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I) DELIMITATION DU DOMAINE
Ayant circonscrit le domaine de la linguistique comme étude de la langue, F. De Saussure
établit la célèbre dichotomie fondatrice langue/parole.
La langue est une réalité sociale et la parole une réalité individuelle. En outre, « la langue n’est
pas une fonction du sujet parlant, elle est un produit que l’individu enregistre passivement […]
la parole est au contraire un acte individuel de volonté et d’intelligence ». (CLG, 1969, p30).
« La langue existe dans la collectivité … comme un dictionnaire dont tous les exemplaires,
identiques, seraient répartis entre les individus ». (CLG, 1969, p38)
On pourrait établir que l’opposition langue/parole a fini par devenir l’opposition entre un code
homogène, un système de règles universelles et une liberté, une spontanéité qui échappent
à la règle.
C’est dans le cadre du cercle de Moscou (1915) et de la société d’étude du langage poétique
de Pétersbourg (1916) que les formalistes russes développent une vaste recherche sur les
structures narratives de la littérature orale et écrite. En mettant le principe d’immanence au
centre de leur étude de textes, leurs travaux ont permis de développer une logique des
enchaînements transphrastiques, dans le domaine du conte folklorique en particulier. (Des
jeunes linguistes soviétiques, dans les années 1910-1920, ont jeté les fondements et entrepris
les premières analyses concrètes dans le domaine de l’analyse structurale des formes
littéraires. Citons les noms de V. Propp, R. Jackobson, B.V Tomachevski).
C’est dans les années 50 que s’exercent des actions plus décisives sur la constitution de
l’analyse du discours. Nous nous trouvons devant deux apports : l’extension des procédures
de la linguistique distributionnelle américaine à des énoncés qui dépassent le cadre de la
phrase (nommé discours) par Zellig S Harris en 1952, et les travaux de Roman Jackobson et
Emile Beneveniste sur l’énonciation.
Chez Harris, « il n’y a pas le choix entre deux objets, deux linguistiques : celle de la langue et
celle de la parole. La description formelle des données -grammaire ou structure- est un concept
qui permet l’étude des phénomènes linguistiques » (Leeman, Langages N°29, p 26). L’apport
de Harris consiste à définir le discours comme « un tout spécifique consistant en une séquence
de formes linguistiques disposées en phrases successives ».
Quant à A.J Greimas, il définit le discours comme « un tout de signification » qu’il convient
d’analyser sémantiquement ; l’effort de recherche porte sur le repérage et l’examen des
règles logico-sémantiques qui échappent au cadre formel de la phrase.
Le type de cohérence envisagé par les deux chercheurs désigne respectivement deux niveaux
d’analyse distincts : l’interphrastique et le transphrastique.
Interphrastique Transphrastique
Z. Harris A.J. Greimas
Description des régularités syntaxiques Description des régularités sémantiques
(Classe de distribution) (Isotopie du discours)
A l’inverse, Jackobson expose une théorie des fonctions du langage fondée sur une
schématisation du rapport émetteur (locuteur)/ récepteur (destinataire) ; et Benveniste qui
fléchit vers une réflexion fondamentale sur la subjectivité dans le langage. Les deux
chercheurs cherchent à dégager comment le sujet parlant s’inscrit dans les énoncés qu’il
émet. Autrement dit, « le locuteur s’approprie l’appareil formel de la langue et énonce sa
position de locuteur par des indices spécifiques ». (Langages, N°17, p14).