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Département d’Histoire, Arts et Archéologie

Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de


Master en Histoire de l’art et archéologie, orientation générale
Finalité Pratique

Étude diachronique de l’iconographie du dieu aux bâtons


dans les Andes centrales

Steven DA MOTA DUARTE

Sous la direction de : Professeur Peter EECKHOUT (ULB)


Lecteur/trice.s : Professeur.e.s Sylvie PEPERSTRAETE (ULB), Christophe DELAERE (ULB)

Année académique 2019-2020


Résumé

Les recherches menées ces dernières décennies dans les Andes méridionales ont permis de

mettre en évidence l’existence d’une sphère d’interaction ayant développé son propre répertoire

iconographique. Celui-ci connut son apogée et son extension maximale pendant l’Horizon

moyen, notamment via la culture wari qui l’a diffusé à travers les Andes centrales. Le discours

concernant cette diffusion a lui-même changé en fonction des dernières publications sur le sujet

qui avancent une participation locale plus importante dans la production de céramique de

l’espace wari. Grâce à ces découvertes, la communauté scientifique a commencé à établir un

discours plus consistant sur les origines et le développement de ce répertoire, mais une étude

diachronique de cette iconographie manque toujours à l’appel. L’objectif de cette étude est donc

de proposer une réévaluation de l’évolution de cette iconographie à travers la figure principale

du dieu aux bâtons. Pour ce faire, les données les plus récentes sont incorporées et jointes à un

corpus de représentations rassemblées à partir de diverses collections. C’est ainsi que nous

allons mettre en évidence des changements importants de style en style avec, par exemple,

l’apparition et la disparition de certaines thématiques.

1
Déclaration Plagiat

Considérant que le plagiat est une faute inacceptable sur les plans juridique, éthique et
intellectuel ;
Conscient que tolérer le plagiat porterait atteinte à l’ensemble des corps étudiants, scientifiques
et académiques en minant la réputation de l’institution et en mettant en péril le maintien de
certaines approches pédagogiques ;
Notant que les étudiants sont sensibilisés aux questions d’intégrité intellectuelle dès leur
première année d’étude universitaire et que le site web des Bibliothèques de l’ULB indique
clairement comment éviter le plagiat :
https://bib.ulb.be/version-francaise/navigation/support/boite-a-outils/evitez-le-plagiat
Rappelant que le plagiat ne se limite pas à l’emprunt d’un texte dans son intégralité sans emploi
des guillemets ou sans mention de la référence bibliographique complète, mais se rapporte
également à l’emprunt de données brutes, de texte traduit librement, ou d’idées paraphrasées
sans que la référence complète ne soit clairement indiquée ;
Rappelant les articles 103 et 104 du Règlement Général des Etudes 2019-2020 :
https://www.ulb.be/medias/fichier/reglement-general-etudes-2019-2020_1565776134603-pdf;
Convenant qu’aucune justification, telle que des considérations médicales, l’absence
d’antécédents disciplinaires ou le niveau d’étude, ne peut constituer un facteur atténuant.
La Faculté de Philosophie et Sciences sociales rappelle que la sanction minimale pour un plagiat
avéré est l’attribution de la note de 0 pour l’ensemble du cours en question. Ce rappel ne présage
pas de la sanction finalement proposée au jury par le Doyen en fonction des détails relatifs au
cas de plagiat qui lui a été transmis.

Je, Steven da Mota Duarte, confirme avoir lu cette déclaration et certifie ne pas avoir commis
de plagiat pour ma recherche.
Fait à Bruxelles

Date : 13.07.2020

Signature de l’étudiant

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Remerciements

Avant toute chose, je tiens à exprimer mes plus sincères remerciements à mon directeur de

mémoire M. Peter Eeckhout qui a su se montrer conciliant et à l’écoute, malgré le fait que

pendant tout ce processus je n’ai pas été l’étudiant le plus assidu quant à ce dialogue à entretenir.

Il a su me placer sur la voie de mon sujet et surtout sur une période des Andes préhispaniques

qui m’intéresse depuis longtemps, mais que je n’avais pas encore eu l’occasion d’aborder

jusqu’à présent.

Je remercie également le reste de mon jury, Mme Sylvie Peperstraete et M. Christophe Delaere,

pour avoir contribué à améliorer mon étude grâce aux critiques émises lors de ma première

défense du mémoire. De manière plus générale, je tiens à remercier tous les professeurs et

intervenants qui ont joué un rôle dans ma formation à travers leurs enseignements et leurs

travaux. Ceux-ci m’ont permis d’améliorer mes aptitudes en vue de réaliser ce mémoire.

Enfin, je voudrais également remercier ma famille qui a su m’épauler dans cette période

difficile de crise sanitaire qui m’a particulièrement affecté et qui a interrompu la réalisation de

ce mémoire. Ils ont été d’un grand réconfort et d’une aide importante pour que je puisse mener

à bien ce projet.

À toutes ces personnes, je présente mon respect et ma gratitude.

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Table des matières

Table des matières ................................................................................................................ 4


Introduction .......................................................................................................................... 5
Chapitre I : La culture wari et les Andes centrales ............................................................. 7
1. La reconnaissance de la culture wari ........................................................................ 7
a. La culture matérielle tiahuanacoïde .................................................................... 8
b. La redécouverte du site de Huari ...................................................................... 15
2. Les Andes centrales pendant l’Horizon moyen ...................................................... 19
a. La séquence chronologique .............................................................................. 19
b. La sphère d’influence wari ............................................................................... 26
Chapitre II : Les origines du dieu aux bâtons ................................................................... 31
1. Les Andes méridionales ......................................................................................... 31
a. La sphère d’interaction .................................................................................... 32
b. Le bassin du lac Titicaca .................................................................................. 38
c. Le département d’Arequipa .............................................................................. 51
2. Les Andes centrales ............................................................................................... 61
Chapitre III : Émergence et développement à Conchopata .............................................. 71
1. Contextualisation ................................................................................................... 71
a. Le site .............................................................................................................. 72
b. Le matériel ...................................................................................................... 78
2. Description et analyse ............................................................................................ 87
a. Les jarres de 1977 ............................................................................................ 87
b. Le style Conchopata ........................................................................................ 97
Chapitre IV : Diffusion vers la côte péruvienne .............................................................. 109
1. Le style Robles Moqo .......................................................................................... 109
a. Contextualisation ........................................................................................... 110
b. Description et analyse .................................................................................... 116
2. Le style Pachacamac ............................................................................................ 128
a. Contextualisation ........................................................................................... 128
b. Description et analyse .................................................................................... 134
Conclusion ........................................................................................................................ 153
Bibliographie .................................................................................................................... 155

4
Introduction

Pendant l’Horizon moyen, le dieu aux bâtons fut l’une des figures les plus importantes au sein

du répertoire iconographique de la principale culture des Andes centrales centrée sur le site de

Huari. Cette culture a interagi avec diverses sociétés de complexité variée de la région en

diffusant, entre autres, son idéologie via cette divinité. Les recherches menées ces dernières

décennies à son sujet ont mis en exergue toute une série de nouvelles informations à propos de

la question de ses origines, notamment dans les relations avec son homologue du site bolivien

de Tiahuanaco, mais également de manière plus générale avec les liens qui l’unissent à tous ses

prédécesseurs de la sphère d’interaction des Andes méridionales. Parallèlement, des recherches

furent également menées sur l’impact de cette figure, et par extension de l’entièreté du

répertoire iconographique duquel elle fait partie, sur les différentes régions influencées d’une

manière ou d’une autre par la société wari. Est-ce que ces données pourraient nous permettre

de révéler un nouvel aperçu de l’évolution iconographique de la figure du dieu aux bâtons ?

C’est dans l’objectif de répondre à cette question que nous vous proposons cette réévaluation

de l’iconographie de l’une des figures les plus connues des Andes préhispaniques.

Pour ce faire, nous allons décrire et analyser toute une série de représentations que nous aurons

rassemblées au sein d’un corpus réunissant des artéfacts provenant de diverses collections.

Cependant, nous savons pertinemment qu’il est impossible d’être exhaustif dans le cadre de

cette étude qui est formellement limitée. C’est pourquoi nous allons devoir faire des choix qui

nous permettront de limiter la recherche, tout en nous laissant une certaine marge de manœuvre

pour avoir assez de matière sur laquelle travailler. Nous avons directement pris la décision de

nous focaliser sur la culture wari, étant donné que c’est elle qui a introduit et popularisé la figure

du dieu aux bâtons dans les Andes centrales. En ce qui concerne le matériel, la céramique a

retenu notre attention pour diverses raisons, notamment pour son importance dans l’historique

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des recherches puisque c’est ce qui a permis à Dorothy Menzel de proposer sa séquence

chronologique de l’Horizon moyen. À l’égard des régions que nous allons aborder, la

constitution du corpus nous a naturellement influencés puisque le matériel de la vallée

d’Ayacucho et de la côte péruvienne est le plus abondant. Tout ceci sera présenté à travers

quatre chapitres, les deux premiers constituant l’étape nécessaire de contextualisation, tandis

que les deux suivants forment l’étape de développement. De manière plus détaillée, le premier

chapitre place le cadre spatio-temporel général de notre étude puisqu’il se consacre à la culture

wari et aux Andes centrales. Le deuxième chapitre est quant à lui consacré à la question des

origines du dieu aux bâtons avec la présentation de toutes les données pertinentes à propos des

Andes méridionales, mais également des théories d’une origine alternative située dans les

Andes centrales. Le troisième chapitre lance notre parcours iconographique avec les

représentations de dieu aux bâtons qui apparurent et se développèrent sur le site de Conchopata.

Notre quatrième et dernier chapitre aborde la diffusion de cette figure sur la côte péruvienne à

travers les styles Robles Moqo et Pachacamac.

Avant d’initier notre étude, il est nécessaire de présenter brièvement les conditions

exceptionnelles dans lesquelles celle-ci se déroula. En effet, la dernière ligne droite de notre

investissement évolua pendant la crise sanitaire de la COVID-19 qui affecta le quotidien de

l’entièreté de la planète. Bien entendu, cela eut un impact sur notre étude, surtout vis-à-vis du

matériel nécessaire qui n’a pas toujours été à notre disposition. Du côté de la littérature, malgré

un processus qui fut plus long, nous avons réussi à mettre la main sur les publications les plus

pertinentes, mis à part pour quelques ouvrages qui ne devraient pas impacter trop négativement

les résultats de notre travail. Toutefois, nous ne pouvons malheureusement pas dire de même

en ce qui concerne le corpus de représentations que nous avons rassemblées. Le contact avec

les institutions muséales ou les chercheurs fut beaucoup plus limité, voire impossible, et cela

nous a empêché d’accéder à certaines ressources ou de réunir les meilleures illustrations.

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Chapitre I

La culture wari et les Andes centrales

Dans l’objectif de lancer une discussion constructive quant à l’iconographie du dieu aux bâtons

wari1, il est avant tout nécessaire de mettre en contexte cette figure dans la culture à laquelle

elle s’inscrit et de manière générale dans le monde dans lequel elle évolue. Le premier point

que nous allons aborder dans ce chapitre de contextualisation concerne donc l’identification de

la culture wari et sa différenciation avec la culture tiwanaku. Plus concrètement, nous allons

passer en revue les premières recherches à propos de cette question en partant des premières

informations que nous avons sur le sujet à partir de la conquête espagnole. Le deuxième point

que nous allons aborder traite du développement de la culture wari au sein des Andes centrales

pendant l’Horizon moyen. C’est au sein de cette section que nous allons présenter la séquence

chronologique de référence pour notre étude.

1. La reconnaissance de la culture wari

La reconnaissance de l’existence de la culture wari fut un processus long de plusieurs décennies

ancré dans les débuts de l’archéologie des Andes préhispaniques. Le fil rouge de ce processus

se mit en place autour de la différenciation entre les cultures tiwanaku et wari à travers deux

étapes que nous allons aborder dans ce chapitre. Dans un premier temps, malgré les

connaissances engrangées par les chroniqueurs espagnols et la population de la vallée

d’Ayacucho, nous allons voir que la culture matérielle wari située au Pérou fut initialement

attribuée au site de Tiahuanaco. La première étape consiste donc en une différenciation de plus

1
Pour éviter toute confusion, le terme « wari » sera utilisé pour faire référence à la culture, tandis que le terme
« Huari » servira à désigner le site archéologique. Cette démarche sera également mise d’application pour
d’autres termes tels que « tiwanaku » et « Tiahuanaco ».

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en plus prononcée entre cette culture matérielle péruvienne et son homologue des Andes

méridionales. Dans un second temps, nous allons voir que les recherches évoluèrent

drastiquement avec la redécouverte du site de Huari dans la vallée d’Ayacucho. La seconde

étape consiste donc en une association de ce site avec sa culturelle matérielle correspondante,

malgré l’opposition d’une archéologie bolivienne institutionnalisée qui refusa de reconnaitre

l’existence d’une entité politique indépendante de Tiahuanaco.

a. La culture matérielle tiahuanacoïde

L’existence du site de Huari fut reconnue dès l’époque coloniale dans les chroniques

espagnoles. En 1548, Pedro Cieza de León visita la vallée d’Ayacucho (Ogata 2006:32), connue

à cette époque sous le nom de Guamanga par les locaux, et admit l’ancienneté du site qu’il

nomma Viñaque en référence au fleuve voisin. La raison est que, d’une part, les habitants locaux

l’informèrent que l’architecture du site de Huari fut mise en place par une population barbue à

la peau claire bien avant le règne inca de la région, et d’autre part, les constructions étaient

marquées par le passage du temps et ne correspondaient pas à l’architecture inca vue à travers

le nouveau territoire conquis. En 1549, Cieza de León eut également l’occasion de visiter

l’Altiplano et le site de Tiahuanaco qui présentait une architecture et des sculptures

monumentales vétustes et différentes de ce qui se voyait ailleurs. Les mêmes récits d’une

population barbue à la peau claire étaient associés au site bolivien, ce qui mena le chroniqueur

a effectué un lien entre Huari et Tiahuanaco qui auraient été construits par la même culture bien

avant la montée en puissance des Incas. Suite à cela, le site de la vallée d’Ayacucho tomba dans

l’oubli et il fallut attendre le 20 ème siècle pour sa redécouverte internationale, à l’inverse de

Tiahuanaco qui fut visité à plusieurs reprises dans les siècles qui suivirent. Une grande partie

de ce prestige accordé à Tiahuanaco vient du fait que les Incas attribuèrent leurs origines

mythiques à cette région qui entra dans la tradition orale et fut inscrite dans les écrits par les

chroniqueurs (Cook 1994:37-38 ; Janusek 2008:3-4 ; Scarborough 2008:1091-1092 ; Vranich

8
2009:12). Néanmoins, il est nécessaire de préciser qu’une petite communauté locale de

personnes intéressées dans le passé de la région d’Ayacucho et sans formation archéologique

ou historique se mit en place à partir de la fin du 19 ème siècle. Leur objectif principal était de

revendiquer une culture régionale et l’importance historique des populations de la région. Pour

ce faire, ils réalisèrent les premières explorations, ainsi que les premières fouilles, et ils mirent

en place les premières collections. Ces actions permirent d’élaborer quelques articles, livres et

monographies où ils présentèrent des descriptions de vestiges archéologiques, des études

iconographiques à partir de la culture matérielle et ils essayèrent même de résoudre certains

problèmes liés aux questions ethnolinguistiques. C’est ainsi que le site de Huari a pu être

identifié au niveau régional après des recherches menées entre 1888 et 1894 sous l’impulsion

de Luis Carranza (1894:354-355) de la Société Géographique de Lima sur base des écrits de

Cieza de León. Le développement de cette histoire régionale donna naissance au Museo

Histórico Regional Hipólito Unanue qui est toujours actif et à certaines revues qui publièrent

plusieurs dizaines de numéros comme Huamanga (González et Pozzi-Escot 1992:174-175 ;

Isbell et McEwan 2001:1-3).

Avant de continuer à nous intéresser aux recherches menées dans la vallée d’Ayacucho, il est

nécessaire de passer en revue l’historique des premières recherches menées à Tiahuanaco,

puisque la première étape dans la reconnaissance de la culture wari fut, paradoxalement, dans

la reconnaissance d’un matériel diffusé sur la côte péruvienne et associé au site bolivien.

Comme nous l’avons précisé précédemment, de nombreux voyageurs et chercheurs eurent

l’occasion de visiter Tiahuanaco au fil des siècles depuis la conquête espagnole, pour ainsi

contribuer aux premières descriptions et interprétations. Ils furent surtout impressionnés par la

sculpture lithique monumentale de grande qualité présente sur le site, celle qui s’est démarquée

le plus étant la célèbre Porte du Soleil décorée par la figure du dieu aux bâtons (Figure 1.1), qui

fut certainement une des œuvres préhispaniques de plus grande diffusion à travers le monde

9
(Cook 1985:203 ; Makowski et Giersz 2016:8 ; Sammells 2012:302). Une des premières

esquisses de ce monument date de 1799, lorsqu’un naturaliste bohémien du nom de Tadeo

Haenke voyagea dans la région du lac Titicaca. Cependant, il fallut attendre l’indépendance de

la Bolivie en 1825 pour permettre à une nouvelle vague d’étrangers d’accéder à la région, ces

derniers ayant contribué à la création de plusieurs représentations du site. C’est donc à cette

époque, où la connaissance de l’Amérique précolombienne était encore très limitée, que des

dessins et photographies de la Porte du Soleil et sa décoration sculptée commencèrent à circuler

et à influencer la vision des intellectuels sur le passé américain (Giersz et Makowsky 2014:285 ;

Vranich 2009:12). En 1833, le naturaliste français Alcide Dessalines d’Orbigny visita

Tiahuanaco et ces recherches ont inspiré les autorités boliviennes à créer le premier musée

national du pays, une démarche qui fut accompagnée par la recherche de matériel sur le site

bolivien sur la demande du président José Ballivían. Parmi les ouvrages de référence à propos

de ses visites du 19ème siècle, nous pouvons citer les récits de voyage de George Squier

(1877:272-301), qui proposa la première étude illustrée par des photographies, et de Charles

Wiener (1880:419-433). Ils proposèrent une description du site et de sa sculpture monumentale

accompagnée par de nombreux dessins (Figure 1.2) et elle fut primordiale quelques années plus

tard dans la caractérisation du style tiahuanacoïde. La personnalité suivante à retenir et qui a

fortement marqué l’archéologie andine est celle de l’archéologue allemand Max Uhle qui

travailla sur le matériel récolté par les fouilles de Alphonse Stübel, avant de collaborer avec ce

dernier en 1892 dans le cadre de la publication d’une monographie (Cook 1994:38 ; Makowski

2001:338 ; Makowski 2009:133). Cette dernière confirma que les ruines de Tiahuanaco étaient

bien plus anciennes que les vestiges andins de la société inca, ce qui a mené à l’établissement

des prémices de la première séquence chronologique de la région (Isbell 1983:192 ; Isbell et

Knobloch 2006:310 ; Isbell et McEwan 1991:3 ; Ogata 2006:32). Suite à cela, Uhle visita le

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site bolivien en 1894 en posant les fondations d’une recherche archéologique systématique dans

les Andes (Janusek 2008:5-8 ; Scarborough 2008:1092).

C’est en ayant à l’esprit l’existence de ce style tiahuanacoïde antérieur au style inca que Uhle

(1903:784-785) organisa des fouilles à la fin du 19ème siècle sur le site de Pachacamac près de

la capitale Lima (Isbell 2000:12), ainsi que dans le complexe des Huacas del Sol y de la Luna

près de la ville moderne de Trujillo. Au sein de leurs contextes funéraires, il mit en évidence

des céramiques et des textiles présentant un répertoire iconographique similaire à celui de la

sculpture monumentale de Tiahuanaco. À partir de cette association, Uhle, suivit par d’autres

chercheurs comme Alfred Kroeber ou John Rowe qui travaillèrent sur la collection établie par

le chercheur allemand, commença à formaliser l’idée d’un horizon iconographique associé à ce

style tiahuanacoïde qui servit de repère chronologique pour les Andes centrales avant

l’apparition de la datation au radiocarbone en 1949 et c’est cela qui mènera plus tard à la

création du concept d’Horizon moyen (Castillo 2000:103 ; Giersz et Makowsky 2014:285 ;

Janusek 2004a:61-62 ; Janusek 2008:8-10 ; Kroeber et Strong 1924:97-98 ; Makowski

2009:134 ; Makowski et Giersz 2016:6-8 ; Menzel 1977:1-2 ; Ogata 2006:32-33 ; Ramón

2005:9-10 ; Rowe 1962:45-46 ; Willey 1955:105). Ce style fut perçu comme un modèle sur

lequel beaucoup d’autres styles se seraient basés, le matériel ne présentant aucune similitude

avec celui de Tiahuanaco étant antérieur à ce dernier, tandis que le matériel ayant certaines

ressemblances était dès lors considéré comme contemporain ou plus tardif. Même si cette

première séquence chronologique est d’une importance extrême pour les études du passé andin,

ce modèle théorique a mené à certaines erreurs assez marquantes puisque des représentations

chavínoïdes furent considérées comme contemporaines ou postérieures au style tiahuanacoïde,

étant donné la présence de figures ressemblant à celle du dieu aux bâtons (Isbell 2018a:5 ; Isbell

et Knobloch 2006:310-311 ; Means 1931:138). Vu que le site de Tiahuanaco se situait à

l’extrémité méridionale de la distribution de ce style dans les Andes centrales et que le matériel

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retrouvé sur la côte différait beaucoup trop de ce qui existait sur le site bolivien pour que ce soit

une importation ou une dérivation directe, notamment au niveau des supports utilisés pour

accueillir l’iconographie (Cook 1994:40-42 ; Isbell 1983:192), Uhle pensa qu’il devait exister

un centre de distribution plus au nord. C’est ce qui mènera à la création de l’appellation de

« tiwanaku côtier » pour distinguer ce matériel de celui de Tiahuanaco. En 1927, Julio Tello

découvrit des céramiques sur le site de Pacheco dans la vallée de Nasca présentant le même

répertoire iconographique appartenant à ce style tiwanaku côtier et une découverte similaire fut

faite en 1930 par Ronald Olson sur le même site (Kroeber 1944:28-29). Contrairement au

matériel retrouvé par Uhle à Pachacamac, celui-ci était beaucoup plus proche stylistiquement

de ce qui se faisait sur le site bolivien. Dès lors, cela a convaincu la communauté scientifique

que ce site devait être une colonie de Tiahuanaco et qu’il était le centre de dispersion du

tiwanaku côtier (Isbell et McEwan 1991:3-4).

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Figure 1.1 - Photographie du dieu aux bâtons sur la Porte du Soleil prise par D. Giannoni (Makowski 2009:Figure 2)

13
Figure 1.2 - Dessin de la Porte du Soleil à la fin du 19ème siècle réalisé par Charles Wiener (1880:429)

14
b. La redécouverte du site de Huari

La deuxième étape ayant mené vers la reconnaissance de l’existence de la culture wari fut la

redécouverte du site de Huari via Tello qui publia quelques photos des sculptures du site en

1929. Il organisa une expédition archéologique dans la vallée d’Ayacucho qui lui permit de

revisiter le site en 1931 et il fut accompagné par Lila O'Neale (Makowski et Giersz 2016:8).

Son intérêt pour la région est dû au directeur de la section autochtone du Ministère de

l’Instruction qui lui montra des dessins de céramiques provenant des sites de la région (Tello

2009:275). Il est nécessaire de mentionner qu’une première fouille scientifique fut déjà

organisée par Pío Max Medina en 1924, mais elle n’eut que très peu d’impact. Pour en revenir

à Tello, celui-ci écrivit un article de journal sur sa visite, ce qui mena à un intérêt local croissant

sur les antiquités de la région, notamment à travers Huamanga, un journal de la ville moderne

d’Ayacucho publié à partir de 1936 que nous avons déjà cité précédemment. Dans cet article,

il proposa que le style tiwanaku côtier trouvait en réalité son origine dans le site de Huari, mais

le doute plana quant à cette hypothèse au sein des intellectuels ayant eu accès à la revue.

Néanmoins, Tello y reconnut l’importance du site, ce qui le mena à y organiser des fouilles en

1942, ainsi que sur le site de Conchopata se situant dans la même région où il découvrit des

céramiques présentant un répertoire iconographique similaire à celui de Tiahuanaco (Isbell

2000:17). Pendant ces différentes campagnes, Tello s’est également constitué une collection

d’objets provenant de Huari et de certains sites alentour dont une partie sera amenée par

O’Neale au Musée d’Anthropologie de l’Université de Californie à Berkeley, celle-ci ayant été

partiellement publiée par Kroeber (1944:99). Malheureusement, Tello n’a jamais publié à

propos de ces fouilles et il fallut attendre 1960 pour que Luis Guillermo Lumbreras nous

propose une première étude approfondie sur le matériel découvert, et ce, malgré un premier

rapport sur les fouilles de Conchopata réalisé par Medina dès 1942 (González et Pozzi-Escot

1992:176). Cependant, elles eurent le mérite d’attirer l’attention d’autres chercheurs (Isbell et

15
McEwan 1991:4) comme Gordon Willey (1948:12-13 ; 1955:105), Rafael Larco Hoyle ou

Wendell Bennett et Junius Bird (1960:194) qui ont déterminé la région d’Ayacucho comme

étant à l’origine de la diffusion du style tiahuanacoïde dans les Andes centrales (Ogata 2006:33 ;

Rowe et al. 1950:120-121 ; Valdez 2018:120). De plus, cet apport de Tello n’est pas négligeable

puisqu’il commença à changer le paradigme de l’archéologie des sociétés préhispaniques des

Andes. À cette époque, ces homologues organisaient principalement des fouilles sur la côte

pour tenter d’expliquer la préhistoire de la région et ces recherches dans la sierra attirèrent

l’attention de la communauté scientifique sur cette partie des Andes (Cook 1994:40 ; 48-49 ;

Ramón 2005:10 ; Tello 2009:275).

La phase suivante dans la reconnaissance d’une culture wari fut la visite de John Rowe, Donald

Collier et Gordon Willey (1950:120-123, 136) sur le site de Huari en 1946 où ils étudièrent

l’architecture du site et récoltèrent des tessons présents à la surface, ce qui mena à une première

classification de la céramique de la région qui fut associée à la céramique dans le style tiwanaku

côtier dans une publication de 1950. Leur visite fut motivée par l’étude de la céramique récoltée

par O'Neale en 1931 et qui fut envoyée à l’Université de Californie. C’est à ce moment-là que

les ressemblances entre le matériel wari et le matériel nazca fut mis en évidence et c’est

également à ce moment-là que l’association de l’architecture du site de Huari fut faite avec celle

de Viracochapampa y Pikillaqta, ce qui mena à l’idée que des fouilles ultérieures devaient

absolument être organisées sur le site péruvien. Bennett exauça leur souhait puisqu’il y mena

des fouilles la même année après avoir déjà fouillé à Tiahuanaco (González et Pozzi-Escot

1992:176), ce qui lui permit d’observer assez de différences entre les deux que pour établir

Huari comme étant le site le plus important après Tiahuanaco à la même époque, peut-être

même à la source d’une culture distincte, mais qui aurait tout de même été influencée par le site

bolivien (Collier 1955:646-647 ; Ogata 2006:33 ; Willey 1955:105). C’est également suite à

ces fouilles qu’il défendit le changement d’appellation de « tiwanaku côtier » vers « tiwanaku

16
péruvien », avant de commencer à utiliser le terme « wari » quelques années plus tard (Rowe

1956:149). Après la mort de Bennett, Rowe continua son travail en établissant une frontière

stylistique dans l’extrême sud du Pérou entre le matériel associé à Huari et à Tiahuanaco. C’est

grâce à ces recherches en plus de celles d’autres chercheurs comme Dwight Wallace, Lawrence

Dawson, Dorothy Menzel ou Luis Lumbreras, que nous avons pu déterminer que le matériel

retrouvé dans la vallée d’Ayacucho ne fut pas importé de la région de Tiahuanaco, mais qu’au

contraire, du matériel retrouvé dans différentes régions des Andes centrales, notamment celui

de ce style tiwanaku péruvien, était importé de la région d’Ayacucho qui était le centre d’une

entité politique indépendante de la sphère d’influence tiwanaku, voir le centre d’un empire

expansif (Cook 1994:49-52 ; Makowski et Giersz 2016:8 ; Isbell et McEwan 1991:4-5 ; Rowe

1956:142 ; Valdez 2018:120-121).

Cette interprétation quant à la nature des relations entre Huari et Tiahuanaco vit une forte

opposition de la part des archéologues boliviens jusque dans les années 1980. À la fin des

années 1950, les recherches menées à Huari coïncidèrent avec la naissance d’une archéologie

bolivienne institutionnalisée en opposition à une archéologie considérée comme néocoloniale

puisque celle-ci était dominée par des intellectuels étrangers d’Europe et d’Amérique du Nord.

Cette démarche vue le jour à la suite d'une réforme agraire turbulente en 1957 et 1958 grâce à

l’appui de plusieurs chercheurs, le plus connu étant Carlos Ponce Sanguinés (1972:29) qui a

dirigé l’archéologie bolivienne pendant une grande partie de la deuxième moitié du 20ème siècle.

Il faisait partie du Movimiento Nacionalista Revolucionario et a pris des responsabilités

politiques au niveau national à plusieurs reprises. Sa carrière est intimement liée à Tiahuanaco

et ses fouilles sur le site furent influencées par des objectifs politiques qui débutèrent en 1953

via une restauration du site. En 1958, un centre d’études archéologiques vit le jour à Tiahuanaco

après les premières recherches de Ponce en 1957 et en 1975, l’Institut National d’archéologie

fut fondé. Cette archéologie nationale empêcha les chercheurs nord-américains et européens

17
d’accéder aux recherches sur le site de Tiahuanaco. Une utilisation politique du site vit le jour

dans le but de le rendre profondément bolivien et ainsi donner aux Boliviens d’origine indigène

un passé tout aussi glorieux que celui des Boliviens d’origine européenne, l’idée étant de relier

le site de Tiahuanaco à la population aymara. Pour Ponce, il était important de montrer que

Tiahuanaco était le centre d’un empire s’étant étendu à travers l’entièreté des Andes et les

chercheurs boliviens qui suivirent cette théorie perçurent Huari comme n’étant qu’un centre

régional d’un empire tiwanaku (Browman 2005:16-20 ; Giersz et Makowsky 2014:285 ;

Janusek 2004b:122 ; Janusek 2006:471 ; Makowski et Giersz 2016:13 ; Sammells 2012:300).

Cette archéologie se mit naturellement en place via une séquence chronologique proposée par

Ponce à partir de datations au radiocarbone. Cette séquence se divise en 5 phases, la plus

ancienne étant située au moment de l’apparition de la céramique dans le bassin du lac Titicaca

puisque le but était de rejeter les possibilités d’une quelconque origine étrangère de Tiahuanaco.

Elle fut utilisée pendant très longtemps, et ce, jusqu’au début du 21ème siècle. Le principal souci

de cette séquence tient du fait qu’elles consistent déjà en une interprétation de l’évolution du

site, ce qui avait déjà résulté en certaines appellations du type « Période décadente » dans

d’autres séquences antérieures (Cook 1994:53 ; Isbell 2018a:5-6 ; Isbell et Knobloch 2006:312-

313 ; Janusek 2004a:64-66 ; Janusek 2008:10-14 ; Knobloch 2000a:71 ; Ponce 1972:88 ;

Scarborough 2008:1090-1091 ; Vranich 2009:12).

18
2. Les Andes centrales pendant l’Horizon moyen

Les sujets que nous allons traiter dans cette deuxième partie de ce chapitre sont essentiels pour

comprendre le développement de notre étude. Dans un premier temps, nous allons consacrer

quelques pages à la séquence chronologique de l’Horizon moyen développée par Dorothy

Menzel puisque celle-ci est encore utilisée actuellement dans l’étude de la culture wari, malgré

les révisions apportées par plusieurs générations de chercheurs. Nous commencerons par

quelques informations générales sur le processus et les contributions qui la menèrent à

développer cette séquence, avant de passer en revue chaque phase de chaque période. Dans un

second temps, nous allons aborder la question de la nature de la société wari et son rapport avec

les régions appartenant de près ou de loin à son giron. Nous débuterons par quelques

considérations générales, avant de présenter le principal point de vue partagé par la majorité

des chercheurs actuels, ainsi qu’une remise en question de ce modèle.

a. La séquence chronologique

Avant de se focaliser sur la culture wari, Menzel s’intéressa initialement pour la société inca et

sa culture matérielle. Cependant, son étude de plusieurs collections contenant des artéfacts

appartenant à la culture matérielle wari attisa de plus en plus son intérêt pour l’Horizon moyen.

Malgré la distance temporelle entre les deux cultures, elles partagèrent vraisemblablement un

caractère expansionniste dont l’étude pouvait avoir des répercussions importantes sur les

connaissances de l’archéologie andine. C’est ainsi qu’en 1958, l’année où Menzel eut

l’occasion de se rendre dans la vallée d’Ayacucho, elle mit en place une première séquence

chronologique relative pour l’Horizon moyen qu’elle divisa en 4 périodes en suivant les

recherches de Dawson à partir de la vallée d’Ica. Selon elle, les modifications stylistiques de la

céramique pouvaient donner des informations sur l’évolution des processus culturels. En 1964,

Menzel (1964:2-3) réalisa une actualisation de ses travaux précédents en publiant une séquence

19
plus précise appliquée à partir de l’apparition des styles wari jusqu’à la disparition de ses

derniers (Giersz et Makowski 2014:285 ; Isbell 2000:17 ; Lumbreras 1974:152). C’est ainsi que

les deux premières périodes furent subdivisées en deux phases, en laissant la possibilité à ce

que la même division puisse être appliqué pour les deux périodes suivantes lorsque le matériel

serait suffisant (Bernier et Chapdelaine 2018:575 ; Isbell 2000:19-20 ; Menzel 1964:2-3 ;

Valdez 2018:121-122 ; 125). Cette étude comparative monumentale s’organisa autour

d’artéfacts appartenant à diverses collections et découverts lors de sondages réalisés dans

différents sites qui furent occupés pendant l’Horizon moyen. Certains de ces artéfacts étaient

déjà associés aux premières datations obtenues grâce au radiocarbone (Makowski et Giersz

2016:8-10).

Malgré les adaptations apportées par plusieurs générations de chercheurs, cette séquence de

Menzel est encore un point de départ obligatoire pour toute étude sur la culture wari. Il est

nécessaire de préciser que cette séquence se développa dans une période très dynamique de

l’archéologie des Andes préhispaniques et que les recherches menées par plusieurs autres

chercheurs ont donc énormément contribué pour en arriver à ce résultat. Parmi ceux-ci, nous

pouvons retrouver un groupe de chercheurs péruviens de l’Université Nationale de San

Cristóbal de Huamanga et de l’Université Nationale Principale de San Marcos, ainsi qu’un

groupe de chercheurs américains de l’Université d'État de New York à Binghamton et de

l’Université de Californie à Berkeley (Isbell et McEwan 1991:5-6). De manière plus spécifique,

Menzel n’était pas la seule à travailler sur la culture matérielle wari à la même époque et elle

fut influencée par le travail de Lumbreras qui avait également à sa disposition du matériel

provenant de la vallée d’Ayacucho et d’autres régions à partir de la collection de Gálvez Durán,

ainsi que de ses propres expéditions menées à Ayacucho à partir de 1958 (González et Pozzi-

Escot 1992:177-180). Elle s’appuya également sur la méthodologie de sériation mise en place

par Rowe (Makowski et Giersz 2016:8) et ses étudiants pour organiser la séquence

20
chronologique standard du Pérou préhispanique en se basant sur la collection de Berkeley

établie par Uhle, ainsi que sur des fouilles menées dans la vallée d’Ica et les vallées avoisinantes

entre 1954 et 1969 pour compléter les données (Bernier et Chapdelaine 2018:575 ; Menzel

1969:101 ; 108-109 ; Menzel 1977:2-3 ; Ramón 2005:17-18 ; Rowe 1956:135 ; 1962:48-49 ;

Valdez 2018:110-112 ; 122). Il est nécessaire de retenir par rapport à cette séquence de Menzel

que même si elle a correctement établi les tendances générales de développement des styles de

céramique, il est difficile d’attribuer avec certitude un style à une période ou à une phase bien

précise puisque celui-ci a pu se développer sur une période de temps assez longue que pour

traverser plusieurs périodes. À l’inverse, aucun style ne s’est développé pendant assez

longtemps pour que nous puissions parler d’un style officiel de l’état wari, comme nous

pourrions parler du style impérial inca (Makowski et Giersz 2016:12).

La phase A de la première période se déroula entre 550 et 600 selon la séquence originelle de

Menzel et entre 600 et 700 selon les nouvelles estimations. Elle commença par une phase de

crise pendant laquelle un nouvel état centré sur la vallée d’Ayacucho émergea sous l’influence

du site de Tiahuanaco et de la culture nazca (Lumbreras 1974:152). Cette montée en puissance

fut accompagnée par une nouvelle idéologie religieuse et sa tradition correspondante de

céramique cérémonielle dans le style Conchopata qui est décorée selon un répertoire

iconographique s’étant développé dans les Andes méridionales. L’établissement de ce style est

basé sur la découverte d’urnes surdimensionnées en 1942 par Tello sur le site éponyme dans la

vallée d’Ayacucho. Ce répertoire iconographique est constitué de différentes figures,

notamment celle du dieu aux bâtons qui nous intéresse tout particulièrement dans notre étude.

Des styles séculaires apparurent également comme les styles Chakipampa A, Ocros, Huarpa et

Noir Décoré avec une iconographie beaucoup plus influencée par le répertoire nazca et des

antécédents locaux (Giersz et Makowski 2014:285 ; Makowski et Giersz 2016:10-11 ; Valdez

2018:123-126). En plus de cette idéologie et cette culture matérielle, cette période fut marquée

21
par l’apparition de grands centres urbains, certains ayant déjà fait leur apparition dès la fin de

l’Intermédiaire ancien (Eeckhout 2018:534 ; Menzel 1964:3-5). La phase B se déroula quant à

elle entre 600 et 650 selon la séquence originelle de Menzel et entre 700 et 850 selon les

nouvelles estimations. Elle vit l’établissement de la nouvelle religion dans le site de Huari qui

devint le centre de la culture wari et de son expansion à travers les Andes centrales. Selon la

conception traditionnelle, l’expansion de cette période affecta la côte à partir de la vallée de

Nasca sur la côte sud jusqu’à la vallée de Huarmey sur la côte centrale, tandis que du côté de la

sierra cette expansion se fit ressentir du côté de Callejón de Huaylas (Lumbreras 1974:165).

Au niveau de la culture matérielle, les principaux styles de la période sont le style cérémoniel

Robles Moqo et le style séculaire Chakipampa B (Eeckhout 2018:535). Le style Robles Moqo

reprit en grande partie le répertoire du style Conchopata et il apparut sur les sites de Conchopata

et Huari dans la vallée d’Ayacucho et le site de Pacheco dans la vallée de Nasca. En plus de

cela, nous pouvons également observer une influence des styles wari sur la production locale

de la vallée de Cañete via le style Cerro de Oro et de la vallée du Rímac via le style Nievería,

ainsi qu’une importation de céramique wari (Giersz et Makowski 2014:285 ; Lumbreras

1974:152 ; Makowski et Giersz 2016:11 ; Menzel 1964:3-5 ; Valdez 2018:123-124-126).

La phase A de la deuxième période se déroula entre 650 et 700 selon la séquence originelle de

Menzel et entre 850 et 925 selon les nouvelles estimations. Elle fut interprétée comme une

période de crise et de réorganisation qui commença avec l’abandon de toute une série de centres

urbains et, à l’inverse, avec la montée en puissance de bien d’autres. C’est ainsi que Pachacamac

serait devenu le principal centre religieux wari de la côte péruvienne, une région où l’état wari

consolida sa présence en plus de commencer à s’étendre à travers une grande partie des Andes

centrales. Des nouveaux motifs plus séculaires, mais surtout plus simples et schématisés, firent

leur apparition au sein de l’iconographie wari qui fut marquée par l’émergence de nouveaux

styles dont Viñaque dans la vallée d’Ayacucho qui fut le style dominant qui influença les styles

22
Atarco dans la vallée de Nasca et Pachacamac A sur la côte centrale, ces derniers ayant été

influencés par les styles cérémoniels de la période précédente, mais également par les styles

locaux provenant de leur région d’origine respective (Eeckhout 2018:535 ; Giersz et Makowski

2014:285). Ce changement au niveau stylistique de la culture matérielle est interprété par

Menzel comme un abandon de l’aspect religieux de l’état wari pour privilégier une voie plus

séculaire et une expansion purement militaire à travers les Andes centrales (Isbell 2000:20-21 ;

Valdez 2018:124-127). La phase B se déroula quant à elle entre 700 et 775 selon la séquence

originelle de Menzel et entre 925 et 1000 selon les nouvelles estimations. C’est lors de cette

phase que la sphère d’influence wari atteignit son extension maximale (Figure 1.3), malgré une

période de crise due à une épidémie ou à une révolte qui toucha le centre de l’espace wari, avec

le site de Cerro Baúl dans la vallée de Moquegua comme frontière méridionale et plusieurs sites

dans la région de Cajamarca comme frontière septentrionale (Bernier et Chapdelaine 2018:573).

Les territoires de certaines cultures importantes de l’Intermédiaire ancien, comme ceux des

cultures moche ou nazca, furent incorporés dans ce nouvel espace wari (Lumbreras 1974:165).

Au niveau de la culture matérielle, la simplification et la schématisation des motifs

s’accentuèrent encore plus, ce qui alla de pair avec la chute de l’état wari et l’abandon de la

majorité des centres urbains, dont la capitale Huari (Giersz et Makowski 2014:285 ; Makowski

et Giersz 2016:11). Le style Atarco perdit de son importance, tandis que les autres styles

connurent une expansion significative, le style Pachacamac B sur l’entièreté de la côte

péruvienne étant donné l’importance du site éponyme sur la côte centrale, et le style Viñaque

dans l’entièreté de la sierra, mais également sur certains points de la côte. La montée en

puissance et en prestige du site de Pachacamac donna l’idée à Menzel qu’il était potentiellement

devenu la capitale d’un nouvel état indépendant. Pendant toute la deuxième période de

l’Horizon moyen, plusieurs styles locaux qui furent en contact avec les styles wari se

23
développèrent, mais seul le style Cajamarca III se répandit sur une grande partie de l’espace

wari (Lumbreras 1974:152-157 ; Menzel 1964:35-38 ; Valdez 2018:124-127).

Les périodes 3 et 4 se déroulèrent quant à elles entre 775 et 1000 selon la séquence originelle

de Menzel et entre 1000 et 1050 selon les nouvelles estimations. Ces périodes sont marquées

par les survivances des styles wari dans la culture matérielle caractérisée par les formes et les

iconographies locales qui refont surface, notamment celles qui s’étaient développées avant

l’Horizon moyen. Cependant, elles sont de qualité inférieure et le nombre de formes diminua,

ainsi que les motifs de la décoration qui est elle-même moins raffinée. Les différents styles de

céramique existants ont une zone de distribution plus petite en comparaison avec les styles des

périodes précédentes. Malgré la chute de l’état wari, il existe des structures qui continuèrent à

être utilisées jusqu’à l’Intermédiaire récent (Eeckhout 2018:535 ; Makowski et Giersz 2016:11-

12 ; Menzel 1964:62-66).

24
Figure 1.3 - Carte des sphères d'influence des deux principales cultures de l'Horizon moyen produite par Isbell (2018b:Figure
15.1)

25
b. La sphère d’influence wari

Comme nous l’avons vu précédemment, la culture matérielle wari s’est étendue sur une grande

partie des Andes centrales pendant plusieurs périodes de l’Horizon moyen à travers plusieurs

styles de céramique. Cette extension s’explique traditionnellement par une influence, voire un

contrôle, de la part d’un état wari sur les zones périphériques à la vallée d’Ayacucho. Ce qui

semble faire consensus par rapport à la culture wari, c’est l’importance de son idéologie qui

semble provenir des Andes méridionales et qui a modifié les comportements funéraires à travers

les Andes centrales, notamment dans son rapport aux ancêtres (Makowski et Giersz 2016:6).

Cependant, la question qui subsiste concerne la nature réelle de cette société et le degré de

contrôle politique, économique et social de cet éventuel état. Il existe plusieurs obstacles qui

s’opposent à la communauté scientifique pour pouvoir y répondre. L’une des principales

contraintes vient simplement de la tradition interprétative quant à cette question puisqu’elle

installe un degré d’inertie important qui empêche de faire évoluer les interprétations du passé.

La tendance est de donner plus facilement du poids à des données qui vont dans le sens de

l’explication habituelle, que ce soit par les étudiants devenus professionnels qui suivent les

enseignements et les points de vue de leurs professeurs ou par les intellectuels chevronnés qui

siègent dans les comités de rédaction et qui sont plus facilement choisis pour les processus de

peer review (Jennings 2006:265-266). Chaque chercheur est influencé par ses propres

recherches ou ses affiliations intellectuelles et académiques (Eeckhout 2018:564 ; Isbell et

McEwan 1991:5).

L’un des points de vue actuels qui trouve le plus d’adeptes parmi les archéologues est celui

d’un empire wari centralisé à partir de la vallée d’Ayacucho qui contrôla les périphéries via un

réseau de centres administratifs secondaires qui organisèrent et contrôlèrent les populations et

les ressources locales (Schreiber 2001:70 ; Schreiber 2005:132 ; Williams et Nash 2002:243 ;

26
Williams et al. 2001:72). Au sein de cette interprétation, certains chercheurs attribuent plusieurs

sens à ce concept d’empire. Makowski et Giersz (2014:289 ; 2016:22) présentèrent 3 catégories

différentes d’empires qui changent principalement en fonction de leur durée de vie. L’empire

« consolidé », comme l’Empire romain, fait référence à une entité qui survit au passage du

temps, malgré les changements dynastiques et de type de gouvernement. L’empire « en

construction », comme l’Empire inca, est celui qui n’arrive pas à trouver de stabilité dans son

système de gouvernement et qui peut faire face à de graves crises au moment du changement

de souverain. L’empire « raté », comme celui d’Alexandre Grand, est celui qui ne survit pas à

la mort de son fondateur, mais qui réussit tout de même à marquer de son empreinte les régions

affectées par son expansion. Les deux auteurs pensent que l’éventuel empire wari se situerait

entre l’empire en construction et l’empire raté, une idée qui est partagée par Schreiber

(2012:17). Au-delà de ces considérations, il est nécessaire de préciser qu’une grande partie des

chercheurs qui défendirent cette proposition d’expansion impériale ont fouillé le site de Huari

ou du moins dans la vallée d’Ayacucho. C’est le cas de Lumbreras et ses associés ou étudiants

de l’Université Nationale de San Cristóbal de Huamanga et de l’Université Nationale Principale

de San Marcos, mais également d’Isbell et ses étudiants de l’Université d'État de New York à

Binghamton ou de Rowe et ses étudiants de l’Université de Californie à Berkeley (Isbell et

McEwan 1991:5 ; Makowski et Giersz 2016:13). Cette interprétation s’appuya sur la

découverte d’une vingtaine de sites à travers les Andes centrales (Figure 1.4), comme

Virachochapampa dans les hautes terres septentrionales ou Pikillacta dans les hautes terres

méridionales (Lumbreras 1974:168), qui partagent les mêmes conventions rigides et

standardisées de l’architecture wari et qui possèdent de vastes collections d’artéfacts

appartenant à la culture matérielle correspondante. En ce qui concerne l’organisation de ces

centres, Isbell et Schreiber (1978:374-379) allèrent plus loin dans cette interprétation puisqu’ils

proposèrent que les centres wari auraient été organisés selon un système hiérarchique, avec le

27
site de Huari qui serait naturellement au premier niveau. Les centres secondaires auraient eu la

charge des affaires de l’état dans une région elle-même composée de centres tertiaires qui se

seraient occupés des affaires locales (Makowski et Giersz 2016:14). Depuis cette proposition,

la découverte de nouveaux centres associés à la culture wari est suivie de leur placement dans

la position adéquate au sein de ce système (Jennings 2006:272-273). Plusieurs de ces sites

montrent également des traces importantes de préparation et de consommation massive de

nourriture, ce qui a mené les chercheurs a pensé au fonctionnement d’un système de réciprocité

similaire à celui des Incas (Morris 2004:306-308) où les élites appartenant à l’état

organiseraient de grands festins pour récompenser le travail des populations locales (Cook and

Glowacki 2003:197 ; Jennings 2006:265-268 ; 275 ; Nash 2002:262-263). Il est nécessaire de

préciser que même au sein de cette proposition d’un empire wari, il existe des avis divergents

quant à la manière de mettre en application cette autorité sur les populations locales. En

opposition totale avec ce concept de réciprocité, Lumbreras (1974:165) a, par exemple, parlé

d’un régime wari despotique où la force aurait été la seule manière de s’imposer et où celle-ci

aurait été employée pour briser toute culture différente.

Ce modèle d’un empire wari est remis en question depuis quelques décennies et plusieurs autres

interprétations furent proposées quant à la nature de ce contrôle sur les différentes régions qui

constituent les Andes centrales. Contrairement aux chercheurs qui interprètent l’Horizon moyen

comme étant dominé par un empire wari, ceux qui proposent d’autres interprétations allant à

l’encontre de cette idée travaillent essentiellement dans les zones périphériques, comme

Michael Moseley et ses étudiants ou Izumi Shimada et ses collègues qui se focalisent sur la côte

nord (Isbell et McEwan 1991:6 ; Makowski et Giersz 2016:23). Il est important de préciser que

parmi les sites perçus comme des centres administratifs secondaires, certains d’entre eux furent

assez peu étudiés et l’affiliation établit avec la culture wari est en réalité très faible, ce qui

amène à penser que le contrôle sur les zones périphériques est surestimé (Jennings 2006:269-

28
270). De plus, même les sites pleinement reconnus comme étant des centres secondaires wari

ne semblent pas posséder la taille nécessaire pour contrôler de si vastes régions ou n’ont même

jamais dépassés le stade de la construction (Makowski et Giersz 2016:15). En ce qui concerne

la question des festins organisés par l’état wari, ceux-ci ne semblent pas avoir la même ampleur

que les banquets qui pouvaient être organisés au sein de l’Empire inca puisque les fouilles ont

révélé que les espaces de stockage, ainsi que les endroits réservés à ces activités, étaient trop

réduits que pour cela affecte toute la population (Cook and Glowacki 2003:195). S’il s’avère

que ce réseau de centres secondaires n’exista pas, cette absence pourrait être indicative d’une

organisation en colonies ou en avant-postes dispersés dans les Andes centrales et indépendants

les uns des autres. Chaque colonie organiserait ses propres relations avec les entités locales.

L’espace wari s’étendrait donc de manière non continue avec de petites zones sous contrôle

direct et des zones sous contrôle indirect ou sous influence culturelle (Makowski et Giersz

2016:22). Ces colonies auraient gardé un contact avec la capitale via des biens de prestige,

notamment marqués par le répertoire iconographique religieux des Andes méridionales,

échangés contre les ressources locales. Ces biens influencèrent les populations locales via le

marquage de la différenciation sociale qui se fit via l’idéologie, cette dernière ayant affecté les

contextes funéraires et toutes les questions concernant les ancêtres et l’au-delà (Eeckhout

2018:564). La société wari se serait donc positionnée au centre d’un réseau d’échanges et

l’association avec elle de la part de différentes élites locales s’établit dans un but de profitabilité

pour les deux parties. C’est ainsi qu’une partie des sites que nous attribuons à la culture wari

pourraient être en réalité des centres construits par ces élites locales qui cherchèrent à capitaliser

le prestige de l’état wari et de sa culture matérielle (Jennings 2006:273-278). Toutefois, certains

chercheurs comme Schreiber (2001:89) n’excluent tout de même pas l’hypothèse de l’empire

wari, même en connaissant ces informations, car le manque d’architecture dans une région n’est

pas forcément un bon indicateur puisque les espaces occupés précédemment par des sociétés

29
complexes et centralisées étaient déjà bien organisés et l’arrivée d’un nouvel état ne nécessitait

pas forcément l’établissement de nouvelles structures (Bernier et Chapdelaine 2018:573-577).

Figure 1.4 - Carte du Pérou avec une vingtaine de centres administratifs secondaires wari (Jennings 2006:Figure 1)

30
Chapitre II

Les origines du dieu aux bâtons

Maintenant que nous avons remis en contexte la culture wari et sa place dans les Andes

centrales, il est nécessaire de faire de même pour la figure du dieu aux bâtons à travers la

question de ses origines qui est essentielle pour comprendre son émergence et son

développement au sein de la culture matérielle wari. Depuis le début des études menées sur

cette figure du répertoire iconographique wari, les chercheurs se sont focalisés sur les rapports

qui la lie à son homologue de Tiahuanaco. Une nouvelle perspective s’est ouverte dans ce

domaine grâce à la mise en évidence d’une liaison plus générale avec les Andes méridionales,

ce qui explique pourquoi la première partie de ce chapitre se focalise sur cette région. Bien

entendu, dans un souci d’exhaustivité, nous allons également passer en revue les éventuelles

origines alternatives situées dans les Andes centrales à travers une deuxième partie qui sera plus

courte.

1. Les Andes méridionales

Les recherches menées dans cette région des Andes ont révélé l’existence d’une vaste sphère

d’interaction socioculturelle qui engloba plusieurs cultures séparées dans le temps et dans

l’espace. Étant donné le nombre important de résultats, beaucoup de nouvelles informations

furent obtenues, ce qui explique la longueur de cette partie en comparaison avec la section

suivante, et ce, malgré les choix réalisés pour restreindre au maximum les données dans notre

quête de pertinence. Nous avons fractionné l’information en trois subdivisions, la première

servant à donner quelques indications fondamentales sur cette sphère d’interaction, la deuxième

abordant le bassin du lac Titicaca qui semble être à l’origine de ces contacts et la troisième

31
traitant le département d’Arequipa au Pérou puisque le nombre de représentations de la figure

du dieu aux bâtons y est important.

a. La sphère d’interaction

Les frontières de cette sphère d’interaction des Andes méridionales ne sont pas formellement

établies, l’objectif de la communauté scientifique étant de délimiter un espace culturel et social

cohérent plutôt qu’une unité géographique, mais elle comprend l’extrême sud du Pérou, l’ouest

de la Bolivie, le nord du Chili et le nord-ouest de l’Argentine. Un répertoire iconographique

s’est développé au sein de cette sphère d’interaction et il a connu sa plus grande extension

spatiale et son apogée à travers les deux principales cultures de l’Horizon moyen basées à

Tiahuanaco et à Huari (Figure 2.1). Du côté du site bolivien, ce répertoire fut surtout véhiculé

par la sculpture lithique monumentale (Agüero et al. 2003:47), qui se place dans une tradition

matérielle du bassin du lac Titicaca vieille de plusieurs siècles. Du côté du site péruvien, c’est

pendant cette période que ce répertoire fut diffusé à travers les Andes centrales à partir de la

vallée d’Ayacucho, avant de disparaître avec la chute de la culture wari (Isbell et

Knobloch 2006:307-310). Toutefois, le support qui véhicule ce répertoire n’est pas le même

puisque du côté wari il se trouve surtout sur de la céramique polychrome, en particulier sur ces

styles cérémoniels qui sont généralement minoritaire dans les ensembles retrouvés en contexte.

C’est le cas au Castillo de Huarmey où sur 1600 fragments récoltés à la surface, seuls 3%

appartiennent à ces styles cérémoniels wari (Prümers 2000:295). En ce qui concerne les textiles,

ceux-ci possèdent généralement les représentations les plus complètes et il est possible que ce

support soit celui qui ait le plus contribué dans la transmission du répertoire iconographique

des Andes méridionales. Cependant, les découvertes de ce type de support se font généralement

uniquement au niveau de la côte puisque c’est une zone aride et dans beaucoup de cas, la

provenance du matériel est inconnue (Cook 1994:171-173 ; Isbell 2000:12). Au-delà de toutes

ces considérations, ce répertoire fut nommé le Southern Andean Iconographic Series par

32
William Isbell en 2008 (Isbell 2008:732 ; Makowski 2012:96 ; Viau-Courville 2014:14) et il

est composé de plusieurs figures, certaines étant si standardisées qu’elles furent interprétées

comme formant le panthéon d’une nouvelle idéologie religieuse. Ce panthéon serait constitué

du dieu aux bâtons, du visage rayonnant et de l’acolyte de profil (Isbell 2018a:1-3).

Toutes ces informations viennent conforter certains choix que nous avons faits dans la

réalisation de notre étude. Comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction, il est

impossible d’aborder toutes les représentations liées de près ou de loin à la figure du dieu aux

bâtons dans les Andes centrales et il a fallu faire des choix pour restreindre notre étude, tout en

laissant une certaine marge de manœuvre pour constituer un corpus assez large et pertinent.

C’est pourquoi nous avons décidé de nous focaliser sur la culture wari puisqu’elle a introduit et

popularisé la figure du dieu aux bâtons dans les Andes centrales. Au sein de cette culture, la

céramique est le support qui a attiré notre attention, tout simplement, car c’est le matériel le

plus abondant que nous pouvons trouver au sein de la sphère d’influence wari et c’est

naturellement le support le plus étudié par les archéologues. De plus, c’est celui qui a été utilisé

par Menzel pour créer la séquence chronologique de l’Horizon moyen que nous utilisons dans

notre étude et qui reste une référence pour n’importe quel chercheur. De manière générale, c’est

un matériau qui se préserve bien et qui se prête à une palette de méthodes assez variée au niveau

de son étude (Isbell et Tschauner 2012:139). Au niveau même des céramiques, il a fallu faire

un choix en ce qui concerne les styles à aborder. Celui-ci s’est fait en fonction du corpus qu’il

était possible de rassembler. Nous avons donc laissé de côté certains styles cérémoniels wari

comme les styles Atarco ou Viñaque pour lesquels nous n’avons pas trouvé, ou très peu, de

représentations du dieu aux bâtons (Knobloch 2009:177). Cela est en partie due au fait que

certaines régions furent beaucoup plus fouillées que d’autres comme la vallée d’Ayacucho ou

la côte de manière générale (Menzel 1964:3).

33
Pour en revenir à la sphère d’interaction des Andes méridionales, nous allons maintenant

aborder les différents obstacles qui ont entravé l’étude de cet espace, et qui, dans une certaine

mesure, continuent à entraver les recherches. Le souci majeur est certainement le manque de

communication entre les chercheurs des différents pays de la région (Isbell et Knobloch

2006:309-310). À l’âge d’internet cela peut paraître impensable, mais la communication

continue à être perfectible, ce qui entrave le bon déroulement de la recherche archéologique.

En effet, tandis que les Andes centrales sont constituées de différentes régions se situant presque

toutes sur le territoire péruvien, les Andes méridionales sont partagées entre les quatre nations

spécifiées précédemment. Cela résulte en un partage des informations amoindri étant donné que

les archéologues travaillant dans les Andes méridionales ne partagent pas forcément un cadre

d’étude similaire, ce qui est en grande partie le cas au Pérou où les différentes institutions

travaillent ensemble, tandis que les chercheurs partagent un cadre chronologique similaire,

fréquentent les mêmes conférences et publient dans les mêmes revues spécialisées. Malgré cela,

il est tout de même nécessaire de préciser qu’il existe toujours des recherches et des publications

menées dans un cadre plus régional au sein d’institutions ayant une tradition de recherche plus

individualiste et que les différences linguistiques peuvent toujours être une entrave. Pour en

revenir sur les Andes méridionales, non seulement l’archéologie est plus fragmentée à cause du

partage du territoire entre quatre pays, comme c’est le cas entre le Pérou et la Bolivie au niveau

du bassin du lac Titicaca où les chercheurs n’ont pas toujours pris la peine de communiquer

entre eux, mais également au sein même de certains pays comme le Chili ou l’Argentine. Malgré

la qualité des institutions et des recherches menées sur le territoire de ces derniers, l’archéologie

est très régionalisée avec des chercheurs qui ne collaborent que très peu avec leurs congénères

provenant d’autres régions ou même d’autres villes. En ce qui concerne le bassin du lac Titicaca

qui nous intéresse particulièrement dans ce chapitre, en plus du problème de différence au

niveau des séquences chronologiques et du manque de communication, les publications

34
boliviennes et péruviennes ont tendance à ne pas quitter le territoire national et même lorsque

ce n’est pas le cas, la circulation internationale est très limitée. Tout cela est d’autant plus

dommage en sachant que les différentes communautés régionales de chercheurs possèdent des

connaissances uniques sur les sites et le matériel de leur région avec un degré de détail que nous

ne pouvons pas forcément retrouver au niveau international (Isbell 2018a:3-5).

Le deuxième problème que nous avons pu rencontrer dans l’élaboration de cette sphère

d’interaction des Andes méridionales est relatif à la manière dont les chercheurs ont approché

et compris les cultures participant à cet espace. Pendant très longtemps, un modèle

diffusionniste à partir du site de Tiahuanaco servit à expliquer l’origine des sociétés de la région

et celles des Andes centrales pendant l’Horizon moyen puisque les débats se focalisèrent sur la

question de la localisation du centre le plus ancien. Même la séquence chronologique de Menzel

que nous utilisons encore actuellement s’appuya sur l’idée que l’émergence et le développement

de la société wari était en grande partie due à des changements sociaux politiques apportés par

le site bolivien, ainsi que par une idéologie religieuse représentée par le répertoire

iconographique du style tiwanaku. L’une des raisons qui explique cela est le fait que le site de

Tiahuanaco est un espace historique important depuis plusieurs siècles, tandis que Huari est

resté dans l’anonymat jusque dans les années 1940 (Isbell 2008:732). Toutefois, les recherches

de ces dernières décennies ont permis à ce que les connaissances des deux principaux espaces

de l’Horizon moyen deviennent plus détaillées, ce qui mena à des interprétations différentes

quant au développement de ces deux entités. Dorénavant, les projets de recherche récents se

focalisent sur les deux espaces en mettant en évidence une croissance indépendante de chaque

entité, tout en travaillant sur les liens qui les unissent via des collaborations entre les chercheurs

spécialisés dans chacune des régions. Parmi les exemples de collaboration fructueuse, la

conférence organisée par Isbell et McEwan en mai 1985 qui aborda de nouvelles perspectives

dans les relations entre Huari et Tiahuanaco fut certainement un tournant dans la discipline

35
(Cook 1994:55 ; Isbell et McEwan 1991:10). C’est de cette manière que des révisions des

séquences chronologiques et des analyses iconographiques des représentations ont pu se

produire pour démontrer que la dynamique de croissance de Tiahuanaco et de Huari commença

bien avant l’apparition du répertoire iconographique associé à l’Horizon moyen qui n’a donc

pas commencé avec l’apparition du style que nous associions au site bolivien. L’iconographie

initiale de la vallée d’Ayacucho ne montre aucune figure ressemblant à celle du dieu aux bâtons

ou à celle de l’acolyte de profil (Isbell et Knobloch 2006:325-326 ; Knobloch 2000a:71-72) et

la Porte du Soleil, qui fut perçu pendant longtemps comme étant à l’origine de ce répertoire

iconographique, perdit son statut d’œuvre originale puisqu’elle se révéla être beaucoup plus

tardive que ce que nous pensions (Makowski 2001:339-342; Makowski 2012:102-103). Bien

entendu, le lien entre les répertoires iconographiques tiwanaku et wari est toujours d’actualité,

mais ils sont maintenant placés dans un système plus complexe, plus large et plus ancien qui

s’est développé à partir de plusieurs centres du bassin du lac Titicaca interagissant entre eux

(Janusek 2006:472 ; Makowski 2009:134-139). Cependant, malgré le fait que la communauté

scientifique ait abandonné en grande partie le modèle diffusionniste, son héritage est toujours

présent dans quelques noms, classifications ou chronologies (Isbell 2018a:3-6).

36
Figure 2.1 - Carte des régions touchées par le répertoire iconographique des Andes méridionales (Isbell 2018b:Figure 1.1)

37
b. Le bassin du lac Titicaca

Avant de nous lancer dans la présentation des cultures matérielles du bassin du lac Titicaca liées

au développement de la figure du dieu aux bâtons, il est important de nous intéresser à la

question de la chronologie. La plupart des spécialistes de la région n’utilisent pas la séquence

appliquée pour les Andes centrales puisqu’ils utilisent une séquence propre au bassin du lac

Titicaca. Les premières chronologies qui se développèrent pour cette région des Andes prirent

uniquement en compte le développement du site de Tiahuanaco et il fallut attendre plusieurs

décennies avant que les suivantes prennent en compte un éventuel développement de la région

avant l’essor du site bolivien. Un des premiers chercheurs à établir un cadre chronologique fut

Bennett (1934:445-455) dans les années 1930. Il établit une chronologie en 4 périodes avec le

Tiahuanaco initial, le Tiahuanaco classique, le Tiahuanaco décadent et le post-Tiahuanaco.

Bennett savait que sa chronologie était perfectible et qu’elle nécessiterait des recherches

ultérieures, notamment une redéfinition du Tiahuanaco classique et du post-Tiahuanaco (Cook

1994:68-69 ; Knobloch 2000a:71 ; Vranish 2009:12). Une séquence chronologique alternative

fut proposée par Wallace qui se basa sur une méthode de sériation par similarité qui se repose

sur le principe que le développement culturel et stylistique est un processus lent qui répond à

une certaine continuité non aléatoire. Les objets étant plus proches chronologiquement les uns

des autres sont supposés partager une plus grande ressemblance que ceux étant plus éloignés.

Malgré le fait qu’elle fut largement dépassée par les recherches menées ultérieurement, il est

nécessaire de mettre en évidence le fait qu’il est un des premiers à avoir fait un lien via des

similitudes stylistiques avec le site de Pucara dans la partie septentrionale du bassin du lac

Titicaca. C’est donc un des premiers pas menés vers la reconnaissance du bassin du lac Titicaca

comme une région ayant connu un développement particulier au-delà du simple essor de

Tiahuanaco (Cook 1994:69-71 ; Knobloch 2000a:71 ; Vranich 2009:12). La séquence suivante

est celle de Ponce que nous avons déjà abordée précédemment et elle fut utilisée pendant

38
plusieurs décennies jusqu’à son remplacement par celle de John Janusek qui fut proposée il y a

un peu moins d’une vingtaine d’années, plus précisément pour la partie méridionale du bassin

du lac Titicaca (Figure 2.2). Tout le développement antérieur à celui de la sphère d’influence

de Tiahuanaco est la période Formative qui a été récemment subdivisée en trois périodes, tandis

que le Formatif récent a été lui-même subdivisé en deux périodes. Le Formatif ancien est

l’époque où nous avons l’établissement définitif des premiers villages autour du lac Titicaca. À

partir du Formatif moyen, nous avons le développement des premières sociétés plus complexes,

ainsi que l’apparition de la tradition religieuse Yaya-Mama que nous aurons l’occasion

d’aborder dans la suite de ce chapitre. Le Formatif récent est quant à lui marqué par l’essor du

site de Pucara que nous avons déjà cité ci-dessus (Bandy 2001:19 ; Hastorf 1999:20 ; Janusek

2004a:86 ; Janusek 2004b:126 ; Janusek 2006:470 ; Janusek 2008:18-26 ; Janusek et Ohnstad

2018:80-81). Il est important de préciser que cette séquence chronologique va certainement

subir quelques révisions en fonction des nouvelles découvertes puisque certains aspects la

concernant sont déjà remis en question (Isbell 2018b:430).

Maintenant que nous avons placé le cadre chronologique de la région, il est nécessaire de se

familiariser avec le concept de « Yaya-Mama » pour comprendre le développement de cette

sphère d’interaction dans les Andes méridionales. Cette appellation, qui vient de l’expression

quechua pour « Père-Mère », fut inventée par Karen Mohr-Chávez et Sergio Chávez en 1975

et popularisée par Michael Moseley en 1993 (Moseley 1993:158). Elle est fondée sur la

découverte par le couple Chávez d’un monolithe provenant du site de Taraco qui représente la

complémentarité homme/femme. Cette découverte eut lieu dans le cadre de leurs fouilles dans

la partie septentrionale du bassin du lac Titicaca où ils travaillèrent pendant plusieurs décennies

à partir des années 1960, avant de continuer leurs recherches dans la partie méridionale sur

invitation du directeur de l’Institut National d’Archéologie de Bolivie (Chávez et Mohr-Chávez

1975:46). C’est ainsi qu’ils débutèrent un projet de recherche multidisciplinaire ayant pour

39
objectif principal l’identification des traces révélatrices de l’émergence de cette sphère

d’interaction des Andes méridionales. Le concept de Yaya-Mama fut réellement défini pour la

première fois en 1988 par Karen Mohr-Chávez (1989:17) pour désigner une tradition religieuse

et culturelle antérieure à l’ascension de la culture tiwanaku dans le bassin du lac Titicaca (Figure

2.3) qui se serait développée entre 800 et 200 av. J.-C, pendant le Formatif moyen. Elle serait

basée sur de multiples centres politico-rituels, appartenant aux complexes culturels de Qaluyu

et Chiripa, avec une architecture caractérisée par des plates-formes surélevées et des courts

semi-souterraines, un style sculptural associé aux temples constitué de stèles monolithiques, un

attirail rituel composé d’encensoirs et de trompettes en céramique et un répertoire

iconographique incluant diverses figures surnaturelles (Burger et al. 2000:310-311 ; Chávez

2018:17-22 ; Isbell et Knobloch 2006:319 ; Janusek 2008:19-20 ; 82-83 ; Klarich 2005a:92 ;

Stanish 2003:130-132). Même si l’existence de cette tradition est en grande partie acceptée par

la communauté scientifique, il est nécessaire de savoir qu’il existe certains chercheurs comme

Janusek et Arik Ohnstad (2018:81-82) qui proposent une redéfinition de ce concept, car son

sens devient de moins en moins consistant au vu des dernières découvertes. Néanmoins, cette

question sort du cadre de notre recherche et, par conséquent, elle ne sera pas abordée ici.

Les recherches menées dans la partie septentrionale du bassin du lac Titicaca permirent aux

chercheurs de mettre en évidence l’existence de la culture pukara dont le style pourrait être une

version plus tardive et exubérante du style Yaya-Mama. Cependant, des datations au

radiocarbone récentes provenant du temple de Ch’isi dans la péninsule de Copacabana en

Bolivie et le site de Pucara dans le sud du Pérou indiquent que les deux styles semblent être

tout de même partiellement contemporains. En ce qui concerne le site de Pucara (Mohr-Chávez

1989:22), celui-ci est situé à 3.900 m d’altitude à plusieurs dizaines de kilomètres au nord-ouest

du bassin du lac Titicaca et il fut l’un des principaux centres urbains de la région, surtout

lorsqu’il atteignit son extension maximale entre 200 av. J.-C. et 200 ap. J.-C pendant le Formatif

40
récent 1 (Klarich 2005a:67 ; Klarich 2005b:186 ; 2009:284 ; Klarich et Chávez Justo 2018:53).

Il engloba la partie septentrionale du bassin du lac Titicaca qui était dominée par le complexe

culturel Qaluyu pendant le Formatif moyen. Les archéologues sont en désaccord quant à la

nature réelle de la culture pukara qui pourrait être un état, une fédération ou même un réseau

d’interaction (Janusek 2008:20 ; 88-90). Même si le centre du style pukara se situe dans les

limites septentrionales du bassin du lac Titicaca, certains artéfacts associés à ce style furent

retrouvés dans d’autres régions comme dans la vallée de Moquegua, à Chumbivilcas dans le

département de Cuzco et dans les alentours de Tiahuanaco (Chávez 1976:13-14). La présence

de ce matériel serait due à des migrations qui coïncident avec l’abandon de certains sites au sein

de la culture pukara comme Qaluyu, Taraco et Pucara lui-même. Au niveau de la sculpture, le

style pukara suit la tradition Yaya-Mama avec des sculptures en bas-relief, mais elle apporte de

nouvelles formes avec la sculpture en ronde-bosse (Chávez 1988:27 ; 36-38 ; Chávez 2018:19-

22 ; Moseley 1993:158-160). Il existe une sculpture de ce genre de 12 cm de haut dans le Museo

Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú. Elle est associée à la culture

pukara, malgré le fait que la provenance soit incertaine, et elle représente un prototype de dieu

aux bâtons qui a potentiellement servi de modèle pour les représentations de l’Horizon moyen

(Figure 2.4). Ce qui est assez original avec cette représentation, c’est la présence d’ailes sur le

dos de la divinité (Cook 1994:191). En ce qui concerne la céramique pukara, cette dernière

présente deux thèmes au sein de son répertoire iconographique qui ont pu influencer les

représentations du dieu aux bâtons ultérieures. Cette iconographie apparait sur des récipients

provenant du site même de Pucara qui sont fragmentaires, mais très élaborés. Cette céramique

est caractérisée par une décoration polychrome avec une iconographie complexe présente aussi

bien sur la surface intérieure que sur la surface extérieure des récipients. Les deux thèmes sont

ceux de la femme à l’alpaga et de l’homme félin (Figure 2.5) qui auraient laissé en héritage

certains de leurs motifs ou de leurs attributs, et, uniquement dans le cas de la femme à l’alpaga,

41
la pose de face avec les bras écartés et pliés. Ces thèmes seraient dans la continuité de l’idée de

complémentarité homme/femme de la tradition Yaya-Mama (Baitzel et Trigo 2019:4 ; Chávez

2018:36-40 ; Isbell et Knobloch 2006:19-21 ; Makowski 2009:137-138 ; Rowe 1971:9-10).

Au même moment où la culture pukara se développe dans la partie septentrionale du bassin du

lac Titicaca, la partie méridionale est occupée par plusieurs entités politiques qui découlent du

complexe culturel Chiripa, comme Lukurmata dans la vallée de Katari, Kala Uyuni dans la

péninsule de Taraco et Tiahuanaco dans la vallée du même nom. Cette espace connut des

changements importants au niveau de la production et du peuplement puisque les populations

de la région commencèrent à occuper les zones les plus éloignées du lac et l’élevage prit une

plus grande importance dans l’économie de ces différentes entités. Ces dernières émergèrent

toutes pendant cette époque du Formatif récent 1 puisque les centres urbains qui les

constituaient n’étaient que de petits villages sans importance pendant le Formatif moyen. Nous

allons particulièrement nous intéresser au site de Tiahuanaco avant que celui-ci ne gagne en

importance à la fin du Formatif récent 2 (Janusek 2008:21 ; 90-96) puisque certains artéfacts

représentant des prototypes de dieu aux bâtons sont associés au site. C’est le cas pour ce qui

semble être une dalle de meulage, de 64 cm de hauteur sur 46 cm de largeur, qui nous vient du

département de La Paz en Bolivie et qui découle de la tradition de stèles monolithiques

sculptées de la région (Figure 2.6). Aucune datation n’est possible sur cet objet et la provenance

exacte est inconnue, mais les similitudes avec d’autres représentations sur des textiles datés que

nous verrons plus loin dans ce chapitre permettent à Janusek et Ohnstad (2018:86) de placer

cette stèle entre 200 et 400 ap. J.-C., pendant le Formatif récent. Une autre dalle de meulage

cylindrique, de 46,5 cm de diamètre et 16,5 cm d’épaisseur (Figure 2.7), fut retrouvée par Ponce

dans le coin sud-ouest d’un temple semi-souterrain de Tiahuanaco. Elle se trouve actuellement

au Museo Nacional de Arqueologia Tiwanaku et elle représente ce qui semble être des dieux

aux bâtons sur ces côtés (Chávez 2018:31-32). La dernière sculpture que nous allons présenter

42
est le linteau Linares, également conservé au Museo Nacional de Arqueologia Tiwanaku (DIG

: Digital Information Gateway 2020), qui présente quant à lui la partie supérieure d’un dieu aux

bâtons transitoire (Figure 2.8), la partie inférieure étant manquante puisque le linteau est abimé

(Cook 1994:197). Ce linteau fut placé dans la sériation en 5 phases développée en 2003 par

Carolina Agüero, Mauricio Uribe et José Berenguer pour la sculpture lithique monumentale de

Tiahuanaco. Il fait partie de la deuxième phase qui constitue le début de la synthèse du panthéon

appartenant au répertoire iconographique de la sphère des Andes méridionales pendant

l’Horizon moyen (Agüero et al. 2003:77-81). Le dieu aux bâtons est situé au centre de la

représentation au milieu de deux processions horizontales d’acolytes de profil (Isbell

2018b:432-433).

43
Figure 2.2 - Séquence chronologique de la partie méridionale du bassin du lac Titicaca proposée par Janusek (2008:Figure
1.7)

44
Figure 2.3 - Les principaux sites du bassin du lac Titicaca avant l'ascension de la culture tiwanaku (Stanish 2003:Map 6.1)

45
Figure 2.4 - Photographies d’une sculpture en ronde-bosse d'un dieu aux bâtons pukara (Young-Sánchez 2004:Figure 3.9)

46
Figure 2.5 - Reconstructions des thèmes de la femme à l'alpaga et de l'homme félin appartenant à la céramique pukara
réalisées par Stanislava Chávez à partir de dessins de Sergio Chávez (2018:Figure 2.31 ; Figure 2.32)

47
Figure 2.6 - Dessin d’une dalle de meulage réalisé par Sergio Chávez en se basant sur un autre dessin de Ferdinand Anton
(Chávez 2018:2.25)

48
Figure 2.7 - Dessin d'une dalle de meulage cylindrique réalisé par Stanislava Chávez et Sergio Chávez (2018:2.27)

49
Figure 2.8 - Photographie prise par Isbell et dessins réalisés par Posnansky et Knobloch du linteau Linares (Isbell
2018b:Figure 15.8)

50
c. Le département d’Arequipa

Nous allons maintenant nous intéresser au pukara provincial, une tradition iconographique des

Andes méridionales qui s’est développée dans le département d’Arequipa au Pérou. La

reconnaissance de son existence est très récente et elle est pour l’instant exclusivement associée

à des textiles, puisque nous n’avons trouvé aucune céramique ou sculpture lithique pouvant y

être associée. Son identification s’est faite à partir de trois bandes de textiles dont l’une d’entre

elles fut datée entre 139 et 432. Par la suite, d’autres textiles furent trouvés et cela nous a permis

d’élargir la séquence chronologique entre 35 et 528, ce qui pourrait indiquer que cette tradition

serait potentiellement contemporaine de la culture pukara. Peu d’informations existent par

rapport à la provenance des textiles, mais il semblerait que certains furent trouvés près de

Huancarqui et Cochate dans la vallée de Majes et La Chimba et La Ramada dans la vallée de

Sihuas. Tout le matériel de cette tradition semble donc provenir du département d’Arequipa, en

dehors du cœur de l’espace de la culture pukara. Cette dernière s’est propagée vers le nord dans

la région de Cuzco (Chávez 1988:27) et il semblerait qu’un mouvement similaire ait eu lieu

vers l’ouest pour donner naissance à cette nouvelle tradition. Même si nous ne connaissons

toujours pas son origine exacte, le degré de préservation de ce matériel semble indiquer que ces

textiles étaient placés dans des contextes funéraires sur des terrasses alluviales sèches de vallées

près de la côte sud du Pérou ou dans des grottes sèches et froides de la sierra (Makowski

2009:135). Étant donné que la reconnaissance du pukara provincial est relativement récente, il

n’existe que très peu de publications à ce sujet et Joerg Haeberli est probablement le chercheur

ayant le plus contribué à la connaissance de cette tradition. L’appellation de pukara provincial

vient d’ailleurs d’Haeberli qui a identifié le lien avec l’espace pukara sans que la tradition en

fasse directement partie (Isbell et Knobloch 2006:321 ; Haeberli 2001:116). Il est donc

nécessaire de brièvement remettre en contexte son parcours pour comprendre son apport au

sujet de notre étude. Comme mentionné précédemment, le département d’Arequipa est pour

51
l’instant le seul espace directement lié au pukara provincial. L’intérêt d’Haeberli pour cette

région apparut en 1994 lorsqu’une série de textiles furent découverts et attribués initialement à

la culture nazca. Il commença à s’intéresser à ces textiles et à d’autres présentant un style

similaire. Il eut l’occasion d’aller sur le terrain pour chercher la provenance de ces textiles en

1997 et en 2000 avec Rómulo Pari, un archéologue de l’Universidad Católica De Santa Maria,

et Marko López, un archéologue de l’Instituto Nacional de Cultura. Ces études dans les rejets

des pilleurs près de La Chimba, La Ramada et San Juan dans la vallée de Sihuas, ainsi qu’à La

Gamio dans la vallée de Vitor, n’ont pas mené à de grandes découvertes, mais Haeberli

commença à chercher la trace de textiles similaires à travers les contributions d’autres

chercheurs via leurs photographies et illustrations. Il a pu diviser les textiles découverts en 7

groupes différents à partir du répertoire iconographique, du style et de la méthode de tissage.

C’est ainsi qu’il identifia le pukara provincial comme une tradition à part des autres cultures de

la région (Haeberli 2001:90 ; Haeberli 2018:165-166).

Maintenant que nous avons recontextualisé le pukara provincial, nous allons nous intéresser

plus spécifiquement à ses représentations de dieu aux bâtons. Ces dernières sont interprétées

par Haeberli comme étant des figures féminines, donc il serait plus judicieux de parler de

déesses aux bâtons. Selon lui, la seule manière d’identifier le genre des divinités représentées

sur les textiles du pukara provincial est de s’intéresser aux vêtements que portent les figures

puisque les caractères sexuels primaires ou secondaires ne sont pas représentés. En étudiant

l’évolution vestimentaire des populations andines, nous pouvons nous apercevoir que les

vêtements portés dans les zones rurales péruviennes et boliviennes, comme Q’ero dans le

département de Cuzco au Pérou ou les régions de Charazani, Tarabuco et Potolo en Bolivie,

sont proches de ceux qui apparaissent sur des photographies du 20ème siècle (Figure 2.9), des

dessins ou des peintures réalisés par des artistes locaux du 17ème siècle (Figure 2.10) et même

des figurines incas habillées du 15ème et du 16ème siècle. Les changements vestimentaires furent

52
donc minimes dans certaines régions, et ce, malgré la conquête espagnole. De plus, nous

pouvons également remarquer que les vêtements féminins ont moins changé que les vêtements

masculins. Quel que ce soit le genre, les vêtements sont généralement formés à partir d’étoffes

rectangulaires faites sur mesure qui peuvent être attachées entre elles si nécessaire. Les femmes

portent des jupes qui se terminent entre les genoux et les chevilles et des manteaux dont les

deux coins supérieurs passent au-dessus des épaules pour s’attacher au niveau de la poitrine. La

longueur du manteau qui pend au niveau du dos varie puisqu’il se situe entre les hanches et les

chevilles. En ce qui concerne les hommes à l’époque inca, leurs vêtements ayant fortement

changé avec la conquête espagnole, ces derniers portent des tuniques qui arrivent jusqu’aux

genoux et des manteaux qui pendent à partir des épaules différemment en comparaison avec

ceux portés par les femmes (Haeberli 2018:148-149). Même si cette proposition d’Haeberli

semble intéressante, il est nécessaire de rester prudent puisqu’elle se base sur des éléments

ultérieurs de plusieurs siècles aux représentations qui nous intéressent. Cette remarque en

amène une autre sur le style Pukara provincial lui-même puisqu’il a été identifié très récemment

et il ne serait pas étonnant que des recherches ultérieures modifient jusqu’à l’appellation même

de cette tradition. La littérature n’étant pas abondante sur le sujet, nous sommes extrêmement

dépendants du travail d’Haeberli qui a peu publié. C’est pourquoi il serait nécessaire que

d’autres chercheurs se penchent sur l’évolution stylistique du pukara provincial pour permettre

une plus grande variété d’interprétations.

Il existe 3 textiles possédant des représentations de notre divinité, l’un d’entre eux étant un sac

de 16 cm de hauteur présentant une déesse aux bâtons similaire sur chaque côté (Figure 2.11).

Une datation au radiocarbone a permis de le dater entre 74 et 237. Le caractère féminin des

vêtements que porte chaque figure est assez difficile à déterminer. S’il est vrai que la tunique

semble assez longue, nous ne pouvons pas exactement déterminer la location des genoux. De

plus, la distinction entre la tunique et l’éventuel manteau n’est pas évidente. Haeberli considère

53
également que la couronne et les boucles d’oreilles portées par la figure permettent de

déterminer le genre, mais sans déterminer en quoi consiste son interprétation. La détermination

de la figure comme étant féminine est donc problématique avec les éléments que nous avons

pour le moment (Haeberli 2018:171-172). Un autre textile présentant des représentations

similaires à celles du sac est un manteau avec des rayures verticales daté entre 218 et 382. Ce

manteau présente 4 catégories différentes de déesses aux bâtons qui possèdent une structure

générale similaire, mais avec des motifs différents (Figure 2.12). Le caractère féminin des

vêtements reste difficile à déterminer dans ces représentations. La tunique est toujours longue,

mais les genoux ne sont pas indiqués. De plus, il ne semble pas y avoir de traces de manteau

(Haeberli 2018:171-173 ; Young-Sánchez 2004:45). Le dernier textile est quant à lui une

tunique présentant 38 représentations de la divinité et est daté entre 245 et 402. Les deux

principales représentations sont similaires et elles se situent chacune à l’intérieur d’une enceinte

représentée sur un panneau sur chaque épaule (Figure 2.13), tandis que les 36 autres se situent

à l’avant et à l’arrière de la tunique (Figure 2.14) et font office d’acolytes pour une

représentation de visage rayonnant se trouvant de chaque côté. Cette fonction leur a été attribuée

étant donné que leurs pieds sont tournés vers le visage rayonnant, ce dernier étant plus grand

que les autres figures. Toutes les représentations de la divinité sont assez similaires, la structure

générale étant la même, tandis que certains motifs changent. Cette fois-ci, il est plus facile de

caractériser ces figures comme étant féminines, en tout cas pour les deux divinités sur les

épaules. La tunique est longue, mais nous avons toujours le souci des genoux. Néanmoins, un

manteau est présent au niveau des épaules en retombant à l’arrière jusqu’aux chevilles. Elle

porte également des ornements d’oreille similaires à ceux que porte la femme au camélidé de

la culture pukara, ainsi qu’une couronne différente de celle que les acolytes de profil masculins

représentés sur certains textiles portent (Isbell et Knobloch 2006:325 ; Haeberli 2018:167-170

; Makowski 2009:136 ; Young-Sánchez 2004:46).

54
Figure 2.9 - Photographie d'une femme de la région de Charazani prise par Bruce Takami (Adelson et Tracht 1983:Figure 36)

55
Figure 2.10 - Dessin du 17ème siècle fait par Pedro Ramirez Aguila (Adelson et Tracht 1983:Figure 24)

56
Figure 2.11 - Photographie d’un sac appartenant au pukara provincial et représentant une déesse aux bâtons prise par
Haeberli (2018:Figure 6.13)

57
Figure 2.12 - Photographies d’un manteau appartenant au pukara provincial et représentant 4 déesses aux bâtons
différentes prises par Haeberli (2018:Figure 6.14 ; Figure 6.15 ; Figure 6.16) et Young-Sánchez (2004:Figure 2.25a)

58
Figure 2.13 - Photographie d’une tunique appartenant au pukara provincial et représentant une déesse aux bâtons sur une
des épaules (Haeberli 2018:Figure 6.11)

59
Figure 2.14 - Photographie d’une tunique appartenant au pukara provincial et représentant 18 déesses aux bâtons sur
l’avant du vêtement (Haeberli 2018:Figure 6.12)

60
2. Les Andes centrales

Malgré la reconnaissance généralisée des origines méridionales du dieu aux bâtons de l’Horizon

moyen, il existe dans la littérature plusieurs références à un foyer d’origine alternatif qui se

situerait au niveau de la partie septentrionale des Andes centrales. Parmi ces prototypes de dieux

aux bâtons qui se seraient développés dans cette région, le plus ancien nous ramène à la période

précéramique via un fragment peint et incisé d’une gourde (Figure 2.15) découvert en 2002 par

les équipes du Proyecto Arqueológico Norte Chico lors d’une prospection au sol (Quilter

2012:131). Cette découverte se fit dans le cimetière P, une zone funéraire fortement pillée et

située sur la rive gauche de la vallée de Pativilca, elle-même située dans la région de Norte

Chico qui réunit 4 vallées entre la côte nord et la côte centrale du Pérou au nord de Lima :

Huaura, Supe, Pativilca et Fortaleza (Figure 2.16). Une datation au radiocarbone réalisée sur un

autre fragment non décoré de la même gourde indique qu’elle daterait plus ou moins de 2220

av. J.-C. La représentation du fragment décoré est celle d’une créature de face avec des crocs,

de grands yeux, des excroissances triangulaires sur la tête, des pieds évasés de profil et des bras

écartés qui pourraient éventuellement tenir des bâtons ou des barres à la verticale. Une figure

similaire, mais sans que les bâtons soient visibles fut retrouvée sur un autre fragment de gourde

(Figure 2.17) non daté dans le secteur A du site de Cerro R, une autre zone funéraire située

également sur la rive gauche de la même vallée. Pour Jonathan Haas, Winifred Creamer et

Alvaro Ruiz, les chercheurs à l’origine de ces découvertes, il ne fait aucun doute que cela prouve

l’existence d’une iconographie et d’une idéologie panandine centrée sur cette figure du dieu

aux bâtons qui fut transmise aux cultures des périodes ultérieures (Haas et Creamer 2004:35-

36 ; 48-49 ; Haas et al. 2003:9 ; Isbell et Knobloch 2006:308). Néanmoins, cette proposition

semble peu consistante et cela apparait clairement du côté de Makowski (2009:134) qui doute

du caractère si ancien des représentations. Selon lui, elles furent réalisées bien plus tardivement

sur des artefacts qui pourraient éventuellement dater de la période précéramique, cette

61
hypothèse n’étant pas totalement incompatible avec les recherches menées dans les zones

funéraires de la vallée de Pativilca puisqu’il existe des traces d’un usage étendu sur plusieurs

périodes (Haas et al. 2007:2-5 ; 52-57).

Cette figure du dieu aux bâtons refait son apparition bien plus tard dans la partie septentrionale

des Andes centrales à travers différents objets de la culture chavín (Knobloch 2013:90-91 ;

Mancilla et al. 2019:99) qui s’est développée pendant l’Horizon ancien (Figure 2.18). Son nom

provient de Chavín de Huantar, un site situé dans les hautes terres du nord du Pérou dans la

vallée de Mosna qui a pendant longtemps été perçu comme le centre de diffusion principale

d’une idéologie commune dans les Andes centrales, plus ou moins entre 900 et 200 av. J.-C. Ce

site a surtout attiré l’attention des chercheurs grâce à son architecture et à sa sculpture

monumentale (Burger 2008:683-685 ; 693-694 ; Rick 2013:166), cette dernière ayant servi pour

définir le style chavín (Roe 1974:5-6). L’expression même de « dieu aux bâtons » fut utilisée

pour la 1ère fois en 1962 par John Rowe (1967:72-76 ; 95-86) dans cette association avec la

culture chavín à travers la stèle Raimondi (Figure 2.19). Cette stèle est une pierre de taille en

granite qui fait partie de la phase EF du style chavín et elle fut trouvée dans les années 1840

dans les ruines du site péruvien, sa position originale étant vraisemblablement l’édifice A,

également connu comme étant le Nouveau Temple selon la séquence constructive du site par

Rowe. Elle fait 1.98 m de hauteur, 74 cm de largeur et 17 cm d’épaisseur, la représentation en

relief occupant l’entièreté de l’espace et possédant bien plus de détails en accord avec les

conventions artistiques de la culture chavín en comparaison avec ce que nous avons pu voir

précédemment pour la période précéramique. Néanmoins, la figure du dieu aux bâtons en elle-

même ne constitue que le tiers inférieur de la représentation, une grande importance étant

attribuée à son couvre-chef qui occupe le reste de la stèle et qui est constitué de plusieurs têtes

surnaturelles imbriquées les unes dans les autres, cela étant visible en analysant la

représentation à l’envers (Burger 1995:174-175 ; Quilter 2012:131-132). Suite à l’utilisation de

62
cette appellation pour la stèle Raimondi, elle s’étendit dans la littérature à toute une série de

figures anthropomorphes représentées de face tenant dans chaque main des attributs divers à la

verticale (Viau-Courville 2014:14-15). Bien avant la découverte de la représentation de Norte

Chico présentée précédemment, Rowe (1971:117-118) avait déjà défendu l’idée que l’origine

de la figure du dieu aux bâtons de l’Horizon moyen se situait en réalité dans la partie

septentrionale des Andes centrales. Par la suite, l’iconographie et l’idéologie chavín se seraient

propagées vers le bassin du lac Titicaca à travers les cultures paracas et pukara (Cook

1994:186 ; Isbell et Knobloch 2006:308 ; Makowski 2009:134).

Cette propagation fut possible grâce au développement de populations influencées par la culture

chavín, ce lien étant le plus visible sur la côte sud du Pérou au niveau de la péninsule de Paracas

ou dans les vallées alentour (Burger 2008:699 ; Peters 2002:324) où nous pouvons retrouver

plusieurs représentations du dieu aux bâtons. Parmi les différents artefacts représentant cette

figure, l’endroit ayant livré le plus de représentations est le site de Carhua, situé dans la vallée

d’Ica près de la Bahía de la Independencia, (Cordy-Collins 1982:150 ; Peters 2018:111) qui est

un cimetière ayant attiré l’attention des archéologues en 1971 suite à des pillages (Roe 1974:31-

33) qui mirent au jour une grande tombe rectangulaire et atypique contenant de nombreux

tessons de céramique, ainsi que 200 fragments de textiles (Figure 2.20). La fonction de ces

derniers est incertaine, mais ce qui est sûr c’est que la taille de ces textiles pouvait être

importante. Les calculs pour l’un d’entre eux ont révélé qu’il faisait environ 4.2 m de large et

2.7 de hauteur, ce qui donne une surface 8 fois plus grande que celle de la stèle Raimondi. En

ce qui concerne leur fabrication, ils furent réalisés à partir de fils de coton lâchement tissés et

ils furent décorés différemment de ce que nous pouvons voir au niveau de la tradition locale,

que ce soit au niveau de la technique ou de la composition étant donné que la décoration fut

peinte et non tissée. Le répertoire iconographique est quant à lui semblable à ce que nous

pouvons voir sur la sculpture chavín à partir de la phase D, notamment la figure du dieu aux

63
bâtons qui constitue l’unité iconographique la plus représentée puisque nous pouvons la

retrouver au moins 48 fois sur ces textiles de Carhua (Cordy-Collins 1979:51-52). Cependant,

il existe des différences majeures avec le dieu aux bâtons de la stèle Raimondi, notamment au

niveau du genre de la divinité puisque certaines représentations furent identifiées comme étant

féminines, la poitrine étant représentée comme des yeux et le sexe étant représenté comme un

ensemble de dents et de crocs à la verticale (Lyon 1978:98-102 ; Stone 1982:51-52 ; 63-65).

Plusieurs interprétations existent quant à l’identité de cette déesse, étant donné que pour certains

il s’agirait d’une divinité locale associée au dieu aux bâtons chavín par un lien familial, tandis

que pour d’autres la divinité possèderait une identité de genre double et les textiles de Carhua

représenteraient sa partie féminine. Si les textiles provenant de ce site sont les plus connus,

d’autres pouvant potentiellement représentés la figure du dieu aux bâtons ont fait une brève

apparition au cours du 20ème siècle, comme ces deux textiles provenant vraisemblablement de

la vallée d’Ica qui apparurent au sein du milieu du marché des antiquités en 1960 (Burger

1995:195-198 ; Wallace 1991:62 ; 70).

Ce qui est certain, c’est que la découverte de cette iconographie chavínoïde sur la côte sud du

Pérou à plusieurs centaines de kilomètres du site principal permettrait potentiellement

d’appuyer la théorie de Rowe sur l’origine plus septentrionale du dieu aux bâtons. Cependant,

le lien entre la divinité de l’Horizon ancien et la divinité de l’Horizon moyen n’est toujours pas

clairement établi. Il est nécessaire de prendre en considération que l’appellation de « dieu aux

bâtons » est peut-être devenue extrêmement générique pour désigner une forme

conventionnelle ayant servi de « canevas » dans l’iconographie de différentes cultures plutôt

qu’une figure spécifique. Même si les similitudes entre différentes représentations séparées par

plusieurs siècles peuvent être troublantes, il n’y a pas forcément de continuité directe entre

l’iconographie des deux périodes de la préhistoire péruvienne et l’origine méridionale du dieu

aux bâtons wari semble toujours plus convaincante (Quilter 2012:136-140).

64
Figure 2.15 - Photo de Jonathan Haas et dessin de Jill Seagard du fragment du cimetière P (Haas et al. 2003:9)

65
Figure 2.16 - Carte de la région de Norte Chico (Haas et Creamer 2006:Figure 1)

66
Figure 2.17 - Photo et dessin du fragment provenant du Cerro R (Haas et al. 2007:Figure 29)

67
Figure 2.18 - Carte des sites péruviens occupés pendant l’Horizon Ancien (Burger 1995:Figure 191)

68
Figure 2.19 - Dessin à l’endroit et à l’envers du dieu aux bâtons de la stèle Raimondi (Burger 1995:Figure 176)

69
Figure 2.20 - Dessin d’une déesse aux bâtons représentée sur un fragment de textile de Carhua (Roe 1974:Figure 14)

70
Chapitre III

Émergence et développement à Conchopata

Dans le cadre de notre étude diachronique sur l’iconographie du dieu aux bâtons wari, nous

allons naturellement nous intéresser à l’émergence et au développement des premières

représentations à travers plusieurs lots de céramiques découverts sur le site de Conchopata.

L’étude de ces dieux aux bâtons primitifs est primordiale puisqu’elle nous permettra d’établir

un modèle sur lequel nous nous baserons pour caractériser les modifications iconographiques

des représentations plus tardives. Pour atteindre les objectifs de ce chapitre qui consistent à

mettre en évidence les caractéristiques iconographiques de ces premières figures, celui-ci est

divisé en deux parties, la première étant l’étape nécessaire de la contextualisation où nous

donnerons le maximum d’informations pertinentes sur le sujet, tandis que la deuxième partie

consiste en la réalisation d’une description et d’une analyse des représentations de notre corpus.

1. Contextualisation

Dans cette partie de contextualisation, nous allons aborder deux éléments différents concernant

ces représentations de Conchopata. Le premier concerne le site archéologique, celui-ci étant

fortement lié à l’apparition du répertoire iconographique des Andes méridionales puisque c’est

exclusivement à cet endroit que les recherches nous ont permis de trouver les plus anciennes

représentations de dieu aux bâtons dans l’espace wari. Nous allons commencer par donner

quelques informations générales à propos du site et terminer par l’historique des recherches qui

y furent menées. Le deuxième porte sur le matériel associé à ces représentations puisqu’il est

nécessaire de se familiariser avec celui-ci avant de pouvoir analyser son iconographie. Nous

allons procéder de manière chronologique en présentant les informations de départ obtenues

grâce aux premières recherches, avant de se focaliser sur les découvertes qui suivirent.
71
a. Le site

Le site de Conchopata est le deuxième site le plus important au sein de la sphère d’influence

wari après la capitale qui se situe à une dizaine de kilomètres plus au nord. Il se trouve au cœur

même de cet espace, dans le bassin de Huamanga à l’extrémité méridionale de la vallée de

Ayacucho, à 2700 m au-dessus du niveau de la mer (Figure 3.1). Ce site fut occupé pendant

l’Intermédiaire ancien, période pendant laquelle il n’était composé que de petits hameaux très

peu attractifs dispersés sur la plaine de Chakipampa. Il fut ensuite occupé pendant l’Horizon

moyen et c’est pendant cette période que la ville commença à être en compétition avec Huari

pour obtenir l’hégémonie dans la région. Il est possible que Conchopata ait eu une plus grande

importance au début de l’Horizon moyen, mais que le site fût surpassé par Huari qui reprit son

idéologie religieuse, ainsi que son répertoire iconographique. Traditionnellement, c’est de cette

manière que la littérature explique l’abandon du site avec le transfert de la population vers le

nouveau site dominant (Isbell et Cook 1987:30). C’est également de cette manière que se

déroulerait la perte de popularité de la tradition des grandes céramiques offertes en offrande,

les céramiques cérémonielles devenant à peine plus grandes que les céramiques séculières

(Cook 1987:51-52). Au départ, la croissance de Conchopata est certainement due à l’arrivée de

l’ingénierie hydraulique de la culture wari qui dévia l’eau de la Quebrada de Totorilla située à

l’ouest du site vers le noyau urbain, ce qui lui permit de devenir un centre important de

production de céramique, ainsi qu’un centre administratif dans la région (Isbell et Tschauner

2012:133). Initialement, selon les meilleures estimations, le site semble avoir occupé un espace

de 20 à 40 ha (Isbell 2008:752), mais étant donné qu’il se trouve dans la zone la plus plate de

la région et au nord-est de la périphérie de la ville moderne d’Ayacucho, il fut en partie détruit

par certaines constructions menées par les autorités péruviennes à partir de 1964 pour desservir

la ville. Parmi celles-ci, nous pouvons notamment retrouver l’aéroport et l’autoroute, ce qui fait

que l’espace occupé n’est plus que de 3,5 ha (Cook et Benco 2000:490 ; González et Pozzi-

72
Escot 1992:174 ; Isbell 2000:16-21 ; Isbell 2004a:4-6 ; Isbell et Knobloch 2006:324 ; Sayre et

Whitehead 2017:122-124 ; Ochatoma et Cabrera 2000:450 ; Pozzi-Escot 1985:116 ; Pozzi-

Escot 1991:81-82 ; Pozzi-Escot et al. 1998:256). L’autoroute, plus spécifiquement l’avenida

del Ejército, traverse le site et le divise en deux parties, la partie ouest étant le secteur A, la

partie est étant le secteur B (Figure 3.2). Malgré cela, les fouilles ont permis d’identifier 250

structures distinctes et très proches les unes des autres avec au moins 4 formes architecturales

différentes (Rosenfeld 2012:135). Nous pouvons y trouver des espaces dédiés à des

activités domestiques, religieuses ou artisanales (Mancilla et al. 2019:93-95). En plus des

artisans et des spécialistes religieux, les fouilles ont permis d’identifier des traces de la présence

d’élites de plusieurs niveaux (Cook et Glowacki 2003:186). Ce qui nous intéresse

particulièrement dans le cadre de notre étude selon nos connaissances actuelles, c’est de savoir

que Conchopata est non seulement l’endroit d’origine du dieu aux bâtons wari, mais c’est

également l’endroit avec le plus grand nombre de représentations de la divinité retrouvées en

contexte au nord de la sphère d’influence de Tiahuanaco (Cook 1987:51 ; Cook 1994:172 ;

Isbell 2018b:429 ; 439 ; Isbell et Knobloch 2006:324; Rodríguez 2004:9-10).

L’historique des recherches menées à Conchopata est très fourni et il est d’ailleurs le site le plus

fouillé de la vallée d’Ayacucho (Mancilla et al. 2019:93). Néanmoins, il ne fut jamais

mentionné dans les textes de l’époque coloniale, l’absence de monumentalité architecturale et

le fait d’avoir été recouvert de terre et de gravats pendant longtemps ayant certainement joué

un rôle en ce sens. À la fin des années 1920 et pendant les années 1930, un groupe d’intellectuels

de la région sans formation particulière relative à l’étude du passé a cherché à établir un projet

ayant pour objectif le renforcement de l’identité régionale. C’est dans ce cadre que Benedicto

Flores publie dès 1927 les premières informations sur le site après y avoir réalisé des fouilles.

Les premières fouilles scientifiques furent celles de Tello en 1942, qui découvrit les premières

urnes cérémonielles surdimensionnées provenant de Conchopata (Isbell 1984:97 ; Knobloch

73
2000b:388 ; Mancilla et al. 2019:96-97 ; Menzel 1964:6). Tello était intéressé par l’archéologie

de la région d’Ayacucho, celui-ci ayant déjà visité la région en 1931, mais il n’a que très peu

publié et aucune étude approfondie n’a été réalisée sur le matériel découvert à la suite de ces

fouilles. Également en 1942, Medina est un des premiers à mettre en évidence l’importance de

la céramique provenant de Conchopata et à avoir proposé que ce matériel fût lié à l’iconographie

du site de Tiahuanaco (Lumbreras 1974:151). Il a fallu attendre Lumbreras pour qu’une

première étude exhaustive soit réalisée sur le matériel de Tello, après que celui-ci ait déjà été

partiellement analysé par Manuel Chavez Ballón. Elle fut publiée en 1960 et livra toute une

série d’informations sur cette collection, ce qui entraina un intérêt pour des recherches

ultérieures. Un an avant en 1959, l’Université de Huamanga rouvrit ses portes et ce fut le début

de l’enseignement professionnel en archéologie dans la région. Lumbreras y enseigna entre

1960 et 1965, notamment à de futurs chercheurs qui auront l’occasion de travailler sur le site

de Conchopata et son matériel (González et Pozzi-Escot 1992:176-178). Il fouilla lui-même le

site en 1961, 1964 et 1970 (Rosenfeld 2012:135) en se focalisant sur le secteur A qui est

l’endroit des découvertes de Tello. Lorsque le site commença à être détruit par les constructions

modernes pour la ville d’Ayacucho, il y mena des fouilles de sauvetage. Il est également le

premier chercheur à parler de Conchopata comme un potentiel centre de production de

céramique (Cook et Benco 2000:490 ; Isbell et Tschauner 2012:134-136 ; Ochatoma et Cabrera

2000:451-453 ; Pozzi-Escot 1991:81-83 ; Rodríguez 2004:15-26).

Le matériel découvert par Tello avec un répertoire iconographique particulier fut identifié en

1964 par Menzel comme un style de céramique dérivant de l’iconographie tiwanaku et elle le

nomma Conchopata à partir du site où ce matériel fut retrouvé (Lumbreras 1974:152 ; Menzel

1964:4). C’est en partie à partir de l’étude de ce matériel qu’elle mit en place sa chronologie de

l’Horizon moyen que nous avons présenté précédemment (Pozzi-Escot et al. 1998:254-256 ;

Isbell 2000:37). Dans les années 1970, une équipe de l’Université d'État de New York à

74
Binghamton dirigée par William Isbell mena des fouilles dans la vallée d’Ayacucho,

notamment avec Abelardo Sandoval, Anita Cook et Patricia Knobloch, dans le cadre du Huari

Urban Prehistory Project. Lors de la deuxième et de la troisième campagne, cette équipe

participa à des fouilles de sauvetage sur le site de Conchopata suite à la découverte fortuite par

des ouvriers, le 27 octobre 1977, d’un dépôt de céramiques sous le sable de la Place Rose du

secteur B (Cook 1987:52 ; González et Pozzi-Escot 1992:179-180 ; Isbell 1984:98 ; Isbell et

Cook 1987:27-28 ; Isbell et Knobloch 2006:325 ; Pozzi-Escot 1991:81-83). Dans les années

1980, un projet de restauration et de conservation touchant les sites archéologiques de la vallée

d’Ayacucho fut mis en place par l’Institut National de la Culture. C’est cela qui mena Denise

Pozzi-Escot à réaliser des fouilles de plus grande ampleur sur le site de Conchopata en 1982,

ce qui permit de délimiter la zone archéologique, de mettre en évidence l’organisation urbaine

du site et de trouver des ateliers de production de céramique, ainsi que des résidences de potiers

(González et Pozzi-Escot 1992:174 ; 180 ; Isbell 2004a:6 ; Pozzi-Escot 1985:116 ; Pozzi-Escot

1991:84 ; Pozzi-Escot et al. 1998:256-257). Cela a permis de comprendre que le site était

constitué d’un centre névralgique très dense entouré d’une vaste périphérie résidentielle. Étant

donné la désorganisation architecturale du centre, la croissance semble s’être faite de manière

organique selon les besoins des artisans. Pendant les années 1990, de nombreuses équipes

travaillèrent à Conchopata et c’est à cette époque que débutèrent les dernières fouilles en date.

Elles se placent dans un projet de recherche multidisciplinaire centré sur le secteur B ayant eu

lieu entre 1997 et 2003 sous la direction de José Ochatoma et Martha Cabrera, ces derniers

ayant été rejoints par Cook et Isbell en 1998 (Cook et Benco 2000:490 ; Isbell 2000:16-21 ;

Isbell 2004a:4 ; Isbell 2018b:440 ; Isbell et Knobloch 2006:325 ; Isbell et Tschauner 2012:136 ;

Knobloch 2000b:387 ; Ochatoma et Cabrera 2000:453-454 ; Rodríguez 2004:11 ; 26-30 ;

Rosenfeld 2012:135).

75
Figure 3.1 - Carte de la vallée d'Ayacucho dessinée par William Isbell (2018:Figure 15.2)

76
Figure 3.2 - Carte de Conchopata créée par Juan Carlos Blacker et William Isbell (2018:Figure 15.15)

77
b. Le matériel

Les recherches menées ces dernières décennies ont permis d’étendre nos connaissances sur

l’émergence du dieu aux bâtons wari puisqu’elles étaient limitées par l’accès aux seules urnes

du style Conchopata découvertes par Tello en 1942. L’extension du corpus associé à cette

thématique fut très importante pour modifier notre façon de percevoir la place de ce style au

sein de la culture matérielle wari qui était définie par la séquence chronologique de Menzel

(Isbell et Tschauner 2012:136). Les céramiques qui y sont associées sont systématiquement des

urnes surdimensionnées qui furent brisées et enterrées intentionnellement dans le cadre

d’offrandes religieuses ou de sacrifices symboliques, certainement après avoir servi comme

récipients dans le cadre de cérémonies (Cook et Glowacki 2003:178 ; Isbell 2000:19 ; Isbell et

Cook 1987:28 ; Isbell et Knobloch 2006:325-326 ; Knobloch 2000b:388 ; Makowski

2012:102 ; Valdez 2009:190). Elles sont caractérisées par des parois et des rebords épais, ainsi

qu’une décoration polychrome élaborée présente exclusivement sur la surface extérieure de

chaque urne (Pozzi-Escot et al. 1998:276 ; Mancilla et al. 2019:97 ; Menzel 1964:19).

Après la définition du style Conchopata par Menzel, la première grande découverte ayant

approfondi nos connaissances est celle de 1977 où des ouvriers sont tombés de manière fortuite

sur un lot de jarres surdimensionnées et stylistiquement différentes des urnes de 1942 au niveau

de la forme ou de l’iconographie (Cook 1987:51-52 ; Cook 1994:200 ; Isbell et Knobloch

2006:325 ; Knobloch 2009:132). Ce lot est constitué de plus de 19.500 fragments appartenant

à une vingtaine de jarres, dont le nombre exact est situé entre 22 et 25 selon les auteurs

(Knobloch 2012:128 ; Knobloch 2013:91 ; Rodríguez 2004:29). Chaque jarre constitue une

effigie humaine (Figure 3.3) puisque le goulot est modelé et peint sous forme de visage

d’homme et une tunique est peinte sur la majorité du corps de la céramique qui représente le

torse et le dos de chaque homme (Cook 1985:209). Les représentations de ces hommes ne sont

pas similaires puisqu’il existe 4 types de visages (Isbell 1984:98), les variations se situant, par

78
exemple, au niveau de la présence ou non d’une moustache. Cela est caractéristique de la

tradition iconographique Nazca-Ayacucho qui s’est développée avant l’apparition du style

Conchopata et son répertoire iconographique de la sphère d’interaction des Andes méridionales,

ce qui indique une certaine continuité avec le développement local précédent. Parmi ces jarres,

nous pouvons identifier deux productions différentes au niveau de la technique et de

l’iconographie (Cook 1994:176 ; Cook et Benco 2000:498-499 ; Isbell et Knobloch 2006:326 ;

Pozzi-Escot 1991:83). La moins représentée n’est apparente que sur 2 ou 3 jarres, selon les

auteurs (Cook 1987:52-53 ; Rodríguez 2004:35), et semble pleinement appartenir à la tradition

Nazca-Ayacucho. L’autre production est apparente sur le reste des jarres et représente

constamment la figure unique du dieu aux bâtons accompagné de ses acolytes de profil (Cook

1994:200). Parmi les jarres de cette production, le corps de ces dernières est systématiquement

divisé en trois segments horizontaux faisant l’entièreté du tour avec les représentations du dieu

aux bâtons entouré de ses acolytes de profil sur le segment du milieu (Cook 1987:54 ; Isbell

2018b:449-450 ; Isbell et Cook 1987:27-28). Toutes les représentations du dieu aux bâtons sont

centrées, à l'exception de l'une d'entre elles qui est placée proche de l’une des anses (Cook

1987:57). Au niveau de la datation, Menzel (1964:6) a identifié ce matériel à une phase

postérieure au style Conchopata, attribué à la période 1A de l’Horizon moyen, qu’elle plaça au

niveau de la période 1B (Cook 1987:51 ; Isbell et Tschauner 2012:136 ; Knobloch 2009:121 ;

Rodríguez 2004:33). Néanmoins, comme nous allons le voir dans la suite de ce chapitre, ces

deux phases sont en réalité inversées. Plus récemment, il fut possible de réaliser une évaluation

stylistique de ce matériel par rapport à des productions plus anciennes et plus récentes, ce qui

indique que les jarres furent produites et détruites volontairement entre 775 et 825, donc plutôt

pendant la période 1B. En plus de ces jarres, il existe 6 tessons décorés (Figure 3.4) qui furent

découverts en 2003 parmi d’autres fragments dans une couche perturbée par différentes

constructions anciennes et récentes de Conchopata. Ces fragments sont contemporains ou

79
légèrement plus anciens que les jarres de 1977 et ils proviennent potentiellement de la même

jarre. Un de ces fragments présente une représentation partielle d’un dieu aux bâtons similaire

à ceux visibles sur les jarres de 1977 (Isbell 2018b:455-458 ; Isbell et Knobloch 2006:330).

Le dieu aux bâtons représenté sur ces jarres est très ressemblant à une représentation de la même

figure visible sur le monolithe de Ponce provenant du site de Tiahuanaco et il est plus que

probable que ces représentations soient contemporaines (Figure 3.5). Il est même possible que

les artisans à l’origine de ces différentes représentations aient consulté des modèles visuels

similaires, voire les mêmes modèles. Les experts religieux du site de Conchopata et de sa région

auraient participé, avec leurs homologues provenant du site de Tiahuanaco, à la création d’une

nouvelle cosmologie en empruntant le répertoire iconographique de la sphère d’interaction des

Andes méridionales pour qu’il y ait une convention à propos de sa représentation (Isbell

2008:736 ; Isbell 2018b:439 ; 449 ; 453-455 ; Isbell et Knobloch ; Isbell et Tschauner

2012:136 ; 2006:326 ; Knobloch 2012:128). Étant donné que le monolithe de Ponce (Figure

3.6) est très important pour comprendre l’apparition de la figure du dieu aux bâtons dans le

répertoire iconographique wari et pour synchroniser la chronologie de l’iconographie des deux

cultures, il est nécessaire de s’y attarder brièvement. Selon la sériation en 5 phases développée

en 2003 par Agüero, Uribe et Berenguer que nous avons vu au chapitre précédent, le monolithe

de Ponce fait partie de la troisième phase (Agüero et al. 2003:81). Il fut découvert le 8 novembre

1957 par l’équipe de Ponce, le directeur du centre de recherches archéologiques de Tiahuanaco,

son nom ayant été donné au monolithe pour commémorer son importance dans les fouilles et

les reconstructions menées sur le site bolivien. Il se trouvait couché sur le côté à 2,10 m de

profondeur près du centre de la cour semi-souterraine de la plateforme Kalasasaya dans l’unité

de fouille H-13. Le monolithe de 3 m de haut est en andésite et possède une croix gravée sur

son épaule droite, ce qui indique qu’il fut probablement enterré et sanctifié à l’époque coloniale

par des chrétiens cherchant à cacher les traces de pratiques religieuses locales et anciennes. Il

80
représente un homme portant une tunique à manches, une courte jupe, une ceinture et un

bandeau. Ce qui nous intéresse particulièrement dans ce monolithe ce n’est pas la représentation

de l’homme, mais bien les éléments se situant sur ces vêtements puisque l’entièreté du panthéon

s’étant développée dans la sphère d’interaction des Andes méridionales y est représentée pour

la première fois à Tiahuanaco, ce qui inclut le dieu aux bâtons, et l’organisation spatiale, ainsi

que la taille de chaque figure, confirment la présence d’une structure hiérarchique (Janusek

2006:485). Le dieu aux bâtons est représenté à deux reprises sur ce monolithe, l’un se situant à

l’arrière au niveau de la tunique, l’autre se situant à l’avant au niveau du bandeau (Torres et

Torres 2014:56-61). Ce dernier est plus petit et est très mal conservé, mais il semble ressembler

à celui se situant sur la tunique malgré quelques variations. Le dieu aux bâtons présent sur la

tunique est celui qui nous intéresse le plus dans le cadre de notre recherche puisqu’il ressemble

fortement au dieu aux bâtons que nous pouvons trouver sur les jarres de Conchopata (Isbell

2018b:431 ; 435-439).

En 1999, la découverte d’un lot d’urnes très similaires et certainement contemporaines à celles

de 1942 a permis d’étendre le matériel associé au style Conchopata (Rodríguez 2004:98-99).

Cette découverte est très importante, car elle permit l’apport de nouvelles informations au

niveau de l’iconographie et de la chronologie. En effet, ces urnes furent brisées et enterrées

volontairement entre 825 et 925, bien après le début de l’Horizon moyen vers la période 2A.

Pour rappel, lorsque Menzel fit son étude sur la céramique associée à la culture wari, elle

défendit l’idée que les urnes de 1942 marquaient le début de l’Horizon moyen avec l’apparition

de l’iconographie de Tiahuanaco dans la vallée d’Ayacucho et cette sériation devint la

chronologie standard de la période. Cela signifie que le corpus de 1942 est plus tardif que ce

que pensait Menzel et que les représentations du dieu aux bâtons sur ces urnes, ainsi que sur

celles de 1999, constituent une variation iconographique par rapport aux représentations vues

sur les jarres de 1977. Elles ne constituent donc pas le début de ce type de représentations dans

81
l’espace wari. Néanmoins, même si les représentations de dieu aux bâtons présentes sur les

jarres de 1977 sont les plus anciennes, elles n’initient pas non plus l’Horizon moyen (Isbell et

Tschauner 2012:136). Avant la découverte de ces artéfacts en 1999, il existait déjà dans la

littérature des propositions de révision de la chronologie de Menzel. En 1983, Knobloch faisait

déjà une comparaison avec certains dépôts stratifiés du site de Huari pour indiquer que les urnes

découvertes par Tello ne dataient pas de la période 1A de l’Horizon moyen, mais plutôt de la

période 1B (Cook 1987:51 ; Isbell et Knobloch 2006:325 ; Knobloch 2009:126). À la différence

des jarres de 1977, ce matériel du style Conchopata n’est pas caractérisé par l’utilisation de

jarres décorées intégralement à l’effigie d’un homme, mais plutôt par des urnes décorées par

une simple bande large décorant le tiers supérieur du corps qui abrite les représentations de la

divinité. Cependant, il est nécessaire de préciser qu’il existe une partie de ces urnes découvertes

en 1942 et 1999 qui ne sont pas du tout décorées. Une grande différence avec les jarres de 1977

est que le dieu aux bâtons n’est plus unique puisque nous pouvons en retrouver plusieurs sur

une même urne. De manière générale, la variabilité des différentes figures autres que celle du

dieu aux bâtons, comme les acolytes de profil, fait qu’il n’existe pas deux urnes présentant la

même décoration (Cook 1987:63 ; Cook 1994:200 ; Isbell 2018b:459 ; Knobloch 2018:706).

82
Figure 3.3 – Reconstruction en dessin d'une jarre de Conchopata de 1977 avec photographie de l’une d’entre elles prise par
William Isbell (2018b:Figure 15.27)

83
Figure 3.4 – Photographies de tessons découverts à Conchopata en 2003 prises par William Isbell (2018b:Figure 15.41)

84
Figure 3.5 - Dieux aux bâtons du monolithe de Ponce et des jarres de 1977 dessinés par Patricia Knobloch et William Isbell
(2018b:Figure 15.14)

85
Figure 3.6 - Photographie du monolithe de Ponce prise par William Isbell (2018b:15.10)

86
2. Description et analyse

Maintenant que nous avons apporté tous les éléments nécessaires à la contextualisation de ce

chapitre, nous pouvons décrire et analyser les différentes représentations de notre corpus. La

première partie se focalise naturellement sur les dieux aux bâtons visibles sur les jarres de 1977

qui sont les plus anciennes représentations de cette figure au sein de la culture matérielle wari.

Nous commencerons par apporter certaines informations de base sur les figures de notre corpus

et sur les démarches mises en œuvre pour le constituer, avant de réaliser la description et

l’analyse des représentations. La deuxième partie se concentre quant à elle sur les divinités du

style Conchopata en suivant le même procédé appliqué précédemment, mais cette fois-ci en

effectuant une comparaison des résultats de notre description et de notre analyse

iconographique avec ceux des jarres de 1977, le but étant de caractériser l’évolution de ces

représentations.

a. Les jarres de 1977

Parmi la vingtaine de dieux aux bâtons visibles sur les jarres de 1977, nous avons pu rassembler

des photographies de 4 représentations (Figure 3.7 ; Figure 3.8 ; Figure 3.9 ; Figure 3.10) qui

se trouvent actuellement dans le Museo Histórico Regional Hipólito Unanue de la ville de

Ayacucho (DIG : Digital Information Gateway 2020). La limitation de notre corpus par rapport

aux figures existantes s’explique principalement par l’impossibilité d’accéder à plus de

représentations. En effet, toutes les photographies que nous utilisons proviennent de la

littérature qui possède elle-même un nombre limité d’illustrations pertinentes. Dans un souci

d’exhaustivité, nous avons passé en revue les catalogues en ligne de divers musées susceptibles

de posséder du matériel provenant de Conchopata. En plus de cela, nous avons pris la peine de

réaliser des visites virtuelles accessibles sur MUSeamos, une plateforme de la Direction

Générale des Musées du Pérou, pour les musées n’ayant pas de catalogue en ligne. Bien

87
entendu, nous avons également contacté ces différentes institutions, ainsi que Isbell qui a

proposé la dernière étude en date sur ce matériel, mais toutes ces démarches n’ont pas abouti à

un résultat positif. En plus de cela, nous avons pris la décision d’écarter certaines

représentations accessibles via la littérature, étant donné qu’elles se trouvent sur de petits

fragments isolés, ce qui les rend extrêmement partielles. Il est d’ailleurs possible que la majorité

de ces jarres n’ait jamais subi de reconstruction (Cook 1987:57). Malgré ces difficultés, les 4

représentations que nous allons décrire et analyser sont relativement complètes et permettront

certainement d’obtenir certaines informations lors d’une comparaison avec les représentations

ultérieures. La description des représentations se fera de manière comparative, pour pouvoir

mettre en avant les éventuelles différences, avec une division en 3 segments comprenant la tête,

la tunique et les membres. Étant donné que les dieux aux bâtons sont majoritairement

représentés de face, nous apporterons les précisions nécessaires lorsqu’un motif est représenté

de profil.

En ce qui concerne la tête, le visage de chaque divinité possède le motif d’une bouche et celui

d’une forme hybride qui pourrait être un masque, une peinture faciale ou même un être

surnaturel. La bouche est ouverte et possède un nombre variable de dents selon les

représentations. La forme hybride forme quant à elle un nez épaté, des sourcils et des

excroissances latérales. Ces dernières se terminent aux extrémités inférieures par une tête de

félin de profil tourné vers le bas et chacune possède également ce qui pourrait être une petite

tête d’oiseau ou une aile. À l’intérieur de cette forme, nous retrouvons plusieurs points cerclés

qui forment les yeux de la divinité et ceux des têtes d’animaux. Le visage est entièrement

entouré par une coiffe formée d’une bande et d’appendices. La bande est décorée d’un motif de

méandres imbriqués d’un nombre variable selon les représentations. Les appendices sont au

nombre de 13 et sont placés sur les parties latérales et la partie supérieure de la bande. Nous

avons une alternance de 6 têtes de félin de profil avec 6 doubles cercles. Néanmoins, cette

88
alternance est brisée par la présence de plumes au centre de la partie supérieure de la coiffe.

Dans certaines représentations, nous pouvons voir que les yeux des têtes d’animaux de profil

sont divisés en deux sections de couleur différente. Cela ne s’observe jamais au niveau des yeux

du dieu aux bâtons (Cook 1987:58 ; Isbell 2018b:450-451 ; Isbell et Knobloch 2006:327-328 ;

Knobloch 2002).

La tunique qui arrive jusqu’aux genoux est quant à elle divisée en une partie supérieure et une

partie inférieure par la présence d’une ceinture qui sépare le tronc de ses membres inférieurs.

Elle est constituée de tirets segmentés et les extrémités sont en forme de têtes d’oiseau de profil.

La tunique possède également des manches très courtes représentées par des bandes avec des

traits en leur intérieur au niveau des épaules et le même type de bandes se retrouve au niveau

des poignets. Le tronc est quant à lui relié à la tête par un collier constitué de tirets segmentés

semblables à ceux de la ceinture. Un trait relie ce collier à un pendentif de forme rectangulaire

avec une excroissance de son côté inférieur qui représente une tête de félin de profil tournée

vers le bas. À l’intérieur de l’espace rectangulaire, nous avons 2 formes en « I » imbriquées

l’une dans l’autre. En plus de ce pendentif qui repose sur la tunique, nous pouvons trouver 2

doubles cercles qui pendent à partir des épaules de la divinité ou qui sont simplement attachés

sur chaque côté du pendentif. Le haut de la tunique possède également 2 bandes marquées par

un ou deux traits longs en leur intérieur qui partent de la ceinture et sont tournées vers les

épaules. Le bas de la tunique est décoré par 4 têtes de félin de profil qui pendent de la ceinture

(Cook 1987:58 ; Isbell 2018b:451 ; Isbell et Knobloch 2006:327-328 ; Knobloch 2002).

Pour les membres supérieurs, nous pouvons voir que les bras sont pliés au niveau des coudes et

des poignets. Les mains possèdent entre 5 et 6 doigts, tandis que les ongles sont délimités.

Chaque main tient un bâton à la verticale composé de motifs différents. Celui tenu par la main

droite est décoré de 7 doubles cercles, la main se situant entre le quatrième et le cinquième en

partant du haut. Entre le premier et le deuxième double cercle, nous avons une tête d’oiseau de

89
profil, le bec tourné vers le bas tandis que le haut de la tête est tourné vers la divinité.

L’extrémité inférieure du bâton est marquée d’un rectangle ou d’un demi-cercle délimité par un

trait. À partir de cette extrémité, nous avons une tête de félin de profil regardant vers le haut, le

sommet du crâne étant tourné vers le dieu aux bâtons. Le bâton tenu par la main gauche est

quant à lui décoré par un motif de triangles d’un nombre variable imbriqués en zigzag.

L’extrémité inférieure se termine par une tête de félin de profil tournée vers le bas, tandis que

l’extrémité supérieure se termine par une forme ondulante divisée en trois bandes placées sur

deux motifs circulaires imbriqués l’un dans l’autre avec un trait en leur milieu, le tout

représentant une plante. Les chevilles sont couvertes par des bandeaux, tandis que les pieds sont

composés de 4 ou 5 orteils avec les ongles délimités. Les pieds sont de profil et ils sont tournés

vers le côté droit de la divinité, tandis qu’une spirale se trouve au niveau de chaque talon (Cook

1987:58 ; Isbell 2018b:451 ; Isbell et Knobloch 2006:327-328 ; Knobloch 2002).

De manière générale, nous pouvons voir que les variations entre les représentations sont

négligeables, la différence la plus notable se situant au niveau des couleurs. Néanmoins, cette

différence reste minime puisque tous les contours sont systématiquement marqués par une

épaisse ligne noire et nous pouvons retrouver le même type de couleur chaude dans toutes les

représentations avec du violet bordeaux, du crème, du gris brunâtre, etc. Il est possible que la

réalisation de ces jarres se soit faite dans un atelier dirigé par une seule personne, mais aidée

par plusieurs apprentis avec moins de compétences, ce qui expliquerait les différences qui

pourraient même être involontaires (Cook 1987:54-58 ; Isbell 2018b:450). Dans une étude

focalisée sur le dieu aux bâtons à Tiahuanaco, Viau-Courville (2014:16) a émis l’hypothèse que

les bâtons puissent être des bâtons de lancer péruviens étant donné la ressemblance avec des

objets de la sorte trouvés au début du 20ème siècle sur la côte sud-du Pérou (Figure 3.11). C’est

une proposition qui pourrait applicable pour ces représentations des jarres de 1977, mais cela

ne nous permet pas d’aller plus loin dans l’interprétation. Beaucoup de propositions de ce genre

90
ont déjà été effectuées par le passé dès le 19ème siècle (Rivero et Tschudi 1851:296 ; Squier

1877:290) et il est impossible d’affirmer ou non leur véracité pour l’instant, surtout que les

bâtons diffèrent de représentation en représentation comme nous allons le voir dans la suite de

notre étude. En ce qui concerne les motifs, leur répartition au sein des représentations semble

plutôt équilibrée et nous pouvons déterminer une importance attribuée aux motifs géométriques

et zoomorphes. De manière générale, très peu d’éléments peuvent être retirés de la seule analyse

de ces représentations donc nous allons passer sans plus tarder aux représentations du style

Conchopata.

91
Figure 3.7 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.13)

92
Figure 3.8 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.27)

93
Figure 3.9 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.28)

94
Figure 3.10 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.36)

95
Figure 3.11 - Photographie d'une série de bâtons de lancer retrouvés sur la côte sud du Pérou (Uhle 1909:Figure 1)

96
b. Le style Conchopata

Nous ne connaissons pas le nombre exact de dieux aux bâtons visibles sur les urnes découvertes

en 1942 et en 1999, mais nous avons réussi à réunir 7 représentations à travers 3 urnes

différentes. La représentation la plus complète (Figure 3.12) se trouve sur une urne de 1999 qui

est conservée actuellement au Museo Histórico Regional Hipólito Unanue, comme les jarres

que nous avons abordées précédemment. Les 6 autres sont plus fragmentaires (Figure 3.13 ;

Figure 3.14 ; Figure 3.15 ; Figure 3.16 ; Figure 3.17 ; Figure 3.18) et elles se trouvent sur 2

urnes de 1942 conservées dans le Museo Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del

Perú à Lima (DIG : Digital Information Gateway 2020). Comme pour les jarres de 1977, les

mêmes démarches furent appliquées sans succès et tout notre corpus provient donc de la

littérature. La description des représentations se fera selon les mêmes conditions que celle

effectuée plus tôt dans ce chapitre pour les dieux aux bâtons des jarres de 1977.

Au niveau de la tête, nous retrouvons l’association d’un visage avec sa coiffe constituée d’une

bande qui l’entoure sur 3 côtés au niveau de la partie supérieure et des parties latérales. La

bande est encore une fois décorée d’un motif de méandres imbriqués d’un nombre qui semble

cette fois-ci constant. La coiffe possède des appendices dont le nombre varie selon les

représentations, mais avec une structure et des motifs qui restent similaires. Les deux bandes se

terminent systématiquement par des têtes de félin de profil qui se replient vers l’extérieur au

niveau des épaules. Parmi les autres appendices, nous retrouvons 2 têtes d’oiseau de profil

placées sur les coins supérieurs et 3 séries de plumes au centre des côtés supérieur et latéraux

de la bande. Lorsque le nombre d’appendices est plus élevé, ce sont des doubles cercles situés

entre les têtes d’oiseau de profil et les plumes du côté supérieur que nous pouvons observer. Le

visage est quant à lui constitué d’une bouche qui occupe un grand espace dans la partie

inférieure avec 16 à 20 dents, dont 4 canines qui sortent des délimitations de la bouche. Le nez

est épaté tandis que les yeux sont divisés verticalement en 2 parties égales et une bande

97
relativement fine se situe en dessous de ces yeux en contournant la bouche (Isbell 2018b:459-

460 ; Isbell et Knobloch 2006:338 ; Knobloch 2002).

En ce qui concerne la tunique, celle-ci est facilement identifiable et elle n’est pas surchargée de

motifs. Un collier est posé sur le torse de chaque divinité en dessous du visage et il est divisé

en 3 bandes recourbées avec une variation au niveau des couleurs. La tunique possède des

manches qui sont délimitées dans certaines représentations par des bandes au niveau des coudes.

Le même type de bande se situe parfois au niveau des poignets de manière totalement détachée

de la tunique. Sur l’avant de cette dernière, nous retrouvons d’autres bandes constituées de 2 à

3 méandres qui relient les épaules au bas du vêtement ou à la ceinture lorsque celle-ci est

présente. Cette ceinture est caractérisée par une alternance de rectangles de couleurs différentes

et 2 têtes d’oiseau de profil, ainsi qu’un motif de plante que nous avons déjà vu précédemment,

pendent à partir de celle-ci (Isbell 2018b:460 ; Isbell et Knobloch 2006:338 ; Knobloch 2002).

Pour les membres supérieurs, les bras sont encore une fois pliés au niveau des coudes et des

poignets. Les mains possèdent toutes 5 doigts, les ongles sont délimités et dans certaines

représentations, le changement de couleur des mains donne l’impression que la divinité porte

des gants. Le bâton tenu par la main droite est divisé en deux parties à partir de la main de la

divinité, celle du haut étant recourbée et non segmentée, tandis que celle du bas est droite et

possède 2 rectangles segmentés. L’extrémité supérieure se termine par le même motif de plante

qui peut apparaitre accroché à la ceinture, tandis que l’extrémité inférieure se termine par une

tête de félin de profil avec des canines apparentes, ainsi qu’un cœur et des poumons humains

qui pendent de sa bouche. Nous avons également deux appendices recourbés qui ressortent du

côté du bas du bâton vers l’intérieur de la représentation. Pour le bâton tenu par la main gauche,

nous pouvons voir qu’il est constitué de 3 ou 4 rectangles segmentés. L’extrémité supérieure se

termine par la même plante que sur l’extrémité supérieure de l’autre bâton, tandis que

l’extrémité inférieure se termine par un captif humain de profil qui a les mains attachées derrière

98
le dos. Cet humain possède une coiffe décorée de plumes, un ornement au niveau de l’oreille,

un collier et il porte des vêtements à partir de la ceinture (Cook 1987:67). L’œil du captif est le

seul de la représentation à ne pas posséder cette division en 2 parties égales. Mis à part cela,

nous retrouvons le même type de fine bande en dessous de son œil qui contourne la bouche. En

ce qui concerne les membres inférieurs de la divinité, le bas des jambes présente un bandeau au

niveau des chevilles et les pieds sont composés de 4 orteils. Le talon est délimité par un chevron

et un point marque le centre de cet espace. Les pieds sont de profil et sont tournés vers

l’extérieur, donc chacun dans un sens différent (Isbell 2018b:460 ; Isbell et Knobloch

2006:338 ; Knobloch 2002).

En comparaison avec les représentations des jarres de 1977, nous pouvons voir que les

variations sont toujours peu prononcées, mis à part avec la présence ou non de cette ceinture et

les motifs qui y sont associés, ce qui pourrait indiquer l’existence de deux catégories de dieu

aux bâtons au sein de ce style. Au niveau des couleurs, tous les contours ne sont plus

systématiquement marqués par une ligne noire et elles sont moins variées puisque nous

retrouvons presque tout le temps la même association de couleurs chaudes avec ce violet

grisâtre foncé prédominant au niveau de la tunique. De manière générale, nous pouvons

déterminer une évolution vers la simplification de la représentation avec moins de surcharge de

motifs. Le dieu aux bâtons semble également plus anthropomorphisé, la présence de plus de

courbes dans la représentation jouant certainement un rôle dans cette impression. Cela est

surtout visible au niveau de la tête du dieu aux bâtons qui a un peu perdu cet aspect de visage

rayonnant puisque la coiffe ressemble désormais beaucoup plus à une réelle coiffe qui se pose

sur la tête et qui n’émane plus autant du visage (Isbel et Knobloch 2006:338-339). L’absence

de la forme hybride sur le visage laisse plus de place aux yeux, au nez et à la bouche, ce qui

appuie cette impression d’anthropomorphisation, malgré les canines qui prennent l’allure de

99
crocs et les yeux divisés qui marquent le côté surnaturel en opposition avec les yeux du captif

humain (Cook 1987:61-63 ; Cook 1994:178).

En ce qui concerne ce dernier, il est nécessaire de s’y attarder puisque nous sommes face aux

premières associations directes d’un dieu aux bâtons avec une figure humaine dans

l’iconographie wari. Knobloch (2002 ; 2018:706) a réalisé une étude longue de plusieurs

décennies sur les figures humaines apparaissant sur le matériel wari. Selon elle, ces

représentations pourraient faire référence à l’agentivité d’individus ou de groupes sociaux ayant

réellement existé. À l’égard de ces captifs humains associés aux dieux aux bâtons, Knobloch

identifie deux individus qui se différencient à partir de leurs attributs, l’agent 140 qui est associé

aux divinités avec ceinture de l’une des urnes de 1942 et l’agent 150 qui est associé à la divinité

sans ceinture de l’urne de 1999 (Figure 3.19). Le corpus réduit que nous avons à notre

disposition ne permet pas de vérifier totalement cette proposition, mais il existe un captif tenu

par un dieu aux bâtons sans ceinture sur la deuxième urne de 1942 qui semble avoir des attributs

semblables au captif de la première urne de 1942, ce qui ne permet pas d’aller dans le sens de

Knobloch. Au-delà de ces considérations, les attributs de ses captifs comme les ornements au

niveau de la coiffe ou des oreilles, semblent indiquer l’appartenance à une élite étrangère. Leur

taille réduite et leur positionnement de profil pourraient symboliser leur place qui est la plus

basse dans le cadre de la hiérarchie rituelle, l’iconographie pouvant donc représenter le monde

social wari (Cook 1987:65 ; Cook 1994:179). La présence de ces captifs, ainsi que celle du

cœur et des poumons dans la bouche de la tête de félin de profil, pourraient indiquer un

développement du culte vers la pratique du sacrifice humain et une société devenue plus

guerrière de manière générale. D’autres figures humaines appartenant à ces urnes du style

Conchopata supportent cette hypothèse (Knobloch 2012:129-130 ; Mancilla et al. 2019:99).

100
Figure 3.12 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1999 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.44)

101
Figure 3.13 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)

102
Figure 3.14 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)

103
Figure 3.15 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)

104
Figure 3.16 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)

105
Figure 3.17 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.30)

106
Figure 3.18 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.30)

107
Figure 3.19 - Reconstruction de l'agent 140 (à gauche) et de l'agent 150 (à droite) dessinée par Patricia Knobloch (2002)

108
Chapitre IV

Diffusion vers la côte péruvienne

Maintenant que nous avons abordé les plus anciennes représentations de dieu aux bâtons wari

qui ont émergées et se sont développées à Conchopata, nous pouvons nous intéresser à la

diffusion de cette iconographie dans les régions des Andes centrales affectées par cette dernière,

en particulier la côte péruvienne qui dénote des autres zones influencées par la société wari.

D’une part, la côte est le premier espace où cette iconographie apparait en-dehors de la vallée

d’Ayacucho, plus spécifiquement sur la côte sud avec le style Robles Moqo qui constituera la

première partie de ce chapitre. D’autre part, le plus grand corpus de représentations que nous

avons pu rassembler dans cette étude provient de la côte centrale avec le style Pachacamac qui

sera le sujet de la deuxième partie de ce chapitre. Comme nous allons le voir, la place privilégiée

du matériel provenant de cette région n’est pas anodine compte tenu de l’importance que les

élites wari semblent avoir accordée à cette espace.

1. Le style Robles Moqo

Pour le style Robles Moqo, nous allons passer par les deux mêmes étapes que celles que nous

avons mises d’application pour les céramiques de Conchopata, c’est-à-dire une étape de

contextualisation et une autre de description couplée à une analyse iconographique. En ce qui

concerne la contextualisation, nous allons présenter les sites associés au style Robles Moqo,

notamment en mettant l’accent sur la nouvelle région où la figure du dieu aux bâtons fit son

apparition. Suite à cela, nous allons naturellement aborder les spécificités du matériel qui est

également associé à ce style, avant de présenter de manière plus large toute la culture matérielle

similaire à ce que nous avons vu jusqu’à présent au sein de l’espace wari. Pour la deuxième

partie, nous allons réaliser une description détaillée des représentations constituant le corpus
109
que nous avons rassemblé, avant d’aborder certaines questions propres au style Robles Moqo

ou relatives à la figure du dieu aux bâtons wari dans son ensemble, le tout en prenant en compte

les données mises en exergue au chapitre précédent.

a. Contextualisation

En plus des céramiques abordées au chapitre précédent, il existe un autre style du nom de Robles

Moqo qui a fait son apparition à Conchopata, surtout lors des fouilles des années 1990 et 2000.

Même si Conchopata est l’endroit d’origine, le style Robles Moqo fut diffusé vers Huari et le

matériel le plus représentatif, le plus abondant et de meilleure qualité qui en est associé vient

du site de Pacheco dans la vallée de Nasca, sur la côte sud du Pérou, à partir de la période 1B

de l’Horizon moyen selon Menzel (Conlee 2006:104-105 ; Cook et Glowacki 2003:178 ;

Glowacki et Malpass 2003:434 ; Isbell 2018b:462 ; Knobloch 2000b:390 ; Lyon 1978:109 ;

Menzel 1968:49-50 ; Pozzi-Escot et al. 1998:277-278 ; Valdez 1994:678). Même si la nature

de la présence wari à Pacheco reste incertaine, il est sans aucun doute le site le plus connu de

la région et il semble avoir été un centre cérémoniel et administratif d’une grande importance,

occupé directement par des colons de la vallée d’Ayacucho. Le nom de ce site vient de Fundo

Pacheco, une section de la Hacienda Soisongo présente dans la région qui fut déjà visitée par

Uhle en 1905, ce dernier ayant trouvé des tessons dans le style Robles Moqo provenant

probablement de Pacheco. Vers la même époque, un collectionneur de Lima, Eduard Gaffron,

fit l’acquisition de fragments du même style via des pilleurs qui prétendirent avoir obtenu ce

matériel dans la vallée de Nasca. Heinrich Ubbelohde-Doering qui publia ce matériel à plusieurs

reprises pensait que ce matériel provenait bien de Pacheco. Comme annoncé plus tôt dans cette

étude, la première découverte en contexte associé au style Robles Moqo se déroula en 1927

grâce aux fouilles de Tello. Il fut mis au courant de l’existence de ce site suite aux pillages de

1926 où Eloy Centeno et Carlos Rosa mirent au jour plusieurs pièces en adobes remplies de

céramiques brisées. Des fouilles supplémentaires furent organisées sur le site en 1930 par

110
Ronald L. Olson. D’autres recherches auraient pu révéler de nouvelles informations, mais le

site de Pacheco fut malheureusement détruit en 1953 et il est maintenant recouvert par des

terrains agricoles (Conlee 2010:96-98 ; Lumbreras 1974:154-155 ; Menzel 1964:21-26 ;

Menzel 1977:54 ; Schreiber 1999:168). Toutefois, ce sont ces fouilles, ainsi que les découvertes

qui en découlent, qui menèrent les chercheurs à imaginer le scénario d’une expansion de la

sphère d’influence wari vers la côte sud (Isbell et McEwan 1991:3-4 ; Knobloch 2012:127 ;

Valdez 2009:190 ; 199 ; Valdez 2018:122-124).

Pendant longtemps, l’idée d’une domination politique de la côte sud par la culture wari était

largement reconnue par les chercheurs, mais la nature de cette intégration resta discutable. Il

est nécessaire de préciser que les relations entre la culture wari et la culture nazca précèdent

l’établissement du site de Pacheco, ainsi que d’autres sites comme celui de Tres Pallos dans la

vallée de Ingenio, sur la côte sud. Pendant l’Intermédiaire ancien, la culture nazca fut le centre

d’une idéologie prestigieuse visible à travers son iconographie, ces têtes-trophées, ainsi que

Cahuachi qui était le principal centre cérémoniel de la région, plus précisément dans la vallée

de Nasca. Nous avons déjà vu que cette idéologie influença le matériel de la vallée d’Ayacucho,

ce qui indique que les deux régions partagèrent vraisemblablement un système de croyances

(Cook 1987:53 ; Schreiber 1999:166). L’expansion qui suivit semble avoir eu lieu dans

l’objectif stratégique d’obtenir une certaine proximité avec cette espace, notamment avec

Cahuachi pour contrer ou absorber le prestige de ce site (Valdez 1994:676-679 ; Valdez

2018:128). De plus, la présence des géoglyphes de Nasca juste au nord de Pacheco n’est

certainement pas anodine dans le cadre de cette proposition. Ce qui est marquant avec la

présence wari dans la région, c’est que nous ne retrouvons pas de projets agricoles de grande

ampleur ou de colonies standardisés aussi grandes que celles que nous pouvons retrouver sur

les hautes terres. Il est possible que cette absence d’une présence wari massive dans la région

soit simplement due au fait que la vallée connut une période de chute démographique lors de

111
l’arrivée de la culture wari. Une grande partie de la population de la région s’est concentrée

dans le site de Huaca del Loro dans la vallée de Las Trancas pendant l’Horizon moyen qui fut

vraisemblablement le centre d’une entité politique indépendante de la culture wari (Schreiber

1999:168 ; Valdez 2009:200-201). Malgré la présence très réduite de la culture wari à travers

des établissements urbains, il semble évident qu’une certaine influence se soit produite au

niveau des croyances et que la présence fut au moins de nature religieuse puisque nous pouvons

observer un changement important au niveau des pratiques mortuaires, mais uniquement pour

une partie de la population (Conlee 2006:102-105 ; Conlee 2010:96-98 ; 109 ; Glowacki et

Malpass 2003:434 ; Isla 2001:579).

À l’image de ce que nous avons vu avec le style Conchopata, le style Robles Moqo présente

également des urnes surdimensionnées, de 64 à 68 cm de haut et de 75 à 78 cm de diamètre, et

très élaborées avec des parois épaisses décorées avec le même type de couleur. Ces urnes furent

également brisées et enterrées intentionnellement dans le cadre de cérémonies religieuses

(Conlee 2010:96 ; Glowacki et Malpass 2003:434 ; Isbell et McEwan 1991:4 ; Schreiber

1999:168 ; Valdez 2009:190). La grande différence tient du fait que la décoration est présente

sur l’intégralité ou presque de la surface extérieure, ainsi que sur la surface intérieure (Cook

1987:68 ; Isbell 2018b:462 ; Mancilla et al. 2019:97-100). Cette décoration possède de

nouvelles thématiques que nous allons voir plus loin dans ce chapitre puisque cela concerne

directement la figure du dieu aux bâtons (Cook et Glowacki 2003:178 ; Knobloch 2000b:390 ;

Valdez 1994:678). Néanmoins, nous pouvons déjà brièvement présenter la grande particularité

du style Robles Moqo qui présente une version féminine du dieu aux bâtons, cela étant visible

grâce à ses vêtements et par la ressemblance à d’autres représentations féminines plus tardives

de la culture wari (Lyon 1978:109). Celle-ci est uniquement représentée sur les panneaux

verticaux de la paroi intérieure des urnes, en alternance avec la version masculine pour un total

de 4 divinités (Figure 4.1). Sur la paroi extérieure, nous ne retrouvons que le dieu aux bâtons

112
masculin à travers deux représentations séparées par les anses (Cook 1987:60-61 ; Isbell et

Knobloch 2006:307 ; Lavalle 1984:136 ; Lyon 1978:109 ; Menzel 1977:54-55 ; Pozzi-Escot et

al. 1998:278). Ces dernières sont également différentes puisqu’elles sont plus grandes et elles

se trouvent généralement vers le milieu du corps des urnes, à la verticale ou à l’horizontale, où

elles forment une continuité avec les motifs qui décorent les récipients (Menzel 1977:54). En

plus de ces urnes, il existe d’autres formes surdimensionnées sans le répertoire caractéristique

de la sphère d’interaction de la partie méridionale des Andes, ainsi que des céramiques non

décorées de plus petite taille, 3 à 8 fois plus petites, qui sont associées à ce style. L’association

de ces dernières avec les urnes pourrait indiquer un usage rituel, mais qui ne semble pas être

exclusif puisque leur présence dans certains contextes domestiques signalerait un usage

simplement utilitaire (Menzel 1968:49-50). Le matériel Robles Moqo semble être très similaire

d’un site à l’autre, mais quelques particularités locales sont visibles, que ce soit à Conchopata,

à Huari ou à Pacheco (Lumbreras 1974:154-155). Une comparaison entre le matériel provenant

de ces différents sites est difficile à mettre en place, car le corpus provenant de la vallée

d’Ayacucho est très fragmenté (Menzel 1964:21-26). Toutefois, cela ne fait aucun doute que ce

style est dans la continuité directe avec les productions vues précédemment, le manque de

preuves chronologiques ou stratigraphiques n’indique d’ailleurs pas une division nette entre le

style Conchopata et le style Robles Moqo, et ce, malgré les innovations (Pozzi-Escot et al.

1998:277-278 ; Valdez 2018:124-126).

Les céramiques de Conchopata que nous avons abordées dans le chapitre précédent, ainsi que

celles du style Robles Moqo présentées ici, semblent toutes faire partie d’une tradition wari qui

consiste à briser et enterrer volontairement les céramiques polychromes de meilleure qualité. Si

au départ ces céramiques prirent l’apparence de jarres à effigie humaine, elles se transformèrent

très rapidement en urnes comme nous avons pu le voir à partir du style Conchopata. Cette

tradition, et par extension les activités cérémonielles wari, semble avoir accompagné

113
l’expansion wari dans les Andes centrales puisqu’il existe d’autres sites que nous n’avons pas

abordés et qui possèdent ce type de matériel comme Ayapata dans la vallée de Huancavelica

(Menzel 1968:48-49 ; Ravines 1968:39 ; Ravines 1977:49), Maymi dans la vallée de Pisco

(Cook 2001:139 ; Conlee 2010:98 ; Cook et Glowacki 2003:178 ; Valdez 2018:128) et La

Oroya dans la vallée de Acari. Cependant, mis à part ces sites, il n’en existe aucun autre avec

ce type de matériel et cela est peut-être possible à cause de la sélection très stricte de

l’administration wari pour l’établissement de ces colonies qui nécessitaient de répondre à un

besoin pratique et spirituel en eau suite à une sécheresse s’étant étalée sur plusieurs décennies

pendant le 6ème siècle, au moment de l’émergence de la culture wari, à travers une grande partie

des Andes (Conlee 2010:97 ; Glowacki et Malpass 2003:434 ; 443 ; Mogrovejo et Makowski

1999:56). De plus, même si le matériel provenant des sites mentionnés ci-dessus concorde avec

celui de Conchopata et du style Robles Moqo au niveau de l’usage et de la forme, il existe

plusieurs différences stylistiques dans la plupart des pièces qui nous empêchent d’associer ce

matériel aux styles vus précédemment, notamment au niveau de l’iconographie puisque la

présence du dieu aux bâtons semble secondaire (Menzel 1968:53-55 ; Ravines 1968:27).

D’autres fouilles pourraient être utiles pour apporter plus d’informations, mais cela n’est pas

possible dans tous les sites, le meilleur exemple étant celui de La Oroya puisque celui-ci est

détruit par son incorporation dans la ville moderne d’Acari et par les nombreux pillages (Valdez

2009:190-193 ; 196-200).

114
Figure 4.1 - Photographie de l'intérieur d'une urne de Pacheco prise par Donald Proulx (Lyon 1978:Figure 14)

115
b. Description et analyse

Le matériel associé au style Robles Moqo présentant la figure du dieu aux bâtons est très limité

et, d’après les informations dont nous disposons, seulement 4 urnes de Pacheco avec ce type de

représentation furent reconstruites. Parmi celles-ci, 3 d’entre elles se trouvent au Museo

Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú depuis leur reconstruction en 1932,

tandis que l’emplacement de la quatrième urne est inconnue, mais nous savons qu’elle fut

reconstruite dans le American Museum of Natural History (Menzel 1964:24). Notre corpus est

encore plus limité puisque nous avons obtenu 5 représentations masculines de la divinité à

travers les 3 urnes conservées à Lima (Figure 4.2 ; Figure 4.3 ; Figure 4.4 ; Figure 4.5 ; Figure

4.6) et parmi celles-ci, il n’y a qu’une représentation dont la photographie est de bonne qualité.

Cette dernière provient de la littérature, tandis que les autres proviennent du catalogue en ligne

du Museo Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú. En ce qui concerne les

représentations féminines, nous avons uniquement un dessin détaillé d’une des représentations

provenant des urnes de Lima (Figure 4.7) puisque toutes les photographies que nous avons

retrouvées de la paroi intérieure des urnes ne permettent pas une description et une analyse

détaillée des représentations. La description suivra le même procédé que dans le chapitre

précédent avec une comparaison directe entre les représentations.

Au niveau de la tête, celle-ci est toujours quadrangulaire et nous retrouvons l’association d’un

visage avec sa coiffe constituée d’une bande qui l’entoure sur tous les côtés comme sur les

jarres de 1977. La bande est encore une fois décorée d’un motif de méandres imbriqués d’un

nombre variable. La coiffe des divinités masculines possède 17 appendices, tandis que la déesse

en possède 13 et même si la structure reste la même, nous pouvons déjà observer la présence

de motifs différents. Les dieux aux bâtons possèdent des têtes de félin de profil sur chaque coin

de la bande, les côtés latéraux sont composés d’une alternance de têtes d’oiseau de profil avec

116
des épis de maïs et des têtes de serpent et le côté supérieur est composé de têtes d’oiseau de

profil, ainsi que de têtes de serpent avec le sommet de leur tête qui semblent se terminer en

motif de plante. Les appendices latéraux de la déesse aux bâtons sont similaires, mais les têtes

de félin de profil sont remplacées par des têtes d’oiseau de profil et les appendices supérieurs

sont composés d’épis de maïs qui entourent un motif de plumes. Le visage est quant à lui

constitué d’une bouche avec 10 à 14 dents pour le dieu et 10 dents pour la déesse, dont 4 canines

en N pour les deux. Le nez est épaté, tandis que les yeux sont divisés verticalement en 2 parties

égales et ils sont associés à des sourcils, à des ailes et à des têtes de serpent (Knobloch 2002 ;

Lyon 1978:110 ; Mancilla et al. 2019:100).

La tunique est la partie des représentations qui diffèrent totalement puisque les divinités ne

portent pas le même type de vêtements comme annoncé précédemment. Du côté masculin, la

tunique à manches arrive jusqu’aux genoux et elle est divisée en deux parties par une ceinture

formée de 4 rectangles segmentés qui se terminent aux extrémités par des têtes d’oiseau de

profil. La partie supérieure possède des bandes décorées de méandres imbriqués qui relient la

ceinture aux épaules et le même type de bandes se situe aux extrémités des manches, alors que

la partie inférieure est marquée par 3 têtes de serpent qui pendent de la ceinture. Du côté

féminin, la tunique semble plutôt être une robe qui arrive également jusqu’aux genoux. Elle est

décorée par des motifs de maïs sur la partie inférieure et des motifs phytomorphes sur la partie

supérieure. En plus des vêtements, nous pouvons voir un manteau accroché au niveau des

épaules qui se termine à la même hauteur que la robe (Knobloch 2002 ; Lyon 1978:110 ;

Mancilla et al. 2019:100 ; Menzel 1977:54).

Les membres supérieurs et inférieurs sont similaires dans les deux représentations puisque nous

retrouvons ces bras pliés au niveau des coudes et plus légèrement au niveau des poignets, avec

5 doigts et 5 orteils avec les ongles délimités. Les pieds sont de profil en étant tournés vers

l’extérieur et les talons sont délimités par un chevron avec un point au milieu de cet espace. La

117
seule différence se trouve sur le fait que le dieu aux bâtons possède des bandeaux au niveau des

chevilles. Les bâtons sont quant à eux totalement différents à l’image des vêtements puisque du

côté des divinités masculines, celles-ci sont composées de 9 rectangles segmentés avec les 2

derniers qui sont recourbés vers l’intérieur au niveau de l’extrémité inférieure. L’extrémité

supérieure des deux côtés est quant à elle décorée d’une tête de félin de profil regardant vers

l’extérieur de la représentation. Pour la divinité féminine, nous retrouvons des bâtons composés

d’une bande imbriquée dans une autre avec des têtes de serpent du côté de l’extrémité inférieure

et du côté de l’extrémité supérieure, nous pouvons voir un épi de maïs sur le bâton tenu par la

main droite et un motif de plumes différent de celui de la coiffe sur l’autre bâton (Isbell

2018b:466 ; Knobloch 2002 ; Lyon 1978:110 ; Mancilla et al. 2019:100).

Ce qui ressort de ces représentations par rapport à celles de Conchopata c’est la symétrie

parfaite et l’absence presque totale de variations entre les divinités masculines. Au niveau des

couleurs, nous retrouvons un aspect très similaire à celui des dieux aux bâtons du style

Conchopata avec des couleurs chaudes comme le rouge ou le violet et les contours ne sont pas

systématiquement marqués par des lignes noires (Mancilla et al. 2019:100). De manière

générale, le côté anthropomorphisé des divinités est encore plus marqué, à l’exception de la tête

qui reprend un peu plus ce côté « visage rayonnant » à cause de la coiffe. En ce qui concerne la

datation du matériel Robles Moqo, aucun nouvel élément n’a fait son apparition depuis les

recherches menées par Menzel qui associe ce style à la période 1B de l’Horizon moyen.

Néanmoins, si nous nous tenons à sa séquence chronologique où le style Robles Moqo est plus

tardif que le style Conchopata, il est nécessaire de réévaluer cette datation puisque nous avons

vu que le matériel de la vallée de Ayacucho est plus tardif que ce que nous pensions

initialement. Étant donné la forte ressemblance avec les divinités du style Conchopata, le style

Robles Moqo pourrait au moins dater de la même époque, c’est-à-dire pendant la période 2A,

plus précisément entre 825 et 925.

118
Au niveau des motifs, il semble y en avoir beaucoup plus, mais avec la disparition de la

thématique de la guerre ou du sacrifice humain que nous pouvions observer au sein du style

Conchopata. Cependant, une thématique associée au maïs fait son apparition et elle est très

présente dans ces représentations, surtout du côté de la version féminine de la divinité où nous

pouvons même voir différentes variétés de maïs, certains chercheurs voyant cela comme un

rapport à la fertilité (Menzel 1964:26). Cette idée de fertilité semble aller totalement de pair

avec la représentation d’un couple divin que certains identifient même au soleil et à la lune

(Isbell et Knobloch 2006:307 ; Lyon 1978:109-112). En plus du maïs, il existe beaucoup

d’autres représentations de cultigènes typiquement andins au sein du style Robles Moqo comme

la pomme de terre, la patate douce, l’ulluques, le mashua, le kiwicha, le quinoa ou l’oca (Cook

et Glowacki 2003:178 ; Mancilla et al. 2019:98-99 ; Menzel 1968:49 ; Valdez 2018:124). Ces

différentes représentations de plantes sont stylisées et ne sont donc pas rendues de manière

naturaliste, mais il est possible de les reconnaitre, car les artisans ont fait ressortir leurs attributs

principaux comme les feuilles, les fleurs ou même les branches (Knobloch 2000b:390). Cette

mise en évidence de ces produits provenant des hautes terres des Andes (Pozzi-Escot et al.

1998:278), et par extension de l’idée de prospérité agricole, est certainement stratégique et cela

fut probablement bien accueilli dans une région comme la côte sud qui est très aride (Menzel

1977:54-55 ; Valdez 2009:201). Encore aujourd’hui, les habitants du quartier de Andamarka à

Huamanga réalisent un pèlerinage chrétien dans la région de Pacheco lors de la fête de la Croix

du 03 mai où ils portent des plantes pour les déposer devant un portait du Christ sur la croix

dans une chapelle. Selon Valdez (1994:678), cela pourrait être indicateur d’une ancienne

tradition andine ayant subsisté à travers l’introduction du christianisme.

Jusqu’à présent, l’analyse des représentations du dieu aux bâtons wari nous a permis de

constater que la figure de la divinité tend à se multiplier sur les artéfacts qui la représentent. Il

serait intéressant de se questionner sur l’identité de cette figure, surtout depuis que nous savons

119
qu’il en existe une version féminine. Depuis le début des recherches sur le dieu aux bâtons, un

des axiomes de l’archéologie andine fut de l’établir comme une divinité unique partagée par les

deux principales entités politiques de l’Horizon moyen. La majorité des chercheurs du 20ème

siècle partaient donc du principe que toutes les représentations faisaient référence au même

individu, et ce, malgré la variabilité de ces représentations qui présentent des motifs différents

comme nous l’avons vu précédemment. Les recherches menées à Tiahuanaco ont énormément

contribué à ce que le dieu aux bâtons soit perçu comme une divinité unique. En effet, depuis

Posnansky, plusieurs chercheurs ont essayé de déchiffrer les représentations de la Porte du

Soleil comme si ces dernières étaient des signes calendaires (Isbell 2008:734 ; Janusek

2006:487-488 ; Janusek 2008:114-116 ; Knobloch 2000b:395 ; Sammells 2012:300-302 ;

Viau-Courville:13-14) et pour cela, ils partirent du principe que le dieu aux bâtons était le soleil

déifié (Clados 2012:101-102 ; Isbell 2018b:438 ; Makowski 2001:338-342 ; Makowski

2009:133-134). Il est certain que le côté surnaturel du dieu aux bâtons semble assez évident

compte tenu de ces caractéristiques iconographiques telles que les yeux divisés, les crocs

saillants ou même la coiffe avec des appendices de différents motifs (Cook 1987:61-62 ; Cook

1994:178 ; Haeberli 2018:148). Toutefois, le caractère unique du dieu aux bâtons semble moins

probant, cela étant remis en question par certains chercheurs, et ce, depuis la création même de

l’appellation de la divinité par Rowe (1971:117-118).

Parmi ceux-ci, Krzysztof Makowski (2001:348-353 ; 2009:133 ; 152-153 ; 2012:101-105) est

sans aucun doute le chercheur qui a le plus contribué dans cette remise en question. Selon lui,

les acolytes de profil qui accompagnent notre divinité dans les répertoires iconographiques

tiwanaku et wari pourraient être des dieux aux bâtons de profil. Ces acolytes portent

généralement un bâton dans la main qui est représentée et il ne serait pas impossible que l’autre

main non représentée puisse également en porter un. En plus de partager cet objet, ces figures

possèdent également des coiffes rayonnantes, ce qui vient appuyer l’idée que ces différentes

120
représentations puissent être celles d’un même type d’individus. La différence de représentation

indiquerait l’existence d’une certaine hiérarchie, la divinité ayant le rang le plus haut étant

représentée de face, tandis que la divinité ayant un rang plus bas serait représentée de profil. Ce

serait donc une question de convention, les motifs servant à identifier une divinité d’une autre,

ces derniers pouvant fonctionner de la même façon que nos armoiries ou les tokapus incas.

Makowski réalise une comparaison avec les saints du répertoire iconographique chrétien

puisque ceux-ci partagent des attributs communs comme les auréoles au-dessus de la tête tout

en représentant des individus différents, chacun ayant sa propre histoire et ses propres attributs.

Il serait possible que nous ayons quelque chose de similaire avec le dieu aux bâtons étant donné

qu’ils partagent tous une structure générale similaire, mais avec une variabilité au niveau des

motifs. Même si cette hypothèse est intéressante, il est nécessaire de prendre en compte que les

études de Makowski se sont surtout centrées sur le répertoire tiwanaku et une étude plus poussée

sur les acolytes de profil wari serait nécessaire pour aller plus loin dans ce raisonnement.

Néanmoins, il est nécessaire de prendre en compte qu’au sein du style Robles Moqo, les dieux

aux bâtons ne sont pas accompagnés par des acolytes de profil comme sur les céramiques de

Conchopata.

121
Figure 4.2 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000121609

122
Figure 4.3 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000121609

123
Figure 4.4 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000127391

124
Figure 4.5 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000127391

125
Figure 4.6 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco prise par Krzysztof Makowski (Bernier et
Chapdelaine 2018:Figure 19.4)

126
Figure 4.7 - Dessin de la déesse aux bâtons n°17 du style Robles Moqo réalisé par William Isbell (2008:Figure 37.5)

127
2. Le style Pachacamac

Pour rester dans la continuité de ce chapitre, nous allons commencer par une contextualisation

du style Pachacamac en passant en revue certaines informations à propos des contacts wari avec

la côte centrale, avant de nous consacrer à la présentation du style en tant que tel et au matériel

directement concerné par notre étude. Nous allons fatalement réaliser une description du large

corpus que nous avons pu constituer et terminer ce chapitre en mettant en évidence quelques

remarques suite à une analyse iconographique de ce matériel et une comparaison avec les

représentations antérieures, que ce soit celles du style Robles Moqo ou celles apparaissant sur

les céramiques de Conchopata.

a. Contextualisation

Le style Pachacamac est principalement distribué à travers la côte centrale du Pérou, mais il se

retrouve également sur la côte nord et il possède une variante sur la côte sud que nous nommons

Ica-Pachacamac (Cook et Glowacki 2003:177 ; Lumbreras 1974:157 ; 174 ; Menzel 1964:36).

Traditionnellement, la côte centrale du Pérou aurait joué un rôle particulier au sein de la sphère

d’influence wari et le matériel produit localement se serait exporté au côté des différents styles

wari (Lumbreras 1974:173). Le site de Cajamarquilla dans la vallée de Rímac était considéré

comme le premier centre urbain wari et le principal pôle d’autorité dans la région, avant que ce

pouvoir ne soit transféré vers Pachacamac dans la vallée de Lurín avec la montée en puissance

de la culture wari (Lumbreras 1974:166 ; Menzel 1977:46). Pachacamac fut un des sites

préhispaniques des Andes les plus importants et fut occupé continuellement à partir de

l’Intermédiaire ancien jusqu’à la conquête espagnole (Isbell 2004b:195). Dans sa séquence

chronologique de l’Horizon moyen, Menzel (1964:36-37) présenta ce site comme un centre

religieux oraculaire important au sein de la sphère d’influence wari puisqu’il aurait contribué à

la diffusion de son idéologie et de son iconographie pendant la période 2A de l’Horizon moyen

128
(Franco et Paredes 2000:611 ; Glowacki et Malpass 2003:432-434 ; 438). Selon Lumbreras

(1974:168), ce culte wari aurait été si fort qu’il aurait été encore célébré lors de l’occupation

inca du site. Cependant, la domination wari sur la côte centrale est de plus en plus remise en

question par la communauté scientifique aux vues des recherches de ces dernières décennies.

Ces dernières ont prouvé que Cajamarquilla fut abandonné à la fin de la période 1A, bien plus

tôt que ce que nous pensions auparavant, à cause d’une sècheresse provoquée par une rupture

de l’approvisionnement en eau qui venait habituellement de la Quebrada de Huachipa (Figure

4.8). Tous les contextes wari ultérieurs seraient dès lors intrusifs (Mogrovejo et Makowski

1999:55). En ce qui concerne Pachacamac, aucune structure monumentale wari ne fut retrouvée

et les découvertes d’artéfacts appartenant au style Pachacamac sont assez rares, en partie à cause

des nombreux pillages qui dégradèrent le site. De plus, aucune trace de production de cette

céramique ne fut également retrouvée, que ce soit à Pachacamac ou ailleurs dans les Andes

centrales (Eeckhout 2010:151 ; Eeckhout 2018:563 ; Knobloch 1989:116 ; Makowski et Giersz

2016:11-12). Ces artéfacts du style Pachacamac se limitent à la zone la plus sacrée du site et

en-dehors de celui-ci, elles se trouvent uniquement dans des contextes funéraires dédiés aux

élites comme à Ancón entre les vallées de Chancay et de Chillón (Menzel 1977:45-46) ou à San

José de Moro dans la vallée de Jequetepeque (Castillo 2001:321 ; Castillo et Donnan 1994:108 ;

Castillo et al. 2007:18 ; 33 ; Rucabado et Castillo 2003:28-30). De plus, ce matériel ne constitue

qu’une petite partie des ensembles retrouvés puisqu’il est généralement associé à des objets

appartenant à des styles locaux, comme le style Nievería qui est associé aux premières

représentations du répertoire iconographique des Andes centrales (Eeckhout 2018:562), ou à

d’autres styles wari (Castillo 2000:23 ; Kaulicke 2000:330 ; 335-336). Cela semble indiquer un

usage de ce matériel restreint à une élite dans l’objectif d’atteindre certains buts spécifiques, la

production était donc probablement elle-même très réduite (Eeckhout 2018:533-535 ; 541-544).

Nous pouvons voir cela du côté de la culture moche dont les élites affaiblies pendant l’Horizon

129
moyen semblent avoir utilisé l’idéologie et l’iconographie wari dans leur propre stratégie de

contrôle politique (Castillo 2001:324-325 ; Castillo et Donnan 1994:135-136).

Le style Pachacamac, ainsi que les autres styles wari contemporains comme Viñaque ou Atarco,

dérive essentiellement de Conchopata et de Robles Moqo qui seraient arrivés sur le site

éponyme vers la fin de la période 1B selon Menzel (1964:35-36 ; Franco et Paredes 2000:611).

Les quelques datations que nous avons à notre disposition indiquent que la durée de vie de ce

style se situerait entre 850/900 et 980/1050 ap. J.-C. (Eeckhout 2018:560-562), mais il est

possible que de nouvelles données viennent apporter plus de précisions à ce sujet. Les plus

grandes collections associées à ce style furent rassemblées par deux Allemands, Arthur Baessler

et surtout Wilhelm Gretzer, à la fin du 19ème siècle. Elles se trouvent actuellement à Hannover,

à Hildesheim et surtout dans le Ethnologisches Museum à Berlin qui possède la plus grande

collection au monde d’artéfacts de ce style avec plus d’une centaine d’objets. Parmi ces

artéfacts, nous retrouvons une cinquantaine de gobelets, la plupart des représentations de dieux

aux bâtons se retrouvant sur ces formes sous une forme stylisée, voir cartoonesque, et avec leur

visage peint et parfois modelé, ainsi que 19 jarres dont le goulot représente un visage (Knobloch

1989:116 ; Knobloch 2012:139 ; Menzel 1964:58). Ces collections possèdent également des

objets fabriqués avec d’autres matériaux comme le textile ou le bois. Malgré le fait que ces

artéfacts sont associés au site de Pachacamac, il est nécessaire de préciser que leur provenance

est incertaine. Leurs collections abritent du matériel qui semble provenir d’autres régions des

Andes centrales et certains objets semblent même être ultérieurs à l’Horizon moyen. Quelle que

soit leur provenance, les artéfacts de ces collections sont très peu connus étant donné l’existence

de très peu de publications à leur sujet, surtout avec des illustrations. Néanmoins, elles furent

d’une importance capitale pour Uhle qui eut l’occasion de se familiariser avec ce matériel lors

de son travail muséologique à Berlin avant d’entamer son voyage en Amérique du Sud en 1892

et c’est ainsi qu’il découvrit du matériel similaire sur le site de Pachacamac qui sera définit

130
comme tiahuanacoïde, avant d’être associé par la suite au style définit par Menzel (1964:53 ;

Eeckhout 2018:541-543 ; Kaulicke 2000:313-314 ; 330).

La céramique du style Pachacamac est de très bonne qualité et elle présente une surface peinte

polychrome assez uniforme décorée par des êtres mythiques. Comme toutes les céramiques que

nous avons vues jusqu’à présent, elle est caractérisée par son usage cérémoniel puisque les

formes, comprenant des bouteilles, des jarres ou même des assiettes, suggèrent l’acte de boire

ou de servir et non de cuisiner ou de stocker. Toutes ces formes possèdent elles-mêmes plusieurs

variantes qui agrandissent la palette des possibilités. Il est nécessaire de préciser que la majorité

d’entre elles existait déjà au sein des styles locaux, comme dans le style Lima (Castillo

2001:325), avant l’apparition de la culture matérielle wari qui a tout de même contribué pour

l’apparition de certaines formes dans la région, notamment celle des gobelets similaires aux

keros wari et tiwanaku. Ce qui est notable vis-à-vis du nombre croissant de ces formes au sein

du style Pachacamac, et de manière générale dans les styles wari contemporains, c’est de

constater que l’usage cérémoniel semble se diriger vers un usage à plus grande échelle, même

si celui-ci reste cantonner aux élites. Les styles précédents présentaient des jarres ou des urnes

surdimensionnées dont le destin était d’être brisées et enterrées volontairement suite à un usage

unique dans le cadre d’une cérémonie plus exclusive. Mais avec les nouveaux styles régionaux

ultérieurs au style Robles Moqo, l’aspect cérémoniel semble s’organiser autour d’une vaisselle

utilisée plus fréquemment lors de festins ou de banquets assistés par un public plus large

(Knobloch 1989:116-118 ; Knobloch 2012:131 ; 139). Cela va se traduire dans notre corpus

comme nous allons le voir dans la suite de ce chapitre puisque cela affecte directement les

supports présentant des représentations de dieu aux bâtons. Au niveau du répertoire

iconographique, l’influence principale vient de cette sphère d’interaction des Andes

méridionales, mais l’iconographie locale contribua également et il existe quelques figures

propres à ce style comme celle du griffon. Ce matériel Pachacamac fut divisé par Menzel

131
(1964:35-37) en deux phases qui correspondent respectivement aux périodes 2A et 2B de sa

séquence chronologique de l’Horizon moyen (Kaulicke 2000:330 ; 335). Cette division s’est

surtout faite selon l’existence de différences au sein de l’iconographie, la deuxième phase ayant

apporté quelques nouveautés par rapport à la première qui suivit des conventions assez

conservatives. Il est intéressant de remarquer que l’appellation de tiwanaku côtier faisait

référence à ce que nous pouvons attribuer aujourd’hui à cette deuxième phase du style

Pachacamac (Eeckhout 2018:541-543 ; Lumbreras 1974:155-157).

132
Figure 4.8 - Carte du bassin du fleuve Rímac (Mogrovejo et Makowski 1999:47)

133
b. Description et analyse

Le corpus que nous avons rassemblé pour analyser l’iconographie du dieu aux bâtons au sein

du style Pachacamac est celui qui présente le plus de représentations en comparaison avec les

autres corpus que nous avons présentés précédemment dans notre étude. Nous disposons de 16

représentations décorant des gobelets qui se trouvent dans les collections de Baessler et Gretzer

du Ethnologisches Museum de Berlin (Figure 4.9 ; Figure 4.10 ; Figure 4.11 ; Figure 4.12 ;

Figure 4.13 ; Figure 4.14 ; Figure 4.15 ; Figure 4.16 ; Figure 4.17 ; Figure 4.18 ; Figure 4.19 ;

Figure 4.20 ; Figure 4.21 ; Figure 4.22 ; Figure 4.23 ; Figure 4.24). Les illustrations furent

toutes obtenues à partir du catalogue en ligne du musée, ce qui pose un inconvénient majeur

puisque les bâtons des divinités n’apparaissent systématiquement pas dans les photographies.

Bien entendu, nous avons pris la peine de contacter les autorités compétentes du musée quant

à ces artéfacts, mais aucune réponse n’est arrivée. Il est nécessaire de préciser également que

nous avons mis de côté certaines représentations qui apparurent pendant notre recherche,

certaines à cause de leur état, et d’autres parce qu’elles étaient si déviantes que nous n’étions

pas surs qu’elles représentaient réellement des dieux aux bâtons. Comme depuis le début de

cette étude, nous allons commencer par une description avant d’entamer l’analyse de ces

représentations.

La tête de toutes les divinités est quadrangulaire et le visage est systématiquement entouré par

une coiffe sur les côtés latéraux et supérieur comme dans le style Conchopata. La bande de la

coiffe n’est pas décorée par des méandres imbriqués comme dans toutes les représentations que

nous avons analysées jusqu’à présent, puisqu’ils sont remplacés par des points d’un nombre

variable. En ce qui concerne les appendices de la coiffe, celles-ci varient entre 7, 9 et 11 selon

les représentations. Nous retrouvons systématiquement une touffe de plumes au centre du côté

supérieur et, dans le cas des figures avec 9 ou 11 appendices, celle-ci est accompagnée par des

134
points cerclés dont la base est soit un triangle, soit un trapèze, décoré par un trait ou un autre

triangle. Sur les côtés latéraux, nous retrouvons cette touffe de plumes au centre accompagné

d’un nombre variable de points cerclés avec le même type de bases que pour le côté supérieur.

Au niveau des coins supérieurs, nous retrouvons régulièrement une bande décorée d’un trait qui

relie la coiffe à un motif phytomorphe ou qui forme une continuité directe avec la bande de la

coiffe. Sur le visage, nous avons une nouveauté puisque certaines dans certaines

représentations, le nez, les yeux et le menton sont en relief. Le nez prend diverses formes, tandis

que les yeux sont divisés en deux parties et ils sont régulièrement accompagnés par de simples

traits qui sont parfois décorés par des points avec des motifs de plumes et d’ailes mythiques. Il

existe une représentation déviante puisqu’elle possède des yeux représentés comme ceux des

captifs humains dans le style Conchopata. En ce qui concerne la bouche, celle-ci occupe un

large espace avec un nombre variable de dents et certaines figures ne possèdent pas les canines

que nous avions l’habitude de voir dans toutes les représentations de dieu aux bâtons. La tunique

possède quant à elle des manches et une encolure en V est généralement représentée. Elle est

divisée par une ceinture constituée de traits segmentés qui est reliée aux épaules, mis à part dans

une représentation, par une bande décorée avec des méandres imbriqués, des croix ou des traits.

Des motifs similaires aux appendices de la coiffe pendent à partir de cette ceinture et ils

systématiquement au nombre de 3. Dans la majorité des représentations, ces motifs sont des

plumes avec une base trapézoïdale. Les chevilles sont recouvertes par un bandeau et les pieds

sont de profil en étant tournés vers l’extérieur. Ils possèdent des orteils délimités et le talon est

systématiquement délimité par un chevron avec un point en son centre (Knobloch 2002).

Parmi toutes les représentations de dieu aux bâtons que nous avons pu analyser jusqu’à présent,

il ne fait aucun doute que celles du style Pachacamac sont celles qui montrent le plus de diversité

au niveau de l’apparence générale des divinités. Il semble évident que ces objets n’ont pas été

fabriqués, ou du moins décorés, par un seul individu ou par un seul atelier étant donné les

135
différences notables au niveau de la précision des traits et les variations au niveau des motifs.

Néanmoins, en comparaison avec les plus anciennes représentations, nous pouvons constater

que le nombre de motifs est resté relativement constant, même si nous ne retrouvons plus du

tout de motifs zoomorphes, du moins au niveau de la tête ou de la tunique. Cela est d’autant

plus surprenant puisque le support est lui-même beaucoup plus petit en comparaison, par

exemple, avec les urnes surdimensionnées du style Robles Moqo qui pouvaient faire plus d’un

demi-mètre de haut. Toutefois, le changement de taille se fait ressentir, notamment par le côté

plus stylisé et synthétique de ces représentations. Malheureusement, l’absence des bâtons nous

empêche de réaliser une analyse iconographique complète de ces dieux aux bâtons, mais nous

pouvons tout de même remarquer que certains de leurs aspects sont restés inchangés au fil des

représentations depuis l’arrivée de cette iconographie à Conchopata comme la manière dont les

pieds sont représentés.

136
Figure 4.9 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 13695

137
Figure 4.10 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19166

138
Figure 4.11 - Photographie prise par Martin Franken d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19167

139
Figure 4.12 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19172

140
Figure 4.13 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19173

141
Figure 4.14 - Photographie prise par Martin Franken d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19174

142
Figure 4.15 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19176

143
Figure 4.16 - Photographie prise par Sandra Steiß d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49212

144
Figure 4.17 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49214

145
Figure 4.18 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49215

146
Figure 4.19 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49216

147
Figure 4.20 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49217

148
Figure 4.21 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49218

149
Figure 4.22 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49222

150
Figure 4.23 - Photographie prise par Claudia Obrocki d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49225

151
Figure 4.24 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49240

152
Conclusion

Cette étude diachronique sur l’iconographie du dieu aux bâtons wari n’a pas été une tâche aisée

étant donné le nombre important d’informations à prendre en considération, ce qui se traduit

par cette place de choix occupée par la contextualisation. Cependant, même si l’étude en tant

que telle des représentations tarda à débuter, nous pensons qu’il était inévitable de passer par

cette étape de mise en contexte pour nous permettre d’élaborer et d’aborder notre corpus avec

le maximum de données possible. La présentation de la culture wari et des Andes centrales

pendant l’Horizon Moyen était plus que nécessaire, ne fût-ce que pour la séquence

chronologique de Dorothy Menzel qui a rythmé toute notre étude. Le fait d’avoir consacré du

temps aux premières recherches qui permirent de différencier la culture wari de la culture

tiwanaku fut également important. Cela montra à quel point la question du rapport entre ces

deux sociétés est enracinée dans notre tradition scientifique sur le sujet et cela affecte encore

notre approche de l’iconographie de cette période. La lecture des publications de ces dernières

décennies montre que nous avons tendance à nous focaliser sur la question des origines de la

figure du dieu aux bâtons wari et c’est pourquoi nous avons décidé de nous focaliser sur l’étape

d’après. En ce qui concerne le deuxième chapitre, le passage en revue de ces prototypes de dieu

aux bâtons des Andes méridionales avait naturellement l’objectif de mettre en évidence cette

continuité de l’Horizon Moyen, et plus spécifiquement de l’iconographie wari. La mention aux

Andes centrales n’est également pas anodine puisque nous avons voulu rappeler, malgré toutes

les nouvelles informations obtenues ces dernières années par rapport aux Andes méridionales,

que la question du rapport de la culture chavín avec cette sphère d’interaction était toujours

d’actualité depuis les publications de John Rowe sur le sujet, même s’il est probable que nous

n’ayons jamais de réponse.

153
Suite à cela, notre développement quant à l’évolution de l’iconographie du dieu aux bâtons wari

put s’établir à partir de 33 représentations appartenant à 4 styles différents dispersés dans

plusieurs régions des Andes centrales. L’étude de l’évolution des représentations entre les jarres

de 1977 et le style Conchopata fut d’une extrême importance pour toutes les représentations

ultérieures puisque c’est à ce moment-là que le plus grand écart stylistique se mis en place entre

deux catégories de dieu aux bâtons. C’est avec le style Conchopata que la divinité a acquis une

apparence propre à la culture wari et c’est également au sein de ce style que nous avons pu

commencer à approfondir notre analyse avec l’apparition de cette thématique tournant autour

de la guerre ou du sacrifice humain. Le développement sur la côte avec le style Robles Moqo

fut également marquant étant donné la multiplication des représentations que nous avons pu

constater. Si chaque jarre de 1977 ne présentait qu’une seule représentation de la divinité, les

urnes de Pacheco présentèrent jusqu’à 6 dieux aux bâtons. Parmi ceux-ci, nous retrouvons une

version féminine de la divinité qui a ouvert la question de l’identité de la divinité. Nous avons

tenté d’établir quelques éléments de réponse grâce à diverses informations provenant de la

littérature, mais plus de représentations seraient nécessaires pour pousser l’analyse plus loin.

Enfin, le dieu aux bâtons du style Pachacamac semble avoir permis à un plus grand nombre

d’artisans de travailler à la réalisation de ces dieux aux bâtons puisque chaque représentation

montre un traitement et un soin différents apportés par les artisans.

Ce qui apparaît assez clairement suite à cette étude, c’est la nécessité d’étudier encore plus en

profondeur l’évolution de cette figure qu’est le dieu aux bâtons dans un projet qui ne sera pas

aussi limité formellement que celui-ci. L’étude des figures qui accompagnent la divinité serait

une étape supplémentaire qui nous permettait d’approfondir nos interprétations, notamment en

ce qui concerne les thématiques que nous avons mis en évidence au sein des styles Conchopata

et Robles Moqo.

154
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