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II- DU TEXTE AU DISCOURS

A) La notion de texte

Du latin textus (tissu), le texte est étymologiquement un tissu de mots. Un texte est un
ensemble cohérent d’énoncés, lesquels peuvent être soit écrits soit oraux. Il s’agit d’une
composition de signes sous le code d’un système, formant une unité de sens.

Le texte a une intention communicative : au moyen de des signes, il a pour but de


transmettre un message donné tout en le pourvoyant de sens en fonction du contexte.
L’extension du texte est assez variable, de quelques mots à peine à des millions d’entre eux.
En effet, un texte est virtuellement infini.

Outre le concept basique (le texte en tant qu’unité de sens), le terme permet de désigner
des choses assez différentes les unes des autres. En ce sens, un livre complet, une phrase d’un
journal, d’un magazine, un forum sur Internet et une conversation dans un café constituent des
textes.

À certaines occasions, la notion de texte est employée pour faire allusion au corps d’un
ouvrage (un livre) contrairement aux phrases détachées. Le texte n’est donc que le corps
principal d’un livre, hormis la couverture, la table des matières, les annexes, etc.

Parmi les caractéristiques d’un texte, il y a lieu de mentionner la cohérence (les


différentes idées qu’il présente doivent contribuer à la création d’une idée générale), la
cohésion (toutes les séquences de sens doivent avoir un rapport entre elles) et l’adéquation (il
doit être en mesure de bien cibler son lecteur idéal).

Les textes, par ailleurs, maintiennent une relation avec d’autres textes pour se pourvoir de
sens. Autrement dit, un texte est toujours interprété selon un cadre de référence.

Au sujet du texte littéraire, Georges Molinié écrit : « Un texte obéit, d’une façon ou
d’une autre, à un ensemble de liages, formels ou thématiques, qui en assurent la cohésion.
C’est la solidité de ces liages, leur densité, leur massivité et leur abondance qui imposent à la
lecture la reconnaissance, l’identification de la structuration textuelle. La cohésion, qui définit
le texte, dans sa matérialité linguistique, s’appuie aussi sur toute une série de relais,
d’anaphores, de reprises ou d’anticipations de nature diverse : lexicale, syntaxique,
énonciative, narrative, actantielle (relative à tel ou tel rôle de personnages), idéelle (tel ou tel
sujet ou objet), imagée. » (La Stylistique, PUF, 1993, p.52) Il définit également le texte
littéraire par rapport à son régime de littérarité.

Le texte est une réalité sociale, et ce pour plus d’une raison. D’abord, le texte est un
objet de communication. Ce n’est que dans et à travers la lecture que le texte signe son acte
d’existence, sinon il resterait lettre morte ou complètement méconnu. Ensuite parce qu’il est
composé en une langue, toute langue étant la matérialisation d’une culture. Par ailleurs, J-P
Sartre souligne que tout texte publié est de fait un acte social, du moment où il « engage ».
Ecrire revient à poser un acte public dans lequel l’écrivain engage toute sa responsabilité.

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Le texte est subordonné à une vision du monde (concept clé de L. Goldman). Par cette
notion, on entend un ensemble de façons de penser, de percevoir et d’agir (ou réagir),
communs à une communauté sociale, qui structurent l’imaginaire de ce groupe. Ces façons de
faire peuvent être inconscientes, mais les productions littéraires et artistiques émanent de cet
imaginaire.

B) La notion de discours

De son étymologie latine discursus qui a signifié action de parcourir en tout sens avant
de prendre la valeur de conversation, entretien, le terme discours est d’une polysémie avérée.
De l’aveu même des spécialistes, la notion semble bien difficile à cerner. Dominique
Maingueneau, dans son Discours littéraire, souligne cette difficulté en ces termes :

La notion de discours est cependant difficile à manier. Elle joue en quelque sorte sur
deux tableaux. D’une part, elle possède certaines valeurs classiques en linguistique, d’autre
part, elle est susceptible d’un usage peu contrôlé, comme mot clé d’une certaine conception
de la langue.

Une acception plus générale assignerait au discours tantôt le sens d’un exposé suivi, écrit
ou oral, tantôt une manière d’exprimer sa pensée. Son champ sémantique est tellement vaste
qu’il peut prêter à confusion. Les multiples expressions auxquelles il donne lieu en français
l’attestent : parties du discours, analyse du discours, discours familier, discours fleuri,
discours oral, discours écrit, prononcer, composer, acclamer un discours, etc.

Dans la perspective de l’École française d’analyse du discours, Maingueneau définit le


discours comme une dispersion de textes que leur mode d’inscription historique permet de
définir comme un espace de régularités énonciatives (Genèses du discours, Bruxelles, Pierre
Mardaga, 2e éd., 1984, p. 5).

L’une des ambiguïtés de la notion de discours vient de ce qu’elle intervient dans plusieurs
secteurs de l’activité humaine, en même temps qu’elle peut engendrer d’autres confusions
relatives au type ou au genre (de discours). G-E. Sarfati (Éléments d’analyse du discours,
Paris, Nathan Université, 1997, p. 79) en fait la lumière en ces termes :

Les types de discours se recrutent dans les différents domaines de l’activité


sociohistorique et culturelle : discours littéraire, discours politique, discours scientifique,
discours religieux, discours juridique, discours journalistique etc. ;

Les genres de discours se répartissent, quant à eux en fonction des types de discours.
L’article, la loi, le plaidoyer sont les genres du type discursif juridique ; le fait divers, le
reportage, l’éditorial, la brève, des genres du type discursif journalistique […].

Dans ses travaux ultérieurs, Dominique Maingueneau (Genèses du discours, Bruxelles,


Pierre Mardaga, 2e éd., 1984, p. 5) revisite sa position et en propose une aperception plus
vaste et plus enrichie de la notion de discours, qu’il considère comme solidaire de la
pragmatique (partie de la grammaire, qui s’intéresse non pas à la description de la langue,

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mais à ses usages. Autrement dit, la pragmatique est l’étude de la parole en actes.). Aussi
énumère-t-il diverses oppositions auxquelles elle donne lieu en linguistique :

- le discours peut désigner une unité linguistique constituée d’une succession de phrases ;

- il peut s’opposer à la langue ;

- il est proche du terme énonciation (chez Benveniste) ;

- il suppose une organisation transphrastique ;

- il est une forme d’action ;

- il est interactif, orienté, contextualisé, pris en charge, régi par des normes ;

- il est enfin pris dans un interdiscours.

La conception d’Emile Benveniste est la suivante :

Il faut entendre discours dans sa plus large extension : toute énonciation supposant un
locuteur et un auditeur, et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque
manière.

C’est d’abord la diversité des discours oraux de toute nature et de tout niveau de la
conversation la plus triviale à la harangue la plus ornée. Mais c’est aussi la masse des écrits
qui reproduisent des discours oraux ou qui en empruntent le tour et les fins :
correspondances, mémoires, théâtre, ouvrages didactiques, bref tous les genres où quelqu’un
s’adresse à quelqu’un, s’énonce comme locuteur et organise ce qu’il dit dans la catégorie de
la personne (Problèmes de linguistique générale, T2, Paris, Gallimard, 1966, p. 241).

La grammaire de texte qui étudie la cohérence des énoncés a pour objet le discours
considéré comme une unité totalisante. La naissance d’une linguistique de l’énonciation a
apporté un souffle nouveau dans la façon d’aborder le discours. En effet, avec la prise en
compte des conditions de production, le discours était désormais défini comme toute
production (verbale et non verbale) d'énoncés accompagnés de leurs circonstances de
production et d'interprétation.

De tout ce qui précède, on peut retenir que la notion de discours n'est donc pas stable. Ce
terme englobe à la fois plusieurs acceptions et une variabilité de discours qui empêchent toute
tentative d’harmonisation des points de vue autour d’une définition unique qui serait
acceptable pour tous les chercheurs. Cette diversité trouve son explication dans le fait que la
linguistique du discours désigne non pas une discipline qui aurait un objet bien circonscrit,
mais plusieurs approches entretenant d’une certaine manière quelques liens spécifiques.

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