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On ne saurait attendre de ceux qui n’ont pas le droit de vote qu’ils continuent à payer des

impôts à un gouvernement qui ne leur rend aucun compte. On ne saurait attendre des
pauvres et des affamés qu’ils versent des loyers exorbitants au gouvernement et aux
autorités locales. Nous fournissons l’argent nécessaire à l’agriculture et à l’industrie. Nous
produisons le travail dans les mines d’or, de diamant et de charbon, nous travaillons dans les
fermes et les usines en échange de salaires de misère. Pourquoi devrions-nous continuer à
enrichir ceux qui volent le produit de notre sueur et de notre sang ? Ceux qui nous exploitent
et nous refusent le droit de nous organiser en syndicats ?...

J’ai été informé que je fais l’objet d’un mandat d’arrêt, que je suis recherché par la
police...Tout politicien sérieux sait bien que dans les circonstances actuelles qui règnent dans
ce pays, il serait naïf et criminel de ma part de rechercher un martyre "facile" en me rendant
à la police. Nous avons un programme important à exécuter sérieusement et sans plus
attendre.

C’est la voie que j’ai choisie; elle est plus difficile et comporte plus de dangers et d’épreuves
que la prison. J’ai dû me séparer de ma femme et de mes enfants que j’aime tant, de ma
mère et de mes sœurs, et vivre comme un hors-la-loi dans mon propre pays. J’ai dû cesser
mes affaires, renoncer à ma profession, et vivre dans la pauvreté et la misère, comme
nombre de mes compatriotes... Je mènerai à vos côtés une lutte incessante jusqu’à la
victoire contre le Gouvernement. Qu’est-ce que vous allez faire ? Vous joindrez-vous à notre
combat ou allez-vous coopérer avec un Gouvernement qui cherche à réprimer vos
revendications et à étouffer vos aspirations ? Ou allez-vous garder le silence et rester
neutres alors que pour mon peuple, pour notre peuple, c'est une question de vie ou de
mort ? En ce qui me concerne, j’ai fait mon choix. Je ne quitterai pas l’Afrique du Sud. Je ne
me rendrai pas. La liberté se gagne au prix des épreuves, du sacrifice et de l'action militante.
Le combat est ma vie. Je continuerai à me battre pour la liberté jusqu'à la fin de mes jours.

 Déclaration à la presse, "Le combat est ma vie"

26 juin 1961 

A proprement dire, l’égalité devant la loi, c’est le droit de participer à l’élaboration des lois
qui nous gouvernent, d’une constitution qui garantit les droits démocratiques de tous les
segments de la population, le droit de saisir la cour pour réclamer aide ou protection dans
les cas de violation des droits garantis par la Constitution, et le droit de participer à
l’administration de la justice en tant que juges, magistrats, procureurs, conseillers en droit,
et autres positions similaires.

En l’absence de ces garanties, l’expression "égalité devant la loi ", si elle est censée
s’appliquer à nous, n’a aucun sens et est trompeuse. Tous les droits et privilèges que j’ai
évoqués sont monopolisés par les blancs, et nous n’en avons aucun...

...Je ne me considère ni moralement ni légalement tenu d'obéir à ces lois promulguées par
un Parlement où je ne suis pas représenté.

La volonté du peuple est la base de l'autorité du gouvernement : c’est un principe


universellement reconnu et sacré dans l’ensemble du monde civilisé et qui constitue les
fondations mêmes de la liberté et de la justice. C’est pourquoi on peut bien comprendre que
les citoyens qui ont le droit de vote et le droit à une représentation directe dans les organes
gouvernementaux de leur pays sont tenus moralement et légalement de respecter les lois
qui régissent le pays.

Et c’est pourquoi on peut tout aussi bien comprendre que nous, en tant qu’Africains, ne
devons nous sentir tenus ni moralement ni légalement obligés d’obéir à des lois que nous
n’avons pas promulguées, et comprendre aussi qu'on ne peut pas s’attendre à ce que nous
fassions confiance aux tribunaux qui appliquent ces lois.

Je hais la pratique de discrimination raciale, et ce qui me soutient dans ma haine, c’est que la
très grande majorité de l’humanité la hait tout autant que moi. Je hais le fait qu’on inculque
systématiquement aux enfants des préjugés sur la couleur de la peau, et ce qui me soutient
dans cette haine, c’est que la très grande majorité de l’humanité, ici et ailleurs, est de mon
avis. Je hais l’arrogance raciale qui décrète que les bonnes choses de la vie relèveront du
droit exclusif d’une minorité de la population, et qui réduit la majorité de la population à une
position de servilité et d’infériorité, et à l’état de bétail sans droit de vote et contraint de
travailler là où la minorité dirigeante lui dit de travailler. Ce qui me soutient dans cette haine,
c’est que la très grande majorité de l’humanité, ici et ailleurs, est de mon avis.
Aucune des décisions que ce tribunal prendra à mon égard ne pourra changer cette haine,
qui ne disparaîtra qu’avec la disparition de l’injustice et de l’inhumanité que j’ai cherché à
éliminer de la vie politique et sociale de ce pays...

 Déclaration faite au tribunal de Pretoria

Afrique du Sud — 15 octobre – 7 novembre 1962

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