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Karima ZIAMARI
Introduction
L’énonciation demeure un domaine privilégié pour ceux qui cherchent à exploiter la
linguistique à des fins d’analyse du discours. Il revient à Benveniste le mérité d’avoir étudié
l’énonciation en lui donnant un sens assez précis (terme qu’il a repris à Charles Bally).
■ Enoncé : produit d’un processus que l’on appelle énonciation, résultat
■ Enonciation : production, processus
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forme sonore qui atteint un auditeur et qui suscite une autre énonciation en retour. (PLG2 :
81-82)
Toute énonciation est, explicite ou implicite, une allocution, elle postule un allocutaire.
(PLG2 : 82)
Le locuteur adresse un énoncé à un allocutaire (c’est à dire un destinataire) dans des
circonstances spatio-temporelles particulières (temps et lieu spécifique).
D’après D. Maingueneau, l’énonciation « constitue le pivot de la relation entre la langue et
le monde : elle permet de représenter certains faits dans l'énoncé, mais elle constitue elle-
même un fait, un événement unique défini dans le temps et l'espace. » (1996 : 57)
« L’énonciation ne doit pas être conçue comme l’appropriation par un individu du système
de la langue. Le sujet n’accède à l’énonciation qu’à travers les contraintes multiples des
genres de discours. - l’énonciation ne repose pas sur le seul énonciateur : c’est l’interaction
qui est première […]. - l’individu qui parle n’est pas nécessairement l’instance qui prend
en charge l’énonciation. »
Enoncé vs énonciation
« on définit l’énonciation comme l’acte individuel d’utilisation de la langue pour l’opposer
à l’énoncé, objet linguistique résultant de cette utilisation » (Mainguenau 1994 : )
Énoncé vs phrase
L’énoncé : visée communicative
Phrase : unité abstraite, hors situation
« est une structure hors-emploi qui correspond à une infinité d’énoncés en contexte »
(Charaudeau & Maingueneau 2002 : 222)
« J’entendrai par phrase une entité linguistique abstraite, purement théorique, en
l’occurrence un ensemble de mots combinés selon des règles de la syntaxe, ensemble pris hors
de toute situation de discours ; ce que produit le locuteur, ce qu’entend un auditeur, ce n’est
donc pas une phrase mais un énoncé particulier d’une phrase. » DUCROT, O., Le Dire et le
Dit, 1980. p. 7
Analyser une situation d’énonciation
Concrètement, l’énonciation repose sur les procédés linguistiques par lesquels un locuteur
imprime sa marque à l’énoncé :
o « la recherche des procédés linguistiques (shifters, modalisateurs, termes évaluatifs, etc.) par
lesquels le locuteur imprime sa marque à l’énoncé, s’inscrit dans le message (implicitement
ou explicitement) et se situe par rapport à lui (problème de la “distance énonciative”) »
(Catherine Kerbrat-Orecchioni, L’énonciation, p. 30-31).
Nous considérons comme faits énonciatifs les traces linguistiques de la présence du locuteur
au seins de si énoncés, les lieux d’inscription et les modalités d’existence de ce qu’avec
Benveniste nous appellerons « la subjectivité dans le langage » (Kerbrat-Orecchioni, 31)
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Localiser et circonscrire ces points d’ancrage les plus voyants de la subjectivité langagière
(32).
De la subjectivité dans le langage : l’ancrage dans le discours (via les lieux d’inscription)
Le langage « est marqué profondément par l’expression de la subjectivité qu’on se demande
si, autrement construit, il pourrait encore fonctionner s’appeler langage » (PLG1 : 261).
« c’est dans et par le langage que l’homme se constitue comme sujet, parce que le langage
seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l’être le concept d’ego » (259)
La subjectivité dont nous traitons ici est la capacité du locuteurs) se poser comme « sujet ».
(259).
« est égo celui qui dit « ego ». Nous trouvons là le fondement de la « subjectivité » qui se
détermine par le statut linguistique de la « personne » (260).
Les lieux d’inscription/les indices de l’énonciation
Comment se manifeste donc la subjectivité dans le langage chez les énonciativistes ?
« une série de termes qui permettent au locuteur à se définir comme sujet (sur le plan
philosophique et psychanalytique, …). Ces termes ont ceci de particulier ; ils ne prennent sens
qu’à l’occasions d’un acte particulier d’énonciation et qu’on a appelé embrayeurs : je, ici,
maintenant (ego, hic, nunc).
Les lieux d’inscription de la subjectivité dans le langage :
Je : (Indicateurs personnels, déictiques, embrayeurs personnels, instances énonciatives)
Ici (Embrayeurs spatiaux)
Maintenant (Embrayeurs temporels)
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Déictiques
Déixis est un mot emprunté au grec ancien, et signifie « l’action de montrer ». Ils permettent de
conférer un référent à un énoncé et s’observent clairement dans le fonctionnement des
démonstratifs.
Les déictiques s’opposent aux embrayeurs. ils sont des unités linguistiques qui renvoient
exclusivement à l'acte d'énonciation; ils sont ininterprétables hors contexte; entités vides qui se
remplissent dans chaque acte de discours.
Embrayeurs ou déictiques ?
A la différence de l’embrayage, le déictique ne se satisfait pas des seules indications fournies par
l’acte même de l’énonciation. Soit l’exemple suivant :
o Je veux cette voiture ;
o Interprétation : je est embrayeur et son référent est identifié complètement par
le fait que c’est moi qui énonce la phrase. Mais pour repérer la voiture que je
veux parmi celles qui sont exposées, il faut que je la montre, d’un geste, d’un
regard, etc (monstration : action de montrer).
Les déictiques sont principalement les démonstratifs (déterminants et pronoms), bien qu’ils
puissent aussi avoir un fonctionnement anaphorique. Il y a aussi les présentatifs (voici / voilà)
qui peuvent être aussi anaphoriques. (Maingueneau 1993, 1999).
L’embrayage consiste à inscrire un texte dans une sphère énonciative. Pour cela, le locuteur
dispose d’embrayeurs (personne, temps, espace) et de déictiques (principe de monstration).
L’embrayage et la déixis ne doit pas être confondu avec les non-déictiques: (R : référent, ME :
moment d’énonciation)
o Le lendemain de la fête, Paul s’est promené avec Marie
o (R # ME) [non déictique)
o Hier, Paul s’est promené avec Sophie
o (R = ME) [déictique]
Les embrayeurs personnels (je/tu-il ?)
« Il faut voir que la définition ordinaire des pronoms personnels comme contenant les trois termes
je/tu/il, y abolit justement la notion de « personne ». Celle-ci est propre seulement à je/tu, et fait
défaut à il » (Benveniste, PLG1 : 251).
« quelle est donc la « réalité » à laquelle se réfère je ou tu ? Uniquement une « réalité de
discours » qui est chose très singulière. Je ne peut être défini qu’en termes de « locution non en
termes d’objets, comme l’est un signe nominal. Je signifie « la personne qui énonce la présente
instance de discours contenant je ». […] je ne peut être identifié que par ‘instance du discours
qui le contient et par là seulement. (Benveniste, PLG1 : 251).
La forme je n’a d’existence linguistique que dans l’acte de parole qui la profère (Benveniste,
PLG1 : 251).
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Je est « l’individu qui énonce la présente instance de discours contenant l’instance je (Benveniste,
PLG1 : 252).
Une situation d’allocution : tu « l’individu allocuté dans la présente instance de discours
contenant l’instance linguistique tu » (Benveniste, PLG1 : 253).
Les embrayeurs personnels : je/tu
« le terme je dénotant l'individu qui profère énonciation, le terme tu, l'individu- qui y est présent
comme allocutaire. » (PLG 82)
L’acte de dire « je » donne directement le référent de « je », l’acte de dire « tu » à quelqu’un fait
automatiquement de lui l’interlocuteur de « je »
Indépendamment d’une situation particulière d’énonciation, il est impossibile de connaitre le
référent actuel de ces pronoms
on passe de la langue (en tant que système abstrait de distributions et d’oppositions) au discours.
o « Chat » : renvoie à la notion de chat en général, un ensemble de
caractéristiques sémantiques du style « mammifère, quatre pattes, etc. ».
« chat » est une référence virtuelle, qui ne devient vraiment actuelle que si
« chat » est inséré dans un énoncé (après une énonciation). (Maingueneau
1999)
Les pronoms je et tu fonctionnent autrement, puisque qu’ils n’ont aucune référence virtuelle : est
je celui qui dit je dans un énoncé déterminé, est tu celui à qui le je en question dit tu.
Personne vs non-personne
« dans l’ échange linguistique tout tu est un je en puissance et tout je un tu en puissance, les rôles
s’inversent indéfiniment dans le jeu du dialogue » (Maingueneau 1999: 14)
La non-personne1 : Si les personnes forment à elles deux la sphère de la locution, elles renvoient
aussi à un univers extérieur, celui de la non-personne : cette non-personne correspond aux SN et
à leurs substituts pronominaux, c’est à dire tous les objets dont parlent je et tu.
Nous/vous
On a tendance à considérer nous et vous comme plusieurs de je-tu. Selon Maingueneau, « je et
tu ne sont pas à nous et vous ce que cheval est à chevaux ou il à ils ; il ne s’agit pas tant de
pluriels que de « personnes amplifiées ». (1999 : 14)
o Nous peut désigner (je +d’autres) : (Maingueneau 1993 : 6)
o je + je (le « nous » des rois, le « nous » académique, par exemple)
o je + tu (dans « Nous (moi et toi) partirons »)
o je + il (« Nous partirons (moi et lui)»)
o Vous peut désigner (tu + d’autres) :
o tu + tu (« Vous partez (toi et toi)»)
o tu et il (« Vous partez (toi et lui)»)
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délocuté : ce terme désigne le non participant à la relation d’allocution.
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Les embrayeurs personnels
Il existe un rapport évident entre ces personnes et les déterminants possessifs et les pronoms
possessifs, qui contiennent en réalité un de ces embrayeurs :
o Déterminants possessifs : mon, ton, nos, vos + N = le N de moi, toi, nous,
vous
o Pronoms possessifs : le mien, le tien, le nôtre, le vôtre = le _ de moi, de toi,
de nous, de vous.
o la seconde série cumule la relation le N de moi/ toi/ nous/ vous et d’une reprise
anaphorique de N : le père de Louis est malade, le tien (le [N : père] de toi)
aussi.
Les embrayeurs temporels
Ils s’organisent par rapport au présent de l’énonciateur. (voir le cours sur les temps verbaux)
Peuvent coïncider avec le moment d’énonciation (présent),
Ils peuvent lui être antérieurs (passé) ou postérieurs (futur).
o Présent :
ce sont les éléments adverbiaux du type actuellement, maintenant,
ou les locutions de forme [Prép. + Dét. + N], en ce moment, à cette
heure, etc.
o Passé
ce sont les éléments adverbiaux : hier / avant (avant-) hier,
dernièrement, l’autre jour, récemment…,
et les éléments de forme [Le + N + dernier / passé], le mois / jour
dernier, le lundi / mardi/ etc. dernier.
o Futur
ce sont les éléments adverbiaux demain / après (après-) demain,
immédiatement, bientôt,
et les formes [Le + N + prochain / qui vient], le mois prochain, etc
Les embrayeurs spatiaux
Ils s’organisent par rapport à la position spatiale de l’énonciateur.
Le système des embrayeurs spatiaux est moins riche que celui des embrayeurs temporels.
Ce sont principalement des éléments adverbiaux : ici, là-bas, près, loin, en-haut, en-bas, à gauche,
à droite, etc.
Ce sont donc tous les éléments adverbiaux qui suppose l’existence d’un énonciateur, énonciateur
qui joue comme un point de référence.