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Les recherches menées ces dernières décennies dans les Andes méridionales ont permis de
mettre en évidence l’existence d’une sphère d’interaction ayant développé son propre répertoire
iconographique. Celui-ci connut son apogée et son extension maximale pendant l’Horizon
moyen, notamment via la culture wari qui l’a diffusé à travers les Andes centrales. Le discours
concernant cette diffusion a lui-même changé en fonction des dernières publications sur le sujet
qui avancent une participation locale plus importante dans la production de céramique de
discours plus consistant sur les origines et le développement de ce répertoire, mais une étude
diachronique de cette iconographie manque toujours à l’appel. L’objectif de cette étude est donc
du dieu aux bâtons. Pour ce faire, les données les plus récentes sont incorporées et jointes à un
corpus de représentations rassemblées à partir de diverses collections. C’est ainsi que nous
allons mettre en évidence des changements importants de style en style avec, par exemple,
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Déclaration Plagiat
Considérant que le plagiat est une faute inacceptable sur les plans juridique, éthique et
intellectuel ;
Conscient que tolérer le plagiat porterait atteinte à l’ensemble des corps étudiants, scientifiques
et académiques en minant la réputation de l’institution et en mettant en péril le maintien de
certaines approches pédagogiques ;
Notant que les étudiants sont sensibilisés aux questions d’intégrité intellectuelle dès leur
première année d’étude universitaire et que le site web des Bibliothèques de l’ULB indique
clairement comment éviter le plagiat :
https://bib.ulb.be/version-francaise/navigation/support/boite-a-outils/evitez-le-plagiat
Rappelant que le plagiat ne se limite pas à l’emprunt d’un texte dans son intégralité sans emploi
des guillemets ou sans mention de la référence bibliographique complète, mais se rapporte
également à l’emprunt de données brutes, de texte traduit librement, ou d’idées paraphrasées
sans que la référence complète ne soit clairement indiquée ;
Rappelant les articles 103 et 104 du Règlement Général des Etudes 2019-2020 :
https://www.ulb.be/medias/fichier/reglement-general-etudes-2019-2020_1565776134603-pdf;
Convenant qu’aucune justification, telle que des considérations médicales, l’absence
d’antécédents disciplinaires ou le niveau d’étude, ne peut constituer un facteur atténuant.
La Faculté de Philosophie et Sciences sociales rappelle que la sanction minimale pour un plagiat
avéré est l’attribution de la note de 0 pour l’ensemble du cours en question. Ce rappel ne présage
pas de la sanction finalement proposée au jury par le Doyen en fonction des détails relatifs au
cas de plagiat qui lui a été transmis.
Je, Steven da Mota Duarte, confirme avoir lu cette déclaration et certifie ne pas avoir commis
de plagiat pour ma recherche.
Fait à Bruxelles
Date : 13.07.2020
Signature de l’étudiant
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Remerciements
Avant toute chose, je tiens à exprimer mes plus sincères remerciements à mon directeur de
mémoire M. Peter Eeckhout qui a su se montrer conciliant et à l’écoute, malgré le fait que
pendant tout ce processus je n’ai pas été l’étudiant le plus assidu quant à ce dialogue à entretenir.
Il a su me placer sur la voie de mon sujet et surtout sur une période des Andes préhispaniques
qui m’intéresse depuis longtemps, mais que je n’avais pas encore eu l’occasion d’aborder
jusqu’à présent.
Je remercie également le reste de mon jury, Mme Sylvie Peperstraete et M. Christophe Delaere,
pour avoir contribué à améliorer mon étude grâce aux critiques émises lors de ma première
défense du mémoire. De manière plus générale, je tiens à remercier tous les professeurs et
intervenants qui ont joué un rôle dans ma formation à travers leurs enseignements et leurs
travaux. Ceux-ci m’ont permis d’améliorer mes aptitudes en vue de réaliser ce mémoire.
Enfin, je voudrais également remercier ma famille qui a su m’épauler dans cette période
difficile de crise sanitaire qui m’a particulièrement affecté et qui a interrompu la réalisation de
ce mémoire. Ils ont été d’un grand réconfort et d’une aide importante pour que je puisse mener
à bien ce projet.
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Table des matières
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Introduction
Pendant l’Horizon moyen, le dieu aux bâtons fut l’une des figures les plus importantes au sein
du répertoire iconographique de la principale culture des Andes centrales centrée sur le site de
Huari. Cette culture a interagi avec diverses sociétés de complexité variée de la région en
diffusant, entre autres, son idéologie via cette divinité. Les recherches menées ces dernières
décennies à son sujet ont mis en exergue toute une série de nouvelles informations à propos de
la question de ses origines, notamment dans les relations avec son homologue du site bolivien
de Tiahuanaco, mais également de manière plus générale avec les liens qui l’unissent à tous ses
furent également menées sur l’impact de cette figure, et par extension de l’entièreté du
répertoire iconographique duquel elle fait partie, sur les différentes régions influencées d’une
manière ou d’une autre par la société wari. Est-ce que ces données pourraient nous permettre
C’est dans l’objectif de répondre à cette question que nous vous proposons cette réévaluation
de l’iconographie de l’une des figures les plus connues des Andes préhispaniques.
Pour ce faire, nous allons décrire et analyser toute une série de représentations que nous aurons
rassemblées au sein d’un corpus réunissant des artéfacts provenant de diverses collections.
Cependant, nous savons pertinemment qu’il est impossible d’être exhaustif dans le cadre de
cette étude qui est formellement limitée. C’est pourquoi nous allons devoir faire des choix qui
nous permettront de limiter la recherche, tout en nous laissant une certaine marge de manœuvre
pour avoir assez de matière sur laquelle travailler. Nous avons directement pris la décision de
nous focaliser sur la culture wari, étant donné que c’est elle qui a introduit et popularisé la figure
du dieu aux bâtons dans les Andes centrales. En ce qui concerne le matériel, la céramique a
retenu notre attention pour diverses raisons, notamment pour son importance dans l’historique
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des recherches puisque c’est ce qui a permis à Dorothy Menzel de proposer sa séquence
chronologique de l’Horizon moyen. À l’égard des régions que nous allons aborder, la
d’Ayacucho et de la côte péruvienne est le plus abondant. Tout ceci sera présenté à travers
quatre chapitres, les deux premiers constituant l’étape nécessaire de contextualisation, tandis
que les deux suivants forment l’étape de développement. De manière plus détaillée, le premier
chapitre place le cadre spatio-temporel général de notre étude puisqu’il se consacre à la culture
wari et aux Andes centrales. Le deuxième chapitre est quant à lui consacré à la question des
origines du dieu aux bâtons avec la présentation de toutes les données pertinentes à propos des
Andes méridionales, mais également des théories d’une origine alternative située dans les
Andes centrales. Le troisième chapitre lance notre parcours iconographique avec les
représentations de dieu aux bâtons qui apparurent et se développèrent sur le site de Conchopata.
Notre quatrième et dernier chapitre aborde la diffusion de cette figure sur la côte péruvienne à
Avant d’initier notre étude, il est nécessaire de présenter brièvement les conditions
exceptionnelles dans lesquelles celle-ci se déroula. En effet, la dernière ligne droite de notre
l’entièreté de la planète. Bien entendu, cela eut un impact sur notre étude, surtout vis-à-vis du
matériel nécessaire qui n’a pas toujours été à notre disposition. Du côté de la littérature, malgré
un processus qui fut plus long, nous avons réussi à mettre la main sur les publications les plus
pertinentes, mis à part pour quelques ouvrages qui ne devraient pas impacter trop négativement
les résultats de notre travail. Toutefois, nous ne pouvons malheureusement pas dire de même
en ce qui concerne le corpus de représentations que nous avons rassemblées. Le contact avec
les institutions muséales ou les chercheurs fut beaucoup plus limité, voire impossible, et cela
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Chapitre I
Dans l’objectif de lancer une discussion constructive quant à l’iconographie du dieu aux bâtons
wari1, il est avant tout nécessaire de mettre en contexte cette figure dans la culture à laquelle
elle s’inscrit et de manière générale dans le monde dans lequel elle évolue. Le premier point
que nous allons aborder dans ce chapitre de contextualisation concerne donc l’identification de
la culture wari et sa différenciation avec la culture tiwanaku. Plus concrètement, nous allons
passer en revue les premières recherches à propos de cette question en partant des premières
informations que nous avons sur le sujet à partir de la conquête espagnole. Le deuxième point
que nous allons aborder traite du développement de la culture wari au sein des Andes centrales
pendant l’Horizon moyen. C’est au sein de cette section que nous allons présenter la séquence
ancré dans les débuts de l’archéologie des Andes préhispaniques. Le fil rouge de ce processus
se mit en place autour de la différenciation entre les cultures tiwanaku et wari à travers deux
étapes que nous allons aborder dans ce chapitre. Dans un premier temps, malgré les
d’Ayacucho, nous allons voir que la culture matérielle wari située au Pérou fut initialement
attribuée au site de Tiahuanaco. La première étape consiste donc en une différenciation de plus
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Pour éviter toute confusion, le terme « wari » sera utilisé pour faire référence à la culture, tandis que le terme
« Huari » servira à désigner le site archéologique. Cette démarche sera également mise d’application pour
d’autres termes tels que « tiwanaku » et « Tiahuanaco ».
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en plus prononcée entre cette culture matérielle péruvienne et son homologue des Andes
méridionales. Dans un second temps, nous allons voir que les recherches évoluèrent
étape consiste donc en une association de ce site avec sa culturelle matérielle correspondante,
L’existence du site de Huari fut reconnue dès l’époque coloniale dans les chroniques
espagnoles. En 1548, Pedro Cieza de León visita la vallée d’Ayacucho (Ogata 2006:32), connue
à cette époque sous le nom de Guamanga par les locaux, et admit l’ancienneté du site qu’il
nomma Viñaque en référence au fleuve voisin. La raison est que, d’une part, les habitants locaux
l’informèrent que l’architecture du site de Huari fut mise en place par une population barbue à
la peau claire bien avant le règne inca de la région, et d’autre part, les constructions étaient
marquées par le passage du temps et ne correspondaient pas à l’architecture inca vue à travers
le nouveau territoire conquis. En 1549, Cieza de León eut également l’occasion de visiter
monumentales vétustes et différentes de ce qui se voyait ailleurs. Les mêmes récits d’une
population barbue à la peau claire étaient associés au site bolivien, ce qui mena le chroniqueur
a effectué un lien entre Huari et Tiahuanaco qui auraient été construits par la même culture bien
avant la montée en puissance des Incas. Suite à cela, le site de la vallée d’Ayacucho tomba dans
Tiahuanaco qui fut visité à plusieurs reprises dans les siècles qui suivirent. Une grande partie
de ce prestige accordé à Tiahuanaco vient du fait que les Incas attribuèrent leurs origines
mythiques à cette région qui entra dans la tradition orale et fut inscrite dans les écrits par les
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2009:12). Néanmoins, il est nécessaire de préciser qu’une petite communauté locale de
ou historique se mit en place à partir de la fin du 19 ème siècle. Leur objectif principal était de
revendiquer une culture régionale et l’importance historique des populations de la région. Pour
ce faire, ils réalisèrent les premières explorations, ainsi que les premières fouilles, et ils mirent
en place les premières collections. Ces actions permirent d’élaborer quelques articles, livres et
problèmes liés aux questions ethnolinguistiques. C’est ainsi que le site de Huari a pu être
identifié au niveau régional après des recherches menées entre 1888 et 1894 sous l’impulsion
de Luis Carranza (1894:354-355) de la Société Géographique de Lima sur base des écrits de
Histórico Regional Hipólito Unanue qui est toujours actif et à certaines revues qui publièrent
Avant de continuer à nous intéresser aux recherches menées dans la vallée d’Ayacucho, il est
puisque la première étape dans la reconnaissance de la culture wari fut, paradoxalement, dans
la reconnaissance d’un matériel diffusé sur la côte péruvienne et associé au site bolivien.
l’occasion de visiter Tiahuanaco au fil des siècles depuis la conquête espagnole, pour ainsi
contribuer aux premières descriptions et interprétations. Ils furent surtout impressionnés par la
sculpture lithique monumentale de grande qualité présente sur le site, celle qui s’est démarquée
le plus étant la célèbre Porte du Soleil décorée par la figure du dieu aux bâtons (Figure 1.1), qui
fut certainement une des œuvres préhispaniques de plus grande diffusion à travers le monde
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(Cook 1985:203 ; Makowski et Giersz 2016:8 ; Sammells 2012:302). Une des premières
Haenke voyagea dans la région du lac Titicaca. Cependant, il fallut attendre l’indépendance de
la Bolivie en 1825 pour permettre à une nouvelle vague d’étrangers d’accéder à la région, ces
derniers ayant contribué à la création de plusieurs représentations du site. C’est donc à cette
époque, où la connaissance de l’Amérique précolombienne était encore très limitée, que des
et à influencer la vision des intellectuels sur le passé américain (Giersz et Makowsky 2014:285 ;
Tiahuanaco et ces recherches ont inspiré les autorités boliviennes à créer le premier musée
national du pays, une démarche qui fut accompagnée par la recherche de matériel sur le site
bolivien sur la demande du président José Ballivían. Parmi les ouvrages de référence à propos
de ses visites du 19ème siècle, nous pouvons citer les récits de voyage de George Squier
(1877:272-301), qui proposa la première étude illustrée par des photographies, et de Charles
accompagnée par de nombreux dessins (Figure 1.2) et elle fut primordiale quelques années plus
fortement marqué l’archéologie andine est celle de l’archéologue allemand Max Uhle qui
travailla sur le matériel récolté par les fouilles de Alphonse Stübel, avant de collaborer avec ce
dernier en 1892 dans le cadre de la publication d’une monographie (Cook 1994:38 ; Makowski
2001:338 ; Makowski 2009:133). Cette dernière confirma que les ruines de Tiahuanaco étaient
bien plus anciennes que les vestiges andins de la société inca, ce qui a mené à l’établissement
Knobloch 2006:310 ; Isbell et McEwan 1991:3 ; Ogata 2006:32). Suite à cela, Uhle visita le
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site bolivien en 1894 en posant les fondations d’une recherche archéologique systématique dans
C’est en ayant à l’esprit l’existence de ce style tiahuanacoïde antérieur au style inca que Uhle
(1903:784-785) organisa des fouilles à la fin du 19ème siècle sur le site de Pachacamac près de
la capitale Lima (Isbell 2000:12), ainsi que dans le complexe des Huacas del Sol y de la Luna
près de la ville moderne de Trujillo. Au sein de leurs contextes funéraires, il mit en évidence
sculpture monumentale de Tiahuanaco. À partir de cette association, Uhle, suivit par d’autres
chercheurs comme Alfred Kroeber ou John Rowe qui travaillèrent sur la collection établie par
style tiahuanacoïde qui servit de repère chronologique pour les Andes centrales avant
l’apparition de la datation au radiocarbone en 1949 et c’est cela qui mènera plus tard à la
2005:9-10 ; Rowe 1962:45-46 ; Willey 1955:105). Ce style fut perçu comme un modèle sur
lequel beaucoup d’autres styles se seraient basés, le matériel ne présentant aucune similitude
avec celui de Tiahuanaco étant antérieur à ce dernier, tandis que le matériel ayant certaines
ressemblances était dès lors considéré comme contemporain ou plus tardif. Même si cette
première séquence chronologique est d’une importance extrême pour les études du passé andin,
ce modèle théorique a mené à certaines erreurs assez marquantes puisque des représentations
étant donné la présence de figures ressemblant à celle du dieu aux bâtons (Isbell 2018a:5 ; Isbell
l’extrémité méridionale de la distribution de ce style dans les Andes centrales et que le matériel
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retrouvé sur la côte différait beaucoup trop de ce qui existait sur le site bolivien pour que ce soit
une importation ou une dérivation directe, notamment au niveau des supports utilisés pour
accueillir l’iconographie (Cook 1994:40-42 ; Isbell 1983:192), Uhle pensa qu’il devait exister
« tiwanaku côtier » pour distinguer ce matériel de celui de Tiahuanaco. En 1927, Julio Tello
découvrit des céramiques sur le site de Pacheco dans la vallée de Nasca présentant le même
répertoire iconographique appartenant à ce style tiwanaku côtier et une découverte similaire fut
faite en 1930 par Ronald Olson sur le même site (Kroeber 1944:28-29). Contrairement au
matériel retrouvé par Uhle à Pachacamac, celui-ci était beaucoup plus proche stylistiquement
de ce qui se faisait sur le site bolivien. Dès lors, cela a convaincu la communauté scientifique
que ce site devait être une colonie de Tiahuanaco et qu’il était le centre de dispersion du
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Figure 1.1 - Photographie du dieu aux bâtons sur la Porte du Soleil prise par D. Giannoni (Makowski 2009:Figure 2)
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Figure 1.2 - Dessin de la Porte du Soleil à la fin du 19ème siècle réalisé par Charles Wiener (1880:429)
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b. La redécouverte du site de Huari
La deuxième étape ayant mené vers la reconnaissance de l’existence de la culture wari fut la
redécouverte du site de Huari via Tello qui publia quelques photos des sculptures du site en
1929. Il organisa une expédition archéologique dans la vallée d’Ayacucho qui lui permit de
revisiter le site en 1931 et il fut accompagné par Lila O'Neale (Makowski et Giersz 2016:8).
l’Instruction qui lui montra des dessins de céramiques provenant des sites de la région (Tello
2009:275). Il est nécessaire de mentionner qu’une première fouille scientifique fut déjà
organisée par Pío Max Medina en 1924, mais elle n’eut que très peu d’impact. Pour en revenir
à Tello, celui-ci écrivit un article de journal sur sa visite, ce qui mena à un intérêt local croissant
sur les antiquités de la région, notamment à travers Huamanga, un journal de la ville moderne
d’Ayacucho publié à partir de 1936 que nous avons déjà cité précédemment. Dans cet article,
il proposa que le style tiwanaku côtier trouvait en réalité son origine dans le site de Huari, mais
le doute plana quant à cette hypothèse au sein des intellectuels ayant eu accès à la revue.
Néanmoins, Tello y reconnut l’importance du site, ce qui le mena à y organiser des fouilles en
1942, ainsi que sur le site de Conchopata se situant dans la même région où il découvrit des
2000:17). Pendant ces différentes campagnes, Tello s’est également constitué une collection
d’objets provenant de Huari et de certains sites alentour dont une partie sera amenée par
partiellement publiée par Kroeber (1944:99). Malheureusement, Tello n’a jamais publié à
propos de ces fouilles et il fallut attendre 1960 pour que Luis Guillermo Lumbreras nous
propose une première étude approfondie sur le matériel découvert, et ce, malgré un premier
rapport sur les fouilles de Conchopata réalisé par Medina dès 1942 (González et Pozzi-Escot
1992:176). Cependant, elles eurent le mérite d’attirer l’attention d’autres chercheurs (Isbell et
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McEwan 1991:4) comme Gordon Willey (1948:12-13 ; 1955:105), Rafael Larco Hoyle ou
Wendell Bennett et Junius Bird (1960:194) qui ont déterminé la région d’Ayacucho comme
étant à l’origine de la diffusion du style tiahuanacoïde dans les Andes centrales (Ogata 2006:33 ;
Rowe et al. 1950:120-121 ; Valdez 2018:120). De plus, cet apport de Tello n’est pas négligeable
Andes. À cette époque, ces homologues organisaient principalement des fouilles sur la côte
pour tenter d’expliquer la préhistoire de la région et ces recherches dans la sierra attirèrent
l’attention de la communauté scientifique sur cette partie des Andes (Cook 1994:40 ; 48-49 ;
La phase suivante dans la reconnaissance d’une culture wari fut la visite de John Rowe, Donald
Collier et Gordon Willey (1950:120-123, 136) sur le site de Huari en 1946 où ils étudièrent
l’architecture du site et récoltèrent des tessons présents à la surface, ce qui mena à une première
classification de la céramique de la région qui fut associée à la céramique dans le style tiwanaku
côtier dans une publication de 1950. Leur visite fut motivée par l’étude de la céramique récoltée
par O'Neale en 1931 et qui fut envoyée à l’Université de Californie. C’est à ce moment-là que
les ressemblances entre le matériel wari et le matériel nazca fut mis en évidence et c’est
également à ce moment-là que l’association de l’architecture du site de Huari fut faite avec celle
de Viracochapampa y Pikillaqta, ce qui mena à l’idée que des fouilles ultérieures devaient
absolument être organisées sur le site péruvien. Bennett exauça leur souhait puisqu’il y mena
des fouilles la même année après avoir déjà fouillé à Tiahuanaco (González et Pozzi-Escot
1992:176), ce qui lui permit d’observer assez de différences entre les deux que pour établir
Huari comme étant le site le plus important après Tiahuanaco à la même époque, peut-être
même à la source d’une culture distincte, mais qui aurait tout de même été influencée par le site
bolivien (Collier 1955:646-647 ; Ogata 2006:33 ; Willey 1955:105). C’est également suite à
ces fouilles qu’il défendit le changement d’appellation de « tiwanaku côtier » vers « tiwanaku
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péruvien », avant de commencer à utiliser le terme « wari » quelques années plus tard (Rowe
1956:149). Après la mort de Bennett, Rowe continua son travail en établissant une frontière
stylistique dans l’extrême sud du Pérou entre le matériel associé à Huari et à Tiahuanaco. C’est
grâce à ces recherches en plus de celles d’autres chercheurs comme Dwight Wallace, Lawrence
Dawson, Dorothy Menzel ou Luis Lumbreras, que nous avons pu déterminer que le matériel
retrouvé dans la vallée d’Ayacucho ne fut pas importé de la région de Tiahuanaco, mais qu’au
contraire, du matériel retrouvé dans différentes régions des Andes centrales, notamment celui
de ce style tiwanaku péruvien, était importé de la région d’Ayacucho qui était le centre d’une
entité politique indépendante de la sphère d’influence tiwanaku, voir le centre d’un empire
expansif (Cook 1994:49-52 ; Makowski et Giersz 2016:8 ; Isbell et McEwan 1991:4-5 ; Rowe
Cette interprétation quant à la nature des relations entre Huari et Tiahuanaco vit une forte
opposition de la part des archéologues boliviens jusque dans les années 1980. À la fin des
années 1950, les recherches menées à Huari coïncidèrent avec la naissance d’une archéologie
puisque celle-ci était dominée par des intellectuels étrangers d’Europe et d’Amérique du Nord.
Cette démarche vue le jour à la suite d'une réforme agraire turbulente en 1957 et 1958 grâce à
l’appui de plusieurs chercheurs, le plus connu étant Carlos Ponce Sanguinés (1972:29) qui a
dirigé l’archéologie bolivienne pendant une grande partie de la deuxième moitié du 20ème siècle.
politiques au niveau national à plusieurs reprises. Sa carrière est intimement liée à Tiahuanaco
et ses fouilles sur le site furent influencées par des objectifs politiques qui débutèrent en 1953
via une restauration du site. En 1958, un centre d’études archéologiques vit le jour à Tiahuanaco
après les premières recherches de Ponce en 1957 et en 1975, l’Institut National d’archéologie
fut fondé. Cette archéologie nationale empêcha les chercheurs nord-américains et européens
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d’accéder aux recherches sur le site de Tiahuanaco. Une utilisation politique du site vit le jour
dans le but de le rendre profondément bolivien et ainsi donner aux Boliviens d’origine indigène
un passé tout aussi glorieux que celui des Boliviens d’origine européenne, l’idée étant de relier
le site de Tiahuanaco à la population aymara. Pour Ponce, il était important de montrer que
Tiahuanaco était le centre d’un empire s’étant étendu à travers l’entièreté des Andes et les
chercheurs boliviens qui suivirent cette théorie perçurent Huari comme n’étant qu’un centre
Cette archéologie se mit naturellement en place via une séquence chronologique proposée par
ancienne étant située au moment de l’apparition de la céramique dans le bassin du lac Titicaca
puisque le but était de rejeter les possibilités d’une quelconque origine étrangère de Tiahuanaco.
Elle fut utilisée pendant très longtemps, et ce, jusqu’au début du 21ème siècle. Le principal souci
de cette séquence tient du fait qu’elles consistent déjà en une interprétation de l’évolution du
site, ce qui avait déjà résulté en certaines appellations du type « Période décadente » dans
d’autres séquences antérieures (Cook 1994:53 ; Isbell 2018a:5-6 ; Isbell et Knobloch 2006:312-
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2. Les Andes centrales pendant l’Horizon moyen
Les sujets que nous allons traiter dans cette deuxième partie de ce chapitre sont essentiels pour
comprendre le développement de notre étude. Dans un premier temps, nous allons consacrer
Menzel puisque celle-ci est encore utilisée actuellement dans l’étude de la culture wari, malgré
les révisions apportées par plusieurs générations de chercheurs. Nous commencerons par
développer cette séquence, avant de passer en revue chaque phase de chaque période. Dans un
second temps, nous allons aborder la question de la nature de la société wari et son rapport avec
les régions appartenant de près ou de loin à son giron. Nous débuterons par quelques
considérations générales, avant de présenter le principal point de vue partagé par la majorité
a. La séquence chronologique
Avant de se focaliser sur la culture wari, Menzel s’intéressa initialement pour la société inca et
sa culture matérielle. Cependant, son étude de plusieurs collections contenant des artéfacts
appartenant à la culture matérielle wari attisa de plus en plus son intérêt pour l’Horizon moyen.
Malgré la distance temporelle entre les deux cultures, elles partagèrent vraisemblablement un
caractère expansionniste dont l’étude pouvait avoir des répercussions importantes sur les
connaissances de l’archéologie andine. C’est ainsi qu’en 1958, l’année où Menzel eut
l’occasion de se rendre dans la vallée d’Ayacucho, elle mit en place une première séquence
chronologique relative pour l’Horizon moyen qu’elle divisa en 4 périodes en suivant les
recherches de Dawson à partir de la vallée d’Ica. Selon elle, les modifications stylistiques de la
céramique pouvaient donner des informations sur l’évolution des processus culturels. En 1964,
Menzel (1964:2-3) réalisa une actualisation de ses travaux précédents en publiant une séquence
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plus précise appliquée à partir de l’apparition des styles wari jusqu’à la disparition de ses
derniers (Giersz et Makowski 2014:285 ; Isbell 2000:17 ; Lumbreras 1974:152). C’est ainsi que
les deux premières périodes furent subdivisées en deux phases, en laissant la possibilité à ce
que la même division puisse être appliqué pour les deux périodes suivantes lorsque le matériel
différents sites qui furent occupés pendant l’Horizon moyen. Certains de ces artéfacts étaient
déjà associés aux premières datations obtenues grâce au radiocarbone (Makowski et Giersz
2016:8-10).
Malgré les adaptations apportées par plusieurs générations de chercheurs, cette séquence de
Menzel est encore un point de départ obligatoire pour toute étude sur la culture wari. Il est
nécessaire de préciser que cette séquence se développa dans une période très dynamique de
l’archéologie des Andes préhispaniques et que les recherches menées par plusieurs autres
chercheurs ont donc énormément contribué pour en arriver à ce résultat. Parmi ceux-ci, nous
Menzel n’était pas la seule à travailler sur la culture matérielle wari à la même époque et elle
fut influencée par le travail de Lumbreras qui avait également à sa disposition du matériel
ainsi que de ses propres expéditions menées à Ayacucho à partir de 1958 (González et Pozzi-
Escot 1992:177-180). Elle s’appuya également sur la méthodologie de sériation mise en place
par Rowe (Makowski et Giersz 2016:8) et ses étudiants pour organiser la séquence
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chronologique standard du Pérou préhispanique en se basant sur la collection de Berkeley
établie par Uhle, ainsi que sur des fouilles menées dans la vallée d’Ica et les vallées avoisinantes
entre 1954 et 1969 pour compléter les données (Bernier et Chapdelaine 2018:575 ; Menzel
Valdez 2018:110-112 ; 122). Il est nécessaire de retenir par rapport à cette séquence de Menzel
que même si elle a correctement établi les tendances générales de développement des styles de
céramique, il est difficile d’attribuer avec certitude un style à une période ou à une phase bien
précise puisque celui-ci a pu se développer sur une période de temps assez longue que pour
traverser plusieurs périodes. À l’inverse, aucun style ne s’est développé pendant assez
longtemps pour que nous puissions parler d’un style officiel de l’état wari, comme nous
La phase A de la première période se déroula entre 550 et 600 selon la séquence originelle de
Menzel et entre 600 et 700 selon les nouvelles estimations. Elle commença par une phase de
crise pendant laquelle un nouvel état centré sur la vallée d’Ayacucho émergea sous l’influence
céramique cérémonielle dans le style Conchopata qui est décorée selon un répertoire
iconographique s’étant développé dans les Andes méridionales. L’établissement de ce style est
basé sur la découverte d’urnes surdimensionnées en 1942 par Tello sur le site éponyme dans la
notamment celle du dieu aux bâtons qui nous intéresse tout particulièrement dans notre étude.
Des styles séculaires apparurent également comme les styles Chakipampa A, Ocros, Huarpa et
Noir Décoré avec une iconographie beaucoup plus influencée par le répertoire nazca et des
2018:123-126). En plus de cette idéologie et cette culture matérielle, cette période fut marquée
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par l’apparition de grands centres urbains, certains ayant déjà fait leur apparition dès la fin de
elle entre 600 et 650 selon la séquence originelle de Menzel et entre 700 et 850 selon les
nouvelles estimations. Elle vit l’établissement de la nouvelle religion dans le site de Huari qui
devint le centre de la culture wari et de son expansion à travers les Andes centrales. Selon la
Nasca sur la côte sud jusqu’à la vallée de Huarmey sur la côte centrale, tandis que du côté de la
sierra cette expansion se fit ressentir du côté de Callejón de Huaylas (Lumbreras 1974:165).
Au niveau de la culture matérielle, les principaux styles de la période sont le style cérémoniel
Robles Moqo et le style séculaire Chakipampa B (Eeckhout 2018:535). Le style Robles Moqo
reprit en grande partie le répertoire du style Conchopata et il apparut sur les sites de Conchopata
et Huari dans la vallée d’Ayacucho et le site de Pacheco dans la vallée de Nasca. En plus de
cela, nous pouvons également observer une influence des styles wari sur la production locale
de la vallée de Cañete via le style Cerro de Oro et de la vallée du Rímac via le style Nievería,
La phase A de la deuxième période se déroula entre 650 et 700 selon la séquence originelle de
Menzel et entre 850 et 925 selon les nouvelles estimations. Elle fut interprétée comme une
période de crise et de réorganisation qui commença avec l’abandon de toute une série de centres
urbains et, à l’inverse, avec la montée en puissance de bien d’autres. C’est ainsi que Pachacamac
serait devenu le principal centre religieux wari de la côte péruvienne, une région où l’état wari
consolida sa présence en plus de commencer à s’étendre à travers une grande partie des Andes
centrales. Des nouveaux motifs plus séculaires, mais surtout plus simples et schématisés, firent
leur apparition au sein de l’iconographie wari qui fut marquée par l’émergence de nouveaux
styles dont Viñaque dans la vallée d’Ayacucho qui fut le style dominant qui influença les styles
22
Atarco dans la vallée de Nasca et Pachacamac A sur la côte centrale, ces derniers ayant été
influencés par les styles cérémoniels de la période précédente, mais également par les styles
locaux provenant de leur région d’origine respective (Eeckhout 2018:535 ; Giersz et Makowski
Menzel comme un abandon de l’aspect religieux de l’état wari pour privilégier une voie plus
séculaire et une expansion purement militaire à travers les Andes centrales (Isbell 2000:20-21 ;
Valdez 2018:124-127). La phase B se déroula quant à elle entre 700 et 775 selon la séquence
originelle de Menzel et entre 925 et 1000 selon les nouvelles estimations. C’est lors de cette
phase que la sphère d’influence wari atteignit son extension maximale (Figure 1.3), malgré une
période de crise due à une épidémie ou à une révolte qui toucha le centre de l’espace wari, avec
le site de Cerro Baúl dans la vallée de Moquegua comme frontière méridionale et plusieurs sites
Les territoires de certaines cultures importantes de l’Intermédiaire ancien, comme ceux des
cultures moche ou nazca, furent incorporés dans ce nouvel espace wari (Lumbreras 1974:165).
s’accentuèrent encore plus, ce qui alla de pair avec la chute de l’état wari et l’abandon de la
majorité des centres urbains, dont la capitale Huari (Giersz et Makowski 2014:285 ; Makowski
et Giersz 2016:11). Le style Atarco perdit de son importance, tandis que les autres styles
péruvienne étant donné l’importance du site éponyme sur la côte centrale, et le style Viñaque
dans l’entièreté de la sierra, mais également sur certains points de la côte. La montée en
puissance et en prestige du site de Pachacamac donna l’idée à Menzel qu’il était potentiellement
devenu la capitale d’un nouvel état indépendant. Pendant toute la deuxième période de
l’Horizon moyen, plusieurs styles locaux qui furent en contact avec les styles wari se
23
développèrent, mais seul le style Cajamarca III se répandit sur une grande partie de l’espace
Les périodes 3 et 4 se déroulèrent quant à elles entre 775 et 1000 selon la séquence originelle
de Menzel et entre 1000 et 1050 selon les nouvelles estimations. Ces périodes sont marquées
par les survivances des styles wari dans la culture matérielle caractérisée par les formes et les
iconographies locales qui refont surface, notamment celles qui s’étaient développées avant
l’Horizon moyen. Cependant, elles sont de qualité inférieure et le nombre de formes diminua,
ainsi que les motifs de la décoration qui est elle-même moins raffinée. Les différents styles de
céramique existants ont une zone de distribution plus petite en comparaison avec les styles des
périodes précédentes. Malgré la chute de l’état wari, il existe des structures qui continuèrent à
être utilisées jusqu’à l’Intermédiaire récent (Eeckhout 2018:535 ; Makowski et Giersz 2016:11-
12 ; Menzel 1964:62-66).
24
Figure 1.3 - Carte des sphères d'influence des deux principales cultures de l'Horizon moyen produite par Isbell (2018b:Figure
15.1)
25
b. La sphère d’influence wari
Comme nous l’avons vu précédemment, la culture matérielle wari s’est étendue sur une grande
partie des Andes centrales pendant plusieurs périodes de l’Horizon moyen à travers plusieurs
styles de céramique. Cette extension s’explique traditionnellement par une influence, voire un
contrôle, de la part d’un état wari sur les zones périphériques à la vallée d’Ayacucho. Ce qui
semble faire consensus par rapport à la culture wari, c’est l’importance de son idéologie qui
semble provenir des Andes méridionales et qui a modifié les comportements funéraires à travers
les Andes centrales, notamment dans son rapport aux ancêtres (Makowski et Giersz 2016:6).
Cependant, la question qui subsiste concerne la nature réelle de cette société et le degré de
contrôle politique, économique et social de cet éventuel état. Il existe plusieurs obstacles qui
installe un degré d’inertie important qui empêche de faire évoluer les interprétations du passé.
La tendance est de donner plus facilement du poids à des données qui vont dans le sens de
l’explication habituelle, que ce soit par les étudiants devenus professionnels qui suivent les
enseignements et les points de vue de leurs professeurs ou par les intellectuels chevronnés qui
siègent dans les comités de rédaction et qui sont plus facilement choisis pour les processus de
peer review (Jennings 2006:265-266). Chaque chercheur est influencé par ses propres
McEwan 1991:5).
L’un des points de vue actuels qui trouve le plus d’adeptes parmi les archéologues est celui
d’un empire wari centralisé à partir de la vallée d’Ayacucho qui contrôla les périphéries via un
les ressources locales (Schreiber 2001:70 ; Schreiber 2005:132 ; Williams et Nash 2002:243 ;
26
Williams et al. 2001:72). Au sein de cette interprétation, certains chercheurs attribuent plusieurs
différentes d’empires qui changent principalement en fonction de leur durée de vie. L’empire
« consolidé », comme l’Empire romain, fait référence à une entité qui survit au passage du
construction », comme l’Empire inca, est celui qui n’arrive pas à trouver de stabilité dans son
système de gouvernement et qui peut faire face à de graves crises au moment du changement
de souverain. L’empire « raté », comme celui d’Alexandre Grand, est celui qui ne survit pas à
la mort de son fondateur, mais qui réussit tout de même à marquer de son empreinte les régions
affectées par son expansion. Les deux auteurs pensent que l’éventuel empire wari se situerait
entre l’empire en construction et l’empire raté, une idée qui est partagée par Schreiber
(2012:17). Au-delà de ces considérations, il est nécessaire de préciser qu’une grande partie des
chercheurs qui défendirent cette proposition d’expansion impériale ont fouillé le site de Huari
ou du moins dans la vallée d’Ayacucho. C’est le cas de Lumbreras et ses associés ou étudiants
de San Marcos, mais également d’Isbell et ses étudiants de l’Université d'État de New York à
découverte d’une vingtaine de sites à travers les Andes centrales (Figure 1.4), comme
Virachochapampa dans les hautes terres septentrionales ou Pikillacta dans les hautes terres
centres, Isbell et Schreiber (1978:374-379) allèrent plus loin dans cette interprétation puisqu’ils
proposèrent que les centres wari auraient été organisés selon un système hiérarchique, avec le
27
site de Huari qui serait naturellement au premier niveau. Les centres secondaires auraient eu la
charge des affaires de l’état dans une région elle-même composée de centres tertiaires qui se
seraient occupés des affaires locales (Makowski et Giersz 2016:14). Depuis cette proposition,
la découverte de nouveaux centres associés à la culture wari est suivie de leur placement dans
nourriture, ce qui a mené les chercheurs a pensé au fonctionnement d’un système de réciprocité
similaire à celui des Incas (Morris 2004:306-308) où les élites appartenant à l’état
organiseraient de grands festins pour récompenser le travail des populations locales (Cook and
préciser que même au sein de cette proposition d’un empire wari, il existe des avis divergents
quant à la manière de mettre en application cette autorité sur les populations locales. En
opposition totale avec ce concept de réciprocité, Lumbreras (1974:165) a, par exemple, parlé
d’un régime wari despotique où la force aurait été la seule manière de s’imposer et où celle-ci
Ce modèle d’un empire wari est remis en question depuis quelques décennies et plusieurs autres
interprétations furent proposées quant à la nature de ce contrôle sur les différentes régions qui
constituent les Andes centrales. Contrairement aux chercheurs qui interprètent l’Horizon moyen
comme étant dominé par un empire wari, ceux qui proposent d’autres interprétations allant à
l’encontre de cette idée travaillent essentiellement dans les zones périphériques, comme
Michael Moseley et ses étudiants ou Izumi Shimada et ses collègues qui se focalisent sur la côte
nord (Isbell et McEwan 1991:6 ; Makowski et Giersz 2016:23). Il est important de préciser que
parmi les sites perçus comme des centres administratifs secondaires, certains d’entre eux furent
assez peu étudiés et l’affiliation établit avec la culture wari est en réalité très faible, ce qui
amène à penser que le contrôle sur les zones périphériques est surestimé (Jennings 2006:269-
28
270). De plus, même les sites pleinement reconnus comme étant des centres secondaires wari
ne semblent pas posséder la taille nécessaire pour contrôler de si vastes régions ou n’ont même
la question des festins organisés par l’état wari, ceux-ci ne semblent pas avoir la même ampleur
que les banquets qui pouvaient être organisés au sein de l’Empire inca puisque les fouilles ont
révélé que les espaces de stockage, ainsi que les endroits réservés à ces activités, étaient trop
réduits que pour cela affecte toute la population (Cook and Glowacki 2003:195). S’il s’avère
que ce réseau de centres secondaires n’exista pas, cette absence pourrait être indicative d’une
les uns des autres. Chaque colonie organiserait ses propres relations avec les entités locales.
L’espace wari s’étendrait donc de manière non continue avec de petites zones sous contrôle
direct et des zones sous contrôle indirect ou sous influence culturelle (Makowski et Giersz
2016:22). Ces colonies auraient gardé un contact avec la capitale via des biens de prestige,
échangés contre les ressources locales. Ces biens influencèrent les populations locales via le
marquage de la différenciation sociale qui se fit via l’idéologie, cette dernière ayant affecté les
contextes funéraires et toutes les questions concernant les ancêtres et l’au-delà (Eeckhout
2018:564). La société wari se serait donc positionnée au centre d’un réseau d’échanges et
l’association avec elle de la part de différentes élites locales s’établit dans un but de profitabilité
pour les deux parties. C’est ainsi qu’une partie des sites que nous attribuons à la culture wari
pourraient être en réalité des centres construits par ces élites locales qui cherchèrent à capitaliser
chercheurs comme Schreiber (2001:89) n’excluent tout de même pas l’hypothèse de l’empire
wari, même en connaissant ces informations, car le manque d’architecture dans une région n’est
pas forcément un bon indicateur puisque les espaces occupés précédemment par des sociétés
29
complexes et centralisées étaient déjà bien organisés et l’arrivée d’un nouvel état ne nécessitait
Figure 1.4 - Carte du Pérou avec une vingtaine de centres administratifs secondaires wari (Jennings 2006:Figure 1)
30
Chapitre II
Maintenant que nous avons remis en contexte la culture wari et sa place dans les Andes
centrales, il est nécessaire de faire de même pour la figure du dieu aux bâtons à travers la
question de ses origines qui est essentielle pour comprendre son émergence et son
développement au sein de la culture matérielle wari. Depuis le début des études menées sur
cette figure du répertoire iconographique wari, les chercheurs se sont focalisés sur les rapports
qui la lie à son homologue de Tiahuanaco. Une nouvelle perspective s’est ouverte dans ce
domaine grâce à la mise en évidence d’une liaison plus générale avec les Andes méridionales,
ce qui explique pourquoi la première partie de ce chapitre se focalise sur cette région. Bien
entendu, dans un souci d’exhaustivité, nous allons également passer en revue les éventuelles
origines alternatives situées dans les Andes centrales à travers une deuxième partie qui sera plus
courte.
Les recherches menées dans cette région des Andes ont révélé l’existence d’une vaste sphère
d’interaction socioculturelle qui engloba plusieurs cultures séparées dans le temps et dans
furent obtenues, ce qui explique la longueur de cette partie en comparaison avec la section
suivante, et ce, malgré les choix réalisés pour restreindre au maximum les données dans notre
servant à donner quelques indications fondamentales sur cette sphère d’interaction, la deuxième
abordant le bassin du lac Titicaca qui semble être à l’origine de ces contacts et la troisième
31
traitant le département d’Arequipa au Pérou puisque le nombre de représentations de la figure
a. La sphère d’interaction
Les frontières de cette sphère d’interaction des Andes méridionales ne sont pas formellement
cohérent plutôt qu’une unité géographique, mais elle comprend l’extrême sud du Pérou, l’ouest
s’est développé au sein de cette sphère d’interaction et il a connu sa plus grande extension
spatiale et son apogée à travers les deux principales cultures de l’Horizon moyen basées à
Tiahuanaco et à Huari (Figure 2.1). Du côté du site bolivien, ce répertoire fut surtout véhiculé
par la sculpture lithique monumentale (Agüero et al. 2003:47), qui se place dans une tradition
matérielle du bassin du lac Titicaca vieille de plusieurs siècles. Du côté du site péruvien, c’est
pendant cette période que ce répertoire fut diffusé à travers les Andes centrales à partir de la
Knobloch 2006:307-310). Toutefois, le support qui véhicule ce répertoire n’est pas le même
puisque du côté wari il se trouve surtout sur de la céramique polychrome, en particulier sur ces
styles cérémoniels qui sont généralement minoritaire dans les ensembles retrouvés en contexte.
C’est le cas au Castillo de Huarmey où sur 1600 fragments récoltés à la surface, seuls 3%
appartiennent à ces styles cérémoniels wari (Prümers 2000:295). En ce qui concerne les textiles,
ceux-ci possèdent généralement les représentations les plus complètes et il est possible que ce
support soit celui qui ait le plus contribué dans la transmission du répertoire iconographique
des Andes méridionales. Cependant, les découvertes de ce type de support se font généralement
uniquement au niveau de la côte puisque c’est une zone aride et dans beaucoup de cas, la
provenance du matériel est inconnue (Cook 1994:171-173 ; Isbell 2000:12). Au-delà de toutes
ces considérations, ce répertoire fut nommé le Southern Andean Iconographic Series par
32
William Isbell en 2008 (Isbell 2008:732 ; Makowski 2012:96 ; Viau-Courville 2014:14) et il
est composé de plusieurs figures, certaines étant si standardisées qu’elles furent interprétées
comme formant le panthéon d’une nouvelle idéologie religieuse. Ce panthéon serait constitué
Toutes ces informations viennent conforter certains choix que nous avons faits dans la
réalisation de notre étude. Comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction, il est
impossible d’aborder toutes les représentations liées de près ou de loin à la figure du dieu aux
bâtons dans les Andes centrales et il a fallu faire des choix pour restreindre notre étude, tout en
laissant une certaine marge de manœuvre pour constituer un corpus assez large et pertinent.
C’est pourquoi nous avons décidé de nous focaliser sur la culture wari puisqu’elle a introduit et
popularisé la figure du dieu aux bâtons dans les Andes centrales. Au sein de cette culture, la
céramique est le support qui a attiré notre attention, tout simplement, car c’est le matériel le
plus abondant que nous pouvons trouver au sein de la sphère d’influence wari et c’est
naturellement le support le plus étudié par les archéologues. De plus, c’est celui qui a été utilisé
par Menzel pour créer la séquence chronologique de l’Horizon moyen que nous utilisons dans
notre étude et qui reste une référence pour n’importe quel chercheur. De manière générale, c’est
un matériau qui se préserve bien et qui se prête à une palette de méthodes assez variée au niveau
de son étude (Isbell et Tschauner 2012:139). Au niveau même des céramiques, il a fallu faire
un choix en ce qui concerne les styles à aborder. Celui-ci s’est fait en fonction du corpus qu’il
était possible de rassembler. Nous avons donc laissé de côté certains styles cérémoniels wari
comme les styles Atarco ou Viñaque pour lesquels nous n’avons pas trouvé, ou très peu, de
représentations du dieu aux bâtons (Knobloch 2009:177). Cela est en partie due au fait que
certaines régions furent beaucoup plus fouillées que d’autres comme la vallée d’Ayacucho ou
33
Pour en revenir à la sphère d’interaction des Andes méridionales, nous allons maintenant
aborder les différents obstacles qui ont entravé l’étude de cet espace, et qui, dans une certaine
mesure, continuent à entraver les recherches. Le souci majeur est certainement le manque de
communication entre les chercheurs des différents pays de la région (Isbell et Knobloch
En effet, tandis que les Andes centrales sont constituées de différentes régions se situant presque
toutes sur le territoire péruvien, les Andes méridionales sont partagées entre les quatre nations
spécifiées précédemment. Cela résulte en un partage des informations amoindri étant donné que
les archéologues travaillant dans les Andes méridionales ne partagent pas forcément un cadre
d’étude similaire, ce qui est en grande partie le cas au Pérou où les différentes institutions
travaillent ensemble, tandis que les chercheurs partagent un cadre chronologique similaire,
fréquentent les mêmes conférences et publient dans les mêmes revues spécialisées. Malgré cela,
il est tout de même nécessaire de préciser qu’il existe toujours des recherches et des publications
menées dans un cadre plus régional au sein d’institutions ayant une tradition de recherche plus
individualiste et que les différences linguistiques peuvent toujours être une entrave. Pour en
revenir sur les Andes méridionales, non seulement l’archéologie est plus fragmentée à cause du
partage du territoire entre quatre pays, comme c’est le cas entre le Pérou et la Bolivie au niveau
du bassin du lac Titicaca où les chercheurs n’ont pas toujours pris la peine de communiquer
entre eux, mais également au sein même de certains pays comme le Chili ou l’Argentine. Malgré
la qualité des institutions et des recherches menées sur le territoire de ces derniers, l’archéologie
est très régionalisée avec des chercheurs qui ne collaborent que très peu avec leurs congénères
provenant d’autres régions ou même d’autres villes. En ce qui concerne le bassin du lac Titicaca
34
boliviennes et péruviennes ont tendance à ne pas quitter le territoire national et même lorsque
ce n’est pas le cas, la circulation internationale est très limitée. Tout cela est d’autant plus
dommage en sachant que les différentes communautés régionales de chercheurs possèdent des
connaissances uniques sur les sites et le matériel de leur région avec un degré de détail que nous
Le deuxième problème que nous avons pu rencontrer dans l’élaboration de cette sphère
d’interaction des Andes méridionales est relatif à la manière dont les chercheurs ont approché
et compris les cultures participant à cet espace. Pendant très longtemps, un modèle
diffusionniste à partir du site de Tiahuanaco servit à expliquer l’origine des sociétés de la région
et celles des Andes centrales pendant l’Horizon moyen puisque les débats se focalisèrent sur la
que nous utilisons encore actuellement s’appuya sur l’idée que l’émergence et le développement
de la société wari était en grande partie due à des changements sociaux politiques apportés par
le site bolivien, ainsi que par une idéologie religieuse représentée par le répertoire
iconographique du style tiwanaku. L’une des raisons qui explique cela est le fait que le site de
Tiahuanaco est un espace historique important depuis plusieurs siècles, tandis que Huari est
resté dans l’anonymat jusque dans les années 1940 (Isbell 2008:732). Toutefois, les recherches
de ces dernières décennies ont permis à ce que les connaissances des deux principaux espaces
de l’Horizon moyen deviennent plus détaillées, ce qui mena à des interprétations différentes
quant au développement de ces deux entités. Dorénavant, les projets de recherche récents se
focalisent sur les deux espaces en mettant en évidence une croissance indépendante de chaque
entité, tout en travaillant sur les liens qui les unissent via des collaborations entre les chercheurs
spécialisés dans chacune des régions. Parmi les exemples de collaboration fructueuse, la
conférence organisée par Isbell et McEwan en mai 1985 qui aborda de nouvelles perspectives
dans les relations entre Huari et Tiahuanaco fut certainement un tournant dans la discipline
35
(Cook 1994:55 ; Isbell et McEwan 1991:10). C’est de cette manière que des révisions des
bien avant l’apparition du répertoire iconographique associé à l’Horizon moyen qui n’a donc
pas commencé avec l’apparition du style que nous associions au site bolivien. L’iconographie
initiale de la vallée d’Ayacucho ne montre aucune figure ressemblant à celle du dieu aux bâtons
la Porte du Soleil, qui fut perçu pendant longtemps comme étant à l’origine de ce répertoire
iconographique, perdit son statut d’œuvre originale puisqu’elle se révéla être beaucoup plus
tardive que ce que nous pensions (Makowski 2001:339-342; Makowski 2012:102-103). Bien
entendu, le lien entre les répertoires iconographiques tiwanaku et wari est toujours d’actualité,
mais ils sont maintenant placés dans un système plus complexe, plus large et plus ancien qui
s’est développé à partir de plusieurs centres du bassin du lac Titicaca interagissant entre eux
scientifique ait abandonné en grande partie le modèle diffusionniste, son héritage est toujours
36
Figure 2.1 - Carte des régions touchées par le répertoire iconographique des Andes méridionales (Isbell 2018b:Figure 1.1)
37
b. Le bassin du lac Titicaca
Avant de nous lancer dans la présentation des cultures matérielles du bassin du lac Titicaca liées
appliquée pour les Andes centrales puisqu’ils utilisent une séquence propre au bassin du lac
Titicaca. Les premières chronologies qui se développèrent pour cette région des Andes prirent
décennies avant que les suivantes prennent en compte un éventuel développement de la région
avant l’essor du site bolivien. Un des premiers chercheurs à établir un cadre chronologique fut
Bennett (1934:445-455) dans les années 1930. Il établit une chronologie en 4 périodes avec le
Bennett savait que sa chronologie était perfectible et qu’elle nécessiterait des recherches
fut proposée par Wallace qui se basa sur une méthode de sériation par similarité qui se repose
sur le principe que le développement culturel et stylistique est un processus lent qui répond à
une certaine continuité non aléatoire. Les objets étant plus proches chronologiquement les uns
des autres sont supposés partager une plus grande ressemblance que ceux étant plus éloignés.
Malgré le fait qu’elle fut largement dépassée par les recherches menées ultérieurement, il est
nécessaire de mettre en évidence le fait qu’il est un des premiers à avoir fait un lien via des
similitudes stylistiques avec le site de Pucara dans la partie septentrionale du bassin du lac
Titicaca. C’est donc un des premiers pas menés vers la reconnaissance du bassin du lac Titicaca
comme une région ayant connu un développement particulier au-delà du simple essor de
est celle de Ponce que nous avons déjà abordée précédemment et elle fut utilisée pendant
38
plusieurs décennies jusqu’à son remplacement par celle de John Janusek qui fut proposée il y a
un peu moins d’une vingtaine d’années, plus précisément pour la partie méridionale du bassin
du lac Titicaca (Figure 2.2). Tout le développement antérieur à celui de la sphère d’influence
de Tiahuanaco est la période Formative qui a été récemment subdivisée en trois périodes, tandis
que le Formatif récent a été lui-même subdivisé en deux périodes. Le Formatif ancien est
l’époque où nous avons l’établissement définitif des premiers villages autour du lac Titicaca. À
partir du Formatif moyen, nous avons le développement des premières sociétés plus complexes,
ainsi que l’apparition de la tradition religieuse Yaya-Mama que nous aurons l’occasion
d’aborder dans la suite de ce chapitre. Le Formatif récent est quant à lui marqué par l’essor du
site de Pucara que nous avons déjà cité ci-dessus (Bandy 2001:19 ; Hastorf 1999:20 ; Janusek
subir quelques révisions en fonction des nouvelles découvertes puisque certains aspects la
Maintenant que nous avons placé le cadre chronologique de la région, il est nécessaire de se
sphère d’interaction dans les Andes méridionales. Cette appellation, qui vient de l’expression
quechua pour « Père-Mère », fut inventée par Karen Mohr-Chávez et Sergio Chávez en 1975
et popularisée par Michael Moseley en 1993 (Moseley 1993:158). Elle est fondée sur la
découverte par le couple Chávez d’un monolithe provenant du site de Taraco qui représente la
complémentarité homme/femme. Cette découverte eut lieu dans le cadre de leurs fouilles dans
la partie septentrionale du bassin du lac Titicaca où ils travaillèrent pendant plusieurs décennies
à partir des années 1960, avant de continuer leurs recherches dans la partie méridionale sur
1975:46). C’est ainsi qu’ils débutèrent un projet de recherche multidisciplinaire ayant pour
39
objectif principal l’identification des traces révélatrices de l’émergence de cette sphère
d’interaction des Andes méridionales. Le concept de Yaya-Mama fut réellement défini pour la
première fois en 1988 par Karen Mohr-Chávez (1989:17) pour désigner une tradition religieuse
et culturelle antérieure à l’ascension de la culture tiwanaku dans le bassin du lac Titicaca (Figure
2.3) qui se serait développée entre 800 et 200 av. J.-C, pendant le Formatif moyen. Elle serait
basée sur de multiples centres politico-rituels, appartenant aux complexes culturels de Qaluyu
et Chiripa, avec une architecture caractérisée par des plates-formes surélevées et des courts
Stanish 2003:130-132). Même si l’existence de cette tradition est en grande partie acceptée par
la communauté scientifique, il est nécessaire de savoir qu’il existe certains chercheurs comme
Janusek et Arik Ohnstad (2018:81-82) qui proposent une redéfinition de ce concept, car son
sens devient de moins en moins consistant au vu des dernières découvertes. Néanmoins, cette
question sort du cadre de notre recherche et, par conséquent, elle ne sera pas abordée ici.
Les recherches menées dans la partie septentrionale du bassin du lac Titicaca permirent aux
chercheurs de mettre en évidence l’existence de la culture pukara dont le style pourrait être une
Bolivie et le site de Pucara dans le sud du Pérou indiquent que les deux styles semblent être
1989:22), celui-ci est situé à 3.900 m d’altitude à plusieurs dizaines de kilomètres au nord-ouest
du bassin du lac Titicaca et il fut l’un des principaux centres urbains de la région, surtout
lorsqu’il atteignit son extension maximale entre 200 av. J.-C. et 200 ap. J.-C pendant le Formatif
40
récent 1 (Klarich 2005a:67 ; Klarich 2005b:186 ; 2009:284 ; Klarich et Chávez Justo 2018:53).
Il engloba la partie septentrionale du bassin du lac Titicaca qui était dominée par le complexe
culturel Qaluyu pendant le Formatif moyen. Les archéologues sont en désaccord quant à la
nature réelle de la culture pukara qui pourrait être un état, une fédération ou même un réseau
d’interaction (Janusek 2008:20 ; 88-90). Même si le centre du style pukara se situe dans les
limites septentrionales du bassin du lac Titicaca, certains artéfacts associés à ce style furent
retrouvés dans d’autres régions comme dans la vallée de Moquegua, à Chumbivilcas dans le
de ce matériel serait due à des migrations qui coïncident avec l’abandon de certains sites au sein
style pukara suit la tradition Yaya-Mama avec des sculptures en bas-relief, mais elle apporte de
nouvelles formes avec la sculpture en ronde-bosse (Chávez 1988:27 ; 36-38 ; Chávez 2018:19-
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú. Elle est associée à la culture
pukara, malgré le fait que la provenance soit incertaine, et elle représente un prototype de dieu
aux bâtons qui a potentiellement servi de modèle pour les représentations de l’Horizon moyen
(Figure 2.4). Ce qui est assez original avec cette représentation, c’est la présence d’ailes sur le
dos de la divinité (Cook 1994:191). En ce qui concerne la céramique pukara, cette dernière
présente deux thèmes au sein de son répertoire iconographique qui ont pu influencer les
représentations du dieu aux bâtons ultérieures. Cette iconographie apparait sur des récipients
provenant du site même de Pucara qui sont fragmentaires, mais très élaborés. Cette céramique
est caractérisée par une décoration polychrome avec une iconographie complexe présente aussi
bien sur la surface intérieure que sur la surface extérieure des récipients. Les deux thèmes sont
ceux de la femme à l’alpaga et de l’homme félin (Figure 2.5) qui auraient laissé en héritage
certains de leurs motifs ou de leurs attributs, et, uniquement dans le cas de la femme à l’alpaga,
41
la pose de face avec les bras écartés et pliés. Ces thèmes seraient dans la continuité de l’idée de
lac Titicaca, la partie méridionale est occupée par plusieurs entités politiques qui découlent du
complexe culturel Chiripa, comme Lukurmata dans la vallée de Katari, Kala Uyuni dans la
péninsule de Taraco et Tiahuanaco dans la vallée du même nom. Cette espace connut des
de la région commencèrent à occuper les zones les plus éloignées du lac et l’élevage prit une
plus grande importance dans l’économie de ces différentes entités. Ces dernières émergèrent
toutes pendant cette époque du Formatif récent 1 puisque les centres urbains qui les
constituaient n’étaient que de petits villages sans importance pendant le Formatif moyen. Nous
allons particulièrement nous intéresser au site de Tiahuanaco avant que celui-ci ne gagne en
importance à la fin du Formatif récent 2 (Janusek 2008:21 ; 90-96) puisque certains artéfacts
représentant des prototypes de dieu aux bâtons sont associés au site. C’est le cas pour ce qui
semble être une dalle de meulage, de 64 cm de hauteur sur 46 cm de largeur, qui nous vient du
sculptées de la région (Figure 2.6). Aucune datation n’est possible sur cet objet et la provenance
exacte est inconnue, mais les similitudes avec d’autres représentations sur des textiles datés que
nous verrons plus loin dans ce chapitre permettent à Janusek et Ohnstad (2018:86) de placer
cette stèle entre 200 et 400 ap. J.-C., pendant le Formatif récent. Une autre dalle de meulage
cylindrique, de 46,5 cm de diamètre et 16,5 cm d’épaisseur (Figure 2.7), fut retrouvée par Ponce
dans le coin sud-ouest d’un temple semi-souterrain de Tiahuanaco. Elle se trouve actuellement
au Museo Nacional de Arqueologia Tiwanaku et elle représente ce qui semble être des dieux
aux bâtons sur ces côtés (Chávez 2018:31-32). La dernière sculpture que nous allons présenter
42
est le linteau Linares, également conservé au Museo Nacional de Arqueologia Tiwanaku (DIG
: Digital Information Gateway 2020), qui présente quant à lui la partie supérieure d’un dieu aux
bâtons transitoire (Figure 2.8), la partie inférieure étant manquante puisque le linteau est abimé
(Cook 1994:197). Ce linteau fut placé dans la sériation en 5 phases développée en 2003 par
Carolina Agüero, Mauricio Uribe et José Berenguer pour la sculpture lithique monumentale de
Tiahuanaco. Il fait partie de la deuxième phase qui constitue le début de la synthèse du panthéon
l’Horizon moyen (Agüero et al. 2003:77-81). Le dieu aux bâtons est situé au centre de la
2018b:432-433).
43
Figure 2.2 - Séquence chronologique de la partie méridionale du bassin du lac Titicaca proposée par Janusek (2008:Figure
1.7)
44
Figure 2.3 - Les principaux sites du bassin du lac Titicaca avant l'ascension de la culture tiwanaku (Stanish 2003:Map 6.1)
45
Figure 2.4 - Photographies d’une sculpture en ronde-bosse d'un dieu aux bâtons pukara (Young-Sánchez 2004:Figure 3.9)
46
Figure 2.5 - Reconstructions des thèmes de la femme à l'alpaga et de l'homme félin appartenant à la céramique pukara
réalisées par Stanislava Chávez à partir de dessins de Sergio Chávez (2018:Figure 2.31 ; Figure 2.32)
47
Figure 2.6 - Dessin d’une dalle de meulage réalisé par Sergio Chávez en se basant sur un autre dessin de Ferdinand Anton
(Chávez 2018:2.25)
48
Figure 2.7 - Dessin d'une dalle de meulage cylindrique réalisé par Stanislava Chávez et Sergio Chávez (2018:2.27)
49
Figure 2.8 - Photographie prise par Isbell et dessins réalisés par Posnansky et Knobloch du linteau Linares (Isbell
2018b:Figure 15.8)
50
c. Le département d’Arequipa
Nous allons maintenant nous intéresser au pukara provincial, une tradition iconographique des
reconnaissance de son existence est très récente et elle est pour l’instant exclusivement associée
à des textiles, puisque nous n’avons trouvé aucune céramique ou sculpture lithique pouvant y
être associée. Son identification s’est faite à partir de trois bandes de textiles dont l’une d’entre
elles fut datée entre 139 et 432. Par la suite, d’autres textiles furent trouvés et cela nous a permis
d’élargir la séquence chronologique entre 35 et 528, ce qui pourrait indiquer que cette tradition
rapport à la provenance des textiles, mais il semblerait que certains furent trouvés près de
Sihuas. Tout le matériel de cette tradition semble donc provenir du département d’Arequipa, en
dehors du cœur de l’espace de la culture pukara. Cette dernière s’est propagée vers le nord dans
la région de Cuzco (Chávez 1988:27) et il semblerait qu’un mouvement similaire ait eu lieu
vers l’ouest pour donner naissance à cette nouvelle tradition. Même si nous ne connaissons
toujours pas son origine exacte, le degré de préservation de ce matériel semble indiquer que ces
textiles étaient placés dans des contextes funéraires sur des terrasses alluviales sèches de vallées
près de la côte sud du Pérou ou dans des grottes sèches et froides de la sierra (Makowski
2009:135). Étant donné que la reconnaissance du pukara provincial est relativement récente, il
n’existe que très peu de publications à ce sujet et Joerg Haeberli est probablement le chercheur
vient d’ailleurs d’Haeberli qui a identifié le lien avec l’espace pukara sans que la tradition en
fasse directement partie (Isbell et Knobloch 2006:321 ; Haeberli 2001:116). Il est donc
nécessaire de brièvement remettre en contexte son parcours pour comprendre son apport au
sujet de notre étude. Comme mentionné précédemment, le département d’Arequipa est pour
51
l’instant le seul espace directement lié au pukara provincial. L’intérêt d’Haeberli pour cette
région apparut en 1994 lorsqu’une série de textiles furent découverts et attribués initialement à
similaire. Il eut l’occasion d’aller sur le terrain pour chercher la provenance de ces textiles en
1997 et en 2000 avec Rómulo Pari, un archéologue de l’Universidad Católica De Santa Maria,
et Marko López, un archéologue de l’Instituto Nacional de Cultura. Ces études dans les rejets
des pilleurs près de La Chimba, La Ramada et San Juan dans la vallée de Sihuas, ainsi qu’à La
Gamio dans la vallée de Vitor, n’ont pas mené à de grandes découvertes, mais Haeberli
C’est ainsi qu’il identifia le pukara provincial comme une tradition à part des autres cultures de
Maintenant que nous avons recontextualisé le pukara provincial, nous allons nous intéresser
plus spécifiquement à ses représentations de dieu aux bâtons. Ces dernières sont interprétées
par Haeberli comme étant des figures féminines, donc il serait plus judicieux de parler de
déesses aux bâtons. Selon lui, la seule manière d’identifier le genre des divinités représentées
sur les textiles du pukara provincial est de s’intéresser aux vêtements que portent les figures
puisque les caractères sexuels primaires ou secondaires ne sont pas représentés. En étudiant
l’évolution vestimentaire des populations andines, nous pouvons nous apercevoir que les
vêtements portés dans les zones rurales péruviennes et boliviennes, comme Q’ero dans le
sont proches de ceux qui apparaissent sur des photographies du 20ème siècle (Figure 2.9), des
dessins ou des peintures réalisés par des artistes locaux du 17ème siècle (Figure 2.10) et même
des figurines incas habillées du 15ème et du 16ème siècle. Les changements vestimentaires furent
52
donc minimes dans certaines régions, et ce, malgré la conquête espagnole. De plus, nous
pouvons également remarquer que les vêtements féminins ont moins changé que les vêtements
masculins. Quel que ce soit le genre, les vêtements sont généralement formés à partir d’étoffes
rectangulaires faites sur mesure qui peuvent être attachées entre elles si nécessaire. Les femmes
portent des jupes qui se terminent entre les genoux et les chevilles et des manteaux dont les
deux coins supérieurs passent au-dessus des épaules pour s’attacher au niveau de la poitrine. La
longueur du manteau qui pend au niveau du dos varie puisqu’il se situe entre les hanches et les
chevilles. En ce qui concerne les hommes à l’époque inca, leurs vêtements ayant fortement
changé avec la conquête espagnole, ces derniers portent des tuniques qui arrivent jusqu’aux
genoux et des manteaux qui pendent à partir des épaules différemment en comparaison avec
ceux portés par les femmes (Haeberli 2018:148-149). Même si cette proposition d’Haeberli
semble intéressante, il est nécessaire de rester prudent puisqu’elle se base sur des éléments
ultérieurs de plusieurs siècles aux représentations qui nous intéressent. Cette remarque en
amène une autre sur le style Pukara provincial lui-même puisqu’il a été identifié très récemment
et il ne serait pas étonnant que des recherches ultérieures modifient jusqu’à l’appellation même
de cette tradition. La littérature n’étant pas abondante sur le sujet, nous sommes extrêmement
dépendants du travail d’Haeberli qui a peu publié. C’est pourquoi il serait nécessaire que
d’autres chercheurs se penchent sur l’évolution stylistique du pukara provincial pour permettre
Il existe 3 textiles possédant des représentations de notre divinité, l’un d’entre eux étant un sac
de 16 cm de hauteur présentant une déesse aux bâtons similaire sur chaque côté (Figure 2.11).
Une datation au radiocarbone a permis de le dater entre 74 et 237. Le caractère féminin des
vêtements que porte chaque figure est assez difficile à déterminer. S’il est vrai que la tunique
semble assez longue, nous ne pouvons pas exactement déterminer la location des genoux. De
plus, la distinction entre la tunique et l’éventuel manteau n’est pas évidente. Haeberli considère
53
également que la couronne et les boucles d’oreilles portées par la figure permettent de
déterminer le genre, mais sans déterminer en quoi consiste son interprétation. La détermination
de la figure comme étant féminine est donc problématique avec les éléments que nous avons
similaires à celles du sac est un manteau avec des rayures verticales daté entre 218 et 382. Ce
manteau présente 4 catégories différentes de déesses aux bâtons qui possèdent une structure
générale similaire, mais avec des motifs différents (Figure 2.12). Le caractère féminin des
vêtements reste difficile à déterminer dans ces représentations. La tunique est toujours longue,
mais les genoux ne sont pas indiqués. De plus, il ne semble pas y avoir de traces de manteau
(Haeberli 2018:171-173 ; Young-Sánchez 2004:45). Le dernier textile est quant à lui une
tunique présentant 38 représentations de la divinité et est daté entre 245 et 402. Les deux
principales représentations sont similaires et elles se situent chacune à l’intérieur d’une enceinte
représentée sur un panneau sur chaque épaule (Figure 2.13), tandis que les 36 autres se situent
à l’avant et à l’arrière de la tunique (Figure 2.14) et font office d’acolytes pour une
représentation de visage rayonnant se trouvant de chaque côté. Cette fonction leur a été attribuée
étant donné que leurs pieds sont tournés vers le visage rayonnant, ce dernier étant plus grand
que les autres figures. Toutes les représentations de la divinité sont assez similaires, la structure
générale étant la même, tandis que certains motifs changent. Cette fois-ci, il est plus facile de
caractériser ces figures comme étant féminines, en tout cas pour les deux divinités sur les
épaules. La tunique est longue, mais nous avons toujours le souci des genoux. Néanmoins, un
manteau est présent au niveau des épaules en retombant à l’arrière jusqu’aux chevilles. Elle
porte également des ornements d’oreille similaires à ceux que porte la femme au camélidé de
la culture pukara, ainsi qu’une couronne différente de celle que les acolytes de profil masculins
représentés sur certains textiles portent (Isbell et Knobloch 2006:325 ; Haeberli 2018:167-170
54
Figure 2.9 - Photographie d'une femme de la région de Charazani prise par Bruce Takami (Adelson et Tracht 1983:Figure 36)
55
Figure 2.10 - Dessin du 17ème siècle fait par Pedro Ramirez Aguila (Adelson et Tracht 1983:Figure 24)
56
Figure 2.11 - Photographie d’un sac appartenant au pukara provincial et représentant une déesse aux bâtons prise par
Haeberli (2018:Figure 6.13)
57
Figure 2.12 - Photographies d’un manteau appartenant au pukara provincial et représentant 4 déesses aux bâtons
différentes prises par Haeberli (2018:Figure 6.14 ; Figure 6.15 ; Figure 6.16) et Young-Sánchez (2004:Figure 2.25a)
58
Figure 2.13 - Photographie d’une tunique appartenant au pukara provincial et représentant une déesse aux bâtons sur une
des épaules (Haeberli 2018:Figure 6.11)
59
Figure 2.14 - Photographie d’une tunique appartenant au pukara provincial et représentant 18 déesses aux bâtons sur
l’avant du vêtement (Haeberli 2018:Figure 6.12)
60
2. Les Andes centrales
Malgré la reconnaissance généralisée des origines méridionales du dieu aux bâtons de l’Horizon
moyen, il existe dans la littérature plusieurs références à un foyer d’origine alternatif qui se
situerait au niveau de la partie septentrionale des Andes centrales. Parmi ces prototypes de dieux
aux bâtons qui se seraient développés dans cette région, le plus ancien nous ramène à la période
précéramique via un fragment peint et incisé d’une gourde (Figure 2.15) découvert en 2002 par
les équipes du Proyecto Arqueológico Norte Chico lors d’une prospection au sol (Quilter
2012:131). Cette découverte se fit dans le cimetière P, une zone funéraire fortement pillée et
située sur la rive gauche de la vallée de Pativilca, elle-même située dans la région de Norte
Chico qui réunit 4 vallées entre la côte nord et la côte centrale du Pérou au nord de Lima :
Huaura, Supe, Pativilca et Fortaleza (Figure 2.16). Une datation au radiocarbone réalisée sur un
autre fragment non décoré de la même gourde indique qu’elle daterait plus ou moins de 2220
av. J.-C. La représentation du fragment décoré est celle d’une créature de face avec des crocs,
de grands yeux, des excroissances triangulaires sur la tête, des pieds évasés de profil et des bras
écartés qui pourraient éventuellement tenir des bâtons ou des barres à la verticale. Une figure
similaire, mais sans que les bâtons soient visibles fut retrouvée sur un autre fragment de gourde
(Figure 2.17) non daté dans le secteur A du site de Cerro R, une autre zone funéraire située
également sur la rive gauche de la même vallée. Pour Jonathan Haas, Winifred Creamer et
Alvaro Ruiz, les chercheurs à l’origine de ces découvertes, il ne fait aucun doute que cela prouve
l’existence d’une iconographie et d’une idéologie panandine centrée sur cette figure du dieu
aux bâtons qui fut transmise aux cultures des périodes ultérieures (Haas et Creamer 2004:35-
36 ; 48-49 ; Haas et al. 2003:9 ; Isbell et Knobloch 2006:308). Néanmoins, cette proposition
semble peu consistante et cela apparait clairement du côté de Makowski (2009:134) qui doute
du caractère si ancien des représentations. Selon lui, elles furent réalisées bien plus tardivement
sur des artefacts qui pourraient éventuellement dater de la période précéramique, cette
61
hypothèse n’étant pas totalement incompatible avec les recherches menées dans les zones
funéraires de la vallée de Pativilca puisqu’il existe des traces d’un usage étendu sur plusieurs
Cette figure du dieu aux bâtons refait son apparition bien plus tard dans la partie septentrionale
des Andes centrales à travers différents objets de la culture chavín (Knobloch 2013:90-91 ;
Mancilla et al. 2019:99) qui s’est développée pendant l’Horizon ancien (Figure 2.18). Son nom
provient de Chavín de Huantar, un site situé dans les hautes terres du nord du Pérou dans la
vallée de Mosna qui a pendant longtemps été perçu comme le centre de diffusion principale
d’une idéologie commune dans les Andes centrales, plus ou moins entre 900 et 200 av. J.-C. Ce
site a surtout attiré l’attention des chercheurs grâce à son architecture et à sa sculpture
monumentale (Burger 2008:683-685 ; 693-694 ; Rick 2013:166), cette dernière ayant servi pour
définir le style chavín (Roe 1974:5-6). L’expression même de « dieu aux bâtons » fut utilisée
pour la 1ère fois en 1962 par John Rowe (1967:72-76 ; 95-86) dans cette association avec la
culture chavín à travers la stèle Raimondi (Figure 2.19). Cette stèle est une pierre de taille en
granite qui fait partie de la phase EF du style chavín et elle fut trouvée dans les années 1840
dans les ruines du site péruvien, sa position originale étant vraisemblablement l’édifice A,
également connu comme étant le Nouveau Temple selon la séquence constructive du site par
relief occupant l’entièreté de l’espace et possédant bien plus de détails en accord avec les
conventions artistiques de la culture chavín en comparaison avec ce que nous avons pu voir
précédemment pour la période précéramique. Néanmoins, la figure du dieu aux bâtons en elle-
même ne constitue que le tiers inférieur de la représentation, une grande importance étant
attribuée à son couvre-chef qui occupe le reste de la stèle et qui est constitué de plusieurs têtes
surnaturelles imbriquées les unes dans les autres, cela étant visible en analysant la
62
cette appellation pour la stèle Raimondi, elle s’étendit dans la littérature à toute une série de
figures anthropomorphes représentées de face tenant dans chaque main des attributs divers à la
Chico présentée précédemment, Rowe (1971:117-118) avait déjà défendu l’idée que l’origine
de la figure du dieu aux bâtons de l’Horizon moyen se situait en réalité dans la partie
septentrionale des Andes centrales. Par la suite, l’iconographie et l’idéologie chavín se seraient
propagées vers le bassin du lac Titicaca à travers les cultures paracas et pukara (Cook
Cette propagation fut possible grâce au développement de populations influencées par la culture
chavín, ce lien étant le plus visible sur la côte sud du Pérou au niveau de la péninsule de Paracas
ou dans les vallées alentour (Burger 2008:699 ; Peters 2002:324) où nous pouvons retrouver
plusieurs représentations du dieu aux bâtons. Parmi les différents artefacts représentant cette
figure, l’endroit ayant livré le plus de représentations est le site de Carhua, situé dans la vallée
d’Ica près de la Bahía de la Independencia, (Cordy-Collins 1982:150 ; Peters 2018:111) qui est
un cimetière ayant attiré l’attention des archéologues en 1971 suite à des pillages (Roe 1974:31-
33) qui mirent au jour une grande tombe rectangulaire et atypique contenant de nombreux
tessons de céramique, ainsi que 200 fragments de textiles (Figure 2.20). La fonction de ces
derniers est incertaine, mais ce qui est sûr c’est que la taille de ces textiles pouvait être
importante. Les calculs pour l’un d’entre eux ont révélé qu’il faisait environ 4.2 m de large et
2.7 de hauteur, ce qui donne une surface 8 fois plus grande que celle de la stèle Raimondi. En
ce qui concerne leur fabrication, ils furent réalisés à partir de fils de coton lâchement tissés et
ils furent décorés différemment de ce que nous pouvons voir au niveau de la tradition locale,
que ce soit au niveau de la technique ou de la composition étant donné que la décoration fut
peinte et non tissée. Le répertoire iconographique est quant à lui semblable à ce que nous
pouvons voir sur la sculpture chavín à partir de la phase D, notamment la figure du dieu aux
63
bâtons qui constitue l’unité iconographique la plus représentée puisque nous pouvons la
retrouver au moins 48 fois sur ces textiles de Carhua (Cordy-Collins 1979:51-52). Cependant,
il existe des différences majeures avec le dieu aux bâtons de la stèle Raimondi, notamment au
niveau du genre de la divinité puisque certaines représentations furent identifiées comme étant
féminines, la poitrine étant représentée comme des yeux et le sexe étant représenté comme un
Plusieurs interprétations existent quant à l’identité de cette déesse, étant donné que pour certains
il s’agirait d’une divinité locale associée au dieu aux bâtons chavín par un lien familial, tandis
que pour d’autres la divinité possèderait une identité de genre double et les textiles de Carhua
représenteraient sa partie féminine. Si les textiles provenant de ce site sont les plus connus,
d’autres pouvant potentiellement représentés la figure du dieu aux bâtons ont fait une brève
apparition au cours du 20ème siècle, comme ces deux textiles provenant vraisemblablement de
la vallée d’Ica qui apparurent au sein du milieu du marché des antiquités en 1960 (Burger
Ce qui est certain, c’est que la découverte de cette iconographie chavínoïde sur la côte sud du
d’appuyer la théorie de Rowe sur l’origine plus septentrionale du dieu aux bâtons. Cependant,
le lien entre la divinité de l’Horizon ancien et la divinité de l’Horizon moyen n’est toujours pas
clairement établi. Il est nécessaire de prendre en considération que l’appellation de « dieu aux
bâtons » est peut-être devenue extrêmement générique pour désigner une forme
qu’une figure spécifique. Même si les similitudes entre différentes représentations séparées par
plusieurs siècles peuvent être troublantes, il n’y a pas forcément de continuité directe entre
64
Figure 2.15 - Photo de Jonathan Haas et dessin de Jill Seagard du fragment du cimetière P (Haas et al. 2003:9)
65
Figure 2.16 - Carte de la région de Norte Chico (Haas et Creamer 2006:Figure 1)
66
Figure 2.17 - Photo et dessin du fragment provenant du Cerro R (Haas et al. 2007:Figure 29)
67
Figure 2.18 - Carte des sites péruviens occupés pendant l’Horizon Ancien (Burger 1995:Figure 191)
68
Figure 2.19 - Dessin à l’endroit et à l’envers du dieu aux bâtons de la stèle Raimondi (Burger 1995:Figure 176)
69
Figure 2.20 - Dessin d’une déesse aux bâtons représentée sur un fragment de textile de Carhua (Roe 1974:Figure 14)
70
Chapitre III
Dans le cadre de notre étude diachronique sur l’iconographie du dieu aux bâtons wari, nous
L’étude de ces dieux aux bâtons primitifs est primordiale puisqu’elle nous permettra d’établir
un modèle sur lequel nous nous baserons pour caractériser les modifications iconographiques
des représentations plus tardives. Pour atteindre les objectifs de ce chapitre qui consistent à
mettre en évidence les caractéristiques iconographiques de ces premières figures, celui-ci est
donnerons le maximum d’informations pertinentes sur le sujet, tandis que la deuxième partie
consiste en la réalisation d’une description et d’une analyse des représentations de notre corpus.
1. Contextualisation
Dans cette partie de contextualisation, nous allons aborder deux éléments différents concernant
fortement lié à l’apparition du répertoire iconographique des Andes méridionales puisque c’est
exclusivement à cet endroit que les recherches nous ont permis de trouver les plus anciennes
représentations de dieu aux bâtons dans l’espace wari. Nous allons commencer par donner
quelques informations générales à propos du site et terminer par l’historique des recherches qui
y furent menées. Le deuxième porte sur le matériel associé à ces représentations puisqu’il est
nécessaire de se familiariser avec celui-ci avant de pouvoir analyser son iconographie. Nous
grâce aux premières recherches, avant de se focaliser sur les découvertes qui suivirent.
71
a. Le site
Le site de Conchopata est le deuxième site le plus important au sein de la sphère d’influence
wari après la capitale qui se situe à une dizaine de kilomètres plus au nord. Il se trouve au cœur
Ayacucho, à 2700 m au-dessus du niveau de la mer (Figure 3.1). Ce site fut occupé pendant
l’Intermédiaire ancien, période pendant laquelle il n’était composé que de petits hameaux très
peu attractifs dispersés sur la plaine de Chakipampa. Il fut ensuite occupé pendant l’Horizon
moyen et c’est pendant cette période que la ville commença à être en compétition avec Huari
pour obtenir l’hégémonie dans la région. Il est possible que Conchopata ait eu une plus grande
importance au début de l’Horizon moyen, mais que le site fût surpassé par Huari qui reprit son
idéologie religieuse, ainsi que son répertoire iconographique. Traditionnellement, c’est de cette
manière que la littérature explique l’abandon du site avec le transfert de la population vers le
nouveau site dominant (Isbell et Cook 1987:30). C’est également de cette manière que se
les céramiques cérémonielles devenant à peine plus grandes que les céramiques séculières
l’ingénierie hydraulique de la culture wari qui dévia l’eau de la Quebrada de Totorilla située à
l’ouest du site vers le noyau urbain, ce qui lui permit de devenir un centre important de
production de céramique, ainsi qu’un centre administratif dans la région (Isbell et Tschauner
2012:133). Initialement, selon les meilleures estimations, le site semble avoir occupé un espace
de 20 à 40 ha (Isbell 2008:752), mais étant donné qu’il se trouve dans la zone la plus plate de
par certaines constructions menées par les autorités péruviennes à partir de 1964 pour desservir
la ville. Parmi celles-ci, nous pouvons notamment retrouver l’aéroport et l’autoroute, ce qui fait
que l’espace occupé n’est plus que de 3,5 ha (Cook et Benco 2000:490 ; González et Pozzi-
72
Escot 1992:174 ; Isbell 2000:16-21 ; Isbell 2004a:4-6 ; Isbell et Knobloch 2006:324 ; Sayre et
del Ejército, traverse le site et le divise en deux parties, la partie ouest étant le secteur A, la
partie est étant le secteur B (Figure 3.2). Malgré cela, les fouilles ont permis d’identifier 250
structures distinctes et très proches les unes des autres avec au moins 4 formes architecturales
différentes (Rosenfeld 2012:135). Nous pouvons y trouver des espaces dédiés à des
artisans et des spécialistes religieux, les fouilles ont permis d’identifier des traces de la présence
particulièrement dans le cadre de notre étude selon nos connaissances actuelles, c’est de savoir
que Conchopata est non seulement l’endroit d’origine du dieu aux bâtons wari, mais c’est
L’historique des recherches menées à Conchopata est très fourni et il est d’ailleurs le site le plus
le fait d’avoir été recouvert de terre et de gravats pendant longtemps ayant certainement joué
un rôle en ce sens. À la fin des années 1920 et pendant les années 1930, un groupe d’intellectuels
de la région sans formation particulière relative à l’étude du passé a cherché à établir un projet
ayant pour objectif le renforcement de l’identité régionale. C’est dans ce cadre que Benedicto
Flores publie dès 1927 les premières informations sur le site après y avoir réalisé des fouilles.
Les premières fouilles scientifiques furent celles de Tello en 1942, qui découvrit les premières
73
2000b:388 ; Mancilla et al. 2019:96-97 ; Menzel 1964:6). Tello était intéressé par l’archéologie
de la région d’Ayacucho, celui-ci ayant déjà visité la région en 1931, mais il n’a que très peu
publié et aucune étude approfondie n’a été réalisée sur le matériel découvert à la suite de ces
fouilles. Également en 1942, Medina est un des premiers à mettre en évidence l’importance de
la céramique provenant de Conchopata et à avoir proposé que ce matériel fût lié à l’iconographie
première étude exhaustive soit réalisée sur le matériel de Tello, après que celui-ci ait déjà été
partiellement analysé par Manuel Chavez Ballón. Elle fut publiée en 1960 et livra toute une
série d’informations sur cette collection, ce qui entraina un intérêt pour des recherches
ultérieures. Un an avant en 1959, l’Université de Huamanga rouvrit ses portes et ce fut le début
1960 et 1965, notamment à de futurs chercheurs qui auront l’occasion de travailler sur le site
site en 1961, 1964 et 1970 (Rosenfeld 2012:135) en se focalisant sur le secteur A qui est
l’endroit des découvertes de Tello. Lorsque le site commença à être détruit par les constructions
modernes pour la ville d’Ayacucho, il y mena des fouilles de sauvetage. Il est également le
Le matériel découvert par Tello avec un répertoire iconographique particulier fut identifié en
1964 par Menzel comme un style de céramique dérivant de l’iconographie tiwanaku et elle le
nomma Conchopata à partir du site où ce matériel fut retrouvé (Lumbreras 1974:152 ; Menzel
1964:4). C’est en partie à partir de l’étude de ce matériel qu’elle mit en place sa chronologie de
l’Horizon moyen que nous avons présenté précédemment (Pozzi-Escot et al. 1998:254-256 ;
Isbell 2000:37). Dans les années 1970, une équipe de l’Université d'État de New York à
74
Binghamton dirigée par William Isbell mena des fouilles dans la vallée d’Ayacucho,
notamment avec Abelardo Sandoval, Anita Cook et Patricia Knobloch, dans le cadre du Huari
participa à des fouilles de sauvetage sur le site de Conchopata suite à la découverte fortuite par
des ouvriers, le 27 octobre 1977, d’un dépôt de céramiques sous le sable de la Place Rose du
Cook 1987:27-28 ; Isbell et Knobloch 2006:325 ; Pozzi-Escot 1991:81-83). Dans les années
d’Ayacucho fut mis en place par l’Institut National de la Culture. C’est cela qui mena Denise
Pozzi-Escot à réaliser des fouilles de plus grande ampleur sur le site de Conchopata en 1982,
du site et de trouver des ateliers de production de céramique, ainsi que des résidences de potiers
1991:84 ; Pozzi-Escot et al. 1998:256-257). Cela a permis de comprendre que le site était
constitué d’un centre névralgique très dense entouré d’une vaste périphérie résidentielle. Étant
organique selon les besoins des artisans. Pendant les années 1990, de nombreuses équipes
travaillèrent à Conchopata et c’est à cette époque que débutèrent les dernières fouilles en date.
Elles se placent dans un projet de recherche multidisciplinaire centré sur le secteur B ayant eu
lieu entre 1997 et 2003 sous la direction de José Ochatoma et Martha Cabrera, ces derniers
ayant été rejoints par Cook et Isbell en 1998 (Cook et Benco 2000:490 ; Isbell 2000:16-21 ;
Isbell 2004a:4 ; Isbell 2018b:440 ; Isbell et Knobloch 2006:325 ; Isbell et Tschauner 2012:136 ;
Rosenfeld 2012:135).
75
Figure 3.1 - Carte de la vallée d'Ayacucho dessinée par William Isbell (2018:Figure 15.2)
76
Figure 3.2 - Carte de Conchopata créée par Juan Carlos Blacker et William Isbell (2018:Figure 15.15)
77
b. Le matériel
Les recherches menées ces dernières décennies ont permis d’étendre nos connaissances sur
l’émergence du dieu aux bâtons wari puisqu’elles étaient limitées par l’accès aux seules urnes
du style Conchopata découvertes par Tello en 1942. L’extension du corpus associé à cette
thématique fut très importante pour modifier notre façon de percevoir la place de ce style au
sein de la culture matérielle wari qui était définie par la séquence chronologique de Menzel
(Isbell et Tschauner 2012:136). Les céramiques qui y sont associées sont systématiquement des
récipients dans le cadre de cérémonies (Cook et Glowacki 2003:178 ; Isbell 2000:19 ; Isbell et
2012:102 ; Valdez 2009:190). Elles sont caractérisées par des parois et des rebords épais, ainsi
chaque urne (Pozzi-Escot et al. 1998:276 ; Mancilla et al. 2019:97 ; Menzel 1964:19).
Après la définition du style Conchopata par Menzel, la première grande découverte ayant
approfondi nos connaissances est celle de 1977 où des ouvriers sont tombés de manière fortuite
sur un lot de jarres surdimensionnées et stylistiquement différentes des urnes de 1942 au niveau
2006:325 ; Knobloch 2009:132). Ce lot est constitué de plus de 19.500 fragments appartenant
à une vingtaine de jarres, dont le nombre exact est situé entre 22 et 25 selon les auteurs
(Knobloch 2012:128 ; Knobloch 2013:91 ; Rodríguez 2004:29). Chaque jarre constitue une
effigie humaine (Figure 3.3) puisque le goulot est modelé et peint sous forme de visage
d’homme et une tunique est peinte sur la majorité du corps de la céramique qui représente le
torse et le dos de chaque homme (Cook 1985:209). Les représentations de ces hommes ne sont
pas similaires puisqu’il existe 4 types de visages (Isbell 1984:98), les variations se situant, par
78
exemple, au niveau de la présence ou non d’une moustache. Cela est caractéristique de la
ce qui indique une certaine continuité avec le développement local précédent. Parmi ces jarres,
Pozzi-Escot 1991:83). La moins représentée n’est apparente que sur 2 ou 3 jarres, selon les
Nazca-Ayacucho. L’autre production est apparente sur le reste des jarres et représente
constamment la figure unique du dieu aux bâtons accompagné de ses acolytes de profil (Cook
1994:200). Parmi les jarres de cette production, le corps de ces dernières est systématiquement
divisé en trois segments horizontaux faisant l’entièreté du tour avec les représentations du dieu
aux bâtons entouré de ses acolytes de profil sur le segment du milieu (Cook 1987:54 ; Isbell
2018b:449-450 ; Isbell et Cook 1987:27-28). Toutes les représentations du dieu aux bâtons sont
centrées, à l'exception de l'une d'entre elles qui est placée proche de l’une des anses (Cook
Rodríguez 2004:33). Néanmoins, comme nous allons le voir dans la suite de ce chapitre, ces
deux phases sont en réalité inversées. Plus récemment, il fut possible de réaliser une évaluation
stylistique de ce matériel par rapport à des productions plus anciennes et plus récentes, ce qui
indique que les jarres furent produites et détruites volontairement entre 775 et 825, donc plutôt
pendant la période 1B. En plus de ces jarres, il existe 6 tessons décorés (Figure 3.4) qui furent
découverts en 2003 parmi d’autres fragments dans une couche perturbée par différentes
79
légèrement plus anciens que les jarres de 1977 et ils proviennent potentiellement de la même
jarre. Un de ces fragments présente une représentation partielle d’un dieu aux bâtons similaire
à ceux visibles sur les jarres de 1977 (Isbell 2018b:455-458 ; Isbell et Knobloch 2006:330).
Le dieu aux bâtons représenté sur ces jarres est très ressemblant à une représentation de la même
figure visible sur le monolithe de Ponce provenant du site de Tiahuanaco et il est plus que
probable que ces représentations soient contemporaines (Figure 3.5). Il est même possible que
les artisans à l’origine de ces différentes représentations aient consulté des modèles visuels
similaires, voire les mêmes modèles. Les experts religieux du site de Conchopata et de sa région
auraient participé, avec leurs homologues provenant du site de Tiahuanaco, à la création d’une
Andes méridionales pour qu’il y ait une convention à propos de sa représentation (Isbell
2012:136 ; 2006:326 ; Knobloch 2012:128). Étant donné que le monolithe de Ponce (Figure
3.6) est très important pour comprendre l’apparition de la figure du dieu aux bâtons dans le
cultures, il est nécessaire de s’y attarder brièvement. Selon la sériation en 5 phases développée
en 2003 par Agüero, Uribe et Berenguer que nous avons vu au chapitre précédent, le monolithe
de Ponce fait partie de la troisième phase (Agüero et al. 2003:81). Il fut découvert le 8 novembre
son nom ayant été donné au monolithe pour commémorer son importance dans les fouilles et
les reconstructions menées sur le site bolivien. Il se trouvait couché sur le côté à 2,10 m de
de fouille H-13. Le monolithe de 3 m de haut est en andésite et possède une croix gravée sur
son épaule droite, ce qui indique qu’il fut probablement enterré et sanctifié à l’époque coloniale
par des chrétiens cherchant à cacher les traces de pratiques religieuses locales et anciennes. Il
80
représente un homme portant une tunique à manches, une courte jupe, une ceinture et un
bandeau. Ce qui nous intéresse particulièrement dans ce monolithe ce n’est pas la représentation
de l’homme, mais bien les éléments se situant sur ces vêtements puisque l’entièreté du panthéon
s’étant développée dans la sphère d’interaction des Andes méridionales y est représentée pour
la première fois à Tiahuanaco, ce qui inclut le dieu aux bâtons, et l’organisation spatiale, ainsi
que la taille de chaque figure, confirment la présence d’une structure hiérarchique (Janusek
2006:485). Le dieu aux bâtons est représenté à deux reprises sur ce monolithe, l’un se situant à
Torres 2014:56-61). Ce dernier est plus petit et est très mal conservé, mais il semble ressembler
à celui se situant sur la tunique malgré quelques variations. Le dieu aux bâtons présent sur la
tunique est celui qui nous intéresse le plus dans le cadre de notre recherche puisqu’il ressemble
fortement au dieu aux bâtons que nous pouvons trouver sur les jarres de Conchopata (Isbell
2018b:431 ; 435-439).
En 1999, la découverte d’un lot d’urnes très similaires et certainement contemporaines à celles
Cette découverte est très importante, car elle permit l’apport de nouvelles informations au
volontairement entre 825 et 925, bien après le début de l’Horizon moyen vers la période 2A.
Pour rappel, lorsque Menzel fit son étude sur la céramique associée à la culture wari, elle
défendit l’idée que les urnes de 1942 marquaient le début de l’Horizon moyen avec l’apparition
chronologie standard de la période. Cela signifie que le corpus de 1942 est plus tardif que ce
que pensait Menzel et que les représentations du dieu aux bâtons sur ces urnes, ainsi que sur
celles de 1999, constituent une variation iconographique par rapport aux représentations vues
sur les jarres de 1977. Elles ne constituent donc pas le début de ce type de représentations dans
81
l’espace wari. Néanmoins, même si les représentations de dieu aux bâtons présentes sur les
jarres de 1977 sont les plus anciennes, elles n’initient pas non plus l’Horizon moyen (Isbell et
Tschauner 2012:136). Avant la découverte de ces artéfacts en 1999, il existait déjà dans la
déjà une comparaison avec certains dépôts stratifiés du site de Huari pour indiquer que les urnes
découvertes par Tello ne dataient pas de la période 1A de l’Horizon moyen, mais plutôt de la
des jarres de 1977, ce matériel du style Conchopata n’est pas caractérisé par l’utilisation de
jarres décorées intégralement à l’effigie d’un homme, mais plutôt par des urnes décorées par
une simple bande large décorant le tiers supérieur du corps qui abrite les représentations de la
divinité. Cependant, il est nécessaire de préciser qu’il existe une partie de ces urnes découvertes
en 1942 et 1999 qui ne sont pas du tout décorées. Une grande différence avec les jarres de 1977
est que le dieu aux bâtons n’est plus unique puisque nous pouvons en retrouver plusieurs sur
une même urne. De manière générale, la variabilité des différentes figures autres que celle du
dieu aux bâtons, comme les acolytes de profil, fait qu’il n’existe pas deux urnes présentant la
même décoration (Cook 1987:63 ; Cook 1994:200 ; Isbell 2018b:459 ; Knobloch 2018:706).
82
Figure 3.3 – Reconstruction en dessin d'une jarre de Conchopata de 1977 avec photographie de l’une d’entre elles prise par
William Isbell (2018b:Figure 15.27)
83
Figure 3.4 – Photographies de tessons découverts à Conchopata en 2003 prises par William Isbell (2018b:Figure 15.41)
84
Figure 3.5 - Dieux aux bâtons du monolithe de Ponce et des jarres de 1977 dessinés par Patricia Knobloch et William Isbell
(2018b:Figure 15.14)
85
Figure 3.6 - Photographie du monolithe de Ponce prise par William Isbell (2018b:15.10)
86
2. Description et analyse
Maintenant que nous avons apporté tous les éléments nécessaires à la contextualisation de ce
chapitre, nous pouvons décrire et analyser les différentes représentations de notre corpus. La
première partie se focalise naturellement sur les dieux aux bâtons visibles sur les jarres de 1977
qui sont les plus anciennes représentations de cette figure au sein de la culture matérielle wari.
Nous commencerons par apporter certaines informations de base sur les figures de notre corpus
et sur les démarches mises en œuvre pour le constituer, avant de réaliser la description et
l’analyse des représentations. La deuxième partie se concentre quant à elle sur les divinités du
style Conchopata en suivant le même procédé appliqué précédemment, mais cette fois-ci en
iconographique avec ceux des jarres de 1977, le but étant de caractériser l’évolution de ces
représentations.
Parmi la vingtaine de dieux aux bâtons visibles sur les jarres de 1977, nous avons pu rassembler
des photographies de 4 représentations (Figure 3.7 ; Figure 3.8 ; Figure 3.9 ; Figure 3.10) qui
Ayacucho (DIG : Digital Information Gateway 2020). La limitation de notre corpus par rapport
littérature qui possède elle-même un nombre limité d’illustrations pertinentes. Dans un souci
d’exhaustivité, nous avons passé en revue les catalogues en ligne de divers musées susceptibles
de posséder du matériel provenant de Conchopata. En plus de cela, nous avons pris la peine de
réaliser des visites virtuelles accessibles sur MUSeamos, une plateforme de la Direction
Générale des Musées du Pérou, pour les musées n’ayant pas de catalogue en ligne. Bien
87
entendu, nous avons également contacté ces différentes institutions, ainsi que Isbell qui a
proposé la dernière étude en date sur ce matériel, mais toutes ces démarches n’ont pas abouti à
un résultat positif. En plus de cela, nous avons pris la décision d’écarter certaines
représentations accessibles via la littérature, étant donné qu’elles se trouvent sur de petits
fragments isolés, ce qui les rend extrêmement partielles. Il est d’ailleurs possible que la majorité
de ces jarres n’ait jamais subi de reconstruction (Cook 1987:57). Malgré ces difficultés, les 4
représentations que nous allons décrire et analyser sont relativement complètes et permettront
certainement d’obtenir certaines informations lors d’une comparaison avec les représentations
mettre en avant les éventuelles différences, avec une division en 3 segments comprenant la tête,
la tunique et les membres. Étant donné que les dieux aux bâtons sont majoritairement
représentés de face, nous apporterons les précisions nécessaires lorsqu’un motif est représenté
de profil.
En ce qui concerne la tête, le visage de chaque divinité possède le motif d’une bouche et celui
d’une forme hybride qui pourrait être un masque, une peinture faciale ou même un être
surnaturel. La bouche est ouverte et possède un nombre variable de dents selon les
représentations. La forme hybride forme quant à elle un nez épaté, des sourcils et des
excroissances latérales. Ces dernières se terminent aux extrémités inférieures par une tête de
félin de profil tourné vers le bas et chacune possède également ce qui pourrait être une petite
tête d’oiseau ou une aile. À l’intérieur de cette forme, nous retrouvons plusieurs points cerclés
qui forment les yeux de la divinité et ceux des têtes d’animaux. Le visage est entièrement
entouré par une coiffe formée d’une bande et d’appendices. La bande est décorée d’un motif de
méandres imbriqués d’un nombre variable selon les représentations. Les appendices sont au
nombre de 13 et sont placés sur les parties latérales et la partie supérieure de la bande. Nous
avons une alternance de 6 têtes de félin de profil avec 6 doubles cercles. Néanmoins, cette
88
alternance est brisée par la présence de plumes au centre de la partie supérieure de la coiffe.
Dans certaines représentations, nous pouvons voir que les yeux des têtes d’animaux de profil
sont divisés en deux sections de couleur différente. Cela ne s’observe jamais au niveau des yeux
du dieu aux bâtons (Cook 1987:58 ; Isbell 2018b:450-451 ; Isbell et Knobloch 2006:327-328 ;
Knobloch 2002).
La tunique qui arrive jusqu’aux genoux est quant à elle divisée en une partie supérieure et une
partie inférieure par la présence d’une ceinture qui sépare le tronc de ses membres inférieurs.
Elle est constituée de tirets segmentés et les extrémités sont en forme de têtes d’oiseau de profil.
La tunique possède également des manches très courtes représentées par des bandes avec des
traits en leur intérieur au niveau des épaules et le même type de bandes se retrouve au niveau
des poignets. Le tronc est quant à lui relié à la tête par un collier constitué de tirets segmentés
avec une excroissance de son côté inférieur qui représente une tête de félin de profil tournée
l’une dans l’autre. En plus de ce pendentif qui repose sur la tunique, nous pouvons trouver 2
doubles cercles qui pendent à partir des épaules de la divinité ou qui sont simplement attachés
sur chaque côté du pendentif. Le haut de la tunique possède également 2 bandes marquées par
un ou deux traits longs en leur intérieur qui partent de la ceinture et sont tournées vers les
épaules. Le bas de la tunique est décoré par 4 têtes de félin de profil qui pendent de la ceinture
Pour les membres supérieurs, nous pouvons voir que les bras sont pliés au niveau des coudes et
des poignets. Les mains possèdent entre 5 et 6 doigts, tandis que les ongles sont délimités.
Chaque main tient un bâton à la verticale composé de motifs différents. Celui tenu par la main
droite est décoré de 7 doubles cercles, la main se situant entre le quatrième et le cinquième en
partant du haut. Entre le premier et le deuxième double cercle, nous avons une tête d’oiseau de
89
profil, le bec tourné vers le bas tandis que le haut de la tête est tourné vers la divinité.
L’extrémité inférieure du bâton est marquée d’un rectangle ou d’un demi-cercle délimité par un
trait. À partir de cette extrémité, nous avons une tête de félin de profil regardant vers le haut, le
sommet du crâne étant tourné vers le dieu aux bâtons. Le bâton tenu par la main gauche est
quant à lui décoré par un motif de triangles d’un nombre variable imbriqués en zigzag.
L’extrémité inférieure se termine par une tête de félin de profil tournée vers le bas, tandis que
l’extrémité supérieure se termine par une forme ondulante divisée en trois bandes placées sur
deux motifs circulaires imbriqués l’un dans l’autre avec un trait en leur milieu, le tout
représentant une plante. Les chevilles sont couvertes par des bandeaux, tandis que les pieds sont
composés de 4 ou 5 orteils avec les ongles délimités. Les pieds sont de profil et ils sont tournés
vers le côté droit de la divinité, tandis qu’une spirale se trouve au niveau de chaque talon (Cook
De manière générale, nous pouvons voir que les variations entre les représentations sont
négligeables, la différence la plus notable se situant au niveau des couleurs. Néanmoins, cette
différence reste minime puisque tous les contours sont systématiquement marqués par une
épaisse ligne noire et nous pouvons retrouver le même type de couleur chaude dans toutes les
représentations avec du violet bordeaux, du crème, du gris brunâtre, etc. Il est possible que la
réalisation de ces jarres se soit faite dans un atelier dirigé par une seule personne, mais aidée
par plusieurs apprentis avec moins de compétences, ce qui expliquerait les différences qui
pourraient même être involontaires (Cook 1987:54-58 ; Isbell 2018b:450). Dans une étude
focalisée sur le dieu aux bâtons à Tiahuanaco, Viau-Courville (2014:16) a émis l’hypothèse que
les bâtons puissent être des bâtons de lancer péruviens étant donné la ressemblance avec des
objets de la sorte trouvés au début du 20ème siècle sur la côte sud-du Pérou (Figure 3.11). C’est
une proposition qui pourrait applicable pour ces représentations des jarres de 1977, mais cela
ne nous permet pas d’aller plus loin dans l’interprétation. Beaucoup de propositions de ce genre
90
ont déjà été effectuées par le passé dès le 19ème siècle (Rivero et Tschudi 1851:296 ; Squier
1877:290) et il est impossible d’affirmer ou non leur véracité pour l’instant, surtout que les
bâtons diffèrent de représentation en représentation comme nous allons le voir dans la suite de
notre étude. En ce qui concerne les motifs, leur répartition au sein des représentations semble
plutôt équilibrée et nous pouvons déterminer une importance attribuée aux motifs géométriques
et zoomorphes. De manière générale, très peu d’éléments peuvent être retirés de la seule analyse
de ces représentations donc nous allons passer sans plus tarder aux représentations du style
Conchopata.
91
Figure 3.7 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.13)
92
Figure 3.8 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.27)
93
Figure 3.9 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.28)
94
Figure 3.10 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une jarre de 1977 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.36)
95
Figure 3.11 - Photographie d'une série de bâtons de lancer retrouvés sur la côte sud du Pérou (Uhle 1909:Figure 1)
96
b. Le style Conchopata
Nous ne connaissons pas le nombre exact de dieux aux bâtons visibles sur les urnes découvertes
en 1942 et en 1999, mais nous avons réussi à réunir 7 représentations à travers 3 urnes
différentes. La représentation la plus complète (Figure 3.12) se trouve sur une urne de 1999 qui
est conservée actuellement au Museo Histórico Regional Hipólito Unanue, comme les jarres
que nous avons abordées précédemment. Les 6 autres sont plus fragmentaires (Figure 3.13 ;
Figure 3.14 ; Figure 3.15 ; Figure 3.16 ; Figure 3.17 ; Figure 3.18) et elles se trouvent sur 2
urnes de 1942 conservées dans le Museo Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del
Perú à Lima (DIG : Digital Information Gateway 2020). Comme pour les jarres de 1977, les
mêmes démarches furent appliquées sans succès et tout notre corpus provient donc de la
littérature. La description des représentations se fera selon les mêmes conditions que celle
effectuée plus tôt dans ce chapitre pour les dieux aux bâtons des jarres de 1977.
Au niveau de la tête, nous retrouvons l’association d’un visage avec sa coiffe constituée d’une
bande qui l’entoure sur 3 côtés au niveau de la partie supérieure et des parties latérales. La
bande est encore une fois décorée d’un motif de méandres imbriqués d’un nombre qui semble
cette fois-ci constant. La coiffe possède des appendices dont le nombre varie selon les
représentations, mais avec une structure et des motifs qui restent similaires. Les deux bandes se
terminent systématiquement par des têtes de félin de profil qui se replient vers l’extérieur au
niveau des épaules. Parmi les autres appendices, nous retrouvons 2 têtes d’oiseau de profil
placées sur les coins supérieurs et 3 séries de plumes au centre des côtés supérieur et latéraux
de la bande. Lorsque le nombre d’appendices est plus élevé, ce sont des doubles cercles situés
entre les têtes d’oiseau de profil et les plumes du côté supérieur que nous pouvons observer. Le
visage est quant à lui constitué d’une bouche qui occupe un grand espace dans la partie
inférieure avec 16 à 20 dents, dont 4 canines qui sortent des délimitations de la bouche. Le nez
est épaté tandis que les yeux sont divisés verticalement en 2 parties égales et une bande
97
relativement fine se situe en dessous de ces yeux en contournant la bouche (Isbell 2018b:459-
En ce qui concerne la tunique, celle-ci est facilement identifiable et elle n’est pas surchargée de
motifs. Un collier est posé sur le torse de chaque divinité en dessous du visage et il est divisé
en 3 bandes recourbées avec une variation au niveau des couleurs. La tunique possède des
manches qui sont délimitées dans certaines représentations par des bandes au niveau des coudes.
Le même type de bande se situe parfois au niveau des poignets de manière totalement détachée
de la tunique. Sur l’avant de cette dernière, nous retrouvons d’autres bandes constituées de 2 à
3 méandres qui relient les épaules au bas du vêtement ou à la ceinture lorsque celle-ci est
présente. Cette ceinture est caractérisée par une alternance de rectangles de couleurs différentes
et 2 têtes d’oiseau de profil, ainsi qu’un motif de plante que nous avons déjà vu précédemment,
pendent à partir de celle-ci (Isbell 2018b:460 ; Isbell et Knobloch 2006:338 ; Knobloch 2002).
Pour les membres supérieurs, les bras sont encore une fois pliés au niveau des coudes et des
poignets. Les mains possèdent toutes 5 doigts, les ongles sont délimités et dans certaines
représentations, le changement de couleur des mains donne l’impression que la divinité porte
des gants. Le bâton tenu par la main droite est divisé en deux parties à partir de la main de la
divinité, celle du haut étant recourbée et non segmentée, tandis que celle du bas est droite et
possède 2 rectangles segmentés. L’extrémité supérieure se termine par le même motif de plante
qui peut apparaitre accroché à la ceinture, tandis que l’extrémité inférieure se termine par une
tête de félin de profil avec des canines apparentes, ainsi qu’un cœur et des poumons humains
qui pendent de sa bouche. Nous avons également deux appendices recourbés qui ressortent du
côté du bas du bâton vers l’intérieur de la représentation. Pour le bâton tenu par la main gauche,
nous pouvons voir qu’il est constitué de 3 ou 4 rectangles segmentés. L’extrémité supérieure se
termine par la même plante que sur l’extrémité supérieure de l’autre bâton, tandis que
l’extrémité inférieure se termine par un captif humain de profil qui a les mains attachées derrière
98
le dos. Cet humain possède une coiffe décorée de plumes, un ornement au niveau de l’oreille,
un collier et il porte des vêtements à partir de la ceinture (Cook 1987:67). L’œil du captif est le
seul de la représentation à ne pas posséder cette division en 2 parties égales. Mis à part cela,
nous retrouvons le même type de fine bande en dessous de son œil qui contourne la bouche. En
ce qui concerne les membres inférieurs de la divinité, le bas des jambes présente un bandeau au
niveau des chevilles et les pieds sont composés de 4 orteils. Le talon est délimité par un chevron
et un point marque le centre de cet espace. Les pieds sont de profil et sont tournés vers
l’extérieur, donc chacun dans un sens différent (Isbell 2018b:460 ; Isbell et Knobloch
En comparaison avec les représentations des jarres de 1977, nous pouvons voir que les
variations sont toujours peu prononcées, mis à part avec la présence ou non de cette ceinture et
les motifs qui y sont associés, ce qui pourrait indiquer l’existence de deux catégories de dieu
aux bâtons au sein de ce style. Au niveau des couleurs, tous les contours ne sont plus
systématiquement marqués par une ligne noire et elles sont moins variées puisque nous
retrouvons presque tout le temps la même association de couleurs chaudes avec ce violet
motifs. Le dieu aux bâtons semble également plus anthropomorphisé, la présence de plus de
courbes dans la représentation jouant certainement un rôle dans cette impression. Cela est
surtout visible au niveau de la tête du dieu aux bâtons qui a un peu perdu cet aspect de visage
rayonnant puisque la coiffe ressemble désormais beaucoup plus à une réelle coiffe qui se pose
sur la tête et qui n’émane plus autant du visage (Isbel et Knobloch 2006:338-339). L’absence
de la forme hybride sur le visage laisse plus de place aux yeux, au nez et à la bouche, ce qui
appuie cette impression d’anthropomorphisation, malgré les canines qui prennent l’allure de
99
crocs et les yeux divisés qui marquent le côté surnaturel en opposition avec les yeux du captif
En ce qui concerne ce dernier, il est nécessaire de s’y attarder puisque nous sommes face aux
premières associations directes d’un dieu aux bâtons avec une figure humaine dans
l’iconographie wari. Knobloch (2002 ; 2018:706) a réalisé une étude longue de plusieurs
décennies sur les figures humaines apparaissant sur le matériel wari. Selon elle, ces
réellement existé. À l’égard de ces captifs humains associés aux dieux aux bâtons, Knobloch
identifie deux individus qui se différencient à partir de leurs attributs, l’agent 140 qui est associé
aux divinités avec ceinture de l’une des urnes de 1942 et l’agent 150 qui est associé à la divinité
sans ceinture de l’urne de 1999 (Figure 3.19). Le corpus réduit que nous avons à notre
disposition ne permet pas de vérifier totalement cette proposition, mais il existe un captif tenu
par un dieu aux bâtons sans ceinture sur la deuxième urne de 1942 qui semble avoir des attributs
semblables au captif de la première urne de 1942, ce qui ne permet pas d’aller dans le sens de
Knobloch. Au-delà de ces considérations, les attributs de ses captifs comme les ornements au
niveau de la coiffe ou des oreilles, semblent indiquer l’appartenance à une élite étrangère. Leur
taille réduite et leur positionnement de profil pourraient symboliser leur place qui est la plus
basse dans le cadre de la hiérarchie rituelle, l’iconographie pouvant donc représenter le monde
social wari (Cook 1987:65 ; Cook 1994:179). La présence de ces captifs, ainsi que celle du
cœur et des poumons dans la bouche de la tête de félin de profil, pourraient indiquer un
développement du culte vers la pratique du sacrifice humain et une société devenue plus
guerrière de manière générale. D’autres figures humaines appartenant à ces urnes du style
100
Figure 3.12 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1999 prise par William Isbell (2018b:Figure 15.44)
101
Figure 3.13 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)
102
Figure 3.14 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)
103
Figure 3.15 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)
104
Figure 3.16 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.29)
105
Figure 3.17 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.30)
106
Figure 3.18 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de 1942 prise par William Isbell et reconstruction par Patricia
Knobloch (2018:Figure 23.30)
107
Figure 3.19 - Reconstruction de l'agent 140 (à gauche) et de l'agent 150 (à droite) dessinée par Patricia Knobloch (2002)
108
Chapitre IV
Maintenant que nous avons abordé les plus anciennes représentations de dieu aux bâtons wari
qui ont émergées et se sont développées à Conchopata, nous pouvons nous intéresser à la
diffusion de cette iconographie dans les régions des Andes centrales affectées par cette dernière,
en particulier la côte péruvienne qui dénote des autres zones influencées par la société wari.
D’une part, la côte est le premier espace où cette iconographie apparait en-dehors de la vallée
d’Ayacucho, plus spécifiquement sur la côte sud avec le style Robles Moqo qui constituera la
première partie de ce chapitre. D’autre part, le plus grand corpus de représentations que nous
avons pu rassembler dans cette étude provient de la côte centrale avec le style Pachacamac qui
sera le sujet de la deuxième partie de ce chapitre. Comme nous allons le voir, la place privilégiée
du matériel provenant de cette région n’est pas anodine compte tenu de l’importance que les
Pour le style Robles Moqo, nous allons passer par les deux mêmes étapes que celles que nous
avons mises d’application pour les céramiques de Conchopata, c’est-à-dire une étape de
concerne la contextualisation, nous allons présenter les sites associés au style Robles Moqo,
notamment en mettant l’accent sur la nouvelle région où la figure du dieu aux bâtons fit son
apparition. Suite à cela, nous allons naturellement aborder les spécificités du matériel qui est
également associé à ce style, avant de présenter de manière plus large toute la culture matérielle
similaire à ce que nous avons vu jusqu’à présent au sein de l’espace wari. Pour la deuxième
partie, nous allons réaliser une description détaillée des représentations constituant le corpus
109
que nous avons rassemblé, avant d’aborder certaines questions propres au style Robles Moqo
ou relatives à la figure du dieu aux bâtons wari dans son ensemble, le tout en prenant en compte
a. Contextualisation
En plus des céramiques abordées au chapitre précédent, il existe un autre style du nom de Robles
Moqo qui a fait son apparition à Conchopata, surtout lors des fouilles des années 1990 et 2000.
Même si Conchopata est l’endroit d’origine, le style Robles Moqo fut diffusé vers Huari et le
matériel le plus représentatif, le plus abondant et de meilleure qualité qui en est associé vient
du site de Pacheco dans la vallée de Nasca, sur la côte sud du Pérou, à partir de la période 1B
de la présence wari à Pacheco reste incertaine, il est sans aucun doute le site le plus connu de
la région et il semble avoir été un centre cérémoniel et administratif d’une grande importance,
occupé directement par des colons de la vallée d’Ayacucho. Le nom de ce site vient de Fundo
Pacheco, une section de la Hacienda Soisongo présente dans la région qui fut déjà visitée par
Uhle en 1905, ce dernier ayant trouvé des tessons dans le style Robles Moqo provenant
fit l’acquisition de fragments du même style via des pilleurs qui prétendirent avoir obtenu ce
matériel dans la vallée de Nasca. Heinrich Ubbelohde-Doering qui publia ce matériel à plusieurs
reprises pensait que ce matériel provenait bien de Pacheco. Comme annoncé plus tôt dans cette
étude, la première découverte en contexte associé au style Robles Moqo se déroula en 1927
grâce aux fouilles de Tello. Il fut mis au courant de l’existence de ce site suite aux pillages de
1926 où Eloy Centeno et Carlos Rosa mirent au jour plusieurs pièces en adobes remplies de
céramiques brisées. Des fouilles supplémentaires furent organisées sur le site en 1930 par
110
Ronald L. Olson. D’autres recherches auraient pu révéler de nouvelles informations, mais le
site de Pacheco fut malheureusement détruit en 1953 et il est maintenant recouvert par des
Menzel 1977:54 ; Schreiber 1999:168). Toutefois, ce sont ces fouilles, ainsi que les découvertes
qui en découlent, qui menèrent les chercheurs à imaginer le scénario d’une expansion de la
sphère d’influence wari vers la côte sud (Isbell et McEwan 1991:3-4 ; Knobloch 2012:127 ;
Pendant longtemps, l’idée d’une domination politique de la côte sud par la culture wari était
largement reconnue par les chercheurs, mais la nature de cette intégration resta discutable. Il
est nécessaire de préciser que les relations entre la culture wari et la culture nazca précèdent
l’établissement du site de Pacheco, ainsi que d’autres sites comme celui de Tres Pallos dans la
vallée de Ingenio, sur la côte sud. Pendant l’Intermédiaire ancien, la culture nazca fut le centre
d’une idéologie prestigieuse visible à travers son iconographie, ces têtes-trophées, ainsi que
Cahuachi qui était le principal centre cérémoniel de la région, plus précisément dans la vallée
de Nasca. Nous avons déjà vu que cette idéologie influença le matériel de la vallée d’Ayacucho,
ce qui indique que les deux régions partagèrent vraisemblablement un système de croyances
(Cook 1987:53 ; Schreiber 1999:166). L’expansion qui suivit semble avoir eu lieu dans
l’objectif stratégique d’obtenir une certaine proximité avec cette espace, notamment avec
2018:128). De plus, la présence des géoglyphes de Nasca juste au nord de Pacheco n’est
certainement pas anodine dans le cadre de cette proposition. Ce qui est marquant avec la
présence wari dans la région, c’est que nous ne retrouvons pas de projets agricoles de grande
ampleur ou de colonies standardisés aussi grandes que celles que nous pouvons retrouver sur
les hautes terres. Il est possible que cette absence d’une présence wari massive dans la région
soit simplement due au fait que la vallée connut une période de chute démographique lors de
111
l’arrivée de la culture wari. Une grande partie de la population de la région s’est concentrée
dans le site de Huaca del Loro dans la vallée de Las Trancas pendant l’Horizon moyen qui fut
1999:168 ; Valdez 2009:200-201). Malgré la présence très réduite de la culture wari à travers
des établissements urbains, il semble évident qu’une certaine influence se soit produite au
niveau des croyances et que la présence fut au moins de nature religieuse puisque nous pouvons
observer un changement important au niveau des pratiques mortuaires, mais uniquement pour
À l’image de ce que nous avons vu avec le style Conchopata, le style Robles Moqo présente
très élaborées avec des parois épaisses décorées avec le même type de couleur. Ces urnes furent
1999:168 ; Valdez 2009:190). La grande différence tient du fait que la décoration est présente
sur l’intégralité ou presque de la surface extérieure, ainsi que sur la surface intérieure (Cook
nouvelles thématiques que nous allons voir plus loin dans ce chapitre puisque cela concerne
directement la figure du dieu aux bâtons (Cook et Glowacki 2003:178 ; Knobloch 2000b:390 ;
Valdez 1994:678). Néanmoins, nous pouvons déjà brièvement présenter la grande particularité
du style Robles Moqo qui présente une version féminine du dieu aux bâtons, cela étant visible
grâce à ses vêtements et par la ressemblance à d’autres représentations féminines plus tardives
de la culture wari (Lyon 1978:109). Celle-ci est uniquement représentée sur les panneaux
verticaux de la paroi intérieure des urnes, en alternance avec la version masculine pour un total
de 4 divinités (Figure 4.1). Sur la paroi extérieure, nous ne retrouvons que le dieu aux bâtons
112
masculin à travers deux représentations séparées par les anses (Cook 1987:60-61 ; Isbell et
al. 1998:278). Ces dernières sont également différentes puisqu’elles sont plus grandes et elles
elles forment une continuité avec les motifs qui décorent les récipients (Menzel 1977:54). En
plus de ces urnes, il existe d’autres formes surdimensionnées sans le répertoire caractéristique
de la sphère d’interaction de la partie méridionale des Andes, ainsi que des céramiques non
décorées de plus petite taille, 3 à 8 fois plus petites, qui sont associées à ce style. L’association
de ces dernières avec les urnes pourrait indiquer un usage rituel, mais qui ne semble pas être
exclusif puisque leur présence dans certains contextes domestiques signalerait un usage
simplement utilitaire (Menzel 1968:49-50). Le matériel Robles Moqo semble être très similaire
d’un site à l’autre, mais quelques particularités locales sont visibles, que ce soit à Conchopata,
de ces différents sites est difficile à mettre en place, car le corpus provenant de la vallée
d’Ayacucho est très fragmenté (Menzel 1964:21-26). Toutefois, cela ne fait aucun doute que ce
style est dans la continuité directe avec les productions vues précédemment, le manque de
preuves chronologiques ou stratigraphiques n’indique d’ailleurs pas une division nette entre le
style Conchopata et le style Robles Moqo, et ce, malgré les innovations (Pozzi-Escot et al.
Les céramiques de Conchopata que nous avons abordées dans le chapitre précédent, ainsi que
celles du style Robles Moqo présentées ici, semblent toutes faire partie d’une tradition wari qui
au départ ces céramiques prirent l’apparence de jarres à effigie humaine, elles se transformèrent
très rapidement en urnes comme nous avons pu le voir à partir du style Conchopata. Cette
tradition, et par extension les activités cérémonielles wari, semble avoir accompagné
113
l’expansion wari dans les Andes centrales puisqu’il existe d’autres sites que nous n’avons pas
abordés et qui possèdent ce type de matériel comme Ayapata dans la vallée de Huancavelica
(Menzel 1968:48-49 ; Ravines 1968:39 ; Ravines 1977:49), Maymi dans la vallée de Pisco
Oroya dans la vallée de Acari. Cependant, mis à part ces sites, il n’en existe aucun autre avec
ce type de matériel et cela est peut-être possible à cause de la sélection très stricte de
besoin pratique et spirituel en eau suite à une sécheresse s’étant étalée sur plusieurs décennies
pendant le 6ème siècle, au moment de l’émergence de la culture wari, à travers une grande partie
des Andes (Conlee 2010:97 ; Glowacki et Malpass 2003:434 ; 443 ; Mogrovejo et Makowski
1999:56). De plus, même si le matériel provenant des sites mentionnés ci-dessus concorde avec
plusieurs différences stylistiques dans la plupart des pièces qui nous empêchent d’associer ce
présence du dieu aux bâtons semble secondaire (Menzel 1968:53-55 ; Ravines 1968:27).
D’autres fouilles pourraient être utiles pour apporter plus d’informations, mais cela n’est pas
possible dans tous les sites, le meilleur exemple étant celui de La Oroya puisque celui-ci est
détruit par son incorporation dans la ville moderne d’Acari et par les nombreux pillages (Valdez
2009:190-193 ; 196-200).
114
Figure 4.1 - Photographie de l'intérieur d'une urne de Pacheco prise par Donald Proulx (Lyon 1978:Figure 14)
115
b. Description et analyse
Le matériel associé au style Robles Moqo présentant la figure du dieu aux bâtons est très limité
et, d’après les informations dont nous disposons, seulement 4 urnes de Pacheco avec ce type de
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú depuis leur reconstruction en 1932,
tandis que l’emplacement de la quatrième urne est inconnue, mais nous savons qu’elle fut
reconstruite dans le American Museum of Natural History (Menzel 1964:24). Notre corpus est
encore plus limité puisque nous avons obtenu 5 représentations masculines de la divinité à
travers les 3 urnes conservées à Lima (Figure 4.2 ; Figure 4.3 ; Figure 4.4 ; Figure 4.5 ; Figure
4.6) et parmi celles-ci, il n’y a qu’une représentation dont la photographie est de bonne qualité.
Cette dernière provient de la littérature, tandis que les autres proviennent du catalogue en ligne
du Museo Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú. En ce qui concerne les
représentations féminines, nous avons uniquement un dessin détaillé d’une des représentations
provenant des urnes de Lima (Figure 4.7) puisque toutes les photographies que nous avons
retrouvées de la paroi intérieure des urnes ne permettent pas une description et une analyse
détaillée des représentations. La description suivra le même procédé que dans le chapitre
Au niveau de la tête, celle-ci est toujours quadrangulaire et nous retrouvons l’association d’un
visage avec sa coiffe constituée d’une bande qui l’entoure sur tous les côtés comme sur les
jarres de 1977. La bande est encore une fois décorée d’un motif de méandres imbriqués d’un
nombre variable. La coiffe des divinités masculines possède 17 appendices, tandis que la déesse
en possède 13 et même si la structure reste la même, nous pouvons déjà observer la présence
de motifs différents. Les dieux aux bâtons possèdent des têtes de félin de profil sur chaque coin
de la bande, les côtés latéraux sont composés d’une alternance de têtes d’oiseau de profil avec
116
des épis de maïs et des têtes de serpent et le côté supérieur est composé de têtes d’oiseau de
profil, ainsi que de têtes de serpent avec le sommet de leur tête qui semblent se terminer en
motif de plante. Les appendices latéraux de la déesse aux bâtons sont similaires, mais les têtes
de félin de profil sont remplacées par des têtes d’oiseau de profil et les appendices supérieurs
sont composés d’épis de maïs qui entourent un motif de plumes. Le visage est quant à lui
constitué d’une bouche avec 10 à 14 dents pour le dieu et 10 dents pour la déesse, dont 4 canines
en N pour les deux. Le nez est épaté, tandis que les yeux sont divisés verticalement en 2 parties
égales et ils sont associés à des sourcils, à des ailes et à des têtes de serpent (Knobloch 2002 ;
La tunique est la partie des représentations qui diffèrent totalement puisque les divinités ne
portent pas le même type de vêtements comme annoncé précédemment. Du côté masculin, la
tunique à manches arrive jusqu’aux genoux et elle est divisée en deux parties par une ceinture
formée de 4 rectangles segmentés qui se terminent aux extrémités par des têtes d’oiseau de
profil. La partie supérieure possède des bandes décorées de méandres imbriqués qui relient la
ceinture aux épaules et le même type de bandes se situe aux extrémités des manches, alors que
la partie inférieure est marquée par 3 têtes de serpent qui pendent de la ceinture. Du côté
féminin, la tunique semble plutôt être une robe qui arrive également jusqu’aux genoux. Elle est
décorée par des motifs de maïs sur la partie inférieure et des motifs phytomorphes sur la partie
supérieure. En plus des vêtements, nous pouvons voir un manteau accroché au niveau des
épaules qui se termine à la même hauteur que la robe (Knobloch 2002 ; Lyon 1978:110 ;
Les membres supérieurs et inférieurs sont similaires dans les deux représentations puisque nous
retrouvons ces bras pliés au niveau des coudes et plus légèrement au niveau des poignets, avec
5 doigts et 5 orteils avec les ongles délimités. Les pieds sont de profil en étant tournés vers
l’extérieur et les talons sont délimités par un chevron avec un point au milieu de cet espace. La
117
seule différence se trouve sur le fait que le dieu aux bâtons possède des bandeaux au niveau des
chevilles. Les bâtons sont quant à eux totalement différents à l’image des vêtements puisque du
côté des divinités masculines, celles-ci sont composées de 9 rectangles segmentés avec les 2
derniers qui sont recourbés vers l’intérieur au niveau de l’extrémité inférieure. L’extrémité
supérieure des deux côtés est quant à elle décorée d’une tête de félin de profil regardant vers
l’extérieur de la représentation. Pour la divinité féminine, nous retrouvons des bâtons composés
d’une bande imbriquée dans une autre avec des têtes de serpent du côté de l’extrémité inférieure
et du côté de l’extrémité supérieure, nous pouvons voir un épi de maïs sur le bâton tenu par la
main droite et un motif de plumes différent de celui de la coiffe sur l’autre bâton (Isbell
Ce qui ressort de ces représentations par rapport à celles de Conchopata c’est la symétrie
parfaite et l’absence presque totale de variations entre les divinités masculines. Au niveau des
couleurs, nous retrouvons un aspect très similaire à celui des dieux aux bâtons du style
Conchopata avec des couleurs chaudes comme le rouge ou le violet et les contours ne sont pas
systématiquement marqués par des lignes noires (Mancilla et al. 2019:100). De manière
générale, le côté anthropomorphisé des divinités est encore plus marqué, à l’exception de la tête
qui reprend un peu plus ce côté « visage rayonnant » à cause de la coiffe. En ce qui concerne la
datation du matériel Robles Moqo, aucun nouvel élément n’a fait son apparition depuis les
recherches menées par Menzel qui associe ce style à la période 1B de l’Horizon moyen.
Néanmoins, si nous nous tenons à sa séquence chronologique où le style Robles Moqo est plus
tardif que le style Conchopata, il est nécessaire de réévaluer cette datation puisque nous avons
vu que le matériel de la vallée de Ayacucho est plus tardif que ce que nous pensions
initialement. Étant donné la forte ressemblance avec les divinités du style Conchopata, le style
Robles Moqo pourrait au moins dater de la même époque, c’est-à-dire pendant la période 2A,
118
Au niveau des motifs, il semble y en avoir beaucoup plus, mais avec la disparition de la
thématique de la guerre ou du sacrifice humain que nous pouvions observer au sein du style
Conchopata. Cependant, une thématique associée au maïs fait son apparition et elle est très
présente dans ces représentations, surtout du côté de la version féminine de la divinité où nous
pouvons même voir différentes variétés de maïs, certains chercheurs voyant cela comme un
rapport à la fertilité (Menzel 1964:26). Cette idée de fertilité semble aller totalement de pair
avec la représentation d’un couple divin que certains identifient même au soleil et à la lune
d’autres représentations de cultigènes typiquement andins au sein du style Robles Moqo comme
la pomme de terre, la patate douce, l’ulluques, le mashua, le kiwicha, le quinoa ou l’oca (Cook
et Glowacki 2003:178 ; Mancilla et al. 2019:98-99 ; Menzel 1968:49 ; Valdez 2018:124). Ces
différentes représentations de plantes sont stylisées et ne sont donc pas rendues de manière
naturaliste, mais il est possible de les reconnaitre, car les artisans ont fait ressortir leurs attributs
principaux comme les feuilles, les fleurs ou même les branches (Knobloch 2000b:390). Cette
mise en évidence de ces produits provenant des hautes terres des Andes (Pozzi-Escot et al.
1998:278), et par extension de l’idée de prospérité agricole, est certainement stratégique et cela
fut probablement bien accueilli dans une région comme la côte sud qui est très aride (Menzel
Huamanga réalisent un pèlerinage chrétien dans la région de Pacheco lors de la fête de la Croix
du 03 mai où ils portent des plantes pour les déposer devant un portait du Christ sur la croix
dans une chapelle. Selon Valdez (1994:678), cela pourrait être indicateur d’une ancienne
Jusqu’à présent, l’analyse des représentations du dieu aux bâtons wari nous a permis de
constater que la figure de la divinité tend à se multiplier sur les artéfacts qui la représentent. Il
serait intéressant de se questionner sur l’identité de cette figure, surtout depuis que nous savons
119
qu’il en existe une version féminine. Depuis le début des recherches sur le dieu aux bâtons, un
des axiomes de l’archéologie andine fut de l’établir comme une divinité unique partagée par les
deux principales entités politiques de l’Horizon moyen. La majorité des chercheurs du 20ème
siècle partaient donc du principe que toutes les représentations faisaient référence au même
individu, et ce, malgré la variabilité de ces représentations qui présentent des motifs différents
comme nous l’avons vu précédemment. Les recherches menées à Tiahuanaco ont énormément
contribué à ce que le dieu aux bâtons soit perçu comme une divinité unique. En effet, depuis
Soleil comme si ces dernières étaient des signes calendaires (Isbell 2008:734 ; Janusek
Viau-Courville:13-14) et pour cela, ils partirent du principe que le dieu aux bâtons était le soleil
2009:133-134). Il est certain que le côté surnaturel du dieu aux bâtons semble assez évident
compte tenu de ces caractéristiques iconographiques telles que les yeux divisés, les crocs
saillants ou même la coiffe avec des appendices de différents motifs (Cook 1987:61-62 ; Cook
1994:178 ; Haeberli 2018:148). Toutefois, le caractère unique du dieu aux bâtons semble moins
probant, cela étant remis en question par certains chercheurs, et ce, depuis la création même de
sans aucun doute le chercheur qui a le plus contribué dans cette remise en question. Selon lui,
les acolytes de profil qui accompagnent notre divinité dans les répertoires iconographiques
tiwanaku et wari pourraient être des dieux aux bâtons de profil. Ces acolytes portent
généralement un bâton dans la main qui est représentée et il ne serait pas impossible que l’autre
main non représentée puisse également en porter un. En plus de partager cet objet, ces figures
possèdent également des coiffes rayonnantes, ce qui vient appuyer l’idée que ces différentes
120
représentations puissent être celles d’un même type d’individus. La différence de représentation
indiquerait l’existence d’une certaine hiérarchie, la divinité ayant le rang le plus haut étant
représentée de face, tandis que la divinité ayant un rang plus bas serait représentée de profil. Ce
serait donc une question de convention, les motifs servant à identifier une divinité d’une autre,
ces derniers pouvant fonctionner de la même façon que nos armoiries ou les tokapus incas.
Makowski réalise une comparaison avec les saints du répertoire iconographique chrétien
puisque ceux-ci partagent des attributs communs comme les auréoles au-dessus de la tête tout
en représentant des individus différents, chacun ayant sa propre histoire et ses propres attributs.
Il serait possible que nous ayons quelque chose de similaire avec le dieu aux bâtons étant donné
qu’ils partagent tous une structure générale similaire, mais avec une variabilité au niveau des
motifs. Même si cette hypothèse est intéressante, il est nécessaire de prendre en compte que les
études de Makowski se sont surtout centrées sur le répertoire tiwanaku et une étude plus poussée
sur les acolytes de profil wari serait nécessaire pour aller plus loin dans ce raisonnement.
Néanmoins, il est nécessaire de prendre en compte qu’au sein du style Robles Moqo, les dieux
aux bâtons ne sont pas accompagnés par des acolytes de profil comme sur les céramiques de
Conchopata.
121
Figure 4.2 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000121609
122
Figure 4.3 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000121609
123
Figure 4.4 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000127391
124
Figure 4.5 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco provenant du catalogue en ligne du Museo
Nacional de Arqueología, Antropología e Historia del Perú avec le code de registre 0000127391
125
Figure 4.6 - Photographie d’un dieu aux bâtons sur une urne de Pacheco prise par Krzysztof Makowski (Bernier et
Chapdelaine 2018:Figure 19.4)
126
Figure 4.7 - Dessin de la déesse aux bâtons n°17 du style Robles Moqo réalisé par William Isbell (2008:Figure 37.5)
127
2. Le style Pachacamac
Pour rester dans la continuité de ce chapitre, nous allons commencer par une contextualisation
du style Pachacamac en passant en revue certaines informations à propos des contacts wari avec
la côte centrale, avant de nous consacrer à la présentation du style en tant que tel et au matériel
directement concerné par notre étude. Nous allons fatalement réaliser une description du large
corpus que nous avons pu constituer et terminer ce chapitre en mettant en évidence quelques
remarques suite à une analyse iconographique de ce matériel et une comparaison avec les
représentations antérieures, que ce soit celles du style Robles Moqo ou celles apparaissant sur
a. Contextualisation
Le style Pachacamac est principalement distribué à travers la côte centrale du Pérou, mais il se
retrouve également sur la côte nord et il possède une variante sur la côte sud que nous nommons
Traditionnellement, la côte centrale du Pérou aurait joué un rôle particulier au sein de la sphère
d’influence wari et le matériel produit localement se serait exporté au côté des différents styles
wari (Lumbreras 1974:173). Le site de Cajamarquilla dans la vallée de Rímac était considéré
comme le premier centre urbain wari et le principal pôle d’autorité dans la région, avant que ce
pouvoir ne soit transféré vers Pachacamac dans la vallée de Lurín avec la montée en puissance
de la culture wari (Lumbreras 1974:166 ; Menzel 1977:46). Pachacamac fut un des sites
préhispaniques des Andes les plus importants et fut occupé continuellement à partir de
religieux oraculaire important au sein de la sphère d’influence wari puisqu’il aurait contribué à
128
(Franco et Paredes 2000:611 ; Glowacki et Malpass 2003:432-434 ; 438). Selon Lumbreras
(1974:168), ce culte wari aurait été si fort qu’il aurait été encore célébré lors de l’occupation
inca du site. Cependant, la domination wari sur la côte centrale est de plus en plus remise en
question par la communauté scientifique aux vues des recherches de ces dernières décennies.
Ces dernières ont prouvé que Cajamarquilla fut abandonné à la fin de la période 1A, bien plus
tôt que ce que nous pensions auparavant, à cause d’une sècheresse provoquée par une rupture
4.8). Tous les contextes wari ultérieurs seraient dès lors intrusifs (Mogrovejo et Makowski
1999:55). En ce qui concerne Pachacamac, aucune structure monumentale wari ne fut retrouvée
et les découvertes d’artéfacts appartenant au style Pachacamac sont assez rares, en partie à cause
des nombreux pillages qui dégradèrent le site. De plus, aucune trace de production de cette
céramique ne fut également retrouvée, que ce soit à Pachacamac ou ailleurs dans les Andes
2016:11-12). Ces artéfacts du style Pachacamac se limitent à la zone la plus sacrée du site et
en-dehors de celui-ci, elles se trouvent uniquement dans des contextes funéraires dédiés aux
élites comme à Ancón entre les vallées de Chancay et de Chillón (Menzel 1977:45-46) ou à San
José de Moro dans la vallée de Jequetepeque (Castillo 2001:321 ; Castillo et Donnan 1994:108 ;
qu’une petite partie des ensembles retrouvés puisqu’il est généralement associé à des objets
appartenant à des styles locaux, comme le style Nievería qui est associé aux premières
d’autres styles wari (Castillo 2000:23 ; Kaulicke 2000:330 ; 335-336). Cela semble indiquer un
usage de ce matériel restreint à une élite dans l’objectif d’atteindre certains buts spécifiques, la
production était donc probablement elle-même très réduite (Eeckhout 2018:533-535 ; 541-544).
Nous pouvons voir cela du côté de la culture moche dont les élites affaiblies pendant l’Horizon
129
moyen semblent avoir utilisé l’idéologie et l’iconographie wari dans leur propre stratégie de
Le style Pachacamac, ainsi que les autres styles wari contemporains comme Viñaque ou Atarco,
dérive essentiellement de Conchopata et de Robles Moqo qui seraient arrivés sur le site
éponyme vers la fin de la période 1B selon Menzel (1964:35-36 ; Franco et Paredes 2000:611).
Les quelques datations que nous avons à notre disposition indiquent que la durée de vie de ce
style se situerait entre 850/900 et 980/1050 ap. J.-C. (Eeckhout 2018:560-562), mais il est
possible que de nouvelles données viennent apporter plus de précisions à ce sujet. Les plus
grandes collections associées à ce style furent rassemblées par deux Allemands, Arthur Baessler
et surtout Wilhelm Gretzer, à la fin du 19ème siècle. Elles se trouvent actuellement à Hannover,
à Hildesheim et surtout dans le Ethnologisches Museum à Berlin qui possède la plus grande
collection au monde d’artéfacts de ce style avec plus d’une centaine d’objets. Parmi ces
artéfacts, nous retrouvons une cinquantaine de gobelets, la plupart des représentations de dieux
aux bâtons se retrouvant sur ces formes sous une forme stylisée, voir cartoonesque, et avec leur
visage peint et parfois modelé, ainsi que 19 jarres dont le goulot représente un visage (Knobloch
1989:116 ; Knobloch 2012:139 ; Menzel 1964:58). Ces collections possèdent également des
objets fabriqués avec d’autres matériaux comme le textile ou le bois. Malgré le fait que ces
artéfacts sont associés au site de Pachacamac, il est nécessaire de préciser que leur provenance
est incertaine. Leurs collections abritent du matériel qui semble provenir d’autres régions des
Andes centrales et certains objets semblent même être ultérieurs à l’Horizon moyen. Quelle que
soit leur provenance, les artéfacts de ces collections sont très peu connus étant donné l’existence
de très peu de publications à leur sujet, surtout avec des illustrations. Néanmoins, elles furent
d’une importance capitale pour Uhle qui eut l’occasion de se familiariser avec ce matériel lors
de son travail muséologique à Berlin avant d’entamer son voyage en Amérique du Sud en 1892
et c’est ainsi qu’il découvrit du matériel similaire sur le site de Pachacamac qui sera définit
130
comme tiahuanacoïde, avant d’être associé par la suite au style définit par Menzel (1964:53 ;
La céramique du style Pachacamac est de très bonne qualité et elle présente une surface peinte
polychrome assez uniforme décorée par des êtres mythiques. Comme toutes les céramiques que
nous avons vues jusqu’à présent, elle est caractérisée par son usage cérémoniel puisque les
formes, comprenant des bouteilles, des jarres ou même des assiettes, suggèrent l’acte de boire
ou de servir et non de cuisiner ou de stocker. Toutes ces formes possèdent elles-mêmes plusieurs
variantes qui agrandissent la palette des possibilités. Il est nécessaire de préciser que la majorité
d’entre elles existait déjà au sein des styles locaux, comme dans le style Lima (Castillo
2001:325), avant l’apparition de la culture matérielle wari qui a tout de même contribué pour
l’apparition de certaines formes dans la région, notamment celle des gobelets similaires aux
keros wari et tiwanaku. Ce qui est notable vis-à-vis du nombre croissant de ces formes au sein
du style Pachacamac, et de manière générale dans les styles wari contemporains, c’est de
constater que l’usage cérémoniel semble se diriger vers un usage à plus grande échelle, même
si celui-ci reste cantonner aux élites. Les styles précédents présentaient des jarres ou des urnes
surdimensionnées dont le destin était d’être brisées et enterrées volontairement suite à un usage
unique dans le cadre d’une cérémonie plus exclusive. Mais avec les nouveaux styles régionaux
ultérieurs au style Robles Moqo, l’aspect cérémoniel semble s’organiser autour d’une vaisselle
utilisée plus fréquemment lors de festins ou de banquets assistés par un public plus large
(Knobloch 1989:116-118 ; Knobloch 2012:131 ; 139). Cela va se traduire dans notre corpus
comme nous allons le voir dans la suite de ce chapitre puisque cela affecte directement les
propres à ce style comme celle du griffon. Ce matériel Pachacamac fut divisé par Menzel
131
(1964:35-37) en deux phases qui correspondent respectivement aux périodes 2A et 2B de sa
séquence chronologique de l’Horizon moyen (Kaulicke 2000:330 ; 335). Cette division s’est
surtout faite selon l’existence de différences au sein de l’iconographie, la deuxième phase ayant
apporté quelques nouveautés par rapport à la première qui suivit des conventions assez
référence à ce que nous pouvons attribuer aujourd’hui à cette deuxième phase du style
132
Figure 4.8 - Carte du bassin du fleuve Rímac (Mogrovejo et Makowski 1999:47)
133
b. Description et analyse
Le corpus que nous avons rassemblé pour analyser l’iconographie du dieu aux bâtons au sein
du style Pachacamac est celui qui présente le plus de représentations en comparaison avec les
autres corpus que nous avons présentés précédemment dans notre étude. Nous disposons de 16
représentations décorant des gobelets qui se trouvent dans les collections de Baessler et Gretzer
du Ethnologisches Museum de Berlin (Figure 4.9 ; Figure 4.10 ; Figure 4.11 ; Figure 4.12 ;
Figure 4.13 ; Figure 4.14 ; Figure 4.15 ; Figure 4.16 ; Figure 4.17 ; Figure 4.18 ; Figure 4.19 ;
Figure 4.20 ; Figure 4.21 ; Figure 4.22 ; Figure 4.23 ; Figure 4.24). Les illustrations furent
toutes obtenues à partir du catalogue en ligne du musée, ce qui pose un inconvénient majeur
puisque les bâtons des divinités n’apparaissent systématiquement pas dans les photographies.
Bien entendu, nous avons pris la peine de contacter les autorités compétentes du musée quant
à ces artéfacts, mais aucune réponse n’est arrivée. Il est nécessaire de préciser également que
nous avons mis de côté certaines représentations qui apparurent pendant notre recherche,
certaines à cause de leur état, et d’autres parce qu’elles étaient si déviantes que nous n’étions
pas surs qu’elles représentaient réellement des dieux aux bâtons. Comme depuis le début de
cette étude, nous allons commencer par une description avant d’entamer l’analyse de ces
représentations.
La tête de toutes les divinités est quadrangulaire et le visage est systématiquement entouré par
une coiffe sur les côtés latéraux et supérieur comme dans le style Conchopata. La bande de la
coiffe n’est pas décorée par des méandres imbriqués comme dans toutes les représentations que
nous avons analysées jusqu’à présent, puisqu’ils sont remplacés par des points d’un nombre
variable. En ce qui concerne les appendices de la coiffe, celles-ci varient entre 7, 9 et 11 selon
les représentations. Nous retrouvons systématiquement une touffe de plumes au centre du côté
supérieur et, dans le cas des figures avec 9 ou 11 appendices, celle-ci est accompagnée par des
134
points cerclés dont la base est soit un triangle, soit un trapèze, décoré par un trait ou un autre
triangle. Sur les côtés latéraux, nous retrouvons cette touffe de plumes au centre accompagné
d’un nombre variable de points cerclés avec le même type de bases que pour le côté supérieur.
Au niveau des coins supérieurs, nous retrouvons régulièrement une bande décorée d’un trait qui
relie la coiffe à un motif phytomorphe ou qui forme une continuité directe avec la bande de la
coiffe. Sur le visage, nous avons une nouveauté puisque certaines dans certaines
représentations, le nez, les yeux et le menton sont en relief. Le nez prend diverses formes, tandis
que les yeux sont divisés en deux parties et ils sont régulièrement accompagnés par de simples
traits qui sont parfois décorés par des points avec des motifs de plumes et d’ailes mythiques. Il
existe une représentation déviante puisqu’elle possède des yeux représentés comme ceux des
captifs humains dans le style Conchopata. En ce qui concerne la bouche, celle-ci occupe un
large espace avec un nombre variable de dents et certaines figures ne possèdent pas les canines
que nous avions l’habitude de voir dans toutes les représentations de dieu aux bâtons. La tunique
possède quant à elle des manches et une encolure en V est généralement représentée. Elle est
divisée par une ceinture constituée de traits segmentés qui est reliée aux épaules, mis à part dans
une représentation, par une bande décorée avec des méandres imbriqués, des croix ou des traits.
Des motifs similaires aux appendices de la coiffe pendent à partir de cette ceinture et ils
systématiquement au nombre de 3. Dans la majorité des représentations, ces motifs sont des
plumes avec une base trapézoïdale. Les chevilles sont recouvertes par un bandeau et les pieds
sont de profil en étant tournés vers l’extérieur. Ils possèdent des orteils délimités et le talon est
systématiquement délimité par un chevron avec un point en son centre (Knobloch 2002).
Parmi toutes les représentations de dieu aux bâtons que nous avons pu analyser jusqu’à présent,
il ne fait aucun doute que celles du style Pachacamac sont celles qui montrent le plus de diversité
au niveau de l’apparence générale des divinités. Il semble évident que ces objets n’ont pas été
fabriqués, ou du moins décorés, par un seul individu ou par un seul atelier étant donné les
135
différences notables au niveau de la précision des traits et les variations au niveau des motifs.
Néanmoins, en comparaison avec les plus anciennes représentations, nous pouvons constater
que le nombre de motifs est resté relativement constant, même si nous ne retrouvons plus du
tout de motifs zoomorphes, du moins au niveau de la tête ou de la tunique. Cela est d’autant
plus surprenant puisque le support est lui-même beaucoup plus petit en comparaison, par
exemple, avec les urnes surdimensionnées du style Robles Moqo qui pouvaient faire plus d’un
demi-mètre de haut. Toutefois, le changement de taille se fait ressentir, notamment par le côté
plus stylisé et synthétique de ces représentations. Malheureusement, l’absence des bâtons nous
empêche de réaliser une analyse iconographique complète de ces dieux aux bâtons, mais nous
pouvons tout de même remarquer que certains de leurs aspects sont restés inchangés au fil des
représentations depuis l’arrivée de cette iconographie à Conchopata comme la manière dont les
136
Figure 4.9 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 13695
137
Figure 4.10 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19166
138
Figure 4.11 - Photographie prise par Martin Franken d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19167
139
Figure 4.12 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19172
140
Figure 4.13 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19173
141
Figure 4.14 - Photographie prise par Martin Franken d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19174
142
Figure 4.15 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 19176
143
Figure 4.16 - Photographie prise par Sandra Steiß d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49212
144
Figure 4.17 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49214
145
Figure 4.18 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49215
146
Figure 4.19 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49216
147
Figure 4.20 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49217
148
Figure 4.21 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49218
149
Figure 4.22 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49222
150
Figure 4.23 - Photographie prise par Claudia Obrocki d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49225
151
Figure 4.24 - Photographie prise par Ines Seibt d’un dieu aux bâtons sur un gobelet du style Pachacamac provenant du
catalogue en ligne du Ethnologisches Museum avec le code de registre V A 49240
152
Conclusion
Cette étude diachronique sur l’iconographie du dieu aux bâtons wari n’a pas été une tâche aisée
par cette place de choix occupée par la contextualisation. Cependant, même si l’étude en tant
que telle des représentations tarda à débuter, nous pensons qu’il était inévitable de passer par
cette étape de mise en contexte pour nous permettre d’élaborer et d’aborder notre corpus avec
pendant l’Horizon Moyen était plus que nécessaire, ne fût-ce que pour la séquence
chronologique de Dorothy Menzel qui a rythmé toute notre étude. Le fait d’avoir consacré du
temps aux premières recherches qui permirent de différencier la culture wari de la culture
tiwanaku fut également important. Cela montra à quel point la question du rapport entre ces
deux sociétés est enracinée dans notre tradition scientifique sur le sujet et cela affecte encore
notre approche de l’iconographie de cette période. La lecture des publications de ces dernières
décennies montre que nous avons tendance à nous focaliser sur la question des origines de la
figure du dieu aux bâtons wari et c’est pourquoi nous avons décidé de nous focaliser sur l’étape
d’après. En ce qui concerne le deuxième chapitre, le passage en revue de ces prototypes de dieu
aux bâtons des Andes méridionales avait naturellement l’objectif de mettre en évidence cette
Andes centrales n’est également pas anodine puisque nous avons voulu rappeler, malgré toutes
les nouvelles informations obtenues ces dernières années par rapport aux Andes méridionales,
que la question du rapport de la culture chavín avec cette sphère d’interaction était toujours
d’actualité depuis les publications de John Rowe sur le sujet, même s’il est probable que nous
153
Suite à cela, notre développement quant à l’évolution de l’iconographie du dieu aux bâtons wari
plusieurs régions des Andes centrales. L’étude de l’évolution des représentations entre les jarres
de 1977 et le style Conchopata fut d’une extrême importance pour toutes les représentations
ultérieures puisque c’est à ce moment-là que le plus grand écart stylistique se mis en place entre
deux catégories de dieu aux bâtons. C’est avec le style Conchopata que la divinité a acquis une
apparence propre à la culture wari et c’est également au sein de ce style que nous avons pu
commencer à approfondir notre analyse avec l’apparition de cette thématique tournant autour
de la guerre ou du sacrifice humain. Le développement sur la côte avec le style Robles Moqo
fut également marquant étant donné la multiplication des représentations que nous avons pu
constater. Si chaque jarre de 1977 ne présentait qu’une seule représentation de la divinité, les
urnes de Pacheco présentèrent jusqu’à 6 dieux aux bâtons. Parmi ceux-ci, nous retrouvons une
version féminine de la divinité qui a ouvert la question de l’identité de la divinité. Nous avons
littérature, mais plus de représentations seraient nécessaires pour pousser l’analyse plus loin.
Enfin, le dieu aux bâtons du style Pachacamac semble avoir permis à un plus grand nombre
d’artisans de travailler à la réalisation de ces dieux aux bâtons puisque chaque représentation
Ce qui apparaît assez clairement suite à cette étude, c’est la nécessité d’étudier encore plus en
profondeur l’évolution de cette figure qu’est le dieu aux bâtons dans un projet qui ne sera pas
aussi limité formellement que celui-ci. L’étude des figures qui accompagnent la divinité serait
une étape supplémentaire qui nous permettait d’approfondir nos interprétations, notamment en
ce qui concerne les thématiques que nous avons mis en évidence au sein des styles Conchopata
et Robles Moqo.
154
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