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Résumé
La prise en charge de l’enfant d’âge préscolaire est souvent associée à des conseils
parentaux de baisse des pressions éducatives et sociales. Lorsque le bégaiement
est apparu chez le petit enfant depuis moins de six mois, il y a de grandes chances
que l’accompagnement parental suffise à faire baisser les tensions dans la parole
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L
e bégaiement est un trouble de la communication qui ne se
manifeste que lors d’une interaction linguistique. C’est en
quelque sorte « l’autre » qui fait bégayer (Shapiro, 1999).
L’enfant d’âge préscolaire, lorsqu’il invente des scenarii avec ses jouets
et leur parle, ne bégaie pas.
C’est pour cela que la rééducation est une thérapie de la parole mais
c’est aussi permettre au patient d’échanger avec autrui de façon natu-
relle.
Le petit enfant va être envisagé dans sa globalité.
Pendant de nombreuses années l’accompagnement parental a été la
seule thérapie proposée en France pour aider les enfants d’âge présco-
laire qui bégaient. En résumé, les conseils aux parents étaient de relâ-
cher les pressions aussi bien éducatives que sociales et de mettre
l’accent sur la communication. Ce traitement visait à modifier le
comportement des parents.
Ces conseils sont toujours les bienvenus mais il convient de permettre
aux parents d’aider aussi l’enfant à avoir une parole plus fluide, de
façon plus concrète.
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Ce que j’ai observé, c’est que les enfants ont plus de difficultés lorsque
les parents se parlent entre eux une troisième langue, qui n’est la
langue maternelle de personne. Surtout si cela est fait alors que le
parent qui n’est pas français de langue maternelle parle très bien le fran-
çais.
De même, lorsque les parents font donner des cours d’anglais à leur
enfant de 3 ans et reprennent cela à la maison alors qu’il ne s’agit pas
de leur langue maternelle, la thérapie est plus longue.
Je m’interroge évidement sur les éléments psychologiques qui sous-
tendent de telles attitudes : quel affect mettent les parents dans l’uti-
lisation d’une langue à eux que l’enfant entend mais ne doit pas
parler ? Comment les parents envisagent-ils l’éducation de leur enfant
s’ils veulent à tout prix qu’il soit bilingue alors qu’eux ne le sont pas ?
Je rapporterai le cas d’Emma, 2 ans, de mère espagnole et de père fran-
çais. Emma est bilingue espagnol/français et présente un bégaiement
sévère. La mère souhaite ardemment l’inscrire dans une école bilingue
anglais/français pour la rentrée de septembre. Comme on me deman-
dait mon avis, j’ai simplement dit qu’il y avait un risque que l’enfant
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les blocages dans son corps. Lors du premier bilan, beaucoup d’enfants
d’âge préscolaire désignent leur cou lorsqu’on leur demande de
montrer où ils sentent que les mots se bloquent lorsqu’ils parlent. Ce
geste nous fait comprendre que les laryngospasmes sont vraiment
ressentis par le petit enfant. Parfois de tout petits enfants expliquent
leurs stratégies pour ne pas bégayer. Jules, 5 ans, a expliqué sous le
regard interloqué de ses parents comment il se mettait à déglutir pour
arrêter le blocage.
Le petit enfant qui sent les tensions motrices peut assez rapidement
inverser le réflexe de décontraction des muscles de la face au moment
des blocages et ainsi provoquer du bégaiement.
Le bégaiement est au départ une atteinte motrice de la parole qui
devient un trouble de la communication.
Une étude australienne menée par Packman et son équipe (2011) sur
l’anxiété associée au bégaiement montre que les réactions négatives des
parents vont contribuer à augmenter l’anxiété des jeunes enfants qui
vivent alors, à cause de leur bégaiement, des expériences négatives. On
comprend bien alors que le fait d’aider les parents à réagir au mieux va
aider l’enfant à être moins réactif à son bégaiement et à pouvoir parler
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Approche indirecte
Les approches indirectes consistent à modifier en douceur les attitudes
de communication en famille. Pour cette approche, aucun exercice de
fluence ne sera proposé aux parents. Ainsi, apprendre aux parents à
respecter des temps de silence afin que leur enfant puisse avoir l’oppor-
tunité de répondre me paraît essentiel. Certains, pour lesquels ces temps
de silence sont anxiogènes, prendront un peu plus de temps afin d’ex-
périmenter au cours de séances la douceur de la communication
lorsqu’elle n’est pas frénétique et aussi d’entendre leur enfant initier
l’échange.
Une petite Charlotte de 3 ans venue à la consultation avec des parents
très bavards, mettant tout en mots, se coupant l’un l’autre la parole et
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répondant très vite à la place de leur enfant, n’a pas pu dire un mot
lorsque je me suis adressée à elle de façon « officielle ».
J’avais demandé au préalable aux parents de ne pas intervenir du tout
durant cet entretien. Mais Charlotte n’avait pas l’habitude que ses
parents se taisent. Dans ce silence, elle se tortillait, tout comme sa mère
d’ailleurs qui avait du mal à supporter que sa fille ne réponde pas et de
ne pas pouvoir la stimuler comme d’habitude.
Le bain linguistique dans lequel la maintenait sa mère d’habitude m’a
fait penser à l’expression « allaitement relationnel » dont parle Bernard
Golse, psychiatre à l’hôpital Necker (Paris).
Je libérai rapidement l’enfant de cet entretien ; elle se mit alors à faire
un dessin et me l’offrit. Avant même que j’aie commencé à établir un
contact visuel avec l’enfant, la mère s’écrie : « Merci ma chérie, comme
c’est gentil d’offrir ce dessin à la dame ! » « Mais madame, ai-je dit, c’est
à moi de dire cela, vous ne me laissez aucune chance. »
Aucune chance. Ces mots sont sortis tout seul, aucune chance d’entrer
en relation avec Charlotte, aucune chance pour Charlotte de se sevrer
de ce bain linguistique. « C’est pareil pour votre enfant, elle n’a aucune
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Conclusion
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