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La conscience

Filmographie :
La Planète des singes, de Franklin Schaffner (analyse du film p.40 du manuel)
Full Metal Jacket, de Stanley Kubrick
Zelig, de Woody Allen
Birdman, de Alejandro Gonzalez Inarritu
Abre los ojos, de Alejandro Amenabar
Les séries Westworld et Real Humans

Vidéo pour approfondir/mieux comprendre le thème (à regarder dans l’ordre) :


https://www.youtube.com/watch?v=r-
RHHrrdbfM&list=PLuL1TsvlrSnd9nkLxP0QprgDUkOs4Lq2f&index=1
https://www.youtube.com/watch?v=alGQ-g2-
FxM&list=PLuL1TsvlrSnd9nkLxP0QprgDUkOs4Lq2f&index=2

Définitions :

Le sujet : le sujet est l'être pensant considéré comme le fondement de ses perceptions et comme
l'origine de ses actions.
« Sujet » vient de « subjectum » en latin : « Ce qui se tient dessous ». C’est le support : ce qui se
maintient malgré les changements, et permet de fonder une identité. Nous changeons pendant
toute notre vie, physiquement et mentalement, mais nous restons pourtant les mêmes : cela
voudrait bien dire qu’il y a quelque chose « en-dessous » des changements superficiels.
Par ailleurs, le sujet s’oppose à l’objet : le sujet suppose un esprit ou au moins une subjectivité. Il
désigne donc l’être humain, la personne, et non les animaux (et encore moins les choses).
Si le sujet peut être désigné comme l’origine de ses actions, c’est parce qu’il a ce que l’on appelle
une conscience réfléchie.

La conscience : il en existe deux types :


• La conscience immédiate : c’est la présence brute de l'individu au monde, ses
sensations et ses perceptions.
• La conscience réfléchie : c’est la capacité d'observer et donc de juger ses pensées, ses
sentiments, ses actions, ainsi que le monde.
Le terme "conscience" vient du latin conscientia (cum scientia) qui signifie "accompagné de
savoir". La conscience réfléchie peut être décrite, si l'on reprend l'étymologie, comme la faculté
d'ajouter à une action ou à un sentiment, une connaissance de cette action ou de ce sentiment.
Lorsque je dis : "Je suis conscient", cela veut dire que, en même temps que j'agis ou que quelque
chose m'arrive, je sais immédiatement que j'agis ou que cela m'arrive. Je suis à la fois témoin et
juge.
Cette capacité à juger nos actions et le monde qui nous entoure, c'est cela qui permet la
constitution du sujet. La conscience de soi est la condition sine qua non de la morale et du droit :
c'est parce qu'il a conscience de ses actes que le sujet est responsable.

Il existe, dans le monde deux genres d’êtres :


• les choses, qui existent en soi : objets, plantes, animaux (même si c’est plus problématique)

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• et les êtres conscients (les sujets), qui existent non seulement en soi, mais qui ont en plus
conscience de soi et du monde. Ils existent donc aussi pour soi.

Nous nous poserons deux questions dans ce chapitre :


I/ On présente souvent cette conscience comme le propre de l’homme : est-ce
vraiment le cas ? Et si oui, est-ce réellement un privilège ?
II/ Le fait d’être conscients de nous-mêmes permet-il de savoir qui nous sommes ?

I/ La conscience est-elle le propre de l'homme ?

1/ On a longtemps cru que l’homme était le seul à posséder une conscience réfléchie

Se demander si la conscience est le « propre » de l’homme, c’est se demander s’il est le


seul à la posséder. Voire si cette conscience peut le définir, en tant qu’être humain.
Comparé à qui ?
• Les minéraux : la pierre est là, elle a une certaine structure, mais elle est une matière inerte.
C'est un objet, une chose, mais elle n'a pas de conscience.
• Les végétaux : la plante existe et sent. Elle possède une forme de vie, elle s'accroît. Des
expériences ont montré qu'elle était sensible à la lumière et aux sons. La plante a une
sensibilité élémentaire, mais on ne peut pas vraiment parler de conscience, certainement
pas de conscience réfléchie.
• L'animal : on a longtemps attribué la conscience immédiate à l'animal, et la conscience
réfléchie à l'homme.

2/ Or les animaux font preuve de certaines formes de conscience réfléchie

Un neurobiologiste américain, Christof Koch, a ainsi montré qu'il n'y a pas une aire
spécifique de la conscience. Cette dernière fait appel à plusieurs zones du cerveau, que tous les
animaux possèdent. Pour lui, la conscience n'est pas le propre de l'homme.
L'animal vit, sent et même connaît. Il dispose d'une certaine mémoire, il peut surprendre
par sa sociabilité, son ingéniosité. Certaines études ont même montré que des animaux sont
capables de mentir. D'autres qu'ils peuvent se reconnaître devant un miroir.

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Une étude a montré que certains animaux (des singes rhésus) étaient doués de
"métacognition". La métacognition est le fait de savoir que l'on sait. C'est une capacité essentielle
qui permet à l'individu d'anticiper les conséquences de son comportement en tenant compte de
ses propres compétences, donc d'éviter certains risques. C'est donc bien une forme de conscience
réfléchie.
En 2007, des chercheurs de l'université de Géorgie ont répété l'expérience sur des rats. Le
protocole était le suivant : on demande à un rat de déterminer si un son est long (8 secondes) ou
court (2 secondes). Pendant l'apprentissage, il reçoit 6 granulés s'il réussit, rien s'il échoue. Mais -
c'est là l'astuce - il peut aussi "passer son tour" et, dans ce cas, il reçoit la moitié de la récompense
(3 granulés).
Résultat : lorsque le choix est simple (un son de 8 secondes ou de 2 secondes), le rat répond
et gagne, la plupart du temps. Mais lorsque le chercheur lui fait écouter un son intermédiaire (4
ou 5 secondes), il passe son tour ! Il sait donc qu’il ne sait pas (conscience réfléchie).

C'est une forme de conscience réfléchie, mais cela reste une forme embryonnaire, et qui
reste toujours tournée vers la satisfaction des besoins. La conscience humaine et la conscience
animale ont-elles une différence de nature ou de degré ? La question reste ouverte.
Ce qui est certain, c'est que l'homme a une forme de conscience bien plus développée que
celle de l'animal, qui lui permet de se penser lui-même et de penser sa condition. Il a surtout une
forme de conscience que ne semble pas posséder l’animal : la conscience morale.

3/ L’homme est a priori le seul animal à avoir une conscience morale

La conscience morale, la faculté de juger si nos actes sont bons ou mauvais, est sans doute
ce qui nous distingue le plus des animaux.

Texte de Kant en annexe : pour Kant, la conscience morale de l'homme est un juge
intérieur qui observe chacun de ses actes. Elle est "incorporée dans son être", c'est-à-dire qu'elle
est dans l'essence-même de l'homme, dans sa nature. Elle est universelle. Ce n'est pas quelque
chose que l'homme produit ou invente, contrairement aux lois. C'est une dimension intrinsèque
de l'être humain. On peut choisir de l'ignorer, mais on ne peut pas ne pas l'entendre.
C'est parce que l'être humain est conscient et doté de raison, parce qu'il est un sujet,
cause volontaire de ses actions, qu'il est un être responsable en droit. Conscience veut dire
nécessairement responsabilité.
Pour approfondir : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-
connaissance/le-bac-philo-1ere-edition-24-explication-de-texte

Il existe de nombreuses illustrations littéraires de cela :


Dans le roman Crime et châtiment, de Dostoïevski, le héros Raskolnikov est rongé par la
culpabilité de son crime. C’est un châtiment si terrible qu’il ne parvient à l’alléger (un peu) qu’en
confessant son crime. Le véritable châtiment, pour Raskolnikov, n’est pas le bagne en Sibérie, c’est
bien celui de sa conscience. On peut échapper à la justice, mais pas à sa conscience.
Autre exemple : dans le recueil La Légende des siècles de Victor Hugo, il existe un poème
qui s’appelle La Conscience. Il raconte comment Caïn, après le meurtre d’Abel, cherche à échapper
à l’oeil qui le regarde depuis les cieux (et qui est la métaphore de sa mauvaise conscience). Il n’y
parvient jamais, malgré les hauts murs qu’il bâtit autour de lui. Même lorsqu’il s’enferme sous
terre, l’oeil est toujours là : “L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn.”

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Important point de vocabulaire : pour agir « moralement » ou « immoralement », il faut
être doué de conscience morale, comme l’homme. En effet, il faut savoir ce qui est bien ou ce qui
est mal. Un animal, qui n’a pas de conscience morale, n’a pas de notion du bien et du mal. On
parlera, dans leur cas, d’êtres « amoraux », c’est-à-dire sans morale. A ne pas confondre avec un
être « immoral » (quelqu’un qui agit mal en sachant ce qu’est le mal).

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4/ La conscience est-elle un privilège pour l’homme ?

On ne peut nier qu’il existe une différence entre la conscience humaine et la conscience
animale. Mais cette conscience est-elle vraiment un cadeau pour l’homme ?

Texte de Pascal en annexe


Parce que l'homme est capable de se représenter lui-même, de réfléchir à ce qu'il est, à
sa condition, il peut se comparer avec ce qui l'entoure : il se découvre fini (mortel), vulnérable
face à l'immensité de la nature, inadapté à la survie, donc misérable.
L'homme est un roseau : il est faible, insignifiant (rappelez-vous : la raison est faible pour
Pascal). Voilà ce que sa conscience lui permet de découvrir.
Mais, paradoxe : l'homme est un "roseau pensant" (retenez cette expression), et c'est
cela qui fait sa grandeur : l'homme est un être faible, mais il sait qu'il est faible, il est même le
seul être qui sait qu'il est faible. La nature peut le tuer mais elle n'a pas conscience de son pouvoir.
La conscience ne rend pas l'homme plus fort, mais elle le rend noble, digne, grand, unique parmi
la nature.

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II/ Peut-on se connaître soi-même ?
Attention : ici nous parlerons plus spécifiquement de la conscience de soi.

La Main dans une boule de cristal, M.C. Escher, 1935

Amorce : « Connais-toi toi-même » était une devise inscrite sur le fronton du temple de
Delphes, dans l’Antiquité. Socrate en parle à plusieurs reprises dans ses dialogues. Cela paraît la
sagesse-même. Se connaître soi-même, ses forces, ses faiblesses, c’est s’assurer de mener une vie
qui respecte ce qu’on est vraiment. Mais est-ce si simple ? Qui suis-je ? Puis-je vraiment le savoir ?
Problématique : L’homme possède une conscience réfléchie, qui lui permet d’observer et
de juger ses pensées et ses actions. On pourrait ainsi penser qu’il est totalement transparent à lui-
même, qu’il se connaît parfaitement.
Mais la conscience de soi est-elle synonyme de la connaissance de soi ? Il semble y avoir
plusieurs obstacles à cela : tout d’abord, l’être humain change en permanence, il se développe,
physiquement et psychologiquement, mais il peut aussi changer sa personnalité en fonction de
son interlocuteur. Ensuite, la conscience n’est pas une activité permanente, mais sélective : je n’ai
pas conscience de tout, à tout moment. Puis-je vraiment me connaître si une partie de ce que je
pense et ressens échappe à ma conscience ?
Enfin, plus profondément, la connaissance de soi par soi pose un problème de subjectivité :
suis-je vraiment le mieux placé pour me connaître moi-même ? Autrui n’est-il pas plus objectif ?

Thèse 1 : Malgré notre conscience réfléchie, nous ne sommes pas sûrs de bien nous connaître.

Argument 1 : Grâce à sa conscience réfléchie, l’homme peut observer ses propres


pensées et ses actions, il devrait donc être transparent à lui-même. Définition de la conscience
et distinction conscience immédiate/conscience réfléchie (voir introduction).
Référence philosophique :
Descartes a fait de la conscience réfléchie la première vérité fondamentale, celle de
laquelle découlent toutes les autres vérités : c’est le fameux « Cogito ergo sum » (cf cours sur la

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vérité). Pour Descartes, la conscience est ainsi transparente à elle-même : « Rien ne se donne à
connaître aussi aisément, aussi évidemment que sa propre pensée », écrit-il.
Illustration littéraire : Dans ses Confessions, Rousseau déclare : « Je veux montrer à mes
semblables un homme dans toute la vérité de sa nature. » Il affirme ainsi vouloir être le plus
sincère possible sur lui-même, sa vie et ses choix.

Argument 2 : Pourtant, nous pouvons mal nous connaître. Nous pouvons même nous
« surprendre nous-mêmes », en bien comme en mal.
Référence philosophique : Texte Pascal en annexe
Dans ce texte, Pascal met en doute notre capacité de connaître le moi. "On n'aime jamais
personne, mais seulement des qualités". Cela signifie que nos sentiments, nos qualités et même
nos principes peuvent changer au cours de notre vie.
Exemples cinématographiques : Un homme peut renier ses principes. Dans une situation
extrême, il peut même devenir tout ce qu’il détestait : cette constatation est à la source de
nombreuses intrigues littéraires comme cinématographiques :
Voir le film Full Metal Jacket, de Stanley Kubrick, sur la guerre du Vietnam. Ou comment un
jeune journaliste militaire se retrouve confronté à ses propres limites morales.
Ou encore le film L’Ennemi intime, de Florent Siri : l’action se passe dans les montagnes
kabyles, pendant la guerre d’Algérie. Confronté à l’horreur de la guerre, un jeune lieutenant
idéaliste va perdre, petit à petit, toutes ses illusions sur ce qu’il pensait être.
Côté séries, pensez à toutes ces séries qui se passent dans un monde « post-
apocalyptique », où un petit groupe doit survivre dans un monde devenu hostile : il est rare que
les « gentils » le restent très longtemps…

Argument 3 : Nous ne sommes pas forcément la même personne en cours, avec nos
parents, avec nos amis. Dans une certaine mesure, nous jouons un rôle, lorsque nous sommes en
société. Nous sommes ainsi des personnages, nous changeons de masque en fonction des
circonstances, de nos interlocuteurs.
Référence philosophique : « Ma personnalité est le caractère d’un rôle que je sais par
cœur », écrivait Paul Valéry. La personnalité serait alors le personnage le plus « habituel », celui
avec lequel nous nous sentons le mieux.
Exemples littéraires : « Je est un autre », écrivait Rimbaud, signifiant par là qu’il ne
maîtrisait pas toujours ce qui s’exprimait en lui.
Pensez aussi à Fernando Pessoa et au nombre de personnages/masques (ses
« hétéronymes ») qu’il a inventés ! Il écrivait ainsi :« Substitue-toi toujours à toi-même. Tu n’es
jamais assez pour toi. »
Exemple cinématographique : Le film Zelig, de Woody Allen, met en scène un homme
(Zelig) qui a la curieuse faculté de prendre l’apparence des gens qu’il fréquente : ses yeux se
plissent quand il s’adresse à un Chinois, il se met à parler français en présence de Français, il prend
instantanément du poids en présence de personnes obèses, il devient psychanalyste quand une
psychanalyste tente de l’étudier et prend cette dernière pour sa patiente, etc… Lorsque son
médecin le met sous hypnose, il dévoile enfin le problème à l’origine de son mal : enfant, il a été
persécuté par des antisémites et il a depuis un besoin désespéré d’être aimé et pour cela il pense
qu’il doit se fondre dans la masse. SPOILER : vers la fin du film, Zelig disparaît. Sa psychanalyste le
retrouve… au milieu d’un défilé nazi (le conformisme suprême !).

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Même sans aller jusqu’à l’extrémité de Zelig, la quête du « moi », de notre « personnalité »
paraît donc bien illusoire, dans la mesure où nous pouvons en changer en fonction des
circonstances.

Argument 4 : Le « moi » semble ainsi bien fuyant … à tel point qu’on peut se demander
s’il existe vraiment.
Référence philosophique :
Comme le montre Hume, nous ne pouvons pas faire l’expérience de la conscience elle-
même : la seule chose dont nous faisons l’expérience, c’est une succession de sensations et de
perceptions. J’ai conscience d’avoir chaud, d’avoir froid, de penser telle ou telle chose, mais je n’ai
pas conscience de la conscience elle-même. « Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment
sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. », écrit Hume.
Hume compare l’esprit à « une sorte de théâtre où diverses perceptions font
successivement leur apparition ». Mais c’est un théâtre… sans théâtre : « Les perceptions
successives sont seules à constituer l’esprit. » Il n’y a donc pas de permanence du “moi”, selon
Hume.

Transition : Il semble que la connaissance de soi soit rendue difficile par le fait que le moi (s’il
existe) est complexe et fuyant. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que la conscience que
nous avons de nous-mêmes n’est pas exhaustive ni totalement objective.

Thèse 2 : La connaissance de soi par soi-même est nécessairement partielle et subjective

Argument 1 : Je ne suis pas conscient à tout moment de tout ce que je pense, perçois ou
ressens. La conscience de soi est partielle.
Référence philosophique : Texte de Bergson en annexe
Dans ce texte extrait de son ouvrage La Conscience et la Vie, Bergson montre que la
conscience est avant tout une activité sélective : « Conscience est synonyme de choix ». Cela
signifie que notre conscience est plus intense lorsque nous devons faire un choix important.
Bergson justifie cela en montrant qu’il existe des activités qui nécessitent peu voire pas du
tout de conscience : les activités automatiques. On peut penser à la marche, par exemple.
Exemple littéraire : il existe un conte dans lequel un crapaud demande à un mille-pattes
dans quel ordre il bouge ses pattes pour marcher. Le mille-pattes ne trouve pas de réponse. A trop
réfléchir, il n’arrive même plus à marcher.

Argument 2 : L’existence de l’inconscient empêche une connaissance totale de nous-


mêmes (voir chapitre Inconscient)

Argument 3 : Nous ne sommes pas objectifs sur nous-mêmes : nous pouvons même nous
mentir à nous-mêmes. Essayer de se connaître soi-même, c’est être à la fois l’observateur et
l’observé, ce qui pose un problème évident d’objectivité. Je peux me faire des illusions sur ce que
je suis vraiment (rappel de la différence entre l’illusion et l’erreur : l’illusion est confortable. On
aime se croire courageux, honnête, fort, etc…). Nous sommes capables de nous mentir à nous-
mêmes : l’orgueil peut nous pousser à exagérer certaines de nos qualités ou à passer sous silence
nos défauts ou nos échecs.

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Exemple littéraire : Dans son roman Mrs Dalloway, Virginia Woolf met en scène une
femme en apparence futile, une riche épouse d’un parlementaire anglais, qui prépare une
réception qu’elle doit donner le soir-même. Elle semble au premier abord très épanouie dans ce
rôle de mondaine, épouse d’un homme important, mais on devine très vite ses fragilités, ses
doutes, qu’elle étouffe sous un vernis de respectabilité. On comprend très vite, avec notamment
l’irruption de son premier amour, combien de frustrations, de reniements de ses propres
sentiments et de regrets elle doit endurer pour endosser ce rôle qu’elle a pourtant choisi.
De l’autre côté, son amour de jeunesse, Peter, se persuade (mal) qu’il n’est plus amoureux
d’elle : « Non, Non ! Il n’était plus amoureux d’elle ! Il se sentait seulement, après l’avoir vue ce
matin au milieu de ses ciseaux et de ses soies, se préparer pour sa soirée, incapable de détourner
ses pensées d’elle. (…) ça ne voulait pas dire qu’il était amoureux ; simplement, il pensait à elle.”

Argument 4 : penser pouvoir se connaître soi-même, n’est-ce pas alors tomber dans la
mauvaise foi ? On pense souvent que notre objectif, en tant que personne, est de trouver « notre
vrai moi », d’être « fidèle à soi-même ». Il faudrait même aimer jusqu’à ses défauts, ses
faiblesses. Mais la conséquence peut être de ne jamais essayer de changer. Voire de justifier un
comportement injustifiable par cette « personnalité » : je ne fais pas telle chose parce que je suis
un peu fainéant. Je ne travaille pas ma philosophie parce que je suis nul en philosophie.
Référence philosophique : Pour Jean-Paul Sartre (voir Focus en annexe), chez l’homme,
« L’existence précède l’essence ». Cela signifie que l’homme n’est pas prédéterminé par une
essence, une « personnalité », une « identité », figées une fois pour toutes. Il est
fondamentalement libre, c’est-à-dire qu’il se définit lui-même à travers ses choix et ses actions.
Il peut toujours changer.
Le problème vient du fait que cette liberté totale est écrasante pour l’homme, car elle
implique une responsabilité totale : l’homme est entièrement responsable de ce qu’il est (donc
également de ses échecs).
Pour fuir cette responsabilité, l’être humain a alors tendance à se trouver des excuses, à
justifier ses actes par une « essence », une « personnalité » qu’il ne peut changer. « Je suis comme
ça ». C’est ce que Sartre appelle la « mauvaise foi ».
Exemple littéraire : Dans ses Confessions, Rousseau déclarait vouloir : « montrer à (s)es
semblables un homme dans toute la vérité de sa nature ». Pourtant, il avouera plus tard, dans les
Rêveries du Promeneur solitaire : « Parfois j’ai caché le côté difforme en me peignant de profil ».

Transition : Vouloir se connaître soi-même comme une personnalité, une identité figées, semble
ainsi être une ambition illusoire, qui risque de tomber dans la mauvaise foi. Comment, dès lors,
savoir qui nous sommes ? Peut-on porter un regard objectif sur nous-mêmes ?

Thèse 3 : Se connaître soi-même, c’est assumer que l’on est un sujet et non un objet, c’est-à-dire
un être complexe, changeant, libre. Et un être qui n’est pas forcément le mieux placé pour savoir
qui il est !

Argument 1 : Se connaître soi-même, c’est assumer ses changements


Référence philosophique 1 : Paul Ricoeur, philosophe du XXe siècle, fait appel au récit pour
remplir cette fonction d’unification du sujet, tout en laissant à ce dernier sa liberté. Selon Ricoeur,
le sujet peut se réapproprier son identité en se racontant lui-même : c’est ce qu’il appelle
« l’identité narrative » : je suis le récit que je fais de moi-même.

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Mais cette identité narrative est souple, mouvante, changeante, elle est capable d’intégrer
la nouveauté : en racontant ses expériences passées, on ressaisit ses choix. On peut aussi s’en
libérer. Paul Ricoeur donne l’exemple de la psychanalyse, qui permet au patient de se reconstruire
par le biais de la parole, du récit de sa vie.
Référence philosophique 2 : Dans ses Essais, Montaigne adopte une démarche très
différente de celle de Rousseau. Il ne prétend pas se décrire lui-même dans sa « vérité ». « Je ne
peins pas l’être, je peins le passage », écrit-il ainsi au début de son œuvre. Les Essais ont été
écrits sur une vingtaine d’années, jusqu’à sa mort. Montaigne y raconte ses pensées, dans leur
évolution mais aussi leurs contradictions – on a ainsi pu le dire sceptique, épicurien et stoïcien. Il
assume pleinement le fait que l’existence humaine soit prise dans le devenir.
Exemple d’actualité : Exemple du gendarme chilien qui a fondu en larmes après qu’une
manifestante l’ait embrassé. https://www.20minutes.fr/monde/2635063-20191023-video-chili-
manifestante-enlace-policier-durant-emeutes

Argument 2 : Si se connaître soi-même passe par le récit que l’on fait de soi, alors cela
suppose peut-être un public : le psychanalyste ou le lecteur. Ainsi autrui semble indispensable à
la connaissance de soi.
Référence philosophique : Pour Sartre, « Autrui est le médiateur indispensable entre moi
et moi-même ». Cela signifie que j’ai besoin d’autrui pour prendre conscience de moi-même.
Il en a donné une célèbre illustration, avec le sentiment de honte.
Qu'est-ce que la honte ? C'est lorsque le regard de l'autre me fait prendre conscience de
moi-même, dans une posture condamnable ou ridicule.
Exemple : L'exemple que Sartre prend est le suivant : lorsque j'observe quelqu'un par le
trou d'une serrure, je sais bien que c'est mal, que je ne devrais pas le faire. Peut-être même me
dis-je que c'est mal, en le faisant. Mais je le fais quand même. J'oublie, en quelque sorte, ma
conscience morale.
Mais si quelqu'un passe dans le couloir et me voit en train de faire ça, je vais ressentir une
honte profonde. Pourquoi ? Parce que, par le regard de l'autre, je prends vraiment conscience de
moi-même et de mon acte.

Argument 3 : Pour prendre conscience de soi, il ne suffit donc pas de s’observer soi-
même, il faut également observer l’impact que nous avons sur le monde et sur autrui
Référence philosophique : Texte de Hegel p.30
Il y a deux façons, selon Hegel, de se connaître soi-même : l’introspection, dont nous
avons parlé plus haut, mais aussi l’observation de l’empreinte que notre conscience laisse sur le
monde. Nous avons besoin, pour prendre conscience de nous-mêmes, de nous extérioriser dans
le monde en produisant des œuvres concrètes : la conscience humaine s'extériorise ainsi dans la
religion, dans l'art et même dans la science, qui ordonne le monde selon la raison.
Chaque production culturelle peut être interprétée comme le reflet de l’homme, de sa
conscience, de son être intime. C’est évident pour les œuvres artistiques, mais on pourrait voir le
même processus dans toute production humaine : les lois, par exemple, qui sont l’expression de
l’idéal de paix et de justice qui est en l’homme
Mais le miroir le plus fort de la conscience est probablement le regard de l'autre. Selon
Hegel toujours, ce que chaque conscience désire fondamentalement, c’est être reconnue par les
autres (voir Focus Dialectique du maître et de l’esclave, dans le chapitre sur la technique).

Argument 4 : Texte de Beauvoir et encadré p. 34 et 35 (rédiger l’argument)

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