'impatience),
- à adopter des comportements porteurs, des renforcements positifs (sourire, caresse, fierté…),
- à adapter leur langage pour mieux partager l'activité ou pour permettre à l'enfant de l'imiter
(contrôle du rythme de la parole, du rythme des échanges, du ton et de l'expressivité, de la longueur,
de la complexité, de la forme...),
- à interpréter les productions de l'enfant,
- à ajouter des mots et de l'expérience,
Enfin pour compléter cet écrit sur le plan des guides d’accompagnement, des programmes ou d’ouvrages
destinés aux parents, le lecteur est invité à se reporter au chapitre V" troubles du développement du langage" où

170
Françoise Coquet propose une partie documentée sur ce sujet. Elle développe les Méthodes intégrant une
démarche en direction des familles ; entre autres le "Parler nourrice" ; "L’accompagnement naturel" ; "Les
stratégies positives"…Elle informe au sujet de documents de prévention des troubles du langage réalisés par
les orthophonistes et l’accompagnement familial dans le cadre d’une rééducation, de programmes destinés aux
parents et d'autres destinés aux professionnels de l’enfance.
L’ouvrage de Della-Courtiade, orthophoniste, (1998, 3è éd.) adressé aux parents "les guide pas à pas dans les
étapes de la vie de l’enfant en respectant son rythme et ses capacités depuis sa naissance jusqu’à l’école".
L’auteur aborde l’éveil du tout-petit, dans le chapitre sur la petite enfance, il propose un certain nombre de
situations de jeu permettant l’acquisition des sons de la langue. Dans le chapitre acquis scolaires, il développe
différentes techniques concernant les apprentissages dont ceux de la lecture et des mathématiques.

B - LES OBJECTIFS SPÉCIFIQUES ET LA DYNAMIQUE DE L’INTERVENTION.


1- Prise en charge des enfants présentant un handicap moteur
L’enfant est atteint dans ses capacités motrices. Le degré d’infirmité est très variable, allant d’une discrète
spasticité entravant à peine la marche jusqu’aux grandes rétractions rendant quasi impossible toute motricité.
(Marcelli, 1999)
Une prise en charge orthophonique précoce s’impose pour aider les parents à :
• choisir les positions les plus adéquates pour entrer en relation avec leur bébé,
• trouver des adaptations qui lui permettent de :
- bénéficier des épisodes d’attention conjointe,
- réaliser dans la mesure du possible des expériences sensori-motrices riches de sens,
- appréhender l’espace et le monde.
• reconnaître et encourager les premières tentatives de communication et ne pas mal interpréter le tonus et la
motricité troublés de leur bébé.
• être informés, conseillés et soutenus.
Il faut noter que ces enfants souffrent parfois de troubles de la déglutition et de l’alimentation qui réclament
également des adaptations précoces. (Antheunis P., Ercolani-Bertrand F, Roy S. 2003).

◆ La prise en charge orthophonique de l’Infirme Moteur Cérébral


Texte de Dominique Crunelle, orthophoniste
L’Infirmité Motrice Cérébrale (IMC) se caractérise par :
• La précocité de son diagnostic posé entre la naissance et les six premiers mois de vie.
• La non évolutivité de la lésion, mais son aspect définitif ; la lésion ne s’aggravera pas, mais ne disparaîtra
jamais. L’enfant est définitivement différent.
• Le risque d’évolutivité des conséquences de cette lésion, déterminé en particulier par l’âge et la qualité des
prises en charge.
• Ses conséquences globales tant sur la motricité marquée par des difficultés de régulation tonique et de coor-
dination motrice que sur l’ensemble du développement cognitif, langagier et psychoaffectif.
• Son retentissement sur des fonctions fondamentales comme la déglutition et l’alimentation.
• Son association éventuelle avec d’autres déficits ou difficultés, comme un déficit sensoriel, visuel, une
épilepsie…
Les conséquences de l’Infirmité Motrice Cérébrale sont évidemment différentes selon la typologie de l’atteinte
(spasticité, dystonie, ataxie, hypotonie ou problèmes moteurs associés), sa topographie (quadriplégie, diplégie,
hémiplégie), et son association à d’autres déficits. Elles dépendent aussi des réactions familiales, du niveau
d’acceptation de cet enfant différent, du savoir-faire et du savoir être que les parents développeront avec lui.
Principes et objectifs fondamentaux :
Toute prise en charge précoce obéit à quelques principes essentiels qui permettent d’optimiser la prise en

171
charge. Ces principes ne sont pas spécifiques aux orthophonistes mais concernent toute l’équipe profes-
sionnelle qui s’occupe de l’enfant.
• Les prises en charge commencent le plus tôt possible, dès le diagnostic ou peu après, et se déroulent sur le
long terme pour optimiser les résultats et la progression de l’enfant.
• L’éducation précoce ne peut se faire qu’en collaboration avec les parents. Sans eux, l’action du thérapeute a
peu de sens car un bébé se construit au sein d’une famille, et de façon plus privilégiée avec sa maman.
Ce partenariat actif entre les parents et les professionnels est le socle de toute éducation précoce.
C’est dans un objectif de prévention qu’un bilan orthophonique doit être proposé au jeune enfant IMC dès le
diagnostic ou juste légèrement différé. Ce premier bilan permet de suivre l’enfant qui présente des difficultés
de nature orthophonique ou de revoir régulièrement, tous les six mois par exemple, ceux qui ne relèvent pas
d’un suivi immédiat. Ces bilans réguliers permettent alors de repérer précocement tout dysfonctionnement
éventuel.
La prise en charge orthophonique précoce s’organise sur deux axes, axes fondamentaux et indissociables :
• le travail d’accompagnement des parents,
• le travail auprès de l’enfant.
Ses objectifs principaux sont :
• d’offrir aux parents un accompagnement, un soutien, une écoute,
• de rétablir ou maintenir les interactions parents-enfant que l’annonce du handicap ou les conséquences du
déficit peuvent rendre déviantes tant sur le plan qualitatif que quantitatif,
• d’optimiser le développement de l’enfant, notamment au niveau de la communication, du langage, et des
capacités de déglutition et d’alimentation,
• de prévenir l’aggravation du déficit initial et l’apparition de handicaps secondaires.
Ces différents domaines d’intervention sont intriqués les uns aux autres et sont pris en compte simul-
tanément. Cependant, dans un souci de clarté, nous traiterons séparément des démarches d’accompagnement
parental, puis du travail auprès de l’enfant, même si, dans la pratique, cette séparation paraît arbitraire.
L’accompagnement parental :
Au delà de la blessure narcissique, de l’angoisse liées à l’annonce du déficit, les parents se trouvent souvent
désemparés, ne savent pas comment se comporter avec ce bébé différent. Certains sont momentanément
paralysés dans leurs contacts avec leur enfant.
Avec le tout petit, les premières interactions se mettent en place à partir des postures, à travers les regards,
les mimiques, les vocalisations, les appels, les gestes, les rires. Chez l’enfant IMC, ces premiers canaux de
communication, bases du langage, peuvent se trouver perturbés. La posture est dominée par la pathologie
motrice. Si l’enfant est hypotone, il ne tient pas le tronc, la tête, son regard est orienté vers le bas, sa mimique
est atone, ses vocalises, ses gestes peu perceptibles ; s’il est hypertonique, sa tête est projetée en arrière, sa
mimique excessive, son regard fixe en haut ; les stimulations postérieures renforcent cette extension et parfois
déclenchent les pleurs. Les deux partenaires, parents-enfant, ne se reconnaissent pas, ils ne perçoivent pas les
tentatives de communication de l’autre. Au fil de son développement, l’enfant IMC a du mal à profiter des
stimulations qui lui sont apportées par son environnement ; ses parents ne savent comment s’y prendre. Leurs
comportements spontanés sont inopérants. L’enfant peut ainsi cumuler les difficultés inhérentes à sa lésion
neurologique et celles liées aux dysfonctionnements interactifs.
En tant que médiateur, l’orthophoniste :
• Ecoute. Les parents ont besoin de raconter ce qu’ils ont vécu à l’annonce du handicap. Ils ont besoin de dire
leur blessure, leur souffrance, leur désarroi. Ecoute sans jugement, sans obligation de réponse. Les parents,
dans cette démarche de parole, n’attendent pas de "conseils". Ils ont besoin d’exprimer, de verbaliser ce
qu’ils ont vécu.
• Amène les parents à échanger autour de la réalité d’un enfant, leur bébé, et non autour d’un concept, le
handicap. L’orthophoniste essaie de réinscrire l’enfant dans les projets parentaux sans déni du handicap.
"Nous (les professionnels) allons tenter d’aider les parents à reconnaître le déficit de leur enfant, au plus
proche de la réalité, en évitant au mieux de le minimiser ou de l’amplifier" (Belargent, 2000).
• Met l’enfant en situation d’exprimer ses potentialités et ses compétences et aide les parents à les percevoir.

172
C’est au niveau des interactions comportementales que se situe le rôle de l’orthophoniste dans les interventions
précoces.
• Valorise les parents en les réassurant sur leurs propres capacités de savoir-faire et de savoir dire. "Nous (les
professionnels) pouvons alors définir comme objectif, d’initier parfois, et de soutenir ensuite leur capacité à
se sentir parents de cet enfant là et à être parents de cet enfant là avec ses caractéristiques propres, de
soutenir leur parentalité" (Belargent, 2000).
• Donne des "conseils" simples aux parents, ou mieux encore, les aide à ressentir les aides qu’ils peuvent
apporter à leur enfant. L’orthophoniste vise, entre autres, à ce que les parents trouvent des postures de
communication, adaptent leur discours aux intérêts langagiers de l’enfant, facilitent les étapes du développement
du langage et des autres secteurs, veillent au bon développement de la déglutition et des habitudes ali-
mentaires. Il ne s’agit ni de remplacer les parents ni de les transformer en thérapeutes, mais de les aider à
faire la connaissance de leur enfant, de faciliter leurs interactions en s’immisçant le moins possible. Le
premier ajustement que les parents doivent adopter est de trouver ou retrouver un ton de vie "normal" avec
ce bébé différent, vivre leurs jeux, leurs plaisirs, leurs activités partagées, créer des habitudes de commu-
nication. Il leur faut trouver quels moyens de communication fonctionnent avec cet enfant. Notre rôle sera
donc de les guider dans cette découverte des potentialités de leur enfant. Il s’agit de leur donner un savoir-
faire : savoir porter, bouger cet enfant malgré son déficit moteur, se positionner par rapport à lui. Les
interactions sont possibles, mais selon d’autres modalités que les démarches habituelles et spontanées. Il est
essentiel d’amener les parents à s’approprier ce savoir faire et permettre à ces deux partenaires parents-enfant,
d’entrer en relation, de se découvrir, d’évoluer ensemble. L’accompagnement parental passe avant tout par
l’enfant lui-même qui, peu à peu, révèle ses compétences s’il y est aidé.
L’accompagnement parental diffère d’une famille à l’autre. Chaque accompagnement est unique. La prise en
charge précoce auprès des parents a pour but majeur l’intégration de l’enfant dans la cellule familiale, la mise
en place d’un partenariat entre les thérapeutes et la famille. Ce cheminement est long et difficile. C’est un
objectif à atteindre, qui demande compétences, humilité, respect de l’autre.
Au delà de la démarche d’écoute, la prise en charge précoce a donc, au travers de l’enfant, une base technique :
régulation du tonus et de la posture globale, facilitation de la motricité bucco-faciale,… Mais cette technicité
est "au service de la relation" puisqu’elle a pour objectif de favoriser les interactions parents-enfant, la commu-
nication non verbale et verbale, de faciliter le quotidien.
Dans la triangulation parents-enfant-orthophoniste, les acteurs principaux sont les parents et l’enfant, l’ortho-
phoniste n’ayant qu’un rôle secondaire de facilitateur et de médiateur.
Le travail auprès de l’enfant :
Le travail auprès de l’enfant l’appréhende dans sa globalité, dans toutes les composantes de son développement.
Le plus important est de créer le plaisir tant chez l’enfant que chez ses parents. Le plaisir est une condition de
la réussite. Les premiers pas vers une intégration réussie commencent par le plaisir retrouvé de la mère avec
son enfant et vice-versa ; ce plaisir ne peut s’initier dans la contrainte. Tout "travail", tout "exercice" réalisé
avec le jeune enfant se doit donc d’être bref et présenté le plus possible de manière ludique, dans une véritable
relation triangulaire.
L’intervention se base sur les connaissances théoriques concernant le développement du langage de l’enfant
normal et les conséquences de l’Infirmité Motrice Cérébrale. Ainsi, la prise en charge précoce en orthophonie
s’attache à respecter la succession des étapes du développement, à aider l’enfant dans ses acquisitions en le
stimulant de façon appropriée, en prenant en compte ses caractéristiques développementales.
Elle porte sur deux grands domaines :
• communication et langage
• déglutition et alimentation
Elle repose sur certains principes généraux :
• favoriser la communication, la relation, le plaisir, l’appétence à communiquer,
• donner les outils et les adaptations nécessaires à l’expression des potentialités de l’enfant,
• éviter tout risque majeur et prévenir les handicaps secondaires.
Le projet thérapeutique est individualisé, élaboré en prenant en compte l’enfant dans sa globalité. Il s’appuie

173
sur une évaluation précise et analytique allant du périphérique vers le central, de l’objectif vers le subjectif.
Cette évaluation doit prendre en compte les déficits, les compétences, les émergences et les stratégies de
l’enfant, et en particulier ses stratégies posturales. L’infirmité motrice cérébrale sévère impose d’évaluer chaque
grande fonction dans des postures diverses, afin d’estimer l’impact de la posture sur le fonctionnel.
La prise en charge dépend :
• de la sévérité de l’infirmité motrice cérébrale
• des origines des difficultés langagières et de déglutition
• de l’âge de l’enfant

• La posture de l’enfant IMC :


L’infirmité motrice cérébrale se caractérise par des troubles de régulation tonique et de coordination motrice
parfois renforcés par la fonction. Toute prise en charge passe donc par la recherche d’une posture adaptée.
L’objectif orthophonique est d’inhiber la pathologie motrice pour faciliter la fonction recherchée : les
interactions, l’émergence du langage, les conduites d’alimentation…La prise en charge repose sur une
évaluation très précise des difficultés motrices. Nulle prise en charge possible sans prise en compte de la
pathologie globale. Pour travailler la motricité bucco-faciale et la communication, il est indispensable de
repérer la pathologie motrice, d’essayer de l’inhiber, de normaliser en particulier la position du tronc, des
épaules et de la tête ; seule cette inhibition permettra de faciliter les fonctions motrices de la sphère bucco-faciale.
Lorsqu’un jeune enfant IMC est installé, que se soit dans un siège coquille, dans tout autre siège, ou dans nos
bras, il faudra veiller aux points d’appui que nous lui donnerons, en particulier s’il est hypertonique ; les
points d’appui derrière la tête ou sous les pieds pourront être générateurs d’extension pathologique.
On pourrait dire, pour simplifier, que la prise en charge est à l’inverse des manifestations de la pathologie
globale. Si l’enfant présente des attitudes d’extension, nous lui donnerons de la flexion, si au contraire son
hypotonie l’entraîne dans une flexion nous lui donnerons du redressement ; nous donnerons de la rotation
externe/abduction, si l’enfant est en rotation interne et adduction. S’il est immobile du fait de sa spasticité, on
le bougera doucement en favorisant la rotation pour lutter contre une élévation du tonus. Si au contraire il est
dominé par une motricité parasite, anarchique, nous l’aiderons à se stabiliser.
Les troubles toniques entraînent des difficultés de tenue de tronc et de la tête. Les champs d’observation et
d’action de l’enfant sont limités par sa posture. Pour faciliter la fonction recherchée et rendre l’enfant plus
réceptif, on veille à contrôler le tronc, pour aider au maintien de la tête et à la libération des membres
supérieurs. L’installation de l’enfant dans une position qui facilite la fonction est essentielle. Seule cette
inhibition posturale peut permettre à l’enfant IMC d’être réceptif et, si possible, expressif, et de bénéficier de
l’apport environnemental.

• Communication et Langage :
Lorsque l’enfant est jeune, voire très jeune, la prise en charge se situe dans une démarche d’éducation précoce
et de prévention. Elle vise à donner à l’enfant les compétences nécessaires à l’élaboration du langage, éven-
tuellement à développer des compensations pour lui permettre d’exprimer l’intégralité de ses potentialités.
Exemples d’interventions pré-langagières (liste non exhaustive) :
• l’audition et les gnosies auditives,
• la vision et les gnosies visuelles,
• le toucher et les gnosies tactiles,
• la motricité bucco-faciale et les praxies,
• l’installation d’une relation réciproque, l’incitation aux vocalises,
• l’alternance conversationnelle, le respect des tours de parole,
• l’attention conjointe,
• la mémoire, l’attention et la synthèse,
• l’accès au symbolisme et la notion d’objet permanent.
Les stimulations apportées sont verbalisées et informatives.
Il est essentiel que tout jeune enfant ait un moyen précoce de communication. La mise en place d’un code de

174
communication non verbale doit être proposée très précocement dans les pathologies lourdes, et sans crainte
que l’enfant ne freine ses capacités langagières par l’utilisation d’un tel code. On sait bien que le feed-back
rétabli par le code de communication incite le jeune enfant à développer ses productions orales. Le code doit
permettre à l’enfant, au delà de besoins fondamentaux, d’exprimer ses angoisses, ses émotions, ses sentiments.
Lorsque l’enfant grandit, la rééducation s’ajuste aux difficultés repérées, vise dans tous les cas à préserver
l’appétence de l’enfant à communiquer, à le rendre compréhensible par le plus grand nombre, à développer
ses potentialités langagières (verbales ou non) et cognitives.
Les activités portent :
• sur les domaines déficitaires : perception et mémoire (immédiate et de travail) auditive et auditivo verbale,
perception et mémoire visuelle, praxies visuo constructives (en particulier pour les enfants diplégiques)
attention, capacités d’évocation, fluence, praxies bucco-faciales, motricité bucco-faciale, accès au
symbolisme, organisation temporelle…
• sur les composantes du langage : compréhension et expression, enrichissement du vocabulaire, déve-
loppement syntaxique,
• sur la parole, l’articulation, le pragmatisme.

Nous insisterons ici sur la prise en charge spécifique de la motricité bucco faciale, souvent atteinte chez
le jeune enfant IMC.
• La motricité bucco-faciale :
Les troubles de la motricité bucco-faciale de l’enfant IMC sont directement liés à la lésion neurologique. Ils
sont lourds de conséquences car ils touchent des effecteurs intervenant dans des fonctions essentielles : la
respiration, la déglutition et l’alimentation, la phonation, la communication non-verbale (par la mimique, le
sourire). Ils entraînent des troubles secondaires comme les déformations orthodontiques, parfois de
conséquences vitales, comme les pneumopathies liées aux fausses routes.
Les effets relationnels ne sont pas plus négligeables. Il est parfois difficile de reconnaître derrière un visage
atone, une bouche ouverte, un bavage constant, ou au contraire derrière la mimique excessive de l’enfant
hypertonique, des signes d’intelligence, d’éveil, de désir de communication.
Ces troubles, purement moteurs, ne doivent pas être confondus avec les troubles praxiques qui peuvent leur
être surajoutés. Ce n’est pas ici la commande qui est perturbée, le "savoir-faire"; c’est l’instrument qui ne
répond pas à la commande. Avant de parler de troubles praxiques, il est essentiel de s’assurer de la qualité des
effecteurs. Il est important de percevoir d’emblée que ces troubles sont directement liés à la lésion
neurologique centrale, et, non pas comme cela reste souvent présenté, des troubles associés à la pathologie
motrice globale. Cela permet de mieux comprendre que seule une approche globale permet une action
efficace sur la motricité bucco-faciale. Il est indispensable d’inhiber la pathologie pour faciliter la
fonction.
La pathologie s’observe sur le plan de la topographie (quadriplégie, hémiplégie, diplégie) et sur celui de la
typologie (hypertonie, hypotonie, dyskinésie).
On observe l’enfant :
• au repos,
• dans une activité volontaire,
• lors de la phonation, si elle est possible,
• lors de l’alimentation.
On note les fluctuations toniques, les variations posturales selon les situations, les stratégies utilisées par
l’enfant, les changements induits par l’installation, par la gestion posturale. On s’aperçoit, par exemple, qu’un
enfant peut être beaucoup plus performant dans une position basse, allongé sur un tapis, qu’assis dans une
coque, une position plus haute augmentant sa pathologie globale.
Pour observer la motricité bucco-faciale au repos, il faut essayer d’inhiber la pathologie globale et en par-
ticulier de normaliser la position des épaules et de la tête, d’obtenir un redressement tronculaire et une légère
flexion de la tête par rapport au tronc.
On peut alors procéder à une évaluation plus analytique. En préambule, nous remarquerons que la sévérité

175
des troubles de motricité bucco-faciale n’est pas obligatoirement en relation avec celle de la pathologie globale.
L’évaluation chez le bébé de la motricité bucco-faciale repose avant tout sur l’examen des réflexes oraux :
• Le réflexe des points cardinaux : si on place le doigt à la commissure labiale ou au milieu de la lèvre
supérieure puis inférieure, l’enfant tourne la langue, puis la tête vers la simulation ; ce réflexe disparaît vers
l’âge de 4 mois.
• Le réflexe nauséeux : lorsqu’on introduit le doigt sur le palais de l’enfant, il se produit, dans la norme, aux
deux tiers du palais. Le réflexe nauséeux, réflexe de défense durera tout au long de la vie. La bouche s’ouvre,
la tête part en arrière, il se produit un mouvement contractant. Pour faire cesser ce réflexe, il convient de
fermer la bouche de l’enfant et de ramener la tête en avant. Ce réflexe signe la qualité de la sensibilité intra-
buccale ; hyposensibilité si l’introduction du doigt n’entraîne aucune réaction, hypersensibilité si le réflexe se
déclenche dès la stimulation des lèvres ou du premier tiers du palais.
• Le réflexe de succion qui est certainement le plus important, car révélateur de l’état général du bébé, et
bien sûr essentiel pour une alimentation normale. Lorsqu’on introduit le doigt dans la bouche du bébé, il met
la langue en gouttière, avance les lèvres pour enserrer le doigt, exerce un mouvement de pompe rythmée.
Après 32/33 semaines, il est capable de coordonner ce réflexe avec sa déglutition et sa respiration (ce qui
sous-entend qu’un enfant grand prématuré doit obligatoirement être gavé). Très vite ce réflexe se transformera
en schème moteur ; l’enfant l’instrumente, le généralise, se l’approprie pour en faire un outil pour son
alimentation ; s’y ajoutera une succion non nutritive, succion d’apaisement et de premières découvertes,
jusqu'à ce que la main devienne un outil plus performant. C’est par la bouche que l’enfant découvrira les
premières notions de température, de goût, de volume, de texture..., qu’il construira ses premières représentations.
Dans certaines situations très pathologiques, on constatera chez le bébé un réflexe de mordre : lorsqu’on
introduit le doigt dans la bouche de l’enfant, les mâchoires se ferment. Ce réflexe accompagne toujours une
hypertonie et une grosse pathologie globale. Il est de très mauvais pronostic, à la fois pour les fonctions
premières d’alimentation et de déglutition, mais aussi pour le devenir à moyen terme, et en particulier pour le
développement du langage oral. Seule une prise en charge extrêmement précoce, intensive et bien adaptée,
peut éventuellement permettre son inhibition. Lorsqu’il est sévère, il peut entraîner des comportements d’au-
tomutilation (morsure des doigts, de l’intérieur de la joue, de la langue) extrêmement traumatisants et
angoissants pour l’enfant et son entourage.
L’examen portera ensuite sur :
• Le tonus des lèvres, des joues, de la langue :
- l’hypotonie se caractérise par un aspect flasque : la mimique est atone, inexpressive, la bouche reste
entrouverte, la langue en protrusion, en position interdentale.
- l’hypertonie, à l’inverse, se traduit par des pommettes saillantes ; les lèvres sont le plus souvent étirées
en sourire ou arrondies vers l’avant, la langue est fixée en pointe au palais ou en pointe vers l’avant.
Une langue spastique peut aussi être rétractée au fond de la bouche, rendant alors la déglutition
vraiment difficile. Parfois, toute stimulation, voire toute tentative d’expression, entraînent l’enfant
dans un spasme d’ouverture qui évoque parfois une subluxation de la mâchoire. L’enfant aura des
difficultés à se sortir de ce spasme qui peut entraîner des pleurs, mal compris par l’entourage qui leur
donne une interprétation affective.
• La sensibilité : certains enfants IMC sont hypo ou hypersensibles. L’hyposensibilité, qui accompagne
souvent l’hypotonie, se traduira par de gros troubles de déglutition, une grande lenteur et un risque de
fausses routes. L’hypersensibilité, au contraire, amène l’enfant à un déclenchement fréquent du réflexe
nauséeux, à un refus de tout contact à la bouche qui peut, lui aussi, être interprété sur un mode relationnel.
Certaines hypersensibilités s’accompagneront d’un réflexe de mordre.
• L’état des dents et les malformations orthodontiques qui sont le plus souvent consécutives à la pathologie
initiale, et évolutive.
• La respiration. Elle est presque systématiquement superficielle chez l’enfant IMC, et le plus souvent
buccale.
• La déglutition. On notera si l’enfant bave au repos et dans l’activité. Il est important de noter que, dans la
stimulation, l’acte volontaire renforce le bavage.
• L’alimentation. Au cours du repas, on notera le mode d’alimentation de l’enfant. Prend-il des biberons ?

176
Sa succion est-elle organisée ? Mange t-il à la cuillère une alimentation mixée, écrasée ? Mange t-il des
morceaux ? Les mâche t-il ? Est-il capable de boire au verre ? L’alimentation renforce t-elle sa pathologie
globale ? Quelle est sa posture au cours du repas ? Quelles sont les stratégies qu’il a mises en place ?
L’autonomie d’alimentation modifie t-elle la motricité bucco-faciale ? L’enfant fait-il des fausses routes ? Il
faut savoir qu’il existe deux types de fausses routes : les fausses routes massives qui entraînent la suffocation
et exigent une mesure d’urgence pour extraire le morceau qui bouche la trachée. Mais, plus fréquemment,
des fausses routes minimes mais répétitives, parfois silencieuses, qui passent le plus souvent inaperçues et
sont liées en particulier à l’extension de la tête. Ces fausses routes sont à l’origine des pneumopathies
fréquentes dont l’étiologie n’est pas toujours reconnue.
Un grand pourcentage de ces enfants est également atteint de reflux gastro-oesophagien qui ne sont pas
toujours diagnostiqués et risquent d’entraîner des œsophagites. Au pire, ces reflux se termineront en fausses
routes, en particulier si la tête est en extension au moment où ils surviennent ; ils induiront alors des pneu-
mopathies sévères, du fait de l’acidité du contenu gastrique.
• Les praxies bucco-faciales : A ces troubles purement moteurs peuvent bien sûr s’ajouter les troubles gnoso-
praxiques, très importants dans certains syndromes particuliers (syndrome pseudobulbaire par exemple). Il
est important, lors d’une évaluation, d’essayer de poser un diagnostic différentiel entre le trouble purement
tonique et celui de la commande. Seule une démarche du simple vers le complexe, de l’objectif vers le
subjectif, du périphérique vers le central peut permettre ce diagnostic différentiel. Il est plus facile de juger
de la qualité d’un instrument que du savoir-faire de son utilisateur.
Le bilan des praxies bucco-faciales comprend les épreuves habituelles que nous ne développerons pas ici.
Précisons cependant que, plus encore que dans les autres fonctions, cette évaluation, qui fait appel à l’acte
volontaire, doit prendre en compte la pathologie globale et la posture de l’enfant.
• La phonation : Les troubles articulatoires liés aux troubles de motricité bucco-faciale sont évidemment
fréquents chez l’enfant IMC. Nombre d’enfants IMC spastiques parlent sur le temps inspiratoire. D’autres
encore ont, du fait d’une respiration très superficielle, un débit saccadé, une voix peu audible. Plus leur
position est haute, plus ils entrent en activité, plus leur phonation risque d’être difficile. L’évaluation doit
tenir compte de ces facteurs aggravants ou au contraire facilitateurs. Ainsi certains enfants IMC ne pourront
parler que dans des situations d’inhibition de leur pathologie tonique, d’autres au contraire utiliseront un
schème asymétrique, par exemple pour émettre des sons. Au-delà des déficits et des potentialités, il nous faut
repérer des stratégies, des compensations mises en place par l’enfant et juger de leur efficacité, ou, au
contraire, de leur incidence sur la motricité globale.
• La communication :.Lorsque la motricité bucco-faciale d’un enfant est atteinte, c’est toute sa commu-
nication au sens large qui s’en trouve perturbée. Dans un visage atone, on a parfois l’impression que même
les yeux perdent de leur expressivité ; et puis, comment communiquer lorsque la pathologie globale est telle
que la tête se projette en arrière dans un spasme en extension ou au contraire chute en avant dans les
situations d’hypotonie. Les modes d’expressions les plus primaires ne sont pas reconnus, ce qui perturbe
toute interaction.
L’évaluation des compétences de communication d’un enfant I.M.C., surtout s’il est sans langage oral, peut
demander du temps, des qualités d’observation. Il faut installer l’enfant dans des positions différentes, plus ou
moins hautes, et chercher à comprendre, à repérer un geste, un regard, une mimique, une émission vocale, la
reproduire pour lui donner du sens. Ce sont souvent les parents qui nous aideront à percevoir ce que, eux-
mêmes, ont ressenti grâce à leur connaissance de leur enfant.

◆ La prise en charge :
La prise en charge de ces troubles repose sur une évaluation précise dans le souci d’aboutir à un projet théra-
peutique cohérent et sur une approche globale qui consiste à inhiber la pathologie pour faciliter la fonction.
Les différents objectifs de cette rééducation sont :
• d’apporter une aide aux parents car le problème d’alimentation de leur enfant les angoisse et perturbe leur
quotidien,
• de donner à l’enfant un certain confort et un peu plus de plaisir,
• d’éviter les problèmes majeurs et l’aggravation des troubles,

177
• de l’amener, quand c’est possible, à une alimentation et une déglutition salivaire normalisées.
Plus la prise en charge est précoce, plus elle est efficace. Le travail sur la déglutition et l’alimentation peut
s’engager dès le diagnostic. Pour ces fonctions essentielles, les perturbations sont repérées très précocement car
gênant des fonctions vitales et premières.
Faciliter l’alimentation d’un petit enfant IMC, c’est apporter une aide au quotidien, aide aux parents, très en
difficulté du fait de ce problème d’alimentation qui les angoisse, aide à l’enfant par l’apport d’un certain
confort et d’un peu plus de plaisir ; c’est aussi une démarche préventive, car ce travail permet d’améliorer la
motricité bucco-faciale nécessaire aux différentes fonctions que nous avons déjà définies.
Il est important dans la prise en charge de se fixer des repères chronologiques correspondant au déve-
loppement normal. Par exemple, les réflexes précités seront travaillés jusqu'à l’âge normal de leur disparition ;
les étapes normales du développement de l’alimentation seront respectées : si la succion est mal organisée, on
aidera l’enfant à enserrer la tétine avec les lèvres en veillant à toujours garder la tête en légère flexion.
L’alimentation à la cuillère commencera vers 2-3 mois ; des petits morceaux seront introduits vers 7/8 mois, le
travail de la mastication dès que la poussée dentaire le permettra.
Après avoir inhibé la pathologie globale, il faut faciliter la fonction. Quand il s’agit de déglutition, la première
facilitation est la fermeture de bouche. L’enfant IMC, qu’il soit hypotonique ou hypertonique a des difficultés
à fermer la bouche de manière fonctionnelle ; si l’on facilite cette fermeture, on constate que l’enchaînement
moteur de la déglutition se déroule plus efficacement.
Lorsqu’on introduit la cuillère dans la bouche de l’enfant, une pression sur la langue (la cuillère étant posée
bien à plat) aide à en réguler le tonus.
• En dehors des temps de repas, un travail de rééducation plus spécifique est proposé, le premier étant là
encore une facilitation de la fermeture de bouche visant en premier lieu à donner une respiration nasale à
l’enfant, à normaliser la sensibilité et, éventuellement, à traiter le bavage. Des techniques spécifiques de
tapping sur les effecteurs hypotoniques et de vibrations sur les effecteurs hypertoniques pourront être
utilisées.
• Le travail de la respiration et de la coordination pneumophonique doit également être très précoce. Il
commence en position très basse sur un tapis avec flexion de la tête ; des vibrations sur le sternum et les
côtes aident l’enfant à percevoir son rythme respiratoire, à prolonger le temps expiratoire et les sons émis.
Peu à peu, nous remonterons dans des positions plus hautes jusqu'à la position assise, voire la position debout
pour aider l’enfant à utiliser ses capacités dans des situations fonctionnelles.
Toutes ces conduites préparent la phonation ; la facilitation du montage articulatoire se fera selon les mêmes
principes.
Dans ces différentes approches, il semble important d’éviter de demander la participation volontaire de
l’enfant, ceci pour trois raisons au moins :
• il s’agit de monter des automatismes ; de telles facilitations aident l’enfant à les installer sans passer par l’acte
volontaire.
• tout acte volontaire génère, pour la plupart des enfants IMC, des aggravations de la pathologie globale.
• Le travail avec l’enfant très jeune ne peut évidemment s’appuyer sur les capacités de compréhension et d’i-
mitation.
Sans vouloir réduire le développement de la communication à la motricité bucco-faciale, il est évident
qu’une prise en charge précoce de cette motricité donne à l’enfant une qualité expressive par la mimique, le
sourire, le regard, essentiels dans les interactions.
On s’aperçoit ainsi que, normaliser la posture d’un enfant I.M.C., c’est aussi lui donner la possibilité
d’interagir sur son environnement; de la position de sa tête, dépend la qualité de son regard, déterminant
pour le comportement de ses proches. L’enfant devient alors un interlocuteur auquel on s’adresse directement.
Par contre, lorsqu’il est installé dans une position anormale, le regard rivé au plafond ou fixé au sol, on
constate que les adultes qui l’entourent lui parlent le plus souvent à la troisième personne, parlent de lui,
autour de lui, sans l’interpeller directement, comme si la pathologie motrice empêchait les partenaires de se
reconnaître, de réellement communiquer.
La prise en charge des praxies bucco-faciales interviendra secondairement, selon les modalités habituelles

178
mais en veillant à ce que ce contrôle volontaire ne renforce pas la pathologie globale de l’enfant.
Le projet thérapeutique sera évidemment fort différent selon l’âge de la prise en charge et le degré de
pathologie globale. Plus la prise en charge est précoce, plus elle permet une approche éducative de nouveaux
comportements en respectant les étapes normales du développement de l’enfant. Une prise en charge plus
tardive est davantage rééducative; il s’agit alors de détruire des automatismes pathologiques pour essayer d’en
créer de nouveaux, plus proches de la norme.
La prise en charge du jeune enfant IMC est pluridisciplinaire, voire transdisciplinaire. Elle vise à élaborer des
projets fonctionnels auxquels chaque thérapeute peut apporter ses compétences et sa spécificité. Si l’on admet
que l’essentiel des difficultés du jeune enfant IMC est en relation directe avec sa lésion neurologique centrale,
on comprend mieux que le développement de toute fonction requiert l’apport de divers thérapeutes. La
motricité bucco-faciale, par exemple, requiert une installation correcte, une tenue de tronc et un contrôle de
tête, une rééducation très spécifique et analytique de la motricité des effecteurs pharyngo-buccaux, une prise
en charge lors des repas, des adaptations lorsque l’enfant peut parvenir à une autonomie d’alimentation...
Kinésithérapeutes, orthophonistes, éducateurs, ergothérapeutes, psychomotriciens, psychologues... et bien sûr
parents peuvent ainsi, pour un objectif fonctionnel unique, contribuer, en alliant leurs compétences, à aider
l’enfant à acquérir de nouvelles fonctions.
Pour l’efficacité de tels projets, il faut les inscrire dans le temps, se fixer des moments de rencontre, de
concertation dont l’enfant est le personnage principal autour duquel gravitent les compétences de chacun, en
essayant d’éviter les rivalités et la peur de perte d’identité professionnelle !
Les parents sont les premiers partenaires de ces prises en charge; il ne s’agit pas pour autant d’en faire des thé-
rapeutes, mais de les amener à des manières d’être. Nous croyons plus aux gestes partagés, aux situations
vécues à trois, au ressenti, qu’aux conseils donnés dans des situations souvent artificielles. Il est cependant
essentiel de respecter certaines conduites parentales, d’accepter certains aménagements, d’éviter d’être trop
intrusif. Le rôle de l’orthophoniste, plus qu’un autre, est difficile, car les terrains sur lesquels il intervient sont
très profondément ceux de la mère : les interactions, la communication, l’alimentation. La notion de temps
est importante; laisser le temps au temps.... Même si la prise en charge doit être précoce, elle peut être
légèrement différée, elle doit se comprendre dans ces situations particulières comme un accompagnement
parental, familial ; il s’agit d’aider les parents à trouver des conduites, des gestes, des facilitations qu’ils
reprennent d’ailleurs rapidement à leur compte, dès qu’ils ont perçu que des conduites aussi simples peuvent
donner aux moments des repas une notion de plaisir et les aider dans leurs interactions spontanées avec leur
enfant.

◆ Exemples d’interventions orthophoniques pratiquées dans un CAMSP auprès d’ enfants atteints


de handicap moteur
Texte de Anne Guilbert et Catherine de Guerbet.2
Parmi ces enfants, nous ne parlerons que des enfants présentant un trouble de la déglutition en lien avec un
handicap moteur, une épilepsie, une maladie orpheline type syndrome de Pierre Robin, ou en lien avec un
trouble de l'oralité (enfants ayant subi un gavage par sonde nasogastrique suite à une prématurité ou à un
passage en service des soins intensifs).
Un point fondamental : la guidance parentale.
C’est une rencontre avec des parents en difficultés dans un savoir considéré comme allant de soi, ce qui
engendre une grande souffrance et une remise en cause importante.
L'un des premiers objectifs est de restaurer cette confiance mise à mal, en leur expliquant d'où viennent les
problèmes d'alimentation et en leur donnant les principes de base (l'installation de l'enfant, utilisation de
couverts et de verres adaptés, choix de la texture alimentaire), ceci afin de savoir observer l'enfant pour qu'une
collaboration s'installe entre l'enfant, les parents et l'orthophoniste. Il faut respecter la valeur de "l'acte
d'alimenter" qui est prioritairement un acte maternel et qui doit, de façon optimale, avoir lieu à la maison.

2
Orthophoniste au CAMSP de Roubaix..

179
Cela permet de restaurer une alimentation source de plaisir et génératrice de convivialité. Le repas devrait être
un moment privilégié de communication, la guidance parentale permet également d’expliquer aux parents
l'importance de l'alimentation en tant que fondation du langage oral. Une bonne coordination de la
déglutition et de la respiration, une bonne mobilité et tonicité des muscles de la mastication permettront et
faciliteront un bon développement de l'articulation et de la parole. En conservant la convivialité des repas et
en évitant d'installer des attitudes d'opposition de part et d'autre, on prévient un éventuel trouble de la com-
munication orale qui peut se traduire par des retards de langage.
Collaboration avec un service hospitalier : Au Camsp de Roubaix, depuis cinq ans, un kinésithérapeute, une
ergothérapeute, un psychomotricien et une orthophoniste se rendent dans le service de néonatologie afin
d'amorcer au plus tôt les relations entre parents et rééducateurs pour des enfants à risque (en général,
pathologies neuromotrices). Les orthophonistes travaillent également auprès des enfants prématurés afin de
proposer des stimulations spécifiques leur permettant d'accéder plus rapidement à une autonomie alimentaire.
Les stimulations sont présentées comme des moments de jeu, de plaisir et de communication plutôt que
comme un soin afin d'appréhender l'enfant dans sa globalité et non pas comme un objet de soin. L'origine
de cette collaboration provient d'un questionnement : comment les enfants du service de néonatologie vivent-
ils les soins nécessitant une intrusion orale, connaissant l'importance de la bouche dans la construction
psychologique de l'enfant ? Le psychologue a souligné la "violence" qui existait dans le geste d'entrer dans la
bouche d'un enfant et la nécessité pour le personnel de se protéger de ces sentiments en niant l’enfant en tant
que sujet et en privilégiant "l'enfant objet de soins". Un protocole de stimulations orofaciales soutenues par
des comptines ou jeu de doigts, des massages, est réfléchi en tant que tiers, un peu à la manière de la fonction
des interventions des associations "clown de l’espoir" ou " rire médecin".

2 - Prise en charge des enfants présentant un handicap sensoriel


L’existence d’un déficit sensoriel prive l’enfant d’une source d’information qui lui permet normalement de
découvrir le monde dans une interaction circulaire longtemps repérée avant d’être maîtrisée puis intériorisée
dans son psychisme. L’absence du retour visuel ou auditif rend tout un canal de communication non valide. Le
problème réside dans le fait que si l’enfant ne se sent pas, au départ, handicapé, son entourage qui a souvent les
plus grandes difficultés à communiquer sans utiliser ce canal inexistant, risque alors de vivre pour son propre
compte en sentiment de handicap et de projeter ce sentiment dans le vécu de l’enfant (Marcelli, 1999).
D’une façon générale il s’agira de mettre en place précocement des suppléances par l’association de :
• l’ouïe,
• du toucher,
• du sens kinesthésique,
• du ressenti et des émotions exprimés,
• de la parole qui explique à l’enfant ce qu’il ne voit pas.
Tout ceci permet d’éviter que le rapport entre le signifiant et le signifié soit établi de manière inadéquate.
(Antheunis, Ercolani-Bertrand, Roy, 2003)

◆ Réflexions sur la prise en charge des jeunes enfants aveugles ou déficients visuels, des enfants
aveugles ou déficients visuels multihandicapés.
Texte de Geneviève Hassler, orthophoniste 3
Cadre de références théoriques
La naissance d’un enfant aveugle s’accompagne de graves problèmes de différentes natures. Le premier est le
traumatisme psychique que le diagnostic de cécité impose aux parents. Ce traumatisme ne se réduit pas à un
"simple" malaise existentiel plus ou moins fort. Il représente un bouleversement dans la structure profonde du
psychisme des parents. Ce traumatisme parental a des répercussions non seulement sur le développement

3
Centre d’Education pour Déficients Visuels de Nancy.

180
affectif de l’enfant mais sur son développement global (moteur, perceptif, émotionnel, cognitif…).
Proposer une aide aux parents s’impose dès l’annonce du diagnostic de cécité. Cette aide devra si possible être
assurée par des professionnels ou des équipes ayant une double compétence. D’une part, elle exige une solide
pratique clinique afin de pouvoir permettre aux parents d’exprimer leur désarroi, leurs interrogations. D’autre
part, elle requiert une connaissance approfondie des particularités du développement de l’enfant aveugle et
des techniques de suppléance. Une prise en charge adéquate permettra d’éviter les troubles autistiques et les
autres troubles du développement (Sampaio, 1989).
Que dire de la prise en charge d’enfants multihandicapés ?
Leurs parents ont en commun avec les parents d’enfants monohandicapés le vécu de la première annonce,
véritable traumatisme psychique qui a fait "basculer leur vie". Mais pour eux il y a répétition de ces annonces
dans le temps.
Chaque déficience, chaque trouble associé, va faire l’objet d’une nouvelle révélation réactivant la souffrance,
empêchant toute cicatrisation psychologique. Chaque annonce démolit l’adaptation précédente, tout est à
recommencer.
Bien sûr, tout le monde s’accorde aujourd’hui pour souligner l’importance des stimulations précoces. Habiter
son organisme pour en faire son corps est une des tâches les plus importantes à laquelle le bébé est confronté
dans son développement.
Pendant la période sensori-motrice, le bébé apprend non seulement à habiter son corps, mais il en fait aussi
un moyen d’action sur son milieu humain et physique. Habiter son corps suppose qu’il maîtrise les sensations
qui arrivent aux frontières de son organisme. Cette maîtrise est rendue difficile quand l’équipement de
l’enfant est incomplet ou défectueux (Bullinger, 1991).
Elle est également rendue difficile par les conditions particulières dans lesquelles la majorité des enfants mul-
tihandicapés se sont trouvés depuis leur naissance (enfants hospitalisés avec diagnostic vital souvent très
sombre, vécu de séparation, etc…) les plaçant en situation d’hypostimulation et de grande difficulté d’entrer
en contact, d’établir la communication. L’enfant se trouve de ce fait placé dans une situation de passivité,
d’apathie, marquée par le manque de participation, le refus de communiquer, l’absence d’interactions et le
désintérêt pour toute modification de son environnement.
La passivité peut alors aller jusqu’à l’apragmatisme complet : enfant immobile, figé, restant assis ou debout
interminablement. Le refus d’utiliser les mains est un des symptômes les plus déroutants. Ne parvenant pas à
organiser ses perceptions, l’enfant vit dans un univers de sensations, de stimulations auto-érotiques, de gestes
stéréotypés. Qu’avons-nous à lui proposer en tant qu’équipe, en tant qu’orthophoniste dans cette équipe ?
Je ne reprendrai pas ici les différentes pathologies et étiologies rencontrées dans le centre où je travaille, mais
elles sont variées
Tous les enfants qui ont pu être intégrés en milieu ordinaire le sont (avec l’aide d’un SAFEP : Service d’Aide
aux Familles et d’Education Précoce et d’une SAAAIS : Service d’Aide à l’Autonomie et d’Intégration
Scolaire) et sont reçus au CEDV (Centre d’Education pour les Déficients Visuels) les enfants qui nécessitent
des techniques de compensation bien spécifiques, un soutien psychologique, un suivi ophtalmologique plus
important, un suivi médical de proximité, des soins quotidiens.
Nous recevons des enfants qui, en plus des troubles de la vision, ont pour certains une déficience auditive,
une déficience motrice, pour d’autres une épilepsie, des troubles de la personnalité, une psychose autistique.
Certaines associations de déficiences se regroupent en divers syndromes ou "Handicaps rares".
Avant d’exposer les stratégies de rééducation, il nous faut envisager plus en détail les difficultés du déve-
loppement qui accompagnent souvent la cécité de l’enfant (avec ou sans troubles associés) dans les domaines
de la motricité, de l’organisation de l’univers perceptif, de la cognition, de la représentation. Tous ces éléments
conditionnent l’acquisition des différentes formes de communication et en particulier le langage. Nous aurons
donc à en tenir compte dans nos prises en charge.
Envisageons tout d’abord l’impact de la cécité sur
• le plan moteur
Certains comportements sont retardés, en particulier l’orientation vers les objets, la préhension, la mobilité
indépendante.

181
L’enfant aveugle tourne rarement la tête vers une source sonore car l’information sonore est à elle seule trop
limitée. Pour l’enfant aveugle, le son demeure longtemps quelque chose d’immatériel sans rapport direct avec les
objets solides qu’il rencontre dans son environnement et dont beaucoup d’ailleurs ne produisent pas de bruit.
Les mains du jeune enfant risquent elles aussi de devenir aveugles. Un grand nombre de ces enfants ne peut
pas coordonner l’activité des mains de façon satisfaisante, ni se servir de celles-ci pour explorer utilement leur
environnement. Pour expliquer cela, il suffit d’évoquer le rôle capital que joue la vision dans la coordination
manuelle (au cours de la période sensori-motrice). Il est difficile pour un enfant aveugle de s’orienter vers un
objet sonore et d’essayer de s’en emparer. La recherche manuelle de l’objet sonore ne peut donc apparaître
qu’à partir du moment où, à la faveur d’expériences longtemps répétées, l’enfant peut établir la notion même
d’objet ainsi que celle de sa permanence. L’établissement de la notion d’objet qui conditionne l’orientation au
son conditionne également l’apparition de la motricité indépendante.
On comprend donc que l’enfant aveugle ne dispose pas des mêmes voies d’accès aux premiers apprentissages
que l’enfant voyant (difficultés à établir la notion d’objet, absence de modèles visuels à imiter). Il faut
évidemment aussi rappeler que la vision procure l’expérience fondamentale de l’appréhension simultanée et
globale de l’environnement, de la synthèse sensorielle alors que le toucher est discontinu et successif.
• sur le plan cognitif
Il est en fait en lien direct avec les possibilités motrices et perceptives de l’enfant. On peut tout de suite
remarquer que souvent l’enfant aveugle est un auditeur passif. Parfois cette passivité sensori-motrice diffuse
peut devenir un trait général de personnalité, une attitude généralisée envers le monde, une sorte d’im-
puissance acquise habituelle permanente. L’enfant aveugle a de grosses difficultés (du fait du manque de pos-
sibilités d’expérimentation) à organiser l’espace et à conceptualiser la position relative des objets. En fait, pour
l’enfant aveugle, il existe deux espaces : l’un kinesthésique (qui correspond à la longueur du bras) et le second
auditif (plus loin). Le lien ne se ferait parfois que vers douze ans au stade opératoire. Cette difficulté a des
répercussions sur le langage.
Une autre voie d’apprentissage est aussi entravée par la cécité précoce ; celle de l’apprentissage de l’imitation
et par l’imitation. C’est l’auto stimulation qui représente le pré-requis de l’imitation d’autrui (exemple des
vocalisations du bébé dans la dyade mère-enfant). Vers un an l’imitation véritable d’autrui peut s’installer. Elle
peut être directe, mais le plus souvent différée et s’avère indispensable à l’acquisition du maniement
conventionnel des choses, des objets familiers (Sinclair et coll., 1982).
Le jeu est aussi un facteur important du développement de l’enfant et en particulier le jeu symbolique qui
devient normalement le pattern dominant après le 18ème mois et qui marque le début de la décentration.
Chez l’enfant aveugle, il existe une difficulté de représentation de soi qui ne se limite pas seulement au
langage mais est également présente dans l’expression des jeux symboliques. Par exemple les enfants aveugles
ne jouent que très tardivement à la poupée (ou aux soldats). Ils ont des difficultés pour projeter leur per-
sonnalité ou celle d’une autre personne, réelle ou imaginaire, sur la poupée ou le "bonhomme". Autrement
dit, ils ont du mal à se représenter eux-mêmes - ou leur monde - dans l’activité ludique. Lorsqu’ils y par-
viennent, il se passe aussi des changements importants au niveau du langage. Le "je" qui était syncrétique
devient non syncrétique (nous verrons dans la partie concernant plus précisément le langage que l’acquisition
des pronoms personnels est intimement liée à la capacité de représentation symbolique du Moi.). Les mots
commencent à être utilisés dans une gamme plus large de relations sémantiques et de nouvelles catégories
s’ajoutent à l’étroit répertoire initial, comme signe d’une capacité symbolique plus différenciée qui permet de
saisir et de reconnaître des aspects plus complexes de la réalité et de les ordonner mentalement. Le passage de
la pensée sensori-motrice à la pensée représentative libère le langage de son contexte situationnel. Le langage
devient outil d’évocation des objets absents. Il sera progressivement outil de la pensée.
Quelques variables cognitives sont un bon signe de la communication :
• la différentiation but – moyen
• l’imitation
• deux formes de jeu (de construction et symbolique).
• sur le plan de la relation
Les modes de relation qui peuvent s’établir entre l’enfant aveugle et les adultes qui l’entourent sont
particuliers.

182
Analysons tout d’abord l’instauration du dialogue entre le bébé ordinaire et ses parents. (Stern, 1977 ; Lepot
Froment, 1979) : la mère est sensible aux signes comportementaux qui émanent de l’enfant :
• son regard, les expressions faciales ont beaucoup d’importance. La vision assure normalement une première
forme d’initiative dans les interactions humaines. Même chez le très jeune prématuré, on peut observer des
efforts pour provoquer un contact visuel avec la personne présente.
• la mère a tendance à attribuer une intentionnalité à l’enfant.
• la mère a le désir de maintenir et de prolonger les interactions avec l’enfant.
Lorsqu’un enfant naît avec de graves troubles visuels, il va d’emblée exister des difficultés de dialogue avec sa
mère. Les postures ou gestes spéciaux du bébé, ses cris, son agitation ou son apathie sont autant de signes
souvent mal interprétés par l’entourage familial. La difficulté à accepter cet enfant différent accentue l’ina-
déquation des réponses souvent inconstantes de ses parents. L’enfant intègre les affects remplis de tristesse et
de révolte qu’il perçoit chez sa mère. L’échange affectif réciproque peut se détériorer au fil des mois et avoir
une influence préjudiciable à son équilibre futur. Cas par exemple d’un bébé de quelques mois qui cesse de
bouger lorsque sa mère s’approche de lui de manière à être plus à l’écoute. Cette maman peut avoir l’im-
pression que son enfant ne fait pas attention à elle. Elle se sent frustrée. Cette frustration est ressentie par le
bébé qui ne comprend pas la tristesse ou l’irritation de sa mère à chaque fois qu’elle le rejoint.
Les difficultés de "décodage" entraînent de plus en plus d’ambivalence et d’incompréhension réciproque, les
parents finissent par parler de moins en moins à l’enfant et ont tendance à s’occuper de lui de façon plus
mécanique, moins attractive. Les interactions se sont installées sur des "malentendus" ou plutôt des
"mal-perçus".
D’autres moyens de communication font encore défaut chez ce nourrisson : le sourire et les expressions
faciales ne s’instaurent pas chez l’enfant aveugle de la même manière que chez l’enfant voyant. Normalement
le sourire automatique provoqué par la gestalt visuelle du visage humain (observé par Spitz) est un puissant
déclencheur d’échanges sociaux. Chez l’enfant aveugle, le visage humain n’est plus un inducteur de sourire
efficace. Il faut donc des invitations vocales insistantes. C’est toujours un sourire de réponse, jamais cet irré-
sistible sourire d’invite qui entraîne la mère à s’occuper de lui. Beaucoup d’adultes, y compris les parents, sont
déroutés par ce manque d’expressivité de l’enfant, qui dès lors peut leur apparaître rapidement comme
dépressif, apathique, retiré en lui-même, indifférent à ce qui l’entoure. Parfois les parents se ressentent alors
eux-mêmes comme dépressifs et inertes au contact de leur bébé aveugle. Nous devrons les aider à vivre
ensemble le plus harmonieusement possible. Nous devrons les écouter, les aider à remettre leurs enfants dans
une dynamique de progression ainsi qu’à se faire confiance mutuellement.
Parfois certains enfants aveugles de naissance, qui n’ont pu bénéficier d’éducation précoce, évoluent de façon
peu satisfaisante, même si la cécité ne s’accompagne pas d’un autre handicap premier, d’ordre neurologique ou
autre (de 25 à 50 % des cas). Certains présentent des anomalies de développement apparentées à celles qui
caractérisent l’autisme. Il s’agit de bébés trop calmes, d’enfants apparemment insensibles à leur envi-
ronnement, qui ne paraissent pas avoir formé de liens d’attachement avec les personnes de leur entourage, qui
ne semblent pas davantage avoir pu établir une différenciation nette entre leur moi propre et celui d’autrui.
Nous avons déjà évoqué le traumatisme psychique profond qui suit l’annonce du handicap. Il n’est pas rare
d’observer que des parents livrés à eux-mêmes, se protègent de la souffrance en ayant des réactions d’abandon
de leur bébé (ou l’attitude antithétique, la surprotection, dont les conséquences sont semblables). Or un bébé
qui n’est pas touché, à qui on ne parle pas, qui perçoit qu’on ne s’intéresse pas à lui, a toutes les raisons de ne
pas s’intéresser, lui non plus, ni à l’environnement, ni aux personnes qui l’entourent, qu’il soit aveugle ou
voyant. Le bébé aveugle ne développe pas de mobilité autonome, son répertoire moteur se réduit à des
mouvements stéréotypés de la tête, du tronc et des mains. Il existe des blindismes (tics particuliers aux
aveugles comme les balancements, mouvements de rotation de la tête, les doigts dans les yeux, etc.). Ce sont
des gestes automatiques, répétitifs, rythmiques ayant une valeur de compensation (impressions visuelles, sti-
mulation du labyrinthe…). Certains sont des blindismes de retrait du monde pour se soustraire à une
situation anxiogène non maîtrisable et réduire ainsi le niveau de vigilance. D’autres sont des blindismes d’éveil
et agiraient comme mobilisateurs de l’attention.

183
Enfin le langage de ces enfants est soit absent soit de type écholalique. On peut tout de même signaler l’uti-
lisation d’autres types de communication, parfois une communication tactile. Soyons attentif à la valeur
expressive des mains : le bébé recherche les échanges avec l’entourage. Les mains peuvent exprimer la
recherche et la sollicitation de l’autre. On peut parler de "jubilation digitale" qui traduit l’intensité de son
engagement émotionnel. Dès que la mère perçoit et répond à ce langage tactile, elle peut établir entre elle et
son enfant un dialogue riche et diversifié. La réussite de ce premier dialogue est l’une des conditions
principales de la formation des liens d’attachement entre l’enfant et sa mère. De plus celle-ci peut restaurer
son image de soi, se ressentir à nouveau en temps que mère sensible, aimante, compétente (Fraiberg, 1994).
Ce dialogue tactile est le support privilégié du support vocal du langage.
Qu’en est-il de ce dialogue vocal ?
Contrairement au handicap sensoriel auditif, le handicap visuel n’a pas fait l’objet de beaucoup d’études sur
ses répercussions sur le développement du langage. En effet, l’enfant aveugle sans handicap associé peut
accéder à un niveau d’intelligence normal et son appareil audio-phonatoire est intact. On pourrait donc
supposer que les caractéristiques du développement linguistique sont les mêmes que chez les voyants. En fait
les enfants qui ne présentent pas de troubles du langage ont tous bénéficié d’une éducation précoce et il faut
aussi considérer les conditions sociales de développement de ces enfants. Il est sûr que le développement lin-
guistique d’un enfant aveugle (de naissance) est beaucoup plus sensible aux conditions affectives et environne-
mentales durant la petite enfance. Le développement linguistique peut donc être compromis :
• par un "accordage" difficile au départ entre le bébé et sa mère,
• par les limitations que la cécité impose au développement de l’exploration active et par là au développement
de la cognition,
• par la réduction des interactions sociales que très souvent la cécité entraîne.
Chez le bébé aveugle les vocalisations dureraient plus longtemps mais ce serait pour le plaisir d’émettre des
sons et non de communiquer réellement. Ensuite le bébé aveugle babillerait surtout en réponse à un
événement (plus rarement pour saluer ou inviter l’autre à interagir avec lui) malgré un haut niveau de
stimulations vocales.
Dans un autre domaine, le système articulatoire peut également être touché (32% de troubles chez les enfants
aveugles contre 16% dans une population voyante). Ce serait la conséquence de l’absence d’imitation du
mouvement des lèvres, une méconnaissance du schéma corporel ou de façon plus générale une maladresse
motrice.
L’absence de permanence de l’objet rendrait l’acquisition du premier vocabulaire plus difficile à acquérir. On
sait qu’avant de servir à la communication le mot est un jouet, parler est une activité qui n’a qu’elle même
pour but. La fixation de ce registre mécanique entraînerait un langage écholalique. Par ailleurs, le langage de
l’enfant aveugle serait un reflet de sa connaissance du langage des personnes voyantes plutôt qu’un reflet de sa
connaissance du monde. C’est ce qu’on appelle le verbalisme : le sujet aveugle aurait une tendance à utiliser
des mots dont le sens lui serait inconnu ou incompris à cause du manque d’expérience concrète avec le
référent. La structuration syntaxique serait plus difficile à se mettre en place.
Et en ce qui concerne la représentation de soi dans le langage ?
L’enfant aveugle présente un retard caractéristique dans l’acquisition du pronom "je" en tant que pronom
stable. Il confond fréquemment le "je" et le "tu". Au départ "je" n’est pas employé comme un pronom
désignant le sujet de la phrase. Il apparaît dans les formules bloc comme "ch’sais pas", "j’veux pas". C’est un
embryon de pronom qui adhère à une totalité verbale (en général associé à des verbes exprimant des désirs ou
des besoins). C’est le "je" syncrétique. Petit à petit, ce "je" se dissocie du verbe et devient un pronom qui est
employé de manière créative dans de nouvelles combinaisons. Il fonctionne alors comme un pronom
désignant la personne qui parle et il constitue le "je" non-syncrétique. Il indique que l’enfant a acquis une
importante capacité de représentation de soi et une grande capacité d’inférence. Il peut se représenter comme
"je" dans un autre univers de "je". L’enfant montre ainsi qu’il peut faire le raisonnement suivant : je suis un
"je" pour moi, vous êtes un "je" pour vous, il est un "je" pour lui, etc. C’est cette deuxième étape qui se
manifeste avec beaucoup de retard chez l’enfant aveugle. Il existe des inversions pronominales multiples
(je-tu). Il est important de remarquer que ce retard dans l’acquisition stable du "je" s’observe chez des enfants
qui présentent un très bon rapport affectif avec les parents et qui présentent aussi des compétences

184
linguistiques avancées et dont le vocabulaire et les structures syntaxiques sont en progression constante. Ceci
permet d’écarter l’hypothèse d’un trouble affectif ou cognitif qui expliquerait un tel retard.
Selon Fraiberg, le retard est directement lié à la cécité. La privation sensorielle constitue une difficulté pour le
développement de l’image de soi et pour la construction cohérente du sens du moi.
Chez l’enfant aveugle l’apparition du "je" non syncrétique se fait en même temps que l’apparition des jeux
symboliques (capacité de représentation). Elle est aussi liée à la perception mentale de l’espace. Les positions
relatives des partenaires jouent un rôle important dans la détermination du contexte interpersonnel du
dialogue. En effet, pour user correctement des pronoms personnels, l’enfant doit avoir perçu que "je" désigne
celui qui parle, "tu" celui à qui l’on s’adresse, que "nous" désigne l’entité dont les membres sont proches l’un
de l’autre et que "ils" désigne une entité plus lointaine (Wood, 1982).
Il ne faut pas oublier encore la fonction interactive, celle qui assure la "maintenance interactionnelle" et le
"copilotage des échanges". En permanence, en effet, le locuteur a besoin pour dérouler son discours de savoir
si on l’entend, si on l’écoute, si on le comprend et ce que pense son partenaire. Il envoie de temps en temps
des signaux "phatiques", principalement des regards, à l’adresse de l’auditeur, qui de son côté émet des
régulateurs (mouvements de tête, mimiques faciales, courtes émissions voco-verbales : "hum, hum…oui...").
Ces échanges sont capitaux pour le déroulement de l’interaction et leurs dysfonctionnements sont souvent
responsables de l’échec de la communication. Cette régulation est assurée largement par le canal visuel. On
peut se demander comment cette fonction régulatrice se met en place chez les enfants aveugles. Elle est sans
doute à l’origine de troubles plus fins de la communication et d’un certain malaise de la part de la personne
voyante qui perd, face à l’aveugle, ses points de repères habituels.

◆ La prise en charge orthophonique.


Si j’ai voulu détailler le développement de l’enfant aveugle ou gravement déficient visuel avant d’aborder la
rééducation orthophonique et les différentes prises en charge, c’était pour souligner les secteurs du déve-
loppement les plus fragiles qui doivent faire l’objet d’une intervention prioritaire et spécialisée.
Selma Fraiberg, pionnière en la matière, a bien mis en évidence cette nécessité d’une prise en charge précoce
des enfants aveugles. C’est ce qui se pratique dans les CAMSP et les SAFEP à travers la guidance parentale.
Ce mode de prise en charge thérapeutique permet le maintien de l’enfant dans son milieu familial, démarre le
plus précocement possible pour aider les parents à décoder les messages parfois peu perceptibles que leur
envoie leur enfant et ainsi de restaurer leur confiance en soi, confiance qui selon Stern représente l’une des
conditions fondamentales de l’instauration d’interactions harmonieuses entre l’adulte et le nourrisson.
A la suite de ses recherches, Fraiberg a mis en place pour les nourrissons aveugles un programme de
stimulation dont la première partie qui concerne l’attachement même devrait fortement intéresser les
orthophonistes et tous les thérapeutes du langage (voir aussi Sampaio 1994).
Elle a observé la manière dont l’expérience non visuelle pouvait contribuer à l’établissement du lien entre un
bébé et ses partenaires humains pour aider les parents à trouver un "langage" tactile-auditif pouvant conduire
vers un partenariat.
Ce soutien et ce travail éducatif ont provoqué un changement significatif dans les attitudes des parents qui en
retour ont eu droit aux sourires, aux baisers et aux premiers mots doux de leur enfant. Ce soutien passe par
des explications aux parents sur les différences dans le développement de leur enfant. Ceci permet de
diminuer leurs angoisses, de les aider à comprendre étape par étape les problèmes d’adaptation particuliers du
nourrisson aveugle.
Fraiberg insiste sur l’importance d’ "apprendre à connaître" au moyen de l’expérience tactile et auditive. Nous
avons à encourager les parents à porter le bébé, à lui parler pendant les repas, à lui chanter des chansons, à
jouer avec lui en le prenant sur les genoux.
Le bébé aveugle a comme tous les bébés une faim d’expériences. Nous avons à créer les conditions d’un
"dialogue" de signaux et de réactions entre le bébé et ses parents. Nous pouvons proposer "des démonstrations
pleines de tact" aux parents pour qui il ne serait pas naturel ou trop difficile de parler au bébé.
Nous avons à leur dire le besoin de renforcer toutes les actions avec des mots : "quel beau sourire !", "donne
moi la main" en la lui prenant, etc.

185
Ces remarques ordinaires sont vitales pour relier l’expérience à des mots, donnant un sens à l’action là où la
vision aurait déjà fourni un sens.
Lorsque l’attachement (vital) aux parents est établi, l’enfant peut avoir des gestes manifestes d’affection envers eux ;
la désignation "papa, maman" apparaîtra alors au cours de la deuxième année comme pour les enfants voyants.
Pour les bébés anciens prématurés, nous avons à favoriser l’intimité tactile, physique lors du nourrissage. Ces
bébés apprennent à aimer à être portés. Le bébé aveugle peut rester un participant passif dans son nourrissage
pendant très longtemps. On peut encourager les mères, dès que le bébé est capable de s’asseoir, à mettre sur la
tablette de la chaise des aliments qu’il peut manger avec les doigts. Par la suite, on pourra proposer une tasse
ou une cuillère. L’enfant passera beaucoup plus facilement ainsi à la nourriture solide.
Nous aurons par ailleurs à favoriser la découverte des objets, à travers l’expérience de jeu, dès les premiers
mois, en aidant par exemple à créer pour le bébé un espace limité où des objets intéressants et des jouets qui
lui plaisent pourront être trouvés. C’est un apprentissage fondamental qui conduit à l’investissement d’objet
et à une connaissance de "soi-autre" (petits portiques avec objets qui pendent, sonores ou non, clochettes qui
tintent. Cela permet la recherche et la saisie d’objet ; cela permet aussi au bébé d’organiser l’espace sur une
ligne à mi-hauteur pour les deux mains). Les objets sont placés ensuite sur la tablette de la chaise haute. C’est
un autre espace intéressant pour le bébé. Ce dernier généralise ensuite cela et cherche les objets dans d’autres
positions ou situations. Il est en attente de trouver des objets. Ensuite il utilisera le bruit comme indice
directionnel.
Il pourra faire de même dans son parc vers un an (espace circonscrit et donnant un sentiment de protection).
Le bébé commence alors à attribuer à ses jouets des qualités qui sont indépendantes de lui-même et de ses
actions. Il a des préférences.
Les jouets fournissent une expérience sensorielle variée à l’enfant et commencent à enseigner "l’agissement
sur" et la "causalité" qui sont essentiels pour qu’il construise un monde objectif ;
Le bébé aveugle a besoin de beaucoup d’expérience avec son "vrai" environnement avant de généraliser (avec
les mêmes objets mais de taille différente, de forme différente…). Nous aiderons les mamans à comprendre la
valeur éducative d’une expérience tactile continuelle avec des objets ordinaires à la maison (casseroles,
couverts,…). Nous avons aussi à promouvoir l’organisation des mains, sur le plan sagittal (mains sur le
biberon, jeux de doigts et comptines). Nous avons à stimuler ses mains pour que le bébé puisse bien saisir les
objets, qu’il ait des mouvements de poursuite de ces objets quand on lui retire ; bref que ses mains lui soient
utiles, le plus efficacement possible, dans ses explorations. Ceci permettra peu à peu la construction d’un
concept d’objet.
Toutes ces expériences seront accompagnées d’une verbalisation riche, mais surtout précise. Nous avons à
expliquer aux enfants, à leur préciser par exemple que nous entendons ce qu’ils entendent. Ils doivent recevoir
simultanément des informations verbales, une confirmation et une impression tactile en même temps que
l’adulte, pour bénéficier des détails de l’information avec la même clarté. Nous aurons à accompagner parfois
les enfants, au départ, en coactivité puis ils seront capables peu à peu d’anticiper.
Certains enfants auront besoin d’une aide particulière, en raison de difficultés apparentées aux symptômes de
l’autisme ou du handicap mental grave : déficience des compétences motrices, absence d’intérêt pour
l’entourage physique et humain, absence de langage et d’autres moyens de communication différenciés. En
l’absence d’une intervention appropriée, la vie de tels enfants se réduira presque exclusivement à des activités
d’auto-stimulation. Pour briser ce cercle vicieux, il faut pouvoir noter et exploiter le moindre signe d’attention
à un objet extérieur, ainsi que la moindre ouverture, si rudimentaire soit elle, envers un partenaire humain.
Il faudra donc offrir dans un premier temps à l’enfant un environnement sensoriel cohérent en évitant de le
confronter à une masse de stimuli au sein de laquelle il ne pourra faire le tri (d’où parfois des réactions
d’angoisse ou d’enfermement).
Dans cet environnement sensoriel cohérent, nous lui proposerons des stimulations qui touchent tous les
domaines des besoins fondamentaux, stimulations qui ont pour objectif d’aider l’enfant à être réceptif à tout
ce qui l’entoure, à lui apprendre à utiliser ses organes de perception, en coordination avec le développement
de ses activités motrices, de le faire passer du rôle de sujet passif-receptif à celui de sujet actif, maître d’œuvre
de son développement.
Nous nous référerons dans ce domaine à "la stimulation basale" de Fröelich. Cette stimulation offre des

186
expériences simples, claires et structurées, dans tous les domaines de la perception et privilégie ceux qui appa-
raissent précocement dans le développement de l’enfant
• le domaine somatique
• le domaine vibratoire
• le domaine vestibulaire.
La stimulation basale est donc un outil particulièrement adapté aux enfants déficients visuels multi-
handicapés, pour qui les expériences sensori-motrices directes sont peu accessibles. Le but principal sera
d’aider l’enfant à découvrir son propre corps, et ainsi à se découvrir lui-même. Ces expériences corporelles
peuvent l’amener à rompre l’isolement, à découvrir son entourage, son environnement maternel.
Pour les perceptions somatiques par exemple, ce sont nos collègues psychomotriciens, éducateurs qui feront
les massages. Ce sera un des seuls moyens pour certains enfants polyhandicapés de connaître leurs limites cor-
porelles, de se différencier de l’autre. Ceci sera très important pour la construction du schéma corporel.
L’adulte devra verbaliser ce qu’il fait. Cette activité s’inscrira dans un climat relationnel riche.
Dans ce cadre, le massage des mains sera proposé afin de travailler leur ouverture et de préparer ainsi les sti-
mulations tactiles. A travers des jeux actifs, l’enfant découvrira des objets dans son environnement, il prendra
conscience qu’une action peut provoquer un effet, il aura plaisir à être actif et à interagir. Il sera obligé de faire
des choix, se découvrira des préférences. Il améliorera ses capacités de préhension.
Les jeux se feront en coaction avec l’adulte dans un premier temps. Il faudra verbaliser ce que l’enfant touche
ainsi que les propriétés de l’objet rencontré : "c’est doux,… c’est dur, mou,…". Peu à peu on introduira des
consignes "prends, donne" avant d’en arriver aux premières manipulations de transvidage. Puis on en arrivera
à des manipulations plus complexes : reconnaissance d’objets, activités de tri… On constituera des boites
d’objets usuels (toilette, repas…). On jouera à reconnaître, nommer, faire avec. Ces jeux permettront de
développer le langage, d’exercer la motricité fine, d’aborder les notions spatiales.
Nous aurons à nous préoccuper de la déglutition et des problèmes d’alimentation des enfants que nous
prenons en charge. Un travail de stimulation oro-faciale, sous différentes formes, pourra aider à la déglutition
et à l’alimentation. De nombreux enfants présentent des troubles dans ces domaines. Les principales dif-
ficultés sont
• d’ordre moteur (position de la tête, fermeture de bouche)
• des troubles de la sensibilité.
Les risques de fausse route et l’angoisse ainsi générée rendront difficile le passage d’une alimentation liquide à
une alimentation mixée puis à l’introduction de petits morceaux. Il sera souvent nécessaire d’accompagner les
parents dans cette démarche.
Pour tous les enfants multihandicapés "le faire avec" sera souvent le seul moyen d’amorcer des gestes, des
apprentissages.
L’objectif commun à toutes ces propositions structurées sera bien évidemment d’amener une communication
construite entre l’enfant et son entourage. L’enfant pourra alors émettre des choix, des désirs, des refus.
Dans les prises en charge des enfants, des priorités seront définies. Il s’agit notamment de favoriser et de
développer :
• la communication et l’expression : braille, pictogramme tactile, langage gestuel… ;
• la stabilisation et l’enrichissement de la sphère relationnelle ;
• l’amorce d’apprentissages touchant dans un premier temps la vie quotidienne (hygiène, alimentation,
déplacements, habillage..) et dans un deuxième temps les domaines sensori-moteur, psychomoteur et
cognitif ;
• les activités de la vie journalière ;
• la locomotion ;
• la préparation à l’autonomie.

◆ Conclusion
La nécessité de travailler en équipe pluridisciplinaire s’impose. Ce travail implique, face à la complexité des
problèmes posés, une autre manière de travailler ensemble où les notions de zones d’intervention, de champ
de compétence, ne sont pas figées une fois pour toute, où chaque professionnel enrichit sa propre pratique de
données issues de disciplines qui ne sont pas les siennes.
187
La nécessité d’établir un partenariat entre les parents, l’enfant handicapé et les professionnels est encore plus
impérieuse. L’estime et le respect mutuel sont des gages de qualité de vie pour tous.

3 - Prise en charge des enfants présentant un handicap mental


Le retard mental touche 1 à 3% de la population. Si dans de nombreux cas aucune étiologie précise ne peut
être retrouvée, surtout lorsque le retard mental est léger, plus il est important, plus la probabilité de retrouver
une étiologie identifiable est grande. Pratiquement toutes les encéphalopathies s’accompagnent d’un retard
mental. La liste des étiologies identifiables comprend plus de 350 causes et plus de 500 étiologies génétiques
ont été identifiées conduisant à un déficit intellectuel isolé. Longtemps limité à la seule mesure du déficit,
l’abord psychopathologique d’enfants encéphalopathies profonds ne peut plus ignorer de nos jours le poids de
divers facteurs (environnement, famille, institution, histoire de l’individu) venant moduler l’expression
clinique de cette encéphalopathie (Marcelli, 1999).
Dans cette partie une place particulière est réservée à l’enfant trisomique en raison de sa fréquence et du fait
du diagnostic posé dans les premiers jours de la naissance voire avant.
Les références dans le domaine de la rééducation ne manquent pas et on pourra se souvenir des travaux de
Brauner (1960), Rey (1967) proposant une réflexion et des exercices de stimulation à destination des enfants
handicapés mentaux. Bien avant eux, Perreire comme Itard avaient ouvert la voie à l’éducabilité des enfants
retardés Héral (2003). On peut noter que la littérature spécialisée propose beaucoup de travaux concernant les
enfants porteurs de trisomie 21 sur le plan psychopathologique et sur le plan éducatif. Depuis une dizaine
d’années on voit apparaître des recherches sur le Syndrome de William Beuren, les syndromes de Rett, Prader
Willi et Di Georges sur le plan de leur développement atypique, et les publications présentant des travaux
concernant la rééducation commencent à apparaître. "Les descriptions précises des troubles du langage
mettent en évidence de grandes variétés interpersonnelles et inter syndromiques nous empêchant de trop
généraliser. En pratique, le bilan orthophonique précoce doit donc permettre d’objectiver et de spécifier, le cas
échéant, les risques pour le développement du langage et les troubles présentés par l’enfant ainsi que les per-
turbations éventuelles de la communication parents/enfant afin de choisir la prise en charge la plus adaptée."
Antheunis, Ercolani-Bertrand, Roy (2003).
La trisomie 21 fait régulièrement l’objet de publications par des orthophonistes ; le lecteur pourra se reporter
aux revues professionnelles : Glossa, Rééducation Orthophonique, Les dossiers de l’Orthophoniste
concernant diverses pathologies rédigées par Denni-Krichel et Orthomagazine. Les exposés ci-après me
semblent refléter les objectifs et modalités d’intervention partagés par un grand nombre de professionnels.

◆ La prise en charge des enfants porteurs de trisomie 21


Tout comme j’ai ouvert la partie générale sur l’intervention orthophonique en éducation précoce par les
propos de Bélargent, j’ouvrirai ce paragraphe concernant les enfants trisomiques par les réflexions de Vaginay
(1997).
Pour développer la dimension d’accompagnement parental il me semble essentiel de mener une réflexion sur
les points suivants : les glissements sémantico-pragmatiques des termes utilisés pour désigner la trisomie et les
paradoxes engendrés par les avancées techniques médicales.
"Le terme mongolien a perduré en France à coté du terme trisomie 21 qui fut proposé pour désigner l’origine
du syndrome. Le mongolien eut une trisomie 21 pour devenir trisomique 21. Avoir une trisomie 21 devient
être trisomique 21. Des périphrases comme atteint de trisomie, porteur de trisomie, apparaissent qui
cherchent à rétablir la dimension de l’avoir pour récupérer l’intégrité de l’être comme si, à l’horizon, existait
une coupure possible entre l’être et l’avoir. Les différents termes cités désignent un état et n’informent en rien
sur l’identité du sujet dont on parle". Je retiens qu’il va s’agir pour moi de ne pas pérenniser une confusion :
prendre pour une nomination ce qui n’est qu’une désignation. En poursuivant avec Vaginay, nous ne pouvons
pas ne pas nous interroger sur les incidences représentationnelles dues aux progrès médicaux dans le domaine
du dépistage : "L’idée d’une thérapeutique curative, d’un soin qui permettrait un gommage du syndrome,

188
aboutit à un résultat tout aussi étrange ; potentiellement, une partie de la population existant dans son ori-
ginalité profonde pourrait ne pas être là, en fonction de la volonté de certains. La disparition possible de la
trisomie suppose actuellement la suppression des sujets trisomiques. Le trisomique aurait pu ne pas être là,
grâce à sa dimension médicalisée".
Les parents que nous recevons maintenant ont été, malgré eux, placés dans une responsabilité nouvelle qui se
traduit comme le droit de vie ou de mort sur l’enfant et qui s’alourdit d’une culpabilisation. Parce qu’elle
entache la relation à l’enfant, il convient de prendre la mesure de cette culpabilité afin d’accompagner les
parents dans une démarche attentivement humaine. "Le corollaire tragique à la culpabilité parentale est celle
qui est induite chez l’enfant lui-même ; le risque existe que le trisomique soit engagé à vivre en s’excusant du
dérangement qu’il procure".
La question du choix du terme se pose à nous et est posée explicitement ou implicitement par les parents ou
l’environnement. Tout en ayant conscience que "trisomique" est insatisfaisant, car nommer la trisomie de
l’enfant c’est lui dire qu’on le reconnaît irrémédiablement trisomique, c’est adopter la seule façon de l’ac-
cueillir dans sa différence, qui est spécifique et qui demeure inconnue. Développons une attitude qui nous
permette d’écouter et d’entendre ce que les filles et garçons trisomiques ont à nous dire et guettons le sens
qu’ils portent au monde.
Le dernier point sur lequel je vais m’attarder concerne le fait que tout enfant trisomique est conscient de son
handicap. "Dès les premières relations, le bébé trisomique perçoit l’ambiguïté des messages, ambiguïté
dominée par un désarroi ou une incertitude. Nous tenons compte de cette perception lorsque nous sommes
en accueil d’un jeune enfant trisomique et de ses parents ; parler à l’enfant en respectant cette perception
précise du handicap, se référer à des mots tout aussi précis, c’est le prendre pleinement pour un interlocuteur
et pouvoir alors l’entendre nous parler de lui."
Seront exposés tour à tour dans cette partie des écrits de plusieurs orthophonistes mais auparavant je voudrais
pointer des éléments issus des travaux de Rondal qui en 1986 expose un programme d’intervention précoce ;
il fut et est un des inspirateurs de bon nombre de collègues orthophonistes.

Références aux travaux de Rondal


Rondal dans son ouvrage ‘le développement du langage chez l'enfant trisomie 21’ en 1986 souligne que "le
langage n’émerge pas du néant mais d’une interaction qu'il faut préparer ; le langage est représentation et
saisie de la réalité en même temps que communication. Il y a une réalité à analyser et à comprendre avant de
pouvoir l’exprimer et la transmettre"
Il précise que l’évaluation des performances du développement du langage de l'enfant trisomique 21 nécessite
une bonne connaissance du développement de l'enfant normal. C’est ainsi qu’il a établi des échelles dévelop-
pementales afin de recueillir un maximum d'informations sur les enfants. Ces échelles d’évaluation définissent
des comportements à observer dans les domaines suivants :
• de la communication verbale : pp 74 à 75,
• de l’imitation gestuelle : pp 78-79,
• de la fixation visuelle et de la poursuite visuelle : pp 90 à 94,
• des réponses auditives : pp 95 à 97,
• de l’intégration visuo-manuelle : pp 98-99,
• de l'exploration de l'environnement : pp 100 à 106,
• de situations problème : pp 107à 116,
• de l’imitation des sons : pp 133 134,
• des stratégies linguistiques descriptives et conatives : pp 68 à 173,
• des marquages morphologiques et syntaxiques, des règles séquentielles et des coordinations et subor-
dinations : pp 174 à 176.
Une fois les conduites observées recueillies, ces différents domaines permettent de fixer les objectifs à
atteindre.
Certains éléments constituant la démarche d’intervention en matière de langage exposés dans son ouvrage
sont repris ci-dessous, le lecteur est invité à se reporter à l’ensemble de cet ouvrage.

189
L’intervention prélangagière comporte 5 grands domaines.
• Installation d’une relation réciproque.
La première réalisation ou structure à mettre en place, est l'installation d'une relation réciproque entre
l'enfant et ses parents. On favorisera l'évolution vers une relation réciproque au moyen d'activités journalières
par exemple les routines alimentaires, les moments de change, le bain. Les routines sont importantes pour le
jeune enfant car elles constituent des points de repères stables. Elles sont les premiers éléments qui permettent
un début de structuration de l'espace et du temps. L'enfant peut, aux différents moments de la séquence,
anticiper sur l'événement qui suit. Il peut prendre l’initiative et donc participer activement à ce qui devient
alors un échange de comportements entre la mère et l'enfant. Il s'agira de découper ces routines en étapes
clairement définies et séparées pour faciliter le travail de repérage et de séquentialisation de l'enfant. Les jeux
et le massage du bébé sont également des situations exploitables afin de promouvoir une relation réciproque
entre les partenaires. Il est souhaitable que les activités de massage soient accompagnées du côté de la mère par
de nombreuses verbalisations et vocalisations associées à ses mouvements. L'enfant pourra alors répondre aux
mouvements de massage et aux caresses maternelles par des vocalisations d'aise et de plaisir.
• Communication non verbale et imitation gestuelle.
Il est important d'identifier les tentatives de communication non verbale du jeune enfant et de les renforcer
soigneusement car elles constituent un passage vers l'expression verbale. L'adulte doit entrer en contact avec
l'enfant dès les premiers jours qui suivent la naissance, et ce par tous les moyens (toucher, caresses, sourires,
grimaces) et il doit répondre généreusement aux expressions de l'enfant. Il ne faut pas toujours prévenir les
désirs de l'enfant, mais bien l’amener à s'exprimer. Il s'agira de lui apprendre quelques conduites qui l’aident à
améliorer sa compréhension et son expressivité non verbale : apprendre à l'enfant à faire non de la tête ;
apprendre à désigner un objet de la main ; à faire oui de la tête ; proposer des gestes de chansons enfantines.
L'apprentissage de l'expression et de la communication gestuelle peut se faire également par le biais d'activités
organisées d'imitation. On favorisera les comportements imitatifs gestuels chez le jeune enfant en imitant soi-
même l’enfant, en l’invitant à imiter une action, un geste qu'on lui a déjà vu faire ; en l’amenant à imiter une
action nouvelle, par exemple lui apprendre à faire au revoir ; puis l’invitant à imiter des expressions faciales.
L'adulte proposera des utilisations d'objets par exemple "pousser une auto en faisant du bruit", "bercer une
poupée" puis des conventions symboliques par exemple "prendre une boîte et la déplacer avec les bruits
comme s'il s'agissait d'une voiture".
• Babillage.
Il s'agira de favoriser l'expression et la communication vocale chez jeune enfant, pour cela il faut stimuler
constamment l'enfant verbalement et vocalement. Il est également bénéfique pour l'enfant de le laisser
vocaliser longtemps en public et en privé. On peut lui renvoyer ses vocalisations en faisant varier la hauteur,
l’intensité et la mélodie. On sera attentif à bien accueillir les productions de l’enfant. L'auteur propose un
certain nombre de jeux pour favoriser la production de vocalisation chez l'enfant, par exemple chaque fois que
l'enfant émet un son, on agite un objet et on lui donne l'objet dès qu'il vocalise : ainsi l'enfant pourra
comprendre que lorsqu'il émet un son, des choses intéressantes peuvent se produire. Une étape importante est
franchie lorsque l'enfant peut se répéter, il est prêt alors à imiter de nouveaux sons, par exemple associer la
vocalisation "baba" à une balle qu’on lui montre "la balle".
• Les personnes, les choses les événements de l'environnement. Le problème de la référence à la notion
d'objet permanent.
Lorsque le contact oculaire avec la mère est établi depuis quelque temps, il faut chercher à favoriser l'ex-
ploration et la découverte de l'environnement para et extra maternel. On présentera à l'attention de l'enfant
autant d'objets attrayants que possibles et en les dénommant. On pourra favoriser la co-référence encore
appelée parfois attention conjointe en captant l'attention et le mouvement des yeux de l'enfant.
L'enfant ne naît pas avec la faculté de comprendre ce qui existe et ce qui se passe autour de lui. Il doit
l'apprendre. Pour le bébé, la mère est un personnage central qui constitue une figure stable, rassurante. La
mère est là et le bébé lui attribue une certaine stabilité parce qu'il la retrouve semblable d'un jour à l'autre.
Bientôt il reconnaîtra d'autres personnes de son entourage. Puis il pourra reconnaître certains objets familiers.
De même que la référence, la permanence de l'objet est d'importance pour l'apprentissage du langage, parti-

190
culièrement du vocabulaire. L'enfant doit comprendre qu'on parle en référence à des événements, des
personnes et des objets qui sont identifiables dans le monde environnant et que ces objets ont -dans certaines
limites -une permanence qui fait qu'il est justifié "économiquement parlant" et les étiqueter verbalement et
d'en retenir les appellations.
De façon à favoriser la mise en place de la référence et l’exploration de son environnement plusieurs aspects
seront travaillés.
Les apprentissages porteront sur la capacité à fixer des yeux un objet situé dans le champ de vision : il s'agira
de développer la fixation visuelle sur un objet immobile. Ensuite l'enfant devra pouvoir déplacer son regard
vers un autre objet alors qu'il fixe un objet. Le travail sur la poursuite visuelle d'un objet qui se déplace
lentement en champ visuel se fera par des déplacements progressivement rapides et éloignés. On apprendra
l'enfant à "prédire la réapparition d'un objet déplacé dans un champ de vision momentanément caché
derrière un écran" : il s'agira de proposer à l'enfant des déplacements visibles et invisibles d'objets. Les appren-
tissages porteront également sur la capacité à réagir aux sons, à localiser un objet émettant un son. La coor-
dination visuo motrice sera travaillée lors de situations où l'enfant devra coordonner plusieurs comportements
en un seul, par exemple : fixer un objet des yeux, tendre les bras vers l'objet, prendre l'objet en main.
L'exploration de l'environnement sera conduite avec toutes sortes d'objets et de jouets (jouets qui font du
bruit parce qu'on les presse, agite ; objets de formes irrégulières, objets emboîtés, instruments de musique,
objets suspendus, papier). Tous ces objets seront proposés à l'enfant pour lui apprendre à en lâcher un, faire
passer un objet d'une main à l’autre, le lancer, le faire rouler, le pousser et le recevoir, séparer deux objets
emboîtés.
On proposera à l’ enfant des petits problèmes environnementaux afin de lui apprendre à négocier un obstacle,
par exemple une barrière qui sépare d'un objet désiré. Il s’agira aussi de lui apprendre la relation cause-effet
(par exemple : une ficelle reliée à un objet ou l'utilisation d'un support pour amener un objet à soi) répondre
à une situation créée par l’adulte, (par exemple lors d'une situation où l'adulte tape des mains, on ménagera
une pause pour permettre à l'enfant de signaler qu'il veut que le jeu se poursuive) ; utiliser un moyen pour
atteindre un but. On conduira l'enfant à des manipulations plus complexes d'objets : se saisir d'un troisième
objet ; remplir un récipient à l'aide de plusieurs objets. Par exemple on montrera à l'enfant comment on
remplit une tasse en mettant plusieurs perles à la fois dans la tasse. L'enfant doit voir les gestes. L'adulte répète
cette démonstration en encourageant l'enfant à faire de même.
Toujours dans cette rubrique concernant la compréhension de l’environnement, on favorisera l'émergence des
stratégies de recherche d'objets cachés. Différentes situations sont proposées à l'enfant : objets disparaissant
derrière un écran, trouver un objet après des déplacements visibles et retrouver un objet après des
déplacements invisibles successifs. L'auteur mentionne soigneusement comment conduire ces différents
apprentissages.
• Converser avec les sons.
Pour favoriser la prise de tour conversationnelle chez le jeune enfant trisomique, il s'agit de proposer des jeux
qui amènent l'enfant à prendre davantage conscience de la nécessaire succession des comportements en
interaction selon la règle du "chacun son tour". Développer des séquences où il y a alternance de voca-
lisations, l'adulte attend que l'enfant se taise pour vocaliser lui-même.
Pour favoriser l’imitation des sons, l'auteur propose des exercices pour entraîner l'enfant à mieux contrôler les
organes périphériques de l'articulation : stimulation des mouvements des lèvres, de la langue, des mâchoires ;
apprendre à l'enfant à bien contrôler sa respiration afin d'expirer l’air nécessaire à la production des sons :
apprendre à souffler, faire des bulles de savon, siffler, boire à la paille, … On sensibilisera l'enfant aux
variations d'intensité vocale (voix forte voix chuchotée, bruits forts et moins forts produits par quantité
d'objets), à la hauteur tonales des sons, au rythme des sons. On développera également la capacité à localiser
l'origine des sons.
L’intervention langagière comporte deux grands aspects le développement du vocabulaire articulation, l'or-
ganisation sémantico- syntaxique de l'expression orale.

• Le développement du vocabulaire articulation.

191
De façon à favoriser le développement du vocabulaire chez l'enfant trisomique 21, il faut travailler sur deux
fronts : la maîtrise co-articulatoire des sons qui composent le mot d'une part, le plan référentiel et sémantique
d'autre part. Ces deux plans forment une entité qu'il faut respecter. Cependant on peut se satisfaire au départ
d'une articulation minimalement compréhensible et d'une référence partielle du moment qu’elle est correcte
et qu’elle a valeur fonctionnelle.
Pour aider l'enfant trisomique à prononcer et à combiner les sons de sa langue afin de former des mots, il est
bon de lui parler posément et distinctement de façon à ce qu'il ait le temps d'enregistrer les mots prononcés et
pour qu'il puisse les reconnaître, les opposer, les saisir et mémoriser l'ordre dans lequel les sons doivent être
placés pour former les mots. L'auteur préconise un entraînement spécifique articulatoire, pour chaque son.
De façon à favoriser la co-articulation des sons pour composer des mots, on proposera en imitation de
l'enfant des combinaisons de sons pourvus de sens comme dans "ma, donc, champ, gant, vent etc." il s'agira
d'aider l'enfant à comprendre la relation entre les mots et les concepts, les objets les personnes ou les
événements. Cela se fera à la suite du travail sur l'exploration de l'environnement et la notion d'objets. Il est
souhaitable d'utiliser toujours le même mot pour désigner le même objet, la même personne ou le même
événement. Il faut aussi sensibiliser l'enfant aux actions que l'on peut imprimer à ces objets, à leurs propriétés,
à leurs utilisations, on introduira des images, des photographies des objets ou des personnes pour travailler la
désignation.
• L'organisation sémantico syntaxique de l'expression orale sera travaillée lorsque l'enfant possèdera un
répertoire productif d'environ 50 mots de vocabulaire, des substantifs, des actions, des modificateurs
(adjectifs), et des prépositions. Pour favoriser la construction des énoncés à plusieurs mots et la com-
préhension par l'enfant de portion du langage adulte, il faut travailler les relations sémantiques de base et cela
d'abord à un niveau non verbal, où le langage ne joue d'abord qu'un simple rôle d’accompagnant. Lors des
activités liées à l'exploration de l'environnement, on cherchera systématiquement à faire prendre conscience à
l'enfant des principales relations entre objets, personnes, événements qu’il peut appréhender et qui sont
exprimées dans le langage courant. Après avoir fait constater et vivre ces relations par l'enfant, on les ver-
balisera en énoncés simples du type : agent action "bébé mange" ; disparition "il est plus là le lapin" etc…
Lorsque l'enfant développe des énoncés à deux ou trois mots, il faudra l’équiper de stratégies linguistiques
descriptives et conatives, lui apprendre comment construire des phrases correspondant à ces stratégies,
l'amener à comprendre les phrases faites par les autres et qui mettent en jeu ces stratégies, et l'entraîner à
fonctionner socialement sur le plan langagier. Il s'agira donc d'entraîner les enfants à produire des phrases
déclaratives (affirmative, négative) et à la voix active. Concernant les stratégies linguistiques conatives, il
faudra les amener à produire des requêtes directes (donne-moi le marteau ou je veux le marteau) et indirectes
(peux tu me donner le marteau ?) et on greffera l'apprentissage de formules de politesse.
Rondal poursuit par les apprentissages concernant les questions, le marquage morphologique et syntaxique,
les règles séquentielles et les coordinations et subordinations.

◆ L’intervention en éducation précoce de l’enfant atteinte de trisomie 21


Texte de Monique Cuilleret 4 et de Madeleine Fève-Chobaut 5
La prise en charge d’un enfant ou d’une personne atteinte de trisomie demande connaissance, respect et obs-
tination. Comme pour chaque enfant, les aides dont ils sont amenés à bénéficier sont déterminantes, mais
elles ne s’improvisent pas et leur efficacité dépend du professionnel qui dispense ces aides.
Cela demande connaissance, volonté et moyens.

Historique

A partir des travaux de Piaget (1967) et parallèlement, des enseignements de Borel Maisonny, qui avait bien voulu
s’intéresser à ce travail, l’une de nous, Monique Cuilleret, a pu mettre au point dès 1972 dans le Service du Pro-
4
Psychologue, Audiophonologiste, Chargée d’Enseignement à l’ITR Techniques de Réadaptation, Université Claude Bernard - LYON I.
5
Psychologue, Orthophoniste Référente en Trisomie 21 (Certification de l’ITR de l’Université Claude Bernard - LYON I).

192
fesseur Morgon à l’Institut d’Audio Phonologie de Lyon, la prise en charge précoce des enfants atteints de
trisomie. Depuis, les conséquences positives de ce travail précoce ont été pleinement confirmées et le progrès des
connaissances ont permis de préciser la méthodologie, les techniques ; les modalités en sont claires et précises
dans tous les domaines : suivis médicaux, paramédicaux, psychologiques, domaines des apprentissages psycho
sociaux et pédagogiques. Les protocoles de travail en fonction des âges sont connus et les travaux continuent.

Présentation
Chez l’enfant atteint de trisomie 21, à la prise en charge éducative habituelle, s’ajoutent à la fois,
• la prise en charge des perturbations psycho affectives, liées à l’annonce du diagnostic,
• la prise en charge des troubles liés aux conséquences de la présence d’une symptomatologie lourde, qui gêne
le développement de l’enfant sa globalité et donc dans l’ensemble des sphères de développement
Rappelons que la symptomatologie de la trisomie induit :
• des troubles perceptifs concernant tous les organes des sens,
• des troubles neuro moteurs,
• des troubles immunologiques,
• des troubles métaboliques,
• des troubles psychomoteurs,
• des troubles intellectuels, très variables d’un individu à l’autre.
Les aides à apporter aux enfants et à leur famille doivent être précises et doublement, voire triplement
adaptées:
• aux problèmes découlant de la problématique génétique et à son expression particulière chez chaque
individu,
• à la particularité de cet enfant là, dans cette famille là.
Ces aides doivent être et mise en place le plus vite possible après la naissance de l’enfant et en tout cas avant la
fin du 6ème mois de vie. Car, seules ces aides adaptées éviteront qu’aux difficultés inhérentes à la trisomie ne
s’ajoutent des déficits éducatifs souvent irréversibles. Tous ces éléments sont à prendre en compte dans le
travail à proposer. Rappelons à ce propos que nous entendons par les termes "éducation précoce", le contenu
de la prise en charge de l’enfant et des aides proposées à l’enfant selon la définition adopté en 1991 par la
"World Association for Psychosocial Rehabilitation", à savoir, la prise en charge de l’enfant de la naissance à
son entrée à l’école maternelle. Ainsi cette prise en charge précoce qui débute dès les tout premiers jours de la
vie ne peut être que le fait de professionnels compétents dûment formés et spécialisés.
Intérêts de l’éducation précoce
Les intérêts sont multiples ; cette prise en charge inclue fatalement parents et enfants.
Pour les parents l’intervention précoce est le seul moyen efficace de limiter les comportements réactionnels et
en particulier liés aux comportements éducatifs réactionnels et ainsi de permettre au bébé de grandir dans un
climat affectif aussi normal que possible. La prise en charge pour être réalisée dans de bonnes conditions, doit
s’adapter aux possibilités de chaque parent, de chaque famille.
L’éducation précoce s’adresse d’abord à l’enfant lui-même. Dans tous les domaines c’est une démarche à la
fois éducative, préventive puis, si nécessaire, ré-éducative. Les conséquences de cette prise en charge précoce se
répercutent sur l’évolution globale, langagière, motrice, neuro motrice, la socialisation et la réadaptation
psychosociale… Le devenir change :
• Sur le court terme, la présence d’une prise en charge précoce limite les impacts de certains problèmes
symptomatologiques, tels les troubles perceptifs, (travail du regard, des écoutes …. L’entrée dans la commu-
nication se fait de façon plus harmonieuse, la prise de parole arrive plus tôt et évolue d’une façon très
différente de ce qui est habituellement connu chez la personne atteinte de trisomie 21. Ceci a été objectivé
au travers d’une courbe des productions orales des enfants suivis (courbe comparative).
• A moyen terme : les conséquences sur l’évolution psychosociale montrent une meilleure possibilité
d’accession des enfants aux différents apprentissages notamment pédagogiques. La lecture a été prise comme
repère. Sur cet apprentissages de la lecture, on a trouvé que la majorité des enfants suivis (c’est-à-dire

193
environ 60 à 70 %), ont eu accès à la lecture entre 8 et 12 ans, acquisition terminée à ce moment-là.
Par ailleurs, on a pu objectiver qu’un enfant atteint de trisomie suivi en éducation précoce avant le 6ème
mois de vie, développera à l’âge de 10 ans un QI, ayant une valeur moyenne supérieure environ de 30
points à celui d’un enfant qui n’a pas été suivi
La scolarisation de ces enfants est donc très différente des scolarités habituelles. L’entrée à l’école se fait sans
problème sensiblement à l’âge habituel.
- tous les enfants suivis en éducation précoce sont normalement scolarisés en classe maternelle.
- plus de 50% de ceux ci entrent en cycle primaire normal (6-12 ans), certains sont intégrés dans les
mêmes classes que les autres enfants, bénéficiant toutefois le plus souvent de programmes par-
tiellement aménagés ; alors que seuls 10% des enfants n’ayant pas bénéficié d’éducation précoce
peuvent suivre cette même filière.
- au delà de 12 ans, environ 40% des enfants admis en cycle primaire entrent en "cycle secondaire" et
en tirent bénéfice, alors que dans ce même "cycle secondaire", on ne retrouve qu’à peine 1% de la
population des enfants atteint de trisomie n’ayant pas bénéficié d’éducation précoce.
- les acquis sociaux et psychosociaux se font naturellement au travers des interactions puisque l’enfant
a l’accès à la communication et à la compréhension de cet environnement.
• Sur le long terme, l’amélioration des capacités langagières et de communication modifie considérablement
leur qualité de vie, leur relationnel et leurs capacités d’insertion sociale et psychosociale. Pour certains, ce
sera la possibilité de pouvoir s’insérer dans le milieu du travail ; nous admettons actuellement qu’environ
20% de la population des enfants suivis dès 1972 en éducation précoce vraie sont insérés dans le milieu du
travail soit par du travail en milieu dit "normal", soit dans une forme d’insertion où le travail est réalisé avec
une médiation mais sur le lieu et selon les modalités habituelles de son accomplissement ordinaire.
Dans les conditions actuelles, ces prises en charge spécifiques éducatives précoces et adaptées sont les seuls
moyens dont nous disposons pour permettre à ces personnes d’accéder à une efficience et à une qualité de vie
inconnue jusque là. Cela modifie et modifiera encore très profondément tous les termes du devenir de ces
personnes.
Ce travail d’importance fondatrice est donc capital et comme toute thérapeutique efficace. Il ne peut être que
le fait de professionnels particulièrement formés et avertis.
Modalités de la prise en charge précoce
• Modalités pratiques
Le travail avec l’enfant et le travail parental s’accomplissent en parallèle. Les raisons en sont évidentes : les
parents ont besoin d’être entendus et aidés après l’annonce du diagnostic. L’enfant a besoin d’aides
immédiates au plan sensoriel, au plan cognitif et au plan comportemental.
• Quand ?
La prise en charge doit débuter le plus tôt possible après la naissance de l’enfant.
Pour préserver le rôle parental, dans nos cultures latines, les interventions doivent débuter le plus vite
possible, mais pas avant que les parents n’en fassent la demande.
• Qui ?
Parmi les professionnels appelés à intervenir auprès de l’enfant et de sa famille, certains interviendront de
manière irrégulière (médecin, référent, psychologue), d’autres interviendront de façon régulière dans le
temps (orthophoniste, kinésithérapeute, psychomotricien). Tous ces praticiens, outre leur spécialité, doivent
avoir une compétence particulière dans la prise en charge des enfants atteints de trisomie ainsi que dans
l’approche particulière qu’est l’éducation précoce.
Par ailleurs depuis quelques années, est apparu l’impératif besoin d’un regard extérieur, interlocuteur "neutre",
"le référent" des parents et dont le rôle psycho-éducatif évite les actions intempestives. Le Référent en T21 a
un rôle prépondérant sur l’organisation des propositions à faire. Le Référent travaille auprès de la personne
concernée, de sa famille et des professionnels qui interviennent. Il veille, oriente et guide le travail de la
personne, sans ne jamais s’impliquer directement dans les actions menées et sans se substituer aux différentes
prises en charge. Extérieur à la prise en charge directe et indépendant, le référent va tendre à : activer la

194
confiance, limiter les actions intempestives, permettre un suivi médical de l’enfant plus régulier et précis,
valoriser et dynamiser le rôle parental, coordonner les différentes actions, travailler avec tous les professionnels
concernés.
Ces Référents formés aux suivis des enfants atteints de trisomie et à l’éducation précoce des personnes
atteintes de trisomie, sont titulaires d’une certification spécifique délivrée par l’I T R de Université Claude
Bernard, à Lyon.
• Comment ?
Le lieu d’intervention est important, il doit être chaque fois que possible un lieu extérieur au domicile
parental mais il convient parfois selon les particularités de travailler à domicile. Pendant la période qui va de
la naissance à la verticalisation, chaque séance de "travail" se déroule en présence de la mère avec sa
"complicité". C’est par elle et à travers elle que passeront les jeux, les messages adressés à l’enfant.
• A quelle fréquence ?
La fréquence habituelle moyenne situe les interventions régulières (langagières et motrices) à environ une
séance par domaine et par semaine et par domaine au-delà.
Avant la verticalisation seuls deux intervenants réguliers peuvent " travailler" avec l’enfant, Ce travail est
continué jusqu’à la mise en place de la scolarisation aux environs de 3 ans et tend à harmoniser les
évolutions des sphères psycho-affectives et langagières d’une part, et sphères motrices et psychomotrices
d’autre part.
• Combien de temps ?
La durée des séances ne varie pas, malgré les variations d’âge de l’enfant. Les temps nécessaires à consacrer à
l’enfant et aux parents sont inversement proportionnels l’un à l’autre, le temps global reste donc stable au
cours de cette période d’éducation précoce.
Modalités techniques
• Le développement précoce du langage
L’organisation pré linguistique de l’enfant est déficitaire dans divers domaines :
- Les déficits perceptifs centraux et d’abord les difficultés oculomotrices et auditives gênent la mise en
place des règles déictiques, des organisations pré conversationnelles, donc la prise de parole de
l’enfant et ses initiatives langagières.
- La mise en place des fondements du développement cognitif de base et particulièrement des notions
rythmes (rythmes archaïques)/ espace/ temps vécu.
- La mise en place des items de pensée et des mises en liens.
- L’extériorisation des sons et leurs organisation vers les intuitions articulées.
Sans aides très précises apportées dans ces domaines l’enfant n’a pas le plaisir de communiquer, il faut donc le
lui donner ce plaisir le plus vite possible.
Tout doit se faire au travers d’échanges ludiques de plaisir.
• modalités dynamiques du travail
- l’annonce du diagnostic
Il n’existe pas de "bonne" façon de dire à des parents "votre enfant est atteint de trisomie 21" Quelle
que soit la manière dont le diagnostic a été présenté aux parents, place reste à la réalité : Cet enfant,
tel qu’il est, n’est pas l’enfant qui a été souhaité, "fantasmé" par ses parents. La réalité est brutale, cet
enfant est différent. Cette vérité ne peut que s’accompagner de modifications profondes pour toute
la famille et pour chacun des deux parents. Elle implique des conséquences affectives, des
conséquences comportementales influant entre autres sur les conduites maternelles et déclenchant
des attitudes particulières, telles : la sur-protection ou le rejet, l’hyper-médicalisation, la trans-
formation des relations mère enfant en relation de pseudo éducatrice. Cette dernière peut être
expliquée par la précocité de l’annonce du diagnostic, annonce qui intervient avant même que ne
soit formée la diade affective mère/enfant. Pour ces raisons et bien d’autres, les conséquences de
l’annonce du diagnostic suivront la personne atteinte de trisomie toute sa vie. L’aide à une personne
atteinte de trisomie n’est donc pas envisageable si le professionnel ne connaît pas, non pas comment

195
l’annonce elle même du diagnostic a été faite, mais comment les parents l’ont vécue et interprétée.
Ce sera la base du travail parental.
- Le travail parental
Nous avons substitué le terme travail parental à celui de "guidance parentale". Dans le terme
"guidance" se trouve induit la notion de "guidage" par celui qui sait (le professionnel) envers celui
qui aurait besoin d’être guidé (le parent). Or si l’intervention d’un professionnel hautement
spécialisé, est essentielle bien au-delà de l’accompagnement habituel, la nécessité de l’échange entre
parents (qui parlent de l’enfant, de sa vie à la maison…) et le professionnel qui va adapter ses
connaissances aux vécus de chaque enfant dans chaque famille est impérative. Ce "travail" construit
en quelque sorte 2 piliers indispensables de l’aide à l’enfant et donc de la bonne mise en place du
projet éducatif propre à chaque enfant. Il s’agit d’un travail d’ "interpénétration", dans le respect de
chacun, sans domination. Ainsi peut se concrétiser un cheminement commun parents/équipe autour
de l’enfant et pour lui.
- Objectifs :
- dédramatiser et expliquer le diagnostic et ses conséquences,
- écouter les parents dans leur souffrance individuelle, dans la souffrance du couple entre lui et en
fonction de cet enfant,
- recréer la filiation en renouant le regard, la relation parents/enfant perturbée par l’annonce du
diagnostic.
Le travail parental se fait en trois temps principaux : un échange constant, des entretiens spéciaux et des
séances de travail.
Ce long cheminement est marqué par de constantes remises en question des parents au long du déve-
loppement de l’enfant de la naissance à l’âge adulte, il sera suivi par le professionnel pour préserver l’avenir,
pondérer souffrances et passions, limiter certains excès, proposer des solutions nouvelles. La nécessité des
aides à la mère s’enracine sur le plan technique, car pour l’enfant aux troubles symptomalogiques cités
s’ajoutent des difficultés affectives et, en particulier, les difficultés de l’interaction mère/enfant.
Or, chez tout enfant ordinaire, l’interaction spontanée mère/enfant permet à celui-ci de découvrir :
- l’alternance des rôles et la maîtrise de celle-ci,
- les procédures référentielles (oculaires, gestuelles, corporelles…),
- les procédures prédicatives (lien entre thème, chose, personne différente de celle qui parle et com-
mentaire). Chez l’enfant atteint de trisomie, les difficultés de la relation mère/enfant se posent en
termes de communication à la fois pour la mère sous le choc du diagnostic, et pour le bébé qui n’a
pas les moyens en raison de ses problèmes d’initier cette relation. L’interaction se met alors en place
sur des modes référentiels, inhabituels et donc difficiles pour l’enfant comme pour la mère.
Il convient donc d’apporter une aide technique à la mère et à l’enfant. L’interaction s’instaure au travers du
langage spontané.
Pour cela la présence aux séances permet des échanges pratiques simples qui instaurent dialogue et conseils ;
ces conseils seront répétés autant de fois que nécessaire. Il s’agit d’éléments simples, d’utilisation adaptée des
évènements du quotidien de la transposition du contenu de la séance à d’autres mises en lien dans le
quotidien. Ces conseils ne transformeront pas la mère en orthophoniste, pas plus qu’ils n’entraveront la
spontanéité de la relation mère/enfant, mais ils induiront par un discours enraciné dans le quotidien et par
imprégnation, leurs utilisations spontanées par la mère dans sa relation avec son enfant. Ce qui va permettre :
- à la mère d’adapter son discours aux intérêts langagiers de l’enfant.
- à l’enfant une facilitation des étapes du développement du langage comme des autres secteurs de
développement.
- aux professionnels de veiller de plus au développement des habitudes alimentaires, des conduites
oropraxiques et de la déglutition.
• Le travail avec l’enfant
Le travail auprès de l’enfant touche à toutes les sphères du développement.

196
La prise en charge est à la fois globale et spécifique. Ceci est vrai pour tout enfant : ordinaire, handicapé,
atteint de trisomie. Les éléments appartenant à la trisomie se mélangent avec ce qui fait la spécificité de
chaque individu, de chaque famille.
Le travail avec l’enfant se fait au cours de séances hebdomadaires. L’orthophoniste accompagne le déve-
loppement psycholangagier et intellectuel de l’enfant. La prise en charge motrice et psychomotrice se fera
parallèlement afin que, selon Piaget(1967), les inscriptions des expériences sensori-motrices (encodages) et
leurs transferts au plan de la pensée puissent se faire très vite et très tôt.
En séances et dès les premiers jours de la prise en charge (ce peut être dès la 27ème semaine de vie, l’ortho-
phoniste "travaille" :
• L’acquisition des "repérages" perceptifs :
les repérages oculomoteurs sont toujours dysfonctionnants chez tous les bébés concernés. On sait que le
nourrisson ordinaire passe 80% du temps des tétées à regarder le bas du visage de sa mère qui très souvent
lui parle, le bébé atteint de trisomie, lui, laisse errer son regard dans un temps le plus souvent inemployé,
"vide". Ce regard, souvent non interpellé, est difficile à mobiliser pour diverses raisons : neuro motrices et
neuro physiologiques et psycho affectives ; la maman a souvent beaucoup de difficultés à parler à son enfant
pendant ces tétées.
De plus, la coordination oculomotrice de ce fait retardée, crée une lenteur d’exploration qui gêne la cons-
truction du monde environnant d’autant que s’ajoute la présence de difficultés dans la motricité et la
rapidité du "balayage" de l’œil. Il y a donc troubles de la maturation de la pensée qui engendrent en partie
les déficits de globalisation et de synthèse.
Par ce travail des regards, l’orthophoniste agit directement sur le développement psycho langagier et psycho
social tant chez la mère que chez l’enfant.
Ces troubles oculo moteurs sont indépendants de tout trouble spécifique ophtalmologique.
En même temps l’orthophoniste aidera l’enfant à mobiliser et interpréter les différents messages perceptifs
reçus par lui : sons divers, sensations tactiles, odeurs…
• L’acquisition des repérages son-espace-temps :
De l’inter travail, des perceptifs et des repérages espace/rythmes/temps dépend toute la mise en place du
développement des éléments du cognitif de base.
Il faut aider l’enfant à découvrir "son" espace, à l’aide par exemple d’objets – repères de forme et de couleur
codées, placés dans des espaces bien précis du bébé et utilisés lors des temps de jeux sur des tapis de
couleurs et de dimensions correspondant à son niveau de possibilités.
Conjointement, il faudra l’aider à découvrir ses rythmes de vie, à intérioriser ses expériences sensori-
motrices que plus tard il pourra "transposer, d’abord sous forme de jeux, en expériences langagière sous
forme de tentatives de mise en mots" (Piaget, 1936), (Maistre, 1970). Ce travail des rythmes ressentis,
induit progressivement la notion de temps vécu et toutes ses composantes qu’il faut travailler une à une…
• L’acquisition du pré langage :
L’objectif est de permettre à l’enfant de se créer par des manipulations ludiques des états items de pensée
qu’il sera ensuite capable d’adapter, de manipuler, de transformer sous forme verbale. Dans le plaisir du jeu,
l’enfant va découvrir et mobiliser ses possibilités d’abstraction en regardant, observant, décodant. Dans et
par le jeu des situations langagières qui lui seront verbalisées, l’enfant va atteindre de lui-même la situation
manipulatrice-créatrice. Il accède alors à la phase dite "période d’intelligence sensori-motrice" qui se
transforme dès la fin de période sensori-motrice, puis arrive la période des "intuitions articulées" qui
marque, elle, le début d’intelligence représentative opératoire. Ce moment sous-tend tout le développement
langagier et intellectuel de l’enfant. Il "sait" alors construire et mobiliser sa pensée et va accéder au monde
de la pensée créatrice du langage qu’il utilisera plus tard. C’est le moment des "mises en liens". A partir des
différentes étapes (respectées strictement) du jeu symbolique et en suivant une progression rigoureuse,
s’initieront chez l’enfant le désir et le plaisir de la communication ; désir et plaisir ne sont pas spontanés. La
mise en place du pré-langage, est donc un travail très technique et original.

197
• l’oralisation :
Les interactions pré-langagières instaurent à l’initiative de l’enfant autour des dialogues, des pré-
conversations, en tenant compte toutefois des déficiences propres à l’enfant trisomique :
- retard possible du sourire social ;
- déficit des capacités visuelles, contact oculomoteur et références oculaires ;
- babillage non spontané ;
- retard des effets de feed-back dans le retour lors du dialogue mère/enfant.
Le travail fait avec l’enfant est incitatoire, mais l’enfant est le créateur de son oralisation.
Hors d’une aide précoce spécialisée, chez l’enfant atteint de trisomie, la structuration des dialogues avec
l’adulte selon un mode préconversationnel apparaît tardivement (Jones, 1977). Le rôle initiateur va donc être
dévolu à l’adulte. A partir d’échanges, d’interactions mère/enfant puis adulte/enfant on suscitera le sourire
social qui pointe l’entrée dans le début du langage, dans la communication. L’orthophoniste sera l’incitateur
patient qui parle à l’enfant doucement, lentement, en lui laissant un temps suffisant pour la réponse : sourire-
échange, mise en mouvement d’échanges où participe tout le corps, puis seulement les bras, jusqu’à l’ap-
parition spontané des "premiers sons (modulés ou non) : premier langage verbal. Le feed back qu’il reçoit et
les encouragements qui entourent ce premier temps d’oralisation vont décider de la suite que l’enfant aura
envie de donner. Plus tard, le travail d’oralisation permettra l’utilisation des acquis, la formulation de mises en
lien, la création d’une autonomie de pensée. Il s’agit alors d’un travail d’appropriation.
A partir du "jasis" à la fonction exclusivement ludique et exploratoire, succède le "protolangage" qui sert à
communiquer, même s’il n’est pas par définition, stable. Les tonalités deviennent plus hautes la voix a des
aspects chantants, modulés et parfois des séquences sont chuchotées, l’accentuation s’amplifie, l’enfant peut
modifier des rythmes. La communication sera alors le seul fait du bébé dans sa spontanéité, sa liberté. Ces
temps forts sont garants d’un avenir harmonieux.
Au plan langagier et psycho-intellectuel, ces éléments sont indispensables à la maturation du langage (règles
du dialogue, procédures référentielles et prédicatives), ils induisent au delà:
- des interactions comportementales : par le canal visuel, et par le canal corporel, entre autres grâce
aux gestes déictiques (qui signalent l’orientation ou la position), aux gestes pantomimiques (qui
copient ou reprennent gestes et mimiques des personnes, événements, objets), aux gestes sémantiques
(qui modulent, contrastent les informations contenues dans le message verbal).
- La mise en place de gestes ritualisés dans l’échange mère/enfant.
- L’utilisation des registres vocaux (prosodie, rythme, feed –back, et plus tard sur la morpho syntaxe et
le lexique).
Au plan affectif et imaginaire, les interactions affectives évidentes vont stimuler ou freiner
l’appétence de l’enfant face au langage, créer les interactions fantasmatiques.
Après l’éducation précoce
Pour aussi efficace qu’elle soit, l’éducation précoce ne prend tout son sens que si elle débouche sur une aide
concrète tout au long des étapes d’évolution de la personne : petite enfance, enfance, adolescence. La règle du
respect des étapes de l’évolution de l’enfant est claire : accompagner, aider, ne pas forcer, ni sur-stimuler. Le
plaisir tant chez le bébé que chez les parents est la condition sine qua non de la réussite ultérieure, le premier
pas d’une intégration réussie.
La "prévention" ou plutôt l’anticipation par le projet, sont les clés de toutes les prises en charge, quel que soit
l’âge de la personne. C’est en anticipant et en mettant en place les aides appropriées que l’on pourra limiter
ou même éviter bien des difficultés.
Le travail psycho-langagier accompli dans le respect de l’enfant lui permet d’être, de se construire, de
devenir… Il faut l’aider à se construire alors que la dimension "trisomie" va poser problème et des problèmes
particuliers à la personne. La dimension "Handicap Mental", n’est qu’une des variables que l’on a trop
longtemps cru première ; en effet c’est l’identité profonde de la personne qui est en jeu alors que celle ci est
sans cesse confrontée "au double miroir" : qui suis je ? où suis je ? moi qui suis une personne "ordinaire"
(premier miroir tendu) et moi qui suis atteint de trisomie (autre miroir) enfoui au fond de moi. Et, les
2 miroirs sont constamment présents, constamment tendus, ce depuis les premiers jours de vie, puis chaque

198
jour à chaque instant… L’orthophoniste devra encore apprendre à décoder les comportements d’appels trop
souvent interprétés en termes de "troubles comportementaux" alors que, le plus souvent, ce sont des com-
portements d’appel qui de plus sont en général le fait d’enfant n’ayant pas pu bénéficier des aides nécessaires
et qui n’ont pas "les mots pour dire" leur mal-être ou leurs difficultés.
Le travail auprès des enfants ou des adultes atteints de trisomie est l’aboutissement d’un long chemin à leurs
côtés. Ce travail est fait de techniques précises qui, si elles ne peuvent s’improviser, peuvent s’apprendre pour
être ensuite mises au service des personnes concernées selon les intérêts de chacune d’entre elles. Plus l’ex-
périence grandit, plus les complexités et les diversités apparaissent et plus on peut affiner les aides à proposer.
Il s’agit donc d’un travail où rien n’est jamais fini, dans une relation où chacun apprend de l’autre. L’éducation
précoce est la première étape, fondatrice, sur le chemin de l’accompagnement langagier de l’enfant, puis de
l’adolescent atteint de trisomie.
Et si l’intérêt de l’éducation précoce n’est plus à démontrer, il faut maintenant que celle ci soit expliquée, et
que les orthophonistes qui la dispensent, puissent se doter des outils, des formations suffisants pour être
efficaces. Une prise en charge précoce d’un enfant atteint de trisomie est une lourde responsabilité, elle
demande compétence et précision et ne peut s’improviser, au risque de tromper les parents et, plus grave,
d’invalider le devenir de l’enfant. Ainsi donc, la nécessité d’une éducation précoce est une réalité
incontournable qui ne peut être que le fait de professionnels avertis, au plan psycho langagier et intellectuel.
Le rôle de l’orthophoniste est fondateur.
Toutefois, c’est bien au delà du temps de l’éducation précoce que l’orthophoniste se doit d’accompagner la
personne atteinte de trisomie. Certes son rôle est évident durant toute la période scolaire et l’acquisition du
langage écrit, mais l’orthophoniste est présent lors de toutes les "charnières" évolutives de la personne :
- accompagnement à l’adolescence (qui est là encore un travail original, accompagnement
indispensable à la prise de conscience du handicap, qui diffère des accompagnements psycho-
thérapique et kinésithérapique), cet accompagnement à l’adolescence est capital pour la construction
de la personne et est la seule prévention connue aux évolutions péjoratives de l’âge adulte ;
- aide ponctuelle à des adultes en difficulté ;
- anticipation et maintien du langage (oral et écrit) en fin de vie adulte et avant même que l’évolution
vers la vieillesse ne se manifeste, et une fois de plus l’orthophoniste peut aider la personne et prévenir
les évolutions difficiles.
Conclusions
Si l’intérêt de l’éducation précoce n’est plus à démontrer aux professionnels, il faut encore que ceux-ci l’expliquent
aux parents. C’est une lourde responsabilité qui demande compétences et précisions et ne peut s’improviser, au
risque de tromper les parents et, plus grave, d’invalider le devenir de l’enfant.
Toutefois, c’est bien après le temps de l’éducation précoce que l’accompagnement de la personne atteinte de
trisomie prendra tout son sens en termes de qualité de vie. L’harmonisation de ces évolutions reviendra au
"référent", titre nouveau qui vient d’être crée à Lyon et qui s’adresse aux professionnels concernés
(psychologues, notamment) qui voudraient faire ce choix de l’accompagnement à la personne atteinte de
trisomie le long de ce chemin où elle est sans cesse confrontée au double miroir qui lui est tendu comme
"enfant ou personne" ordinaire et comme "enfant différent", qu’il est aussi. Dépasser cette dualité, et comme
le dit Kipling devenir "un homme est le défi qu’il nous appartient de relever si nous pensons que celui qui
diffère de nous loin de nous diminuer, nous augmente".

◆ Diverses contributions pour une réflexion sur l’intervention auprès des jeunes enfants porteurs de
trisomie 21
Extrait de Dialogoris de Antheunis P., Ercolani-Bertrand F, Roy S.6 :
Dans le syndrome de DOWN ou trisomie 21, ce sont les composantes phonologiques, lexicales, morpho-syn-
taxiques ainsi que l’organisation discursive qui sont atteintes, parallèlement à des problèmes de tonus et à une
déficience intellectuelle.

6
Orthophonistes.

199
En amont, l’intervention très précoce de l’orthophoniste vise le sourire intentionnel, le renforcement du tonus
de la langue, des lèvres et des joues, l’attention conjointe, le respect des tours conversationnels, l’initiation des
échanges.
Les travaux de Rondal et de Cuilleret sur ce syndrome ont démontré l’efficacité d’une intervention ortho-
phonique précoce, en situant à la fin du sixième mois l’ultime période où l’aide langagière atteint, à terme,
son efficacité maximale.
La période optimale de prise en charge se situe entre 2 et 4 mois.

Extrait des écrits de Vinter (2000) et Bigot (2000- 2003)


Devant le besoin de communication des enfants trisomiques et les difficultés de mise en place du langage,
Vinter (1999) préconise l’usage d’un moyen de communication augmentatif. Il peut faciliter l’accès au
langage.
Bigot - De- Comité (1999) rappelle l’importance de la stimulation des perceptions de tous ordres, de la mise
en place des routines et souligne trois approches complémentaires pour bâtir une intervention en orthophonie
• l’éducabilité cognitive développée dans le Plan d’éducation cognitive pour jeunes enfants de
Haywood(1986). Il s’appuie sur les travaux de Feurstein, Piaget et Vygotsky. L’éducateur ou le rééducateur
devient le médiateur qui va permettre à l’enfant d’acquérir des processus intellectuels (outils de pensée
logique) généralisables à toutes les situations.
• l’éducation perceptive : elle vise essentiellement à permettre à l’enfant de dépasser le stade de la perception
intuitive et globale et d’accéder à une décentration, qui rendra possible la représentation mentale et la sym-
bolisation.
Par des exercices gradués, l’enfant sera amené à affiner ses perceptions et à les organiser dans un ensemble
cohérent ; la verbalisation des rapports des éléments perçus renforcera la structuration des expériences et
permettra une généralisation à d’autres situations que la situation d’apprentissage.
• l’intervention communicative globale : elle consiste en l’utilisation simultanée de tous les modes d’ex-
pression, dans le but de maximaliser les échanges communicatifs par toutes les voies possibles, que ce soit
par la voie visuo-motrice pour le langage gestuel ou la voie auditivo-verbale pour le langage. Le langage
gestuel ou pictographique pourrait être une étape qui permet à l’enfant d’accéder au langage oral.
Cette réflexion sur des systèmes de communication non vocaux a été développée entre autres par Héral
(1987). Après avoir décrit un des systèmes, il souligne l’intérêt de le proposer comme alternative à la commu-
nication pour des enfants "non vocaux", comme moyen augmentatif pour certains enfants "vocaux" ; comme
moyen de structuration du langage oral chez beaucoup de sujets, voire chez de jeunes enfants présentant des
retards de développement ou des troubles du langage d’étiologies diverses, comme moyen temporaire de pré-
paration à d’autres codes visuels ou à d’autres systèmes plus complexes.
Laroche (2004), à la suite d’une étude portant sur l’expression gestuelle chez de jeunes enfants trisomiques
comparée aux enfants sans handicap, observe comme Miller (1992) que l’utilisation des gestes leur sert à aider
le message verbal qui, lui, est plus en difficultés.
Elle conclut qu’il est peut être souhaitable d’enseigner aux enfants trisomiques un langage gestuel précoce.

◆ La prise en charge orthophonique des enfants porteurs de syndromes tels les syndromes de Williams
Beuren, Prader Willi et X fragile
Antheunis, Ercolani-Bertrand et Roy notent que dans le syndrome de Williams Beuren, c’est la composante
pragmatique qui est atteinte ainsi que la compréhension morpho-syntaxique. Ces enfants sont capables de
construire des phrases correctes avec un vocabulaire étrangement érudit, mais n’ayant pas ou peu de valeur
conversationnelle (énoncés répétitifs, questions incessantes n’appelant pas de réponses, répétition en écho). Ils
ont donc des difficultés importantes pour participer aux échanges conversationnels et pour maintenir le
contact avec leur interlocuteur.
L’intervention orthophonique précoce vise cette composante pragmatique.
La perception des signes non verbaux et verbaux qui gèrent la conversation (prise de tours, pré conversation,
conversation…),

200
L’entraînement à l’utilisation des différentes fonctions du langage (répondre, demander, exprimer un besoin,
un avis, obtenir quelque chose…),
L’entraînement à l’adaptation au contexte et à l’interlocuteur (la synchronie entre locuteurs est normalement
déjà présente, de façon réduite, chez le bébé vingt minutes après sa naissance).
Je m’attarde sur les travaux de Karmiloff et coll. (2001) car ils illustrent par cet exemple des enfants affectés du
syndrome de Williams Beuren, le type d’études qui apportent des éléments de réflexions essentiels à l’ortho-
phoniste concernant sa recherche de compréhension des troubles dont souffrent les enfants d’une part et la
construction de son intervention d’autre part.
Ces auteurs nous invitent à considérer avec attention les travaux décrivant les troubles du langage présentés
par les enfants atteints de ce syndrome. Elles considèrent que "devant les particularités langagières présentées
par ces enfants, certains auteurs argumentent pour la thèse de l’existence dans le cerveau de modules spé-
cifiques, innés, voués au traitement de la grammaire …Cette thèse souffre de défauts. Elle implique, pour
commencer, qu’un cerveau atypique n’est rien d’autre qu’un cerveau normal dont certaines parties seulement
seraient altérées, et qui, pour le reste, est intact. Il n’en est rien. Depuis la conception et jusqu’à
l’embryogenèse et du développement cérébral post-natal, le cerveau des enfants atteints de SW se développe
différemment de celui des enfants normaux. Les délétions du chromosome 7 font défaut dans chaque cellule
de l’embryon affecté par le SW. Ainsi, dès le début, le cerveau se développe de manière atypique…Si nous
partons du principe que les cerveaux des enfants affectés par le syndrome de Williams suivent une trajectoire
développementale différente dès l’origine, on conçoit mal comment une région du néo-cortex pourrait suivre
une trajectoire séparée, normale, cependant que le reste du néo-cortex serait atteint…" Parmi les études
récentes, il apparaît que les compétences langagières apparemment spectaculaires de ces personnes qui
souffrent du syndrome de Williams pourraient être dues à une bonne mémoire plutôt qu’à un module
grammatical intact. De plus ils manifestent des différences bien réelles dans le domaine de la morphosyntaxe
complexe. Ils ne parviennent pas à se plier à la contrainte qui veut que l’on prenne l’objet comme un tout, ni
aux contraintes taxonomiques.
A la différence des enfants ordinaires, il leur arrive d’interpréter un mot nouveau comme s’il renvoyait à une
partie d’un objet plutôt qu’à l’objet tout entier. Ils ont également tendance à assigner le sens d’un mot
nouveau, non à la catégorie à laquelle il appartient, mais à sa couleur et à sa forme.
Pirchio et coll. (2003) étudient l’utilisation des gestes, tours de parole par les enfants atteints du syndrome de
Williams et des enfants atteints du syndrome de Down. Les enfants affectés par le SW, dans cette étude,
présentent des difficultés à produire des tours de parole appropriés du point de vue cognitif et linguistique. Ils
ne semblent pas avoir de difficultés spécifiques du point de vue de la connaissance et du contrôle des règles
d’alternance des tours de parole de la conversation. Les enfants souffrant du syndrome de Down utilisent les
gestes pour compenser leurs compétences langagières limitées.
La littérature spécialisée constitue des sources théoriques de plus en plus indispensables à l’orthophoniste pour
ajuster au mieux ses interventions.
Dans le syndrome de l’X fragile, le lexique est relativement préservé avec une atteinte variable des autres
composantes. Chez les garçons X fragile (dont 20% sont d’intelligence normale) les recherches indiquent des
difficultés pour les composantes phonologiques, morphosyntaxiques, pragmatiques et discursives avec des
capacités lexicales tant productives que réceptives relativement bonnes.
Un peu plus d’un tiers des femmes X fragile porteuses sont atteintes d’une variante du syndrome se
manifestant par des difficultés d’apprentissage et/ou un retard mental léger.
Les autres sont porteuses saines.
Ces enfants ont besoin d’un accompagnement adapté dès le plus jeune âge comprenant, entre autre, de
l’orthophonie pour aider l’expression et la compréhension, pour réduire la précipitation de la parole, les
dysrythmies et les stéréotypies verbales, ainsi que pour augmenter les prises de parole spontanées.
L’orthophoniste aide aussi précocement les parents à adapter leur comportement et leur langage afin qu’ils
puissent aider leur enfant à découvrir son environnement, à manipuler des objets, à diminuer son anxiété
grâce à des phrases courtes, simples, mieux comprises, exprimées dans le moment présent, au cours d’activités
concrètes stimulantes et restructurantes, répétitives, rassurantes et rituelles.

201
Dans le syndrome de Prader-Willi, le nouveau-né souffre d’une hypotonie sévère qui entraîne des troubles
de l’alimentation (succion, déglutition).
Certains comportements d’origine neurologique présentés par ces enfants ont un impact direct sur les
relations que les parents établissent avec leur tout petit : une incapacité à pleurer pour exprimer sa faim, son
inconfort ou sa protestation, un état persistant de somnolence, des troubles de l’attention, des troubles de la
mémoire auditive.
La prise en charge orthophonique précoce permet non seulement d’informer et de soutenir les parents, de leur
apporter des aides "techniques" concernant la déglutition et l’alimentation mais aussi de les conseiller afin de
les aider à mettre en place au quotidien des situations incitant leur enfant à devenir progressivement plus actif,
plus demandeur à prendre de plus en plus d’initiatives de communication.
D’une façon générale, ces orthophonistes font part de l’utilisation de la "fonction écho" lors de leur rencontre
avec l’enfant en présence des parents : elles proposent de s’adresser à l’enfant avec un objectif spécifique com-
plémentaire : agir sur ses parents de façon indirecte. L’orthophoniste se fait l’interprète du bébé : il se fait
l'"écho" du désir, des préférences, des attentes, des sentiments qu’il prête au bébé. Il parle au bébé mais le
contenu de ses paroles est destiné aux parents.
Le syndrome d’Angelman atteint filles et garçons, associe une déficience mentale profonde avec une absence
de langage, des troubles du comportement particuliers avec des accès de rires fréquents ; des symptômes
d’allure autistique sont fréquents : stéréotypie, hyperactivité ; des troubles de la communication non verbale
avec une incapacité à fixer l’attention.
Pour les enfants présentant des troubles du langage et cognitifs dans les tableaux étiopathogéniques suivants,
le bilan permettra d’orienter l’intervention de l’orthophoniste et dans la plupart des cas, il propose un travail
similaire à ce qui est décrit dans cette partie en tenant compte de la particularité manifestée dans les processus
d’apprentissage de ces enfants (retard mental plus ou moins accentué)
Les enfants souffrant du syndrome d’alcoolisme fœtal (origine acquise) présentent un retard staturo-
pondéral, un retard mental léger ou moyen, des troubles du comportement (Chevrier, 1988). Ce syndrome
est une des plus fréquentes causes identifiées de retard mental et concernerait entre 0,1 et 0,3% des enfants à
la naissance.
D’autres syndromes particularisent par leur étiologie les enfants qui sont suivis en éducation précoce, on peut
citer sans s’attarder : les encéphalopathies d’origine enzymatique (phénylcétonurie, maladie de Tay-Sachs, de
Nieman-Pick, de Hurler…) les malformations cérébrales (maladie de Crouzon, craniosténose…) les maladies
héréditaires où sont associés un syndrome neurologique et des manifestations cutanées (maladie de
Bourneville). Dans les encéphalites acquises on note entre autres la maladie de Schilder, les encéphalopathies
séquellaires (tumeurs cérébrales, intoxications diverses...) les séquelles de traumatisme crânien.
Les enfants présentant des séquelles de traumatisme crânien souffrent de troubles divers : les troubles intel-
lectuels sont en rapport avec la gravité du traumatisme (lorsque le coma dépasse 8 à 10 jours, ils sont très
fréquents) les troubles mnésiques sont importants avec amnésie de fixation ce qui peut donner des résultats
paradoxaux dans l’étude du fonctionnement mental : le raisonnement logique peut être conservé mais les
prémisses du raisonnement sont oubliées. Des troubles plus spécifiques sont possibles : troubles du langage,
dyspraxie fine, troubles de la reconnaissance des formes et de l’organisation spatiale.

◆ Exposés de pratiques orthophoniques dans un cadre institutionnel de type CAMSP


(Centre d’action médico-sociale précoce)
Descriptions de pratiques exercées par des orthophonistes dans des équipes pluridisciplinaires :
Synthèse à partir des documents adressés par A. Destarac, A. Faure et S. Guillaume 7
L’orthophoniste au sein des centres médicaux sociaux précoces est un des membres de l’équipe plurisci-
plinaire. Les CAMSP représentent le premier maillon de la chaîne des équipements sociaux et médico-
sociaux. Ce sont des établissements de prévention, de diagnostic, de soins et d'orientation pour les enfants de

7
A. Destarac, orthophoniste au CAMSP de Nîmes.

202
zéro à six ans, présentant des difficultés de développement ou une déficience entraînant un handicap. Certains
CAMSP sont spécialisés dans l'accueil d'un type de handicap (handicap social, handicap moteur...) Mais la
plupart d'entre eux sont polyvalents et ont pour mission : le dépistage et le diagnostic précoce des handicaps,
la prévention ou la réduction de l'aggravation de ces handicaps, la cure ambulatoire et la rééducation précoce
des enfants présentant ces handicaps, l'accompagnement des familles et le soutien à l'adaptation sociale et
éducative, l'orientation de l'enfant.
Les équipes développent des propositions qui peuvent prendre différentes formes ; de ce fait les modalités du
fonctionnement de l’orthophoniste différent également.
Les orthophonistes citées dans ce texte ont à prendre en charge des jeunes enfants porteurs de maladies
génétiques (trisomie, Prader-Willi, X fragile, Klinefelter, Di Georges, et autres plus rares ou non dia-
gnostiquées) ; des enfants à handicap moteur (IMC, tétraplégie spastique, hypotonie massive, pour le
handicap, myopathies.) des enfants souffrant de troubles neurologiques (séquelle d'accidents cérébraux
néonataux variés, épilepsie, maladies dégénératives) ; des enfants à risques secondaires après une grande pré-
maturité ; des enfants souffrant de troubles psychoaffectifs.
Ainsi A. Destarac, précise que sa pratique est composée des activités suivantes :
Accompagnement parental : rencontres régulières constituées de discussions avec la famille autour de jeux
avec l'enfant.
Surveillance : bilan tous les trois ou six mois afin de surveiller l'évolution, et de faire émerger une demande de
la famille le cas échéant.
Rééducation individuelle hebdomadaire ou bihebdomadaire en présence d'un parent. Participation à un
atelier accueillant plusieurs enfants, en collaboration avec un autre professionnel (éducateur psychomotricien
psychologue).
Accompagnement d'un enfant lors d'une activité régulière (socialisation, scolarisation)
Les séances peuvent se dérouler dans les locaux du CAMSP, ou à l’extérieur : au domicile de la famille de la
nourrice dans le lieu de socialisation ou à l'école.
A. Faure8 souligne que l’accueil des enfants et de leur famille se fait en deux temps :
Les premiers contacts ont lieu dans le cadre des séances de kinésithérapie ; puis après trois ou quatre séances,
elle met en place des séances mensuelles dans le cadre thérapeutique de l'orthophoniste en présence des
parents.
Pour sa part S. Guillaume9, participe à des moments "d’accueil" à deux praticiens (médecin orthophoniste) ;
reçoit des enfants dans un groupe d'observations avec un collègue psychomotricien ; propose un groupe "éveil
à la communication" (psychomotricité et orthophonie) et intervient en séances "parents enfants" pour les plus
jeunes enfants et avec les enfants seuls.
Concernant leurs pratiques professionnelles : A.Desterac articule ses principaux objectifs (qui sont : favoriser
la communication sociale précoce et l’émergence du langage et de la parole, développer la motricité de la
sphère oro-faciale et des mains, éviter les difficultés liée à l’alimentation) à des outils variés qu’elle a construits
à la suite de formations, de lecture d’ouvrages spécialisés et de rencontres. Elle cite la dynamique naturelle de
la parole pour stimuler l’oralisation et la discrimination auditive ; le programme Hanen pour aider la famille
et les intervenants à stimuler la communication pré-verbale ; le recours à la technique des photos de famille,
d’objets ou des activités, pour travailler la représentation, le signifiant, et la narration ; l’utilisation de jeux
d'enfant, surtout la chanson, les onomatopées, les jeux de bouche et les jeux d'imitation.
A. Faure, expose les domaines qu’elle observe au cours des premières séances menées avec le kinésithérapeute.
Les discussions lors de l’entretien avec les parents qui assistent aux séances les amènent à parler de différents
points comme : l'alimentation (gavage ou non, mode biberon ou cuiller, palette alimentaire, bavages, régur-
gitations) à observer comment l’enfant babille (localisation, énoncés vocoïdes, combinaisons contoïdes/vocoïdes,
babillage canonique),les éléments prosodiques la prosodie. L’orthophoniste repére la nature des premiers
mots ; le désir de communication : (comment l’enfant sollicite ses parents) demande des informations sur les

8
Orthophoniste au CAMSP de Firminy.
9
Orthophoniste au CAMSP de Châlons sur Sâone.

203
activités préférées de l’enfant. Elle évalue les réactions à son prénom, la capacité d’attention conjointe, la
poursuite visuelle, son intérêt pour l'objet, son niveau de préhension, ses capacités d'imitation immédiate et
également sa compréhension de consigne.
Elle fait une évaluation de la demande parentale par rapport au langage.
Puis dans le cadre des séances orthophoniques mensuelles, elle propose deux temps de travail : une
intervention directe auprès de l'enfant à laquelle les parents sont invités à participer ; un échange avec les
parents pendant un jeu libre de l'enfant.
Elle rencontre le jeune enfant à l’occasion une situation ludique: à travers différents jeux de stimulations (jeu
de mises en situation avec personnages, ou animaux pour les plus grands, jeu de construction ; jeu premier
âge, jouets sonores). Lors des interactions parents enfants, orthophoniste enfants, elle peut observer les
attitudes de communication des enfants et les mettre en mots c'est-à-dire souligner aux parents les outils de
communication utilisés par l'enfant (gestualité, mimique bruitages etc). Elle insiste sur le fait que ces moyens
palliatifs sont importants et sont à encourager comme support à l’oralisation.
Ensuite le temps d’échange avec les parents autour du quotidien lui permet de développer des conseils quant à
l’utilisation des situations de la vie quotidienne pour stimuler l'enfant et éviter d'être dans le "trop éducatif"
(Rondal, 1986) ; quant à l'alimentation si nécessaire en développant des conseils selon les approches de Senez
et Bobath (positionnement pendant le repas, choix des aliments, texture mixée ou non, travail de mastication,
travail du réflexe nauséeux s’il y a une hypersensibilité buccale, travail des muscles labiaux et vélopharyngés).
Des repères en termes d’informations sur le développement normal sont indiqués : de la communication non
verbale à la communication verbale (Boysson-Bardies, 1996).
Elle propose des outils d'évaluation des capacités de l'enfant sous forme de fiches élaborées à partir de
l'ouvrage de Manolson (1985) :"Parler, un jeu à deux" et du programme Hanen et ou encore élaborées à
partir de l'ouvrage de Rondal (1986).
Elle conseille l’élaboration à la maison de l’imagier illustrant les premiers mots.
Ce travail d'accompagnement peut durer jusqu'à l'âge de deux ans environ suivant l'évolution de l'enfant qui
sera ensuite suivi seul.
S. Guillaume inscrit sa pratique dans des références théoriques instrumentales et développementales (Borel-
Maisonny et Piaget). Au fur et à mesure de son activité professionnelle, ses références sont devenues celles de
la pédagogie relationnelle du langage (Chassagny). L'orthophoniste s'interroge sur le "comment faire" plutôt
que "sur le faire". Elle s’appuie sur une approche plus globale des difficultés de langage, de la méthode Hanen
destinée aux parents, et élargit ses références au cadre thérapeutique psychanalytique. Actuellement il lui
semble important de se former sur les théories de neuropsychopathologiques des troubles du langage et des
apprentissages.

◆ Exposé d’une pratique orthophonique selon La Dynamique Naturelle de la Parole


Texte de Catherine de Guerbet, orthophoniste10.
La dynamique naturelle de la parole ou libération de la parole par une libération du geste : un moyen précieux
au service de l'éducation précoce.
La Libération de la Parole par une libération du geste est une formation qui offre à celui qui la suit des
moyens pour donner à voir, sentir et toucher la parole et une attitude qui favorise l'émergence de la parole.
Pour cela, elle se fonde sur l'anthropologie de Marcel Jousse et plus particulièrement sur ses réflexions
concernant le rythme de la parole et la transmission orale telle qu'elle existait dans les milieux ruraux et peu
alphabétisés. Elle se fonde également sur la méthode verbotonale de Gubérina et les grands mouvements
générateurs de la parole étudiée selon leur tonus, leur ouverture et leur durée et qui utilisent le corps dans sa
globalité et dans son bilatéralisme. Elle se fonde également sur la méthode Martinot qui enseigne l'art du
dessin et de la musique par une approche à travers le corps entier et avec les deux mains rejoignant la globalité
et le bilatérisme de Marcel Jousse. La méthode Martinot insiste sur la qualité du ressenti : que le corps soit

10
CAMSP de Roubaix.

204
disponible, qu’il puisse s'imprégner de ce qu'il ressortira, de ce qu'il exprimera ensuite. Mme Martinot tire
profit d'expérience de relaxation et aussi de l'esprit de l’Art Japonais : pinceau japonais et Zen.
Pour le très jeune enfant, quelle chance de ne rien devoir exiger, de pouvoir lui présenter des moyens d’expé-
rimenter la parole avant même qu'il ne soit capable de la produire. Que de stimulations cognitives riches et
profitables dont on accueillera les fruits jusqu'à l'acquisition de la lecture parfois. Quelle chance aussi quand
les parents retrouvent confiance dans ce qu'ils peuvent apporter à leur enfant en difficulté en jouant la parole
avec lui. Quelle chance quand les différents professionnels d'une équipe pluridisciplinaire possèdent ces outils
qui leur permettent de travailler main dans la main : l'ergothérapeute joue avec la parole pour délier les
doigts, libérer le geste, stimuler la coordination oculomanuelle. La psychomotricienne joue la parole pour
travailler le rythme, l'attention, la maîtrise du geste sur tant "de parcours pour la parole". L'éducatrice joue la
parole pour faire mémoire de ce que vit l'enfant, elle profite de la pédagogie tirée de l'expression artistique.
L'orthophoniste bénéficie d'un moyen solide et logique de donner à voir toutes les difficultés de la parole puis
de la syntaxe. La structure syllabique de base est une aubaine notamment dans le cadre de la dysphasie.
L’approche multisensorielle est propice à la rééducation des enfants présentant un retard mental. L'approche
par l'art et le jeu est le terrain idéal des interventions auprès d'enfants présentant ou risquant de présenter des
troubles de l'oralité, etc. La Dynamique Naturelle de la Parole propose ainsi une éducation de la parole par
l’Art et par le jeu, l'enfant est invité à jouer la parole par le mouvement qu’il voit ou qu'il réalise, il ressent par
le canal visuel ou kinesthésique que la consonne est mouvement et que la voyelle est ouverture, trajet. Le
massage des consonnes dans son dos lui permet également de ressentir, de mémoriser, de différencier les
pulsions phonétiques de chaque consonne, ces pulsions phonétiques qui sont le principe d'un macro-
mouvement directement comparable avec le micromouvement de l'articulation de chaque consonne.
L'introduction d'une couleur par voyelle associée à son trajet autour de notre corps permet rapidement de
jouer la syllabe unité de la parole. Ainsi le soleil des trajets des voyelles autour du corps peut être chanté, dansé
et donné à voir par des rayons de couleur. Puis les mains imprégnées de peinture de la couleur de la voyelle
choisie et exprimant une pulsion phonétique laisseront sur le papier une petite trace du grand mouvement
générateur de la parole : l'explosion du [pa] en 1000 gouttelettes rouges et l'explosion du [pi] en 1000 gout-
telettes vertes. Quoi de plus naturel alors que de dérouler les syllabes du haut en bas (à la japonaise) pour
donner à voir la trace de "Papi" et de jouer avec ces traces en couleur : la parole passe dans les mains. On lui
associe du sens. Sans oublier combien le rythme est le support de toute parole, de toute intonation, on donne
à sentir en massages, en marche, en bercements, danses et jeux multiples des longues, des semi-brèves et des
brèves. On donne à vivre, sentir et entendre la musique de la parole : comme des moules rythmiques de la
parole.
"Bonjour" = vite long
"Aurélie"= vite vite long
"Comment vas-tu ?"= vite vite vite long
"Hier matin, je suis allée chez Papi" vite vite marche vite vite vite vite vite vite marche.
La DNP est donc une dynamique ludique et artistique qui s’offre à toute personne confrontée à des enfants
en difficultés de parole.
◆ Une approche orthophonique spécifique intitulée un ajustement "protologique" et prélangagier
(en complément aux pratiques exposées dans ce chapitre)
Démarche proposée par Lydie Morel, orthophoniste
Dans cet écrit, il sera proposé une démarche orthophonique colorée entre autres par les arguments théoriques
suivants : l’émergence du langage est contemporaine du moment où d’une part l’enfant devient capable
d’attribuer une fonction différente à un objet ou à un schème et d’autre part où il coordonne ses actions en
outil. Pour parvenir à cette étape de développement, le jeune enfant a extrait des invariants fondamentaux
concernant ses expériences avec son environnement et est capable d’anticipation.
Ainsi conduire de jeunes enfants porteurs de déficience mentale vers le langage, c’est observer attentivement

1
Membre de Cogi’Act.

205
les enfants dans leurs relations spontanées aux "choses" et reconnaître leurs propres préoccupations
prélogiques puis c’est cheminer avec eux dans la construction de l’aspect "protologique" du développement
cognitif, c’est leur proposer une enveloppe langagière traduisant les régularités vécues en séance ; les effets de
leurs actions et des relations qu’ils entretiennent aux objets, les liens entre des situations. L’aspect protologique
du développement cognitif (expression empruntée à Sastre et Verba (2001)) fait référence à la construction de
certitudes sur ses propres actions et sur les relations que les choses entretiennent. J’appelle "ajustement
protologique" la conduite de l’adulte qui prend appui sur une conduite de l’enfant traduisant sa préoc-
cupation cognitive et la coordonne à une de son répertoire. C’est un tissage de sens.
Liée à d’autres approches, cette démarche appelée "ajustement protologique et pré langagier" permet de :
- tisser un espace où l’objet peut devenir un objet à propos duquel on peut penser et signifier.
- favoriser le développement du langage dans sa dimension de lien entre champ "du réel" et champ
"du mental".
Quelques éléments de réflexion précisant mon intervention dans le cadre de l’accompagnement parental
seront exposés.
Aspect historico clinique de cette approche
Il est fréquent depuis quelques années de trouver dans la littérature que l’accès au langage des jeunes enfants
trisomiques est facilitée par leur positionnement’ mental’ face aux objets. Récemment Bigot (2002) indique :
"Le positionnement en tant que sujet conditionne la capacité de décentration et la capacité à percevoir les
liens qui régissent les relations entre les actions et les sujets ou entre les sujets entre eux" et plus anté-
rieurement Rondal (1986) souligne l’importance de la construction de la permanence de l’objet. Et pourtant
à part les travaux de Rondal exposés précédemment, il est fait peu place dans les écrits des orthophonistes à
une articulation entre ces arguments et une construction d’une démarche d’éducation précoce au langage
explorant activement cette dimension de nécessaires constructions sensori-motrices. On trouve ce regard dans
des échelles d’évaluation par exemple celle proposée par Rondal (1986) ou celle composant le Guide Portage.
Les rééducations qui sont préconisées par ces auteurs conduisent à des programmes d’apprentissage des
conduites manquantes. On se trouve, il me semble, sur une approche de type performances à atteindre ou
acquisitions terminales.
Cette instrumentation de l’intervention orthophonique ne m’a pas convenu quand j’ai commencé à travailler
auprès de jeunes enfants trisomiques. Car ce qui, à mon sens, était important à mobiliser de façon prioritaire
chez le jeune enfant trisomique ou handicapé mental, était le fonctionnement de la pensée afin de lui
permettre de se construire une compréhension interne du monde et de la communiquer à l’autre. Les
aspects développés par Chatelanat (1981), (article exposant des réflexions méthodologiques et théoriques lors
de l’élaboration d’un système d’observation), ont davantage retenu mon attention et m’ont permis d’asseoir
dans un premier temps la démarche que je proposais à l’enfant et sa famille. Elle souligne "Si, en tant qu'acte
de communication et instrument pour classifier et pour représenter l'expérience, le langage a ses racines dans
la période pré-linguistique, l'intervention dans ce domaine doit nécessairement tenir compte de la manière
dont l'enfant handicapé parvient à organiser ses conduites sensorimotrices. Et si les liens entre commu-
nication, intelligence sensorimotrice et langage peuvent être précisées dans le cas du développement de
l'enfant handicapé mental, un programme d'apprentissage linguistique devrait déjà faire partie intégrante
d'une intervention éducative précoce qui serait alors centrée sur l'ensemble des conduites sensorimotrices."
J’ai décidé d’orienter mes observations des enfants et mes réflexions pour construire ma démarche en
considérant "le cadre de référence piagétien non pas comme une somme d’entités indépendantes les unes des
autres (permanence de l’objet, construction de l’espace, relations causales, relations moyens/buts, imitation)
mais comme une interrelation entre ces domaines"
Cette approche a été confortée lorsque recevant des enfants un peu plus âgés, je remarquai que le vocabulaire
appris par imitation de l’adulte n’était pas du tout mobilisé par l’enfant dans les situations qui pourtant le
réclamaient, de plus leurs conduites spontanées devant l’objet étaient limitées à des actions simples. Les
lectures des travaux de Piaget (1947, 1936), de Lézine et coll. (1990), les enseignements des orthophonistes,
Monique Cuilleret et Francine Jaulin-Mannoni, on été complétés par ma recherche de compréhension des
relations entre le développement des premiers raisonnements et l’émergence du langage ; pour ce faire je me

206
suis tournée vers les travaux entre autres de Pinôl Douriez (1984) ; Gibello (1984), Schmid-Kitsikis (1995).
Ceci m’a conduit à me situer dans un champ théorique constructiviste et m’a amenée à développer une
approche centrée sur le développement général des coordinations sensori-motrices (Morel, 1987). En suivant
les hypothèses de Inhelder et coll. (1975) " Si la permanence des objets et la connaissance de leurs propriétés
constituent sans doute une condition nécessaire à l’acquisition du lexique, il se peut que ce soit la structure
d’organisation des actions elle-même qui rende possible l’élaboration d’une syntaxe", il m’a paru essentiel
d’observer le fonctionnement cognitif des enfants et de proposer des situations sollicitant des organisations
d’actions, des coordinations de schèmes, des besoins de régulation sensori-motrice. (Morel et col. 2000).
Cette centration de l’orthophoniste sur la relation que l’enfant entretient à l’objet et le besoin de
l’objectiver par des mots est l’élément central dans la construction de mon intervention. On peut s’arrêter
sur une conduite tirée de l’article Morel et col. (2000) (article faisant référence à des conduites de 24 enfants
et adolescents trisomiques recueillis lors de situations problèmes sensori-motrices où nous avions cherché à
comprendre la relation que les enfants entretenaient à l’objet). Nous avions relevé que certains enfants dans
une situation où il s’agissait de placer ses mains pour arrêter une balle sortant d’un tube, avaient manifesté la
conduite suivante : ils énonçaient le mot "arrête" sans amorce de geste pour recueillir la balle, comme si le
mot était chargé d’arrêter la course de la balle. D’une façon générale et au delà de cette observation rapportée,
nous avions exprimé l’hypothèse que les enfants semblaient être dans un efficace qui ne se décentre pas, qui
reste centré sur les gestes propres ou les mots, qui ne s'objective pas, ne se spatialise pas et ne se transfère pas
sur les intermédiaires.
Les conduites que nous avions pu observer font écho à de nombreuses observations rapportées par des ortho-
phonistes travaillant auprès d’enfants porteurs de trisomie 21 ou atteints de graves pathologies, et traduites
souvent en termes de "c'est comme si les enfants déficients ne parvenaient pas à imaginer qu'il faut faire
quelque chose avant d'obtenir un résultat..."
"Comme s'il y avait une résistance à modifier ses schèmes qui permet à l’enfant d'entrer en matière et de
considérer les situations." (Paunier et coll.1986) Il ne me semblait pas pouvoir agir sur cette dimension de
compréhension des relations que les choses entretiennent les unes aux autres par des apprentissages de
"comment faire" ni par des explicitations langagières.
C’est ainsi qu’au fur et à mesure du travail avec les jeunes enfants je développai cet axe particulier d’une
intervention orthophonique non directement centrée sur le langage et pourtant essentielle au langage. Cette
approche dynamique du fonctionnement de pensée de l’enfant m’amène à essayer d’entrevoir au travers de ses
conduites avec les objets : comment il comprend le monde qui l’entoure ; de quels éléments de sa langue a-t-
il besoin ? Et/ou comment s’empare-t-il de sa langue pour en rendre compte ?
Les points théoriques sous tendant la démarche.
Je souligne dans ce paragraphe des points fondamentaux qui pour quelques uns ont déjà été abordés
précédemment ; mais comme je l’ai précisé en introduction, ils sont développés dans la cohérence de l’arti-
culation théorico-clinique proposée par chaque orthophoniste.

• Importance de la construction de permanences et d’invariants en lien avec la dynamique de construction


des connaissances : du connu à l'inconnu.
La recherche de permanence c'est-à-dire de régularité fait partie du processus de vie. Certains enfants sont
en quête de permanence de leurs actions ou permanences des propriétés des objets. Ils s'approprient cette
quête sous une ou deux actions privilégiées. Certains autres peuvent être en quête de permanence sensori-
tonique ; ils ne sont pas dans un rapport à l'objet, ils sont dans la récupération de sensations motrices. Ils
tournent sur eux, se cognent. Et nous avons à considérer cette recherche d'eux mêmes avec beaucoup
d'attention et à proposer la permanence de nos schèmes afin de leur assurer qu'une permanence intérieure
peut exister et est vécue par autrui. Ce point est constitutif de la façon dont je vais observer l’enfant porteur
de handicap et orienter ensuite mon intervention. Je développerai cette articulation dans la partie modalités
de l’intervention. Des travaux de Livoir-Petersen (1995) je retiens :
"L'idée qui charpente l'ensemble, commune à tout bébé ordinaire ou autiste, et que la possibilité de
retrouver dans ces interactions avec l'environnement des correspondances déjà établies constitue une

207
condition nécessaire au développement de la Psyché. Son insuffisance créée un besoin de répétition : le bébé
tend alors à instaurer des reproductions à l'identique qui empêchent, pour tout ou partie, la complexi-
fication de sa vie mentale. Il tend à privilégier la répétition de ce qu'il a découvert."
"Le sujet ne regarde ni le trop connu, parce qu'il en est en quelque sorte saturé, ni le trop nouveau parce que
cela ne correspond en rien dans ses schèmes." (Piaget, 1937)
"Nous considérerons que la possibilité de comparer est un des pré requis au développement de la pensée,
cette nécessité impose à tout enfant d'en appeler au déjà connu pour penser ce qui se passe. L'écart entre
l'attendu et le perçu n’est pris en compte que lorsqu'il est recherché ou lorsqu'il s'impose comme un
obstacle au détour du chemin ; l'enfant y est alors confronté. L'impossibilité de rapporter l'actuel au connu
est source d'un sentiment d’angoisse et qui devient envahissant jusqu’à devenir une menace de désorga-
nisation.
Lorsque la pression de l'environnement se maintient de façon prolongée au-delà de ses capacités
d'intégration mentale le bébé peut soutenir sa tentative de rapporter ce qui lui arrive à ce qu'il connaît par
des actions qui ont un caractère persistant (contemplation) ou répétitif (stéréotypies).Les comportements
répétitifs rendent possible la comparaison et permettent de sauver l'organisation préexistante de la Psyché.
La répétition n'est pas la reproduction de l'identique : elle s'inscrit dans le temps et de ce fait ne peut se
faire à l'identique. Éventuellement elle tend à l'identique. Plus la menace de désorganisation de l'activité
psychique est grande, plus l'appel au même est impérieux. Les répétitions qui traduisent des appels au même
ne sont conservées que dans la mesure où est elles sont culturellement acceptables (sucer le pouce) ou
tolérable (tortillomanie).
Les comportements répétitifs de l'enfant sont habituellement constatés, commentés et influencés par les
adultes dans le sens d'une ouverture à la nouveauté. C’est donc dès le début de la vie que se pose pour le
bébé le problème d'instaurer des rapports de similitudes entre ce qu’il porte et le milieu dans lequel il vit. Ce
problème a deux composantes indissolublement liées : pour qu'il puisse établir des relations avec son milieu
et que celles-ci se complexifient, il faut qu'une part de ses anticipations soit fondée et qu'une autre part ne le
soit pas et soit reconnue comme tel. Les écarts avec l'attendu, écarts nécessairement toujours présents, ne
sont perçus que dans certaines conditions : l’activité et le degré de nouveauté sont déterminants. Un
décalage trop important par rapport à ce qu'il anticipe entraîne un agrippement à ce qu'il connaît. Cela
nécessite de se protéger d'une désorganisation mentale qui conduit le bébé à faire activement appel au
même, il y a alors répétition. C’est le jeu qui lui permet de sortir des pièges qu'elle renferme : l'inflé-
chissement et le retard de son développement".
D’une façon générale "Les invariants comptent parmi les conditions nécessaires à l’être du sujet. Cette cons-
titution d’invariants porte sur des schèmes d’action, sur l’élaboration de soi, sur l’existence de l’objet
physique, sur l’appréciation des quantités physiques, sur la mise au point de concepts logico-mathé-
matiques, sur la perception de rapports spatiaux et temporels, sur le jeu des phénomènes transitionnels. Tout
développement psychique peut être vu à la lumière de la notion d’invariant. La construction des invariants
est au cœur des principes de permanence et de continuité qui structurent l’appareil psychique. Ils
garantissent pour une part l’évolution du sujet vers la connaissance. Ils font partie des conditions psychologiques
qui permettent au sujet d’organiser par coordinations successives le flux des enchaînements événementiels
dans lesquels il se trouve plongé." Bernardi (1980)
• "Etre cause de" et "transformer" sont des préalables nécessaires à l'installation de certitudes ou
d'invariants concernant les objets d'une part, les propriétés des objets et des relations d'autre part.
Cette construction de certitudes installe progressivement l'objet dans un statut d'objet sur lequel il est
possible de penser sans attenter à son identité. (Paunier et coll.1986))
L’enfant, devant des objets suffisamment stables, les considère dans des mises en relation, réalise des coor-
dinations d'actions et de relations, extrait des invariants lié aux propriétés des objets, des actions, propriétés
des relations que les objets entretiennent entre eux.
Ces invariants deviennent alors des outils pour appréhender le réel et lui permettent de se construire des
représentations.
• Invariants cognitifs et objectivation de l’expérience.
La connaissance des relations entre la capacité de repérer des régularités concernant les propriétés de ses

208
actions, les propriétés des relations que les objets entretiennent entre eux et celle de rechercher dans sa
langue les mots les objectivant m’amène à développer une approche pré-logique, à privilégier certains objets
qui seront "prétexte" à développer des explorations pré-logiques et pré-physiques. L’enfant va passer d’un
rapport à l’objet où l’action et l’objet étaient peu différenciés à un rapport où l’objet est comparé, installé
dans une succession temporelle, installé dans un espace autrement dit dans un rapport où l’objet est devenu
objet à penser. Ce qui lui permet de comparer, d’anticiper, d’installer l’objet dans une succession temporelle,
de collectionner, etc…
Sur le plan de l’évolution du langage : lorsque action et objet ne sont pas encore bien différenciés, l’enfant
est dans une utilisation du langage sous forme de désignation qui lui permet de s’installer dans son rôle de
locuteur par l’emploi de protosignes, d’imitation immédiate des mots de son entourage ou imitations
différées et par la désignation de ses visées. Lorsque action et objet sont bien différenciés, il va manifester sa
capacité d’utiliser le langage dans sa fonction de lier des faits. Bonnet (1981) rapporte : "Anouk 15 mois dit
"papa". Une heure après avoir vu son père sortir lorsqu’elle entend de la musique dans la pièce voisine (cette
activité est le plus souvent paternelle). Le mot papa traduit la relation qu'elle a établie entre la musique et la
présence de son papa. Elle utilise une connaissance : "papa met la musique je le vois souvent", pour établir
une implication signifiant que : si musique alors papa."
Malrieu (1977) souligne : qu’à cette période l’enfant passe à une signification non seulement de l’action
mais de la différence entre cette action par rapport à une autre possible ou la précédente. Si on s’arrête sur
ces deux énoncés produits à quelques semaines d’intervalle "mets" et "mets aut" : par "aut" l’enfant (1 an et
1mois) désigne le changement, il se centre sur l’objet de l’action et non plus sur l’action elle-même, ou
encore devant l’énoncé de l’enfant (2 ans 4mois) " i mange du lait" : en précisant du lait, il affirme l’objet
qui est en jeu. Là aussi, il est décentré de l’action, il a compris que le verbe seul est insuffisant.
Parallèlement à ses explorations sensori-motrices qui deviennent des coordinations et organisations
d’actions, des inventions, (en même temps qu’il affirme son autonomie), l’enfant tend à signifier qu’une
action est en cours, qu’un changement intervient, doit intervenir ou est intervenu : notons la dimension
temporelle dans ces énoncés. à 2 ans "pati"
"Ça tourne" à 2 ans 2 mois ; "Là i rentre pas" à 2 ans 3 mois ; "Autre", "deux" "beaucoup" "Gros", "petit",
"joli" à 2 ans 3 mois. Le langage est chargé de formuler les problèmes posés, de les préciser en les
objectivant. Malrieu souligne comment l’enfant devient capable de faire entendre à autrui qu’une action
doit avoir lieu avant une autre, qu’il faut différer celle-ci. Comment devenant capable de construire la repré-
sentation de possibles, il s’accroche aux mots d’explicitation de la cause finale : pourquoi, parce que.
S’installant dans une causalité de plus en plus objectivée il marque linguistiquement qu’un acte dépend
d’une situation comme dans la subordination temporelle ou dans une relation d’implication entre
deux événements.
Tout au long de ce développement on note que ce qui est à signifier est constitué d’abord par les relations
que l’enfant entretient à une situation présente, passée, future puis aux relations qui existent pour l’enfant
entre deux situations.
Bonnet et coll (1984) soulignent comment l’enfant étant capable de poser une situation de référence, prend
en compte la relation temporelle qui existe entre la situation d’énonciation et les paroles que l'enfant cite : J.
P. deux ans : "elle sera bien contente, elle dira : il est bien gentil".Il marque à l'aide des morphèmes
temporels une antériorité ou une postériorité en prenant la situation d’énonciation comme point de
référence.
• De l’importance de tenir compte de la contemporanéité de certaines conduites sensori-motrices et de
conduites langagières.
Voir cadres théoriques de la première partie du chapitre
Je retiens pour mon intervention que l’émergence du langage est contemporaine du moment où l'enfant
peut attribuer :
- une fonction différente à un objet ; par exemple, un objet qui a été installé dans une fonction de contenant
devient un outil pour transporter,
- ou une fonction différente à un schème : exemple le schème "mettre dans" évolue vers remplir, ou encore
enfiler un tuyau dans un autre évolue vers cacher l’un des deux dans un tuyau.

209
Et du moment où il coordonne des schèmes.
Ce qui m’amène à faire l’hypothèse que lorsque l’enfant est dans une relation au monde du type action/effet
immédiat, il ne peut pas détourner un objet de sa fonction, ou un schème de sa fonction, de son effet
immédiat. Il n’est pas dans un rapport différé à l’objet, son langage sera du type effet immédiat : mot lié à
l’objet, c’est l’étape de la désignation. Il n’est pas en besoin de devoir signifier des transformations, des liens
entre deux situations. Il n’est pas en réel besoin de sémiotiser.
Tant qu’il n’est pas dans la période du faire –semblant contemporaine de conduites de coordinations et de
conduites d’utilisation d’intermédiaires ou d’outils, il n’y a pas d’espace pour le langage en tant porteur d’une
expérience, dans sa dimension d’objectivation, de "véhicule" de représentations possiblement partageables
avec autrui.

• Importance de tenir compte des relations entre le contenu des verbalisations et la nature des actions et
des objets impliqués dans le jeu pour faire un lien entre nos observations constituées des conduites lan-
gagières d’une part et des conduites cognitives d’autre part.
Veneziano (2003) précise à quel moment de jeu non symbolique ou symbolique apparaissent les verba-
lisations descriptives et les verbalisations informatives où le langage devient créateur de situations fictives.
Cette relation constitue un argument pour l'orthophoniste qui décide de travailler sur les aspects langagiers
non pas à partir de sollicitation directe sur le langage mais à partir de sollicitation sur les coordinations
d'actions.
Le cadre de l’intervention orthophonique.
Les modalités de mon intervention s’accrochent, pour la partie conduite de l’interaction avec l’enfant, à la
notion d’étayage ou d’ajustement définie par Sastre (2001) "par ajustement, on entend que les propositions
et interventions de l’adulte restent à un niveau accessible au novice, tout en dépassant les réalisations
actuelles." Ainsi que sur l’hypothèse étayée par les études de Sastre qui montrent que " si l’adulte suit
l’intérêt de l’enfant trisomique et fait des propositions conformes à ces intérêts tout en restant à un niveau
très proche de ce qu’il peut produire, l’enfant progresse pas à pas dans son exploration." Ce type d’in-
tervention doit se baser sur des indices objectifs du fonctionnement cognitif au cours de l’interaction et
fournir ainsi des propositions d’action dans la "zone de sensibilité" de l’enfant. (Wood, 1989)
Il va s’agir d’aménager des situations "invitation à agir" : l’enfant nous laisse à voir et à entendre son
expérience et l’orthophoniste se met en recherche de compréhension du rapport que l’enfant entretient à
l’objet et de son besoin et de sa capacité de le signifier.
Pour cette recherche de compréhension de la construction cognitive de l’enfant, je filme et j’opère "…un
découpage en séquences des données d’observation, permettant une analyse de leur enchaînement…"
(Saada-Robert,1991).
• Recueil des observations sur le plan prélogique. Je choisis le matériel de façon à permettre des
explorations en terme d’actions simples avec effet immédiat, d’actions juxtaposées, de coordinations
d’actions.
Je vais recueillir des informations sur la manière dont l’enfant prend connaissance d’un objet, par quel
schème il l’assimile, comment il s’ajuste si l’effet n’est pas celui attendu ; quelles relations il joue avec
plusieurs objets, s’il peut changer de fonction à un objet, modifier une organisation d’actions.
Ces observations sont traduites sous l’angle d’un fonctionnement sensori-moteur :
- actions simples, actions réitérées ; actions juxtaposées,
- différenciations d’actions selon les objets,
- différenciations d’objets en fonction d’anticipation de résultats,
- itérations de mêmes actions sans ou avec recherche d’un effet, du même effet ; expérimentations d’actions.
- invention de relations entre objets, utilisation d’actions intermédiaire ou d’objets en outil ;
- explorations de relations endroit/envers avec faire/défaire et avec alternances de fonction actif/passif
de certains objets ; (Saada-Robert, 1991),
- apparition d’organisations d’actions sur des objets produisant des mises en relation simultanées ou
successives.

210
• Recueil des observations sur le plan langagier
Ayant recueilli les énoncés produits par l’enfant, je vais essayer de comprendre :
- comment l’enfant désigne sa propre relation à la situation. Pour ce faire je vais m’interroger sur la
fonction de ses productions pré langagières ou langagières, en repérant les moments de leur
énonciation : devant l’objet, pendant l’action, juste avant, juste après, avec regard vers l’adulte, en
appel, en répétition de l’adulte, en appui de réitérations de séquences comme si le mot était lié à la
séquence ou pour signifier l’effet attendu, une émotion, une modification.
- comment il s’empare de termes pour marquer une décentration ; pour expliciter un changement
objectif ; comment il indique qu’il fait des comparaisons entre deux moments, deux objets.etc…
J’accorde beaucoup d’importance à l’analyse de ces énoncés simples en relation au moment où ils sont
produits car ils nous renseignent sur la façon dont l’enfant raconte ce qu’il comprend du monde. Nous
pouvons appréhender si et comment il cherche à indiquer qu’il a pris conscience des changements produits
dans son champ d’expériences. "Dans ces emplois, l’enfant tend à signifier qu’une action est en cours, qu’un
changement intervient, doit intervenir, est intervenu. L’enfant tend à signifier le changement lié à ses activités avec
l’objet ; comment l’enfant marque le changement en effet c’est le signe qu’implicitement l’action s’installe dans
deux dimensions : avant et maintenant ; maintenant et après. La temporalité qui est affirmée sur le plan des
actions s’affirme par le recours à des modalités verbales que l’enfant va prendre dans sa langue." (Malrieu, 1986)
Toutes ces conduites recueillies sur les plans sensori-moteur et langagier me renseignent sur "le connu" de
l’enfant et cette situation invitation à agir devient un espace d’attention partagée dans le sens où je vais
reconnaître sa préoccupation cognitive et être en attention en m’accrochant à son fonctionnement sensori-
moteur. Cet espace d’attention partagée devient espace d’activité partagée et espace à penser lorsque l’ortho-
phoniste va jouer comme ce qu’elle a reconnu comme essentiel chez l’enfant : par exemple devant un enfant
qui jette des objets sans regarder où ils arrivent. J’analyse cette conduite comme une activité avec effet
immédiat (il n’est pas centré sur le résultat de son action). L’enfant a un objet en main puis n’en a plus : je
considère cette répétition d’actions comme une recherche à produire la même action, ce qui m’amène à faire
l’hypothèse que cet enfant est en cours de construction de la permanence des propriétés de son action : c'est-
à-dire qu’elle est répétable et retrouvable ; par là même il est dans un besoin de confirmer sa capacité à "être
cause de". On pourrait penser que l’objectif est de le conduire à porter attention au résultat de son action ;
pour ma part l’objectif est de permettre à l’enfant, au travers de ce jeu de répétitions (avec cette action ou une
autre) de lui assurer que toute action est retrouvable et indépendante de l’objet qui l’a générée. Nous allons
partager des moments de faire pour faire, et progressivement l’enfant assuré qu’il "est cause de" pourra
anticiper avec plaisir l’effet sensori-moteur. Cette certitude installée il pourra se centrer sur le résultat de ses
actions et être attentif à ce qui produit le résultat c'est-à-dire aux transformations qui relie un état à un autre,
il fait l’expérience qu’il est acteur de transformations, il pourra alors se centrer sur les moyens pour atteindre
un but. Il aura de nouveau une période de faire pour faire durant laquelle il fait l’expérience de régularités et
devra installer des invariants cette fois liées aux propriétés des objets, de ses actions sur les objets et des
relations que les choses entretiennent entre elles.
Accompagner un jeune enfant porteur de handicap dans sa construction de pensée, c’est le reconnaître
comme en recherche de compréhension du monde et c’est s’inscrire dans sa préoccupation cognitive ; lui
donner sens en se l’appropriant puis lui proposer un élargissement :
• Soit en terme de différenciation : différenciation d’actions ou différenciation d’effets ; ou d’objets.
• Soit en terme de mises en relation : d’actions, d’objets,
• Soit en terme d’organisation d’actions. Une action est glissée avant ou après le schème de prédilection de
l’enfant. L’enfant fait l’expérience que son schème reste permanent malgré le changement de statut de son
schème.
• Soit en terme de nécessaires organisations d’actions.
J’ai à inventer des situations qui vont être sollicitations de relations nouvelles, de coordinations d’actions ou
combinaisons d’objets jamais encore explorées.
Etre en ajustement protologique et prélangagier c’est être en co-construction ; c’est proposer des amorces que
l’enfant peut accrocher à son connu, à propos desquelles il reconnaît un intérêt cognitif et à partir desquelles

211
il pourra élaborer du différent, faire l’expérience de sa capacité à installer des liens de causalité et à s’inscrire
dans une temporalité. C’est également rencontrer sa curiosité et son besoin de comprendre. Cet espace à
penser est également un espace à dire dans la mesure où ses propres productions sont mises en sens (motrices
et vocales) et où je propose de mettre en mots ses expériences certes en appui d’états auxquels il parvient :
cette dimension de description est certes importante ; mais également en étayage de ses expériences, dans cette
dimension d’objectivation du langage, qui est ‘ véhicule ‘ de représentations possiblement partageables
Ajoutons que les situations minutieusement choisies sollicitent le processus d'abstraction réfléchissante
construisant les premières liaisons mentales appelées par Piaget les fonctions constituantes : "les relations de
dépendance entre deux termes établies par le jeune enfant sont des fonctions constituantes...On y trouve un
double aspect logique (liaisons entre notions) et causal (liaisons entre propriétés d'objets)..."
Ce travail de sollicitations cognitive et langagière permet à l'enfant de se construire une compréhension du
monde et de faire l’expérience d’être capable de la partager.
Concernant l’accompagnement parental je souscris à ce qui a été développé dans les écrits précédents et j’a-
jouterai qu’il me semble important de tenir compte de la différenciation du langage proposé par l’envi-
ronnement : il a deux fonctions
• l’enfant n’est pas encore en train de parler, le langage qui lui est adressé est un langage en appui des actions
"je te prends dans mes bras", il est fonctionne et chargé émotionnellement l. L’enfant bénéficie de ce
langage fonctionnel.
• Un langage qui métabolise, qui est une dimension extrêmement importante, permet d’installer l’enfant dans
un sens, un langage qui n’est pas fonctionnel ("oh lalalala je vais te manger") : c’est du langage méta-
bolisant pas fonctionnel. Imprégnation essentielle puisqu’on lui signifie qu’il est un futur locuteur, on lui
signifie qu’il a été reconnu, peu importe ce qui a été dit, pourvu que ce soit installé dans un tissage de mots
dans un sens particulier de ce que ressent l’enfant.
Et Bernardi (1993) fait l’hypothèse que la dimension fonctionnelle exercée seule laisse supposer que l’enfant
aura des problèmes dans l’aspect implicite du langage. Cette dimension métabolisante appartenant au vécu
émotionnel des interactions enfant parents, je suis attentive à repérer cet aspect qui souvent n’est pas exercé,
(au vu des arguments de Bélargent mentionnés en première partie) et à réfléchir comment préserver ou
construire avec la mère ou le père ces moments de plaisir langagier métaphorique essentiel dans le déve-
loppement de l’espace de jeu. Welniarz (2002)
Deux exemples pour illustrer l’articulation d’une analyse théorique et des conduites d’étayage
prélogique et langagier
a) La reconnaissance du besoin de l’enfant de réitérer des actions identiques s’accompagne de la mise à
disposition d’un espace à penser durant lequel l’enfant a tout loisir d’expérimenter selon sa préoccupation
cognitive et tout le temps nécessaire pour répéter ses explorations. De cette expérimentation il pourra extraire
des régularités autrement dit faire l’expérience d’extraire des invariants – activité cognitive fondamentale dans
la construction du sens qu’il porte au monde (objets et personnes). En effet il va ensuite regarder les objets de
son environnement en fonction des lois qu’il a extraites.
Depuis peu P., 4ans, trisomique, est en besoin cognitif de mettre en relation des objets. L’orthophoniste
aménage des séances où P. peut exercer ce besoin en lui proposant du matériel favorisant des mises en relation :
tuyaux, balles, tubes, petits objets. Il passera plusieurs séances à enfiler deux à deux des tuyaux de longueurs et
de diamètres différents. Ses nombreuses explorations menées avec forte attention et curiosité le conduisent à
un moment à construire qu’il est toujours possible de ressortir le tuyau ; il en extrait que l’action ‘enfiler’ est
indépendante des objets qui ont été à l’origine de son expérimentation et que c’est le fruit d’une décision de sa
part. Notons qu’un schème est ainsi constitué. Quelque temps après, P. élargit cette relation à trois tuyaux et
découvre un effet de cette situation : un des trois tuyaux a momentanément disparu. Il interpelle l’ortho-
phoniste par son prénom manifestant son intention de lui faire partager cet effet. (Jusque là il était peu en
recherche du regard de l’adulte, et je fais un lien avec la centration cognitive qu’il devait mobiliser lors de ces
explorations pendant lesquelles il était entrain de construire des invariants fondamentaux). L’orthophoniste va
attester qu’il est le créateur de cet effet et étaye par "oh, on le voit plus, il est caché…" ; P. relève un des tuyaux
et rit en regardant de nouveau l’adulte qui s’exclame "oh le voilà !". Cette séquence se déroulera plusieurs fois.
L’enfant fait l’expérience d’une part qu’il peut être créateur de ce cache-cache qu’il a sûrement rencontré mais

212
mise en scène par autrui, d’autre part que cette situation est reconnue, mise en mots, objectivée par une
enveloppe langagière.
b) Analyser les conduites d’enfants sous l’angle des coordinations m’amène à considérer certains comme
en collusion "action- mot ; geste- action ; mot geste" et à construire une intervention centrée sur la res-
tauration de ces piliers fondamentaux que sont la causalité et la temporalité.
C., 4ans, souffre d’un syndrome de West et est en décalage de communication avec ses pairs. Cette fillette est
comme happée par une recognition de la fonction des objets et par l’action qui est alors réalisée.
L’orthophoniste propose de la dînette lors d’une séance d’observation. L’adulte a installé des poupées autour
de la table, la fillette pose quelques assiettes sans relation avec les poupées. C. se munit d’un couteau dans la
main, ce qui appelle l’action de couper et énonce "c’est de la soupe". (On note une rupture entre le discours
et l’action effectuée).
Ayant de nouveau une cuillère en main elle mime - racler le contenu des assiettes-, elle fait cela pour plusieurs
assiettes, bien qu’aucune n’avait été au préalable, mimée remplie. Nous faisons l’hypothèse que C. n’est pas
dans une mise en relation de deux objets, ses actions sont des reproductions de séquence : ainsi présence d’une
cuiller dans une main, et d’une assiette dans une autre réveille "tourner".
Au niveau des mots C. n’est pas non plus dans une mise en relation : soupe lui fait penser à chaude puis à
souffle…Elle est dans la récognition de la fonction des objets et agit ou parle par contiguïté. C. n'est pas
encore dans le "faire semblant", elle est dans une activité intense d'imitation différée, produisant des paquets
"assiettes-racler" et "manger - c'est bon - c'est assez salé".
Les observations de cette collusion conduisent à développer un objectif de travail qui est en quelque sorte de
rendre chacun de ces paquets indépendants des contextes qui les déclenchent; ainsi action-objet-mot
deviendraient indépendants et stables l'un en dehors de l'autre
Devant ce fonctionnement particulier avec peu de liens apparents, l’analyse retenue est celle d’une cons-
truction chaotique des premiers invariants.
Il est proposé des situations de régularités sensori-motrices, c'est-à-dire des situations où C. peut installer ou
réinstaller ces invariants fondamentaux constitués des propriétés des actions, des propriétés des objets et des
propriétés des relations entre les objets. Les situations proposant du matériel déclencheur de scènes de vie
quotidienne sont évitées au profit de celles où elle ne serait pas tenter de greffer des paquets de mots et en tout
cas l’orthophoniste ne rebondirait sur aucun.
Au cours des observations, il est noté également que les actions mobilisées par C. sont simples, elle agit par
juxtaposition d’actions simples. Dans les premiers temps de l’intervention, l’orthophoniste propose du
matériel qui sollicite des actions simples à effet immédiat afin de permettre à C. de construire la certitude que
toute action garde ses propriétés lorsqu’elle est répétée et de fait est retrouvable. Il s’agit de trouver des
prétextes pour que l’enfant et l’adulte trouvent plaisir à partager des actions simples, par exemple : emballer
des balles avec des morceaux de tissu ou de papier : l’action d’emballer est reproduite avec régularité.
Puis l’intervention de l’adulte a consisté à élargir à la construction des invariants concernant les propriétés des
objets, par exemple : toute balle lâchée dans un tuyau tombe au fond…si toutes les balles sont introduites
dans le même tuyau enfoncé dans un trou, on les retrouve toutes au même endroit et de fait les autres trous
sont vides.
Apres plusieurs séances avec des habillages différents où les régularités ont porté sur les objets, les successions
d'actions, les coordinations d'actions, il est noté des mouvements d'anticipation de la part de l’enfant et de
plaisir liés à la certitude du résultat. Ils sont considérés comme signifiant que C. est "réinstallée" dans sa
capacité à être liant et que des situations où ses actions seraient créatrices de liens pouvaient lui être proposées.
Durant plusieurs séances, très peu de langage lui a été renvoyé par l’orthophoniste, car l’objectif premier était
bien de décollusionner le paquet mot-action et pour ce faire d’instaurer un espace à penser - agir du connu et
anticiper sur ce connu- avant celui de parler. Puis les énoncés se sont accrochés aux moments où l’enfant
organisait des actions ; ils ont, en transportant le plaisir de l’effet à venir, permis à C. de faire l’expérience du
langage dans sa dimension de lien.
En fait C. a pu
• reconfirmer ou confirmer une propriété fondamentale de ses schèmes : la retrouvabilité : une situation
installée peut être retrouvée quand on produit des actions inverses. On met toutes les balles dedans et on
peut les enlever.

213
• assurer une notion importante : l’indépendance entre objet-mot et fonction. Un objet ne perd pas son
identité d’objet lorsqu’on lui attribue une autre fonction voire une autre dénomination. : Une assiette reste
cet objet reconnu même lorsqu’elle est utilisée comme porte ;
• développer une décentration manifestée par sa capacité à réaliser un projet en anticipant le moyen qui
permet de l’atteindre : la ficelle n’est plus coupée au hasard du geste couper mais en fonction de la distance
entre deux assiettes, et par sa capacité à se créer son propre espace à penser.
Ces trois notions fondamentales : retrouvabilité, indépendance "objet, mot, fonction" et détournement de
l’objet ou du schème sont des piliers nécessaires à l’émergence de la sémiotisation.
Conclusion
Insérer cette dimension de notre action dans la démarche d’éducation précoce c’est permettre à l’enfant
d’installer des invariants constitutifs de ses contenants cognitifs creuset des contenus- connaissances Gibello
(1999) "Les contenants de pensée donnent sens à ce que nous percevons du monde matériel, d’autrui, de
nous même, de notre histoire et de celle de notre groupe d’appartenance. Il s’agit de perceptions réalisées par
notre corps, toucher, vue, audition, équilibre, olfaction, goût, sens myotatique et sensibilité myokines-
thésique, états de plaisir et de déplaisir. Les contenants de pensée sont matériellement constitués par les
systèmes neuronaux de la mémoire de signification, qui donnent sens et permettent la mémorisation des
expériences du sujet. Les contenants de pensée archaïques donnent les premières significations chez le bébé
qui ne parle pas encore et dont les contenus de pensée sont constitués par les seules représentations d’affect,
de chose et de transformation.".
Être dans cette dynamique d'étayage prélogique prélangagier, c'est donner un sens à toutes conduites de
l'enfant. C'est essayer d’accrocher sa conduite à un continuum dans son cheminement cognitif. Travailler en
‘accordage cognitif’ c’est s’accrocher à son connu et c’est reconnaître que ce que l'enfant manifeste est essentiel
pour lui. Du coup c'est être soi-même en attention conjointe, en réception de sa quête de sens sur le plan
cognitif.
Le travail que nous proposons permet d'éviter que le jeune enfant déficient mental soit en attente de
"déclencheurs de conduites" c'est-à-dire de mots qui entraînent une action spécifique ou bien d'une action
d'autrui qui entraîne une réponse spécifique. Ce travail permet de l'aider à se ‘ décollusionner’ et le sollicite à
construire des liens par son corps en tant que liant deux moments ou deux espaces. Il fait l’expérience d’être
"cause d’ actions liant" c'est-à-dire de coordinations d'actions et de conduites d'outil et il peut s'approprier le
langage dans sa dimension de lien entre le plan de la réalité et le plan de la pensée.
C’est produire des situations où le langage est réinterrogé différemment que celui préconisé souvent en
rééducation : parler pour décrire, parler pour échanger ce que l’on voit… C’est permettre à l’enfant d’entrer
dans la dimension du langage soulignée par Laurent Danon-Boileau "celle des mots qui indiquent ce que
l’enfant ressent au contact du monde et de ses changements, des mots qui expriment ce que l’enfant ressent à
propos de ses représentations et la façon dont il les situe par rapport à ce qu’il voit ou à ce qu’il pense, ce que
l’autre pense. Des mots qui permettent de scander une activité de pensée ou un échange avec autrui."

IV – CONCLUSION
◆ Relative à l’accompagnement de l’enfant
De ces différents écrits il apparaît que l’éducation précoce au langage des enfants atteints de handicap a pour
objectifs :
D’une part, de donner sens à toute manifestation de l’enfant et d’inscrire cet enfant avec sa différence dans
son histoire familiale ;
D’autre part de créer les conditions qui lui permettent de développer toutes ses potentialités et ses aptitudes,
ses capacités de communiquer gestuellement et/ou verbalement, d’exprimer ses désirs et ses intentions à
autrui, d’établir des permanences dans le monde qui l’environne, de partager ses représentations.
Les orthophonistes évaluent régulièrement les progrès des enfants en référence à des grilles d’observation et
des bilans établis. Ce sont des évaluations individuelles.

214
Il reste cependant difficile de mesurer l’impact à grande échelle de cette intervention précoce, qui demanderait
des démarches d’évaluation objectives et des populations témoins. Notre effort doit maintenant viser à
prouver l’efficacité de ces démarches d’intervention précoce et à développer des actions structurées et pluridis-
ciplinaires. (Crunelle, 2000)

◆ Relative à l’accompagnement parental


L’orthophoniste a donc plusieurs rôles à jouer précocement :
• soutenir les parents et les aider à instaurer très tôt une relation avec leur bébé,
• leur apprendre à reconnaître ses initiatives de communication précoces, à les interpréter et à les recevoir
avec émerveillement,
• mettre en place les compétences socles nécessaires à l’apprentissage du langage,
• améliorer la déglutition, le tonus et les praxies bucco-faciales ainsi que l’articulation,
• stimuler le langage dans ses versants compréhension et expression sans négliger l’aspect pragmatique.
(Antheunis, Ercolani, Roy, 2003)

◆ Relative à la notion de handicap


L’orthophoniste comme d’autres professionnels mais aussi en tant que citoyen, sait que sa pratique est
influencée par ses représentations personnelles de "la différence" ainsi que par les représentations de la société.
Il ne me semble pas possible de conclure ce chapitre sans lier la pratique professionnelle orthophonique à
l’histoire de la gestion du handicap ; situant notre profession dans une dimension historique et évolutive.
On peut situer l’orthophonie et plus particulièrement les interventions dans le champ de l’éducation précoce
dans la deuxième phase que décrit Kristeva (2003) dans l’histoire de la gestion du handicap par la société. Elle
fait démarrer la première phase à la période de l’Abbé de l’Epée et ses travaux à destination des enfants sourds,
de Itard pour Victor et "les enfants arriérés" (termes de l’époque) et Pinel en faveur des enfants malades
mentaux. Par leurs réflexions et leurs techniques ils ont ouvert la voie à la notion d’éducabilité des enfants
handicapés en quelque sorte. A ce propos je renvoie le lecteur aux écrits très documentés de O. Héral, ortho-
phoniste, (2002, 2003).
Lors de la deuxième phase, la personne en situation de handicap bénéficie de la solidarité de la communauté
nationale et de l’implication de l’état. Cependant il faudra que des associations multiplient leurs actions pour
assurer un véritable suivi des personnes handicapées. La loi de 1975 a affirmé la responsabilité nationale en
engageant efficacement la part sociale dans la condition des personnes handicapées et en ouvrant la voie à des
rééducations différenciées. Puis à la suite des travaux de P. Wood (1980) la distinction entre handicap,
incapacité et dépendance se trouve être la référence sociale et médicale pour différencier les maladies, les
déficiences, les incapacités et les désavantages. Les professionnels de l’enfance handicapée ont trouvé là les
arguments pour développer leurs interventions précoces souhaitées depuis plusieurs années ;
Kristeva souligne que cette approche inscrit l’accompagnement des sujets souffrant de handicap dans une
véritable interaction sociale soucieuse de l’unicité de la personne dans ses liens avec autrui. Elle note malgré
tout que la société reste dans une réponse de "réparation des mécanismes physiques ou psychiques en panne".
Elle plaide pour une troisième phase dans l’histoire de la gestion du handicap : celle de la connaissance et de
la reconnaissance de la fragilité d’autrui. Ainsi il me semble que nous pouvons (ou avons à) nous inscrire
dans cette dimension de la réflexion qui, c’est indéniable, est à contre courant d’une considération de
l’individu en termes de performances et de rentabilité.

215
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Aimard, P, Abadie, C. (1988). Les interventions précoces dans les troubles du langage. Paris : Masson.
Ajuriaguerra, J. (1969). "Regard-Vision et Regard-Sortilège", Colloque Inserm : La fonction du regard. Paris,
21 - 23 Mai 1969.
Ajurriaguerra, J., Diatkine, R., Borel-Maisonny, S. et al. (1958). Le groupe des audimutités. La Psychiatrie de
l’Enfant, 1, 7 – 61.
Antheunis, P., Ercolani-Bertrand, F., Roy, S. (2003). Dialogoris, 0/4ans. Nancy: Orthophonie-Commedic.
Banich, M.T., Berger, A. (1990). "Interhemispheric interaction: how the hemispheres divide and conquer a
task?". Cortex, 26, 77-94.
Bates, E, Camaioni, L, Volterra, V.(1975). The acquisition of performatives prior to speech. Merrill-Palmer
Quarterly, 21, 205-226.
Bates, E., Thal, D., Janokowsky, J.S. (1992).Early language development and its neural correlates, in F., Boller
et J., Grafman (Eds), Handbook of Neuropsychology, 7, (pp. 69-110). Amsterdam : Elsevier.
Belargent, C. (1998). Une prise en charge précoce sans décharge parentale. Revue Contraste, 8.
Belargent, C. (2000). Accompagnement familial en prise en charge précoce de l’enfant porteur de handicap.
Rééducation Orthophonique, 202, 25-44.
Bentolila, A. (1996). De l’illettrisme en général et de l’Ecole en particulier. Paris : Plon.
Bernardi, M. (1993). Troubles des contenants linguistiques, dysphasies et qualité de vie. Psychiatrie de l’enfant
XXXVI, 2, 455-487.
Bigot, A.M. (2002). Troubles précoces de la communication infra-verbale chez les enfants porteurs de
trisomie 2. Rééducation Orthophonique, 202, 89- 94.
Bigot, A.M. (1999). Trisomie 21 : du dépistage à l’élaboration de stratégies d’accompagnement. Glossa, 65,
4-11.
Bonnet, C. (1981). Evolution des conduites symboliques et genèse de la communication chez l'enfant de
moins de deux ans. Psychiatrie de L'enfant, XXIV, 1, 7- 37.
Borel-Maisonny, S., Launay, Cl.(1950). Surdité verbale congénitale (agnosie auditive verbale congénitale) : à propos d’un cas
associé à une surdité partielle. Rapports du XIIe Congrès des Pédiatres de langue française, 274 – 283.
Boysson-Bardies, B. (1996). Comment la parole vient aux enfants. Paris : Odile Jacob.
Brauner, A. et F. (1960). Conseils aux familles pour élever un enfant déficient mental. Sabri.
Brown, R., Hecaen, H. (1976). Lateralization and language representation. Neurology, 26, 183-189.
Bullinger, A. (1991). Vision, posture et mouvement chez le bébé. In F., Jouen et A., Hennocq (Eds), Du
nouveau né au nourrisson, (pp 29-43). Paris : PUF.
Changeux, J.P. (1983), L’homme neuronal. Paris : Fayard.
Chatelanat, G. (1981). Emergence du processus symbolique et développement cognitif chez le jeune enfant
handicapé mental : réflexions méthodologiques et théoriques lors de l’élaboration d’un système d’observation.
In J.A., Rondal, J.L., Lambert, C., Chipman (Eds), Psycholinguistique et handicap mental, (pp 166-183).
Bruxelles : Mardaga.
Chevrie –Muller, C., Narbona, A J. (Eds). Le Langage de l’enfant, aspects normaux et pathologiques. Paris :
Masson.
Chevrier, A. (1988). Réflexions sur le syndrome d’alcoolisme fœtal. Nervure, 4, 52-63.
Cipriani, P, Bruni, G, (1982). Stratégies de la compréhension verbale et développement cognitif dans les
premiers stades d'acquisition du langage. Bulletin d'Audiophonologie, 2-3.
Crunelle, D. (1998). Troubles de l’alimentation et de la déglutition de la personne polyhandicapée.
Evaluation - Prise en Charge - Objectifs. In Les Fonctions Oro-Faciales, évaluation, traitements et rééducation.
Isbergues : Ortho-Edition.
Crunelle, D. (2000). L’éducation précoce en orthophonie, éditorial. Rééducation orthophonique, 202, 3-4.
Cuilleret, M. (1981). Les trisomiques parmi nous. Lyon : Simep.
Cuilleret, M. (1992). Trisomie : aide et conseils. Paris : Masson.
Cuilleret, M. (1987). Orthophonie, documents et témoignage ; prise en charge. Paris : Masson.

216
Danon-Boileau, L (1995). L’enfant qui ne disait rien. Paris : Calmann-Lévy.
Dore, J. (1985). Holophrases revisited : their logical development from dialog, In M.D., Barrett (Ed.),
Children’s single-word speech (pp.23-58). Chichester : Wiley&Son.
Ellis, A.W. (1984). Lecture, écriture et dyslexie : une approche cognitive. Paris : Delachaux et Niestlé.
Feve-Chobaut, M. (2002). L’éducation précoce, un passeport pour l’avenir. Orthomagazine, 38, 24-27.
Florin, A. (1998). Les débuts du langage. Le Journal des professionnels, 9.
Fraiberg, S. (1994). Un programme éducatif pour les nourrissons aveugles. La Psychiatrie de l’enfant, XXXVII, 1,
49-80.
Fröhlich, A. (1993). La Stimulation Basale. Lucerne : Secrétariat de Pédagogie curative.
Gibello, B. (2000). Les origines de la pensée, essai pour une tresse de la pensée en trois brins. Neuropsychiatrie
Enfance et adolescence, 49,48-52.
Golse, B. (1985). Le développement affectif et intellectuel de l’enfant. Paris : Masson.
Guidetti, M., Tourette, E C. (1999). Handicaps et développement psychologique de l’enfant. Paris : Armand
Colin.
Guidetti, M. (2003). Pragmatique et psychologie du développement. Paris : Belin Sup.
Habib, M. (1997). Dyslexie : le cerveau singulier. Marseille : Solal.
Haywood, C. (1986). Plan d’éducation cognitive pour jeunes enfants. USA : Vanderblit University.
Héral, O.(1987). Le pistogramme-idéogram- communication (PIC) system : présentation et perspectives d’u-
tilisation auprès d’adolescents hnadicapés mentaux modérés et sévères. Glossa, 6, 22-33.
Héral, O. (2002). Histoire de l’orthophonie en France. Rééducation Orthophonique, 212.
Héral, O. (2003). L’Abbé de l’Epée. L’Orthophoniste (dossier spécial).
Inhelder, B. (1969). Le diagnostic du raisonnement chez les débiles mentaux. Neuchâtel : Delachaux Niestlé.
Joannette, Y., Goulet, P., Hannequin, D. (1990). Right hemisphere and verbal communication. New-York:
Communication Orale.
Jones, O.L. (1977). Mother –child communication with prelinguistic Down’s syndrome and normal infant.
In H., Schaffer(Ed), Studies in Mother-Infant Interaction. New-York: Academic Press.
Karmiloff, K., Karmiloff- Smith, A. (2001). Comment les enfants entrent dans le langage. Paris : Retz
Kristeva, J. (2003). Lettre au président de la République sur les citoyens en situation de handicap, à l’usage de ceux
qui le sont et de ceux qui ne le sont pas. Paris : Fayard.
Konopczynski, G. (1990). Le langage émergent - Caractéristiques rythmiques. Hamburg : Helmut Buske
Verlag.
Konopczynski, G., Vinter, S. (1994). Le développement langagier : une prédiction précoce est-elle possible ? Actes
du Colloque de Besançon. Isbergues : Ortho-Editions.
Lebovici, S., Diatkine, R., Soule, M. (1985). Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 1ère éd. Paris : PUF.
Laroche, S.E. (2004). Y a-t-il un développement original de l’expression gestuelle chez les enfants trisomiques ?
Devenir, 16, 1, 45-53.
Lecours, A.R. (1975). Myelogenetic correlates of the development of speech and language. In F.M.,
Lenneberg ; E., Lenneberg (Eds), Foundation of Language Development: a multidisciplinary approach, (pp. 85-
94). New York : Eds Lenneberg.
Le Normand, M.T. (1995). Modèles Psycholinguistiques du développement du langage. In C., Chevrie-
Muller et J., Narbona (Eds), Le Langage de l’enfant, aspects normaux et pathologiques (pp.27-42). Paris :
Masson.
Lentin, L. (1974). Apprendre à parler à l’enfant de moins de 6 ans : où, quand, comment ? Tome 1. Paris : ESF.
Lepot-Froment, C. (1979). Guidance parentale et développement de la communication chez l’enfant. 1
L’instauration du dialogue. Le langage et l’homme, 41, 17-24.
Lepot-Froment, C., Clerebaut, N. (1995). L’enfant sourd : communication et langage. Bruxelles : De Boeck-
Wesmael.
Lepot-Froment, C. (1980). Les pré-requis de l’accès au langage selon Brüner. Le langage et l’homme, 2, 7-14,
et 44, 11-19.
Livoir- Petersen, M.F. (1997). La répétition dans le développement normal et autistique : un moyen.

217
Les cahiers de l’Afreé de vie, 12.
Lynch, M., Wood, A. (1995). La prosodie dans les vocalises prélinguistiques : propositions pour centrer
l’intérêt sur ce que dit l’enfant et sur ce qu’on lui dit. In Actes du Colloque de Besançon, 1994, Le premier
langage peut-il être prédictif du développement langagier ultérieur ? (pp. 103-112). Isbergues : Ortho-Editions.
Maistre (de), M. (1970). Dyslexie, dysorthographie. Paris : Puf
Malrieu, P. (1977). Langage et représentation. In J.P., Bronckart, P., Malrieu, M., Siguan Soler, H, Sinclair de
Zwart, T., Slama-Cazacu, A., Tabouret-Keller (Eds), La Genèse de la parole. Paris : PUF.
Manolson, A.(1985). Parler : un jeu à deux. Toronto : Centre de ressources Hanen.
Masur, E.F. (1987). Imitative interchanges in a social context: mother-infant matching behavior at the
beginning of the second year. Merill-Palmer Quartely, 33, 453-472.
Masur, E.F. (1983). Gestural development, dual-directional signalling, and the transition to words. Journal of
Psycholinguistic research, 12, 93-109.
McCune- Nicolich, L. Munday- Hill, P. (1981). Pretend Play and Patterns of Cognition Down’s syndrome
Children. Child Development, 52, 611-617.
McCune- Nicolich, L. (1981). Toward Symbolic Functioning: Structure of Early Pretend games and
Potentials Parallels with Language. Child Development, 52, 785-797.
Meljac, C., Bailly, L. (1994). Le syndrome de Williams-Beuren, une recherche sur les particularités des
troubles de la pensée. Perspectives psychiatriques, 33, 41, 50-52.
Miller, J.F. (1999). Facilitating speech and language in children with Down Syndrom. In C., Tingey, I.T.,
McCoy (Eds), Down syndrome: Advances in medical care. New York : Wiley-Liss.
Misés, R. (1975). L’enfant déficient mental. Paris : PUF.
Moreau, M.L., Richelle, M. (1982). L’acquisition du langage. Liège : Mardaga.
Morel, L. (1993). Mise en relation et sens chez le jeune enfant trisomique.In Actes du Colloque : Vivre la
trisomie 21(pp. 98-108). Lyon : FAIT 21.
Morel, L. (1987). La prise en compte du cognitif en éducation précoce. Glossa, 8, 34-40.
Morel, L, Stroh, M. (1999). Observations d’actions sensori-motrices et réflexions sur les coordinations
mobilisées par des enfants porteurs de trisomie 21. Glossa, 65, 26-41.
Nadel, J. (2002). L’enfant autiste : un enfant en développement est aussi un enfant. Enfance, 2002, 4-5.
Narbona, J., Fernandez, S. (1996). Fondements neurobiologiques du développement du langage. In C ;,
Chevrie-Muller et A.J., Narbona.(Eds), Le langage de l’enfant. Aspects normaux et pathologiques (pp3-26).
Paris: Masson.
Ogura, T. (1991). A Longitudinal Study of the Relationship between Early Language development and Play
development.Journal of Child Language, 18, 273-294.
Oléron, P. (1957). Recherche sur le développement mental des sourds-muets. Paris : CNRS.
Paunier, A., Doudin, P.A (1986). Les liaisons dangereuses : réflexion sur le rôle des liens dans la mentalisation.
Psychiatrie de l’enfant XXXII, 2, 415-449.
Piaget, J. (1967). La construction du réel. 2ème édition. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Piaget J, (1936,1977 ;2ième ed.). La naissance de l'intelligence chez l'enfant. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Pinol- Douriez, M. (1984).Bébé agi- bébé actif. L'émergence du symbole dans l'économie interactionnelle. Paris :
Fil Rouge.
Pirchio, S., Caselli, M.C., Volterra, V. (2003). Gestes, mots et tours de parole chez des enfants atteints du
syndrome de Williams ou du syndrome de Down. Enfance, 3, 251-264.
Rey, A. (1967). Arriération mentale et premiers exercices rééducatifs. Neuchâtel : Delachaux Niestlé.
Rigal, R. (1985). Motricité humaine : Fondements et applications pédagogiques. Vigot : Presses de l’Université du
Québec.
Rondal, J.A.(1985). Langage et communication chez els Handicapés mentaux. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A. (1986). Le développement du langage chez l’enfant trisomique 21. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A. (1990). L’enfant handicapé mental, Glossa, 22, 4-14.
Sampaio, E. (1989). L’autisme infantile le cas de l’enfant aveugle. Réflexions méthodologiques. Psychologie
médicale, 21, 13, 2020-2024.

218
Sampaio, E. (1994). Le développement précoce des enfants aveugles : les travaux pionniers. La psychiatrie de
l’enfant, XXXVII, 29-47
Sastre, S., Verba, M., (2001). Les interactions de tutelle avec des bébés trisomiques et des bébés typiques : le
rôle de l’ajustement de l’adulte. Enfance, 2.
Sinclair, H, Stambak, M., Lezine, I., Rayna, S.,Verba, M. (1982). Les bébés et les choses, ou la créativité du déve-
loppement cognitive. Paris : PUF.
Sinclair, H. (1994). Early cognitive development and the contribution of peer interaction: a Piagetian view. In
L.,Friedman et H.C., Haywood(Eds), Development follow-up: concepts, domains, and methods (pp. 129-138).
San Diego: CA: Academic Press.
Schmid-Kitsikis, E. (1995). Théorie clinique du fonctionnement mental. Bruxelles : Mardaga.
Spitz, R. (1968). De la Naissance à la parole. Paris : PUF.
Stern, D. (1978). Le bébé et sa mère. Bruxelles: Mardaga.
Uzgiris, I.C. (1984). Imitation in infancy: its interpersonnal aspects. In M., Perlmutter(Ed.), The minesota
symposium on child psychology,17 (pp.1-32). Hillsdale, NJ : Lawrence Erbaulm Associates.
Vaginay, D. (2000). Trisomie 21, Transmission et intégration : pour quelle éthique. Lyon : Chroniques sociales.
Veneziano, A. (1992). Des vocalisations aux premiers mots chez l’enfant entendant, Approche Neuro-Psychologique
de l’enfant. In H., Kremin et M., Leclerc (Eds). Bruxelles : Ed Cremin et Leclerc.
Veneziano, E. (2000). Interaction, conversation et acquisition du langage dans les trois premières années. In
M., Kail, M., Fayol (Eds), L’acquisition du langage (231-265) Tome 1. Paris : PUF.
Veneziano, E. (2002). Relations entre jeux de fiction et langage. Enfance, 3.
Vinter, S. (1992). Mise en place des éléments prosodiques dans le langage émergent de l’enfant sourd : rôle des sti-
mulations acoustiques et des interactions sociales. Université de Besançon : Thèse de Doctorat.
Vinter, S., Bried, C. (1992). Aux sources de la parole. Rééducation Orthophonique, 169, 67-75.
Vinter, S (1999). L’organisation pré conversationnelle chez l’enfant trisomique 21. Glossa, 65, 12-34.
Wada, J.A., Clarke, R., Hamm, A. (1975). Cerebral hemispheric asymmetry in humans. Archives of Neurology,
32, 239-246.
Welniarz, B. (2001). Approche psychopathologique des troubles graves du langage oral chez l'enfant.
A.N.A.E, 61.
Winnicott, D.W. (1974). Processus de maturation chez l’enfant. Paris : Payot.
Witelson, S.F., Pallie, W. (1973). Left Hemisphere specialization for language in the newborn. Neuro
anatomical evidence of asymmatry. Brain, 641-646.
Wyatt, G. (1973). La relation mère-enfant et l’acquisition du langage. Liège : Dessart et Mardaga.
Wood, D. (1989). Social Interaction as tutoring. In M.H., Borstein, J.S., Bruner (Eds), Interaction in human
development (pp.59-80). Hillsdale: Lawrence Erlbaum.
Wootton, A.J. (1990). Pointing and interaction initiation; the behaviour of children with Down’s syndrome
when looking at books. Journal of Child Language, 17, 565-589.
Yakolep, P.I., Lecours, A.R. (1967). The myelogenetic cycles of regional maturation of the brain. In A.,
MinkowskiI (Ed), Regional Development of The Brain In Early Life (pp.3-70). Oxford: Blackwell.

219
CHAPITRE VII
Education ou rééducation du langage
dans le cadre de l’autisme

Nicole Denni-Krichel, Orthophoniste


Chargée d’enseignement à l’école d’orthophonie de Strasbourg
Animatrice de formation continue
Stéphanie Bour, Orthophoniste

SOMMAIRE
I – RAPPELS GÉNÉRAUX CONCERNANT L’ AUTISME INFANTILE
A – Age de début de l’autisme infantile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
B – De la nécessité d’un dépistage précoce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
C – Un outil de dépistage précoce : le "CHAT" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

II – APPORT DE L’ORTHOPHONIE DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT PORTEUR


D' AUTISME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228

III – L’ ÉVALUATION
A – Evaluation des capacités de communication verbale et non verbale de l’enfant porteur d’autisme
dans le cadre d’une unité d’évaluation et de diagnostic des troubles précoces du développement 230
B – Evaluation orthophonique dans le cadre d’une consultation en libéral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231
IV – PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT PORTEUR D’AUTISME
A – Information sur le développement plus général de l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
B – Reprise de l’information sur l’autisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
C – Le développement plus spécifique de l’enfant porteur d'autisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
V – IMITATION, TROUBLES COGNITIFS ET COMMUNICATIONNELS DANS L’AUTISME
INFANTILE
A – Des difficultés cognitives en général et de l’imitation en particulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
B – Troubles de la communication dans l’autisme infantile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238

VI – LE TRAVAIL DE L’IMITATION DANS LA PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE . . . . . . . . 244

VII – MISE EN PLACE D’UNE COMMUNICATION AUGMENTATIVE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248


VIII – CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ....................................................................................... 250

222
I – RAPPELS GÉNÉRAUX CONCERNANT L’AUTISME INFANTILE
"Depuis 1938 notre attention a été attirée par un certain nombre d’enfants dont l’état diffère de façon si
marquée et si distincte de tout ce qui a été décrit antérieurement que chaque cas mérite - et je l’espère, finira
par recevoir - une considération détaillée de ses particularités fascinantes."
L. KANNER

Ces mots inaugurent le fameux article princeps dans lequel Léo KANNER (1894-1981), psychiatre
américain d’origine autrichienne, individualise, à partir de l’observation fine de onze enfants (huit garçons et
trois filles, âgés de deux ans et demi à dix ans), un tableau clinique suffisamment typique pour être distingué
des entités psychiatriques alors préexistantes : il définit le syndrome de l’ "autisme infantile précoce" (early
infantile autism), dénomination clinique adoptée par KANNER en 1944. En fait, KANNER emprunte le
terme "autisme" (du grec "autos" signifiant "soi") à Eugène BLEULER, psychiatre suisse qui s’est particu-
lièrement illustré par ses travaux sur la démence précoce et la schizophrénie. Initialement, ce terme est
introduit par BLEULER pour désigner un symptôme majeur de la schizophrénie : la perte de contact avec la
réalité, le repli dans un monde "pour soi", la prédominance relative ou absolue de la vie intérieure.
Un an seulement après la publication originale de KANNER et apparemment sans concertation préalable,
Hans ASPERGER, psychiatre viennois, décrit en 1944 des cas d’enfants aux caractéristiques comporte-
mentales proches de ceux observés par KANNER : il parle alors de "psychopathologie autistique".
Les concepts d’autisme et de psychose infantile sont donc particulièrement récents. Jusqu’à la fin du XIXème
siècle, ces affections étaient intégrées au groupe des "idioties" (arriérations profondes et congénitales).
D’abord envisagé comme une forme précoce de la schizophrénie, l’autisme infantile est finalement reconnu,
grâce à KANNER, comme une affection autonome, spécifique, et d’apparition particulièrement précoce,
présente dès le début de la vie et non après au moins plusieurs années de développement normal comme
dans la schizophrénie : "Il ne s’agit pas, comme chez les enfants ou les adultes schizophrènes, d’une rupture
de relations préalablement établies; il ne s’agit pas d’un retrait succédant à une participation. Il existe
d’emblée un repli autistique extrême qui, chaque fois que c’est possible, fait négliger, ignorer, refuser à l’enfant
tout ce qui lui vient de l’extérieur".
En fait, si dans de nombreux cas l’autisme se manifeste effectivement dès la naissance ou les tout premiers
mois de la vie (comme l’affirme KANNER), il apparaît que, chez certains enfants, les premiers signes de la
pathologie autistique n’apparaissent cependant qu’après une période de développement "apparemment"
normal, généralement au cours de la deuxième année de la vie.
Dans son article de 1943, KANNER énonce ce qu’il considère comme étant le signe "pathognomonique" de
l’autisme : "Le trouble fondamental le plus frappant, pathognomonique, est l’incapacité de ces enfants à
établir des relations de façon normale avec les personnes et les situations, dès le début de leur vie".
De l’observation des onze enfants qui lui ont été adressés, KANNER retient un certain nombre de parti-
cularités typiques des "troubles autistiques du contact affectif" :
• l’isolement autistique extrême ("aloneness") et le déficit profond de liens affectifs avec autrui : " Leurs
parents parlaient d’eux en ces termes : depuis toujours, enfant se "suffisant à lui-même" ; "comme dans une
coquille" ; "plus heureux tout seul" ; "agissant comme si les autres n’étaient pas là" ; "parfaitement
inconscient de tout ce qui l’entoure" ; "donne l’impression d’une sagesse silencieuse" ; "échouant à
développer une sociabilité normale" ; "agissant presque comme sous hypnose". (KANNER, 1943).
L’incapacité précoce des enfants autistes à développer des relations interpersonnelles normales se caractérise
par un manque de réactivité et d’intérêt vis à vis des autres. Dès la petite enfance, on observe certaines par-
ticularités comportementales très caractéristiques; en particulier, le bébé semble ne pas réagir, ou réagir
bizarrement, aux sollicitations maternelles : absence d’attitude anticipatrice, absence de recherche de
contacts corporels et visuels, regard fuyant (évitement actif du contact oculaire), absence de réponse par le
sourire et la mimique. L’enfant porteur d'autisme paraît indifférent aux autres, comme si il les ignorait tout
simplement. Il se comporte le plus souvent comme s’il était seul, comme si les autres n’existaient pas.
L’absence d’attachement sélectif peut être particulièrement marquée : ainsi, certains enfants donnent
l’impression de ne pas distinguer leurs propres parents d’autres adultes non familiers.

223
• le besoin obsessionnel et angoissé d’immuabilité ("sameness") :
"La conduite de l’enfant est régie par une obsession anxieuse de la permanence que personne ne peut
rompre, sauf l’enfant lui-même et seulement en de rares occasions." (Kanner). Il existe, chez l’enfant autiste,
un besoin impérieux de maintenir stable et inchangé son environnement habituel. Aussi, des modifications,
même minimes de son cadre de vie, peuvent être à l’origine de manifestations d’angoisse, voire de colères
intenses.
• le mutisme ou l’existence d’un langage sans valeur communicative apparente et auquel s’associe
souvent une impression de surdité ("deafness") : "Huit de ces onze enfants ont acquis la capacité de parler
à l’âge normal ou avec un certain retard. Trois d’entre eux (Richard, Herbert, Virginia) sont jusqu’à présent
demeurés "mutiques". Pendant des années, chez aucun des huit enfants "parlant" le langage n’a servi à
transmettre de message aux autres. "En ce qui concerne la fonction de communication du langage, il n’existe
pas de différence fondamentale entre les huit enfants " parlant" et les trois enfants "mutiques"".
(Kanner).
Les troubles de la communication, non verbale et verbale, dans l’autisme infantile sont systématiquement
présents dans l’autisme infantile et sont souvent à l’origine de la première consultation des parents.
• l’existence d’une "physionomie intelligente" qui serait le témoin de "bonnes potentialités intel-
lectuelles" se manifestant particulièrement par des prouesses mnésiques et d’étonnantes per-
formances dans le domaine de l’organisation spatiale : "Le vocabulaire stupéfiant des enfants qui ont
acquis le langage, l’excellence de leur mémoire pour des événements datant de plusieurs années, la capacité
phénoménale d’apprendre par coeur poèmes et noms et de se souvenir précisément de séquences et de
schémas complexes, témoignent d’une bonne intelligence au sens communément admis de ce terme."
(Kanner).
Ce point appelle quelques remarques importantes : En 1943, KANNER décrit des cas d’autisme à l’ "état
pur", c’est-à-dire sans déficience intellectuelle associée. Or, cette description clinique ne correspond
aujourd’hui plus qu’à une minorité des patients diagnostiqués autistes : on parle alors d’"autisme
nucléaire". Dans une étude épidémiologique de 1967, RUTTER & LOCKYER montrent que la majorité
des personnes autistes présentent une déficience mentale associée : 70% d’entre elles auraient un Q.I.
inférieur à 70 ; le Q.I. serait même inférieur à 50 dans 40% des cas.
Une étude plus récente (1990) portant sur 48 sujets soignés pour autisme ou psychose infantile entre 1966
et 1973 dans le département de l’Hérault donne les résultats suivants : le Q.I. est inférieur à 40 chez 63%
des sujets et supérieur à 55 chez 24%.
Autisme et retard mental ne sont donc pas exclusifs l’un de l’autre. S’il existe bien un lien entre les deux
dans le sens où l’autisme aggrave la déficience mentale en entravant l’épanouissement des capacités intel-
lectuelles, et réciproquement, il faut toutefois bien souligner que le fonctionnement intellectuel des sujets
autistes est très hétérogène et en particulier qu’il est différent de celui d’enfants retardés du même niveau.
• la précocité de l’âge d’apparition des troubles : "Nous devons donc supposer que ces enfants sont
venus au monde avec une incapacité innée à établir le contact affectif habituel avec les personnes, biolo-
giquement prévu, exactement comme d’autres enfants viennent au monde avec des handicaps physiques
ou intellectuels." (KANNER, opus cité). Dans sa première publication, KANNER suggère ainsi déjà le
caractère inné de l’autisme. Mais, quelques années plus tard (1956), il observe lui-même, avec
EISENBERG, que le syndrome autistique peut aussi apparaître plus tardivement, après une voire deux
années de développement normal.
Depuis la découverte de KANNER, le concept d’ "autisme" a beaucoup évolué.
Les deux grandes classifications internationales actuellement en vigueur sont : le DSM-IV (1994) de
l’American Psychiatric Association et la CIM-10 (1993) de l’Organisation Mondiale de la Santé. Toutes deux
font figurer l’autisme dans le groupe des Troubles Envahissants du Développement.
La 10ème révision de la Classification Internationale des Maladies (CIM-10) fait la distinction entre
l’ "autisme infantile" et l’ "autisme atypique" : ce dernier est défini comme un "trouble envahissant qui
diffère de l’autisme infantile par l’âge de survenue ou parce qu’il ne répond pas à l’ensemble des trois groupes
de critères diagnostiques d’un autisme infantile".

224
La Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (ou CFTMEA, 1988)
continue, pour sa part, à enregistrer l’autisme dans la catégorie des Psychoses Infantiles : l’autisme y apparaît
donc comme une forme particulière, très précoce et extrêmement invalidante, de psychose infantile.
Le DSM-IV, qui tend à s’imposer dans les publications internationales, retient, comme critères diagnostiques
du "trouble autistique", les signes cliniques suivants :
• une altération qualitative des interactions sociales ;
• une altération qualitative de la communication ;
• un caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités ;
• un retard ou un caractère anormal du fonctionnement débutant avant l’âge de trois ans (dans au moins
un des domaines suivants : interactions sociales, langage nécessaire à la communication sociale, jeu
symbolique ou d’imagination).
Récemment, en 1994, l’ANDEM (Agence Nationale pour le Développement de l’Evaluation Médicale) a
rédigé, à la demande du Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville, un rapport intitulé
l’autisme. Afin d’estimer le taux de prévalence de l’autisme et des psychoses infantiles, l’ANDEM s’est basée
sur 23 études recueillies à partir de 4 bases de données (Medline, Excerpta Medica, Pascal, Mental Health
Abstracts). Le rapport conclut, en prenant en compte toutes les formes cliniques du syndrome autistique, et
"en considérant les études les plus rigoureuses", que le taux de prévalence varie de 4 à 5,6 pour 10 000 pour
les sujets âgés de 0 à 19 ans. Il est également rapporté que deux études de bonne qualité (BRYSON, 1988;
GILLBERG, 1991) estiment ce taux à 10 pour 10 000. Ces chiffres, appliqués à la population française, et
pour la tranche d’âge 0-55 ans, correspondraient à 17 400 à 23 700 personnes autistes pour un taux de
prévalence compris entre 4 et 5,6/ 10 000, et à 43 400 personnes pour un taux de prévalence estimé à
10/ 10 000.
Le sex-ratio varie également selon les études mais indique toujours une forte prévalence des garçons par
rapport aux filles : près de 4 garçons pour une fille chez les enfants atteints très précocement, ce chiffre
tendant à diminuer pour atteindre 2,6 pour 1 chez les enfants atteints plus tardivement.
L’autisme est donc un trouble global et extrêmement complexe du développement, que l’on retrouve dans le
monde entier quelle que soit l’origine ethnique et sociale des parents. Si la symptomatologie autistique est
aujourd’hui bien définie, son étiologie exacte reste encore pour l’essentiel une énigme.
Les principales hypothèses étiologiques se répartissent classiquement selon deux grandes catégories: les théories
psychogénétiques (l’autisme agirait comme une sorte de mécanisme de défense de l’enfant en réaction à un
milieu hostile généralement incarné par la mère), et les théories organiques et cognitives (facteurs neuro-
logiques, génétiques, biochimiques, métaboliques, anatomiques, hypothèse d’un déficit cognitif spécifique...).
Le fossé entre ces deux grandes formes d’interprétation de l’autisme infantile tend pourtant petit à petit à
diminuer : ainsi, certains reconnaissent que les recherches neurobiologiques ne sont pas absolument incom-
patibles avec la compréhension des mécanismes psychodynamiques décrits par les recherches psychanalytiques
ou cognitives. L’hypothèse d’une étiologie multifactorielle de l’autisme, impliquant en proportions variables
facteurs biologiques et environnementaux, est d’ailleurs de plus en plus envisagée par les plus grands spé-
cialistes.
Que ce soit dans l’article princeps de KANNER ou dans les critères diagnostiques du DSM-IV, la référence
aux troubles de la communication et du langage occupe une place très importante. Pour LELORD,
SAUVAGE et LAUGIER, "L’autisme de l’enfant touche ce que l’homme a de plus précieux : la possibilité de
communiquer avec autrui".
Depuis peu, il apparaît que l’orthophoniste a bien un rôle à jouer auprès des enfants autistes en tant que
thérapeute du langage bien sûr, mais surtout en tant que thérapeute de la communication. D’ailleurs, le
rapport de l’ANDEM sur l’autisme souligne effectivement l’intérêt et l’efficacité des rééducations indi-
viduelles en orthophonie et en psychomotricité dans la prise en charge de ces enfants.

A - AGE DE DÉBUT DE L’AUTISME INFANTILE


Dans sa première publication, Léo Kanner décrivait le syndrome d’autisme infantile et précisait que "les

225
troubles autistiques du contact affectif "existent" dès le début de la vie".
"Le début des troubles avant 30 mois" est le premier critère diagnostic reconnu, en particulier dans la classi-
fication de l’O.M.S. (CIM X). Certains parents disent avoir remarqué, dès les premiers mois de vie de leur
enfant, quelque chose d’anormal dans le comportement de leur bébé. D’autres disent n’avoir rien remarqué
avant la fin de la première année, voire même avant l’âge de 18 ou 24 mois (Sauvage 1984). 38% des parents
situent le début des troubles vers la fin de la première année, 41 % des cas au cours de la deuxième année,
16 % des cas entre 2 et 3 ans et 5 % des cas seulement au-delà de 3 ans. (Rogers et Dilalla D.L., 1990)
Dans la majorité des cas, ce sont les retards de parole qui ont alertés les parents. Dans les autres cas ce sont les
anomalies des réponses sociales et émotionnelles. Des chercheurs se sont penchés sur l’étude de films ou d’en-
registrements vidéo familiaux prêtés par les parents. Ils ont pu ainsi analyser plus objectivement les signes
autistiques dans leurs toutes premières manifestations (Massie, 1975, Mazet, 1990, Adrien & al. 1993,
Baranek & al. 1999, Malvy & al. 1997). Ces chercheurs ont repéré ainsi des dysfonctionnements interactifs
dès la première année.
Une étude de Maestro & al. (1999) a permis dans un second temps de mettre en évidence des modalités
d’entrée différenciées dans la symptomatologie autistique.
Trois entrées dans la symptomatologie autistique ont été ainsi repérées :
• progressive, dès le deuxième trimestre de la vie de l’enfant, avec un manque de vivacité et de modulation de
l’état affectif, sans que pour autant des troubles de la communication soient d’emblée évidents ;
• régressive, lorsque, après une période sans anomalie au niveau des contacts sociaux, les parents observent un
changement dans l’expression du regard de l’enfant et l’apparition de conduites de repli et d’isolement
(généralement autour de 18 mois)
• en alternance, avec oscillation de moments où l’enfant semble interagir normalement avec son entourage et
d’autres où il présente les signes évoqués ci-dessus, en particulier le comportement de repli entre 6 et 18
mois.
Il existe donc d’importantes variations en ce qui concerne l’âge auquel se manifestent les premiers signes
d’autisme et leur modalité d’apparition. Deux âges semblent cependant privilégiés pour repérer les signes
précoces de l’autisme: la fin de la première année et la fin de la deuxième année.
Les signes précoces actuellement répertoriés sont :
• le manque d’intérêt du bébé pour les interactions sociales,
• les anomalies du regard, de l’adaptation du tonus,
• ou plus simplement la description d’un "bébé trop sage".
mais ces signes ne sont en général reconnus qu’à postériori par les parents.
D’autres signes sont repérés de façon non constante et ne sont pas spécifiques à l’autisme infantile :
• les troubles du sommeil,
• les troubles de l’alimentation.
Il faut préciser que chez certains enfants des troubles du contact social de type autistique peuvent être
observés avant 2 ans mais ne sont pas confirmés ultérieurement.
Il est cependant actuellement admis que le diagnostic d’autisme ne peut être porté qu’autour de l’âge de
2 ans 1/2 – 3 ans, mais la nécessité de repérer des signes précoces plus ou moins prédictifs de l’autisme reste
une priorité.
Le diagnostic repose donc essentiellement sur le jugement du clinicien. Les études portant sur ce type de
démarche démontrent que le diagnostic ainsi posé est fiable dans une grande proportion de cas. Le diagnostic
d’autisme formulé à 2 ans est en effet retrouvé à 3 ans dans 72% des cas.
Des anomalies sont alors signalées dans la communication, les échanges, la répétition des sons, l’imitation, le
pointage, l’utilisation du regard, les activités, l’utilisation des objets. Sont également relevés des stéréotypies
des mains, un besoin de flairage des objets, des réactions atypiques aux stimulations sonores et visuelles ainsi
que des anomalies motrices.

226
B - DE LA NÉCESSITÉ D’UN DÉPISTAGE PRÉCOCE
Dans un article paru en 2001, Danion-Grilliat et Bursztejn notent qu’il n’est pas rare qu’il puisse s’écouler
quelques mois, voire même quelques années, entre le moment où les parents sont sensibles à une anomalie de
comportement de leur enfant et celui où ils consultent un médecin. Parfois, le pédiatre les a incités à consulter
et ce sont eux qui retardent la consultation spécialisée. Parfois, parents et médecins se rassurent comme ils le
peuvent et diffèrent la consultation spécialisée. Il arrive également, de façon encore trop fréquente, que le
médecin soit lui-même réticent et qu’il ait tendance à minimiser voire même dénier des troubles déjà rela-
tivement évidents.
Ils estiment que les pédopsychiatres ne sont pas les seuls professionnels concernés par le diagnostic de
l’autisme et la prise en charge de ces enfants et insistent sur le fait qu’il doit s’agir d’une approche pluri-disci-
plinaire. C’est au pédiatre que revient en général le soin de repérer les prémices de ces troubles. Mais les
psychologues, orthophonistes et psychomotriciens, formés à l’examen des très jeunes enfants et des troubles
précoces de la communication, sont également particulièrement concernés.
Leur grand regret : le retard encore trop fréquent à poser le diagnostic. Ainsi souhaitent-ils que tous les pro-
fessionnels de la petite enfance soient sensibilisés à cette question de la gravité des troubles relationnels et de la
communication chez le très jeune enfant et ne laissent pas passer un temps précieux en espérant une évolution
spontanément résolutive.
Avec d’autres de leurs collègues, ils préconisent également que soit portée une attention toute particulière au
développement relationnel et à la communication préverbale. En effet, un consensus semble s’être fait sur
l’intérêt de la précocité de la prise en charge de ces enfants. Ceci suppose un effort de formation des profes-
sionnels de santé en charge de ces questions, mais également un effort de collaboration entre les différents
professionnels.

C - UN OUTIL DE DÉPISTAGE PRÉCOCE : LE "CHAT" (CHECK-LIST FOR AUTISM IN


TODDLERS OU QUESTIONNAIRE POUR L’AUTISME POUR LES TOUT PETITS)
A la suite de recherches sur le développement des cognitions sociales, S. Baron–Cohen a construit un ques-
tionnaire, le CHAT (check-list for autism in toddlers ou Questionnaire pour l’autisme pour les tout petits).
Ce questionnaire est composé de 9 questions posées aux parents et de 5 items qui portent sur l’observation
que peut faire le médecin ou tout professionnel de la petite enfance. Ce questionnaire évalue plus spéci-
fiquement 3 comportements qui sont reconnus comme faisant habituellement défaut chez les enfants porteurs
d’autisme : l’attention conjointe, le pointage proto-déclaratif (et non pas proto-impératif présent chez l’enfant
autiste) et le jeu de faire semblant (Baron–Cohen et al., 1992).
Une autre étude de Baron–Cohen et al., (1996) a porté sur une population de 16 000 enfants de 18 mois et a
permis de détecter à l’aide du CHAT, 10 cas d’autisme confirmés à l’âge de 42 mois.
Ces auteurs ont ainsi pu confirmer la spécificité du CHAT pour la mise en évidence de symptômes prédictifs
spécifiques de l’autisme. Mais il est nécessaire de souligner que le CHAT ne suffit en aucun cas pour affirmer
le diagnostic d’autisme et qu’il ne règle pas le problème des instruments de diagnostic pour les enfants de
moins de 18 mois. Par ailleurs, cet âge reste néanmoins relativement tardif en ce qui concerne les enfants dont
les manifestations autistiques apparaissent dans la première année.
Plusieurs recherches sont actuellement en cours pour tenter de repérer des signes apparaissant avant 18 mois.
Ainsi plusieurs équipes, en particulier, françaises, travaillent à la mise au point d’outils de dépistage utilisables
chez les très jeunes enfants : 13 mois pour une étude hollandaise (Buitelaar JK, 1999) ; 8 – 9 mois et 24 mois
pour une étude multicentrique française coordonnée par Bursztejn, Danion-Grilliat et al. (1998). Les équipes,
participant à cette recherche, se proposent d’examiner les enfants dans le cadre des examens systématiques et
obligatoires du nourrisson, en France.
Un questionnaire pour l’examen du 9ème mois, explorant différents aspects de la communication préverbale
et de l’établissement des premiers échanges avec l’environnement est ainsi proposé et recueille à la fois les
réponses apportées par les parents et les observations des cliniciens. Le questionnaire comporte des items
faciles à mettre en évidence dans les conditions habituelles d’une consultation et concerne la communication,

227
la relation à autrui, l’attention conjointe, la motricité.
Le dépistage et le diagnostic précoce des troubles autistiques sont donc devenus une nécessité absolue. Mais la
mise en évidence de signes évocateurs d’un dysfonctionnement développemental chez l’enfant ne peut se faire
sans la mise en place simultanée de moyens de prise en charge et de soins adaptés à ces très jeunes enfants. En
effet, il serait éthiquement impossible d’envisager de mettre en évidence des signes prédictifs de l’autisme sans
proposer en même temps un soutien et des soins appropriés à l’enfant et à ses parents. Mais cela implique que
les professionnels soient formés à la prise en charge spécifique des enfants autistes ou en risque de le devenir.

II – APPORT DE L’ORTHOPHONIE DANS LA PRISE EN CHARGE DE


L’ENFANT AUTISTE
Longtemps tenu à l’écart de la prise en charge des patients atteints d’autisme, l’orthophoniste trouve
aujourd’hui sa place au sein de nombreuses équipes, où sa compétence et sa spécificité commencent à être
véritablement reconnues dans ce domaine.
Depuis KANNER, les troubles du langage et de la communication ont toujours figuré de manière pré-
éminente parmi les signes les plus caractéristiques de l’autisme. Au sein même de la population autistique, il
existe une importante variabilité interindividuelle concernant l’aptitude au langage verbal. Mais, le problème
majeur de toutes ces personnes demeure avant tout celui de la communication.
L’analyse de la communication, à travers une approche de type pragmatique, a permis de mettre en évidence
ses principales fonctions, ses moyens (extra-linguistiques, para-linguistiques et linguistiques) et les conditions
de son ontogenèse chez le tout petit enfant.
La communication implique l’interaction entre au moins deux sujets, partenaires de cet échange. L’être
humain communique avec ses semblables pour diverses raisons : satisfaire un besoin, obtenir un objet ou des
informations, marquer son refus, attirer l’attention de l’autre, partager un intérêt commun, faire des com-
mentaires, exprimer ses sentiments... Communiquer, c’est exister dans un monde social en se positionnant en
tant que sujet.
Les compétences communicatives évoluent (elles se perfectionnent et se normalisent) de la naissance à l’âge
adulte. Chez l’enfant ordinaire, le processus de la communication trouve ses origines dans les premières
interactions entre le bébé et sa mère : déjà très précocement, communication et socialisation sont des notions
indissociables l’une de l’autre.
"Communication" et "autisme" sont souvent considérés comme des termes antinomiques et un prétendu
constat d’ "incommunicabilité" a longtemps dominé la représentation populaire des personnes autistes. Or
affirmer l’altération, certes profonde et extrêmement précoce, du développement de la communication chez
les sujets porteurs d'autisme ne revient absolument pas à dire que ceux-ci ne communiquent pas du tout.
Les études de WETHERBY et PRUTTING, reprises en France par LIVOIR-PETERSEN, ont largement
contribué à remettre en question ce préjugé : elles ont montré que les enfants porteurs d'autisme com-
muniquent, mais évidemment pas comme les autres enfants (enfants ordinaires ou même déficients
mentaux); en particulier, la communication de ces enfants se caractérise par l’utilisation de moyens habi-
tuellement non conventionnels et par la rareté des comportements à visée d’attention conjointe, contrastant
avec une proportion assez élevée de comportements à visée de régulation comportementale.
Les différents travaux d’observation et de recherches les plus récents font donc émettre l’hypothèse que les
enfants porteurs d'autisme seraient plutôt des enfants dont la manière de communiquer est insolite,
différente, entravée. Il s’agit donc pour les orthophonistes, d’envisager que le comportement des enfants
porteurs d’autisme, de même que leur langage, correspond à leur logique de vie propre, issue de leur singulière
façon d’appréhender le monde.
C’est justement parce que nous ne sommes pas habitués à décoder leur système particulier de communication
(déficitaire, non conventionnel et de ce fait très différent du nôtre) que ces enfants nous déroutent pro-
fondément et nous apparaissent si souvent, mais à tort, comme des êtres "non communicants"...
Chacun de nous appréhende l’autisme avec son propre point de vue : mais celui-ci reste forcément limité,

228
voire faussé, dans la mesure où il nous est impossible d’éprouver comment la personne porteuse d'autisme
perçoit véritablement le monde en son for intérieur. C’est donc essentiellement à travers les témoignages de
personnes porteuses d’autisme de haut niveau, comme Temple GRANDIN, mais aussi à travers l’observation
fine de nos patients, que nous pouvons espérer approcher d’un peu plus près leur manière singulière de
penser et d’exister.
Si la communication est effectivement au centre des problèmes de la personne porteuse d'autisme, alors elle
devrait aussi logiquement se retrouver au coeur de toute approche globale, thérapeutique et éducative, lui
étant spécifiquement destinée. C’est donc en tant que thérapeute du langage, mais aussi de la communication,
que l’orthophoniste va intervenir auprès des enfants porteurs d'autisme en s’intégrant à une équipe pluridisci-
plinaire.
La place aujourd’hui accordée à l’orthophoniste dans la prise en charge des enfants porteurs d'autisme reflète
plus largement l’évolution de la profession elle-même : en effet, les frontières de l’orthophonie se sont pro-
gressivement élargies à mesure que les vues sur le langage et ses troubles se sont enrichies. Le champ d’action
de l’orthophonie ne se limite plus au "redressement" des éventuelles "anomalies" de la parole et du langage
(oral/ écrit) : il s’étend désormais à l’ensemble du processus de la communication intersubjective, envisage
davantage la dimension de la communication non verbale, prend en considération les notions très prag-
matiques de fonctions et de comportements de communication et s’intéresse particulièrement à la commu-
nication préverbale (qui précède et prépare déjà l’accès au langage proprement dit).
C’est donc résolument dans cette perspective de l’intervention orthophonique que s’inscrit le travail auprès
des enfants porteurs d'autisme. Aucune méthode spécifique n’a pour l’instant fait la preuve d’un succès total
et sans équivoque, mais certains principes très simples s’avèrent toutefois efficaces pour mettre en place les
premières bases de la communication pragmatique et favoriser son épanouissement : l’imitation, dont la
"double fonction" (communicative et acquisitive) a largement été soulignée, en fait naturellement partie.
Elle représente en effet un puissant mécanisme d’intégration interindividuelle en induisant des modifications
par ajustement des conduites du sujet imitant et du sujet imité. Sur le plan relationnel, les deux partenaires
de l’échange imitatif sont essentiellement liés par une communauté de procédures et d’intérêts : l’imitation,
immédiate et réciproque, est alors le support principal de la communication et contribue au maintien de la
relation.
Chez le jeune enfant ordinaire mais également chez l’enfant porteur d’autisme, l’usage de l’imitation à des fins
relationnelles engendre naturellement la création de situations duelles interactives particulièrement propices
aux acquisitions cognitives; et réciproquement, l’usage instrumental de l’imitation engendre l’accroissement
des compétences communicatives. Le travail autour de l’imitation permet encore de stimuler certaines sphères
très générales du développement qui, souvent, sont perturbées chez la personne porteuse d’autisme (motricité,
vision, audition).
Comme pour toutes les prises en charge orthophoniques, il s’agit donc pour l’orthophoniste d’évaluer au
mieux l’importance des troubles de la communication, afin de participer dans un premier temps au
diagnostic, puis d’élaborer un projet de travail individualisé pour chaque enfant. Ceci en partenariat avec les
parents et les autres professionnels appelés à s’occuper de l’enfant. La place et le rôle de l’orthophoniste dans la
prise en charge des troubles graves de développement et de la communication est donc à la fois ancienne, les
travaux de Wetherby et Prutting datent des années 1970, et récente, en tout état de cause aujourd’hui
largement admise.

Face à l’enfant porteur d’autisme, l’orthophoniste aura donc pour tâche :


• d’évaluer les troubles de la communication
• d’élaborer une prise en charge en partenariat avec les parents, dans un cadre pluridisciplinaire.

229
III – L’ÉVALUATION DES TROUBLES

A - EVALUATION DES CAPACITÉS DE COMMUNICATION VERBALE ET NON VER-


BALE DE L’ENFANT PORTEUR D’AUTISME DANS LE CADRE D’UNE UNITÉ
D’ÉVALUATION ET DE DIAGNOSTIC DES TROUBLES PRÉCOCES DU DÉVELOPPEMENT
"Chacun peut constater les bienfaits d’un diagnostic clairement annoncé, à condition que, parallèlement un projet
de prise en charge soit proposé"
J. Constant (Chartres)

L’évaluation première, diagnostique et basée sur des critères nosographiques, peut être qualifiée de "formelle":
elle est incontournable puisqu’elle conditionne tout le suivi thérapeutique ultérieur (soins et éducation).
Dans le cas de l’autisme, la confirmation du diagnostic passe par la mise en évidence des critères spécifiques
de l’autisme infantile tels qu’ils ont été définis dans les principales classifications nosographiques nationales
et internationales (CFTMEA, CIM-10, DSM-IV).
L’intérêt du diagnostic précoce réside en la possibilité d’une part de mettre des mots sur des attitudes étranges,
et souvent très déstabilisantes pour l’entourage de l’enfant, et, d’autre part, d’inscrire très tôt l’enfant ainsi
dépisté dans un projet thérapeutique global et individualisé. Ainsi, l’évaluation initiale à visée diagnostique ne
prend véritablement son sens qu’à partir du moment où elle permet de déclencher une dynamique théra-
peutique intégrant les dimensions essentielles du soin et de l’éducation spécialisée : celle-ci sera évidemment
centrée sur l’enfant diagnostiqué "autiste", tout en prenant en considération l’environnement dans lequel
celui-ci évolue grâce au partenariat parents/ professionnels.
Il apparaît cependant que cette évaluation formelle, aussi indispensable soit-elle, n’est pas toujours suffisante
pour permettre l’établissement d’un programme de prise en charge personnalisé et efficace. Ainsi, l’évaluation
seconde, ou "informelle", s’inscrira résolument dans une démarche de recherche de la forme de traitement
la plus rationnelle et la plus appropriée à chaque sujet autiste. Dans l’idéal, cette démarche devrait être
collective, engageant toute l’équipe pluridisciplinaire mobilisée autour de l’enfant et en associant si possible
aussi les parents.
Les enfants vus en évaluation sont en général adressés par les pédiatres, les orthophonistes, l’école ou par des
institutions extérieures (Camsp, PMI…). Une consultation préalable permettant de poser l’indication, s’il y a
lieu, d’en exposer le bien-fondé et d’en expliquer le déroulement aux parents. Les examens somatiques :
clinique, ORL, ophtalmologique, neurologique, génétique, métabolique sont en général réalisés en
ambulatoire. L’examen des troubles se fera au cours de deux journées d’hospitalisation de jour et comportera
un examen psychiatrique, psychologique, psychomoteur, orthophonique, un bilan scolaire ainsi qu’une
analyse d’enregistrement vidéo en situation de jeu semi structuré avec les parents et avec une éducatrice. Le
bilan de synthèse et les propositions thérapeutiques sont exposés aux parents par le pédopsychiatre responsable
de l’unité d’évaluation.
Les progrès de la recherche concernant la connaissance de l’autisme et ses techniques d’évaluation ont
permis d’améliorer considérablement les conditions et la qualité du dépistage de ce trouble envahissant du
développement et, en particulier, de poser des diagnostics de plus en plus précoces.
Le bilan orthophonique comportera deux temps distincts.
Un entretien avec les parents :
En plus de l’anamnèse classique, l’entretien permettra de savoir comment l’enfant communique : pour
demander quelque chose, attirer l’attention, protester, faire des commentaires, donner ou demander des
informations, manifester une émotion…
Il permettra de se faire une idée de comment s’exprime l’enfant et comment ses parents s’adressent à lui :
langage verbal et/ou gestuel, images, objets, combinaison de plusieurs modalités.
Dans ce but la grille d’Adriana L.Schuler, entretien pour évaluer la communication spontanée, pourra être
utilisée.

230
Une observation du comportement et des situations interactives :
L’observation est faite sur des enregistrements vidéoscopés lors d’une situation de jeu semi-structuré en
interaction avec un adulte étranger, dans un lieu connu, en présence de familiers, pour ce qui concerne les
conditions proposées par Wetherby et Prutting et décrites par Livoir Petersen. Dans certaines unités
d’évaluation, la pratique peut être un peu différente. L’enregistrement se fait par exemple dans une pièce
aménagée pour filmer derrière une glace sans tain. Une séquence se fait avec les parents, une autre avec une
éducatrice qui propose un certain nombre d’activités ludiques inspirées d’items du PEP. La cotation de la
grille de Wetherby et Prutting est alors réalisée à partir de ces vidéos. Une rencontre entre l’enfant et l’ortho-
phoniste a également lieu durant les deux journées d’observation.
Le bilan s’inscrit dans la démarche globale de l’unité d’évaluation qui est d’inventorier, de préciser et de
décrire les troubles du développement afin de poser un diagnostic et de proposer une conduite à tenir.
Les altérations qualitatives de la communication constituent l’un des critères diagnostiques du trouble
autistique et peuvent se manifester notamment par :
• un retard, ou une absence totale de développement du langage parlé, sans tentative de compensation par
d’autres modes de communication comme le geste ou la mimique,
• une incapacité marquée à engager ou à soutenir une conversation avec autrui chez les sujets maîtrisant suf-
fisamment le langage,
• un usage stéréotypé et répétitif du langage, un langage idiosyncrasique.

B - EVALUATION ORTHOPHONIQUE DANS LE CADRE D’UNE CONSULTATION


EN LIBÉRAL
Il n’y a pas si longtemps, les enfants porteurs d'autisme étaient encore couramment considérés comme
"intestables" : les arguments principalement avancés faisaient alors référence à leur prétendue non-commu-
nication et à leurs troubles du comportement. Or, il s’avère que, le plus souvent, on a voulu appliquer à ces
enfants des tests "standards" qui ne convenaient absolument pas à leurs particularités cognitives, développe-
mentales et relationnelles, d’où l’échec des premières tentatives... Aujourd’hui, on a pris conscience de la
nécessité de recourir à des outils particulièrement adaptés à cette population d’enfants. Par voie de
conséquence, l’adaptation de l’adulte à l’enfant qu’il veut évaluer est donc particulièrement nécessaire.
La première évaluation va permettre à l’orthophoniste d’avoir de précieuses informations afin de faire le point
sur ce que l’enfant sait déjà faire. Tout enfant a des compétences et il s’agit de partir de ces acquis. L’important
est de savoir où en est l’enfant pour adapter et personnaliser la prise en charge de chaque enfant. Les activités
ludiques proposées devant arriver à point, ni trop tôt, ni trop tard. Une pression trop importante avec des
objectifs trop ambitieux est en effet génératrice de stress et de frustration. Elle entraîne un sentiment d’échec
pour l’enfant et ses parents et peut être à l’origine de troubles du comportement. Cette évaluation est menée
jusqu’à ce que, sur la base de connaissances claires et précises, les premiers objectifs de travail puissent être
formulés. Il s’agit donc d’une évaluation fonctionnelle.
Par la suite, une évaluation régulière permettra en outre de pointer les progrès, même les plus infimes et
d’adapter le choix des activités à proposer à la maison.
L’évaluation sera faite avec les parents. Ce sont en effet eux qui passent le plus de temps avec leur enfant et
c’est eux qui le connaissent le mieux. Ils sont donc les mieux placés pour évaluer ses aptitudes de commu-
nication. Sans compter que l’observation de l’enfant dans son milieu de vie habituel est tout à fait pertinente.
A l’aide de grilles d’observation et en tant que professionnel de la communication, l’orthophoniste s’attachera
à évaluer les conditions d’accès à celle-ci :
• motricité globale : qualité de la préhension, qualité de la station assise, qualité de la marche, déplacements,
intérêt pour des activités nécessitant une coordination oculo-motrice, réussite ou non de ce genre d’activités,
intérêt pour des activités nécessitant une motricité fine, réussite ou non de ce genre d’activités
• regard : qualité du contact œil à œil, qualité et durée de la poursuite visuelle, manipulation et utilisation
fonctionnelle des objets (spontanée ou avec aide physique), images, jeux, formes…, réception d’un message
visuelle, traitement de l’information, coordination oculo-motrice

231
• audition : réaction au son : absente, normale, excessive, attention au son, recherche de l’origine du son,
orientation au son, dans/hors champ visuel, interpellation de l’adulte pour comprendre l’origine du bruit,
réaction à la voix : familière, étrangère, compréhension du langage oral avec ou sans support gestuel/visuel
• imitation : motrice, sonore, verbale, avec/sans objet, imitation immédiate/différée, sur modèle corporel :
côte à côte/en face, sur une partie de son corps qu’il contrôle ou pas par le regard, sur photos, sur images,
sur pictogrammes, dans tous les contextes, nécessité d’insistance ou non
• tour de rôle : présence ou non du tour de rôle vocal, participation aux tours pré-conversationnels, initiation
d’un tour pré-conversationnel, respect de l’alternance dans le jeu d’échange, plaisir aux échanges alternatifs,
prise en compte de l’autre, adaptation à l’autre
• attention conjointe : présence ou non de l’attention conjointe, qualité et durée de l’attention conjointe
• pointage : présence ou non du pointage, qualité du pointage, fréquence du pointage, utilisation du
pointage proto-impératif, utilisation du pointage proto-déclaratif
• interaction : capacité à faire une demande non verbale, capacité à faire une demande verbale, recherche de
l’interaction, moyens utilisés pour entrer en interaction, durée de l’interaction
• jeu : l’enfant joue-t-il seul, explore-t-il les objets, les porte-t-il à la bouche, les utilise-t-il de manière fonc-
tionnelle, pratique-t-il le jeu symbolique, réalisations des jeux constructifs ?
• communication non verbale : capacités à se faire comprendre, moyens utilisés : tonus corporel, intonation
des cris, mimiques, sourires, capacités à comprendre les mimiques ou les gestes de l’autre, compréhension
d’un ordre non verbal, attention à l’intonation, aux mimiques, aux gestes de l’autre, langage gestuel : gestes
simples, instrumentaux (pointage, gestes utilitaires), conventionnels, expressifs, expression par le biais
d’image ou de pictogrammes, transcription écrite : manuelle ou sur clavier…
• communication verbale : langage oral : aspect qualitatif, cris, vocalisations, jargon (riche, pauvre, varié,
répétitif, prosodieux), mots (altérés sur le plan phonologique ou non), phrases (syntaxe réduite, déviante,
correcte, élaborée), avec prosodie adaptée ou non, langage oral : aspect sémantique, lexique adapté ou non,
néologisme, idiosyncrasies, accès à la catégorisation, stéréotypies, langage oral : aspect pragmatique,
utilisation fonctionnelle dans différentes situations socio-communicatives (demande d’aide, expression d’un
désir, commentaires, récits d’événements vécus, expression d’un sentiment, accès à l’humour) et conversa-
tionnelles (initiatives dans l’échange, réponses, maintien du thème, de l’échange, tour de parole, infor-
mativité et cohésion), plaisir à répéter les mots, écholalie, utilisation du langage avec certains partenaires
• compréhension verbale et non verbale : faut-il réitérer plusieurs fois une consigne, l’appuyer d’un geste,
l’enfant répond-il aux gestes conventionnels, aux mimiques, compréhension contextuelle, compréhension
sélective de mots isolés (obtention du pointage), compréhension de consignes simples avec ou sans matériel,
compréhension d’une question qui nécessite une représentation mentale induite par l’usage ou la description
(où dort-on ?), compréhension de questions avec ou sans support visuel, compréhension de consignes
complexes et/ou comportant plusieurs informations à traiter, compréhension des gestes
• capacités cognitives : intérêt pour l’environnement, exploration de l’environnement, manipulation des
objets, permanence de l’objet, jeu symbolique, capacités pré-logiques, capacités logiques, mémoire, attention
• comportement : qualité du contact avec les personnes familières, qualité du contact avec les personnes
étrangères, réaction à la séparation, utilisation du "non", désir d’autonomie, d’indépendance, opposition,
séduction, passivité, introversion, timidité, manque d’assurance, d’autonomie…, agressivité, hyperactivité,
agitation, opposition…, intérêt, participation, désir de bien faire, de réussir…
• langage écrit : lecture : apprentissage spontané ou enseigné, niveau atteint, fonctionnalité, possibilité
d’utiliser les compétences en lecture pour soutenir ou améliorer la communication, transcription : manuelle
ou utilisation du clavier, mode d’apprentissage, niveau atteint, fonctionnalité
L’évaluation ne se résume donc pas à un ensemble de résultats chiffrés, mais doit aboutir à un relevé des
acquis de l’enfant avec des points forts, des acquisitions limitées à certains contextes qu’il conviendra de
généraliser. Cette démarche permettra de définir le cadre de son intervention et d’imaginer des moyens de
rééducation à partir des intérêts et des émergences observées chez l’enfant, en partenariat avec les parents et les
professionnels qui s’occupent de lui et pourront prolonger les activités proposées dans la vie quotidienne.
Bien entendu, de nombreuses épreuves "classiques" peuvent être utilisées pour évaluer la communication et le
langage et ne seront pas ici développées.

232
IV – PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT PORTEUR D’AUTISME
Grâce à l’évaluation pratiquée lors du bilan, l’orthophoniste pourra expliquer aux parents ou aux profes-
sionnels quelles sont les difficultés de communication de l’enfant et leurs conséquences.
Les connaissances en matière de langage et de prise en charge précoce des handicaps démontrent actuellement
qu’il faut agir le plus précocement possible, et non attendre que le langage soit en place pour le "rééduquer".
Plus qu’une rééducation, il s’agit dès lors bien plus d’une éducation du langage.
Il s’agit dans un premier temps, de sensibiliser les parents à l’observation de la communication de leur enfant,
afin qu’ils puissent relever, quand, comment, à propos de quoi et pour quoi leur enfant communique. Cette
capacité d’observation va ensuite permettre aux parents de faire le point, en apprenant à mieux connaître leur
enfant et en repérant ses tentatives de communication. Regard fugitif, sourire, mouvements du corps (même
les plus infimes), stéréotypies, mimiques, sons, bruitages, écholalie, mots, phrases sont des tentatives de com-
munication et doivent être reconnues comme telles.
Il s’agit donc d’amener les parents à reconnaître ces amorces de communication pour y répondre de façon
adaptée. C’est de cette manière, qu’ ils confirmeront à l’enfant l’existence et la réception de son message.
C’est par cette attitude qu’ils démontreront à leur enfant qu’ils sont attentifs à lui et qu’ils le reconnaissent
comme être communicant.
Ayant permis à ceux-ci de prendre conscience de ces problèmes concrets, l’orthophoniste pourra les aider, tout
au long de la prise en charge, à adapter leur action éducative.

A - INFORMATION SUR LE DÉVELOPPEMENT PLUS GÉNÉRAL DE L’ENFANT


Elle portera sur les différents domaines à mettre en place et sur le développement normal des étapes
d’acquisition du langage. Il est important d’informer les parents, avec des repères clairs, à partir de tableaux
synthétiques, sur la mise en place du langage. L’orthophoniste se doit de connaître avec précision le déve-
loppement de l’enfant dans les différents domaines indispensables à la construction du langage. Elle pourra en
faire part aux parents, sans forcément indiquer l’âge de référence de ces acquis, mais en parlant plutôt de
niveaux, de stades de développement, auxquels l’enfant devra accéder.

B - REPRISE DE L’INFORMATION SUR L’AUTISME


Quelles que soient les précautions prises au moment de l’annonce, celle-ci entraîne un véritable traumatisme,
qui ne peut être évité. Ce traumatisme ne permettra pas la compréhension des explications données par le
médecin. Pour témoignage cette maman qui disait : "Dès que j’ai entendu ce mot - autisme – je n’entendais
plus que lui. Aujourd’hui, je suis encore sous le choc".
Ainsi des explications même claires, précises, humaines et positives n’auront pu être comprises puisqu’elles
n’auront pu être entendues par les parents. Il y a deux conditions à cette information : que les parents soient
les destinataires d’une véritable information et qu’ils soient en mesure de la recevoir. Or le vécu émotionnel
plus ou moins intense, rend l’accès à l’information plus difficile. Ce sont donc des informations qu’il faudra
reprendre. Madame le professeur Rethore, du centre médical J.Lejeune à Paris, déclarait que "le diagnostic
expliqué dans ses causes et ses conséquences avec des mots simples, ne console pas de la souffrance de voir son
enfant en difficulté, mais a l’énorme mérite de mettre un terme à l’angoisse de l’incertitude, de l’inconnu".
Il ne s’agit pas, pour elle, de donner des portraits-robots qui décrivent "ces enfants-là", mais parler plutôt de
ligne générale.
Ces informations permettent aux parents de cerner au mieux les capacités et les difficultés de leur enfant.
La connaissance des différentes étapes d’acquisition du langage leur donne en effet des repères pour remarquer
les acquisitions de leur enfant et pointer ses progrès. Ils pourront ainsi envisager un avenir pour lui, l’inscrire
dans un projet éducatif.
L’information portera bien entendu sur les spécificités de l’enfant porteur d’autisme

233
C - DÉVELOPPEMENT PLUS SPÉCIFIQUE DE L’ENFANT PORTEUR D’AUTISME
Les enfants porteurs d’autisme présentent des déficits dans les capacité de réception et d’expression de la
communication non verbale. Ces déficits sont :
• un déficit du contact oculaire ; celui-ci est souvent rare, fugitif, périphérique
• une non utilisation des gestes, des mimiques, des expressions faciales ou corporelles pour transmettre une
information
• une mauvaise compréhension de l’information véhiculée par les gestes, les mimiques ou expressions faciales
ou corporelles
• une réaction inhabituelle aux sons
• une réaction inhabituelle aux stimulations visuelles
• une réaction inhabituelle au toucher par les autres
• des réactions paradoxales à certaines sensations…
Les troubles de la communication verbale :
Près de 50% des personnes porteuses d’autisme utilisent le langage : ils présentent alors une dissociation entre
la phonologie et la syntaxe relativement épargnées, et la sémantique et la pragmatique particulièrement
affectées. Quel que soit le niveau de compétence langagière des enfants porteurs d’autisme, ils présentent un
trouble majeur de la pragmatique.

V – IMITATION, TROUBLES COGNITIFS


ET COMMUNICATIONNELS DANS L’AUTISME INFANTILE
Pour prendre en charge des enfants porteurs d’autisme, il est absolument indispensable d’avoir une bonne
connaissance de leurs difficultés spécifiques et de leur mode de fonctionnement si particulier. Une meilleure
compréhension théorique contribue en effet à l’élaboration d’interventions pratiques de meilleure qualité,
mieux adaptées et donc forcément plus efficaces.
Pour l’orthophoniste, il s’agira bien sûr de se familiariser avec les troubles du langage et de la communication
les plus typiques de l’autisme. Mais pas seulement... Le développement des sciences cognitives est aujourd’hui
à l’origine de nombreux travaux portant sur les modalités particulières du fonctionnement intellectuel des
enfants porteurs d’autisme. Certains chercheurs avancent ainsi l’hypothèse d’un éventuel déficit cognitif
spécifique qui constituerait une sorte de déficit basal dont les troubles relationnels et communicationnels ne
seraient pas la cause, mais la conséquence...
Le terme "cognition" envoie à l’ensemble des opérations mentales qui servent à traiter les informations issues
de l’environnement du sujet : recueillir, percevoir, élaborer, mémoriser l’information en l’évoquant sous forme
de représentations à l’aide de signes, de symboles, de pensées.
Or, il apparaît que les personnes porteuses d’autisme traitent l’information d’une manière qualitativement
différente de celle des personnes présentant un handicap mental sans pathologie autistique associée : en
particulier, les sujets porteurs d’autisme ont d’énormes difficultés à appréhender les symboles.

A - DES DIFFICULTÉS COGNITIVES EN GÉNÉRAL ET DE L’IMITATION


EN PARTICULIER
1 - Déficits cognitifs et autisme

◆ Troubles de l’intégration sensorielle


L’observation clinique d’enfants atteints d’autisme met en évidence des perturbations de l’intégration des
stimuli sensoriels (auditifs, visuels et tactiles) : on constate une hyper ou une hyporéactivité aux stimuli
sensoriels avec souvent une alternance de ces deux stades en différentes occasions et une imprévisibilité
concernant les réponses et l’orientation à ces stimuli.

234
Des mesures neurophysiologiques ont révélé, chez des enfants atteints d’autisme, un abaissement de leur seuil
perceptif aux différents stimuli sensoriels. On a alors émis l’hypothèse que l’autisme pourrait être lié à une
hypersensibilité sensorielle initiale conjuguée à une faillite de la barrière de protection contre les stimuli : cela
aurait pour résultat une "invasion" du milieu intérieur par des stimuli "non filtrés" provenant du milieu
extérieur.
Un certain nombre de particularités sont observables au niveau de la vision, du regard : l’enfant ne suit pas
des yeux les personnes autour de lui ; il ne s’oriente pas vers un stimulus visuel proche mais reste polarisé par
d’autres plus lointains; il est souvent fasciné par les lumières, fixe longuement et étrangement ses mains ou un
objet; son regard est généralement qualifié de "vide" et donne l’impression d’une fuite, d’un évitement...
L’utilisation préférentielle des propriétés périphériques du système visuel, au détriment des propriétés du
système central fovéal, a également été mise en évidence récemment.
Concernant l’audition, il existe parfois une absence de réponse aux stimuli sonores (bruits et/ ou parole)
quelle que soit leur intensité. Inversement, une sensibilité exagérée aux bruits peut amener l’enfant porteur
d’autisme à se boucher les oreilles ou à manifester des réactions de peur, voire de panique. Certaines réactions
apparaissent très paradoxales : ainsi, un enfant peut très bien ne manifester aucune réaction à un son fort,
mais réagir à d’autres sons pourtant d’intensité bien plus faible...
Ces réponses fortement perturbées font souvent suspecter un déficit sensoriel primaire comme la cécité ou la
surdité, alors que le diagnostic d’autisme n’a lui-même pas encore été posé. Pourtant, les spécialistes
s’accordent globalement pour affirmer l’intégrité de l’appareil sensoriel dans la majorité des cas d’autisme.

◆ Troubles de l’attention
La manière particulière dont les sujets porteurs d'autisme prêtent spécifiquement attention à certains stimuli,
en rétrécissant le reste de leur champ d’attention, représente une des caractéristiques de leur mode de pensée.
En effet, seuls certains stimuli semblent capter l’attention de la personne autiste, et tous les autres stimuli
donnent l’impression d’être tout simplement ignorés.
Leurs centres d’intérêts, souvent très restreints, sont généralement décrits comme obsessionnels ; mais ne
pourraient-ils pas simplement s’expliquer par une façon de penser basée sur une attention extrêmement
sélective ? L’objet de leur attention reste aussi souvent idiosyncrasique.
Les enfants atteints d’autisme sont habituellement présentés comme ayant une "concentration pauvre", une
"attention déficitaire"; en fait, il semblerait que leur concentration soit plutôt élevée, mais variable dans le
temps, et se fixant préférentiellement sur des objets inhabituels.

◆ Troubles de la symbolisation
Les troubles de la symbolisation représentent vraiment une donnée constante de la pathologie autistique : les
difficultés d’accès au langage, à l’imitation et au jeu symbolique en témoignent... De nombreux auteurs ont
souligné, chez les sujets porteurs d'autisme, l’existence de troubles de l’imitation et la pauvreté des jeux à
valeur symbolique (jeux dits de "faire semblant") au profit de pures manipulations d’objets, souvent
stéréotypées.
Or, et bien malheureusement pour les sujets porteurs d'autisme, le fonctionnement des sociétés humaines est
très largement régi par les symboles. Et le langage en est un parfait exemple : les sons du langage, les
phonèmes, se combinent pour signifier - c’est-à-dire symboliser - des choses, des actes, des pensées, des
sentiments. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les patients porteurs d'autisme éprouvent les pires
difficultés avec le langage. Et en marge du langage proprement dit, la vie sociale recourt sans cesse à d’autres
symboles encore, comme tous les gestes conventionnels : signes de tête, poignées de mains, pointage, etc.
Il n’y a donc rien d’étonnant non plus à ce que les personnes atteintes d’autisme éprouvent aussi les pires
difficultés avec les relations sociales en général.
Ainsi, les personnes souffrant d’autisme vivent dans un monde mal adapté aux particularités de leur mode de
fonctionnement cognitif : ils ne comprennent pas, ou très difficilement, ce monde et ont également de

235
sérieuses difficultés pour s’y faire comprendre des autres. C’est peut-être aussi pour cela que ces personnes ont
tendance à se retirer de ce monde, "incompréhensible" pour eux et "peu compréhensif" envers eux, et qu’ils
manifestent parfois leur impuissance et leur désarroi par des troubles du comportements (automutilation,
colère, stéréotypies gestuelles etc.).

2 - Imitation et autisme
◆ Déficits des capacités imitatives chez l’enfant porteur d'autisme
De nombreuses recherches scientifiques démontrent la présence incontestable de déficits des capacités
imitatives chez les enfants porteurs d'autisme.
Des observations effectuées par l’équipe du professeur SAUVAGE (1988) mettent en évidence des troubles
de l’imitation dès les premiers mois. ROGERS & PENNINGTON (1996) estiment que les enfants porteurs
d'autisme présentent un déficit global de l’imitation. En 1972, DeMYER teste, avec ses collaborateurs, les
capacités d’imitation différée de mouvements et l’utilisation des objets chez des enfants porteurs d’autisme et
chez des enfants retardés non autistes : les résultats montrent que les sujets porteurs d'autisme éprouvent
moins de difficultés pour utiliser spontanément les objets que pour imiter les actions de l’expérimentateur ;
cependant, les jouets ne sont pas utilisés de manière créative ou complexe. Les enfants atteints d’autisme
auraient également plus de difficultés à imiter des mouvements sur le corps que sur des objets. L’auteur
conclut que les enfants souffrant d’autisme ont sans doute besoin de l’aide d’un indice physique (objet) pour
guider leurs imitations.
En 1981, HAMMES & LANGDELL comparent également des enfants porteurs d’autisme et des enfants
retardés sur la base de leurs capacités d’imitation différée, concrète et symbolique : les personnes souffrant
d’autisme seraient, pour la plupart, capables d’imiter des actions concrètes ; en revanche, leurs performances
seraient significativement inférieures à celles des enfants déficients mentaux pour l’imitation d’actions sym-
boliques (sur des objets imaginaires). En conclusion, les auteurs considèrent que les sujets porteurs d'autisme
possèdent bien certaines capacités d’imitation différée mais à un niveau présymbolique seulement : ils
seraient ainsi en mesure de former des images mentales mais incapables de les manipuler symboliquement. De
nombreux travaux soulignent d’ailleurs la pauvreté du jeu symbolique chez ces enfants.
En 1984, SIGMAN & UNGERER comparent trois groupes d’enfants (porteurs d'autisme, déficients
mentaux et normaux) à travers des tâches sensori-motrices et des comportements de jeu : les auteurs ne
trouvent pas de différence entre les enfants des trois groupes pour les capacités sensori-motrices, sauf
concernant l’imitation. Il apparaît aussi que certains enfants porteurs d’autisme ont bien accès à des jeux fonc-
tionnels, voire symboliques. Mais, chez eux, ce type de jeux n’est pas prédominant dans les activités : en fait,
ils passent autant de temps (et souvent même plus de temps) à manipuler stéréotypiquement des objets qu’à
développer des jeux fonctionnels ou symboliques.
Ces études montrent que les enfants souffrant d’autisme ne sont pas dénués de toute capacité imitative, en
particulier pour des actions simples avec des objets. En fait, c’est essentiellement l’aspect symbolique de
l’imitation et du jeu qui leur pose le plus de problèmes. La pauvreté de leurs imitations, vocales et gestuelles,
pourrait traduire des troubles spécifiques dans la manipulation des représentations symboliques et abstraites,
difficultés qui ne seraient donc pas expliquées par le seul retard mental.

◆ Le modèle de ROGERS & PENNINGTON (1991) : la triade des déficits primaires et spécifiques de
l’imitation, du partage émotionnel et de la théorie de l’esprit
Les travaux de BARON-COHEN, LESLIE et FRITH étudient l’existence de la "théorie de l’esprit" chez
les enfants porteurs d’autisme. Pour tester si ces derniers possèdent ou non une "théorie de l’esprit", ils
utilisent notamment l’expérience de "Sally et Anne", ou "test de compréhension d’une fausse croyance", réussi
chez les enfants ordinaires vers trois ou quatre ans. Or, les résultats de leurs recherches montrent que les
enfants atteints d’autisme, de niveaux cognitifs voisins de cinq voire six ans, échouent globalement à ce
test, ce qui témoigne de leur non-accès à la "théorie de l’esprit". La "théorie de l’esprit", indispensable pour

236
comprendre et prédire la majorité des comportements humains et donc pour communiquer avec ses
semblables, apparaît ainsi notablement et précocement altérée chez les sujets atteints d’autisme.
Le modèle élaboré par ROGERS & PENNINGTON, en 1991, s’appuie sur l’hypothèse de déficits primaires
et spécifiques de l’imitation et de la "théorie de l’esprit" chez les personnes souffrant d’autisme. Ce modèle
admet encore l’existence de problèmes de partage émotionnel (Cf. "accordage affectif" selon STERN) dans
cette population et tient compte de leur incidence sur le développement des rapports moi/autre. Imitation,
partage émotionnel et "théorie de l’esprit" seraient donc les capacités primitivement et spécifiquement
déficientes dans l’autisme, d’où le terme "triade". Pour ROGERS et PENNINGTON, ces trois grandes
capacités seraient en fait des manifestations de plus en plus complexes de l’aptitude à former et à coordonner
des représentations (généralement amodales) de soi et des autres, ainsi que de l’aptitude à utiliser ces mêmes
représentations pour guider la planification et l’exécution des comportements.

◆ L’imitation comme base d’accès à la communication chez l’enfant porteur d’autisme


Les travaux scientifiques sur l’imitation des enfants atteints d’autisme concluent généralement à des capacités
imitatives perturbées et déficitaires. La déficience caractéristique des personnes souffrant d’autisme concernant
certaines formes d’imitation et l’évocation mimée d’objets absents est souvent abusivement généralisée pour
aboutir finalement à une déficience globale de l’imitation dans l’autisme. Or, certaines recherches prouvent
bien que les enfants atteints d’autisme sont capables d’imiter, et même de façon différée. Mais cette imitation
est souvent "anarchique". L’enfant porteur d’autisme semble prêter attention à "n’importe quoi" : dans
L’autisme de l’enfant - La Thérapie d’Echange et de Développement est donné l’exemple d’un enfant imitant
l’aboiement d’un chien au loin, mais n’imitant pas le geste ou le sourire de la personne en face de lui…
Les travaux de NADEL et ceux de l’équipe de Tours (Professeur LELORD, Professeur BARTHELEMY,
Professeur SAUVAGE) témoignent du fait que les enfants porteurs d’autisme ne sont pas si insensibles aux
phénomènes imitatifs qu’ils ne le laissent a priori paraître. L’imitation pourrait même constituer une base
puissante d’accès à la communication chez ces enfants.

◆ La sensibilité des enfants porteurs d’autisme aux phénomènes imitatifs : les travaux de NADEL
NADEL et ses collaborateurs utilisent le même dispositif expérimental (objets en plusieurs exemplaires
permettant l’imitation synchrone à support d’objets identiques) ; que celui élaboré pour étudier la commu-
nication par l’imitation chez les enfants ordinaires prélangagiers ; ils l’appliquent à l’étude des productions
sociales des enfants atteints d’autisme et démontrent ainsi que l’alternance entre le fait d’imiter et celui d’être
imité améliore significativement la communication chez l’enfant porteur d’autisme.
Dans une première expérience, un adolescent atteint d’autisme est réuni avec un partenaire connu et non
autiste dans une salle familière et réaménagée selon le protocole d’étude. Au début, le comportement du
sujet souffrant d’autisme est prédominé par les stéréotypies et les activités solitaires. L’observation montre
que, en l’absence de comportement imitatif, le sujet autiste ne manifeste que des comportements socialement
négatifs, tandis que les comportements imitatifs paraissent très fortement corrélés à des comportements
socialement positifs (augmentation du contact oculaire, recherche de la simultanéité dans l’imitation gestuelle,
écholalie, échanges sociaux..). Le sujet autiste se montre donc bien plus impliqué dans ses interactions sociales
qu’il ne l’est habituellement, lorsque les échanges se fondent sur le registre imitatif. Mais, si le partenaire non
autiste quitte la pièce ou s’il n’est pas réceptif à cette forme particulière de communication, les stéréotypies de
l’adolescent porteur d’autisme réapparaissent presque immédiatement.
Dans une seconde expérience, un enfant atteint d’autisme mutique (âge développemental de 3 ans pour un
âge chronologique de 9 ans) est mis en présence d’un adulte inconnu dans une pièce familière et spécialement
préparée. Le protocole comprend des moments où l’adulte, gardant un visage impassible, n’est pas réceptif aux
attitudes de l’enfant et d’autres moments où l’adulte réagit positivement. Les résultats sont alors très
révélateurs. Ils montrent, pendant la période d’imitation, une augmentation des comportements sociaux
positifs, une baisse des stéréotypies, une augmentation des activités structurées sur les objets, une aug-
mentation de l’attention portée à l’adulte.

237
Dans ces expériences, l’imitation réciproque et synchrone constitue bien le support principal des interactions
communicationnelles entre les partenaires, autiste et non autiste. Les imitations du répertoire de l’enfant
porteur d’autisme sont d’ailleurs à l’origine de la plupart des réponses sociales de ce dernier, quel qu’en soit
d’ailleurs le mode (sourire adressé, contacts physiques, vocalisations etc.).

◆ L’acquisition libre et l’imitation libre : les bases de la Thérapie d’Echange et de Développement (TED)
La Thérapie d’Echange et de Développement (TED), mise au point au CHU de Tours à la fin des années 70,
est le fruit de nombreuses recherches et en particulier d’explorations neurophysiologiques ayant débuté dans
les années 50. Elle est décrite en détails dans un ouvrage paru en 1995, cosigné par BARTHELEMY,
HAMEURY et LELORD.
La TED a pour but de contribuer à la remédiation des difficultés, du désarroi et des souffrances éprouvés par
un enfant atteint d’autisme percevant mal son propre environnement et répondant de façon inadaptée aux
sollicitations extérieures. Les séances de TED sont de courte durée (entre 20 et 30 minutes) et se déroulent
dans une pièce calme et dépouillée, tranquillité, disponibilité et réciprocité formant les trois "règles d’or" de
cette modalité de prise en charge.
En fait, la TED repose sur de puissantes bases neurophysiologiques et notamment sur les concepts d’ac-
quisition libre et d’imitation libre. LELORD constate d’abord qu’il est possible d’observer sur le cerveau
humain l’association de réponses très localisées à des stimulations aussi anodines que le son et la lumière : ce
type d’association est susceptible de relier les principaux messages de l’environnement sans nécessiter de ren-
forcement extérieur tels le "bâton" ou la "carotte". Pour LELORD et ses collaborateurs, "elle procède
d’une < acquisition libre > et traduit un désir de comprendre probablement aussi vif que celui des instincts ali-
mentaire, défensif ou sexuel". Or, cette acquisition libre serait bien présente, dans certaines conditions et avec
toutefois moins de régularité, chez l’enfant porteur d’autisme.
L’observation minutieuse d’enfants ordinaires regardant un écran de télévision ou de cinéma montre, chez
ces sujets, une tendance naturelle à imiter les mouvements, les postures ou encore les mimiques faciales des
acteurs. En utilisant des méthodes électrophysiologiques, LELORD et son équipe ont mis en évidence des
phénomènes subliminaires attestant du caractère très général de cette imitation inconsciente. Or, cette
imitation libre combinerait les effets positifs de l’acquisition libre et de la motricité en suscitant d’emblée l’ac-
quisition d’un mouvement ou d’une émotion d’accompagnement. LELORD a montré que l’enfant porteur
d’autisme est lui aussi parfaitement capable d’imitation libre, quoique de façon assez dispersée.
Dans son ouvrage, L’exploration de l’autisme - Le médecin, l’enfant et sa maman, le Professeur LELORD
commente : "De même que l’acquisition libre préside à la conquête de l’univers, de même l’imitation libre, elle-
même bien visible sur l’électroencéphalogramme, permet d’accéder aux relations avec autrui et de réaliser la
réciprocité des échanges, apparemment négligée par l’enfant autiste. Placé dans des conditions favorables, il
extériorise alors des capacités méconnues d’imitation. (...) Le principe de cette réciprocité s’applique particulièrement
au langage qui ne s’épanouit que dans le dialogue."

B - TROUBLES DE LA COMMUNICATION DANS L’AUTISME INFANTILE


"Je commençais à réaliser que les gens se servaient du langage pour communiquer entre eux, mais je ne
savais pas comment ils s’y prenaient... Je n’avais toujours pas compris comment les gens faisaient pour parler
entre eux. J’avais l’impression... que j’étais un extraterrestre."
BARRON J., BARRON S.

Les travaux de WETHERBY exposés par LIVOIR-PETERSEN, démontrent que, contrairement à certains
préjugés assez tenaces, les enfants atteints d’autisme communiquent. Cependant, leur mode de commu-
nication est limité, étrange et finalement très différent de celui des personnes non autistes. Dans sa thèse de
doctorat (opus cité, 1995), LIVOIR-PETERSEN estime que "le mode de développement de ses moyens de
communication n’est pas < seulement > différé mais pris dans un mode de pensée globalement différent de la norme".

238
Elle ajoute encore : "La difficulté de communiquer avec un enfant autiste est une expérience indiscutable que font
tous ceux qui sont amenés à vivre avec l’un d’entre eux. L’importance de cette difficulté a souvent permis un
glissement qui tend à faire de l’enfant autiste quelqu’un qui ne communique pas. Le rétablissement d’une position
plus nuancée est en train de se faire grâce à des approches pluridisciplinaires : l’image que la littérature de ces
dernières années donne de lui est celle d’un enfant dont les comportements de communication sont à la fois limités et
étranges.".
Les difficultés de langage et de communication ont, depuis la découverte du syndrome autistique par
KANNER en 1943, toujours été considérées comme des caractéristiques majeures de l’autisme. La gamme des
compétences linguistiques, chez les sujets autistes, est en fait très étendue.
En considérant tout le continuum autistique, il apparaît que le problème fondamental est en réalité celui de la
communication plutôt que celui du langage en soi. En effet, la communication non verbale est également
très perturbée et, même dans le syndrome d’ASPERGER, la communication sociale, pragmatique, reste
souvent très déficitaire malgré (parfois) d’apparentes bonnes capacités langagières du point de vue structural.
Les travaux sur la "théorie de l’esprit" tendent à montrer que les enfants porteurs d’autisme sont généralement
incapables de reconnaître les états mentaux des autres personnes. Partant de cette hypothèse, on comprend
que les modes de communication classiques (sortes de "conventions de communication" d’abord préverbales
puis verbales) leur paraissent parfaitement "opaques", difficiles à comprendre et donc encore plus à apprendre.
La majorité des travaux sur la communication des sujets autistes s’accordent sur le fait que la moitié seulement
de la population autistique (50%) accède au langage verbal. Et même pour ces autistes dits "verbaux", on
observe habituellement une dissociation entre des capacités phonologiques et syntaxiques relativement
épargnées et des capacités sémantiques et pragmatiques particulièrement affectées.

1 - Les troubles de la communication non verbale


Dans un article paru en 2000, CUNY et GASSER, orthophonistes, nous rappellent que les deux grands
champs de la communication (aspects non verbal et verbal) sont touchés dans l’autisme. La communication
non verbale représente vraiment une base puissante et quasi universelle permettant un échange immédiat et
relativement riche, sans recourir au langage proprement dit. Sous l’expression "communication non verbale",
on rassemble à la fois les aspects paralinguistiques de la communication (prosodie, intonation, volume
etc.) et les aspects strictement non linguistiques (expressions faciales, gestes conventionnels et non conven-
tionnels, regard, proxémique etc.).
Les enfants porteurs d’autisme présentent des déficits aussi bien pour la réception que pour l’expression de la
communication non verbale. Les altérations les plus fréquemment retrouvées sont les suivantes :
• Le contact oculaire est souvent rare, fugitif, mais parfois totalement absorbant; une vision "périphérique"
peut aussi être observée chez certains enfants.
• Les mimiques faciales sont réduites ou, au contraire, exagérées mais généralement peu dirigées vers un
partenaire et mal appropriées au contexte socio-communicatif.
• La communication gestuelle est pauvre, particulièrement pour les gestes conventionnels : le geste de
pointage est souvent mal compris et difficilement acquis, surtout concernant le pointage proto-démonstratif
(attirer l’attention de l’autre pour partager un intérêt).
• Les altérations de la proxémique et de l’attitude corporelle : il est fréquent d’observer que la distance
interpersonnelle et les attitudes corporelles sont anormales chez les personnes porteuses d’autisme ; elles
sont fuyantes ou "adhésives", hypertoniques ou hypotoniques...
• La prosodie, le rythme ou encore le volume de la parole sont souvent monotones, donnent une
impression d’étrangeté et sont rarement en adéquation avec le contexte.

2 - Troubles de la communication verbale


Donc, seuls 50% des personnes atteintes d’autisme accèdent un jour au langage verbal. En fait, plus le retard
mental associé est important et plus l’accès au langage risque d’être compromis. Généralement, le déve-

239
loppement du langage est considéré comme un bon pronostic pour l’évolution future du sujet. Toutefois, il
ne faut pas oublier que, dans l’état actuel des connaissances théoriques et des thérapies, on ne guérit toujours
pas l’autisme mais on peut certainement améliorer la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes, leur
autonomie, leurs échanges avec les autres (et d’abord avec leur famille) et enfin leur insertion dans notre
société.
Lorsque les enfants souffrant d’autisme acquièrent un langage, celui-ci reste ainsi très particulier et
marqué par un certain nombre d’anomalies assez caractéristiques de ce syndrome. En particulier, la com-
préhension, si elle donne souvent l’impression d’être relativement préservée, est généralement malgré tout
déficiente, littérale, et ce même chez les personnes ayant un bon potentiel intellectuel.
L’expression langagière, quant à elle, est caractérisée par une faible valeur communicative. Les principales
altérations du langage sont les suivantes :
• La formation de la compréhension et du concept : Hilde de Clercq démontre que les personnes
souffrant d’autisme doivent traduire toute la perception jusqu’à sa fonction alors que dans le développement
habituel la compréhension est immédiatement liée à la perception. Pour elle, l’enfant porteur d’autisme est
sensible, trop sensible aux détails et rassemble finalement beaucoup d’énergie pour en fait un tout. "Cette
sensibilité autistique pour une partie plutôt que pour un ensemble est généralement connue et s’appelle
"hypersélectivité" (Van Dalen 1995). Ainsi, penser en détail joue un rôle lors de la formation de la com-
préhension et du concept et amène les enfants porteurs d’autisme à un manque de généralisation, de catégo-
risation, des problèmes de compréhension des mots simples et complexes, des situations sociales...
• L’inversion pronominale : La difficulté concernant l’usage des pronoms personnels (je/tu) est classique
chez la plupart des autistes verbaux. En fait, il s’avère que l’expression couramment employée "inversion
pronominale" n’est peut-être pas la mieux choisie : en effet, il se pourrait que l’enfant n’inverse pas vraiment
ces pronoms mais utilise le tu, ou même parfois le il, pour faire référence à lui-même, en imitant la façon
dont les autres s’adressent à lui (sorte d’écholalie donc). Certains y voient pourtant le signe d’un manque de
différenciation entre soi et l’autre dans l’autisme: les problèmes de "théorie de l’esprit" sont sans doute à
rattacher à ce type d’interprétation. En fait, il faut se rappeler que les pronoms personnels sont des mots
fonctionnels d’un emploi particulièrement difficile même pour les enfants non autistes : d’ailleurs, les
enfants normaux font aussi souvent des erreurs dans l’usage de ces pronoms et ce parfois jusqu’à près de cinq
ans. Je et tu sont des déictiques : ils ne renvoient pas toujours à la même personne, mais davantage à des
rôles à l’intérieur d’une structure conversationnelle à chaque fois renouvelée.
• L’accès souvent difficile au "je" mais aussi au "oui".
• L’utilisation inappropriée des prépositions, conjonctions, pronoms.
• L’écholalie immédiate ou différée, littérale ou mitigée : L’écholalie immédiate est le fait de répéter ce qui
vient tout juste d’être dit, entre deux tours conversationnels. L’écholalie différée est le fait de répéter quelque
chose qui a été entendu antérieurement à deux tours conversationnels (il y a quelques minutes, quelques
jours, quelques semaines...). On considère que près de 75% des autistes verbaux sont écholaliques. L’écholalie
a pendant très longtemps été considérée comme un comportement indésirable, obsessionnel, autoexcitateur
et sans valeur communicative : on recommandait alors de combattre cette écholalie pour la remplacer par des
formes de communication productives et conventionnelles, mais les résultats furent globalement plutôt
décevants. Aujourd’hui, on reconnaît de plus en plus à l’écholalie une utilité fonctionnelle chez les autistes
verbaux : elle constituerait, chez eux, une forme idiosyncrasique de communication. Dans les années 80',
PRIZANT et ses collaborateurs étudient d’abord les fonctions de l’écholalie immédiate, puis celles de
l’écholalie différée dans le langage autistique : ils montrent que ce comportement langagier est en fait
rarement complètement non communicatif et mettent en évidence de nombreuses fonctions comme la mani-
festation d’une incompréhension, le tour de rôle conversationnel, la demande, l’autocontrôle, l’affirmation
(réponse oui en répétant la question posée) etc... En fait, l’écholalie, immédiate et différée, est également
présente dans le processus normal de développement du langage et semblerait constituer une stratégie
d’apprentissage pour de nombreux enfants non autistes, particulièrement autour de 18 mois. Hilde de Clercq
précise que les "expressions écholaliques sont des essais "pour survivre" dans un monde difficile : on emploie
le langage qu’on est capable de comprendre, au lieu de celui que les autres veulent. Les mots et les phrases

240
employés ont très souvent une signification hypersélective : un détail l’emporte parce que le tout n’est pas
bien compris".
• Les idiosyncrasies de langage : associations singulières liées à une expérience propre à l’enfant et ne faisant
pas référence au contexte commun locuteur-auditeur.
• Les stéréotypies verbales ou rituels verbaux avec des répétitions de mots, parties de phrases ou de phrases
complètes.
• Une littéralité liée à une difficulté spécifique à généraliser.
• Un vocabulaire parfois étendu et très élaboré, avec souvent un goût prononcé pour les mots sophistiqués
(par exemple, les noms de dinosaure), mais non actualisé en fonction du contexte communicatif avec un
aspect impersonnel, solennel, compliqué. Ces particularités du lexique sont habituellement en lien avec une
expression centrée sur des thèmes restreints, fixes et extrêmement récurrents.
• Une répétition de la question pour répondre affirmativement.
• Des confusions de mots semblables par le son ou apparentés par la signification.
• Un mauvais contrôle de la hauteur, du volume et de l’intonation de la voix…
• Sur le plan de la compréhension :
- des difficultés sérieuses de compréhension du discours d’autrui
- des difficultés d’accès au sens des mots abstraits
- une compréhension littérale des messages.

3 - Les troubles pragmatiques de la communication


La communication de la personne atteinte d’autisme verbale est donc essentiellement marquée par une
déficience profonde de ses aspects pragmatiques. L’asynchronie développementale entre les capacités
phonologiques et syntaxiques d’une part, et les capacités sémantiques et pragmatiques d’autre part est
facilement mise en évidence lors de l’analyse de la production verbale de ces sujets : la compréhension et
l’usage social du langage sont ainsi particulièrement affectés dans l’autisme. Il y a toujours de grandes dif-
ficultés, parfois une quasi impossibilité, à traiter les principales marques conversationnelles, à décoder les
indices paralinguistiques du discours, d’où certaines perturbations assez typiques affectant préférentiellement :
• La conduite du dialogue (réciprocité, tours de rôle).
• La prise en compte des propos de l’interlocuteur et de ses intentions("théorie de l’esprit").
• Le maintien d’un thème conversationnel.
• L’amorce conversationnelle.
• L’informativité du discours.
• La distinction entre les informations nouvelles et anciennes.
• L’accès à l’humour, à l’ironie, au sens figuré, à l’expression des sentiments (compréhension littérale).

◆ Travail de la communication
Avec l’enfant :
L’orthophoniste montrera, par son attitude face à l’enfant, que lors des échanges entre lui et l’adulte, différents
moyens de communication sont utilisés :
• au niveau corporel : les attitudes, les postures, les gestes montrent, décrivent, occupent l’espace et attirent
l’attention de l’enfant vers celui qui parle. Ces moyens de communication complètent le code linguistique,
que l’enfant ne maîtrise pas.
• au niveau du visage : avec l’utilisation d’expressions faciales exagérées (yeux, bouche, lèvres…). Le contact
oculaire est présent de façon soutenu durant tout l’échange. Tout le visage participe par des mimiques, des
sourires, un regard expressif ou le haussement des sourcils. Les mimiques apportent plus d’informations que
le canal linguistique et amènent de nombreux renseignements complémentaires notamment quant aux
sentiments. Ces moyens de communication non-verbaux soutiennent et renforcent l’expressivité du

241
discours. De cette manière, l’adulte attire l’attention de l’enfant et l’aide à se concentrer sur l’interaction.
• au niveau de la voix, des intonations : l’adulte établit par leur intermédiaire un contact affectif et sollicite
les vocalisations. Selon B. Boysson-Bardies "l’adulte manifeste sa sollicitude et la volonté de s’adapter aux
capacités de l’enfant en réglant le registre de sa voix, en adoptant un ton affectueux et en articulant
clairement et plus lentement les mots". Selon la distance qui le sépare de son enfant et sa posture, l’adulte
utilise un timbre de voix plus fort ou chuchoté, ceci surtout dans les contacts plus rapprochés. Ces exa-
gérations sont beaucoup plus marquées durant un échange face à un enfant que durant celui face à un
adulte. L’intonation est également modifiée. Elle est très accentuée, soulignée, voire chantante. Les
variations sont largement exagérées. Les mélodies sont longues et douces avec, d’après B.Boysson-Bardies,
des "glissants abrupts et excursions amples". Grâce à ces exagérations, la structure phonétique et rythmique
des mots et des énoncés est mise en évidence.
Avec les parents :
L’orthophoniste rendra progressivement les parents attentifs au fait que le registre de l’adulte qui s’adresse à un
jeune enfant doit respecter deux critères :
• il simplifie son discours pour le mettre à la portée de l’enfant
• il introduit, au fur et à mesure que l’enfant évolue, des éléments de plus en plus complexes.
La longueur des énoncés est diminuée. Le rythme lui-même est ralenti. A cela s’ajoutent des pauses systé-
matiques après chaque énoncé permettant à l’enfant de répondre, de prendre son tour dans cet échange. Le
bébé est particulièrement sensible à ces variations de rythme, qui l’aident à segmenter le discours en unités de
parole distinctes. Les mots-clés sont redondants. L’accentuation de ces mots-clés permet à l’enfant de les
relever dans le discours, car leur importance est ainsi signalée. L’accent se déplace sur les homonymes, comme
pour signaler leur différence.
Le contenu des énoncés est lié à la situation concrète présente. Les objets ou les événements sont visibles.
L’action qui se déroule, réalisée par l’adulte ou l’enfant est mise en mots et donc ancrée dans l’immédiat. Au
fur et à mesure que l’enfant évolue, les commentaires passent de la dénomination à la description très simple
puis toujours plus complexes. L’ensemble du discours est très redondant, puisque la répétition est largement
exploitée.
Certains principes devront être pris en compte, aussi longtemps que nécessaire, au niveau de la prise en
charge :
• adaptation de l’environnement
• aménagement de l’espace
• matérialisation du temps
• simplification des informations
• redondance de l’information
• utilisation de moyens augmentatifs (gestes, photos, pictogrammes, écrit…)
• matérialisation des concepts.
Il faudra réorganiser les conduites verbales, restaurer les fonctions déficientes ou développer les moyens de
suppléance en s’appuyant sur les capacités préservées. La progression et les moyens seront toujours définis par
les capacités de l’enfant, tout en respectant les étapes d’acquisition.
Par ailleurs, l’orthophoniste aidera les parents à bien préparer leur enfant au langage en veillant à la mise en
place du regard, de l’attention conjointe, de l’orientation au son, de la demande non verbale, de l’imitation,
des tours de rôle, des capacités cognitives, des productions sonores, de la compréhension, des autres formes de
communication, acquisitions qui participent de façon très importante à la construction du langage.
Le travail de la communication s’organisera donc selon le schéma suivant :

242
243
VI – IMPORTANCE DU TRAVAIL DE L’IMITATION DANS LA PRISE
EN CHARGE ORTHOPHONIQUE
L’imitation sert deux grandes fonctions adaptatives chez l’enfant : une fonction de communication et une
fonction d’acquisition (ou d’apprentissage). De ce fait, l’imitation, dans le cadre de processus interactifs
faisant intervenir un jeune enfant et un adulte, favorise à la fois l’accroissement du lien relationnel entre les
deux partenaires et l’accroissement des savoirs et des savoir-faire pour le sujet le moins "expert" des deux.
En effet, pour obtenir l’attention conjointe et l’alternance, qui aboutiront à la communication pragmatique,
l’orthophoniste s’ appliquera donc particulièrement à travailler l’imitation avec les enfants dits "sans langage".
Pour entrer en relation avec le jeune enfant porteur d’autisme et s’engager avec lui dans un travail de
stimulation de la communication, l’orthophoniste peut s’appuyer sur ses capacités émergentes d’imitation et
de représentation : en effet, toute forme de communication (par les objets, les images, les signes gestuels, le
langage verbal oral ou écrit) dérive directement de l’aptitude humaine à comprendre et à produire des
symboles dont la fonction principale est justement de représenter le réel. Même chez l’enfant ordinaire, l’accès
au symbole - et donc à la représentation - se fait très progressivement et en respectant un certain nombre
d’étapes développementales.
Pour PIAGET notamment, il existe une filiation directe allant de l’imitation sensori-motrice vers l’imitation
différée pour atteindre les débuts de la représentation mentale proprement dite : "L’imitation sensori-motrice
consiste en une sorte de représentation actuelle et en action, acquise d’abord seulement en présence du
modèle; puis, lorsqu’elle est susceptible de revêtir sa forme différée (c’est-à-dire lorsqu’un acte nouveau
d’imitation débute en l’absence du modèle), elle devient une véritable évocation, mais toujours en actes :
il suffit alors qu’elle s’intériorise (...) pour se prolonger en image." Avec un enfant souffrant d’autisme n’ayant
encore développé aucun langage (sujet très jeune et/ou particulièrement déficitaire), la référence à l’imitation
permet en outre de retrouver certains éléments fondamentaux du processus "normal" accompagnant
l’émergence des premières conduites communicatives préverbales. En effet, nous savons que les premiers mois
de la vie de l’enfant sont marqués par la mise en place des bases cognitives et pragmatiques de la commu-
nication : ainsi, les "fondations" de la communication intersubjective se construisent à travers les interactions
précoces mère/bébé et nous savons que l’imitation y joue déjà un rôle important.
De plus, lorsque l’enfant grandit un peu, et plus précisément dans la troisième année de sa vie (fin de la
période prélinguistique), NADEL a montré que l’imitation directe, immédiate et synchrone, constitue véri-
tablement une forme de communication prédominante dans les échanges entre pairs.

"L’imitation immédiate et réciproque constitue une base puissante de communication entre les jeunes enfants
durant la période prélangagière. En effet, elle engendre l’échange affectif positif, la proximité physique et l’attention
soutenue au partenaire. L’étude fonctionnelle de l’imitation immédiate mérite sans doute d’occuper également une
place plus centrale dans les recherches sur la communication chez les enfants autistes."

J. NADEL

A - TRAVAUX DE NADEL SUR L’IMITATION ENTRE ENFANTS AU COURS DE LA


TROISIÈME ANNÉE
La présentation de ces travaux fait l’objet d’un ouvrage, intitulé Imitation et communication entre jeunes
enfants (opus cité, 1986) et qui eut lui-même pour précurseur une thèse de doctorat. Une cassette "vidéo",
réalisée par NADEL et deux de ses proches collaborateurs, illustre puis élargit le thème du livre : il s’agit de
Communiquer par l’imitation.

244
1 - Cadre théorique de l’étude et hypothèse de départ
L’ouvrage majeur de NADEL consiste en la démonstration d’une hypothèse fort intéressante sur la valeur
communicative de l’imitation directe et réciproque entre enfants du même âge, et en particulier au cours de
la troisième année.
En fait, NADEL reprend l’idée wallonienne d’une fonction sociopersonnelle de l’imitation, envisagée non
pas comme un processus unidirectionnel modèle/ imitateur mais dans le cadre d’échanges réciproques bidi-
rectionnels entre les deux partenaires: il s’agit donc bien d’une interaction entre deux personnes où chacune
influence l’autre et modifie de ce fait leur relation. Un tel processus interactionnel contribuerait en outre à
la genèse de l’identité à travers les échanges avec un autre. Notons encore que ces comportements imitatifs à
valeur socio-affective (imitation directe, en présence du modèle) ne correspondent pas aux phénomènes que
WALLON qualifie spécifiquement d’ "imitation vraie" (imitation différée, en l’absence du modèle), mais les
précèdent dans la chronologie normale du développement.

2 - L’expérience de NADEL
Pour tester l’existence d’une forme de communication par l’imitation directe et immédiate chez les enfants
âgés de deux à trois ans, NADEL imagine un protocole expérimental original et qu’elle qualifie de "situation
ouverte contrôlée" : cette situation se veut non stressante et sans adulte "visible". Des enfants (de 2;0 à 2;11),
compagnons de crèche, sont réunis, par groupes de deux ou trois, dans une pièce spécialement réaménagée de
leur lieu de garde habituel. Des objets divers sont disposés en différents endroits de la pièce : pour chaque
type d’objets, il y a toujours autant d’exemplaires que d’enfants (voir page suivante pour une description de
l’espace expérimental extraite du livre de NADEL). Des enfants, tous volontaires, sont conduits puis laissés
"seuls" dans la pièce: la seule indication donnée aux enfants en arrivant est "vous allez voir, j’ai fait une surprise:
j’ai tout changé" et les participants sont libres de sortir de l’espace expérimental quand ils le désirent.
La population expérimentale d’origine concerne treize trios d’enfants issus de cinq crèches de la région
parisienne. Un des expérimentateurs, caché derrière un panneau, filme les enfants à leur insu afin de ne pas
influencer leurs choix comportementaux. L’analyse des données est effectuée par trois personnes, codant indé-
pendamment les unes des autres et sur la base d’une lecture en continu des films recueillis. Cinq types de
comportements sont particulièrement à relever : les prises d’objets, les activités sur les objets, les émissions
non verbales, les émissions verbales et les émissions émotionnelles vocales, socialement orientées. Dans le
cadre de cette étude, un comportement est considéré comme prédominant dans la réalisation d’une fonction,
s’il assure plus de 50% des réalisations de cette fonction, la fonction ici testée étant la communication interper-
sonnelle.

3 - Résultats et interprétation
NADEL résume ses principaux résultats expérimentaux en six points :
• La majeure partie du temps, où les enfants sont ainsi réunis (dispositif avec objets en plusieurs exemplaires),
est consacrée à la recherche de similitudes dans le choix, le port, et les abandons d’objets identiques.
• La situation où l’enfant choisit des objets identiques à ceux sélectionnés par le (les) partenaire(s) est très
généralement privilégiée. Ainsi, les ports d’objets en solitaire sont moins fréquents et durent aussi moins
longtemps.
• On observe clairement une recherche de simultanéité dans les ports communs.
• Les rôles de modèle et d’imitateur ne sont absolument pas figés et l’interchangeabilité de ces rôles est même
caractéristique, pour un même enfant et au cours d’une même séquence d’interaction.
• L’utilisation à valeur "sociale" de l’objet est prédominante.
• Le recours au verbal est rare avec des émissions assez brèves; toutefois, lorsque cela se produit, le contenu
verbal des échanges entre enfants est très lié aux préoccupations d’être imité, ou à l’objectif d’imiter.
NADEL souligne également l’absence totale de manifestation agressive entre les enfants, et ce pour tous les
groupes de l’expérience avec objets identiques. Elle explique ce fait par les conditions mêmes de l’étude

245
(absence d’adulte "visible" et surtout objets disponibles en autant d’exemplaires que d’enfants présents) : ces
conditions offriraient donc aux jeunes enfants un excellent cadre pour communiquer entre eux, à l’aide des
moyens qui leur sont accessibles à cet âge.
L’objet en plusieurs exemplaires semble donc bien favoriser les imitations directes et immédiates du partenaire :
il a donc un statut de médiateur social très puissant, en particulier dans la troisième année de la vie de l’enfant.
Les imitations, mutuelles et réciproquement orientées, sont alors fréquentes : chacun à son tour imite l’autre
ou s’offre à l’autre en tant que modèle à imiter. Un point est particulièrement important à relever : il n’y a là
aucune relation hiérarchique entre modèle et imitateur; bien au contraire, la situation interactionnelle est
caractérisée par une relation fondamentalement égalitaire et issue de l’alternance des rôles. Les enfants ainsi
observés donnent vraiment l’impression que le plus important, pour eux, est de "faire la même chose et, si
possible, en même temps".
Par ailleurs, il apparaît qu’un certain nombre de comportements produits par les enfants auraient clairement
pour fonction de déclencher, chez le (les) partenaire(s) des comportements imitatifs : il s’agirait notamment
de l’offrande d’un objet identique et du retournement du modèle vers l’imitateur. Notons encore que le refus
d’offrande a, presque systématiquement, pour conséquence l’abandon de tous les exemplaires de cet objet de
la part de l’initiateur de l’offrande. Pour NADEL, "ces divers éléments d’une convention donnent à ces com-
portements d’échange où le signifiant et le signifié sont distincts, un statut de moyen de communication dans notre
situation d’observation".
Dans l’expérience de NADEL, la recherche constante d’une synchronisation parfaite des comportements
imitatifs entre les partenaires est très caractéristique : quasi simultanéité de l’émission et de la réponse,
associée à une similitude de contenu du message émetteur et de la réponse. Cette synchronisation pourrait en
outre participer à la prise de conscience mutuelle de l’identité des partenaires de l’échange; elle s’accompagne
d’un partage émotionnel assez intense.
En conclusion, les travaux de NADEL montrent que l’imitation, directe, immédiate et synchrone, constitue bien
une forme de communication prédominante dans les échanges paritaires interindividuels au cours de la troisième
année : "(...) la base principale des relations sociales entre pairs au cours de la troisième année est l’imitation
immédiate, définie opérationnellement comme résultat d’une recherche de similitude quasi synchrone des pro-
ductions, que le contenu en soit verbal ou moteur".
Cependant, il s’agirait d’une prédominance transitoire et correspondant à la fonction communicative de
l’imitation dans la période prélangagière, lorsque les enfants ne maîtrisent pas encore bien le langage verbal.
Des études complémentaires, dirigées par NADEL, ont effectivement mis en évidence la diminution de ce
type d’imitation au-delà de la troisième année, pour les enfants dits ordinaires. Ainsi, à partir de la quatrième
année, la place des productions verbales devient de plus en plus importante dans les interactions entre paires
d’âge. Et, réciproquement, la fréquence des imitations commence à décroître de façon corrélative à l’aug-
mentation de la communication verbale.
NADEL propose donc d’accorder une place plus centrale à l’imitation immédiate dans les recherches sur la
communication des enfants porteurs d’autisme comme dans les examens des troubles primaires de l’autisme.
Puissante base de communication dans la période prélangagière, favorisant l’échange affectif et l’attention au
partenaire, soutenant certains apprentissages et en particulier l’acquisition des principales compétences lan-
gagières, intervenant dans l’émergence d’une "théorie de l’esprit" et dans la formation des représentations
mentales, l’imitation pourrait donc bien avoir sa place dans la prise en charge orthophonique du jeune enfant
atteint d’autisme.
Idéalement, l’imitation motrice à partir de supports sera stimulée avec des objets introduits en double
exemplaire. L’orthophoniste peut donc se constituer un stock d’objets identiques et attrayants pour le jeune
enfant (petits téléphones, voitures, mirlitons, différents hochets, marionnettes etc.). Ces objets très variés lui
serviront d’ailleurs non seulement pour la prise en charge elle-même mais aussi pour l’observation ortho-
phonique : en effet, chacun permet d’apprécier un certain nombre de capacités qui intéressent l’orthophoniste
(le rapport aux objets, la qualité de la préhension, la réaction et l’orientation au son, l’imitation, le lien
oculaire…).
L’intérêt pour l’objet identique favorisera l’émergence de l’attention conjointe qui, elle-même, suscitera

246
ensuite le pointage proto-démonstratif (geste désignatif à l’origine de la procédure linguistique de déno-
mination). Le partage des intérêts thématiques va contribuer à la régulation interpersonnelle du tour de rôle
(d’abord à l’initiative de l’adulte) et à l’épanouissement de la capacité de symbolisation, nécessaire pour
développer le jeu symbolique et le langage communicatif.
Le schéma que nous avons présenté montre bien le caractère central de l’imitation dans ce processus partant
de capacités relativement générales pour aboutir finalement au jeu symbolique et à la communication
pragmatique.
L’imitation est en soi une activité complexe et qui fait appel, dans sa réalisation fonctionnelle, à d’autres
capacités. Elle nécessite notamment :
• une motricité satisfaisante : bonne coordination des gestes pour les réaliser.
• une vision adaptée : contact oeil à oeil et poursuite visuelle pour percevoir et suivre le geste de l’autre.
• une audition correcte : capter et s’orienter vers le son pour le reproduire.
Or, un certain nombre d’études ont mis en évidence, chez les enfants porteurs d’autisme, des anomalies - ou
du moins des particularités assez significatives - concernant ces trois grands domaines : hypotonie ou
hypertonie, insuffisance du contrôle postural, vision périphérique, regard "vide", fuyant ou absorbé par des
détails insignifiants pour nous, indifférence au monde sonore, réactions auditives paradoxales, intolérance à
certains types de stimuli auditifs etc.
Ces particularités affectant leur développement psychomoteur et leurs réactions aux stimuli sensoriels
entravent donc logiquement les performances imitatives de ces enfants, même quand ceux-ci se montrent
sensibles au fait d’être eux-mêmes imités par une autre personne.
L’orthophoniste doit donc en tenir compte en adaptant le cadre de la prise en charge (structurer l’espace et le
temps, éviter toute surcharge sensorielle, adapter son registre de langage etc.) et en apportant au sujet autiste
un certain nombre d’aides pour l’amener progressivement à surmonter ce type de problèmes. Le soutien
proposé sera toujours fonction du degré de difficulté observé chez l’enfant et évoluera ainsi tout au long de
la prise en charge : en principe, ce soutien est très intensif au début et utilise alors des moyens très concrets
(aide physique totale ou partielle : prendre les mains de l’enfant pour réaliser le geste de frapping, lui soutenir
légèrement la tête pour maintenir le contact oculaire etc.). Le soutien de l’adulte s’adapte ensuite aux progrès
de l’enfant (aide physique plus discrète et ponctuelle, modèles complets ou partiels, soutien visuel, soutien
verbal avec consignes directes ou indirectes etc.).
Ainsi, en travaillant particulièrement sur l’imitation avec le jeune patient porteur d'autisme "sans langage",
l’orthophoniste agit en fait à plusieurs niveaux : en effet, cette forme particulière d’intervention stimule le
développement des capacités de symbolisation et la communication pragmatique, tout en améliorant les per-
formances psychomotrices et la qualité des réactions sensorielles de l’enfant (ces progrès entraînant en retour
une optimisation de ses capacités imitatives proprement dites...).
Le travail de l’imitation, dans la perspective de la stimulation de la communication préverbale chez l’enfant
porteur d'autisme, s’appuie essentiellement sur des activités toutes simples (avec ou sans objets) comme celles
intuitivement mises en place par toute personne en interaction étroite avec un très jeune enfant (Cf.
"scénarios" de BRUNER).
Ces activités partagées entre l’enfant porteur d’autisme et l’orthophoniste vont constituer un support
important pour l’exercice des fonctions de base nécessaires au développement de la communication non
verbale et verbale : elles s’adressent bien sûr particulièrement aux jeunes enfants "sans langage", mais s’ap-
pliquent toutefois aussi à certains enfants atteints d’autisme plus âgés, et ayant éventuellement déjà développé
un certain langage verbal, pour continuer à stimuler et renforcer les "circuits" les plus élémentaires à l’origine
de toute forme de communication...
Dans ce travail de l’imitation, un certain nombre de propositions d’activités, ont toute leur place :
• Le jeu de "coucou, caché" : Ce jeu, universel et fondé sur la disparition et la réapparition successive
d’objets ou de personnes, est très caractéristique des premières interactions entre la mère et le bébé, et
permet de stimuler la réciprocité, le partage, l’attention, l’initiative et donc la communication... C’est un jeu
très simple, court, reproductible et qui, en plus, devient rapidement prévisible pour l’enfant.
Au début, ce dernier ne participe pas activement : il apprend toutefois déjà à fixer son attention, à regarder

247
et à écouter l’adulte, dont il finit par associer une action à une parole, une mimique ou encore un simple
regard... Progressivement, l’adulte ménage des "pauses" dans le scénario pour inviter l’enfant à devenir véri-
tablement actif dans le jeu. L’orthophoniste incitera l’enfant à imiter par des indications gestuelles répétées
lui signifiant son tour (se cacher derrière ses mains par exemple). Une fois l’imitation obtenue, l’action sera
reproduite alternativement par l’enfant et par l’adulte, chacun à son tour.
• Les bulles de savon : Avec un matériel aussi simple que les bulles de savon, l’orthophoniste peut stimuler,
chez l’enfant porteur d’autisme, un grand nombre de capacités participant à l’épanouissement de sa commu-
nication : capter son attention, l’inciter à suivre les bulles du regard en les pointant du doigt, stimuler la
fonction de demande, amener l’enfant à reproduire la praxie labiale et l’action même de souffler, travailler
l’alternance pour développer le plaisir partagé et les imitations réciproques, et encore - pour certains enfants -
favoriser le commentaire verbal de l’action (d’abord en imitation puis spontanément)...
• Les comptines : Les comptines chantées et mimées telles que <dodo l’enfant do>, <les marionnettes>,
<tourne petit moulin> constituent un support privilégié et quotidien pour instaurer des séquences de com-
munication préverbale : intention, imitation gestuelle et vocale, attention au langage, tours de rôle, com-
préhension (association geste-parole). Il s’agit d’une des toutes premières activités qui suscitent l’intérêt et la
participation de l’enfant porteur d’autisme. L’imitation est constamment sollicitée sous toutes ses formes
mais qu’il convient de toujours s’adapter aux possibilités de chaque sujet autiste. Les modèles doivent être
simples, accessibles à l’enfant; on se contentera par exemple pour certains enfants de frapper sur la table ou
dans les mains pour accompagner une chanson sans faire les gestes habituels. L’adulte peut dans un premier
temps avec l’enfant en lui prenant les mains, en répétant de manière appuyée une même phrase, un même
mot ou son; puis il laissera progressivement l’enfant agir tout seul en adoptant une attitude sollicitante et
encourageante pour l’inciter à poursuivre. Ce n’est que peu à peu qu’ il invitera l’enfant à reproduire la
comptine sans le support du modèle.
• La lecture d’images et de livres : Elle constitue une situation privilégiée pour développer chez l’enfant
deux activités essentielles à la mise en place du langage : la désignation (pointage du doigt) qui signe l’accès
au symbolisme et l’utilisation d’un code conventionnel, et la dénomination qui amorce les fonctions de
communication.
D’abord, l’adulte dénomme les images en les pointant et en insistant sur celles susceptibles d’intéresser le
plus l’enfant ; il établit le lien entre la représentation symbolique, le nom et l’objet réel. L’adulte commente
les images et reste attentif aux moindres réactions de l’enfant pour leur attribuer un sens toujours en lien
avec l’activité en cours. Progressivement, la participation de l’enfant devient plus active : d’abord sur
imitation puis spontanément, celui-ci est invité à pointer les images et, si possible, à les commenter
verbalement.

VII – MISE EN PLACE D’UNE COMMUNICATION AUGMENTATIVE


Naturellement, les parents, les éducateurs, et l’orthophoniste lui-même, ont le projet d’amener - chaque fois
que cela est possible - l’enfant porteur d’autisme à la communication verbale (langage parlé et éventuellement
aussi écrit), garante d’une meilleure intégration scolaire et sociale. Malheureusement, force est de constater
que cet objectif à long terme n’est pas à la portée de tous les sujets, et même lorsqu’ils ont pu bénéficier d’une
prise en charge précoce et adaptée.
Le langage verbal est la forme de communication humaine la plus élaborée, la plus conventionnelle mais aussi
la plus symbolique. Ce n’est toutefois qu’une forme de communication particulière et lorsque son acquisition
n’est pas possible, ou seulement de façon extrêmement limitée, il ne faut donc pas hésiter à se tourner vers
d’autres formes de communication, l’essentiel étant de trouver le moyen permettant à chaque personne autiste
d’exprimer ses besoins les plus élémentaires, ses douleurs, ses désirs, autrement dit de se positionner en tant
qu’interlocuteur et donc en tant que sujet.
Il est d’ailleurs fortement recommandé de ne pas attendre l’ "échec total" du développement du langage parlé
pour entreprendre la mise en place d’une communication augmentative (objets, gestes, cartes de commu-

248
nication avec photographies, images, pictogrammes ou même, pour certains, mots écrits). Comme pour
certains enfants dysphasiques, l’introduction de ce type de communication parallèle ne signifie absolument
pas que l’on renonce complètement à la stimulation du langage oral: au contraire, ces systèmes de commu-
nication à support visuel constituent un appoint par rapport au langage parlé, dont ils favorisent la
compréhension et parfois même l’émergence et le développement sans nécessairement s’y substituer défini-
tivement à terme. Certaines personnes porteuses d’autisme n’auront pourtant jamais accès à la commu-
nication verbale et, pour elles, le recours à un système alternatif sera nécessaire tout au long de leur vie.
L’orthophoniste expliquera que le renforcement qualitatif et quantitatif de la stimulation langagière naturelle,
quoique indispensable, n’est pas suffisant pour améliorer la compréhension ou l’expression, domaines particu-
lièrement touchés chez les enfants porteurs d’autisme. Il proposera d’avoir recours à certaines modifications
des processus d’apprentissage, à certains processus d’ajustement, étrangers à l’interaction naturelle.
En effet, quand la voie normale d’accès à la communication et au langage se heurte à une impossibilité
manifeste, il faut aller jusqu’à utiliser un apprentissage alternatif. Ce niveau d’intervention ne remplace pas le
renforcement de la stimulation langagière, mais le complète. Il s’agit dès lors d’accompagner la parole d’une
série d’informations supplémentaires, dans l’espoir que d’autres circuits d’intégration sensorielle soient
capables d’augmenter l’efficacité du circuit réceptif normal. La communication bimodale permettant de
visualiser la présence et l’ordre des mots. Le canal visuel permettant de renforcer le canal auditif.
Un certain nombre de travaux ont en effet bien prouvé l’effet facilitateur des signes sur l’apprentissage verbal.
Gestes naturels, signes de la Langue des Signes, gestes d’appui à la prononciation (méthode Borel-Maisonny,
verbo-tonale de Gubérina, dynamique naturelle de la parole, Makaton…), modifications intonatives, photos,
images, pictogrammes, supports graphiques seront autant d’ "outils" à notre disposition pour faciliter la
compréhension du message. L’élimination des signes et gestes sera très rapide et spontanée, dès que l’accès à la
parole est possible et, surtout, efficace, c’est-à-dire dès que les énoncés verbaux deviennent compréhensibles
par l’enfant.
Il faut par contre savoir que, pour l’enfant, l’utilisation des gestes nécessitent des habiletés telles qu’une bonne
motricité fine ou une capacité d’imitation et que tous les enfants ne sont pas capables d’un tel apprentissage.
Mais que la demande par le biais de photos, d’images ou de pictogrammes (selon le niveau d’abstraction
possible) est concrète, visuelle, facile à discriminer. Elle permet une communication fonctionnelle et peut
également être utilisée de façons différentes (panneaux muraux, ordinateur…). Dans un deuxième temps,
l’utilisation de ce genre de support permet de favoriser la pré-lecture et les aptitudes à la lecture.
La communication plurimodale, communication simplifiée, lente, répétitive, de ce qui se passe dans l’envi-
ronnement matériel, temporel et humain de l’enfant porteur d’autisme lui permet d’ébaucher un sentiment
de continuité et surtout de compréhension de notre monde. Moins régulièrement pris au dépourvu, moins
souvent confronté à un monde vide de sens, il se tourne plus facilement, vers la communication à l’autre. Et il
le fait sans doute d’autant plus facilement que l’autre n’a plus tout à fait le même regard sur lui : l’enfant
prend une place de locuteur potentiel.

VIII – CONCLUSION
L’intervention orthophonique auprès d’enfants porteur d’autisme s’inspire de l’ensemble des techniques dans
d’autres pathologies, mais repose dans sa conception sur une double référence : développementale et neuro-
physiologique. Une bonne connaissance et compréhension des déficiences observées dans l’autisme permet de
prendre en compte les mécanismes perturbés et de développer des prises en charge fonctionnelles des troubles
plus élémentaires qui affectent la mise en place du langage: attention, imitation, tour de rôle…
La progression et les moyens de la rééducation seront bien entendu définis par les capacités de l’enfant en
respectant ses étapes d’acquisition. Il faudra réorganiser les conduites verbales, restaurer les fonctions
déficientes ou développer les moyens de suppléance en s’appuyant sur les capacités préservées. Ainsi va-t-on
par exemple privilégier l’utilisation du code écrit chez un enfant qui sait lire. Des scénarios de communication
seront développés à partir d’activités partagées avec le thérapeute. Un jeu de loto, par exemple, sera prétexte à

249
susciter l’attention, instaurer l’alternance…L’orthophoniste choisira un matériel allant du plus simple au plus
complexe en fonction des capacités cognitives de l’enfant. Il utilisera tous les moyens rééducatifs déjà connus
des orthophonistes et employés dans d’autres pathologies (ébauche orale, question fermée, aide contextuelle,
geste facilitant…)
Dans le cadre de ces rééducations, il s’agit en effet pour l’orthophoniste de tirer parti de ses connaissances
générales en matière de langage et de communication, de suivre l’évolution des recherches dans cette
pathologie et de profiter de ses expériences de thérapeute sur le terrain dans des pathologies aussi diverses que
la surdité, la dysphasie, l’aphasie… afin d’être créatif dans la prise en charge de ce trouble envahissant du
développement qu’est l’autisme.
Pour finir, il ne s’agit en aucun cas de tenter de gommer le handicap, mais au contraire de développer par des
stimulations multimodales, multisensorielles, les différentes fonctions du langage, de favoriser la commu-
nication verbale ou non verbale, de proposer d’autres moyens de communication si l’enfant ne peut
développer le langage oral, afin d’amener l’enfant vers la plus grande autonomie possible. L’objectif de la prise
en charge de l’orthophoniste étant d’amener l’enfant porteur d’autisme à devenir un être communicant.

"Car au-delà des connaissances, il y a les individus et les situations sans cesse renouvelés. Une approche
efficace requiert donc humilité, attention et regard critique sur ses propres pratiques.
Comprendre et savoir s’ajuster est encore la meilleure façon de signifier amour et respect à la personne
autiste."
B. ROGE

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Adrien, J.L, Lenoir, P., Martineau, Perrot, A., Hameury, L., Larmande, C., Sauvage D. (1993). Blind ratings
of early symptoms of autism based upon family home movies. Journal of the American Academy of Child and
Adolescent Psychiatry, 32, 617-26.
American Psychiatric Association (1994). Mini DSM IV - Critères Diagnostiques. Washington : DC, version
française complétée des codes CIM-10, traduction française par GUELFI & al., Paris : Masson, 1996.
ANDEM (1994). L’autisme (rapport). Paris : ANDEM.
Aussilloux, C., Livoir-Petersen, M.F. (Eds) (1994). L’autisme, cinquante ans après KANNER. Ramonville St-
Agne : Erès.
Aussilloux, C., Mises, R. (1997). Evolution de l’enfance à l’âge adulte. In R., Mises et P., Grand (Eds), Parents
et professionnels devant l’autisme (pp. 109-123). Paris : CTNERHI, n° hors série.
Baranek, G.T. (1999). Autism during infancy:a retrospective video analysis of sensory-motor and social
behaviors at 9-12 months of age. Journal of Autism and developmental Disorders, 29, 213-24.
Baron-Cohen, S. (1998). La cécité mentale - Un essai sur l’autisme et la théorie de l’esprit. Grenoble : PUG.
Baron-Cohen, S., Leslie, A., Frith, U. (1985). Does the autistic child have a theory of mind ?. Cognition, 21,
37-46.
Barron, J., Barron, S. (1993). Moi, l’enfant autiste. Paris : J’ai Lu.
Barthelely, C., Hameury, L., Lelord, G. (1995). L’autisme de l’enfant - La Thérapie d’Echange et de
Développement. Paris : ESF.
Bleuler, E. (1993). Démence précoce ou le groupe des schizophrénies. Paris : EPEL (1ère édition : 1911).
Boysson-Bardies, B. (de). (1999). Comment la parole vient aux enfants. Paris : Odile Jacob.
Brazelton, T.B., Cramer, B. (1991). Les premiers liens : l’attachement parents/ bébé vu par un pédiatre et par un
psychiatre. Paris : Stock-Laurence Pernoud/ Calmann-Lévy.
Brousse, C. (2000). L’orthophoniste face à l’autisme. Glossa, 70, 22-30.
Bruner, J. (1981). Learning how to do things with words", in Human growth and development (Bruner, J.,
Garton, A.). Oxford : Oxford University Press.
Bruner, J. (1983). Le développement de l’enfant : Savoir faire - Savoir dire. Paris : PUF (collection Psychologie
d’aujourd’hui).

250
Bruner, J. (1987). Comment les enfants apprennent à parler. Paris :Retz (collection Pédagogie).
Buitelaar, J.K (1999). Early detection in autism. Communication au 11ème Congrès International de l’ESCAP.
Hambourg, 15-19 septembre 1999.
Bursztejn, C. (1990). La représentation et son développement - Point de vue cognitif. In C., Bursztejn et B.,
Golse (Eds), Penser, parler, représenter- Emergences chez l’enfant (pp. 53-64). Paris : Masson.
Clercq, H. (de) (2002). Dis maman, c’est un homme ou un animal ? Nice : AFD.
Cuny, F., Gasser, F. (2000). Evaluation des capacités de communication verbale et non verbale chez l’enfant
autiste. Glossa, 70, 4-14.
Danion-Grillat, A., Bursztejn, C. (2001). Problèmes posés par le diagnostic précoce de l’autisme infantile chez
le très jeune enfant. Rééducation orthophonique, 207, 25-35.
DeMyer, et al. (1972). A comparison of adaptative, verbal and motor profiles of psychotic and non
psychotic subnormal children. Journal of Autism and Childhood Schizophrenia, 2, 359-377.
DeMyer, et al. (1972). Imitation in autistic, early schizophrenic, and non psychotic subnormal children.
Journal of Autism and Childhood Schizophrenia, 2, 264-287.
Denni-Krichel, N. (2000). Le partenariat parents/ orthophoniste dans l’éducation langagière d’un enfant
porteur d’un handicap. Rééducation Orthophonique, 202, 77-88.
Denni-Krichel, N. Parents, votre enfant apprend à parler et Parents, comment bien préparer votre enfant au
langage (livrets). Isbergues : Ortho-édition.
Denni-Krichel, N., Angelmann, C. (2000). Apport de l’orthophonie dans la prise en charge de l’enfant
autiste. Glossa, 70, 16-21.
Fernandes, M.J. (2001). L’évaluation des compétences communicatives chez l’enfant autiste. Rééducation
orthophonique, 207, 37-51.
Grandin, T. (1994). Ma vie d’autiste. Paris : Odile Jacob.
Grandin, T. (1997). Penser en images. Paris : Odile Jacob.
Hammes, J.G.W., Langdell, T. (1981). Precursors of symbol formation and childhood autism. Journal of
Autism and Developmental Disorders, 11, 331-346.
Kanner, L.(1943). Les troubles autistiques du contact affectif (traduction de " Autistic Disturbances of
Affective Contact", paru initialement dans la revue Nervous Child, 2, 217-250, traduit par ROSENBERG
M.). Bulletin Scientifique de l’ARAPI "Spécial KANNER", 1995, 5-27.
Lelord, G. (1998). L’exploration de l’autisme - Le médecin, l’enfant et sa maman. Paris : Grasset.
Lelord, G., Barthelemy, C., Hameury, L. (1997). Physiologie et autisme - La Thérapie d’Echange et de
Développement. In R., Mises et P.,Grand (Eds), Parents et professionnels devant l’autisme (pp. 231-239). Paris :
CTNERHI, n° hors série.
Lelord, G., Sauvage D. (1991). L’autisme de l’enfant. Paris : Masson.
Livoir-Petersen, M.F. (1995). Essai comparatif sur l’ontogenèse des syndromes autistiques. Université de
Montpellier I : Thèse de Doctorat en Médecine, mention "Pédopsychiatrie".
Maestro, S., Casella, C., Milone, A., Muratori, F., Palacio-Espasa, F. (1999). Study of the onset auf autism
through home movies. Psychopathology, 32(6), 292-300.
Malvy, J., Adrien, J.L., Sauvage, D. (1997). Signes précoces de l’autisme et films familiaux. Psychiatrie de
l’enfant, 1, 175-198.
Massie, H. (1975). The early natural history of chilhood autism. Journal of the American Academy of Child and
Adolescent Psychiatry, 14, 683-707.
Mazet, P. (1990). Dysfonctionnements interactifs précoces et évolution autistique ultérieure. In P.,Mazet, S.,
Lebovici (Eds), Autisme et psychoses de l’enfant. Paris : PUF.
Nadel, J. (1986). Imitation et communication entre jeunes enfants. Paris : PUF.
Nadel, J. (1993). Qui imite qui ? In V., Pouthas et F., Jouen (Eds), Les comportements du bébé : expression de
son savoir ? (pp. 335-342). Liège : Mardaga.
Nadel, J., Baudonnière, P.M. (1991). L’imitation néonatale : faits et controverses. In F., Jouen et A., Henocq
(Eds), Du nouveau-né au nourrisson- Recherches fondamentale et pédiatrie (pp. 173-187). Paris : PUF.
Nadel, J., Peze, A.(1992). Communication productive et communication en écho : un an d’évolution chez un
enfant autist. Neuropsychiatrie de l’Enfance, 40, 553-558.

251
O.M.S. (1993). CIM-10/ICD-10 : Classification Internationale des Maladies (10ème révision). Paris :
Masson.
Peeter, T. (1996). L’autisme - De la compréhension à l’intervention. Paris : Dunod.
Piaget, J. (1923). Le langage et la pensée chez l’enfant. Neuchâtel : Delachaux & Niestlé.
Piaget, J. (1994). La formation du symbole chez l’enfant. Lausanne/ Paris : Delachaux & Niestlé(1ère édition :
1945).
Prizant, B.M., Duchan, J.F. (1981). The functions of immediate echolalia in autistic children. Journal of
Speech and Hearing Disorders, 46, 241-249.
Prizant, B.M., Rydell, P.J.(1984). Analysis of functions of delayed echolalia in autistic children", in Journal of
Speech and Hearing Research, 27, 183-192.
Rogers, S.J., Pennington, B.F. (1991). A theorical approach to the deficits in infantile autism. Dev.
Psychopathol., 3, 137-162.
Rogers, S.J., Pennington, B.F. (1997). Imitation and pantomine in high-functionning adolescents with
autistic spectrum disorders. Child Development, 67.
Rutter, M., Lpckyer, L.(1967). A five to fifteen year follow-up study to infantile psychosis. British Journal of
Psychiatry, 113, 1169-1182.
Sauvage, D. (1998). Autisme du nourrisson et du jeune enfant. Paris : Masson.
Sauvage, D., Hameury, L., Adrien, J.L., Beaugerie, A., Larmande, C et Leddet, I. (1987). Diagnostic de
l’autisme avant 2 ans. Méthodes d’observation et formes cliniques. In F.Grémy, S.Tomkiewicz, P.Ferrari et
G.Lelord (Eds), Autisme Infantile (pp. 47-84). Paris : INSERM.
Schopler, E., Reichler, R.J., Lansin, M. (1988). Stratégies éducatives de l’autisme et des troubles du déve-
loppement. Paris : Masson.Schopler,E. (1994). Profil psycho-Educatif. Bruxelles: DeBoeck Université.
Sigman, M., Ungerer, J.A. (1984). Cognitive and language skills in autistic, mentally retarded and normal
children. Developmental Psychology, 20, 293-302.
Stern, D. (1989). Le monde interpersonnel du nourrisson. Paris : PUF (collection Le Psychologue).
Wallon, H. (1941). L’évolution psychologique de l’enfant. Paris : Armand Colin.(1ère édition : 1941)
Wetehrby, A.M., Cain, D.H., Yonclas, D.G., Bryan A.A. (1989). Communicative profiles of preschool
children with handicaps : implications for early identifications. Journal of Speech Hearing Research, 54, 2, 148-
158.
Wetherby, A.M. (1986). Ontogeny of communicative functions in autism. Journal of Autism and
Developmental Disorders, 16, 295-316.
Wetherby, A.M., Cain, D.H., Yonclas, D.G., Walker V.G. (1981). Analysis of intentional communication of
normal children from the prelinguistic to the multiword stage. Journal of Speech and Hearing Research, 31,
240-252.

252
CHAPITRE VIII
Rééducation des troubles de la phonation
liés à une division palatine
ou à une incompétence vélo-pharyngée

Hélène BAYLON, Orthophoniste


DEA de linguistique
DU de neuro-psychologie clinique

Pedro MONTOYA, Chirurgien des hôpitaux

SOMMAIRE
I – LES CAUSES DE L’INCOMPÉTENCE VÉLO-PHARYNGÉE
A – des anomalies de structure ...................................................................................... 255
B – des anomalies dynamiques ..................................................................................... 255

II – LES CONSÉQUENCES DE L’INCOMPÉTENCE VÉLO-PHARYNGÉE


A – des troubles de la voix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255
B – des troubles de la parole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
C – des retards de parole et de langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256

III – LES DIFFÉRENTES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES ................................................ 256

IV – LES JEUX DE SOUFFLE .............................................................................................. 258

V – LA RÉÉDUCATION DE LA VOIX DANS LES CAS D’INCOMPÉTENCE VÉLO-PHARYNGÉE . 263

VI – RÉÉDUCATION DE LA PAROLE .................................................................................. 264

VII – RÉÉDUCATION DU LANGAGE ................................................................................... 268

VIII – CONCLUSION ........................................................................................................... 268

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 269


254
I – LES CAUSES DE L’INCOMPÉTENCE VÉLO-PHARYNGÉE
Nous retiendrons ici parmi toutes les descriptions existantes la classification de Kaplan et Minami (1974).
Ces auteurs distinguent :

A - DES ANOMALIES DE STRUCTURE :


1 - disproportion vélo-pharyngée :
• voile court
• pharynx large
• après ablation des végétations adénoïdes
2 - anomalies des muscles vélaires
• secondaires à une chirurgie pour division palatine
• division sous-muqueuse du voile

B - DES ANOMALIES DYNAMIQUES :


1 - paralysie ou parésie vélaires
• supra nucléaire : IMC, tumeur cérébrale, méningite, encéphalite, post-traumatique.
• nucléaire : congénitale ou par sclérose latérale amyotrophique.
• périphérique : diphtérie
• neuromusculaire : myasthénie
• musculaire : dystrophie myotonique, arthrogrypose, maladie du collagène
2 - anomalies de mobilité
• tumeurs des piliers ou du voile
• cicatrices vélaires
• conséquence d’un lambeau de pharyngoplastie
3 - anomalies purement fonctionnelles
• conséquences de surdité
• troubles psychiques

II – LES CONSÉQUENCES DE L’INCOMPÉTENCE VÉLO-PHARYNGÉE.


Le bilan de la phonation peut mettre en évidence divers types de troubles :

A - DES TROUBLES DE LA VOIX


Les altérations portent généralement sur le timbre de la voix : hypernasalité, hyponasalité, raucité vocale,
ronflement nasal. Elles peuvent également porter sur l’intensité de la voix : voix faible et étouffée, ou sur le
parasitage de la voix par l’existence d’une déperdition nasale audible. Ces troubles peuvent exister de façon
isolée.
Ils peuvent être de différentes sortes. Les plus fréquents sont :
• le nasonnement ou rhinolalie ouverte ou hypernasalité. Il donne l’impression que l’enfant est enrhumé. On
l’entend essentiellement sur les voyelles. La différence orale- nasale est moins nette pour les couples a/an,
o/on, eu/un, è/in. Le timbre des autres voyelles a une résonance nasale. En ce qui concerne les consonnes,

255
les nasales m, n, gn paraissent encore plus nasales et les voyelles à leur contact sont souvent nasalisées par
assimilation phonétique. Ces troubles paraissent moins importants à partir de l’adolescence, quand l’enfant
change de voix, si c’est un garçon.
• la fuite nasale. C’est un bruit de souffle qui s’entend sur les consonnes. Elle peut toucher aussi bien les
occlusives que les constrictives. Lorsqu’elle est aiguë, elle peut être liée à la présence d’une fistule. Il faut
alors vérifier s’il en existe une dans le palais et l’obstruer avec du chewing-gum lors du bilan pour savoir si la
fuite est la conséquence de la fistule ou non.
• la rhinolalie fermée ou hyponasalité. Elle donne auditivement l’impression que le nez de l’enfant est com-
plètement bouché. Il convient d’ailleurs d’éliminer cette cause en bilan avant de songer à un dysfonc-
tionnement du sphincter vélo-pharyngé. Les voyelles nasales ainsi que les consonnes m et n sont oralisées
dans les cas extrêmes. En même temps que la rhinolalie fermée peut exister une fuite nasale. Cela se produit
dans les cas de fente labio-maxillo-palatine lorsque la lèvre a été fermée très tôt, que l’ouverture de la narine
s’est trouvée réduite. Le bébé dont le premier souci est de bien respirer prend l’habitude d’expirer trop fort
par le nez et transpose cette habitude lorsqu’il parle. Les occlusives et parfois f, v, sont alors parasitées par
une fuite nasale et les voyelles qui les entourent sont produites en une rhinolalie fermée. L’association
rhinolalie fermée fuite nasale est difficile à corriger car elle repose sur des habitudes très précoces.
• la raucité peut exister en compensation d’une insuffisance vélo-pharyngée. Fletcher (1976) note que le
mécanisme de vibration des cordes vocales est modifié dans les cas d’incompétence vélo-pharyngée, ce qui
peut s’expliquer par la configuration des constricteurs supérieurs et inférieurs du larynx et des cordes
vocales. Elle peut aller de l’impression de voix éraillée jusqu’à la désonorisation complète de tous les
phonèmes.
• le manque d’intensité de la voix peut également être une compensation ou une conséquence de
l’incompétence vélo-pharyngée et dépend de la contraction des cordes vocales et de la mobilisation du
larynx. Le geste expiratoire est à vérifier dans tous les cas.

B - DES TROUBLES DE LA PAROLE


Liée à des anomalies de structure, l’incompétence vélo-pharyngée entraîne parfois des troubles de l’articulation :
• compensations atypiques : coups de glotte, attaques vocaliques dures, souffles rauques, souffles postérieurs
• remplacement de phonèmes par des phonèmes voisins par leur point d’articulation ou par leur mode d’arti-
culation. Par exemple T est rendu en K, Z est désonorisé.
• articulation atypique des phonèmes. Par exemple T interdental, S Z schlintés, CH, J atypiques.
• sigmatisme nasal.

C - DES RETARDS DE PAROLE ET DE LANGAGE


Nous savons que le retard de parole (décalage d’un an ou plus) touche près d’un enfant sur trois entre 2 et 4
ans, et que le retard de langage touche près d’un enfant sur quatre aux mêmes âges (Montoya et Baylon
(1996)). Dans ces cas, on ne peut pas traiter l’insuffisance vélo-pharyngée séparément.
La cotation la plus fréquente est en AMO8, mais il faut tenir compte aussi de l’existence de troubles ou de
retards de la parole et du langage qui se trouvent souvent associés.

III – LES DIFFÉRENTES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES


Pour l’orthophoniste, trois cas peuvent se présenter selon que le patient présente :
• une malformation déjà diagnostiquée et suivie par une équipe chirurgicale ; c’est le cas de la plupart des cas
dans les anomalies de structure
• une malformation peu visible non repérée précédemment du type division sous-muqueuse occulte,
disproportion vélo-pharyngée etc. ; l’orthophoniste peut alors diriger le patient vers une équipe chirurgicale
lorsque le résultat de la rééducation orthophonique après 30 séances de travail sur la mobilisation du voile

256
du palais n’est pas satisfaisant et participer à la discussion sur les modalités de prise en charge ortho-
phonique et/ou chirurgicale et comment les deux peuvent s’articuler.
• une incompétence vélo-pharyngée liée aux anomalies dynamiques décrites dans le paragraphe I B. Le rôle de
l’orthophoniste est de corriger les défauts liés à l’ incompétence vélo-pharyngée mais d’abord de hiérarchiser
les difficultés après le bilan orthophonique en dialoguant avec le médecin et le chirurgien qui suivent l’enfant
(Talendier, 1995). Par exemple dans les paralysies et parésies vélaires, les troubles de la voix passent après la
nécessité de réduire les troubles de la déglutition et de donner un moyen d’expression.
Le traitement chirurgical de la division palatine et des autres anomalies de structure peut se faire selon
plusieurs programmes qui sont pratiqués avec des techniques différentes et des dates de fermeture de la
division palatine différentes, en France (Borde et coll.,1983) et dans d’autres pays (Bardach et Morris, 1990).
Les arguments de ces diverses approches thérapeutiques sont chirurgicaux et ne peuvent être détaillés ici.
Les dates de la fermeture primaire de la division palatine varient de la naissance à 6 ans avec une pratique
habituelle en France de 3 mois à 6mois qui fait que l’enfant aborde la période d’apprentissage de la parole
avec le palais réparé (Malek, 2001). Dans les cas de fente labio-maxillo-palatine, le traitement chirurgical
peut s’échelonner jusqu’à 18 ans.
Le rôle de l’orthophoniste dans une structure hospitalière est, puisque souvent elle voit l’enfant dès sa
première hospitalisation, d’informer les parents sur le développement langagier habituel, sur la nécessité
éventuelle d’une rééducation orthophonique lorsque l’enfant aura 2 ans, de noter les éventuelles difficultés
praxiques, les troubles de la déglutition, et plus systématiquement, le développement des productions
vocales (Mousset (1990)). Les problèmes de déglutition en période néonatale sont pris en charge par les
puéricultrices. Des exercices de mobilisation labiale, vélaire, de stimulation de la communication, du
langage, de la parole pourront être proposés uniquement si le bébé semble en avoir besoin. L’orthophoniste
est donc appelé à suivre l’enfant en guidance mais aussi à réaliser un bilan orthophonique à la demande du
chirurgien avec ou sans exploration instrumentale lorsque l’enfant revient en consultation environ tous les 6
mois. L’exploration instrumentale la plus fréquente et qui peut facilement montrer aux parents l’évolution
objective de la déperdition nasale est l’aérophonoscopie de Rineau (1993). Les rééducations peuvent être
réalisées en milieu hospitalier si elles sont très compliquées (en cas de pathologies associées), et/ou si l’enfant
n’habite pas trop loin. La guidance a un rôle de prévention sur l’importance des troubles du langage et de la
parole chez ces enfants (Baylon et coll.,1990). L’orthophoniste hospitalière peut avoir à orienter le jeune
enfant vers une prise en charge en libéral. Par exemple, si l’enfant ne dit qu’une dizaine de mots à deux ans
et qu’il n’articule pas d’autres consonnes que m et n alors qu’il a une grande envie de s’exprimer, une
rééducation orthophonique près du domicile de l’enfant sera proposée dès cet âge afin que les jeux de souffle
permettent une meilleure mobilisation vélaire et la production de consonnes orales. Si l’enfant présente un
retard de parole et de langage de 6 mois à un an seulement, on peut attendre qu’il ait atteint l’âge de 3 ans
et même 3 ans et demi pour proposer une rééducation orthophonique.
Le rôle de l’orthophoniste en libéral est de prendre en charge globalement l’enfant et pas seulement avec des
jeux de souffle. Le développement de la compétence vélo-pharyngée ne peut se faire isolément de celui de la
parole et du langage. Il doit parfois rappeler aux parents et à l’enfant l’importance d’un suivi régulier non
seulement dans le centre hospitalier référent de la région mais parfois aussi pour un suivi ORL.
Dans les cas de traitement chirurgical secondaire de type myoplastie intra-vélaire, suture des piliers, pharyn-
goplastie, le bilan orthophonique et aérophonoscopique préopératoire est l’un des éléments importants avec
l’exploration radiologique et fibroscopique. L’orthophoniste qui prend en charge l’enfant près de son
domicile doit donner son avis sur l’évolution de la rééducation et doit s’informer auprès du chirurgien sur
l’éventuelle nécessité d’intensifier les jeux de souffle avant l’intervention pour que les tissus musculaires
soient plus souples, sur le moment où l’enfant pourra reprendre la rééducation, sur la fréquence et l’intensité
des exercices de souffle à réaliser après l’opération car ces éléments sont différents selon chaque enfant et
selon la nature de l’intervention chirurgicale.
Selon l’existence ou non de troubles associés tels que : trouble neurologique et/ou retard mental même
légers, baisse auditive, retard de parole, retard de langage, bégaiement et selon l’importance de
l’incompétence vélo-pharyngée, la durée de la rééducation peut varier de façon importante.

257
◆ Les indications de la rééducation
Les enfants présentant une division palatine associée ou non à une malformation labio-maxillaire ou à un
syndrome de Pierre Robin ne vont pas tous en rééducation. Ceux qui présentent une incompétence
vélo-pharyngée y sont envoyés.
L’indication se fait en général sur l’existence de l’un des éléments suivants
• au moins un trouble de la voix
• un retard de langage supérieur à 6 mois
• un retard de parole supérieur à 6 mois
• des troubles de la parole
• une intelligibilité de la parole évaluée sur le discours spontané moyenne, mauvaise ou nulle chez un enfant
de plus de 2 ans
• des répercussions sur le langage écrit du retard de parole et de langage et d’une perte auditive de
transmission
• un trouble associé

◆ Les résultats de la rééducation


Les résultats que nous avons établis sur la série de 350 enfants opérés par le Dr Montoya sont les suivants
(Montoya et Baylon,1996).
Tableau 1 : résultats de la rééducation

Malformation Syndrome de
durée de la FLMP bilatérale FLMP unilatérale Division palatine
rééducation Pierre Robin
Moins d’un an 10% 28% 5% 9%
1 an 20% 20% 20% 45%
2 ans 20% 20% 30% 27%
3 ans et plus 50% 32% 45% 19%
(FLMP : fente labio-maxillo-palatine)
Le pourcentage exprimé correspond à celui des enfants pour lesquels la durée de rééducation a été de moins
d’un an, 1 an, 2 ans, 3ans et plus dans la population des enfants suivis en rééducation.
La normalisation de la voix a été le seul paramètre considéré dans l’évaluation des résultats, le calcul des autres
paramètres introduisant trop de variables dépendant des troubles de départ.

IV– LES JEUX DE SOUFFLE


Les jeux de souffle constituent un préalable à la rééducation de la voix et de la parole pour établir des
conditions favorables à une émission sonore normale (Thibault et Vernel-Bonneau, 1999).
L’air passe à la fois par le nez et par la bouche dans le cas d’insuffisance vélo-pharyngée. Même quand l’enfant
croit souffler uniquement par la bouche, il peut exister une déperdition nasale. Le contrôle proprioceptif est
extrêmement difficile au niveau du cavum ; le contrôle auditif de la déperdition nasale pendant la parole est
souvent insuffisant pour les enfants présentant une baisse auditive de transmission. On ne peut donc pas
compter sur un contrôle volontaire de la contraction vélo-pharyngée. Seul l’entraînement peut l’améliorer.
Le but de ces jeux est de parvenir à ce que tout l’air expiré passe par la bouche.
Si l’on utilise des jeux tels que éteindre la flamme d’une bougie, souffler sur un bout de papier ou des
confettis, on ne peut pas savoir si l’enfant souffle par la bouche ou par le nez. Il peut très bien éteindre la
flamme d’une bougie, bouche ouverte, en soufflant par le nez.

258
Il est donc préférable d’utiliser des jouets à embout, des pailles, des tubes de diamètres différents pour que
l’enfant soit bien conscient de l’effet produit par le souffle buccal, qu’il puisse contrôler visuellement le
déplacement de l’objet sur lequel il souffle.
Le choix des premiers jouets est très important : il faut que la difficulté à souffler par la bouche ne soit pas
trop grande. En particulier avec les enfants les plus jeunes, les premiers essais doivent être couronnés de succès
sinon ils vont vite se décourager. L’orthophoniste doit donc essayer elle-même les jouets et classer les jeux de
souffle en fonction de leur facilité. Avec les plus jeunes enfants, les jouets sonores ont plus de succès que les
autres. Il existe des sifflets en plastique qui produisent du bruit avec très peu de souffle, ceux-ci devront être
préférés aux sifflets en bois, généralement plus exigeants au niveau de la quantité d’air expiré. L’idéal est de
trouver le sifflet avec embouchure assez large pour que l’enfant puisse refermer les lèvres autour d’elle et que
l’air ne s’échappe pas par les commissures et qui en plus produise un son avec très peu d’air. Au cours des
recherches dans les commerces, après les avoir essayés, on pourra acheter différents modèles de sifflets plus ou
moins faciles à utiliser selon la forme de l’embouchure et la quantité d’air à expirer. Les embouchures plates
et larges sont plus faciles à utiliser que les embouchures rondes qui, elles, ont un intérêt pour un travail sur les
praxies labiales. Si l’embouchure du sifflet se trouve trop près de l’extrémité du bec, il est presque certain que
l’enfant va la boucher avec ses lèvres et qu’aucun son ne sortira. Ce type de sifflet n’est utilisable qu’avec les
plus grands car il demande un contrôle précis de la position des lèvres.
Il est utile d’acheter deux exemplaires identiques du sifflet le plus facile à utiliser, un pour l’orthophoniste, un
pour l’enfant qui doit nous imiter car il n’est pas question de passer un instrument de la bouche de l’ortho-
phoniste à celle de l’enfant et inversement, pour des questions d’hygiène.
On peut désinfecter tous les jeux de souffle en utilisant un produit de stérilisation à froid destiné aux tétines
et aux biberons. Passer un coton imbibé d’alcool ou un rinçage à l’eau ne suffisent absolument pas pour
proposer un matériel propre et stérile.
La flûte est un jouet sonore facile à utiliser au niveau de l’embouchure et, pour les flûtes en plastique léger, au
niveau du souffle. L’inconvénient est que l’enfant peut blesser son palais s’il l’utilise trop près d’une table et
qu’il la heurte ou bien si à la maison il tombe ou s’il est bousculé alors qu’il y joue. C’est pourtant le premier
jouet que les parents achètent spontanément. Après une intervention chirurgicale, lorsque les points sont
encore visibles sur le voile du palais, l’usage de la flûte est déconseillé.
L’harmonica est intéressant par le fait que l’on entend un son lors de l’inspiration en plus de celui de l’ex-
piration. Les enfants l’utilisent volontiers pour cette particularité car il produit deux fois plus de sons que la
flûte.
Les autres jouets sonores doivent être également choisis en fonction de l’embouchure, de leur facilité à
produire du bruit avec peu d’air, de leur degré de dangerosité par rapport à un geste brusque qui blesserait le
palais, de leur possibilité d’être correctement nettoyés.
Dans un premier temps, le but des jeux avec les jouets sonores est d’obtenir un son. Ensuite, on peut
demander à l’enfant de produire un son d’intensité différente, donc de souffler fort ou plus doucement. On
peut coupler cet exercice avec des exercices de perception auditive et de mémorisation. Par exemple si l’ortho-
phoniste tape fort sur un tambourin, l’enfant doit souffler fort et inversement. On peut ensuite combiner les
intensités un fort, deux faibles par exemple. On peut également travailler une approche de la symbolisation en
représentant un son fort par un gros cercle colorié, un son faible par un petit cercle. Une partition avec une
succession de points est plus facile à lire et à exécuter par l’enfant que la reproduction de frappes fort faible où
l’on est assez vite limité par les possibilités de mémorisation. La succession de grands ou de petits cercles sur
des cartes est plus facile à lire si l’orthophoniste suit du doigt la progression de l’enfant. On peut aussi
mélanger deux couleurs de cercle après avoir attribué une couleur à l’enfant et une autre à l’orthophoniste et
proposer ainsi une "partition" à deux instruments par exemple sifflet et tambourin. L’enfant peut lui aussi
composer une partition en alignant les cartes symbolisant les jouets sonores et l’intensité des bruits à produire.
Les enfants de moins de six ans aiment bien ces exercices. Si l’on introduit la notion d’intensité moyenne, le
jeu devient trop complexe pour beaucoup d’entre eux.
Au début des exercices de souffle, le son obtenu avec des jouets sonores faciles n’est pas d’intensité très forte, il
faut encore rappeler à l’enfant que pour souffler fort, il est indispensable d’inspirer fort, mais au bout de 3 ou

259
4 séances, la plupart des enfants y parviennent, en tous cas suffisamment pour que l’on puisse faire la
différence fort-faible. Sur le même principe, on peut travailler et symboliser la durée d’un son émis par un
trait court ou un trait long. L’orthophoniste ne doit plus alors utiliser un tambourin mais une flûte ou un
sifflet. La combinaison durée-intensité est souvent trop difficile pour les enfants.
Le travail sur la fréquence du son, son caractère aigu ou grave est trop complexe pour les enfants de moins de
6 ans. En particulier à la flûte, il demande un contrôle du souffle et de la position des doigts auxquels seuls les
plus motivés parviennent. On dépasse alors le cadre du plaisir dans le jeu qui doit rester essentiel.
Un autre jeu qui amuse les enfants est de faire une partition avec les différents jouets sonores dessinés sur des
cartes car ils apprécient de changer d’instrument. Par exemple 2 cartes de sifflet, une de flûte, 2 cartes
d’harmonica, 3 cartes de flûte, une carte de clochette etc.
L’orthophoniste peut aussi inventer des histoires dans lesquelles des personnages utilisent des jouets sonores,
par exemple le gendarme qui court en sifflant derrière un voleur, le voleur se cache, il réapparaît au fond de la
rue, etc. ou bien des histoires dans lesquelles on symbolise un animal : le gros ours avance (tambourin) vers la
maison de la petite fille. L’oiseau (flûte) devant la porte avertit la petite fille en sifflant d’abord doucement
puis très fort.
Si les parents veulent absolument acheter des jouets sonores, on leur recommandera de les garder dans une
boîte spéciale et de ne les sortir que dans un moment de convivialité ou de détente sinon l’enfant se lassera
vite de les utiliser ou au contraire il en fera une utilisation désagréable pour l’entourage (parce qu’au mauvais
moment, la nuit par exemple).
Les jouets à embout :
L’embout est toujours plus petit que celui des sifflets plats et larges. Avant d’utiliser ces jouets, pour certains
enfants, il est nécessaire de travailler sur imitation devant une glace les praxies au niveau labial : fermer les
lèvres, les étirer comme pour sourire, les arrondir le plus possible, ce qui n’est pas évident lorsque la lèvre
supérieure cicatricielle est un peu raide ou que la contraction du muscle orbiculaire des lèvres est asymétrique.
Lorsque ce travail aboutit à une contraction des lèvres suffisante autour de l’embout, on peut utiliser des tubes
de diamètres différents, sachant que ce sont les tubes les plus étroits qui conduisent le souffle le plus effi-
cacement.
Ainsi la paille, le tube de stylo sont plus faciles à utiliser que la sarbacane qui a un plus gros diamètre.
L’orthophoniste peut également se procurer des tubes en plastique de différents diamètres dans les magasins
de bricolage et les couper à la longueur voulue.
Avec ces tubes de différentes sections, on peut trouver une infinité de jeux à partir de l’action de souffler sur
des objets pour les faire avancer ou pour les faire tomber. Il n’y a pas lieu d’acheter un matériel spécialisé.
La cuisine regorge d’objets qui peuvent servir à des jeux de souffle. En voici quelques exemples. En soufflant
dans un tube
• faire tomber des emballages vides comme ceux des petits paquets de céréales, de pâtes, de biscuits, présentés
verticaux. Plus l’objet est loin, plus il faut souffler fort. On peut également empiler deux ou trois petits
paquets de céréales et les faire tomber.
Le même exercice est faisable avec des bouteilles en plastique vide. Lorsque l’enfant réussit quand la
bouteille vide est proche de lui, on peut lui demander de recommencer en la plaçant cinq centimètres plus
loin et ainsi de suite.
• faire avancer des bouchons de bouteille en plastique le plus loin possible. On peut faire une course de
bouchons pour les faire arriver à l’autre extrémité de la table en soufflant. On peut mettre une dizaine de
bouchons dans une assiette et l’enfant doit les faire sortir de l’assiette en soufflant sur eux le plus rapidement
possible ou faire une course pour faire sortir de l’assiette les bouchons entre deux joueurs ayant chacun une
assiette pleine du même nombre de bouchons.
• sur le même principe de dispersion en dehors d’un support, on peut mettre dans l’assiette des vermicelles,
des confettis, des lentilles. Bien sûr les bords de l’assiette doivent être relativement plats.
• un autre exercice que les enfants aiment bien est de dessiner en soufflant avec une paille ou d’écrire sur une
mince couche de farine étalée sur la table ou sur un plateau. Cet exercice demande un bon contrôle du
souffle parce que si l’enfant souffle trop fort ou trop faiblement il n’arrivera pas à laisser une trace bien
délimitée.

260
• faire rouler un tube de médicament vide le plus droit possible, ou un rouleau vide de papier aluminium, de
papier absorbant ou plus facile parce que plus court, un rouleau de papier toilette.
• faire des circuits avec des bouts de ficelle qui symbolisent des routes ou en dessinant sur un tableau effaçable
posé à plat. On fait avancer des bouchons de bouteille ou des petites voitures en plastique. On peut tracer
des routes à angle droit et essayer des collisions en commençant à souffler au même moment.
• dans la salle de bain, on peut emprunter des boules de coton de démaquillage de différentes couleurs pour
les faire avancer en soufflant. Les parents laissent parfois l’enfant souffler dans l’eau du bain avec une paille.
Ce n’est pas une très bonne idée parce que l’enfant peut aspirer l’eau du bain au lieu de souffler.
• dans la chambre de l’enfant, on peut utiliser de nombreux jouets à destination du souffle : on peut se servir
des petits blocs de construction pour construire des circuits sur une surface plane avec des murs, des arches,
des ponts pour faire avancer des billes en soufflant sur elles. On peut construire des tours en éléments
encastrables sur lesquelles on soufflera pour les faire tomber. A cette occasion, on peut travailler l’ap-
prentissage des couleurs : souffler sur la tour bleue, sur la tour rouge, etc. et la mémorisation d’une suite de
plusieurs éléments : souffler sur la tour verte puis la bleue, puis la jaune. On peut également utiliser des
animaux en plastique léger ou des personnages pour les faire tomber. On peut aligner un indien, un cow-
boy etc. et travailler la notion d’alternance en plus du souffle, ou si on souffle sur tous les indiens puis tous
les cow-boys, on aura eu l’occasion de faire un exercice de tri. On peut également inventer des batailles entre
deux camps ou les coups de pistolet seront remplacés par l’action de souffler avec une paille sur un cow-boy
ou sur un indien, ce qui le fera tomber. Ces jeux demandent la participation d’un parent ou d’un aîné, c’est
pourquoi il est important de bien motiver la famille pour qu’ils soient faits au moins trois fois par semaine
en plus des jeux de souffle réalisés chez l’orthophoniste. L’objectif des parents sera de tenir sur la durée car il
faut compter en moyenne 6 mois d’entraînement pour obtenir des résultats tangibles. Une fois que l’on a
fait l’acquisition de trois tubes de section petite, moyenne, grande, il n’est plus besoin d’acheter du matériel.
Il suffit d’un peu d’imagination et de motivation de la part de l’enfant, d’un parent ou d’un grand frère pour
trouver des jeux de souffle intéressants. L’orthophoniste peut en donner une liste et dire à l’enfant que s’il
trouve une nouvelle idée, on l’ajoutera à cette liste en écrivant son prénom entre parenthèses, qu’il verra son
idée à la suite des idées des autres enfants.
Chez l’orthophoniste, le travail sur le souffle peut être réalisé de façon plus systématique. Le but est d’obtenir
que l’enfant souffle très fort par la bouche. Pour que le souffle soit de plus en plus fort, il faut que la section
du tube utilisé soit de plus en plus large, ou alors que l’objet sur lequel on souffle soit de plus en plus lourd ou
qu’il soit posé de plus en plus loin de l’enfant. Pour les objets à faire avancer, on peut utiliser par ordre de
difficulté croissante un petit bout de coton, une boulette de sarbacane, une balle de ping-pong, une balle en
mousse, une voiture légère en plastique, une bille, des modèles réduits de voiture, de camion, de bateau.
Dans la série des jouets à faire tomber, tous les animaux en plastique léger sont utilisables ainsi que les per-
sonnages, les panneaux de signalisation vendus avec les petites voitures, les cubes en mousse, les pièces légères
de construction.
Il faut garder ces jouets pour le cabinet de l’orthophoniste et les jeux faits avec du matériel de récupération
pour la maison. On ne peut pas demander aux parents d’acheter trop de jouets. Ils prennent parfois l’initiative
d’acheter des jouets à gonfler avec valve de sécurité : bouées, animaux, personnages. Tout cela est trop difficile
au début de la rééducation. Certains ballons sont trop difficiles à gonfler, surtout la première fois. Il faut que
l’adulte les gonfle au moins une fois. Les jouets avec valve de sécurité demandent un contrôle du pincement
de la valve et de la position des lèvres difficile pour un enfant de moins de quatre ans.
Les bulles ne peuvent être utilisées comme exercice de départ car c’est un jeu qui demande un bon contrôle de
la direction du souffle et de son intensité.
Il faut être directif avec les parents pour qu’ils proposent à l’enfant des exercices en rapport avec ses capacités,
pour qu’ils participent aux jeux de souffle et surveillent leur bon déroulement, pour qu’ils s’impliquent dans
une progression.
En même temps, l’orthophoniste ne doit pas se décharger des exercices de souffle sur les parents. Trop d’or-
thophonistes font faire des jeux de souffle pendant 10 minutes à chaque séance et s’arrêtent au bout d’un
mois en comptant sur les parents pour continuer. Ce n’est pas souhaitable car personne ne fait plus de jeux de

261
souffle au bout de 2 mois, alors qu’ils doivent être poursuivis au moins 6 mois pour que l’on arrive à un
résultat probant.
Si les parents ne sont pas trop disponibles pour faire travailler leur enfant à la maison, ou bien si l’enfant est
trop jeune (moins de 2 ans), on peut demander à défaut d’exercices pour souffler, de donner une paille à
l’enfant pour lui faire aspirer des liquides. Certains enfants sont capables de boire à la paille à 18 mois.
D’autres ne savent le faire qu’à partir de 2 ans. Il faut essayer régulièrement. C’est plus facile lorsqu’il y a un
aîné qui se sert de la paille et en été. Sinon l’adulte doit faire tremper la paille dans un liquide que le bébé
aime particulièrement, bloquer le liquide en bouchant l’extrémité supérieure de la paille avec le pouce, mettre
la paille dans la bouche de l’enfant verticalement à une commissure des lèvres, relâcher lentement la pression
du pouce pour que le liquide s’écoule dans la bouche. Au bout de 4 à 5 essais, en général le jeune enfant sait
aspirer. On peut ensuite lui proposer d’aspirer d’autres liquides dans un verre avec une paille coupée en deux
puis augmenter progressivement la longueur de la paille ou son diamètre. Ensuite, pour que l’enfant aspire
plus fort et augmente la contraction du voile du palais, on peut faire varier la viscosité du liquide
aspiré : yaourt liquide, soupe, yaourt brassé, compote, flan bien mélangé, glace un peu fondue. Si l’un de ces
exercices est trop difficile, on peut de nouveau couper la paille en deux et augmenter ensuite la longueur de la
paille.
Pour que l’enfant ne se lasse pas trop vite, et qu’il fasse ces exercices régulièrement sur le long terme, il est
préférable de proposer une fréquence raisonnable (2 à 3 fois par semaine) et de fixer les moments par exemple
lundi soir, mercredi soir, samedi soir et de demander aux parents de cocher les jours où l’enfant l’aura fait sur
un calendrier. Ces exercices sont à recommander également lorsque l’enfant fait une poussée de croissance.
L’utilisation des pailles simples coudées ou droites est préférable à celle des pailles en spirales qui stockent des
traces de lait ou de sucre et ne sont jamais complètement nettoyées.
Les exercices de souffle sont conseillés pour le jeune enfant chez lui en attendant qu’il soit suffisamment rai-
sonnable pour suivre une rééducation orthophonique systématique une ou deux fois par semaine.
L’orthophoniste peut donner toutes ces indications aux parents de l’enfant en séance de guidance une fois par
trimestre ou par semestre. Lorsque l’enfant viendra en rééducation, il faudra lui faire exécuter les jeux de
souffle jusqu’à ce qu’il parvienne à souffler fort par la bouche.
La difficulté suivante est de passer à l’utilisation du flux aérien buccal pendant l’émission de la parole. Bien
souvent lorsqu’on contrôle la compétence vélo-pharyngée en aérophonoscopie, il apparaît que la déperdition
nasale n’existe plus sur le souffle buccal mais qu’elle parasite tous les phonèmes émis isolément, en syllabe, en
phrase.
Avant de commencer le travail sur les phonèmes isolés, il faut s’assurer que le geste respiratoire est correct, que
le contrôle de l’expiration existe. Donc l’enfant comme nous l’avons vu, sait souffler par la bouche fort,
doucement, longtemps ou de façon brève en continu ou en discontinu. Il faut maintenant qu’il contrôle le
passage de l’air par la bouche uniquement ou par le nez uniquement. Pour ce qui concerne le nez, il est très
simple de faire dire m et n prolongés et de lui montrer avec l’aérophonoscope ou avec un miroir placé sous le
nez la trace de l’air passant par les narines. Pour le passage de l’air par la bouche, on utilise ces mêmes
instruments quand l’enfant souffle avec une paille normale puis on laisse à l’enfant un bout de paille de 5 cen-
timètres seulement, enfin on lui enlève la paille et on le fait souffler par la bouche, d’abord fort puis
doucement, avec le contrôle visuel jusqu’à ce qu’il arrive à ne plus envoyer d’air par le nez. Il est utile à ce
moment-là de lui faire sucer un bâton glacé entre 2 exercices de souffle pour qu’il sente bien le froid quand
l’air passe par la bouche. Parfois il sera nécessaire de lui boucher les narines afin qu’il prenne bien conscience
que l’air peut passer uniquement par la bouche. D’ailleurs certains enfants qui ne parviennent à dire que m et
n à 3 ans trouvent par eux-mêmes l’idée de se boucher le nez pour dire toutes les occlusives.

262
V – LA RÉÉDUCATION DE LA VOIX
DANS LES CAS D’INCOMPÉTENCE VÉLO-PHARYNGÉE
◆ La rééducation la plus courante concerne l’hypernasalité.
Les jeux de souffle sont primordiaux pour établir une bonne compétence vélo-pharyngée et diminuer la
déperdition nasale lors de la parole.
Ensuite on s’attachera à l’établissement d’un geste respiratoire correct avant de travailler sur le timbre des
voyelles.
L’amplitude du geste respiratoire détermine la quantité d’air expiré. Les jeunes enfants ont souvent de la
difficulté à prendre conscience de la façon dont ils respirent. On peut les y aider en leur faisant poser une
main sur la cage thoracique à différents niveaux et dans différentes positions, couchés, assis, debout, leur faire
sentir le soulèvement vertical et le soulèvement latéral, prendre un bout de laine et leur montrer quel diamètre
elle fait au repos et en respiration.
Il n’est pas très difficile de leur faire gonfler la cage thoracique à fond. On peut s’aider de gestes associés
comme écarter les bras en inspirant à fond, ramener les bras et pencher le torse en avant en expirant. Dans la
position couchée, on peut leur faire visualiser le soulèvement de la cage thoracique en posant une peluche sur
la partie inférieure de leur thorax, en plaçant une main au dessus de la peluche et demander d’inspirer très fort
jusqu’à ce que la peluche touche la main. L’utilisation d’un harmonica peut aider à prendre conscience des
deux temps de la respiration puisqu’il fonctionne aussi bien en inspiration qu’en expiration.
Il faut exercer l’enfant en faisant varier la quantité d’air inspiré et la continuité de l’inspiration : petites prises
continues ou deux ou trois prises, ou une seule prise. Pour l’expiration c’est encore plus important de faire la
même chose, de faire expirer en une seule fois sur un temps bref ou sur un temps beaucoup plus long. La
visualisation par un dessin en synchronisant la trace écrite par la main et le geste respiratoire aide bien les plus
jeunes. Ils peuvent également faire avancer un camion si l’on prend beaucoup d’air ou une voiture si l’on en
prend moins, sur une route imaginaire à une vitesse calquée sur la vitesse de l’expiration. Même pour les ado-
lescents ou les adultes, il n’est pas inutile de rappeler que plus la phrase que l’on va dire est longue, plus il
faudra prendre d’air et expirer lentement.
D’autres exercices sont nécessaires pour que l’enfant contrôle bien si l’air sort par la bouche ou par le nez. On
peut lui fermer le nez pour le faire respirer par la bouche ou les lèvres pour le faire respirer par le nez si
vraiment il n’a pas du tout de contrôle de la respiration buccale ou nasale. Le travail de la respiration sur la
durée de l’inspiration et de l’expiration ainsi que celui sur la quantité d’air utilisée sera à reprendre plus tard,
quand l’enfant aura développé un minimum de compétence vélo-pharyngée, sur les combinaisons inspiration
et expiration par le nez, inspiration et expiration par la bouche, inspiration par le nez, expiration par la
bouche ou inversement.
Dans la plupart des cas, comme ces enfants présentent une déviation de la cloison nasale, il est aussi très utile
de faire utiliser une narine puis l’autre alternativement et dans les cas de fente unilatérale de solliciter plus par-
ticulièrement la narine la plus étroite, bouche fermée.
Plus l’enfant est jeune, plus ces exercices sont importants à réaliser mais plus ils sont difficiles.
Le travail sur le timbre des voyelles orales se fait d’abord sur les voyelles isolées tenues au moins pendant deux
secondes. On peut contrôler visuellement avec un miroir qu’il n’y a pas de déperdition nasale. Les voyelles les
plus faciles à travailler sont a puis o, eu, è, puis ou, u, i. Il faut faire répéter à l’enfant ces voyelles isolément,
assez fort, avec un mouvement articulatoire bien marqué.
Parfois il faut jouer sur la hauteur pour obtenir une voyelle sans nasonnement puis on peut arriver à une
voyelle à hauteur normale. Le i sera travaillé bien après les autres voyelles. Ensuite on fait répéter des suites de
2 voyelles en voix chantée en vérifiant toujours avec le miroir s’il existe une déperdition nasale, puis on
associera 3 voyelles puis des consonnes en évitant les nasales.

◆ La rééducation de l’hyponasalité passe par l’utilisation des deux narines pour la respiration. Ce timbre
particulier provient souvent de conditions anatomiques défavorables : rétrécissement d’un des deux conduits
narinaires, déviation de la cloison nasale ou des deux facteurs combinés. Les exercices de respiration avec la

263
narine par laquelle passe le moins d’air doivent être planifiés dans le temps. La difficulté tient dans la progres-
sion et la régularité sur un temps prolongé de ces exercices. Il faut fermer la narine avec l’index ou le pouce,
faire bien fermer la bouche à l’enfant et lui demander d’inspirer puis d’expirer fort deux fois de suite puis trois
fois, puis quatre fois en veillant à ce que cela ne soit pas trop inconfortable pour lui. Cet exercice sera fait deux
à trois fois par jour, il faut le noter sur un calendrier attribué à l’enfant, le faire pendant un moment de calme,
et pendant 5 minutes au moins par jour. L’expérience montre que cette durée est celle pendant laquelle les
parents et l’enfant font réellement cet exercice pendant des mois. On ne peut pas espérer une automatisation
de la respiration nasale avec si peu de temps imparti, on peut juste éviter que l’enfant n’utilise plus du tout une
narine. La croissance faciale, du maxillaire supérieur ainsi que les reprises chirurgicales peuvent modifier
plusieurs fois le timbre de la voix de l’enfant et ses habitudes respiratoires. La diminution des tissus adénoïdiens
et amygdaliens peut également faire disparaître la rhinolalie fermée du fait d’une meilleure ventilation nasale.
Il ne faut pas oublier le fait que l’enfant doit apprendre à bien se moucher, plusieurs fois par jour. Cet
apprentissage demande la coopération des parents et une surveillance attentive. L’orthophoniste devra détailler
à l’enfant comment il doit inspirer, fermer la bouche, fermer une narine, souffler fort par l’autre narine et
recommencer pour l’autre côté. L’utilisation de sérum physiologique en dose individuelle est un élément de
facilitation au début. Après une pharyngoplastie certains enfants se plaignent de ne pas pouvoir se moucher
aussi bien qu’avant l’intervention chirurgicale. L’impression d’encombrement peut résulter de la perception du
lambeau de pharyngoplastie dans les premières semaines suivant l’intervention. Si cette impression persiste
après 6 semaines, ces exercices sont alors utiles pour faire la part de ce qui est perceptif et de la perméabilité
objectivée lors du mouchage.

◆ Le ronflement nasal existe lorsque l’incompétence vélaire est modérée. Il peut apparaître lorsque la nason-
nement et/ou la fuite nasale diminuent. Il faut donc continuer la pratique des jeux de souffle.

◆ La rééducation de la raucité doit commencer par l’établissement d’un geste respiratoire correct et d’une
meilleure compétence vélo-pharyngée. Bien que la raucité en elle-même ne motive pas une correction chirur-
gicale de type pharyngoplastie, il est fréquent de la voir disparaître progressivement après la pharyngoplastie.
Le contrôle de l’accord pneumo-phonique au quotidien nous paraît difficile à demander à un enfant avant l’âge
de 10 ou 12 ans. Une rééducation vocale classique sera alors indiquée si la raucité persiste et que la compétence
vélo-pharyngée est bonne.

◆ La rééducation de la voix faible demande une analyse précise de la cause de ce défaut. Certains enfants ont
une compétence vélo-pharyngée limite et n’ont aucun défaut de voix ni de parole que lorsqu’ils parlent à faible
intensité. Lorsque l’on arrive au terme des séances de rééducation après travail des jeux de souffle, du geste expi-
ratoire, de l’articulation, il faut alors envisager une exploration plus poussée du mécanisme d’utilisation du
sphincter vélo-pharyngé en fibroscopie par exemple. Le chirurgien proposera peut-être une reprise chirurgicale
de type myoplastie ou suture des piliers.
D’autres enfants parlent à la fois pas assez fort, trop vite, et ne desserrent pas les dents pour articuler. Après
une série de séances, s’ils persistent dans leur façon de parler en dehors du cabinet de l’orthophoniste, on peut
les orienter vers des ateliers de théâtre ou des chorales.

VI – RÉÉDUCATION DE LA PAROLE
La progression de la rééducation dépend des phonèmes que l’enfant a déjà acquis. En général les enfants que
nous voyons disent au moins a – e – è – an – maman et mama (pour papa). Les voyelles qui viennent ensuite
par ordre de difficulté sont o – ou – u – i et les nasales correspondantes.
Pendant la période de guidance, de la naissance à 18 mois, l’orthophoniste a demandé aux parents de masser

264
les lèvres du bébé, de stimuler la mobilité labiale en touchant les lèvres avec une brosse à dents, un bout de
crayon, un glaçon, une plume, de fermer les lèvres avec les doigts en différents endroits, de stimuler la
mobilité linguale de façon symétrique pour les fentes bilatérales, et préférentiellement du côté opposé à la
fente pour les fentes unilatérales, vers l’avant de la bouche pour les cas de syndrome de Pierre Robin, lors des
repas au biberon en changeant la position de la tétine dans la bouche, entre les repas en touchant la langue
avec un manche de cuillère en métal ou avec un bâtonnet en plastique récupéré dans un distributeur de
boissons sucrées ; on va toucher les bords de la langue sur la pointe, sur les côtés, dessus, soit en caressant, soit
par pression unique ou alternative. Lors des repas à la cuillère, on changera la forme de la cuillère et on la
présentera à différents endroits de la bouche pour obliger la langue à bouger davantage et modifier l’aperture
buccale et le degré de fermeture des lèvres. La sensibilité de la zone prépalatale sera développée en promenant
l’index sur le palais derrière le futur emplacement des incisives supérieures, sur un côté puis l’autre de cette
zone. La sensibilité faciale sera développée en massant légèrement ou en tapotant les joues et le menton en
différents endroits, sans forcer l’enfant à accepter ce contact.
Les praxies bucco-faciales doivent être travaillées régulièrement avec le bébé. Dans un moment de calme, en
général après le bain, quand le bébé est habillé mais encore sur la table à langer, la mère peut profiter de ce
moment de proximité pour faire des "grimaces" : ouvrir grand et fermer la bouche, tirer la langue, ouvrir et
fermer les lèvres, les avancer comme pour un bisou, les faire vibrer en disant brbrbr, elle peut en même temps
toucher les lèvres du bébé, faire des massages doux des lèvres, des joues si le bébé n’imite pas du tout ces
gestes, même après un temps de quelques secondes de latence.
Pour le bébé de plus de 10 mois, l’imitation de bruits de véhicules, d’appareils ménagers, de cris d’animaux,
d’onomatopées reproduisant des bruits qui viennent de se produire est intéressante à la fois pour le déve-
loppement de l’attention et de la perception auditives et pour l’imitation des mouvements de la bouche de
l’adulte qui peut se placer devant lui.
Ainsi progressivement, l’enfant arrive à diversifier les bruits et sons produits. Il faut que les parents pensent à
lui parler plus fort lorsqu’il présente une infection rhino-pharyngée. Entre 12 et 15 mois, le bébé a une
production phonétique suffisamment différenciée pour que les parents puissent reconnaître des voyelles et
quelques consonnes.
Supposons qu’il arrive à articuler toutes les voyelles et uniquement les consonnes m et n et qu’il n’utilise ni
souffle rauque ni coup de glotte. On va demander à l’enfant de bien fermer les lèvres puis de gonfler les joues,
de retenir sa respiration puis de lâcher d’un coup la pression des lèvres tout en poussant l’air en avant pour
obtenir l’occlusive P. S’ils ne sont pas obtenus en synchronie, ces mouvements doivent d’abord être travaillés
séparément et sur imitation. On peut placer un petit bout de papier ou de coton sur le dos de la main devant
la bouche pour montrer à l’enfant que P est une consonne qui explose et que l’air relâché envoie d’un coup le
petit bout de papier loin devant la main. Lorsque le premier P est obtenu, on va demander à l’enfant de
prononcer une suite de deux ou trois P. La voyelle qui suit le plus naturellement est le eu, on peut obtenir
ainsi des suites de Peu, puis des suites de Pé, Pa. On peut aussi suivre la progression classique consonne isolée,
consonne suivie d’un bref temps de silence puis de la voyelle P …a, consonne avec la voyelle en continu Pa,
consonne en position finale après la voyelle, consonne en intervocalique avec les mêmes voyelles aPa, en inter-
vocalique avec des voyelles différentes aPé, des suites de consonnes avec la même voyelle, des suites de syllabes
avec la même consonne et des voyelles différentes, des mots monosyllabiques contenant la consonne travaillée
en position initiale (Pie) puis médiane (aPi) puis finale (hoP), des mots bi syllabiques avec la consonne dans
les mêmes trois positions. A ce stade, on peut faire répéter de petites phrases très simples dont on augmentera
la longueur à mesure des acquisitions phonétiques.
Toute la progression est facilitée si l’on utilise l’ordre des voyelles suivant : a é o eu, u, ou, i et bien plus tard
les nasales correspondantes. Les semi-voyelles occasionnent moins de difficultés que les voyelles nasales. Elles
sont très fréquentes et parfois difficiles à prononcer. C’est pourquoi il faut avoir en tête l’écriture phonétique
des mots que l’on fait répéter et ne pas se fier à l’écriture lexicale.
Les consonnes sourdes sont souvent mieux obtenues que les sonores dans un premier temps car elles
demandent un réglage moins fin de la pression intra buccale coordonnée à la tension de la langue et des
vibrations laryngées.

265
Lorsque la consonne sonore correspondante est obtenue selon la même progression, il n’est pas du tout
superflu, chez ces enfants qui présentent souvent une baisse auditive de transmission, de travailler sur la diffé-
renciation perceptive sourde-sonore en associant la production parlée sur le phonème isolé ou sur la syllabe à
un objet, un symbole, un geste, une lettre quand l’enfant est plus âgé.
Lorsque les phonèmes bilabiaux sont produits accompagnés d’une fuite nasale, il faut travailler le décondi-
tionnement fermeture des lèvres- production d’un souffle nasal avec des massages de l’orbiculaire des lèvres,
un travail de mobilisation praxique de la lèvre supérieure indépendant de l’articulation, de répétition de suite
de P produits à faible intensité.
Après P et B, le montage articulatoire de T-D est assez facile car l’enfant a déjà compris le mécanisme
d’ "explosion" des occlusives. Il suffit de lui montrer la bonne position de la langue bouche ouverte, de lui
faire sentir en touchant la région prépalatale dans quelle zone la langue doit venir s’appuyer puis de lui faire
exécuter le mouvement sur imitation. Il faut alors vérifier dans les cas de fente labio-maxillo-palatine uni-
latérale que la langue ne soit pas trop déviée du côté de la fente et corriger sa position si c’est le cas. En effet la
position déviée de la langue n’affecte pas beaucoup la qualité de production de T-D mais elle peut changer
celle des constrictives S-Z qui seront alors atypiques. Si l’on donne d’emblée une bonne position de langue
pour T-D, on diminue le défaut qui peut exister sur S-Z.
Le montage articulatoire de K-G se fait comme dans les cas de retard de parole, mais en suivant l’ordre des
voyelles exposé plus haut. Dans les deux semaines qui suivent une pharyngoplastie, ces deux phonèmes sont
parfois évités par l’enfant qui n’ose pas se servir de la zone postérieure de sa bouche. Il faut alors lui faire
répéter des syllabes bien fort avec P puis T puis K. Il se rend compte ainsi que cela ne fait pas mal et que ce
qu’on lui a fait dans la bouche est bien solide même s’il sent encore les points en passant sa langue sur le
palais.
Les constrictives F-V sont les plus faciles à monter. Comme P-B, elles sont susceptibles d’être produites avec
un souffle nasal concomitant de la mobilisation labiale. On peut utiliser les mêmes éléments de décondi-
tionnement que pour les occlusives bilabiales.
Les constrictives L puis R ne présentent pas non plus de difficultés au niveau du montage articulatoire. Il faut
cependant vérifier que le frein de langue n’est pas trop court.
La principale difficulté concerne les constrictives S-Z et CH-J. Ce sont les phonèmes les plus entachés par la
fuite nasale si elle existe. De plus l’asymétrie de forme de l’arcade dentaire supérieure ne permet pas d’avoir
une zone d’appui de la langue bien répartie ni un canal médian bien droit, d’autant plus que la langue vient se
loger spontanément dans la zone de la fente même si elle est refermée depuis longtemps pour les fentes labio-
maxillo-palatines unilatérales. Il convient alors de travailler la position de la langue bouche ouverte, la montée
de la langue vers le palais et d’utiliser un guide-langue pour créer un canal médian avant de demander à
l’enfant de souffler doucement pour émettre un S. Comme nous l’avons vu plus haut, le travail préparatoire
sur T-D est utile pour donner à la langue une position plus stable.
La labialisation nécessaire à la production de CH –J est parfois gênée par le manque de mobilité de la lèvre
supérieure cicatricielle. Un travail praxique préalable est alors indiqué pour que l’arrondissement de la lèvre
supérieure prenne plus de volume. En dehors de l’imitation des gestes du bisou, du lapin qui mâche de l’herbe
bouche fermée, du sifflement, de la moue exprimant l’étonnement, on peut faire attraper un bouchon de liège
avec les lèvres sur une table et le poser sur un autre meuble, ou d’autres petits objets cylindriques. L’utilisation
de jouets à embout lors des jeux de souffle permet également une bonne mobilisation de l’orbiculaire des
lèvres.
Ces précautions prises, le montage articulatoire des constrictives suit celui que l’on utilise habituellement dans
les cas de retard de parole.
Le sigmatisme nasal est un bruit qui s’apparente au ronflement nasal, un bruit de forçage qui accompagne ou
remplace la production de S-Z, CH-J. Comme il est la conséquence d’une articulation en force de ces
phonèmes, il faut obtenir un souffle de peu d’intensité, régulier, en travaillant sur la respiration, sur
l’imitation de bruits tel que celui du train à vapeur, du serpent, de l’abeille, d’appareils électriques, d’autres
bruits du type tss, tch, bzz, ouizzz, afin de le déconditionner de la production des constrictives. Parfois il faut

266
passer par la voix chuchotée pour réintroduire la répétition de syllabes avec S, CH, ou bien proposer les
sonores avant les sourdes, le forçage réapparaissant moins facilement sur les sonores.
Les coups de glotte et attaques vocaliques dures proviennent également d’une articulation en force. Ils sont
produits en cas d’incompétence vélo-pharyngée assez importante et remplacent souvent les occlusives mais
peuvent remplacer également toutes les consonnes sauf les nasales. Il est d’ailleurs surprenant de voir que les
enfants arrivent relativement bien à se faire comprendre alors que leur discours ne contient que des voyelles.
Ces mécanismes de compensation apparaissent chez des enfants très toniques et qui ont un débit de parole
rapide. En principe, la guidance orthophonique les fait disparaître dès le début. Sinon, il faut travailler en
premier sur le débit de la parole, en faisant beaucoup chantonner l’enfant sur des a isolés, è, e, éventuellement
précédés d’un m avec des transitions prolongées si l’on change de voyelle ou de syllabe : on écoute avec lui des
chansons ou des comptines, on propose un modèle qui reprend l’air en n’articulant que les voyelles ou les
syllabes que peut produire l’enfant. Il faut faire également beaucoup de jeux de souffle. Lorsque l’enfant arrive
à retenir un peu d’air dans sa bouche, l’idéal étant qu’il arrive à gonfler les joues, on peut lui mettre un petit
bout de papier de cuisson colorié sur la lèvre inférieure, lui faire fermer les lèvres et projeter le papier le plus
loin possible après avoir gonflé les joues. Cela produit le son P. On enlève ensuite le petit bout de papier puis
on peut faire dire des suites de P isolés avant de l’associer à une voyelle (P…a, P….e, P….é), ensuite on peut
utiliser un montage articulatoire classique et continuer avec les autres occlusives. Les sonores sont souvent
bien articulées alors qu’à la suite des sourdes il peut exister une attaque vocalique dure entre la consonne et la
voyelle. On peut alors allonger la durée de production vocalique, la consonne étant en position inter-
vocalique, presque en chantant.
Les souffles rauques sont, comme les coups de glotte, assez rares. Ils proviennent également d’un mécanisme
de forçage laryngé dans des cas d’incompétence vélo-pharyngée importante. Il faut donc faire beaucoup de
jeux de souffle. Comme pour le sigmatisme nasal, il faut déconditionner l’enfant d’un souffle en force pour
l’articulation des constrictives avec les mêmes exercices et beaucoup insister sur une production antérieure des
sons par des exercices de stimulation tactile des lèvres, de la pointe de la langue, de la partie antérieure du
palais. On peut demander à l’enfant de sucer un bâton de glace puis de siffler pour qu’il ait bien la sensation
que l’air passe effectivement par la bouche. On peut également travailler avec un petit miroir placé sous le nez
de l’enfant ou avec un aérophonoscope. On explique à l’enfant que s’il n’y a pas de buée sur le miroir, il a bien
soufflé ou parlé. On lui demande de produire un souffle buccal isolé puis un sifflement, puis des suites de
tsss, sss, dzzz, zzz, fssss, vzzz, avant de les associer avec la voyelle a puis é puis i ; les voyelles postérieures ou, o
ne seront abordées que plus tard. L’utilisation du miroir sur les mots et les phrases est plus délicate car il faut
penser à éviter les nasales.
Plus on aura proposé à l’enfant des jeux avec ses lèvres pour lécher, siffler, souffler, faire des grimaces, plus on
lui aura montré que la bouche ne sert pas qu’à parler mais aussi à bailler, à rire, à mordre, à manger, à boire, à
respirer, à faire des bisous, à cracher, à tenir des objets, à imiter des bruits d’animaux, d’appareils électriques,
de véhicules, à exprimer des émotions par des mimiques différentes, plus on réussira à rendre autonome la
production de souffle par rapport aux mouvements des lèvres et de la langue.
La notion d’intelligibilité sur le discours spontané, à la maison, doit guider la progression de la rééducation. Il
ne faut pas se contenter d’une intelligibilité correcte sur le discours répété, il faut continuer les exercices de
répétition immédiate de phrases, de répétition différée sur un récit avec support d’images, de récit spontané. Il
peut arriver qu’un enfant n’ait plus de défaut de parole mais qu’on ne le comprenne pas chez lui parce qu’il
n’articule pas assez ou surtout qu’il parle trop vite.
Le débit de la parole est un facteur très important dans les cas d’incompétence vélo-pharyngée. Un enfant qui
parle vite ne peut pas utiliser son voile du palais correctement. Il faut impérativement lui demander d’avoir un
débit de parole normal. On peut l’enregistrer et lui faire écouter sa parole jusqu’à ce qu’il arrive à parler plus
lentement. D’une manière générale, l’utilisation du magnétophone est très utile pour modifier les habitudes
perceptives de l’enfant : il ne suffit pas de changer les habitudes articulatoires de l’enfant, il faut lui faire
entendre aussi sa nouvelle voix et sa nouvelle façon d’articuler le plus souvent possible pour qu’il mémorise un
autre modèle audio-phonatoire.

267
VII – RÉÉDUCATION DU LANGAGE
Les enfants présentant une incompétence vélo-pharyngée ont souvent une baisse auditive de transmission
légère mais gênante lors de l’acquisition du langage et de la parole (Lederlé et Kremer,1991). De ce fait, ils
parlent souvent plus tard que les autres enfants alors qu’ils ont une intelligence normale. Si le décalage est
inférieur ou égal à 6 mois, il peut disparaître seul avant l’âge de 4 ans. Lorsque ce retard est égal ou supérieur
à un an, il est préférable de mettre en place une rééducation orthophonique même s’il n’existe pas de trouble
de la voix ou de la parole dus à une malformation vélaire ou palatine. En effet cette rééducation sera utile
d’abord pour rendre à l’enfant un niveau de langage conforme à son âge réel, mais aussi pour lui donner de
l’assurance dans son comportement de communication et éviter les confusions perceptives sur des phonèmes
voisins en lecture et en dictée. Dans certains cas de retard de langage, on retrouvera les mêmes difficultés lors
de l’apprentissage de langues étrangères en sixième puis en quatrième.
Les exercices de discrimination perceptive sourdes- sonores sur les consonnes isolées, les syllabes, les mots,
devront être ajoutés à ceux qui portent sur la discrimination orales- nasales des voyelles en répétition et en
transcription pour des enfants plus grands.
Les exercices d’enrichissement du vocabulaire doivent être également systématiques même si on a l’impression
que les mots nouveaux ne passent pas facilement en vocabulaire actif. Un travail sur la longueur des phrases
utilisées est également utile, certains enfants s’exprimant à l’économie.
Au niveau du langage écrit, dans la série des enfants que nous suivons, 20 à 25% d’enfants sont dyslexiques
ou dysorthographiques et jusqu’à 33% des enfants scolarisés au delà du CE2 sont dysorthographiques dans les
cas de syndrome de Pierre Robin.
Eliason (1990) rapporte que les enfants présentant une fente palatine ont des performances moins bonnes que
les enfants normaux sur la mémoire auditive, le langage, la perception visuelle, la reconnaissance auditive et
visuelle des mots, la compréhension du texte lu, l’identification des erreurs phonétiques. Tous ces points sont
à travailler préventivement en rééducation orthophonique dès que l’on aborde le langage oral. La mémoire
auditive peut se travailler dans des comptines, des jeux musicaux de reproduction de rythme, de succession
d’instruments ou de jouets sonores, sur des logatomes, des mots nouveaux ou des combinaisons de mots
connus. En dictée de mots, il sera très important de travailler l’auto correction afin que l’identification des
erreurs phonétiques devienne plus systématique. Les jeux d’orientation spatiale de figures ou de signes écrits
sont utiles avant de travailler sur la mémoire visuelle au niveau du mot.

◆ Cas particuliers :
La rééducation orthophonique est beaucoup plus longue chez les enfants présentant une pathologie associée :
problème neurologique même léger, retard mental, baisse auditive supérieure à 40 décibels. Dans les cas de
syndrome cardio-vélaire, l’indication de pharyngoplastie n’est pas toujours possible à cause de la malformation
cardiaque ; une myoplastie ou une suture des piliers peuvent être alors proposées. La rééducation sera plus
longue après ces deux dernières interventions qu’après la pharyngoplastie. La rééducation orthophonique
reprend en général 3 semaines après ce type d’interventions chirurgicales. Dans certains cas, le chirurgien
demande une reprise de la rééducation seulement 10 jours après l’intervention. Si la rééducation est
nécessaire, il ne faut pas attendre un ou deux mois pour la continuer sinon on risque de perdre en qualité
d’élasticité des tissus et il peut même se former une fibrose.

VIII – CONCLUSION
La rééducation orthophonique des enfants présentant une incompétence vélo-pharyngée est relativement
simple et agréable pour l’enfant et pour l’orthophoniste. Elle donne de bons résultats si on ne laisse pas
tomber les jeux de souffle au bout de deux mois et si l’on est attentif à la progression phonétique.

268
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Bardach, J., Morris, H.(1990). Multidisciplinary Management of Cleft Lip and Palate. Philadelphia : Saunders
Company.
Baylon, H., Montoya, P., Piétréra, J., Duporté, B.(1990). Guidance phonétique des enfants présentant une
division palatine. Glossa, 22,16-26.
Borde, J., Malek, R., Psaume, J. (1983). Le traitement des fentes faciales et des divisions palatines chez
l’enfant. Chirurgie Pédiatrique, 24, 4-5.
Eliason, M.J. (1990). Neuropsochological Perspectives of Cleft Lip and Palate. In J., Bardach, H.,Morris.
Multidisciplinary Management of Cleft Lip and Palate. (pp. 825-830). Philadelphia :Saunders Company.
Fletcher, S.G. (1976) "Nasalance vs. Listener judgements of nasality". Cleft Palate J. 13.
Kaplan, E.N. E., Minami, R.T., and Wu,G. (1974). Palatopharyngeal incompetence Reviews in plastic
syrgery. General plastic and reconstructive surgery. (pp. 223-301). New York : Magdy N. Saad, Lichtveld,
American Elsevier Publishing Co. Inc.
Lederlé, E., Kremer, J.M.(1991). La rééducation tubaire. Isbergues : Ortho-édition.
Malek, R.(2001). Cleft lip and palate. London :Martin Dunitz.
Montoya,P., Baylon,H. (1996). L’incompétence vélo-pharyngée. Isbergues : Ortho- édition..
Mousset, R.M. (1990). L’évolution des productions vocales chez le jeune enfant porteur d’une fente palatine.
Glossa, 21, 30-32.
Rineau, G., (1993).Observation des déperditions nasales dans les divisions palatines au moyen de l’aéro-
phonoscope. Glossa. 34, 4-14.
Talendier, C. (1995). L’incompétence vélo-pharyngée. Glossa, 48, 38-47.
Thibault, C., Vernel-Bonneau, F. (1999). Les fentes faciales, embryologie, rééducation, accompagnement parental.
Paris : Masson.

269
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
LANGAGE ORAL
Adelé, L., Coquet, F., Dumont, A., Touzin, M. (2001). Le projet thérapeutique orthophonique. (Annexe
3).In L'orthophonie dans les troubles spécifiques du langage oral -chez l'enfant de 3 à 6 ans. Paris : A.N.A.E.S.
Adrien, J.L, Lenoir, P., Martineau, Perrot, A., Hameury, L., Larmande, C., Sauvage D. (1993). Blind ratings
of early symptoms of autism based upon family home movies. Journal of the American Academy of Child and
Adolescent Psychiatry, 32, 617-26.
Aimard, P, Abadie, C. (1988). Les interventions précoces dans les troubles du langage. Paris : Masson.
Aimard, P. (1982). L'enfant et son langage. Villeurbanne : SIMEP.
Ajuriaguerra, J. (1969). "Regard-Vision et Regard-Sortilège", Colloque Inserm : La fonction du regard. Paris,
21 - 23 Mai 1969.
Ajurriaguerra, J., Diatkine, R., Borel-Maisonny, S. et al. (1958). Le groupe des audimutités. La Psychiatrie de
l’Enfant, 1, 7 – 61.
Allaux, J.P. (1988). Apprenez à respirer à vos enfants. Paris : Editions Retz.
Alves, C., Gibaru, I. (2001). Le parcours de l'apprenti parleur. Isbergues : Ortho-édition.
American Psychiatric Association (1994). Mini DSM IV - Critères Diagnostiques. Washington : DC, version
française complétée des codes CIM-10, traduction française par Guelfi & al.(1996). Paris : Masson.
ANAES. (2002). Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé. Recommandations pour la
Pratique Clinique : Indications de l’orthopédie dento-faciale et dento-maxillo-faciale chez l’enfant et l’adolescent.
Paris : ANAES.
Andrews, G. (1990). The genetic nature of stuttering. British Medecine Journal.
Andrews, G.(1984). Epidemiology of Stuttering. In R. F., Curlee et W. H., Perkins(Eds). Nature and
treatment of stuttering. New directions 1-12.San Diego : CA. College-Hill.
Antheunis, P., Ercolani-Bertrand, F., Roy, S. (2003). Dialogoris 0 /4 ans. Nancy : Com-Médic.
Aussilloux, C., Livoir-Petersen, M.F. (Eds) (1994). L’autisme, cinquante ans après Kanner. Ramonville St-Agne
: Erès.
Aussilloux, C., Mises, R. (1997). Evolution de l’enfance à l’âge adulte. In R., Mises et P., Grand (Eds), Parents
et professionnels devant l’autisme (pp. 109-123). Paris : CTNERHI, n° hors série.
Banich, M.T., Berger, A. (1990). "Interhemispheric interaction: how the hemispheres divide and conquer a
task?". Cortex, 26, 77-94.
Baranek, G.T. (1999). Autism during infancy:a retrospective video analysis of sensory-motor and social
behaviors at 9-12 months of age. Journal of Autism and developmental Disorders, 29, 213-24.
Bardach, J., Morris, H.(1990). Multidisciplinary Management of Cleft Lip and Palate. Philadelphia :Saunders
Company.
Baron-Cohen, S. (1998). La cécité mentale - Un essai sur l’autisme et la théorie de l’esprit. Grenoble : PUG.
Baron-Cohen, S., Leslie, A., Frith, U. (1985). Does the autistic child have a theory of mind ?. Cognition, 21,
37-46.
Barret, R.H., Hanon, M.L. (1978). Oral myofunctional Disorders. St.Louis: Mosby.
Barron, J., Barron, S. (1993). Moi, l’enfant autiste. Paris : J’ai Lu.
Barthelely, C., Hameury, L., Lelord, G. (1995). L’autisme de l’enfant - La Thérapie d’Echange et de
Développement. Paris : ESF.
Bassigny, F. (1991). Manuel d’orthopédie dento-faciale, 2éme édition. Paris: Masson.
Bates, E, Camaioni, L, Volterra, V.(1975). The acquisition of performatives prior to speech. Merrill-Palmer
Quarterly, 21, 205-226.
Bates, E. (1976). Language and context : the acquisition of pragmatics. New York : Academis Press.
Bates, E., Dale, P., Thal, D. (1995). Individual differences and their implications for theory of language
development. In P., Fletcher & B., MacWhinney (Eds). The handbook of child language. Oxford : Basil
Blackwell, 96-151.
Bates, E., Thal, D., Janokowsky, J.S. (1992). Early language development and its neural correlates, in F.,

271
Boller et J., Grafman (Eds), Handbook of Neuropsychology, 7, (pp. 69-110). Amsterdam : Elsevier.
Baylon, H., Montoya, P., Piétréra, J., Duporté, B.(1990). Guidance phonétique des enfants présentant une
division palatine. Glossa, 22, 16-26.
Beaubert, C. (2001). Elaboration du psychisme - Elaboration du bégaiement chez l’enfant. Rééducation
Orthophonique, 206, 103-112.
Belargent, C. (1998). Une prise en charge précoce sans décharge parentale. Revue Contraste, 8.
Belargent, C. (2000). Accompagnement familial en prise en charge précoce de l’enfant porteur de handicap.
Rééducation Orthophonique, 202, 25-44.
Belot, C., Tricot, M. (2001). Les tests en orthophonie. Isbergues : Orthoédition.
Benaïs, V., Nicolas, P. (2002). La prise en charge orthophonique des enfants dysphasiques : de l'évaluation à la
rééducation. Isbergues : Ortho-édition.
Benkert, K.B. (1997). The Effectiveness of Orofacial Myofunctional Therapy in Improving Dental Occlusion.
International Journal of Orofacial Myology. Vol. 23, Special Issue.
Bentolila, A. (1996). De l’illettrisme en général et de l’Ecole en particulier. Paris : Plon.
Bernardi, M. (1993). Troubles des contenants linguistiques, dysphasies et qualité de vie. Psychiatrie de l’enfant
XXXVI, 2, 455-487.
Bernicot, J. (1992). Les actes de langage chez l'enfant. Paris : PUF.
Besche, G., (1973). J'écoute et je dis, m'avez vous compris ? - Avec mes oreilles et ma bouche, avec mes yeux, avec
mes doigts : comptines. Paris : Editions de l'Ecole.
Bigot, A.M. (1999). Trisomie 21 : du dépistage à l’élaboration de stratégies d’accompagnement. Glossa, 65,
4-11.
Bigot, A.M. (2002). Troubles précoces de la communication infra-verbale chez les enfants porteurs de
trisomie 2. Rééducation Orthophonique, 202, 89- 94.
Billard, C. (2004). Le langage oral : les modèles neuropychologiques – La classification des troubles du
langage. In C., Billard & M., Touzin. L'état des connaissances. Paris : Signes éditions.
Billard, C., Touzin, M., (2004). L'état des connaissances. Paris : Signes éditions.
Bischop, D. V. M., Edmunson, A. (1987). Language-impaired 4 years-old : distinguishing transient from
persistent impairment. Journal of Speech and Hearing Disorders, 52, 156-173.
Bishop, D.V.M. (1997). Uncommon Understanding. Hove : Psychology Press.
Bishop, D.V.M. et Leonard, L.B. (2000). Speech and Language Impairments in children. Hove : Psychology
Press.
Bishop, D. (2000). How does the brain learn language ? Insights from the study of chidren with and without
language impairment. Developmental Medecine and Child Neurology, 42, 133-142
Bleuler, E. (1993). Démence précoce ou le groupe des schizophrénies. Paris : EPEL (1ère édition : 1911).
Bloodstein, O.(1995). A Handbook on Stuttering (5ème éd). San Diego : Singular Publishing Group.
Bloom, L., Lahey, M. (1978). Language development and language disorders. New York. John Wiley and Sons.
Bo, A. (2000). Essai d'adaptation d'un programme familial à la pratique en libéral. Rééducation
Orthophonique, 203, 139-144.
Bock, J.K., Loebell, H. (1990). Framing sentences. Cognition, 35, 1-39.
Bonnafous, F. (2003). La déglutition dysfonctionnelle et sa rééducation. Thèse Chirurgie Dentaire, Université de
Montpellier.
Bonnet, B. (1992). Un appareil de reposturation : l’Enveloppe Lingual Nocturne (ELN). Rev Orthop Dento
Faciale, 26, 329-347.
Bonnet, C. (1981). Evolution des conduites symboliques et genèse de la communication chez l'enfant de
moins de deux ans. Psychiatrie de L'enfant, XXIV, 1, 7- 37.
Borde, J., Malek, R., Psaume, J. (1983). Le traitement des fentes faciales et des divisions palatines chez
l’enfant. Chirurgie Pédiatrique, 24, 4-5.
Borel-Maisonny, S. (1996). L’articulation. Rééducation orthophonique, 34, 186, 193-209.
Borel-Maisonny, S. (1961). La correction des troubles d’articulation. In
Borel-Maisonny, S. (1965). Pourquoi des guide-langue et pourquoi ces formes ? Correction des erreurs

272
motrices de la parole. Rééducation orthophonique, 10, tiré à part.
Borel-Maisonny, S. (1973). Perception et éducation. La parole et la perception des sons. Neuchâtel : Delachaux et
Niestlé.
Borel-Maisonny, S. (1979). L'absence d'expression verbale chez l'enfant. Vers une méthode globale. Paris :
ARPLOE.
Borel-Maisonny, S.(1996). L’apprentissage de la lecture par la méthode phonético-gestuelle. Paris : Editions
Papyrus, 54 p.
Borel-Maisonny, S., Launay, Cl.(1950). Surdité verbale congénitale (agnosie auditive verbale congénitale) : à
propos d’un cas associé à une surdité partielle. Rapports du XIIe Congrès des Pédiatres de langue française, 274 –
283.
Borel-Maisonny, S., Launay,CL. (1972). Les troubles du langage, de la parole et de la voix chez l’enfant. Paris :
Masson.
Borel-Maisonny,S. (1979). L'absence d'expression verbale chez l'enfant. Paris : Arploe.
Bouvet, J.M. (1959). Association des anomalies de la déglutition et de la phonation chez l’enfant. Revue de
Stomatologie, 60, 217-222.
Bowen, C. (200). Collaboration avec les familles et les enseignants en rééducation phonologique. Rééducation
orthophonique, 203, 11-17.
Boysson-Bardies, B. (de). (1999). Comment la parole vient aux enfants. Paris : Odile Jacob.
Boysson-Bardies, B. (1996). Comment la parole vient aux enfants. Paris : Odile Jacob.
Brauner, A. et F. (1960). Conseils aux familles pour élever un enfant déficient mental. Sabri.
Brazelton, T.B., Cramer, B. (1991). Les premiers liens : l’attachement parents/ bébé vu par un pédiatre et par un
psychiatre. Paris : Stock-Laurence Pernoud/ Calmann-Lévy.
Breitenfeld, D.H., Lorenz, D.R (1989). Successful Stuttering Management Program. Cheny: Eastern
Washington university.
Brignone, S., De Chassey, J.(2003). Thérapie comportementale et cognitive. Isbergues : Ortho-Edition.
Brin, F., Courrier, C., Léderlé, E., Masy, V. (1996). Dictionnaire d'orthophonie. Isbergues : Ortho-édition.
Brossard, A. et Cosnier, J. (1984). La communication non verbale. Paris : Delachaux et Niestlé.
Brousse, C. (2000). L’orthophoniste face à l’autisme. Glossa, 70, 22-30.
Brown, R., Hecaen, H. (1976). Lateralization and language representation. Neurology, 26, 183-189.
Bruner, J. (1981). Learning how to do things with words. In J. Bruner, A. Garton (Eds), Human growth and
development. Oxford : Oxford University Press.
Bruner, J. (1983). Le développement de l’enfant : Savoir faire - Savoir dire. Paris : PUF.
Bruner, J. (1987). Comment les enfants apprennent à parler. Paris :Retz.
Bruner, J., (1983). Savoir faire, savoir dire. Paris : PUF.
Buitelaar, J.K (1999). Early detection in autism. Communication au 11ème Congrès International de l’ESCAP.
Hambourg, 15-19 septembre 1999.
Bullinger, A. (1991). Vision, posture et mouvement chez le bébé. In F., Jouen et A., Hennocq (Eds), Du
nouveau né au nourrisson, (pp 29-43). Paris : PUF.
Bursztejn, C. (1990). La représentation et son développement - Point de vue cognitif. In C., Bursztejn et B.,
Golse (Eds), Penser, parler, représenter- Emergences chez l’enfant (pp. 53-64). Paris : Masson.
Bustarret, A. (1982). L'oreille tendre. Paris : Les éditions ouvrières - Collection Enfance Heureuse.
Campbell, D., Hill, J. (1993). Application of a weighted scoring system to systematic disfluency analysis. Anaheim
CA : American Speech-Language-Hearing Association.
Cauhépé, J. (1956). Les causes de la morphogenèse, bases de l’orthodontie. Actual odontostomatol, 34, 219-
220.
Cauhépé, J., Fieux, J., Coutaud, A., Bouvet, J.M. (1955). Le rôle morphogénétique du comportement neuro-
musculaire. Revue de Stomatologie, 56, 535-538.
Changeux, J.P. (1983), L’homme neuronal. Paris : Fayard.
Chassagny, C. (1977). La Pédagogie Relationnelle du Langage. Paris : PUF/collection Pédagogie d'aujourd'hui.
Château, M. (1993). Orthopédie Dento-faciale : bases fondamentales. Tome 2 : Clinique (diagnostic,

273
traitement, stabilisation). Paris : CdP.
Chatelanat, G. (1981). Emergence du processus symbolique et développement cognitif chez le jeune enfant
handicapé mental : réflexions méthodologiques et théoriques lors de l’élaboration d’un système d’observation.
In J.A., Rondal, J.L., Lambert, C., Chipman (Eds), Psycholinguistique et handicap mental, (pp 166-183).
Bruxelles : Mardaga.
Chauvin-Tailland, C. (2001). Parler et lire avec les idéo-pictos. Marseille : éditions Solal. Collection Tests &
Matériel..
Chauvois, A., Fournier, M., Girardin, F.(1991). Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique.
Paris : Ed. SID, 231p.
Chemla, K., Reardon, N. (2001). The school-age child who stutters. Memphis, TN : Stuttering Foundation of
America.
Chevrie Muller, C., Narbonna, J. (1996). Le langage de l’enfant – aspects normaux et pathologiques. Paris :
Masson.
Chevrie Muller, C., Simon, AM.(1997). BEPL : Batterie d’évaluation psycholinguistique. Paris: ECPA
Chevrie-Muller, C., Goulard, J., Plaza, M., Simon, A.M., Dufouil, C. et al. (1994-1999). Questionnaire
Langage et Comportement – 3 ans 1/2. Paris : ANAE.
Chevrie-Muller, C., Plaza, M., Rigoard, M.T. (2000). Pourquoi de "Nouvelles Epreuves pour l'Examen du
Langage" ? Réflexion sur le bilan de langage oral en pratique orthophonique. In Entretiens d'Orthophonie
2000. Paris : Expansion Scientifique Française.
Chevrier, A. (1988). Réflexions sur le syndrome d’alcoolisme fœtal. Nervure, 4, 52-63.
Cipriani, P, Bruni, G, (1982). Stratégies de la compréhension verbale et développement cognitif dans les
premiers stades d'acquisition du langage. Bulletin d'Audiophonologie, 2-3.
Cleall, J.F. (1965). Déglutition: A study of form and function. Am J Orthodontics, 51 (8), 566-594.
Clercq, H. (de) (2002). Dis maman, c’est un homme ou un animal ? Nice : AFD.
Colleau, A., Coquet, F., Eyoum, I., Leloup, G., Lhuisset, P., Ménissier, A., Roubeau, B., Rousseau, T.,
Touzin, M. (2002). Logiciel d'Aide au Bilan Orthophonique (LABO 2002). Isbergues : Ortho-Edition.
Collectif d'auteurs. (2000). L'accompagnement familial. Rééducation Orthophonique, 203.
Conti-Ramsden, G. et Botting, W. (1999). Classifications of children with SLI : Longitudinal
Considerations. Journ. of Speech, Lang. and Hear. Res., 42, 1195-1204.
Coquet, F. (2000). A propos du bilan de langage oral de l'enfant. In Entretiens d'Orthophonie, (pp.178-183).
Paris : Expansion Scientifique Française.
Coquet, F. (2000). Essai de modélisation du Bilan Orthophonique. GLOSSA, 74, 38-42.
Coquet, F. (2002). Le bilan du langage oral. Rééducation Orthophonique, 212, 13-42.
Coquet, F. (2003). Lecture pragmatique (repères théoriques) de la situation de rééducation du langage oral en
individuel : Une situation de conversation ? In Entretiens d'Orthophonie. Paris : Expansion Scientifique
Française.
Coquet, F. (2004). Approches plurielles du retard de langage – Troubles de la parole. In C., Billard, M.,
Touzin, (Eds), L'état des connaissances. Paris : Signes édition.
Coquet, F. (2004). Les troubles de la parole et du langage oral de l'enfant et de l'adolescent : Méthodes et
Techniques de rééducation. Isbergues : Ortho-édition..
Coquet, F., (1992). Praxies. Isbergues : Ortho-édition.
Coquet, F., Deleneuville, E; Sallé-Tranchard, P. (2000). Partenaires de son langage – CDRom. Isbergues :
Ortho-édition.
Coquet, F., Dussart, S., Lobry, V. (2003). "Papa, Maman…Le langage c'est important!..." Isbergues: Ortho-
édition.
Coquet, F., Maetz, B. (1997). Dépistage et Prévention Langage à 3 ans – DPL3. Isbergues : Orthoédition.
Cot, F., et Coll. (1996). La dysphagie oro-pharyngée chez l’adulte. Canada: Maloine, Edisem.
Cottraux, J.(1998). Les thérapies comportementales et cognitives. Paris :Masson
Couly, G. (1989). La langue, appareil naturel d’orthopédie dento faciale : "pour le meilleur et pour le pire".
Rev Orthop Dento Faciale, 23, 9-17.

274
Court, A. (2003). Mots en formes et en couleur. Isbergues : Ortho-édition.
Couture, G., Eyoum, I., Martin, F. (1997). Les fonctions de la face : évaluation et rééducation. Isbergues:
Ortho-Edition.
Cronck., J. (1987). La pragmatique, toile de fond pour une rééducation de la communication verbale chez
l'enfant. In L'Orthophonie : Ici, ailleurs, autrement. Actes du congrès international de Nice FNO, 249-261.
Crunelle, D. (1998). Troubles de l’alimentation et de la déglutition de la personne polyhandicapée.
Evaluation - Prise en Charge - Objectifs. In Les Fonctions Oro-Faciales, évaluation, traitements et rééducation.
Isbergues: Ortho Edition.
Crunelle, D. (2000). L’éducation précoce en orthophonie, éditorial. Rééducation orthophonique, 202, 3-4.
Crystal, D. (1982). Introduction to Language Pathology. Londres: Arnold.
Cuilleret, M. (1981). Les trisomiques parmi nous. Lyon : Simep.
Cuilleret, M. (1987). Orthophonie, documents et témoignage ; prise en charge. Paris : Masson.
Cuilleret, M. (1992). Trisomie : aide et conseils. Paris : Masson.
Cuny, F., Gasser, F. (2000). Evaluation des capacités de communication verbale et non verbale chez l’enfant
autiste. Glossa, 70, 4-14.
Dahan, J. (1989). Les perturbations linguales dans les déformations maxillaires : aspect nosologique et
concept thérapeutique. Rev Orthop Dento Faciale, 23, 57-63.
Daigneault, G., Leblanc, J. (1972 – 2003). Des idées plein la tête. Exercices axés sur le développement cognitif et
moteur. Canada : Chenelière/McGraw-Hill.
Danion-Grillat, A., Bursztejn, C. (2001). Problèmes posés par le diagnostic précoce de l’autisme infantile chez
le très jeune enfant. Rééducation orthophonique, 207, 25-35.
Danon-Boileau, L (1995). L’enfant qui ne disait rien. Paris : Calmann-Lévy.
Dars, E., Benoit, J.C.(1973). L’expression scénique. Paris :ESF
De Becque, B., Blot, S. (1994). La méthode des jetons. Isbergues : Ortho-édition.
De Boyson-Bardies, B. (1999). Comment la parole vient aux enfants. Paris : Odile Jacob.
De Nil, L., Brutten,G. (1991). Speech-associated attitudes of stuttering and non stuttering children. Journal
of Speech and Hearing research, 34, 60-66
De Weck, G. (1996). Troubles du développement du langage, perspectives pragmatiques et discursives. Paris :
Delachaux et Niestlé.
De Weck, G. et Rosat, M-C. (2003). Troubles dysphasiques. Paris : Masson.
Deffez, J.P., Fellus, P., Gerard, C. (1995). Rééducation de la déglutition salivaire. Paris : CdP.
Dell,C.W.(1991). L’enfant bègue et sa rééducation. Paris. Masson
DeMyer, et al. (1972). A comparison of adaptative, verbal and motor profiles of psychotic and non psychotic
subnormal children. Journal of Autism and Childhood Schizophrenia, 2, 359-377.
DeMyer, et al. (1972). Imitation in autistic, early schizophrenic, and non psychotic subnormal children.
Journal of Autism and Childhood Schizophrenia, 2, 264-287.
Denni Krichel, N. (1998). Parents, votre enfant apprend à parler. Isbergues : Ortho-édition.
Denni-Krichel, N. (2000). Le partenariat parents/ orthophoniste dans l’éducation langagière d’un enfant
porteur d’un handicap. Rééducation Orthophonique, 202, 77-88.
Denni-Krichel, N., Angelmann, C. (2000). Apport de l’orthophonie dans la prise en charge de l’enfant
autiste. Glossa, 70, 16-21.
Diatkine, R. (1990). Essai sur la dysphasie. Psychiatrie de l'enfant. Paris : Masson.
Dore, J. (1985). Holophrases revisited : their logical development from dialog, In M.D., Barrett (Ed.),
Children’s single-word speech (pp.23-58). Chichester: Wiley & Son.
Dubois, G. (1988). L'enfant et son thérapeute du langage. Paris : Masson.
Dubois, G., Kuntz, J.P. (1999). Le sujet, son symptôme et le thérapeute du langage. Paris : Masson.
Dunoyer de Segonzac, M., (1991). Pour que vibre la Dynamique Naturelle de la Parole. Lyon : éditions Robert.
Eliason, M.J. (1990). Neuropsochological Perspectives of Cleft Lip and Palate. In J., Bardach, H.,Morris.
Multidisciplinary Management of Cleft Lip and Palate. (pp. 825-830). Philadelphia :Saunders Company.
Ellis Weismer, S. (2000). Intervention for children with developmental language delay. In D.V.M., Bishop et

275
L.B., Leoanrd (eds), Speech and Language Impairments in Children. Hove : Psychology Press.
Ellis, A.W. (1984). Lecture, écriture et dyslexie : une approche cognitive. Paris : Delachaux et Niestlé.
Equipe du centre d’orthophonie "Etienne Coissard" (1981). Troubles de l’articulation. Paris : Editions Jacquet,
32 p.
Ercolani, F., Claudon, C.L, Schaaf, S. (1992). Objectif Langage.
Estienne, F. (1985). La part des mots, les mots à part. Louvain la Neuve : éditions Cabay.
Estienne, F. (1988). L'apport de l'Analyse Transactionnelle à l'Orthophonie. Rééducation Orthophonique, 155,
325-343.
Estienne, F. (2001). Exercices de manipulation du langage oral et écrit. Paris : Masson/Collection d'or-
thophonie.
Estienne, F. (2001). Utilisation du conte et de la métaphore en Orthophonie. Paris : Masson.
Estienne, F. (2002). La rééducation du langage de l'enfant. Savoir - faire - dire - être. Paris : Masson/collection
d'orthophonie.
Estienne, F., Deggouj, N., Derue,L., Vander Linden, F. (2004). 202 exercices pour remédier aux incompétences
vélo-pharyngées, aux dysfonctionnements tubaires et aux troubles d’articulatoires. Collection "Le monde du verbe".
Marseille : Editions Solal, 136p.
Eyoum, I., Leloup, G. (2002). La déglutition dysfonctionnelle : protocole d’examen. Rééducation
Orthophonique, 40, 147-152.
Fauvergue, M-T. (2000). Perception auditive - Pratique de la rééducation. Les cliniques d’ortho-édition.
Isbergues : Ortho-édition.
Fellus, P. (1989). Modifications dynamiques et posturales de la langue : influence sur la croissance faciale. Rev
Orthop Dento Faciale, 23, 69-77.
Fernandes, M.J. (2001). L’évaluation des compétences communicatives chez l’enfant autiste. Rééducation
orthophonique, 207, 37-51.
Ferrand, P. (1965). L'utilisation du jeu dramatique dans la rééducation des Troubles du Langage oral et écrit.
Revue de laryngologie – Otologie – Rhinologie Georges Portman. Numéro spécial de Phono audiologie, 86ème
année, 11-12, 1021-1058.
Ferrand, P. (2000). Le Bilan Orthophonique en 3D. Entretiens d'Orthophonie. Paris : Expansion Scientifique
Française.
Ferrand, P. (2000). Protocole d'Evaluation Rapide – PER 2000, actualisation du TDP 81. Isbergues : Ortho-
édition.
Ferrand, P. (2004). L'approche clinique – La médiation du mime. La mise en réseaux lexicaux. In F., Coquet.
Les troubles de la parole et du langage oral de l'enfant et de l'adolescent : Méthodes et Techniques de rééducation.
Isbergues : Ortho-édition.
Ferrand, P., Tréanton, A.M. (1983). Le Bilan Orthophonique. Isbergues : Ortho-édition.
Ferré, J.C., Fournier, M. (1996). Réadaptation fonctionnelle orofaciale. In Encycl Méd Chir, 23-495-A-10.
Paris : Elsevier.
Feve-Chobaut, M. (2002). L’éducation précoce, un passeport pour l’avenir. Orthomagazine, 38, 24-27.
Fieux, J., Coutand, A., Bouvet, J.M., Netter, J.C. (1956). Les muscles. Causes de dysmorphoses et agents de
traitements. Actual Odonto Stomato, 34, 221-240.
Fletcher, S.G. (1976) "Nasalance vs. Listener judgements of nasality". Cleft Palate J. 13.
Florin, A. (1998). Les débuts du langage. Le Journal des professionnels, 9.
Fontenelle, A., Woda, A. (1975). Déglutition. In M., Chateau, Orthopédie Dento Faciale, tome 1. Paris: C.d.P
Fouassier, C. et al, (1998). Qui dit quoi ? Le rôle de la reformulation dans la rééducation du langage oral chez
l’enfant de 4 ans, Rééducation Orthophonique, 196.
Fournier, M. (1991). Introduction à la rééducation. In A., Chauvois, M., Fournier, F., Girardin, (Eds),
Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique. Vanves : S.I.D
Fournier, M., Brulin, F. (1975). Le moment de la rééducation en ODF. Rev Orthop Dento Faciale, 9, 37-43.
Fraiberg, S. (1994). Un programme éducatif pour les nourrissons aveugles. La Psychiatrie de l’enfant, XXXVII, 1,
49-80.
François, F. (1993). Pratiques de l'oral ; dialogues, jeux et variations des figures du sens. Paris : Nathan pédagogie.

276
Fröhlich, A. (1993). La Stimulation Basale. Lucerne : Secrétariat de Pédagogie curative.
Garliner, D. (1981). Myofunctional Therapy. Philadelphia: W.B. Saunders Company.
Garliner, D. (1982). The currents status of myofunctional therapy in dental medicine. Int J Orthod, 20 (1),
21-25.
Garliner, D. (1983). Myofunctional Therapy in Dental Practice. Institute for Myofunctional Therapy, 3rd edition.
Florida : Coral Gables.
Gatelet, N. (1981). Utilisation des guide-langue de Madame Borel-Maisonny. Paris : le matériel orthophonique.
Gatignol, P. (2000). Mémoire de travail. Isbergues : Ortho-édition.
Gauquelin, F. (1979). Développer sa mémoire - Méthode Richaudeau. Paris : Editions Retz.
Gelbert, G. (1995). Lire, c'est vivre. Paris : Edit. Odile Jacob.
Gerard Naef, J. (1987). Savoir parler, savoir dire, savoir communiquer. Paris : Delachaux et Niestlé.
Gérard, C. L. (1991). L'enfant dysphasique. Paris : Editions universitaires. (republié en 1993 à Bruxelles chez
DeBoeck)
Gérard, C.L. (2003). Place des syndromes dysphasiques parmi les troubles du développement du langage chez
l'enfant. In C. Gérard et V. Brun, Les Dysphasies. Paris : Masson.
Gibello, B. (2000). Les origines de la pensée, essai pour une tresse de la pensée en trois brins. Neuropsychiatrie
Enfance et adolescence, 49, 48-52.
Gillet, P., Hommet, C., Billard, C. (2000). Neuropsychologie de l'enfant : une introduction. Marseille : Solal.
Gillig, J.M. (1997). Le conte en pédagogie et en rééducation. Paris : Dunod.
Girolametto, L., (2000). Participation parentale à un programme d'intervention précoce sur le déve-
loppement du langage : Efficacité du programme Parental Hanen. Rééducation Orthophonique, 203, 31- 62.
Girolami-Boulinier, A. (1970). La rééducation de la déglutition. Rééducation orthophonique, 54, 331-342.
Golse, B. (1985). Le développement affectif et intellectuel de l’enfant. Paris : Masson.
Grandin, T. (1994). Ma vie d’autiste. Paris : Odile Jacob.
Grandin, T. (1997). Penser en images. Paris : Odile Jacob.
Gregory, C.B. (1993). Idées irrationnelles chez la personne bègue. Glossa, 33, 16-19.
Gregory, H.H.(2003). Stuttering Therapy. Boston: Allyn & Bacon
Gugino, C., Dus, I. (1998). Unlocking orthodontic malocclusions: an interplay between form and function.
Semin Orthop Med Dent, 4, 246-255.
Guidetti, M. (2003). Pragmatique et psychologie du développement. Paris : Belin Sup.
Guidetti, M., Tourette, E C. (1999). Handicaps et développement psychologique de l’enfant. Paris : Armand
Colin.
Habib, M. (1997). Dyslexie : le cerveau singulier. Marseille : Solal.
Haffreingue, C.(2001). Synthèse de l’étude récente de E YAIRI sur les facteurs prédisposant à la chroni-
cisation du bégaiement chez le jeune enfant. Rééducation Orthophonique, 206, 53-62.
Hammes, J.G.W., Langdell, T. (1981). Precursors of symbol formation and childhood autism. 331-346.
Hanson, M.L., Barrett, R.H. (1988). Fundamentals of Orofacial Myology. Sprinfield (Illinois) : Charles C.
Thomas Publisher.
Hanson, M.L., Masson, R.M. (2003). Orofacial Myology. International Perspectives. Sprinfield (Illinois) :
Charles C. Thomas Publisher.
Harrus-Révidi, G. (1994). Psychanalyse de la gourmandise. Paris: Payot
Haywood, C. (1986). Plan d’éducation cognitive pour jeunes enfants. USA : Vanderblit University.
Héral, O. (2002). Histoire de l’orthophonie en France. Rééducation Orthophonique, 212.
Héral, O. (2003). L’Abbé de l’Epée. L’Orthophoniste (dossier spécial).
Héral, O.(1987). Le pistogramme-idéogram- communication (PIC) system : présentation et perspectives d’u-
tilisation auprès d’adolescents hnadicapés mentaux modérés et sévères. Glossa, 6, 22-33.
Inhelder, B. (1969). Le diagnostic du raisonnement chez les débiles mentaux. Neuchâtel : Delachaux Niestlé.
Issoufaly, N., Primot, B. (1997). Phonorama. Isbergues : Ortho-édition.
Issoufaly, N., Primot, B. (1999). Phonorama : matériel d'entraînement à la compétence métaphonologique.
Rééducation Orthophonique, 197, 95-123.

277
J., Tarneaud, Traité de phonologie et de phoniatrie (pp 419-433). Paris : Maloine.
Jakobson, R. (1963). Essai de linguistique générale. Paris : Editions de minuit.
Joannette, Y., Goulet, P., Hannequin, D. (1990). Right hemisphere and verbal communication. New-York:
Communication Orale.
Johnson,W.(1959). The onset of Stuttering. Minneapolis: University of Minnesota Press.
Johnston, J.R., Ellis Weismer, S. (1984). A source book of pragmatic activities. Inc Tucson (Az) :
Communication skill builders,
Jones, O.L. (1977). Mother – child communication with prelinguistic Down’s syndrome and normal infant.
In H., Schaffer(Ed), Studies in Mother-Infant Interaction. New-York: Academic Press.
Kanner, L.(1943). Les troubles autistiques du contact affectif (traduction de " Autistic Disturbances of
Affective Contact", paru initialement dans la revue Nervous Child, 2, 217-250, traduit par ROSENBERG
M.). Bulletin Scientifique de l’ARAPI "Spécial KANNER", 1995, 5-27.
Kaplan, E.N. E., Minami, R.T., and Wu,G. (1974). Palatopharyngeal incompetence Reviews in plastic
syrgery. General plastic and reconstructive surgery. (pp. 223-301). New York : Magdy N. Saad, Lichtveld,
American Elsevier Publishing Co. Inc.
Karmiloff, K., Karmiloff- Smith, A. (2001). Comment les enfants entrent dans le langage. Paris : Retz
Kern, S. (1999). Inventaire français du développement communicatif chez le nourrisson : mots et gestes – mots et
phrases. Lyon : Laboratoire Dynamique du Langage.
Konopczynski, G. (1990). Le langage émergent - Caractéristiques rythmiques. Hamburg : Helmut Buske Verlag.
Konopczynski, G., Vinter, S. (1994). Le développement langagier : une prédiction précoce est-elle possible ? Actes
du Colloque de Besançon. Isbergues : Ortho-Edition.
Koppel, H. (2004). L'éducation au langage selon Suzanne Borel-Maisonny. In F., Coquet, Les troubles de la
parole et du langage oral de l'enfant et de l'adolescent : Méthodes et Techniques de rééducation. Isbergues : Ortho-
édition.
Kristeva, J. (2003). Lettre au président de la République sur les citoyens en situation de handicap, à l’usage de ceux
qui le sont et de ceux qui ne le sont pas. Paris : Fayard.
Lacarrere-Neybourger, C., Lasserre, J.P. (1996). L'approche RV – Prise en charge. Isbergues : Ortho-Edition.
Langel, C. (1997). La thérapie myothérapie fonctionnelle. Ortho Magazine, 23.
Langel, C. (1998). Rééducation des fonctions linguales. In Les fonctions oro-faciales : Evaluation, traitements et
rééducation. Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie (pp.241-248). Isbergues: Ortho Edition.
Langel, C. (2002). Méthode de rééducation des troubles articulatoires isolés avec les guide-langue de S.Borel-
Maisonny. Paris : Editions Jacquet, 37 p.
Laroche, S.E. (2004). Y a-t-il un développement original de l’expression gestuelle chez les enfants trisomiques ?
Devenir, 16, 1, 45-53.
Lasserre, J.P., Gely A. et Héra, O. (1994). Approche neuropsychologique de la dysphasie Développementale
en pratique quotidienne. Glossa 38, 4-15.
Laude, M., Thilloy, G., Doual-Bisser, A. (1978). La rééducation neuromusculaire en ODF, Contribution aux
corrections des troubles antérieurs mineurs. Orthod Fr, 49, 871-881.
Law, J., Boyle, J., Harris, F., Harkness, A., Nye, C. (1998). Screening for speech and language delay : a
systematic review of the literature. Health Technology Assessment, Vol 2, 9, 99 – 135.
Le Huche, F. (1999). Le bégaiement option guérison. Paris : Albin Michel.
Le Huche, F. (1990). Les apprentissages de la communication : Parler – Lire – Ecrire. Paris : Ramsay.
Le Huche, S.(1992). L’écoute du sujet bègue. In Actes des Journées de Toulouse. Isbergues : Ortho-Edition.
Le Normand, M.T. (1995). Modèles Psycholinguistiques du développement du langage. In C., Chevrie-
Muller et J., Narbona (Eds), Le Langage de l’enfant, aspects normaux et pathologiques (pp.27-42). Paris :
Masson.
Le Normand, M.T. (1999). Modèles psycholinguistiques du développement du langage. In C. Chevrie-
Muller & J. Narbonna. Le langage de l'enfant : aspects normaux et pathologiques. Paris : Masson.
Leblanc, I. (2003). Syntaxi-Jeux. Isbergues : Orthoédition.
Lebovici, S., Diatkine, R., Soule, M. (1985). Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 1ère éd. Paris :

278
PUF.
Lecours, A.R. (1975). Myelogenetic correlates of the development of speech and language. In F.M.,
Lenneberg ; E., Lenneberg (Eds), Foundation of Language Development: a multidisciplinary approach, (pp. 85-
94). New York : Eds Lenneberg.
Lederlé, E., Kremer, J.M.(1991). La rééducation tubaire. Isbergues : Ortho-édition.
Lelord, G. (1998). L’exploration de l’autisme - Le médecin, l’enfant et sa maman. Paris : Grasset.
Lelord, G., Barthelemy, C., Hameury, L. (1997). Physiologie et autisme - La Thérapie d’Echange et de
Développement. In R., Mises et P.,Grand (Eds), Parents et professionnels devant l’autisme (pp. 231-239). Paris :
CTNERHI, n° hors série.
Lelord, G., Sauvage D. (1991). L’autisme de l’enfant. Paris : Masson.
Leloup, G. (1995). Dysfonctions linguales. In Entretiens d’Orthophonie (pp. 123-130). Paris : Expansion
scientifique française.
Leloup, G. (1998). La langue Outil de rééducation. In Les fonctions oro-faciales : Evaluation, traitements et
rééducation. Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie (pp. 241-248). Isbergues: Ortho Edition.
Leloup, G., Roustit, J. (2002). LABO 2002 : Aide au bilan orthophonique. Rééducation Orthophonique, 212,
7-12.
Lentin, L. (1974). Apprendre à parler à l’enfant de moins de 6 ans : où, quand, comment ? Tome 1. Paris : ESF.
Lentin, L. (1975). Apprendre à parler en racontant. Paris : ISTRA/ESF.
Lentin, L. (1977). Comment apprendre à parler à l'enfant de moins de 6 ans. Aperçu d'une expérience en cours.
Paris : Editions ESF.
Lentin, L. (1977). Du parler au Lire. Interactions entre l'adulte et l'enfant. Paris : Editions ESF.
Lepot-Froment, C. (1979). Guidance parentale et développement de la communication chez l’enfant. 1
L’instauration du dialogue. Le langage et l’homme, 41, 17-24.
Lepot-Froment, C. (1980). Les pré-requis de l’accès au langage selon Brüner. Le langage et l’homme, 2, 7-14,
et 44, 11-19.
Lepot-Froment, C., Clerebaut, N. (1995). L’enfant sourd : communication et langage. Bruxelles : De Boeck-
Wesmael.
Lequeux, P. (1972). Jeux de parole de l'école maternelle au CP et au CE. Paris : Armand Colin/Bourrelier.
Livoir- Petersen, M.F. (1997). La répétition dans le développement normal et autistique : un moyen.
Les cahiers de l’Afreé de vie, 12.
Livoir-Petersen, M.F. (1995). Essai comparatif sur l’ontogenèse des syndromes autistiques. Université de
Montpellier I : Thèse de Doctorat en Médecine, mention "Pédopsychiatrie".
Louis, P. (1992). Odontologiste et Orthophoniste : une équipe pour le dépistage et le traitement de la
déglutition atypique. Glossa, 32, 26-33.
Lovenfosse, G. Et Van Hoeck, J. (2003) : Les besoins éducatifs des enfants dysphasiques. Site du Ministère de la
Communnauté Française de Belgique. Administration Genérale de l’enseignement et de la recherce
scientifique.
Lussier, F., Flessas, J. (2001). Neuropsychologie de l'enfant. Paris : Dunod.
Lynch, M., Wood, A. (1995). La prosodie dans les vocalises prélinguistiques : propositions pour centrer
l’intérêt sur ce que dit l’enfant et sur ce qu’on lui dit. In Actes du Colloque de Besançon, 1994, Le premier
langage peut-il être prédictif du développement langagier ultérieur ? (pp. 103-112). Isbergues : Ortho-Editions.
Maestro, S., Casella, C., Milone, A., Muratori, F., Palacio-Espasa, F. (1999). Study of the onset auf autism
through home movies. Psychopathology, 32(6), 292-300.
Maistre (de), M. (1970). Dyslexie, dysorthographie. Paris : Puf
Malek, R.(2001). Cleft lip and palate. London : Martin Dunitz.
Malrieu, P. (1977). Langage et représentation. In J.P., Bronckart, P., Malrieu, M., Siguan Soler, H, Sinclair de
Zwart, T., Slama-Cazacu, A., Tabouret-Keller (Eds), La Genèse de la parole. Paris : PUF.
Malvy, J., Adrien, J.L., Sauvage, D. (1997). Signes précoces de l’autisme et films familiaux. Psychiatrie de
l’enfant, 1, 175-198.
Manolson, A. (1985). Parler, un jeu à deux. Toronto : The Hanen Centre.

279
Manolson, A. (1997). Parler : un jeu à deux. Comment aider votre enfant à communiquer. Guide des parents.
Toronto : Editions du Centre Hanen.
Margaillan – Fiammengo, L. (1975). La phonétique : un adjuvant de choix pour la correction des tics oraux
archaïques. Actual Odonto Stomatol, 110, 265-274.
Margaillan – Fiammengo, L. (1990). La rééducation fonctionnelle de la déglutition par la méthode phonétique.
Chez l’auteur, 11, rue A-Mari, 06300 Nice.
Margaillan-Fiammengo, L.(1971). La succion du pouce et sa thérapeutique. Paris : Editions Scientifiques
Françaises.
Marvaud, J.(2001). Bégaiement, données actuelles. Rééducation orthophonique, 206, 5-20
Massie, H. (1975). The early natural history of chilhood autism. Journal of the American Academy of Child and
Adolescent Psychiatry, 14, 683-707.
Masur, E.F. (1983). Gestural development, dual-directional signalling, and the transition to words. Journal of
Psycholinguistic research, 12, 93-109.
Masur, E.F. (1987). Imitative interchanges in a social context: mother-infant matching behavior at the
beginning of the second year. Merill-Palmer Quartely, 33, 453-472.
Maurin, N. (1998). Rééducation de la déglutition et des autres fonctions buccales dans le cadre des dysmorphoses
dentaires. Isbergues : Ortho Edition.
Maurin-Cherou, N. (1993). Rééducation des troubles articulatoires isolés. Isbergues : L’ortho édition, 229 p.
Mazeau, M. (1997). Dysphasies, troubles mnésiques, syndrome frontal chez l'enfant. Paris : Masson.
Mazet, P. (1990). Dysfonctionnements interactifs précoces et évolution autistique ultérieure. In P.,Mazet, S.,
Lebovici (Eds), Autisme et psychoses de l’enfant. Paris : PUF.
McCune- Nicolich, L. (1981). Toward Symbolic Functioning: Structure of Early Pretend games and
Potentials Parallels with Language. Child Development, 52, 785-797.
McCune- Nicolich, L. Munday- Hill, P. (1981). Pretend Play and Patterns of Cognition Down’s syndrome
Children. Child Development, 52, 611-617.
Meljac, C., Bailly, L. (1994). Le syndrome de Williams-Beuren, une recherche sur les particularités des
troubles de la pensée. Perspectives psychiatriques, 33, 41, 50-52.
Miller, J.F. (1999). Facilitating speech and language in children with Down Syndrom. In C., Tingey, I.T.,
McCoy (Eds), Down syndrome : Advances in medical care. New York: Wiley-Liss.
Miller, S.L., Linn, N., Tallal, P., Merzenich, M. et Jenkins, W. (1999). Entraînement à la parole et au langage
acoustiquement modifié. Rééd. Orthoph., 197, 159-182.
Misés, R. (1975). L’enfant déficient mental. Paris : PUF.
Monfort, M. et Juarez Sanchez, A. (2001). L'esprit des autres. Madrid : Entha Ediociones. Distribué en France
par Ortho-édition.
Monfort, M. et Juarez Sanchez, A. (2001). Pragma. Madrid : Entha Ediociones. Distribué en France par
Ortho-édition.
Monfort, M., Juarez – Sanchez, A. (1996). L'intervention dans les troubles graves de l'acquisition du langage et
les dysphasies développementales. Isbergues : Orthoédition.
Monfort, M., Juárez, A. et Monfort, I. (sous presse). Les Troubles Pragmatiques du Langage et de la
Communication chez l'enfant. Isbergues : Ortho-édition.
Monfrais-Pfauwadel, M.C (2000). Manuel du Bégaiement. Paris: Solal
Montoya,P., Baylon,H. (1996). L’incompétence vélo-pharyngée. Isbergues : Ortho- édition..
Moreau, M.L., Richelle, M. (1982). L’acquisition du langage. Liège : Mardaga.
Morel, L, Stroh, M. (1999). Observations d’actions sensori-motrices et réflexions sur les coordinations
mobilisées par des enfants porteurs de trisomie 21. Glossa, 65, 26-41.
Morel, L. (1987). La prise en compte du cognitif en éducation précoce. Glossa, 8, 34-40.
Morel, L. (1993). Mise en relation et sens chez le jeune enfant trisomique.In Actes du Colloque : Vivre la
trisomie 21(pp. 98-108). Lyon : FAIT 21.
Morrow-Lettre, C. (1985). L'approche phonologique dans la rééducation des troubles de parole. Rééducation
Orthophonique, 141, 63- 67.

280
Mousset, R.M. (1990). L’évolution des productions vocales chez le jeune enfant porteur d’une fente palatine.
Glossa, 21, 30-32.
Nadel, J. (1986). Imitation et communication entre jeunes enfants. Paris : PUF.
Nadel, J. (1993). Qui imite qui ? In V., Pouthas et F., Jouen (Eds), Les comportements du bébé : expression de
son savoir ? (pp. 335-342). Liège : Mardaga.
Nadel, J. (2002). L’enfant autiste : un enfant en développement est aussi un enfant. Enfance, 2002, 4-5.
Nadel, J., Baudonnière, P.M. (1991). L’imitation néonatale : faits et controverses. In F., Jouen et A., Henocq
(Eds), Du nouveau-né au nourrisson- Recherches fondamentale et pédiatrie (pp. 173-187). Paris : PUF.
Nadel, J., Peze, A.(1992). Communication productive et communication en écho : un an d’évolution chez un
enfant autist. Neuropsychiatrie de l’Enfance, 40, 553-558.
Nancy : Com-Medic.
Narbona, J., Fernandez, S. (1996). Fondements neurobiologiques du développement du langage. In C ;,
Chevrie-Muller et A.J., Narbona.(Eds), Le langage de l’enfant. Aspects normaux et pathologiques (pp3-26).
Paris: Masson.
Netter, J.C, Bernardout, H. (1986). Phonation, odontologie et stomatologie. In Encycl Méd Chir stomatologie,
1-22008-1-10. Paris : Elsevier.
Netter, J.C. (1968). La phonation en ODF. Actual Odonto-stomatol, 44, 545-547.
O.M.S. (1993). CIM-10/ICD-10 : Classification Internationale des Maladies (10ème révision). Paris :
Masson.
Ogura, T. (1991). A Longitudinal Study of the Relationship between Early Language development and Play
development. Journal of Child Language, 18, 273-294.
Oléron, P. (1957). Recherche sur le développement mental des sourds-muets. Paris : CNRS.
Onslow, M. (1996). Behavioral Management of Stuttering. San Diego : CA. Singular Publishing Group
Onslow,.M., Packam, A.(2002). The Lidcombe Program of early Stuttering Intervention In Bernstein Ratner
and H. C., Healey (Eds), Treatment and Research : Bridging the gap. Majwah. New Jersey : Laurence Erlbaum
Associates.
Padovan, B.A.E. (1998). Thérapie Myofonctionnelle Orofaciale – Méthode Padovan. In Les fonctions oro-
faciales : Evaluation, traitements et rééducation. Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie (pp.241-248). Isbergues:
Ortho Edition.
Paunier, A., Doudin, P.A (1986). Les liaisons dangereuses : réflexion sur le rôle des liens dans la mentalisation.
Psychiatrie de l’enfant XXXII, 2, 415-449.
Peeter, T. (1996). L’autisme - De la compréhension à l’intervention. Paris : Dunod.
Personnaz, B. (1991). Dysfonctions et rééducation neuro-musculaire. Le journal de l’Edgewise, 24, 99-121.
Peters, T.J, Guitar, B.(1991). Stuttering: an integrated. Approach to its Nature and Treatment. Baltimore:
Williams &Wilkins.
Piaget J, (1936,1977, 2ième ed.). La naissance de l'intelligence chez l'enfant. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Piaget, J. (1923). Le langage et la pensée chez l’enfant. Neuchâtel : Delachaux & Niestlé.
Piaget, J. (1967). La construction du réel. 2ème édition. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Piaget, J. (1994). La formation du symbole chez l’enfant. Lausanne/Paris : Delachaux & Niestlé(1ère édition :
1945).
Pinol- Douriez, M. (1984). Bébé agi - bébé actif. L'émergence du symbole dans l'économie interactionnelle. Paris :
Fil Rouge.
Pirchio, S., Caselli, M.C., Volterra, V. (2003). Gestes, mots et tours de parole chez des enfants atteints du
syndrome de Williams ou du syndrome de Down. Enfance, 3, 251-264.
Plaza, M. (2000). Influence des compétences phonologiques, mnésiques et syntaxiques sur l'apprentissage de
la lecture et son dysfonctionnement. Etude longitudinale de la Grande Section de Maternelle au CP.
Rééducation Orthophonique, 204. 35-51.
Plucheau, C., Simonnet, E. (1996). Cognition et mémoire. Isbergues : Ortho-édition.
Potier, D. (2003). La rééducation orthophonique de l'enfant dysphasique. In C., Gérard et V., Brun,
Les Dysphasies. Paris : Masson.

281
Prizant, B.M., Duchan, J.F. (1981). The functions of immediate echolalia in autistic children. Journal of
Speech and Hearing Disorders, 46, 241-249.
Prizant, B.M., Rydell, P.J.(1984). Analysis of functions of delayed echolalia in autistic children", in Journal of
Speech and Hearing Research, 27, 183-192.
Raberin, M. (1997). Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale. In Encycl Méd Chir, Odontologie,
23-474-B-10. Paris : Elsevier.
Rapin, I. (1996). Developmental Language Disorders : A Clinical Up-Date. Journ. of Child Psychol. and
Psychiatry, 37, 643-655.
Rault-Romette, D. (1976). La rééducation de la phonation doit-elle ou non accompagner la rééducation de la
déglutition ? Rev Orthop Dento Faciale, 10, 541-545.
Rey, A. (1967). Arriération mentale et premiers exercices rééducatifs. Neuchâtel : Delachaux Niestlé.
Ricard, L. et Toussignant, S. Recueil d'activités pragmatiques. Québec : L'hôtel Dieu de Québec.
Rigal, R. (1985). Motricité humaine : Fondements et applications pédagogiques. Vigot : Presses de l’Université du
Québec.
Rineau, G., (1993). Observation des déperditions nasales dans les divisions palatines au moyen de l’aéro-
phonoscope. Glossa. 34, 4-14.
Rochebloine, M.J. (1968). Rééducation neuromusculaire orofaciale par des moyens orthophoniques. Orthod
Fr, 39, 281-291.
Rogers, S.J., Pennington, B.F. (1991). A theorical approach to the deficits in infantile autism. Dev.
Psychopathol., 3, 137-162.
Rogers, S.J., Pennington, B.F. (1997). Imitation and pantomine in high-functionning adolescents with
autistic spectrum disorders. Child Development, 67.
Romette, D. (1982).Les déglutitions. Orthod Fr, 53, 565-569.
Rondal, J.A. (1983). L'interaction adulte – enfant et la construction du langage. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A. (1986). Le développement du langage chez l’enfant trisomique 21. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A. (1987). L'évaluation du langage. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A. (1990). L’enfant handicapé mental, Glossa, 22, 4-14.
Rondal, J.A. (1998). Votre enfant apprend à parler. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A.(1985). Langage et communication chez les Handicapés mentaux. Bruxelles : Mardaga.
Rondal, J.A., Séron, X. (1999). Troubles du langage. Bases théoriques, diagnostic et rééducation. Bruxelles :
Mardaga.
Rousseau, M. (1997). Maturité de la déglutition et maturité neuro-musculaire : corrélation ou non ? Rev
Orthop Dento Faciale, 31, 91-97.
Roustit, J. (2001). Le bilan Orthophonique. L'Orthophoniste, 206.
Roy, B., Maeder, C (1991 - 1996). Epreuve de Repérage des Troubles du langage utilisables lors du bilan médical
à 4 ans – ERTL4. Nancy : Com Médic.
Roy, B., Maeder, C Kipfer, A., Blanc, J.P., Alla, F. (1996 - 2002). Epreuves de Repérage des Troubles du Langage
et des Apprentissages utilisables lors du bilan médical de la 6ème année – ERTLA6. Nancy : Com Médic.
Rustin, L (1991). Parents, Families and the Stuttering Child. Londres : Far Communications
Rustin, L., Khur, A.(1995). Troubles de la parole et habiletés sociales (Traduction AM Simon). Paris : Masson.
Rutter, M., Lpckyer, L.(1967). A five to fifteen year follow-up study to infantile psychosis. British Journal of
Psychiatry, 113, 1169-1182.
Sadek, D. (1982). Quatre cours sur le langage. Vol II. Paris : ISOSCEL.
Sadek-Khalil, D. (1981-1990). Quatre cours sur le langage. Montreuil : Editions du Papyrus.
Saint Louis, K.(2001). Living with stuttering. Stories, Basics, Resources and Hope. Morgantown : WV.
Populore Publishing Company.
Saint Louis,K.(1986). The Atypical Stutterer. Orlando FL: Academic Press.
Sampaio, E. (1989). L’autisme infantile le cas de l’enfant aveugle. Réflexions méthodologiques. Psychologie
médicale, 21, 13, 2020-2024.
Sampaio, E. (1994). Le développement précoce des enfants aveugles : les travaux pionniers. La psychiatrie de

282
l’enfant, XXXVII, 29-47
Sastre, S., Verba, M., (2001). Les interactions de tutelle avec des bébés trisomiques et des bébés typiques : le
rôle de l’ajustement de l’adulte. Enfance, 2.
Sauvage, D. (1998). Autisme du nourrisson et du jeune enfant. Paris : Masson.
Sauvage, D., Hameury, L., Adrien, J.L., Beaugerie, A., Larmande, C et Leddet, I. (1987). Diagnostic de
l’autisme avant 2 ans. Méthodes d’observation et formes cliniques. In F. Grémy, S. Tomkiewicz, P. Ferrari et
G.Lelord (Eds), Autisme Infantile (pp. 47-84). Paris : INSERM.
Schmid-Kitsikis, E. (1995). Théorie clinique du fonctionnement mental. Bruxelles : Mardaga.
Schopler, E., Reichler, R.J., Lansin, M. (1988). Stratégies éducatives de l’autisme et des troubles du déve-
loppement. Paris : Masson.
Schopler,E. (1994). Profil psycho-Educatif. Bruxelles : DeBoeck Université.
Schriberg, L.D., Kwiatkowski, J., Best, S., Hengst, J., Terselik-Weber, B. (1986). Characteristics of children
with phonologic disorders of unknown origin. Journal of Speach and Hearing Disorders, 157, 140-161.
Schyns, A. (1990). Une autre expérience… La rééducation de la deglutition par le conte. Questions de
Logopédie, 23, 79-97.
Sheehan, J. (1970). Stuttering Research and Therapy. New york : Harper and Row.
Shriberg,L.D., Araam, D.M. et Kwiatkowski, J. (1997). Developmental Apraxia of Speech. Journ. of Speech,
Lang. and Hear. Research, 40, 273-337.
Sigman, M., Ungerer, J.A. (1984). Cognitive and language skills in autistic, mentally retarded and normal
children. Developmental Psychology, 20, 293-302.
Simon, A.M. (1993). Attitudes communicatives gauchies chez le sujet bègue: approche thérapeutique pour un
changement. Glossa, 33, 8-15.
Simon, A.M. (1999). Paroles de parents. Prévention du bégaiement et des risques de chronicisation. Isbergues.
OrthoEdition
Simon, A.M. (2000).Bégaiement et pression temporelle. Enfance et Psy, 13, 60-67.
Simon, A.M. (2002). Peut-on éviter la souffrance du bégaiement à un jeune enfant ? Langage et Pratiques, 29,
19-29.
Simon, A.M.(2003).L’enfant d’âge scolaire qui bégaie. L’orthophoniste, 230, 19-26.
Simon, A.M.(sous presse). Qu’est devenue la communication quand on bégaie? Comment réparer ? Actes du
IIIème Colloque de l’APB 2004. Lyon.
Sinclair, H, Stambak, M., Lezine, I., Rayna, S.,Verba, M. (1982). Les bébés et les choses, ou la créativité du déve-
loppement cognitive. Paris : PUF.
Sinclair, H. (1994). Early cognitive development and the contribution of peer interaction: a Piagetian view. In
L.,Friedman et H.C., Haywood(Eds), Development follow-up : concepts, domains, and methods (pp. 129-138).
San Diego : CA : Academic Press.
Soulet, A. (1989). Education neuro-musculaire des fonctions oro-faciales. Rev Orthop Dento Faciale, 23, 135-175.
Soulet, A. (1989). Rôle de la langue au cours des fonctions oro-faciales. Rev Orthop Dento Faciale, 23, 31-52.
Spitz, R. (1968). De la Naissance à la parole. Paris : PUF.
Starkweather,W.(1990). Stuttering Prevention. Englewood Cliffs. New Jersey : Prentice Hall International.
Stern, D. (1978). Le bébé et sa mère. Bruxelles : Mardaga.
Stern, D. (1989). Le monde interpersonnel du nourrisson. Paris : PUF (collection Le Psychologue).
Subtelny, J.D. (1970). Malocclusions, orthodontic, corrections and oroacial muscles adaptation. Angle
Orthod, 3, 170-201.
Talendier, C. (1995). L’incompétence vélo-pharyngée. Glossa, 48, 38-47.
Talmant, J., Rouvre, M., Thibult, J.L., Turpin, P. (1982). Contribution à l’étude des rapports de ventilation
avec la morphogénése cranio-faciale, déductions thérapeutiques concernant l’O.D.F. Orthod fr, 53, 1-128.
Thibault, C., Vernel-Bonneau, F. (1999). Les fentes faciales, embryologie, rééducation, accompagnement
parental. Paris : Masson.
Tomblin (2002). Cours sur le diagnostic et l'évaluation des enfants présentant un SLI. Colloque Carrefour en
Dysphasie. Trois-Rivières, 16-17 mai.

283
Uzgiris, I.C. (1984). Imitation in infancy : its interpersonnal aspects. In M., Perlmutter(Ed.), The minesota
symposium on child psychology,17 (pp.1-32). Hillsdale, NJ : Lawrence Erbaulm Associates.
Vaginay, D. (2000). Trisomie 21, Transmission et intégration : pour quelle éthique. Lyon : Chroniques sociales.
Van Hoot, A., Estienne, F. (1996). Les bégaiements. Masson : Paris.
Van Riper, Ch.,(1982). The Narure of Stuttering. Englewood Cliffs : Prentice Hall.
Van Wayenbergue, M. (1997). Les modes d'approche clinique de l'enfant présentant des troubles sévères de
l'acquisition du langage oral. In S., Vinter (Eds), Données Actuelles sur les Troubles Sévères du Langage.
Confrontations Orthophoniques 1. Besançon : Université de Franche-Comté.
Veneziano, A. (1992). Des vocalisations aux premiers mots chez l’enfant entendant, Approche Neuro-Psychologique
de l’enfant. In H., Kremin et M., Leclerc (Eds). Bruxelles : Ed Cremin et Leclerc.
Veneziano, E. (2000). Interaction, conversation et acquisition du langage dans les trois premières années. In
M., Kail, M., Fayol (Eds), L’ acquisition du langage (231-265) Tome 1. Paris : PUF.
Veneziano, E. (2002). Relations entre jeux de fiction et langage. Enfance, 3.
Vernel-Bonneau, F., Thibault, C. (1999). Les fentes faciales. Paris : Masson.
Vinter, S (1999). L’organisation pré conversationnelle chez l’enfant trisomique 21. Glossa, 65, 12-34.
Vinter, S. (1992). Mise en place des éléments prosodiques dans le langage émergent de l’enfant sourd : rôle des sti-
mulations acoustiques et des interactions sociales. Université de Besançon : Thèse de Doctorat.
Vinter, S., Bried, C. (1992). Aux sources de la parole. Rééducation Orthophonique, 169, 67-75.
Von Tetzchner, S. et Martinsen, H. (1991). Spräk og funkjons-henning. Stockolm : Gyldendal Norsk Forlag.
Vygotsky, L. (1962). Thougth and Language. Cambridge. MA : MIT Press.
Wada, J.A., Clarke, R., Hamm, A. (1975). Cerebral hemispheric asymmetry in humans. Archives of Neurology,
32, 239-246.
Wallon, H. (1941). L’évolution psychologique de l’enfant. Paris : Armand Colin. (1ère édition : 1941)
Wauters, F. (1982). Essai d’une meilleure approche neuro-sensorielle des dyspraxies buccales. Th 3°cycle de
logopédie de U.C de Louvain.
Weiner, F. (1981) Treatment of phonological disability using the method of meaninful minimal contrast.
Journal of Speech and Hearing Disorders, 46, 451-461.
Weitzman, E. (1992). Apprendre à parler avec plaisir. Toronto : Editions du Centre Hanen.
Welniarz, B. (2001). Approche psychopathologique des troubles graves du langage oral chez l'enfant.
A.N.A.E, 61.
Wemague, B. (1994). Rééduquer le bégaiement. Paris : Desclée de Brouwer.
Wetehrby, A.M., Cain, D.H., Yonclas, D.G., Bryan A.A. (1989). Communicative profiles of preschool
children with handicaps : implications for early identifications. Journal of Speech Hearing Research, 54, 2, 148-
158.
Wetherby, A.M. (1986). Ontogeny of communicative functions in autism. Journal of Autism and
Developmental Disorders, 16, 295-316.
Wetherby, A.M., Cain, D.H., Yonclas, D.G., Walker V.G. (1981). Analysis of intentional communication of
normal children from the prelinguistic to the multiword stage. Journal of Speech and Hearing Research, 31,
240-252.
Winnicott, D.W. (1974). Processus de maturation chez l’enfant. Paris : Payot.
Witelson, S.F., Pallie, W. (1973). Left Hemisphere specialization for language in the newborn. Neuro
anatomical evidence of asymmetry. Brain, 641-646.
Wood, D. (1989). Social Interaction as tutoring. In M.H., Borstein, J.S., Bruner (Eds), Interaction in human
development (pp.59-80). Hillsdale: Lawrence Erlbaum.
Wootton, A.J. (1990). Pointing and interaction initiation; the behaviour of children with Down’s syndrome
when looking at books. Journal of Child Language, 17, 565-589.
Wyatt, G. (1973). La relation mère-enfant et l’acquisition du langage. Liège : Dessart et Mardaga.
Yaguello, M. (1981). Alice au pays du langage. Paris : Seuil, 197 p.
Yairi, E., Ambrose, N. (1999). Early childhood Stuttering I : Persistence and Recovery. Journal of Speech,
Language and Hearing Research, 42, 1097-112.

284
Yakolep, P.I., Lecours, A.R. (1967). The myelogenetic cycles of regional maturation of the brain. In A.,
MinkowskiI (Ed), Regional Development of The Brain In Early Life (pp.3-70). Oxford: Blackwell.
Zickefoose, W.E. (1989). Techniques of Oral Myofunctional Therapy. Sacramento (California): M.T. Materials.
Zorman, M., Jacquier-Roux, J. (1997). Bilan de Santé Evaluation du Développement pour la Scolarité 5 à 6 ans
– BSEDS. Grenoble : Editions de la Cigale.

285
286
Ortho Edition
76-78, Rue Jean Jaurès - 62330 ISBERGUES - FRANCE

Tous droits réservés. La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective.
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit
- photographie, photocopie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre -
sans le consentement de l’auteur et de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée
par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

© Ortho Edition, 2004 - ISBN : 2-914121-27-X

Service d’Edition de la Fédération Nationale des Orthophonistes


288

Vous aimerez peut-être aussi