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DIALOGISME ET

POLYPHONIE
 Les recherches de M. Bakhtine sur le
dialogisme ont souligné l’importance de la
problématique de l’altérité qui se trouve au
principe de toute expression verbale.
 Le discours n’est pas une entité homogène
mais, au sens propre, une réalité « altérée »
(traversée par la présence de l’autre qui
mine son unité de surface).
 « Le discours rencontre le discours d’autrui
sur tous les chemins qui mènent vers son
objet, et il ne peut pas ne pas entrer avec lui
en interaction vive et intense. Seul l’Adam
mythique, abordant avec le premier discours
un monde vierge et encore non dit, le
solitaire Adam, pouvait vraiment éviter
absolument cette réorientation mutuelle par
rapport au discours d’autrui » (T. Todorov,
1981, p. 98).
 Aspects de la transtextualité
 Genette part de la notion Bakhtinienne de «
translinguistique »
 Genette focalise sa recherche sur la
transtextualité, définie comme «
transcendance textuelle du texte » (1985, 7)
ou « tout ce qui le met en relation,
manifeste ou secrète, avec d’autres texte »
(ibid)
 A ce sujet, Genette distingue « cinq types de
relations transtextuelles », comprises selon «
un ordre croissant d’abstraction,
d’implication et de globalité » (8)
 l’intertextualité : par la présence effective
d’un texte dans ( plagiat et de citation)
 la paratextualité : la relation moins explicite
et que le texte certains indices (Titre, sous-
titre, préface, dédicace, etc.)
 Souvent jugée secondaire, cette dimension
contribue à la réception du texte et, le cas
échéant, à la manipulation du lecteur.
 la métatextualité : elle couvre « la relation
[ . . . ] de “commentaire” qui unit un texte à
un autre texte dont on parle sans
nécessairement le citer ou le nommer » (p.
11)
 l’architextualité : elle permet notamment
d’identifier les productions en termes de
genres. La définition de ce paramètre relève
d’une étude attentive du texte, dans la
mesure où il ne vérifie pas nécessairement
les « indices du paratexte » ;
 l’hypertextualié : (celle qui inspire le plus
les analystes de discours) selon la définition
de Genette, elle permet d’identifier « toute
relation unissant un texte B (que j’appellerai
hypertexte à un texte antérieur A (que
j’appellerai bien sûr hypotexte), sur lequel il
se greffe d’une manière qui n’est pas celle
du commentaire». Elle s’intéresse au mode
de production du texte.
 — la relation d’un texte B à un texte A peut
être une relation de transformation directe
(ou simple).
 — la relation d’un texte B à un texte A peut
encore être une relation de transformation
indirecte (ou d’imitation).
 Maingueneau (1991) suggère une lecture des
catégories définies par Genette afin
d’étendre leur champ d’application à des
productions discursives autres que
littéraires.
 Maingueneau substitue le terme de
réinvestissement à celui de transformation.
 La pratique hypertextuelle vise donc dans le
domaine de l’analyse du discours « moins à
modifier qu’à exploiter dans un sens
destructif ou légitimant le capital d’autorité
attaché à certains textes » (1991, p. 155).
 A cet égard, Maingueneau distingue deux
caractéristiques de l’opération discursive de
réinvestissement : la captation et la
subversion
La captation La subversion

-Attitude positive à l’égard -Attitude négative à l’égard


du discours repris du discours repris
-- réitération par la -- « disqualification de cette
conformité sérieuse à des structure dans le
modèles pour la légitimité mouvement même de son
qu’ils confèrent au discours imitation »
-- le nouveau discours -Vise à discréditer le
actualise la légitimité du discours originaire
discours repris -- qui feint le sérieux
jusqu’à la caricature
-=> acte de révérence -=> attitude de dissidence
LA POLYPHONIE
 Bakhtine a élaboré le concept de polyphonie
dont le principe est une contestation de
l’unicité du sujet parlant.
 Ducrot va étendre les recherches de Bakhtine
sur la littérature à la linguistique.
 Il propose une théorie polyphonique de
l’énonciation.
 Cette théorie a pour objet de montrer
comment un énoncé signale la présence de
plusieurs voix superposées
 Ducrot définit l’activité énonciative comme
résultant de plusieurs « voix » qui viennent
s’exprimer dans tout discours.
 Poly (pluralité), phonie (voix)
 Le point de départ consiste pour Ducrot à
distinguer entre sujet parlant, locuteur et
énonciateur :
 le sujet parlant est l’être empirique de chair
et d’os, « un élément de l’expérience »
 le locuteur : « être de discours »,
«responsable du sens de l’énoncé [ . . . ] à
qui réfèrent le pronom je et les autres
marques de la première personne »
 l’énonciateur enfin est de « ces êtres qui
sont censés s’exprimer à travers
l’énonciation sans que pour autant on leur
attribue des mots précis ».
 « Je dirai que l’énonciateur est au locuteur
ce que le personnage est à l’auteur. . . Le
locuteur, responsable de l’énoncé donne
existence au moyen de celui-ci à des
énonciateurs dont il organise le point de vue
et les attitudes» (ibid., p. 205)
 «Le correspondant du locuteur c’est le
narrateur que Genette oppose à l’auteur, de
la même façon que j’oppose le locuteur au
sujet parlant empirique (…). L’auteur
imagine ou invente les événements, le
narrateur les rapporte » (ibid., p. 207).
LES LIEUX D’INSCRIPTION DE LA
POLYPHONIE
 Polyphonie et négation
 C’est dans l’étude de la négation que Ducrot
donne la meilleure illustration de la
polyphonie énonciative
 Ducrot explique dans son ouvrage Le dire et
le dit que tout énoncé négatif d’un locuteur
1 suppose un énoncé ou une pensée inverse
d’un locuteur 2
 Produire un énoncé négatif, c’est alors
présenter ou imaginer un point de vue
opposé au sien, et se situer par rapport à ce
point de vue.
 Ducrot (1984, p. 217) distingue trois formes
de la négation
 la négation métalinguistique : elle contredit
un énoncé effectivement prononcé et annule
les présupposés de l’énoncé positif
correspondant.
 Plus spécifiquement, elle tend à inverser «
l’effet abaissant » habituellement attaché à
la négation, en produisant un « effet majorant
» et, dans bien des cas, une valeur de
rectification :
 Li : Pierre est intelligent (énoncé prononcé).
 L2 : Pierre n’est pas intelligent, il est génial
(effet majorant) ;
 la négation polémique : contrairement à la
précédente, cette forme de négation ne
porte pas sur un énoncé effectivement
prononcé et ne contredit pas non plus les
présupposés de l’énoncé positif
correspondant. Elle a pour particularité de
produire un « effet abaissant » auquel se
reconnaît une valeur de réfutation:
 L : Pierre n’est pas intelligent (il est idiot).
 La théorie polyphonique suppose que le
locuteur (L) met en scène deux énonciateurs
distincts :
 a) L’énonciateur E2, à qui L s’identifie, qui
affirme Pierre n’est pas intelligent, lequel
E2 s’oppose ouvertement à
 b) Un énonciateur El, avec lequel E2 prend
ses distances, ayant affirmé :
 Pierre est intelligent;
 la négation descriptive : dans cette troisième
forme’, le locuteur (L) ne met pas en scène
deux énonciateurs (l’un auquel il s’identifie,
l’autre dont il se distancie), mais attribue,
ici à Pierre, la pseudo-propriété qui
justifierait la proposition du locuteur dans la
négation polémique correspondante.
 D’autres usages de la négation, notamment
liés au fonctionnement discursif de certains
morphèmes (« ne. . . que », « ne. . . rien »,
etc.) peuvent être appréhendés dans la
même perspective. C’est le cas de certaines
façons de contredire particulièrement
prisées par les moralistes, puisque ces usages
s’appliquent à la récusation des évidences de
l’opinion commune (la doxa) :
 « La réconciliation avec nos ennemis n’est
qu’un désir de rendre notre condition
meilleure, une lassitude de la guerre, et une
crainte de quelque mauvais événement » La
Rochefoucauld, Maximes, n° 82.
 Polyphonie et ironie
 L’ironie est définie comme une forme
d’antiphrase
 Un énoncé ironique peut s’analyser comme
suit : le locuteur énonce A alors qu’il pense
non A.
 En prenant appui sur les travaux de A.
Berrendoner (1981), 0. Ducrot affine
l’analyse du phénomène de l’ironie à partir
de l’hypothèse polyphonique.
 Ducrot explique que dans l’ironie, le locuteur
L présente son énonciation comme le point
de vue d’un énonciateur E dont il se
distancie.
 Cela veut dire que l’énoncé ironique fait
entendre une autre voix que celle du
locuteur, voix que le locuteur présente
comme illogique, incohérente ou ridicule, et
donc disqualifiée.
 « c’est du propre ! » à propos d’une fausse
facture
 « quelle belle réussite » devant un échec

 Des énoncés présentés comme décalés et


incohérents par rapport à la réalité de la
situation
POLYPHONIE ET PRÉSUPPOSÉ
 Soit l’exemple : Pierre a cessé de fumer,
 deux explications permettent de rendre
compte de sa structure présuppositionnelle.
 Selon la théorie standard (O. Ducrot, 1972),
en énonçant ceci, le locuteur L accomplit en
réalité deux actes de parole :
 — un acte de présupposition, qui véhicule le
présupposé:
 Pierre fumait autrefois;
 — un acte d’assertion, qui dégage le posé :
 Pierre ne fume pas maintenant.
 Dans le cadre de la conception polyphonique
du sens, Ducrot avance que ce même énoncé
met en scène deux énonciateurs distincts :
 Un énonciateur E1, responsable du contenu
présupposé (assimilé à une voix collective
qui inclut également le locuteur L qui a
effectivement proféré l’énoncé),
 Un énonciateur E2 responsable du contenu
posé ( auquel en la circonstance le locuteur L
s’identifie)
 Dans cette optique, le contenu présupposé
serait en quelque sorte obtenu par
dérivation. La voix collective, symbolisée par
un « on » impersonnel, représente l’opinion
commune, le savoir partagé d’une
collectivité donnée à un moment donné.
 Pour Ducrot, l’acte de présupposition est
alors accompli « d’une façon dérivée, dans la
mesure où il faut entendre une voix
collective dénonçant les erreurs passées de
Pierre » (ibid.)
 Or, en énonçant : Pierre a cessé de fumer, le
locuteur se distancie de cette autorité
anonyme (dont il a lui même participé) pour
poser que Pierre ne fume pas maintenant.
 L’interprétation polyphonique de la structure
présuppositionnelle du langage met au
centre des préoccupations de l’analyse du
discours la recherche sur les relations entre
discours et arrière-plan doxique des textes.
L’ALTÉRITÉ DÉCLARÉE

 Toute forme de discours rapporté constitue


une énonciation sur une énonciation; il y a
mise en relation de deux événements
énonciatifs : une énonciation citante et une
énonciation citée.
 La modalisation en discours second
 Il s’agit pour un locuteur d’affirmer quelque
chose en signalant à l’aide d’un marqueur
spécialisé qu’il exprime un autre point de
vue que le sien.
 C’est un moyen qui permet au locuteur
d’indiquer qu’il n’est pas le responsable d’un
énoncé.
 1.Pour Claude Leclerc, la création d’un plan
d’épargne-retraite tombe à pic pour
résoudre la crise démographique qui va
s’ouvrir en 2005-2007.
 (Le Monde, 4mars 1997)
 2. La Cour des comptes vient d’achever une
enquête sur le conseil général des Mines qui,
dit-on, serait plutôt critique.
 (Libération, 20 janvier 1997)
 3. Pour Jacques Chirac, le gouvernement a «
rempli son contrat » sur les quatre missions :
l’emploi, la sécurité, la croissance et les
réformes. La priorité est maintenant de «
dire aux Français que l »action (doit) se
poursuivre, car le temps perdu ne se rattrape
pas ».
 (Métro, 27 juin 2006)
 Les modalisateurs
 La modalisation se fait à l’aide des
modalisateurs.
 C’est un moyen permettant de renvoyer au
discours d’un autre
 Les modalisateurs permettent à
l’énonciateur dans le fil de son discours de
commenter sa propre parole.
 Peut-être, manifestement, probablement,
heureusement, semble-t-il, en quelque
sorte…
 Car cette étiquette, « philosophe », est
devenue, avec raison, une marque de
suspicion, précisément parce qu’elle est
devenue- à vide en quelque sorte – une
marque de légitimité ou plutôt une marque
de fabrique!
 (Libération, 16 octobre 2015)
 Le discours direct
 Le discours direct ne se contente pas de
dégager la responsabilité de l’énonciateur, il
prétend restituer les paroles citées.
 Il se caractérise par le fait qu’on y dissocie
nettement les deux situations d’énonciation,
celle du discours citant et celle du discours
cité.
 Il y a quelques jours, en fin d’après-midi, la
chambre d’agriculture de Beauvais reçoit un
appel téléphonique. Au bout du fil, la voix
d’un jeune enfant paraissant affolé. Entre
des sanglots, il exprime avec ses mots la
gravité de la situation : « Maman bobo,
maman dort en haut… » Il est 18h30 (…)
 Le Courrier picard, 7 décembre 1993)
 La fidélité du discours direct
 On présente parfois la citation au discours
direct comme la restitution fidèle des
paroles exactes de l’énonciateur cité.
 Or, le discours n’est pas tenue de rapporter
des paroles effectivement dites; il peut
s’agir d’une énonciation rêvée, future,
prescrite, etc.
 J’aurais aimé pouvoir dire :
 Connais-tu quelqu’un qui puisse dire
 Quand tu le verras, dis-lui

 Dans de tels exemples la question de la


fidélité à l’original est dépourvue de sens
 Même si le discours direct rapporte des
paroles qui sont censées avoir été dites, il ne
peut s’agir que d’une mise en scène qui vise
à authentifier, d’une sorte d’imitation.
 Le discours direct ne peut être objectif,
quelle que soit sa fidélité, il n’est jamais
qu’un fragment de texte dominé par
l’énonciateur du discours citant, qui dispose
de multiples moyens pour lui donner un
éclairage personnel.
 Les raisons du choix du discours direct
comme mode de discours rapporté
 Faire authentique, en montrant qu’on
rapporte les paroles mêmes;
 Mettre à distance : soit qu’il n’adhère pas
aux propos cités, soit qu’il marque par là son
adhésion respectueuse, la dénivellation
entre des paroles prestigieuses, intangibles
et les siennes propres (citation d’autorité)
 Se montrer objectif, sérieux
 Mais c’est en fait l’examen du contexte de
chaque énoncé qui permet d’analyser ce qui
amène à recourir au discours direct.
 introduction du discours direct
 Le discours citant, qu’il soit oral ou écrit,
doit satisfaire deux exigences à l’égard de
son lecteur :
 - indiquer qu’il y a eu acte de parole ;
 - marquer ses frontières avec le discours
cité.
 A l’écrit, la seconde exigence peut être
satisfaite par divers moyens :
 deux-points, tiret, guillemets, italique
délimitent la parole citée.
 La première exigence est le plus souvent
satisfaite par :
 - des verbes dont le signifié indique qu’il y
a énonciation
 Placés avant le discours direct :
 Comme en écho, l’ailier Jonny May, 92 kg de
chagrin en ce soir de défaite, confirmait :« Il
reste encore beaucoup de rugby passionnant
à regarder. Ce sera un grand tournoi !. »
 (Le Monde 6 octobre 2015, p. 15)
 Placés en incise à l’intérieur du discours
cité:
 « Ce n’est pas la fin du monde, commente un
fan. On va boire une dernière pinte, se
coucher, et ça ira mieux demain ».
 (Le Monde 6 octobre 2015, p. 15)
 Ou à la fin:
 « Ma femme est née en Cisjordanie »,
raconte Adel Samara, un économiste d’une
cinquantaine d’années.
 (Le Monde, 3 septembre 2006, p. 4.)
 Une des singularités de ces verbes
introducteurs est que nombre d’entre eux ne
désignent pas vraiment un acte de parole. Ils
n’ont même pas besoin d’être transitifs.
Peuvent ainsi servir d’introducteurs de
discours direct des verbes ou locutions
verbales comme « accuser» « tempêter », «
condamner », « s’étonner », s’indigner », «
perdre son sang froid », « s’égarer », « être
furieux , etc.
 « Chaque partie peut se prévaloir de
quelques victoires » analyse Amat AI-Sowsa,
une ancienne ministre des droits de
l’homme. « Cela reste la meilleure coupe du
monde jamais organisée »
 (Le Monde, 17-12-2O15, p. 2)
 Pourtant, « analyser » n’est pas un verbe de
parole. C’est le fait d’être suivi de discours
direct qui le convertit rétrospectivement en
introducteur de discours rapporté.
 Des groupes prépositionnels
 Comme dans la modalisation en discours
second, ils signalent un changement de point
de vue (à en croire X, selon X, pour X,
d’après X..).
 Souvent les introducteurs de discours direct
ne sont pas neutres, ils apportent un
éclairage subjectif. Le verbe introducteur
donne en effet un cadre à l’interprétation du
discours cité.
 Si un verbe comme « dire » ou une
préposition comme « selon » peuvent
sembler neutres, ce n’est pas le cas
d’ « avouer », par exemple, qui implique que
la parole rapportée constitue une faute.
Observons ces deux fragments :
 « Mais nous voulons accompagner nos clients
de l’audiovisuel et des télécommunications
dans la révolution numérique », a-t-il
proclamé hier en présentant sa stratégie.
 « Nos charges de gestion progressent moins
vite que le chiffre d’affaires », insiste
Jérôme Cazes, directeur général.
 (La Tribune, 22 septembre 2006, p. 19 e p.
23.)
 Les verbes en incise « proclamer » et «
insister» présentent les deux citations
comme surassertées, mises en relief par
leurs locuteurs ; mais il est impossible de
savoir si ce n’est pas le journaliste qui leur
donne ainsi du poids pour justifier le fait qu'il
les cite.
 Mais il arrive aussi qu’il n’y ait pas de verbe ou de
groupe introducteur du discours direct. Ainsi dans
cet article qui dresse le portrait de quelques
directrices d’entreprise performantes la seule
marque de discours direct est typographique (les
deux points et les guillemets) :
 Le choix de l’Ariège n’est pas dû au hasard : « Si
nous étions restés à Paris, le loyer et les salaires
auraient été nettement plus élevés. Et ici, à
Varilhès, nous ne sommes pas une entreprise
anonyme : on est reçu plus facilement par le
préfet ! »
 (L’Entreprise, n° 133, novembre 1996, p. 16.)
 Cette citation abrupte est placée dans un
article très court.
 Le choix de faire court et de ne pas
introduire le discours direct semble en
harmonie avec l’ethos combatif, efficace de
la personne dont on dresse le portrait, un
ethos partagé par le magazine L’Entreprise,
qui exhibe son souci d’aller à l’essentiel, de
ménager le temps précieux d’un lecteur dont
on suppose qu’il est lui aussi pressé.
 Il peut y avoir d’autres raisons de supprimer les
introducteurs.
 Ainsi dans ce reportage (intitulé « Pleudihen, le
retour à la maison », consacré à Christophe Auguin,
le vainqueur de la course transatlantique de voile le
Vendée-Globe en 1997:
 Voilà cinq ans maintenant que Christophe et
Véronique se sont installés dans ce coin de
Bretagne.
 « On en avait assez de Paris! On voulait la
campagne à proximité de la mer sans être toutefois
trop loin, en temps, de ¡a capitale. »
 (L’Équipe, 17 février 1997, p. 19.)
 Ici l’absence d’introducteur de discours
direct autre que typographique semble liée
au fait que l’ensemble de l’article décrit la
vie de Véronique a travers le point de vue de
cette dernière ; tout naturellement, les
passages entre guillemets lui sont attribués,
sans qu’il y ait besoin de préciser à chaque
fois qui est à la source des propos rapportés.
LE DISCOURS INDIRECT

 On prétend souvent qu’on peut passer


mécaniquement du discours direct au
discours indirect (DI):
 Paul a dit : « Il pleut » (DD) » Paul a dit qu’il
pleuvait (DI)
 Mais il s’agit plutôt d’une forme
indépendante du discours direct
 Discours direct et discours indirect sont
 deux modes de citation indépendants l’un de
l’autre, qui fonctionnent selon des régimes
énonciatifs disjoints.
 Avec le discours indirect il y a une infinité de
manières pour l’énonciateur citant de
traduire les propos cités, car ce ne sont pas
les mots mêmes qui sont rapportés mais le
contenu :
 L’LTEFA a indiqué, hier, qu’elle tiendrait une
conférence de presse jeudi à 18 h à Nyon
(Suisse) pour évoquer la crise actuelle que
traverse la Fifa.
 (Direct Matin, 13 octobre 2015, p. 21)
 Les propos rapportés au discours indirect se
présentent sous la forme d’une subordonnée
complétive objet direct introduite par un
verbe de parole (« a indiqué que... »).
 A la différence de ce qui se passe au discours
direct, c’est le sens du verbe ( indiquer » qui
montre qu’il y a ici discours rapporté et non
une simple subordonnée complétive objet.
En effet, d’un point de vue syntaxique rien
ne distingue « Paul dit qu’il pleut » (discours
rapporté) et « Paul sait qu’il pleut » (pas de
discours rapporté).
 Le DI peut également se présenter sous
forme de proposition infinitive complément
du verbe introducteur, comme dans cet
exemple où « ne voir... » pourrait être
remplacé par « qu’il ne voit... » :
 II finit par affirmer ne voir aucune idéologie
de remplacement à celles que les naufrages
du xx siècle ont englouties.
 (Le Monde, 8 octobre 20 1 5, p. 15)
 Comme pour le discours direct, le choix du
verbe introducteur est souvent lourd de sens
car il conditionne l’interprétation en donnant
un certain statut au discours cité. C’est le
cas dans cet énoncé au discours indirect
introduit par le verbe « reconnaître », qui
implique une faute de la pari de
l’énonciateur du discours cité:
 Le constructeur a d’ailleurs reconnu que les
instruments VOR sur A320 n’étaient pas aux
normes internationales.
 (Libération 20 janvier 1997, p. 15.)
 Au discours indirect, on n’a plus qu’une seule
situation d’énonciation; les personnes et les
indicateurs spatio-temporels du discours cité
sont en effet repérés par rapport à la
situation d’énonciation du discours citant.
Ainsi dans la phrase:
 Il y a trois jours Paul a dit que tu viendrais
demain.
 Le « tu » est le coénonciateur du discours
citant, et « demain » réfère au jour
postérieur à l’énonciation citante (Paul n’a
pas pu dire demain *). Quant au verbe «
viendrais » il correspondrait au discours
direct à « viendra » ; c’est une manifestation
de ce qu’on appelle traditionnellement la
concordance des temps, par laquelle une
citation au discours indirect perd son
autonomie énonciative, devient dépendante
du verbe introducteur.
 Au-delà des embrayeurs, ce sont les
désignations et les évaluations qui
deviennent celles du discours citant. Dans
une phrase comme « Paul m’a dit que cet
imbécile de Jules était arrivé », en principe
la responsabilité de l’appréciation « cet
imbécile » est attribuée au rapporteur, non à
Paul, mais ce dernier peut fort bien la
partager.
 Formes hybrides
 Les îlots textuels
 Le président français a affirmé que cela
pourrait avoir « des conséquences sur la vie »
des soldats français.
 (Le Monde, 13 septembre 2006, p. 5)
 L’énonciateur citant a isolé avec l’italique et
les guillemets un fragment que tout à la fois
il utilise et mentionne, emploie et cite. On a
donc une forme quelque peu hybride: même
s’il s’agit globalement de discours indirect,
ce dernier contient quelques mots attribués
à l’énonciateurs cité. Le fragment ainsi
attribué à l’énonciateur du discours cité
reçoit habituellement le nom d’îlot textuel.
 Dans ce type de discours rapporté l’îlot est
parfaitement intégré à la syntaxe : c’est
uniquement la typographie qui permet de
voir qu’il n’est pas pris en charge par le
rapporteur
 Le discours direct avec « que
 Bien que cela ne soit pas du tout conforme à
la norme, on trouve du discours direct après
des introducteurs de discours indirect
 ( Verbe + ( que »). On voit qu’il s’agit de
discours direct parce que les embrayeurs
sont repérés par rapport au discours cité,
comme il est de règle au discours direct.
 L’ancien président Bill Clinton a estimé que «
sur le plan militaire nous pouvons battre
Saddam Hussein facilement et rapidement ».
(Le Monde, 14 février 2003, p. 2)
 Dans cet exemple un fragment entre
guillemets qui présente les caractéristiques
du discours direct suit « que ». Les
embrayeurs sont ceux du discours cité. Le
rapporteur s’est contenté de placer «
raconte que » devant le fragment cité, sans
le modifier.
 Le discours indirect libre
 Cette volonté de satisfaire deux exigences a
la fois, on la retrouve dans le discours
indirect libre (DIL), dont l’usage est
néanmoins beaucoup plus rare dans la presse
que dans le roman.
 Le discours indirect libre est le type
d’hybridation le plus classique, répertorié
depuis longtemps par les grammairiens. Il est
sensé combiner les moyens propres au
discours direct et au discours indirect.
 Le discours indirect libre est le type d’hybridation le
plus classique, répertorié depuis longtemps par les
grammairiens. Il est sensé combiner les moyens
propres au discours direct et au discours indirect. A la
différence des ¡lots textuels ou du discours direct avec
« que », ¡l n’a pas de marques propres et, hors
contexte, ne peut pas être ¡dentifié comme tel. La
polyphonie du discours indirect libre n’est pas celle de
deux voix nettement distinguées (cas du discours
direct), ni l’absorption d’une voix dans l’autre (cas du
discours indirect), mais un mélange étroit de deux
voix, une polyphonie au sens musical : dans un
fragment au discours indirect libre on ne peut pas dire
exactement quels mots appartiennent à l’énonciateur
cité et quels mots à l’énonciateur citant.
 Norbert Maury est « prêté » par l’usine de Mamers
à celle d’Alençon. « Chez nous, il n’y a plus de
travail, raconte-t-il, alors c’est mieux que de
chômer. » « J’aimerais bien rester là-bas,
confesse-t-il, car au moins je garderais mon
ancienneté et mon salaire. »
 Nadine, elle, attend de voir ce qu’on lui propose
sur Mamers avant de tirer des plans sur la comète.
Alençon, elle connait déjà puisque c’est là qu’elle
a commencé il y a 31 ans. . . Autour de la table,
les deux filles, 20 ans et 11 ans, révisent leurs
leçons en écoutant la triste histoire de Moulinex.
 (Le Parisien, 21février 1997, p. 6).
 Il ne s’agit pas de discours direct, puisqu’il
n’y a pas de guillemets et qu’on a une
troisième personne (« elle ») ; ce n’est pas
non plus du discours indirect, en l’absence
de verbe suivi d’une complétive.

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