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Nicolas Méra

Volontaire en Service Civique


Octobre 2018 – Juin 2019

CHÂTEAU DE MAINTENON :
SYNTHÈSE DES RECHERCHES HISTORIQUES
ET PRÉCONISATIONS MUSÉOGRAPHIQUES

Conseil Départemental d'Eure et Loir – Hôtel du Département


1 Place Châtelet – CS70403 – 28008 CHARTRES CEDEX
Service d’archéologie préventive – Allée du Général Martial Valin – 28000 Chartres
AVANT-PROPOS

L’objet du présent document est double : synthétiser les recherches effectuées dans le
cadre de ma mission centrée sur le château de Maintenon, mais aussi explorer des
pistes nouvelles de valorisation archéologique et muséographique sur ce site.
Si je me permets d’y intégrer mes suggestions et mes conclusions, c’est en amateur
dépourvu de formation historique ou archéologique ; cet apport, aussi modeste soit-il,
doit donc être reçu tout au plus comme l’œuvre d’un curieux et non d’un véritable
chercheur. Néanmoins, une personne non-initiée, nouvellement confrontée au sujet ou
en quête d’informations générales et synthétiques y trouvera sans doute une
introduction bienvenue, avant de s’orienter vers des sources plus riches et spécialisées
(on pourra se reporter à la bibliographie en page 35 pour davantage de détails).
La seconde partie, consacrée à la valorisation « pure et dure », est avant tout destinée
aux équipes du Château de Maintenon et à celles de la Culture du Conseil
Départemental d'Eure et Loir. Pourquoi ? Parce qu’elles seront les plus à même
d’enclencher des opérations de médiation culturelle à Maintenon, sur un site dont le
potentiel immense – riche de plus d’un millénaire d’histoire – semble encore largement
inexploité.
Enfin, ce document dans son ensemble s’adresse évidemment aux autorités
départementales : dans le cadre de la machinerie du CD28, tout projet culturel doit,
pour se concrétiser sur le terrain, recevoir l’aval des échelons supérieurs avant d’être
mis en application. J’invite donc les élus à lire ce rapport, pour se rappeler la richesse
de l’histoire du domaine et l’importance de la concrétisation des recherches
archéologiques et historiques, qui trop souvent restent confinées dans les bureaux ou
les cartons des « découvreurs ».
Je vous encourage donc à partager le résultat de neuf mois (plus précisément, de 960
heures) d’efforts aux professionnels ou amateurs qui rentrent dans ces trois catégories,
afin de contribuer au rayonnement du Château de Maintenon et à sa meilleure
compréhension aussi bien par les chercheurs que par le grand public.
J’espère que le présent document sera utile ; ou, tout du moins, que sa lecture vous
sera agréable voire (sait-on jamais) divertissante.

Nicolas Méra
Volontaire en Service Civique
Chartres, le 14 mai 2019

2
SOMMAIRE

INTRODUCTION 4
SECTION I. SYNTHESE DES RECHERCHES 5

I. Le château de Maintenon 5
A. Synthèse historique
1. Les seigneurs de Maintenon 5
2. Le château avant 1500 9
3. La période Cottereau 11
4. Le Grand Siècle à Maintenon 12
B. L’épineuse question du « donjon » 14
C. Les aménagements défensifs 16
D. Maintenon, terre de justice ? 19
E. Synthèse : l’évolution du château au cours des siècles 20

II. L’aqueduc de Maintenon 21


A. Synthèse historique
1. Genèse du projet 21
2. Sur les traces du Canal Louis XIV 23
3. Un chantier colossal 24
4. Abandon et désuétude 28
B. Un territoire façonné par le chantier de l’aqueduc 29
C. Les bateaux de Vauban 32
D. Fenêtres sur le chantier de l’aqueduc 33

III. Bibliographie et références 35

SECTION II. PRECONISATIONS MUSEOGRAPHIQUES 40


I. Introduction 40
II. La réalité virtuelle 41
III. Les sites inexploités 42
IV. Les bateaux de Vauban 43
V. Les travaux hydrauliques précurseurs 43
VI. Autres pistes de valorisation 44

CONCLUSION GENERALE 45
ANNEXES 46
REMERCIEMENTS 57

3
INTRODUCTION

Le Château de Maintenon est un « objet » archéologique et historique fort complexe.


De l’aveu de de nombreux commentateurs (et de l’observateur avisé), le domaine
constitue un véritable pêle-mêle d’époques variées et d’influences diverses. Ses
façades, notamment, traduisent les fantaisies de ses propriétaires successifs. En
conséquence, la datation de ces éléments disparates est loin de faire l’unanimité.
Une démarche muséographique aura tendance à lisser ces difficultés pour rendre au
grand public une image cohérente et parfois simpliste de la réalité historique. Ainsi, le
Château de Maintenon est grossièrement considéré comme une enceinte carrée de style
philippien posée sur l’Eure, encadrée de fossés, abritant un donjon médiéval et trois
tours rondes en briques plus tardives. La principale histoire qu’on y conte aux visiteurs,
c’est le parcours rocambolesque de Madame de Maintenon, dont on calque l’itinéraire
sur celui de Cendrillon. Une image « glamour » certes très vendeuse, mais qui ne
correspond qu’à une infime section de l’histoire du domaine – à peine une décennie.
Les travaux successifs de chercheurs, d’historiens, d’archéologues et d’amateurs ont
renforcé la compréhension du domaine et fait la lumière sur la chronologie obscure de
ses heures féodales. Selon toute vraisemblance, les seigneurs de Maintenon occupent
le domaine depuis le XIIème siècle – c’est en tout cas ce que rapportent les traces
écrites – et on peut même supposer que d’autres les ont précédés sans nous laisser
d’empreintes à suivre. Plus d’un millénaire d’histoire dort au Château de Maintenon,
n’attendant que la pioche des archéologues ou les récits des guides pour être
ressuscités.
Permettons-nous, avant d’entrer dans le vif du sujet, d’ôter la particule « de
Maintenon » au domaine pour l’imaginer en dehors du contexte très étroit du Grand
Siècle.

4
SECTION I.
SYNTHESE DES RECHERCHES

I. LE CHÂTEAU DE MAINTENON
La toponymie de Maintenon a grandement évolué au fil des siècles. Rien qu’à
l’observation des cartulaires1, on identifie plusieurs appellations dont certaines
cohabitent : Mestenon (vers 1090), Metenone (vers 1100), Mextenum (1123),
Mestenum (1133), Mesteno et Mestenone (vers 1150), Meintenone (1259),
Meinthenon (1258), Methenon (1253). Si une racine commune est identifiable,
difficile de dire à quoi elle se rapporte : Edouard Lefèvre mise sur le latin Messum cum
teneno, signifiant « maison d’un hôte2 » mais rien n’est moins sûr. Plus prudent, le
dictionnaire étymologique Dauzat/Rostaing concède un « nom obscur », selon lui un
dérivé en -onem d’un nom d’homme latin3.

A. Synthèse historique

1. Les seigneurs de Maintenon


Peu d’informations nous ont été léguées quant au passé de la seigneurie de Maintenon,
si ce n’est une lignée de seigneurs prêtant allégeance, à l’époque médiévale, aux
comtes de Montfort et d’Epernon. Ces deux comtés sont très liés, et s’entremêlent au
gré des mariages politiques et des jeux d’influences. C’est en 1105 que le premier des
seigneurs, Mainier de Maintenon, est cité dans les archives ecclésiastiques 4 ; il fonde
le prieuré Notre-Dame de Maintenon et associe durablement le nom de sa terre à celui
de sa descendance.
« Mainerius, dominus de Metenone, filius Germundi filii Avesgoti, et Elisabeth, uxor
ejus, abbatiœ Majoris Monasterii ecclesiam Sanctæ Mariæ de Metenone cum terra ad
faciendas monachorum officinas transfert et quam plurima alia dona. »
En remontant dans la généalogie de Mainier, on repère son oncle Hugues vers 1086.
Son père Germond et son grand-père Avesgaud étaient déjà mentionnés début XIIème
(Mainerius, filius Germundi filii Avesgoti) et la piste remonte jusqu’à Avesgaud I en
9785. Cet homme apparaît à deux reprises dans le cartulaire de l’abbaye Saint-Père de
Chartres : « Avesgaudi » est témoin d’une charte donnée à l’abbaye par la comtesse

1
Archives départementales d’Eure et Loir, complétées par l’étude du Dictionnaire topographique
d’Eure et Loir par Merlet, 1861, p. 108.
2
Lefèvre, 1858, p. 140, cité par Diane-Elisabeth Avot, 2008, p. 6.
3
Dauzat/Rostaing, 1963, p. 424.
4
Archives départementales d’Eure et Loir, H2340.
5
Moutié, 1874, p. 546.

5
Ledgarde, femme de Thibault le Tricheur, le 5 février 978, et renouvelle l’opération
sept ans plus tard6. Il engendre un autre Germond, identifié par la Société
Archéologique de Rambouillet comme vivant au cours de l’année 10287.
Les aïeux de Mainier de Maintenon pourraient donc déjà être installés sur le domaine
à partir du Xème siècle, bien que le nom de la terre de Maintenon ne soit pas mentionné
dans les chartes.
Le cartulaire de Notre-Dame de Maintenon8 fait état d’autres seigneurs de Maintenon
à des dates ultérieures : Guillaume de Maintenon (Guillelmo de Mestenone) vers
11509, Amaury de Maintenon (Amauricus, dominus de Mestenone) en 121010, puis en
122311 lorsque ce dernier trouve un accord au sujet d’un biez12 bâti sur l’Eure, enfin
en 123713 lorsqu’il donne un pré situé près de l’église Saint-Pierre de Maintenon. (Il
se révèlera être Amaury III.) En 1248, un certain Jean de Marolles marie sa fille Agnès
à Hugues, seigneur de Maintenon – les archives départementales conservent la trace
de cette dot14. On retrouve Hugues de Maintenon (Hugo de Meintenone) en 125915
puis Jean de Maintenon (Johannes, dictus de Metenone) l’année suivante16. A noter
que ce dernier n’est pas qualifié de « seigneur » (dominus) comme ses prédécesseurs,
mais seulement désigné comme Jean, « dit de Maintenon ». Entre-temps, un nommé
Jean, « fils d’Abraham de Maintenon », prétend posséder une seigneurie à Houdreville
en 125417.
Les travaux des historiens permettent de compléter cette chronologie : entre Mainier
et Guillaume de Maintenon s’intercale Amaury, fils du premier et frère aîné du
second18. Cet Amaury est le premier d’une longue série de propriétaires de Maintenon
nommés ainsi, qui se poursuit (avec une filiation en pointillés) jusqu’à Amaury IV ;
vassal de la châtellenie d’Epernon, ce dernier est « homme lige » du comté de Montfort
et rend hommage à la comtesse Béatrix de Montfort le 29 mars 128319. Autour de 1497
surgit un nouvel Amaury : Amaury de Loresse. Vavasseur20 d’Epernon, il fait un aveu
à la châtellenie de Chevreuse. On comprend alors la « hiérarchie » de l’époque : les
seigneurs de Maintenon sont au moins depuis le XIVème siècle (et vraisemblablement

6
Cartulaire de l'abbaye de Saint-Père de Chartres, 1840, p. 65 et 79.
7
Mémoires de la Société Archéologique de Rambouillet, 1879, p. 288.
8
Moutié, De Dion, 1878.
9
AD28, H2341.
10
AD28, H2341.
11
AD28, H2330.
12
Ancien français pour bief, « portion d’un cours d’eau entre deux chutes, d’un canal de navigation
entre deux écluses » (Larousse).
13
AD28, H2341.
14
AD28, H2342.
15
AD28, H2341.
16
AD28, H2341.
17
AD28, H2344.
18
Avot, 2008, p. 13.
19
Pattou, 2003, p. 3. Ayant contacté directement l’auteur, il m’a indiqué qu’il puisait le gros de ses
informations dans les recherches de la Société Historique et Archéologique de Rambouillet et de
l’Yveline (SHARY) ainsi que dans "Châteaux en Eure-et-Loir," vol. 3, archives du diocèse de Chartres,
1915.
20
Vassal d’un seigneur lui-même vassal (on dit aussi arrière-vassal).

6
dès le XIIème siècle21) vassaux des barons de Chevreuse, eux-mêmes placés sous la
suzeraineté des comtes de Montfort22. Cet Amaury de Loresse descend tout droit de la
famille d’Amaury de Montfort, dont un certain Amaury de Maintenon (Amaurici de
Mestenon) eut la garde de 1087 à 108923. C’est le dernier descendant connu des
seigneurs féodaux de Maintenon : est-il encore propriétaire du domaine à l’époque ?
Selon les archives judiciaires du département, la « saisie du donjon du château de
Maintenon » a été ordonnée à l’encontre d’un certain Robinet de Maintenon pour
défaut de foi et hommage entre 1481 et 149724.
Enfin, au début du XVIème siècle, Jean Cottereau – trésorier du roi de France Louis
XII puis de son successeur, François Ier – hérite du domaine, qui lui est attribué par
un arrêt du Parlement25. Apparemment, il serait le créancier des Amaury26. C’est
vraisemblablement la première fois que le domaine quitte l’arbre généalogique
d’Avesgaud Ier. Le cartulaire de Notre-Dame de Maintenon garde en mémoire le
passage de témoin entre les seigneurs de Maintenon et Jean Cottereau, « baron de
Maintenon » qui fonde la collégiale Saint-Nicolas de Maintenon le 24 février 152227.
Pour autant, d’autres seigneurs de Maintenon continuent d’apparaître dans les actes
suivants. Ainsi en 1529-1530 est conclue une transaction portant sur « la propriété de
la seigneurie de Maintenon » entre une certaine Jeanne de Champrond (veuve de
Robert de Maintenon, « seigneur dudit lieu ») et une triplette d’époux rattachés à la
lignée de Maintenon : Jean de Vaumorin (« mari de Marie de Maintenon »), Pierre de
Favières (« mari de Radegonde de Maintenon ») et Jacques de Crasset (« mari de
Jeanne de Maintenon »)28. Robert de Maintenon est-il la même personne que ledit
« Robinet » mentionné trente ans plus tôt ? A l’époque, la propriété du château vient
de passer aux notables d’Angennes, et Jacques d’Angennes est d’ailleurs signalé
comme « seigneur de Maintenon » dans un acte de 1539, moins d’une décennie plus
tard29.
La chronologie obscure des seigneurs de Maintenon s’explique en partie par l’opacité
de la hiérarchie féodale, qui a ses ramifications aux quatre coins du territoire de
Montfort sans pour autant clarifier les liens de suzeraineté. D’après les recherches de
la Société Archéologique de Rambouillet, en 1507, « ces diverses seigneuries [Famille
de Maintenon, Châtellenie de Septeuil, Bois-Nivard, La Malmaison, Boissy-sans-
Avoir, fief de Chevreuse à Béhou] étaient tenues en fiefs et arrière-fiefs du seigneur
de Maintenon, qui les tenait lui-même du baron de Chevreuse. Il nous est impossible

21
« D’après le Scriptum feodorum de Monteforti, Amaury de Maintenon tenait du comte de
Montfort son château de Maintenon, sa maison du Par cet plusieurs fiefs, pour lesquels il avait deux
mois de garde au château d’Epernon. » Adolphe de Dion, « Les fiefs du comté de Montfort-
l’Amaury », Mémoires et documents publiés par la Société Archéologique de Rambouillet, 1870, p.
333-334.
22
Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de Rambouillet, 1873, pp. 545-546.
23
Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, 1876, p. 128.
24
AD28, B157.
25
AD28, 60JNC 1 et 2.
26
Mémoires de la Société Archéologique de Rambouillet, 1879, p. 288. La même information
(« comme créancier des anciens seigneurs ») est donnée par Moutié, 1851, p. 128.
27
AD28, H2349.
28
AD28, G195.
29
AD28, G1898.

7
de remonter à l’origine de cette mouvance féodale, sur laquelle les divers états des
fiefs du comté de Montfort, dressés au XIVème siècle sous Simon IV, Amaury VII et
Béatrix, comtesse de Dreux, restent absolument muets30. » Il est possible que le
château de Maintenon (prenant plus vraisemblablement la forme d’une forteresse ou
d’un manoir fortifié) soit érigé dès le XIème siècle sous l’impulsion des vassaux de
Montfort.
On peut extraire de cette étude sommaire une généalogie assez précise, quoiqu’hachée
sur les XIIIème et XIVème siècles qui voient la profusion d’Amaury, de Jean et de
Simon de Maintenon. En voici une tentative éclairée, avec les dates dans lesquelles les
protagonistes apparaissent dans les chartes31 :

Pour compléter cette généalogie, il serait souhaitable de suivre la lignée des puissants
seigneurs de Montfort et d’y retrouver la trace des seigneurs de Maintenon. Le fonds
du bailliage royal de Montfort est accessible aux Archives Départementales des
Yvelines32, cependant les pièces qu’il contient sont postérieures à 1499. Une autre piste

30
Mémoires et documents publiés par la Société Archéologique de Rambouillet, 1873, pp. 545-546.
31
Les dates entre parenthèses sont celles qui ne sont pas issues directement de l’étude des archives
et des inventaires, mais extraites des Mémoires de la Société Archéologique de Rambouillet, 1879, p.
288.
32
AD28, B1307-1344.

8
serait de suivre les membres de la branche féminine des Maintenon, volontairement
laissée de côté au cours de cette étude sommaire.
2. Le château avant 1500
On connaît peu de détails sur l’apparence du château avant l’ère Cottereau. Les sources
diffèrent quant à la date de sa construction : dès le Xème siècle selon Jean Raindre et
François Boulain33, bâti sur les restes d’un vieux manoir du XIème siècle selon le
Cartulaire de Thiron34, dès le XIIème siècle selon M. Lefèvre35, sous Philippe Auguste
selon Doublet de Boisthibault36, au XIIIème siècle pour Josiane Sartre37… Devant la
profusion de documents certains copiés les uns sur les autres, on ne peut se fier qu’aux
représentations du château, elles-mêmes trop rares. Les premiers indices
iconographiques ne sont autres que les plans dressés à l’occasion des travaux
commandés par Madame de Maintenon et Louis XIV dès 1676 38. Ils montrent déjà
l’édifice tel que nous le connaissons dans les grandes lignes : un château construit en
quadrilatère avec quatre tours aux angles, dont trois sont circulaires et constituées en
briques. Entre ces tours, trois corps de logis sont aménagés, et seul l’espace au sud est
dépourvu d’aménagement : on y suppose l’emplacement d’une courtine démolie
lorsque Françoise d’Aubigné prend possession des lieux.
Le contexte féodal, qui prévaut du Xème au XIIème siècle en France, décentralise le
pouvoir vers de nombreux vassaux, répartis dans des fiefs. Des simples maisons aux
châteaux-forts, ces bastions intermédiaires quadrillent le territoire et s’entourent
parfois de murailles. C’est apparemment le cas à Maintenon, puisque vers 1240, on le
cite parmi les trois châteaux ayant le titre de forteresse (fortericia) sur les deux cents
habitations féodales du comté de Montfort recensées, les autres étant simplement
qualifiées de maisons (domus)39. Selon F. Chandernagor et G. Poisson, les Amaury à
la tête de Maintenon auraient donc « à partir de la grosse tour traitée en donjon,
constitué un château en quadrilatère traditionnel » c’est-à-dire de tradition
philippienne40, « avec tours aux angles41 ». Rien ne dit cependant que ce sont les tours
en briques qui aujourd’hui encadrent la cour d’honneur du château, dont la datation est
incertaine.
Le château de Maintenon, ayant élu domicile sur un site de fond de vallée, est donc
assis en bord d’Eure et on le sait composé d’au moins un donjon (quoique l’appellation
prête à confusion) et clos des eaux de l’Eure. Quel rôle stratégique (ou symbolique)
peut-il jouer sur cette terre ? La châtellenie d’Epernon, elle aussi possession des
comtes de Montfort, ordonne dès le Xème siècle l’érection de forteresses à Epernon et

33
Raindre, Boulain, 2010, p. 10.
34
Cartulaire de Thiron, 1, p. 75.
35
Lefèvre, 1849, p. 248.
36
De Boisthibault, 1853, pp. 613–619.
37
Sartre, 1981, p. 75.
38
Des18Cotte, Bibliothèque nationale de France, 1686, 363.
39
De Dion, 1866, p. 689.
40
D’après Philippe-Auguste (1165-1223), roi de France capétien pionnier de la défense active, dont
les exemples marquants sont le château du Louvre, les tours de Gisors et de Falaise, le château de
Dourdan.
41
Chandernagor, Poisson, Maintenon, 2001, p. 77.

9
Montfort, afin de protéger le château de Saint-Léger, bâti par Robert le Pieux, fils
d’Hugues Capet. Les châteaux constituent ainsi « une seconde ligne de défense du
domaine royal42. » Héritage d’un contexte tendu : au début du Xème siècle, le chef
viking Rollon a mis à feu et à sang la route de Chartres43, donnant naissance au duché
de Normandie qui sera l’objet de luttes de pouvoir jusqu’à son rattachement à la
Couronne début XIIIème. Entre temps, plusieurs forteresses de la région sont attaquées
(et ravagées) par les Normands, notamment Montfort, assiégée en 109844.
Or les châteaux des seigneurs de Montfort étaient nombreux sur le territoire :
Montchauvet, Beine, Houdan, Gambais, Epernon, Rochefort, Breteucourt… Ces
derniers étaient à la tête, d’après le Scriptum feodorum de Monteforti, de 90 fiefs et 43
arrière-fiefs à l’époque féodale45. L’adage médiéval est bien respecté : « Nulle terre
sans seigneur ». Le comté, « très boisé et médiocrement peuplé, s’allongeait du nord
au sud et coupait, par ses nombreux châteaux, tout passage entre Chartres et Paris46 ».
Selon la société archéologique de Rambouillet, les vassaux des comtes de Montfort
« avaient, sans compter une centaine de manoirs plus ou moins fortifiés, les châteaux
de Septeuil, Civry, Richebourg, Gaseran, La Tour-neuve, Maintenon et La Ferté-
Choiseul47 ». On retrouve ici l’affirmation que, dès le XIème siècle, il existait un
château à Maintenon et non seulement une demeure fortifiée.
La région devient ensuite le théâtre des hostilités de la Guerre de Cent Ans (1337-
1453) en raison de sa proximité avec la capitale et Orléans. Selon l’historien André
Chédeville, « les agglomérations ont vu leur rôle militaire réaffirmé durant le siècle
de la guerre, comme siège de garnison, point de départ des contre-offensives et lieu
de refuge. […] Quelques châteaux jouent un rôle stratégique important : ceux que le
passé a légués comme la tour de Bois-Ruffin à Arrou, le château d’Alluyes, le donjon
de Maintenon ou l’Epaule de Gallardon48 ». A cette liste, on peut ajouter d’autres
places-fortes d’importance : Epernon, Nogent-le-Roi, Chartres, Dreux, ou Dourdan.
Selon Claudine Billot, l’historienne locale, « il existe un premier réseau de capitaines
du roi assurant la défense des villes-fortes importantes. […] Maintenon est défendue,
en 1419, par un Espagnol, Lope de Val49. » Malheureusement, aucune source
complémentaire ne vient étayer cette affirmation.
Une fois la paix signée, les seigneurs de Maintenon continuent d’occuper la forteresse,
malgré un défaut de foi qui conduit à la saisie répétée du donjon du château entre 1485
et 149450. A l’époque, ne reste-t-il sur place plus que bâtiments épars et délabrés,
vestiges des difficultés financières des Amaury51 ?

42
Ledru, 1913, p. 4
43
Blondel, 2010, p. 49.
44
Ambert, AD78, cote J3211/16/1, p. 11-12.
45
De Dion, 1870, p. 292. Les chiffres diffèrent très légèrement (90 fiefs, 42 arrière-fiefs) chez Rigault,
1899, pp. 3-4.
46
Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de Rambouillet, 1870, p. 125.
47
Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de Rambouillet, 1870, p. 125.
48
Chédeville, 1983, p. 144.
49
Billot, 1997, p. 155.
50
AD28, B157.
51
Gaudeffroy, 1915.

10
3. La période Cottereau
Jean Cottereau, trésorier du roi de France et créancier des seigneurs de Maintenon,
rachète le château en 1506 et procède sans doute à de nombreux aménagements.
Lorsqu’il se l’approprie, le style architectural de l’époque est en phase de transition :
les forteresses défensives traditionnelles, rendues obsolètes par le développement de
l’artillerie, mutent vers des résidences de style Renaissance, dans un style importé
d’Italie avec les guerres de Charles VIII et de Louis XII. Or, Jean Cottereau a servi
sous ce dernier, ce qui le place en bonne position pour s’inspirer des décors nouveaux.
Suivant la vague d’embellissements qui traverse les châteaux de la Loire – Chinon
après 1471, Amboise en 1492, Châteaudun à partir de 1450 –, Cottereau procède à
l’aménagement du logis, au nord, à la réfection de l’église Saint-Nicolas
(probablement abîmée pendant la Guerre de Cent Ans) en 1522, et à la construction de
l’aile Renaissance qui relie deux tours rondes à l’est : il y installe ses écuries et des
remises. Ses armes, comportant lézards et croissants, sont visibles sur les poivrières
encadrant l’entrée nord de la cour d’honneur ainsi que les colonnes de l’aile est. Par
ailleurs, il pose la charpente de la tour carrée52 et bâtit l’escalier octogonal hors-œuvre
du logis : un pinacle situé au-dessus de l’entrée de ce dernier, représentant Saint
Michel terrassant le dragon – Cottereau était chevalier de l’Ordre de Saint Michel –
est un ajout typique de ce style post-gothique.
Parallèlement à cela, il fonde le 15 février 1522 la collégiale Saint-Nicolas qui jouxte
le château, sur l’emplacement d’une ancienne église53, « demourez en ruines pour les
guerres qui y ont esté le temps passé54 ». Cette remise à neuf permet à Cottereau
d’associer à la richesse matérielle qu’il hérite de ses fonctions à une richesse
spirituelle : selon Julien Noblet, la collégiale « matérialise la dépendance des
ecclésiastiques envers leur bienfaiteur exclusif […] dont ils assurent par leurs prières
le repos éternel55. »
A noter que l’argentier, s’il a amorcé la construction du château sous la forme que nous
lui connaissons actuellement, n’a peut-être pas vécu pour voir l’aménagement des ailes
complété – les premiers membres de la famille d’Angennes lui emboîtant peut-être le
pas pour terminer les travaux56. Le poète Clément Marot, composant son épitaphe,
rappelle le rôle de l’ancien trésorier dans la construction du château : « Sous 4 Roys
par service estimé, le chastel fist, cette église fonda en ses vieux jours où repos se
donna ».
De Jean Cottereau, la propriété du château passe à sa fille Isabeau en 1526, puis bascule
dans la famille d’Angennes après son alliance avec Jacques d’Angennes, seigneur de
Rambouillet. A la fin du XVIème siècle, les guerres de religion entament de nouveau
le château fraîchement rebâti : le comte de Montmorency met à sac Maintenon en 1567
– on lui attribue la destruction des tombeaux de Cottereau et Marie Turin, inhumés
dans la collégiale Saint-Nicolas. Selon Brigitte Féret, « ces combats répétés

52
Raindre/Boulain, 2010, p. 11.
53
Moutié, 1854, p. 66.
54
Noblet, 2008, p. 140.
55
Noblet, 2008, p. 133.
56
Raindre/Boulain, 2010, p. 11.

11
s’expliquent par la situation des territoires à l’entrée du domaine royal et non loin de
la Normandie, et par le fait que Gallardon comme Epernon ont pris le parti de la
Ligue, parti catholique radical57 ». Chartres, grenier de Paris, est la cible des factions
souhaitant affamer la capitale : en 1568, l’armée protestante du Prince de Condé
pénètre dans les faubourgs, « à coups de canon contre la Porte Drouaise58 ». Les
affrontements finissent par éclabousser Maintenon. En 1590, la Ligue ultra-catholique
vertement opposée à la monarchie assiège le château, alors propriété de Louis
d’Angennes, marquis de Maintenon. En voici les détails rapportés par l’historien
Jacques-Auguste de Thou, contemporain des faits : « sur ces entrefaites les garnisons
de Chartres, de Dourdan et de Dreux, places du pays Chartrain, suivies de deux pièces
de canon allèrent mettre le siège devant le château de Maintenon appartenant à Louis
d’Angennes, un des plus zélés serviteurs du roi. Comme les troupes du Roi passaient
commodément par-là, et par Nogent, le dessein des Ligueurs était de leur ôter cet
avantage par la prise de ce poste59. » Si le siège se solde par un retrait des Ligueurs,
mis en fuite par François d’Angennes, frère du propriétaire des lieux, l’épisode traduit
la position stratégique qu’occupe le château dans l’organisation spatiale du territoire.

4. Le Grand Siècle à Maintenon


La suite de l’histoire est mieux documentée : en 1674, c’est finalement Françoise
d’Aubigné, veuve du poète Scarron et future marquise de Maintenon qui prendra
possession du domaine. Entre-temps, le domaine a été érigé en baronnie en 1594 puis
en marquisat en 164160. Le contrat d’acquisition précise l’étendue du domaine61 :
« château, manoir principal, fossés à fond de cave, cours, jardins, enclos, une basse-
cour avec plusieurs bâtiments, le tout clos de murs et par la rivière d’Eure et d’une
contenance de vingt-cinq arpents environ62 ».
Les seigneurs d’Angennes avaient sans aucun doute procédé à quelques agencements
mineurs ; cependant une curieuse annotation du duc Saint-Simon, dans ses Mémoires,
rapporte que Madame de Maintenon doit « raccommoder le château […] car MM.
d'Angennes y avaient tout laissé ruiner63. » Il faut dire que les guerres de religion sont
passées par là…
Françoise d’Aubigné modifiera durablement l’apparence du château. Ses
caractéristiques défensives (mâchicoulis, courtines, barbacane ?) disparaîtront au
profit d’une demeure aristocratique aérée et confortable, conformément aux attentes
de l’époque64. Les aménagements de la marquise de Maintenon, qui épouse
secrètement Louis XIV en 1684, donnent l’occasion aux architectes de dessiner le

57
Collectif, 2013, p. 9.
58
Blondel, 2010, p. 68-69.
59
De Thou, 1593, p. 199.
60
Merlet, 1861, p. 108.
61
Cité par le Centre Universitaire du Temps Libre de Maintenon et de sa région, 2001, pp. 27-29.
62
Soit environ 12 hectares selon la conversion de l’arpent royal du XVIIème siècle.
63
De Saint-Simon, 1715, p. 103.
64
La correspondance de Montchevreuil, « directeur des travaux » de Madame de Maintenon, cite A.
M. de Guignonville (son entrepreneur) chargé de « démolir la vieille muraille » dans une lettre en
date du 15 mai 1679 (Avot, 2008, Annexes, p. 4).

12
château pour la première fois. En l’absence de représentation iconographique « en
volume », seul le plan de masse de Le Nôtre (ou Robert de Cotte), représentant quatre
niveaux d’élévation du château vers 1686, donne quelques indices sur l’architecture
de la tour carrée après Madame de Maintenon65. Cette dernière n’y installe pas ses
appartements, mais emménage dans l’aile ouest qu’elle fait bâtir – abattant peut-être
une rangée de mâchicoulis au passage66 ? – et fait également démolir la courtine sud,
dont subsistent les traces des arrachements, pour agrandir la vue sur le jardin. Sur ce
plan divisé par étages, on note un agrandissement caractérisant les derniers niveaux67
et la présence de mâchicoulis, ce qui laisse à penser que la forme de la tour à la fin du
XVIIIème siècle était similaire à celle que nous lui connaissons.
Une « galerie neufve » est bâtie pour relier la tour nord-est à l’église Saint-Nicolas,
permettant ainsi à Louis XIV d’aller entendre la messe sans passer par les extérieurs.
Les écuries et les remises qui occupaient l’aile orientale du château sous Cottereau y
sont déménagées dans les années 1690, ainsi que les habitations des serviteurs.
Les comparaisons iconographiques permettent d’identifier d’autres différences entre
le château de l’époque et son homologue actuel :
 La chapelle Saint-Santin, qui occupe le nord du chœur de la collégiale Saint-
Nicolas, est absente des plans de 1686 (on la devine sur une carte établie sept ans
après).
 Dans l’avant-cour, un bâtiment biscornu occupe l’angle nord-est, sans doute des
communs démolis à l’occasion de la construction de l’aile reliant le château à
l’église Saint-Nicolas.
 Une barbacane est également représentée sur deux plans, protégeant l’entrée du
château par un pont amovible enjambant un large fossé, encadré par deux tours
circulaires. Les fouilles archéologiques de Nicolas Payraud ont confirmé
l’existence de cet ouvrage, dont la datation est estimée entre le XIIIème et le
XVIème siècle.
 Le jardin n’a pas encore sa forme actuelle sur les deux plans représentant la
barbacane en entier, plutôt une forme grossièrement triangulaire avec la pointe vers
le sud. En revanche, le plan de 1693, qui semble représenter l’aile sud-est en cours
d’aménagement, illustre le jardin dans la forme que nous lui connaissons
actuellement.
 L’aile orientale diffère grandement, en termes d’aménagement intérieur, de sa
version actuelle, sans doute à la faveur des nombreux réaménagements successifs
que connaît l’édifice sous Madame de Maintenon puis les Noailles.
 Sur un plan de 1686 est attestée la présence d’un moulin, qui disparaît ensuite :
pour l’alimenter, un bief est aménagé ce qui change le schéma de canalisation de
l’Eure.

65
Des18Cotte, 1686, 364. Accessible sur Gallica via l’identifiant ark:/12148/btv1b53037668w.
66
CUTL, 2001, p. 29.
67
En rapportant l’échelle du plan de 1686 à celle du plan actuel du château, on trouve un écart de
1,74 mètres en longueur (axe ouest-est) et 1,024 mètres en largeur (axe nord-sud) entre le troisième
et le quatrième étage.

13
 Un plan inédit extrait des archives privées du château par Diane-Elisabeth Avot en
200868 (aujourd’hui reversé aux archives départementales d’Eure-et-Loir), dont la
datation oscille entre la fin XVIIème et le début XVIIIème, figure une tour au nord-
ouest de l’avant-cour, sur laquelle est inscrite la mention « prison ». La courtine
sud, prétendument abattue par Madame de Maintenon à la fin du XVIIème siècle, y
est représentée encore en élévation.
Même si le nom de Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, reste durablement
accolé au domaine (et à la muséographie actuelle du château), force est de constater
qu’elle ne s’établit pas à Maintenon aussi longtemps que ses prédécesseurs – elle y
séjourne une vingtaine de fois tout au plus69. Elle marque néanmoins les environs,
faisant « établir des écoles et des manufactures » et s’appliquant à « reconstruire ou
restaurer églises et hôpitaux à Maintenon70 ». Après son bref passage, elle abandonne
« le gros château au bout d’un grand bourg » et s’établit à Saint-Cyr où elle fonde une
maison d’éducation avec Louis XIV71.

B. L’épineuse question du « donjon »

Il est plusieurs fois fait mention du « donjon » de Maintenon dans les siècles antérieurs
à la période Cottereau, sans précision toutefois quant à la structure du bâtiment, qu’on
associe hasardeusement à la tour carrée actuelle. En 1283, Amauri IV de Maintenon
est cité « seigneur du donjon de Maintenon72 », en 1485 est actée la saisie du « donjon
du chasteau de Maintenon […] pour défaut de foi et hommage » et cinq ans plus tard
les assises du bailliage d’Epernon mentionnent « la tour et donjon de Maintenon »73.
Enfin, en 1497, Amauri de Loresse – peut-être le dernier descendant des seigneurs
féodaux – est supposé tenir le « dongeon » de Maintenon clos de fossés74. Bien que
l’appellation survive aux siècles – en voyant son orthographe sensiblement modifiée
– il serait simpliste de considérer que la même structure a perduré sur cette période.
On associe trop facilement le donjon aux caractéristiques médiévales d’une grosse tour
aveugle, aux murs épais, ceinte au cœur d’une forteresse afin d’en protéger le seigneur.
Pour autant, le terme n’a pas toujours eu la même signification. Comme le souligne
Viollet-le-Duc, « le donjon appartient essentiellement à la féodalité. Ce n’est pas le
castellum romain, ce n’est pas non plus le retrait, la dernière défense de la citadelle
des premiers temps du Moyen-Âge. Le donjon commande les défenses du château, mais
il commande aussi les dehors et est indépendant de l’enceinte de la forteresse du

68
Avot, 2008, Annexes, p. 87.
69
Avot, 2008, p. 30.
70
Raindre/Boulain, 2010, p. 19.
71
Cette partie de sa vie a été retracée par l’ouvrage Les Demoiselles de Saint-Cyr (1999), édité par les
Archives Départementales des Yvelines. On en retrouvera un résumé à vocation d’exploitation
muséographique en annexes (p. 53).
72
Rapporté par Pattou, 2003, p. 3.
73
AD28, B157.
74
De Casatis et al., 1906, p. 147.

14
Moyen-Âge, en ce qu’il possède toujours une issue particulière sur la campagne. C’est
là ce qui caractérise essentiellement le donjon, ce qui le distingue d’une tour.75 »

Ces différences lexicales sont de taille dans l’étude du château de Maintenon, dont la
tour carrée qui ferme l’angle sud-est est tantôt qualifiée de grosse tour, tantôt de
donjon. Dans un contexte féodal, le donjon est une tour défensive, épaisse, souvent
aveugle, ouverte sur la face attaquable du domaine. La tour carrée de Maintenon, dont
la datation est échelonnée entre le XIème et le XVème siècle, témoigne d’influences
variées – véritable « pêle-mêle des époques », selon Chateaubriand76 – qui rendent son
étude complexe. Pourvue de murs épais (environ deux mètres et demi au sol),
couronnée de mâchicoulis, vraisemblablement ceinturée autrefois d’un chemin de
ronde, elle semble calculée pour la défense ; pourtant, l’escalier en vis qui entame sa
façade orientale fragilise l’édifice, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’une pièce
rapportée postérieurement, même s’il se fond sans disparités dans l’architecture en
grand appareil de grès de la tour. Le style du château, construit en quadrilatère avec la
tour forte rejetée dans un angle, s’inscrit dans la tradition philippienne bien que le
donjon y soit souvent circulaire et non carré. Représentatives de l’architecture féodale
du XIème siècle, les tours fortes carrées sont souvent renforcées de contreforts à leur
base, absents à Maintenon.

Par ailleurs, comment expliquer la mention « tour et donjon de Maintenon » tirée des
assises du bailliage d’Epernon77 ? L’un de ces deux termes désigne-t-il la tour carrée
actuelle, ou aucun des deux ? En tout cas, elle les dissocie – peut-être associant la
première à un repère géographique concret et matériel, et le second à l’assise du
pouvoir seigneurial. La même distinction avait été faite pour Jean Bureau, conseiller
de Charles V, qui en février 1399 avait la charge du « retrait lignager de la tour et
chastel de Voise78 ». On constate donc que l’édifice et le siège de l’autorité peuvent
être indépendants l’un de l’autre. Pour ajouter à ces difficultés, il arrive qu’un même
domaine soit placé sous la suzeraineté de seigneurs différents : c’est le cas à Auneau
qui, à l’époque médiévale, relevait en grande partie du comté de Chartres, bien qu’une
zone relève du comté de Montfort79. Ce découpage aléatoire a pu donner lieu à
certaines incompréhensions, comme le souligne Adolphe de Dion devant la Société
Archéologique de Rambouillet : « une anomalie semblable existait à Maintenon, dont
le château était un fief du comté de Chartres, tandis que le donjon de ce château était
tenu en fief d’Epernon et en arrière-fief de Montfort80 ». On notera toutefois qu’aucune
source complémentaire reliant Maintenon à Chartres (si ce n’est la proximité
géographique) ni aucune datation précise n’étaye les propos de l’archéologue.

Ces paradoxes s’expliquent en partie par la grande pluralité des significations du terme
« donjon ». Ce n’est pas seulement un élément matériel et concret ; c’est aussi un
symbole, la représentation du pouvoir seigneurial. C’est pour cette raison que certains

75
Viollet-le-Duc, 1854-1868.
76
Chateaubriand, 1899-1900, p. 536.
77
AD28, B157.
78
Annuaire du département d’Eure-et-Loir, 1869, p. 315.
79
De Dion, 1889, pp. 451-452.
80
De Dion, 1889, p. 452.

15
vassaux désobéissants voyaient leur donjon rasé : façon, pour leur seigneur, de leur
signifier leur mise à pied. Richelieu ordonne le démantèlement de nombreuses
forteresses au début du XVIIème siècle, notamment l’arasement de Château-Gaillard,
dans l’Eure, en 1611. Château, tour ou donjon sont autant de tribunes politiques,
comme le rappelle Jean Mesqui : « châteaux et enceintes urbaines ont été, durant le
Moyen-Âge, un moyen privilégié d’expression du pouvoir : par leur présence,
dominante ou ceinturante, ils ont permis à leurs maîtres d’ouvrage d’affirmer vis-à-
vis du plus grand nombre leur suprématie grâce à une architecture mêlant intimement
l’ostentation et la fonctionnalité81 ». Les habits défensifs du château de Maintenon
(décrits dans le section suivante) n’évoquent donc pas forcément la guerre mais le
pouvoir seigneurial, fort et inflexible.
Toutes ces mises en garde ne signifient pas pour autant que la tour carrée de Maintenon
n’est pas d’inspiration médiévale : si les observateurs avisés – en premier lieu
desquels, mes collègues archéologues – rechignent à attribuer « visuellement » son
architecture à une période antérieure au XVIème siècle, il est possible qu’elle soit bâtie
sur les restes d’un ancien donjon. Viollet-le-Duc estime qu’un certain nombre de
donjons furent bâtis « sur beaucoup de points des bords de la Seine, de la Loire, de
l’Eure82 » notamment dans le sillage des invasions normandes du IXème et du Xème
siècles. Mais seule une étude approfondie du bâti de la tour carrée permettra d’ôter les
points d’interrogation. En attendant, méfions-nous de l’usage hasardeux du terme
ambigu « donjon » – mieux vaut s’en tenir, simplement, à l’expression « tour carrée ».

C. Les aménagements défensifs


Si rien ne vient prouver que le donjon actuel ait rempli quelque fonction défensive au
Moyen-Âge, les sources et les observations confirment l’existence d’une structure
conçue pour résister en cas d’attaque. A moins que ces aménagements ne soient, eux
aussi, le symbole du pouvoir du seigneur qui habite ces murs ? L’entrée nord garde la
trace d’un pont-levis à flèches et à chaînes, enjambant les douves (Fig. 1) – ouvrage
qui survit aux aménagements de Cottereau et de Madame de Maintenon. En effet, deux
hommes sont en 1675 chargés de pêcher du poisson sous le pont-levis83.
L’empreinte d’un chemin de
ronde est visible au premier
niveau de la tour carrée, dont une
porte donne aujourd’hui dans le
vide. On note également la
présence d’archères-canonnières
sur le domaine, notamment à la
base des tours en briques, sans
idée précise de leur datation. Les
Figure 1 - Traces du pont-levis à l'entrée nord
sources s’entendent pour clore le

81
Mesqui, 2001, p. 165-166.
82
Viollet-le-Duc, 1854-1868.
83
AD28, 60 J.

16
domaine de courtines crénelées84 (peut-être même avant la prise de possession de
Cottereau), dont la partie sud sera abattue par Madame de Maintenon pour agrandir la
vue sur le parc environnant, ainsi que le mur en mâchicoulis à l’est85. C’est dans cette
même logique de « pacification » et d’embellissement du domaine qu’elle fera
disparaître une barbacane gardant l’entrée nord du château, coupant l’avant-cour en
deux, dont la présence fut confirmée par les fouilles effectuées par le Service
d’Archéologie Préventive du Conseil Départemental d'Eure et Loir en 2011.
Une barbacane est « un ouvrage bas construit en avant d’une fortification, pour en
défendre l’accès86 ». Malgré une datation incertaine (elle pourrait aussi bien avoir fait
face aux Ligueurs pendant les Guerres de Religion qu’aux ravages de la Guerre de
Cent Ans), on suppose qu’elle est détruite à l’occasion des aménagements de Madame
de Maintenon – le plan de Le Nôtre illustre l’ouvrage en pointillés, ce qui laisse à
penser qu’il fut démoli à la fin du XVIIème siècle87. Peut-être pour approvisionner le
chantier en pierres face aux multiples requêtes de Françoise d’Aubigné ? A moins que
les pointillés ne signifient que la barbacane est déjà arasée à l’époque – d’autres plans
plus grossiers la représentent toutefois « pleine », élevée sur quatre tourelles
circulaires et close de fossés88. La trace
d’une de ces tourelles est d’ailleurs
encore visible actuellement sous la
forme d’un espace maçonné en demi-
lune au bord de l’Eure (Fig. 2). Les
fouilles de 2011 ont révélé la présence
d’une guérite maçonnée située devant
l’entrée de la barbacane,
potentiellement un poste de guet
permettant la gestion des entrées et Figure 2 - Maçonnerie en demi-lune au nord-ouest du
sorties89. château

Les tours de brique, tout comme celles encadrant la porte principale, pourraient être
en élévation avant Cottereau, ce type de structure étant connu en Eure-et-Loir dès le
XVème siècle90. Les tours sont sans doute reliées par des courtines, sur lesquelles
s’appuient des bâtiments divers (corps de ferme, remises, logement des
domestiques91) : les traces d’un bâtiment médiéval dans l’actuelle cour d’honneur ont
en effet été mis au jour lors de l’opération archéologique de 2011, dont Nicolas
Payraud ne peut qu’affirmer qu’il est antérieur au XVIème siècle92. Un aveu, cité par
la SAEL, souligne que l’esprit primitif et défensif de la forteresse des Montfort est

84
Moutié, 1854, p. 63, et Raindre/Boulain, 2010, p. 10.
85
Destruction certifiée par les fouilles de Nicolas Payraud, qui observe « l’accumulation de matériaux
issus de cette démolition contre l’escarpe du fossé ». Selon lui, les murs sont tirés au grappin dans
les douves du château (Payraud, 2011, p. 184).
86
Lavenu/Mataouchek, 1999, p. 19.
87
Des18Cotte, 364. Accessible sur Gallica via l’identifiant ark:/12148/btv1b53037668w.
88
On s’appuie notamment sur deux plans : celui d’André le Nôtre (?), 1676, et celui du fonds Robert
de Cotte, 363, édité en 1686.
89
Payraud, 2011, pp. 177-178.
90
Payraud, 2011, pp. 178-179.
91
Chandernagor, Poisson, 2001, p. 77
92
Payraud, 2011, pp. 175-176.

17
toujours présent quand Françoise d’Aubigné prend possession des lieux, décrivant
« un grand et ancien chasteau basti sur la rivière d’Eure, aux quatre coins duquel il y
a quatre grosses tours dont trois sont de briques et l’autre de gresserie nommée la
tour carrée93 ». Une description qui colle peu ou prou avec l’état actuel du site.
Ajoutons à cela un aménagement souterrain, décrit par le propriétaire actuel du
domaine : « le château […] possédait un souterrain qui reliait la tour carrée à la tour
ronde et qui est le pendant de celui qui, à l’est, reliait les deux tours rondes. Sablés au
sol, la voûte construite en briques, ces passages sont totalement secs, chose admirable
pour un ouvrage qui se trouve en-dessous du niveau de la rivière94. » La sortie de ces
souterrains, dont l’une était logée sous la tour carrée, a été comblée depuis.
Notons enfin, pour clore cette étude, un plan grossier tracé par le marquis Emmanuel
II de Noailles dans une lettre adressée à son fils, le Duc Maurice, le 27 avril 190195
(Fig. 3). Afin de garder trace des aménagements successifs réalisés au château depuis
Cottereau, le marquis croque un « plan de Maintenon avant Henri II » qui reprend la
forme du château en quadrilatère, avec quatre tours aux angles dont une tour carrée.
Cependant, un mur crénelé relie la tour carrée à la grosse tour ronde au sud, et un « mur
de défense » occupe le flanc ouest. Seuls les côtés nord et est sont aménagés,
comportant les mentions respectives « appartements » et « appartements et écuries ».
Or, Henri II arrive au pouvoir en 1547, quelques années seulement après que le château
soit passé aux mains des premiers notables d’Angennes. Cette lettre, malgré l’absence
de sources tangibles venues l’appuyer, envisage le maintien d’éléments architecturaux
défensifs du château (pont-levis, courtines, murailles) après Jean Cottereau. Peut-être
repose-t-elle sur un plan ancien non conservé.

Figure 3 - Plan de Maintenon "avant Henri II" selon Emmanuel de Noailles

93
Procès-verbaux de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir, 1873, pp. 101-102.
94
Raindre/Boulain, 2010, p. 10.
95
Raindre/Boulain, 2010, p. 72. Notons cependant qu’elle ne cite aucune source et semble
seulement s’en remettre à la mémoire du marquis ou aux descriptions transmises dans la famille de
génération en génération.

18
Un dernier indice concernant les « fortifications » de Maintenon repose sur sa
toponymie. La carte de Cassini ne figure pas Maintenon comme une ville fortifiée,
mais bien comme un bourg. Le cadastre napoléonien identifie bien un quartier « la
Ferté »96, et on note qu’une « Rue de la Ferté » longe actuellement la façade nord de
l’entrée du château, près de la Place Aristide Briand : ces désignations portent
l’empreinte d’un lieu défensif, fortifié.

D. Maintenon, terre de justice ?


Afin d’étudier le rayonnement de Maintenon à l’époque médiévale, on peut s’appuyer
sur ses fonctions judiciaires. Comme le rappelle le castellologue Philippe Durand, « le
château sert à se défendre, à résider et à afficher le rang de son détenteur dans la
société, mais il a aussi un rôle politique, économique, social […] et de justice », cette
dernière fonction revêtant « une grande complexité et une grande diversité selon les
régions97 ». Généralement, on distingue trois degrés de justice seigneuriale – haute,
moyenne et basse justices.
La basse justice en est l’échelon inférieur, statuant sur les délits mineurs, les amendes
et les droits dus au seigneur ; un cran au-dessus, la moyenne justice juge rixes, injures
ou vols. Enfin, la haute justice correspond à l’échelon pénal – héritière de la « justice
de sang » du XIème siècle – et oblige le haut justicier (souvent le seigneur) à disposer
de prisons et de geôliers. La haute justice et son « droit de glaive » se caractérisera par
des signes extérieurs : présence de fourches patibulaires, piloris, gibets, échelles,
« poteaux à mettre carcan »98. Par-dessus tout, elle est profondément ancrée sur son
territoire d’attache : « és99 grands fiefs, la Justice est annexée au Château […] desorte
que le Château étant vendu avec les appartenances & dépendances, la Justice passe à
l’acquereur100. »

Figure 4 - Emplacement d’une fourche patibulaire à Maintenon sur la Carte de Cassini (XVIIIème siècle)

96
AD28, Cadastre napoléonien, 3 P 7058.
97
Durand, II/2014.
98
Renauldon, 1788, p. 350.
99
Ancien français pour « dans », « en matière de ».
100
De Ferrière, 1749, p. 141.

19
La carte de Cassini, rédigée dans la seconde partie du XVIIIème siècle, permet de
repérer les sièges de haute justice. On identifie clairement une fourche patibulaire101 à
Maintenon (Fig. 4) : l’étendue boisée qui s’étend à ses pieds vers l’est porte d’ailleurs
la mention « Bois des Fourches » aujourd’hui devenu Bois de Fourches, un lieu-dit de
la commune de Hanches (28130).
La position actuelle de cette fourche patibulaire serait le rond-point situé à 1500 mètres
au nord-est du château, qui rejoint Hanches par la D906 et Saint-Martin-de-Nigelles
par la D105.5. Une localisation sensée, dans la mesure où les fourches étaient souvent
situées en périphérie de la ville afin d’informer les visiteurs de la nature de la justice
rendue entre ses murs – « distillant au quotidien du message de la justice » selon
Barbara Morel102.
Par ailleurs, « le nombre des piliers [de la fourche patibulaire] variait suivant la
qualité des seigneurs : les simples gentilshommes hauts-justiciers en avaient deux, les
châtelains trois, les barons quatre, les comtes six, les ducs huit ; le roi seul pouvait en
avoir autant qu’il le jugeait convenable103 » selon Viollet-le-Duc. La représentation
de Cassini en figure quatre à Maintenon.

E. Synthèse : l’évolution du château au cours des siècles


Les éléments précédents, s’ils ne permettent pas de dresser une chronologie
incontestable ni des propriétaires ni des aménagements successifs du Château de
Maintenon, nous autorisent à penser que le domaine ne se réduit pas à « une demeure
fortifiée : un château fort dominé par un donjon104 ». L’époque médiévale vit la région
s’hérisser de châteaux – invasions normandes, guerres de religion et ligue catholique
auront tôt convaincu les plus imprudents – et il est probable que les seigneurs de
Maintenon aient suivi le mouvement, peut-être encouragés par leurs autorités du côté
de Montfort. Gageons donc qu’ils habitent, à l’époque, une simple forteresse.
Inspiré par la mode Louis XII qui traverse les châteaux de la Loire, Jean Cottereau
achète le bâtiment (détruit et/ou ruiné ?) à ses anciens débiteurs en 1506. Il décide de
mettre Maintenon à la mode de l’époque et construit le corps de logis, ajoute l’aile
Renaissance, rebâtit la collégiale et décore la façade nord. Certains lui attribuent
également l’ajout de mâchicoulis à la tour carrée105. Il profitera seulement une
quinzaine d’années de sa résidence, avant d’être inhumé dans la collégiale Saint-
Nicolas.

101
« Les fourches patibulaires consistaient en des piliers de pierre réunis au sommet par des
traverses de bois auxquelles on attachait les criminels, soit qu’on les pendît aux fourches mêmes,
soit que, l’exécution ayant été faite ailleurs, on les y exposât ensuite à la vue des passants » (Viollet-
le-Duc).
102
Morel, 2007, p. 214.
103
Viollet-le-Duc, 1854-1868.
104
De Noailles, 1990, p. 1.
105
« L’une [des tours] carrée dont le haut dôme couronné de mâchicoulis datant de Louis XII domine
tout le château » (Gaudeffroy, 1915).

20
Nul doute en tout cas qu’après la prise de possession de Françoise d’Aubigné, le
château « vu de l’extérieur » a en grande partie conservé ses traits jusqu’à nos jours,
malgré les aménagements successifs de Madame de Maintenon, de la famille de
Noailles et les nécessaires réparations survenues au cours de son histoire106. Nous
pouvons néanmoins affirmer avec certitude qu’à son emplacement trônait autrefois un
château de style médiéval, qui présentait des attributs défensifs (murailles, courtines,
pont-levis, barbacane) et évolua au gré des fantaisies de ses propriétaires jusqu’à ne
presque plus rien trahir de ses origines féodales.
A n’en pas douter, l’étude approfondie des origines médiévales du château soulève
davantage de questions qu’elle ne fournit de réponses. Seule la partie post-Cottereau
nous apparaît quasiment en pleine lumière, le reste de l’histoire de l’édifice étant
hachée sur plusieurs décennies. Mais pour paraphraser la Société Française
d’Archéologie, « ce château […] n’a pas complètement perdu le caractère de son
antique origine107 ». On conclura donc humblement qu’une majeure partie de son
passé reste à découvrir (sous réserve de fouilles archéologiques ultérieures), et qu’il
vaudrait mieux se garder de discours définitifs sur le Château de Maintenon en
l’absence de certitudes.

II. L’AQUEDUC DE MAINTENON


Seule œuvre civile du maréchal ingénieur-bâtisseur, le pont-aqueduc108 de Vauban
étale sa masse déchiquetée à six cents mètres au sud du château de Maintenon. Il révèle
à lui seul la grandiose démesure du règne du Roi-Soleil et ses caprices parfois
coûteux… Mais cet édifice n’est pas seulement l’empreinte de la fantaisie du
monarque absolu. Derrière l’image galvaudée d’une Cour de France fastueuse et
dépensière, le Grand Siècle est une période d’ébullition scientifique sans précédent.
Les chantiers royaux sont autant de laboratoires où expérimenter des techniques
nouvelles, qui couvrent l’ingénierie et l’architecture mais aussi la botanique,
l’agronomie, la mécanique ou l’astronomie.

A. Synthèse historique

1. La genèse du projet

106
Pour plus de détails sur les aménagements des Noailles, bien cernés par les historiens, se reporter
au travail de Diane-Elisabeth Avot (2008) ou de Jean Raindre et François Boulain (2010).
107
Congrès archéologique de France : séances générales tenues par la Société Française
d’Archéologie, 1901, p. 49.
108
Par définition, un aqueduc correspond à la totalité de l’ouvrage destiné à transporter l’eau –
levées de terre, canaux, maçonneries compris. Un pont-aqueduc, tel que celui qui trône dans le parc
de Maintenon, n’est que la structure maçonnée employée ponctuellement sur son itinéraire.

21
Avant d’être la résidence fastueuse des rois de France, Versailles est un simple pavillon
de chasse bâti sous Louis XIII, en 1623 – un « chestif chasteneau109 » selon les termes
du maréchal de Bassompierre. Sous le règne du jeune Louis XIV, le domaine connaît
de nombreux réaménagements : agrandissement des jardins, comblement des marais,
construction de la Galerie des Glaces, pose de décorations, aménagement des
appartements… Petit à petit, Versailles devient le luxueux palais royal que nous
connaissons aujourd’hui. Les jardins sont agrémentés de dizaines de fontaines, dont
les jeux d’eaux exécutés par ses « maîtres fontainiers » – dont l’indispensable Denis
Jolly – suscitent l’admiration des diplomates étrangers. « J’ai vu tant de merveilles que
j’en ai été surpris » commente, admiratif, l’évêque de Fréjus en 1670110. Paré d’une
grandeur antique, celle des empereurs romains, le domaine est une autre façon de
magnifier le culte de personnalité du Roi-Soleil. Colbert, le ministre du roi, en fait
l’une de ses priorités.
Figure 5 - Carte des aménagements préliminaires au détournement de l'Eure - d'après Evrard, 1933

Pour alimenter les jeux d’eaux de Versailles, il est nécessaire de puiser une grande
quantité d’eau. Or, l’emplacement du château n’est pas idéal, ainsi que le fait
remarquer Fernand Evrard : « parmi les créations artificielles de l’ancienne France,
Versailles offre à coup sûr le contraste le plus frappant entre l’indigence des
ressources en eau et le gaspillage de la consommation. Nulle part ailleurs la
domination du facteur historique n’a rendu plus paradoxal […] le choix d’un site
uniquement justifiable par la proximité des chasses111 ». Immanquablement, cette
ressource vient à manquer : plusieurs installations sont donc mises en place, dès 1639,
pour y remédier. « Pendant trente ans, ministres, savants, ingénieurs, hydrauliciens
conjuguèrent leurs efforts pour tyranniser la nature112. » Dans la seconde moitié du
XVIIème siècle, Versailles se mue effectivement en foyer expérimental d’ingénierie

109
Solnon, 2003, p. 17.
110
Solnon, 2003, p. 83.
111
Évrard, 1933, p. 583.
112
Evrard, 1933, p. 583.

22
hydraulique. D’abord, les frères Francine procèdent au pompage des eaux de Clagny,
un étang situé tout près du domaine. Puis, en 1668, les eaux de la Bièvre sont
détournées vers les réservoirs de Versailles, tandis que l’abbé Picard supervise la
création des étangs artificiels de Trappes et Bois d’Arcy. A ceux-ci s’ajoutent les
étangs de Pré-Clos, Orsigny, Trou-Salé, Villiers, Etang-Neuf sous la direction de
l’ingénieur Thomas Gobert. Petit à petit, le bassin des Yvelines se quadrille de réserves
d’eau artificielles, reliées entre elles par des rigoles, qui s’étendent jusqu’aux étangs
de Hollande, près de Rambouillet. Le Roi suit de près l’avancée des travaux : le 19
septembre 1673, il écrit à Colbert « Mandez-moi le véritable état des moulins de la
« montagne » et si je puis espérer d’en avoir de l’eau cet hiver113 ». Il fait référence à
des grandes roues en bois actionnant des pompes foulantes.
Mais à mesure que les étangs environnants sont drainés, l’appétit des fontaines royales
s’aiguise : les jeux d’eaux, égayés par les compositions de Lully, se font plus ravissants
encore, et il faut chercher plus loin le précieux liquide… Au nord de Versailles, la
Seine accueille l’innovation hydraulique d’Arnold de Ville, la fameuse Machine de
Marly, qui s’avèrera extrêmement bruyante114 et toujours insuffisante. On vient alors
quérir le maréchal-bâtisseur Vauban, qui sillonne le pays afin d’établir des forteresses
le long des frontières françaises pour défendre le « pré carré » du Roi. En décembre
1684, le ministre Louvois (qui a succédé à Colbert, décédé en 1683) presse le maréchal
de gagner Versailles : « Partez dans les vingt-quatre heures où vous aurez reçu cette
lettre, » ordonne-t-il115. Pourquoi un tel empressement ? Car un projet titanesque est
né dans la tête du monarque et de son ministre : détourner les eaux de l’Eure, qui coule
à 80 kilomètres de là…

2. Sur les traces du canal Louis XIV


C’est Philippe de La Hire (aussi orthographié Lahire), géomètre et membre de
l’Académie des Sciences, qui est chargé par le roi des mesures préliminaires. Adaptant
la lunette de visée astronomique de l’abbé Picard, à la précision inégalée, il constate
en octobre 1684 que la source de l’Eure est plus haute que la Grotte de Versailles de
81 pieds. Ses calculs se révèlent positifs : à condition d’aplanir le terrain au maximum
afin de limiter les dénivelés, l’élévation de l’Eure pourrait alimenter les réservoirs de
Versailles par la seule force de gravité. De nouveaux travaux de nivellement entrepris
au printemps suivant confirment cette hypothèse116. Ainsi soit-il : en mettant à profit
le relief des fonds de vallée, on fait creuser un gigantesque canal reliant le lit de l’Eure
aux systèmes de drainage existants. Il doit se jeter dans l’étang de la Tour, lui-même
relié aux étangs de Hollande qui arrosent le plateau yvelinois. A plusieurs endroits du
tracé, cependant, des aménagements sont nécessaires pour franchir les vallées ou
rectifier les trajectoires ; certains subsistent d’ailleurs dans le paysage, comme les

113
Evrard, 1933, p. 585.
114
« Il ne paroit pas que l’on ait jamais exécuté de machine qui ait fait autant de bruit dans le monde
que celle de Marly… » (Belidor, 1737, p. 195)
115
Pujo, 1991, chap. 11.
116
Mémoires de la Société des Sciences Morales de Seine-et-Oise, 1866, pp. 107-108

23
écluses de Boizard à Pontgouin, l’arche à mulet de Saint-Arnoult-des-Bois ou les
Terrasses, un remblai situé entre Berchères-la-Maingot et Maintenon.
En août 1685, moins d’un an après le lancement des travaux, le canal de Berchères à
Pontgouin est établi, et plusieurs membres de l’Académie des Sciences – dont La Hire,
Sédileau, Cassini – assistent à l’entrée d’eau dans le canal, opération qui connaît un
franc succès117. Le projet est promis à un grand avenir. Mais le plus grand défi de
l’entreprise reste le franchissement de l’Eure à Maintenon, où la rivière creuse une
dépression de plus de 70 mètres dans le paysage. S’opposant aux conseils de Vauban,
qui préconise la construction d’un « aqueduc rampant » (des siphons permettant
d’acheminer l’eau couplés avec quelques ouvrages maçonnés), Louvois souhaite
ériger un pont-aqueduc gigantesque qui magnifiera encore davantage la puissance du
Roi-Soleil, et s’étendra du Point-à-Rien de Berchères jusqu’au bois de Fourches après
avoir enjambé Maintenon : « Il est inutile que vous pensiez à un aqueduc rampant, lui
écrit le ministre, dont le Roi ne veut pas entendre parler. Si le mémoire ci-joint n’est
pas suffisant pour vous en faire comprendre la raison, la volonté du Maître doit vous
en empêcher de plus en parler.118 » Mais une structure maçonnée haute de 73 mètres
et courant sur près de 17 kilomètres n’est pas sans contraintes financières. Aussi, en
mars 1685, on décide de remplacer certaines parties maçonnées par du remblai, projet
que l’on revoit encore à la baisse avec l’introduction de siphons, comme Vauban
l’avait pressenti119. En cela, l’ingénieux bâtisseur s’appuie sur les travaux précurseurs
de Perrault (De l’origine des fontaines, 1674), Mariotte (qui finalise son Traité du
mouvement des eaux et autres fluides, à publier en 1686) et Gobert (qui publiera un
Traité pour la pratique des forces mouvantes en 1702) sur la mécanique des fluides.
Les levées de terre suffisent à égaliser le niveau du canal sur la plus grande partie du
tracé : des conduites de fer et de plomb feront le reste. Elles doivent courir au sommet
de la première rangée d’arcades du pont-aqueduc de Maintenon.

3. Un chantier colossal
Malgré les petites rectifications qui ternissent quelque peu la grandeur du projet, à
Maintenon, l’ampleur du chantier est sans aucun doute à la hauteur des aspirations du
Roi-Soleil. On estime qu’entre dix-sept et trente mille hommes120 travaillent à
l’édification de l’aqueduc de Maintenon, dont deux tiers sont composés de soldats,
placés sous la supervision du marquis d’Uxelles121. Il faut imaginer la zone en
perpétuelle ébullition, hérissée de grues et d’échafaudages, noyée dans la fumée
blanchâtre des fours à chaux122 et bruyante à souhait. Une image qui rompt avec le

117
De Noailles, 1848, pp. 74-75
118
Despots/Galland, 2006, pp. 34-35
119
Despots/Galland, 1999, p. 47
120
17 000 (Despots, Galland, 2006, p. 36) ; 22 000 (De Noailles, 1848, p. 73) ; 30 000 (Pelé, 1900).
121
Selon certaines sources, ces derniers sont choisis en raison de leur attitude « trop modérée » lors
des répressions contre la population protestante (Despots, Galland, 2006, p. 36), ou tout au moins,
on réserve à ces derniers les tâches les plus pénibles (Aubin, 1985, p. 17).
122
Une carte de 1687 représente un bloc intitulé « fours à chaux » (on y repère trois cheminées) ainsi
que des casernes de part et d’autre de l’Eure (Bibliothèque nationale de France, Estampes Va28 (8)
H120771).

24
besoin de quiétude exprimé par Madame de Maintenon lorsqu’elle prend possession
du domaine, en 1674… Un moulin présent sur le site est d’ailleurs déménagé ou
démoli lorsque la canalisation de l’Eure prend forme123.
Afin d’approvisionner le chantier en matières premières sur une terre relativement mal
desservie par les routes, Vauban décide d’employer la voie maritime : il ordonne le
creusement de canaux jusqu’à la région d’Epernon, riche en carrières de grès, et
Gallardon, d’où est extrait le calcaire de Germonval124. La Voise, la Drouette et l’Eure
sont donc rendues navigables pour le bon déroulement des opérations. Selon
l’ingénieur lui-même, « la première disposition qu’il y ait à faire est de rendre la
rivière d’Eure navigable depuis Maintenon jusqu’au bas de Nogent 125. » Il ne s’agit
pas seulement de canaliser ces voies d’eau, mais aussi de les élargir – 18 pieds de large,
soit 5 mètres et demi, sont souhaités – et d’assurer une hauteur suffisante – environ 9
pieds – pour que les bateaux qui les arpentent, même alourdis de matériaux, ne griffent
pas leur fond126. Les forêts de Gazeran et de Senonches sont quant à elles exploitées
pour l’approvisionnement en bois destiné aux échafaudages, aux coffrages et aux fours
à chaux127. Vauban pense également à faire venir quantité de matériaux, qui
témoignent de l’ampleur de la tâche qui attend les ouvriers : « faire f. deux milliers de
pics à roch, autant de feuilles de sauge, autant de luchets128 à la mode de Flandre,
autant de brouettes et 2000 toises de planches de bois blanc, une centaine de
ramasseurs de fer [pelles ?] ou grandes pelles recourbées129 » (Fig. 6).

Figure 6 - ANP 155Mi/58 D1 P2

123
Labat, 2017, pp. 44-45.
124
Une carte de Pierre Aveline, dessinée en 1700, atteste de la proximité des matières premières à
l’époque (Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans, GE DD-2987).
125
Archives Nationales – Site de Pierrefitte-sur-Seine (ANP), 155 Mi/58, dossier 1, pièce 1.
126
Pierre, 1978-1979, 1982, p. 86.
127
Despots, Galland, 2006, p. 33.
128
Luchet : sans doute pioche ou bêche, mot tiré du néerlandais loet, « outil pour puiser/racler ».
129
ANP, 155 Mi/58, dossier 1, pièce 2.

25
Pour naviguer sur ces canaux fraîchement creusés, Vauban opte pour de larges
embarcations d’inspiration ligérienne130, souples et aisées à manœuvrer. C’est Vauban
lui-même qui dessine ces bateaux, ce que nous pouvons certifier grâce à un schéma
descriptif des pièces et du gabarit de l’embarcation signé de sa main, dont nous avons
réalisé une copie aux Archives Nationales131. L’ingénieur précise également la
provenance de ces bateaux : « quant aux bateaux on pourra […] faire dès à présent
travailler à la fabrique des bateaux de Roüen ou en quelque endroit des rivières qui
ont communication avec la Seine où il y ait commodité pour cela132. » Lesdits bateaux
affluent alors, chargés de pierre, de grès, de sable, pour alimenter un chantier qui prend
vite l’apparence d’une fourmilière humaine. Tous les métiers s’y côtoient : tailleurs de
pierres, maçons, charpentiers, tuiliers, terrassiers, bûcherons, éclusiers, charrons,
briquetiers – les briques sont cuites sur place ou acheminées, notamment depuis Lille
et Abondant133… Une véritable économie se met en place : un débarcadère en grès134
est aménagé sur la rive ouest des berges, où des bateaux construits pour l’occasion
déchargent leur cargaison. Ce débarcadère est sans doute installé à proximité d’un
comptoir ou d’un économat où les marchandises sont comptées et enregistrées, avant
d’être assignées à la construction. Tout autour de Maintenon, cet afflux de main
d’œuvre bouleverse l’économie locale – car il est nécessaire de loger, nourrir, divertir
ces hommes qui s’établissent sans aucun doute pour plusieurs mois sur un chantier de
cette importance. Vauban s’en inquiétait d’ailleurs : « à l’esgard des troupes
nécessaires il est très difficile de les bien camper pour en estre près ; car il les faudra
mettre sur des hauts loings des eaux ou dans les bas sur le bord de la prairie […]
D’ailleurs le bois et la paille nécessaire pour les camper seroient très difficiles à
trouver cette année, de sorte qu’il vaudroit mieux à mon avis les loger dans les villages
plus près de l’ouvrage135 ». Des régiments s’installent ainsi à Pontgouin, Chuisnes et
Courville136. Tous ne logent pas au plus près de l’aqueduc en chantier car les hommes
sont également réquisitionnés au creusement des canaux, à la coupe du bois et
l’« eschafaudage », au déblaiement des carrières, au transport des matériaux…
Le projet original comprenait trois rangées d’arcades : le pont-aqueduc était censé
culminer à 73 mètres de hauteur – pour comparaison, le pont du Gard atteint 48 mètres
– au sommet duquel l’eau était acheminée au moyen d’un canal maçonné en demi-
lune. Les niveaux supérieurs auraient été plus longs afin d’épouser la forme de la
vallée. L’entreprise ayant été corrigée, faute de moyens, par Vauban (la moitié du
budget alloué par la Couronne a déjà été grignotée137), on anticipe désormais que l’eau

130
Le plan détaillé d’un de ces bateaux, semblables à ceux du bassin de la Loire, est dessiné par
Vauban le 27 avril 1685 (Labat, 2017, p. 35, Figure 16).
131
ANP, 155 Mi/58, dossier 3, pièce 6. A noter que j’ai reçu l’autorisation de reproduction de ce
document pour un usage interne seulement. Ce schéma ne doit pas quitter les différents services du
CD28 ne pourra se traduire par une reproduction à vocation muséographique.
132
ANP, 155 Mi/58, dossier 1, pièce 2.
133
Payraud, 2011, p. 33.
134
Les fouilles archéologiques de 2017 ont mis au jour un débarcadère en grès (construit dans le
même matériau que l’aqueduc, donc très vraisemblablement au même moment) de 4,65 x 1,16m sur
la rive occidentale des berges, à la hauteur du canal parallèle à l’aqueduc qui relie l’Eure et la Voise,
ainsi que les restes organiques d’un ponton (Labat, 2017, pp. 41-42).
135
ANP, 155 Mi/58, dossier 1, pièce 2.
136
Pelé, 1900.
137
Labat, 2017, p. 36.

26
circulera au sommet de la première rangée d’arcades, qui culmine à 28 mètres de
hauteur. Par ailleurs, les plans originaux révèlent que des escaliers à vis, juchés à
l’intérieur des contreforts, étaient censés desservir les étages supérieurs 138. Vauban
anticipait de faire faire « des tours de mil toises en mil toises adossées contre les pilles
pour f. des escalliers », précisant qu’il « en faudra environ cinq en tout139 ».
Du reste, l’ouvrage nécessite des moyens colossaux : Vauban anticipe un besoin de
« trente cinq mille toizes cubes de maçonnerie140 » pour l’année 1687, et précise que
pas moins de 240 embarcations seront nécessaires pour charrier les matériaux141 (avec
20 bateaux « de relais » supplémentaires « pour remplacer les blessés »). On ignore
toutefois si cette quantité de bateaux concernait l’ensemble de l’ouvrage ou seulement
une portion du trajet fluvial, et si le quota anticipé (de bateaux, d’outils et de matériaux)
s’est révélé exact dans les faits. Enfin, l’étude approfondie du Fonds Rosanbo (dit
« Fonds Vauban ») aux Archives Nationales a permis de découvrir un schéma
représentant les échafaudages hérissés autour de l’aqueduc142 (Fig. 7). Cette
représentation côtoie un dessin de l’aqueduc daté du 17 avril 1865, ce qui nous donne
à penser que cette représentation a eu le temps d’évoluer avant le début des travaux.

Figure 7 - Echafaudages dessinés par Vauban, ANP 155Mi/58 D5 P4

138
De Noailles, 1848, pp. 77-78. On peut observer les tourelles plaquées sur le corps du pont-
aqueduc original sur les plans de 1686, notamment la coupe d’une des piles, archivée à la
Bibliothèque Nationale de France (département Estampes et photographie, RESERVE HA-18 (40)-
FOL).
139
ANP, 155 Mi/58, dossier 4, pièces 1/1bis.
140
Près de 70 000 mètres cubes actuels. ANP, 155 Mi/58, dossier 4, pièce 10.
141
ANP, 155 Mi/58, dossier 4, pièce 10.
142
ANP, 155 Mi/58, dossier 5, pièce 4.

27
4. Abandon et désuétude
Pour superviser les travaux et motiver les ouvriers, Louis XIV rend régulièrement
visite à ses hommes sur le chantier. Selon Henry Chotard, le monarque est exigeant :
« le Roi enferme [les entrepreneurs] strictement dans les termes de leurs marchés ; il
n’admet pas leurs réclamations143. » Le maître d’œuvre, Louvois, s’assure quant à lui
de leur zèle en distribuant à l’envi de nombreuses gratifications 144. A l’été 1687,
l’enthousiasme que suscite le projet est perceptible dans cette lettre que Madame de
Maintenon destine à Mme de Saint-Géran : « les ouvrages de Maintenon sont fort
avancés ; […] c’est, de l’aveu de tous, un ouvrage digne des Romains et du roi145. »
Plusieurs éléments contribuent toutefois à affaiblir cette gigantesque entreprise.
D’abord, des maladies déciment les troupes : les épidémies se répandent en raison des
miasmes dégagés par la terre soulevée et remblayée 146. Les troupes qui sont encore
valides doivent faire face à une nouvelle menace : en 1688 éclate la guerre de la Ligue
d’Augsbourg. C’est donc l’appel du champ de bataille qui rapatrie les hommes sur la
frontière allemande et sonne le glas des travaux. Vauban est, pour sa part, sollicité pour
fortifier la cité stratégique de Phalsbourg, en Lorraine147. Dans les premières semaines
du conflit, on espère peut-être que le chantier reprendra ; mais les troupes s’enlisent
outre-Rhin et les finances du royaume se consacrent exclusivement à l’effort de guerre.
Une anecdote célèbre (mais obscure) rapporte que Louis XIV y contribue en faisant
fondre sa vaisselle d’or et d’argent à la Monnaie de Paris en 1688 ! Le budget de la
Couronne aura, très vraisemblablement, largement fondu dans cette entreprise
colossale, dont la facture se chiffre à près de 9 millions de livres148.
Les dernières arches de l’aqueduc sont bâties en 1689, et certaines sources avancent
que les travaux perdurent jusqu’en 1694149. Mais l’eau n’y coulera jamais, certaines
parties de l’édifice n’ayant pas été terminées au moment du renvoi des derniers
ouvriers150. L’ouvrage massif est alors laissé à l’abandon, grignoté par la nature, et ses
pierres sont régulièrement pillées par des paysans pour élever moulins et maisons151
ou proposées à l’achat152. On dit même que Louis XV en détruisit une partie pour bâtir
le château de Crécy, destiné à sa maîtresse, Madame de Pompadour153. D’autres

143
Chotard, 2016.
144
Mémoires de la Société des Sciences Morales de Seine-et-Oise, 1866, p. 110.
145
Lettre XXVII datée du 28 juillet 1687 et destinée à Madame de Saint-Géran, citée par Gosse/Luzac,
1757. p. 96.
146
« Un grand nombre d’ouvrier périrent à cause des miasmes dégagés par l’énorme soulèvement
des terres » (Ambert). D’autres sources incriminent le paludisme ou le scorbut.
147
Mémoires de la Société des Sciences Morales de Seine-et-Oise, 1866, p. 113
148
Despots, Galland, 2006, p. 39 / De Noailles, 1848, p. 87. Ce dernier précise la somme exacte :
« Quant à la dépense qu’occasionnèrent l’aqueduc de Maintenon et la conduite de la rivière d’Eure
depuis Pontgouin, elle s’éleva, sans compter les acquisitions de terrains, et sans y comprendre la
valeur des travaux de terrassement exécutés par les troupes, à la somme de 8 880 261 livres 5 sous 7
deniers, monnaie du temps. »
149
Gabriel Despots, Jacques Galland, 2006, p. 39.
150
De Noailles, 1848, p. 91.
151
Pierre, 1978-1979, 1982, p. 85 ; Auboin, 1985, p. 23.
152
G317 : « Achat de grès et briques provenant de l’aqueduc de Maintenon ».
153
Moutié, 1854, p. 69 ; Ambert, p. 10.

28
mutilations ont lieu pendant la Révolution154. Ne subsiste aujourd’hui à Maintenon
qu’un pont-aqueduc squelettique, long de 955 mètres et percé de 47 arcades.
« L’aqueduc de Maintenon, s’il eût été terminé, auroit aussi trouvé sa place à côté des
plus vastes ouvrages des peuples de l’antiquité » écrira Antoine de Quincy un siècle
plus tard. L’édifice, à jamais incomplet, témoigne en tout cas des ambitions
démesurées que nourrissait le Roi-Soleil, capable d’engloutir le budget de la Couronne
et le fort de ses troupes dans un ballet de jeux d’eau.

B. Un territoire façonné par le chantier de l’aqueduc


Si l’on a jusqu’à présent centré notre étude sur le parc du Château de Maintenon, où le
pont-aqueduc se dresse aujourd’hui, le rayonnement du chantier dépasse largement cet
espace. D’abord, parce que les matières premières n’étant pas toutes disponibles sur
place, il a fallu exploiter les carrières des environs et donc dompter le paysage. Au
cours d’un stage au sein du service d’archéologie préventive du Conseil Départemental
d'Eure et Loir, Guillaume Osorio, étudiant en L3 à l’Université de Tours, a notamment
travaillé sur l’artificialisation de la vallée de l’Eure et de ses affluents, qui furent
partiellement sollicités durant le chantier. Ses observations géomorphologiques
confirment l’impact du chantier sur la zone tout entière.
Plus précisément, l’hydrosystème subit une « perte de naturalité » dès le début du
XIIème siècle, en raison des fortifications bâties autour des cités de Gallardon,
d’Epernon et de Nogent-le-Roi, mais aussi de la construction de moulins ou de
franchissements ; à la fin du XVIIème siècle, l’impact du chantier et de la canalisation
de l’Eure est encore plus colossal. Guillaume Osorio a notamment observé un cours
d’eau – la Rémarde, à Gallardon – qui s’écoule dans le sens opposé de l’écoulement
normal en raison d’une paroi effondrée, ce qui le pousse à conclure que « beaucoup
d’aménagements et de forçages de déviation d’eau qui sont à l’abandon tendent à un
nouvel équilibre dynamique ». Des études postérieures traitant de l’évolution des cours
d’eau locaux, à la fois sur un plan historique et géographique, pourraient s’avérer
pertinentes en la matière.
Ce ne sont pas seulement les cours d’eau qui furent apprivoisés au cours des années
1680. L’économie des cités environnantes fut stimulée par l’afflux de main d’œuvre
et la demande de matériaux, ce qui a contribué à la création de « centrales de
production ». Le bourg de Germonval, en banlieue de Gallardon, fut étudié notamment
par Maurice Vié, qui signale que l’exploitation des pierres calcaires y est active depuis
l’époque médiévale155 et jusqu’au début du XXème siècle156. Le territoire se
transforme durablement à l’arrivée des ouvriers du roi à partir de 1684 : « le ruisseau
d’Ocre qui traverse Germonval fut canalisé à la sortie du village le long du chemin
dit de Germonval où on créa un embarcadère pour y charger les bateaux de pierres et
de chaux157 ». Des fours à chaux devaient donc être présents sur place : Vié en recense
trois. Depuis Germonval, le canal file tout droit jusqu’à Maintenon le long d’un chemin

154
Moutié, 1854, p. 69.
155
Vié, 2001, p. 274.
156
Vié, 2001, p. 276.
157
Vié, 2001, p. 275.

29
de halage158 auparavant connu sous le nom de Figure 8 - Rue du Gros Pavé, Epernon
(28230)
« Chemin des Fours à Chaux159 ». Expropriées par
Louis XIV durant les travaux, les terres sont rendues
à la commune à la fin du siècle.
On peut élargir la recherche aux autres communes
concernées, de près ou de loin, par le chantier royal.
Les carrières de grès d’Epernon, par exemple, ont
été fortement exploitées durant le chantier (les
soldats de la Sarre y étaient employés à piquer le
grès160) : nul doute qu’une telle activité a laissé des
traces dans le paysage. Les carrières de Cady ne
subsistent plus (le Faubourg de Cady était encore
identifié sur le cadastre napoléonien161) mais une
« rue de Cady » persiste au nord de la commune,
encadrant la route de Nogent-le-Roi avec une « rue
du Gros Pavé » qui porte bien la marque de son
ancienne utilisation (Fig. 8). L’industrie
sidérurgique n’est pas en reste : pour produire les
tuyaux de fonte destinés au système de siphons, les forges de Dampierre-sur-Blévy,
aujourd’hui classées aux Monuments Historiques162, tournent à plein régime. Lorsque
le chantier s’arrête et que le projet est abandonné, les tuyaux sont rapatriés pour y être
refondus et recyclés. Evrard cite également les forges établies sur la commune de
Conches, dans l’Eure (cette dernière est d’ailleurs traversée par une « Rue de la
Forge »), mais aussi celles, plus lointaines, de Champagne et du Nivernais163.
Un autre élément susceptible d’enrichir la compréhension du chantier de l’aqueduc
serait l’étude approfondie des habitations ayant servi à loger soldats et ouvriers.
D’après les sources, plusieurs milliers d’hommes furent mobilisés lors des travaux, et
l’ampleur de leur tâche les obligea à demeurer sur place pendant la durée des
opérations – deux ans au bas mot. Les archives départementales gardent d’ailleurs en
mémoire les messes ou les enterrements célébrés en présence de ces hommes, signe
qu’ils s’implantaient durablement sur le territoire164. Pour loger cette main-d’œuvre
fort nombreuse, des casernes furent construites (ou réquisitionnées ?165). Un plan
datant de 1787 et conservé aux Archives Départementales des Yvelines révèle
d’ailleurs l’emplacement des « cazernes » localisées directement sur le chantier de
l’aqueduc166 : un chapelet d’habitations au nord de l’ouvrage (au sud dans la réalité),

158
Sentier de traction terrestre des embarcations navales.
159
Vié, 2001, p. 280.
160
Evrard, 1933, p. 590.
161
Plan cadastral parcellaire de la commune d'Epernon, 1832, Section A, Feuille 2.
162
Référence PA00132880 sur la Base Mérimée.
163
Evrard, 1933, p. 590.
164
AD28, G3269 : « Suivant l'invitation de Mr de Louvois, chaque chanoine dira sa messe, tous les
dimanches et jours de fête, à l'église collégiale "pour la commodité des soldats et autres ouvriers
employés pour la construction du grand Aqueduc de Maintenon" (26 avril 1687). »
165
« Louvois n’hésitait pas, pour leur procurer l’abri, à déloger les propriétaires. » (Evrard, 1933, p.
590)
166
« Carte de l’aqueduc royal dans le fond de Maintenon », 1787. AD78, Fonds Blondel, 8 Fi 1.

30
situé à environ 150 toises (300 mètres) de l’aqueduc sur la berge ouest actuelle, ainsi
qu’un autre ensemble de bâtiments situé cette fois-ci au sud de l’aqueduc (au nord dans
la réalité) et sur la rive opposée (Fig. 9). Si ces ensembles bâtis n’ont
vraisemblablement pas perduré jusqu’à nos jours – les pierres de l’aqueduc, ouvrage
royal, ayant elles-mêmes été pillées, on imagine le sort que les habitants de Maintenon
réservèrent aux modestes casernes – ils sont géographiquement identifiables et
pourraient faire l’objet de repérages plus poussés (voire de fouilles) sur le terrain.
Même constat pour les fours à chaux implantés sur le chantier de Maintenon et dont
les cheminées sont visibles sur la même carte, aujourd’hui noyés dans la végétation
qui encercle le parc du château.

Figure 9 - Emplacement des "cazernes" et des fours à chaux sur la "Carte de l'aqueduc royal dans le fond de
Maintenon" (1687) - AD78 Fonds Blondel 8Fi1

De toute évidence, la recherche de traces du chantier – casernes, sépultures,


débarcadères, cours d’eau canalisés, carrières, fours à chaux, briqueteries – sur un
périmètre plus large pourrait faire l’objet d’une étude archéologique et historique
extrêmement valorisante à l’échelle du territoire, et valorisable sur le terrain. Dans
cette optique, le chantier de Maintenon servirait de catalyseur à la résurrection de
plusieurs morceaux d’histoire, à cheval sur plusieurs communes.

31
C. Les bateaux de Vauban
Arrêtons-nous un instant sur les bateaux que Vauban fait bâtir pour desservir le
chantier de l’aqueduc. C’est à l’aide d’un schéma de la main de Vauban (1685),
aujourd’hui conservé aux Archives Nationales de Pierrefitte-sur-Seine167 (Fig. 10),
détaillant les proportions de l’embarcation et ses caractéristiques techniques, que l’on
peut se faire une meilleure idée de son emploi quotidien sur le chantier. On constate
que le bâtiment mesurait 15 mètres de long pour 3 mètres de large – un véritable
colosse qui avait été conçu de manière strictement symétrique (on parle de « véhicule
amphidrome ») de façon à pouvoir se déplacer vers l’avant et vers l’arrière sans devoir
faire demi-tour. Une caractéristique particulièrement utile dans le cadre du chantier,
où les allers-retours étaient réguliers entre carrières et débarcadères, et les manœuvres
particulièrement délicates dans les canaux les plus étroits. Un trou avait également été
aménagé au centre de l’embarcation pour y accueillir une voile.
Sollicité par mon collègue Antoine Louis, l’architecte naval Jérôme Delaunay a pu
réaliser des études de propulsion permettant d’éclairer l’utilisation qu’en firent les
architectes royaux sur le canal de l’Eure. Voici les points saillants de cette étude :
 Le bateau était capable de charrier près de 23 tonnes de matériaux par voyage.
 Son fond plat assure une plus grande stabilité de manœuvre humaine : ainsi
trois hommes pesant chacun 80 kilos et transportant 19 tonnes de sable
engendreront une gîte168 de 0,75° seulement (il faudrait 9° pour que
l’embarcation chavire).
 Le bateau, aisément manœuvrable par deux personnes, pouvait parcourir entre
15 et 20 kilomètres par jour.
 Faire avancer le navire à 3 km/h exige une force de traction équivalente à 830
Watts, ce qui est atteignable en utilisant un cheval de trait, sinon un couple de
mules ou de bœufs.
Par ailleurs, l’étude fascinante de Jérôme Delaunay renseigne sur l’origine potentielle
du navire et les étapes de sa construction : selon l’architecte naval, ce bateau s’inscrit
dans la tradition nord-européenne, qui accouche dès l’Antiquité de navires fluviaux
autour de la Mer Baltique et de la Mer du Nord. Il est constitué d’un fond plat (« sole »)
recourbé aux extrémités en le chauffant au-dessus d’un feu, autour duquel on assemble
les « bordés » (éléments qui composent la coque). C’est la technique dite du « bordé
premier », qui s’oppose à la « construction sur squelette » qui assemble en premier lieu
les éléments internes du navire (membrures, varangues…) avant d’ajouter les bordés.
A coup sûr, l’étude détaillée du « toizé des bois d’un bateau pour servir à la navigation
des rivières de Gallardon et d’Epernon169 » permettrait de mieux nous renseigner sur
les matériaux employés et les procédés de fabrication.

167
ANP, 155 Mi/58, dossier 3, pièce 7.
168
Gîte : inclinaison d’un navire sur le côté.
169
ANP, 155 Mi/58, dossier 3, pièce 6.

32
Figure 10 - Plan des embarcations de la main de Vauban (1685) - ANP 155 Mi/58 D3 P7 (A NE PAS DIFFUSER)

D. Fenêtres sur le chantier de l’aqueduc


Les fouilles archéologiques de 2017, supportées par de nombreuses recherches
historiques et le dépouillement d’archives, ont permis de mettre en lumière un pan
entier de l’histoire de Maintenon : celui qui vit le chantier de l’aqueduc actif,
vraisemblablement entre 1684 et 1688. Les travaux préliminaires ont permis de
combler un certain nombre de zones d’ombre, et il nous est à présent plus aisé
d’imaginer (et de représenter) le chantier tel qu’il nous apparaît dans la lunette
historique.

33
Les éléments qui n’ont pas pu être tirés directement de l’étude du terrain sont inspirés
des chantiers royaux de la même époque, dont on suppose qu’ils avaient la même
envergure qu’à Maintenon, au vu de la débauche de moyens (financiers et humains)
souhaitée par Louis XIV et son ministre. Les chantiers du Louvre, de Versailles ou
encore du Pont-Royal170 ont été particulièrement précieux pour nous renseigner sur la
structure, les matériaux et les outils employés sur les chantiers d’époque.
A partir de ces informations, mon collègue topographe/dessinateur 3D/magicien
Antoine Louis a été en mesure de produire les visuels 3D suivants, véritables fenêtres
sur le chantier de l’aqueduc entre 1685 et 1688 :

170
La structure en bois de l’édifice est remplacée en pierre par Louis XIV entre 1685 et 1689 ce qui
lui vaut son nom : il était à l’origine baptisé « Pont Rouge ».

34
III. Bibliographie et références

Sources imprimées
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départementales des Yvelines, cote J3211/16/1.
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ménager les eaux pour les différents besoins de la vie, tome second, 1737.
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SOLNON Jean-François, Histoire de Versailles, 2003, Paris.
VIÉ Maurice, Gallardon et ses environs, tome 4, La physionomie de Gallardon au
cours des siècles, 2001.
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XIème au XVIème siècles, éd. Bance-Morel de 1854 à 1868.

Sources iconographiques
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Départementales des Yvelines, Fonds Blondel, cote 8 Fi 1.
Plan cadastral parcellaire de la commune d'Epernon, 1832, Section A, Feuille 2.
Unité documentaire 3 P 4248.
Plan cadastral parcellaire de la commune de Maintenon, 1831. Unité documentaire 3
P 7059.
Fonds iconographique Robert de Cotte (Des18Cotte), Bibliothèque nationale de
France, département Estampes et photographie, 1686.
AVELINE Pierre, « carte des environs de Maintenon » v. 1700, Bibliothèque
nationale de France, département Cartes et plans, GE DD-2987.
LE NÔTRE André (?), Plan du parc du Château de Maintenon, 1676, Paris,
Bibliothèque de l’Institut, Ms. 1307, fol. 29.

Archives consultées
Archives Départementales d’Eure-et-Loir :
 B157 : Saisie féodale du donjon du château de Maintenon
 B252 : Visite de la grande ferme du château de Maintenon
 B264 : Inventaire de la ferme et de la basse-cour du château de Maintenon
 B327 : Adjudication de la pêche des rivières de Maintenon

38
 E2320 : Procès-verbal de livraison au seigneur de Maintenon de 160 pierres

Archives Départementales des Yvelines :


 A385 : Carte générale du projet
 A276 : Etudes de nivellement
 8Fi 1 à 38 : Fonds Blondel
 A sup 61 : Plan général des rigoles

Archives Nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine :


Fonds Vauban I
 260AP/50 (155Mi/39) : Travaux de terrassement
 260AP/63 (155Mi/57) : Plans et profils du canal à faire depuis Pontgouin
jusqu’à Berchères-la-Maingot
 260AP/64 (155Mi/58) : Aqueduc de Maintenon
Fonds Vauban II
 261AP/2 (155Mi/58) : Correspondance de Vauban avec Mme de Maintenon
 261AP/45 (161Mi/42) : Correspondance avec le maréchal de Noailles
 261AP/52 (161Mi/47) : Lettres échangées par Vauban et le maréchal de
Noailles

39
SECTION II.
PRECONISATIONS MUSEOGRAPHIQUES

I. INTRODUCTION
La première partie de ce rapport, qui synthétise neuf mois de recherches, aura permis
de lever le voile sur certains pans méconnus – tout du moins, peu exploités – de
l’histoire du domaine. Il s’agit à présent de les valoriser sur le terrain en répondant aux
contraintes muséographiques du lieu.
Un sondage effectué il y a quelques années par les équipes du château171 a révélé les
principales faiblesses du site : un public majoritairement âgé (un visiteur sur deux a
plus de 50 ans), tourné quasi-exclusivement vers la visite guidée (98% d’entre eux) et
des contenus peu adaptés aux visiteurs étrangers, qui représentent pourtant 10% des
visites, majoritairement en provenance des pays de l’Union Européenne.
Ces constats soulignent la nécessité de « rafraîchir » les contenus du site, tant sur le
fond que sur la forme, en développant notamment les parcours en autonomie (ce qui
aura le mérite de désengorger les couloirs du château et d’alléger le travail de son
personnel) et en impliquant un public plus large et plus jeune.
Les événements du Tricentenaire de la Mort de Madame de Maintenon, ouverts en
fanfare en avril 2019, ont permis de concrétiser certaines de ces ambitions. Le service
d’archéologie préventive du Conseil Départemental d'Eure et Loir y a notamment
contribué en fournissant plusieurs maquettes de l’aqueduc de Vauban, imprimées en
3D et réalisées entièrement en interne, et en mettant sur pied un sentier pédagogique
en bord d’Eure reconstituant des « scénettes » du chantier de l’aqueduc. Bien que
lesdits contenus soient centrés sur la chronologie du Grand Siècle déjà surabondante
sur le site, force est de constater que ces initiatives diversifient la muséographie locale
et sollicitent d’autres publics attirés par des contenus ludiques et divertissants.
Dans cette section, nous tâcherons d’aborder les autres axes de valorisation potentiels
du domaine, en conjuguant à chaque fois le fond (contenu historique, période
concernée, acteurs, enjeux) et la forme (outil de valorisation, public ciblé, intérêt pour
le visiteur, coût).

171
Echantillon de 47 000 personnes passés sur le site en 6 mois (étude de la billetterie), dont 1% a
répondu au questionnaire détaillé.

40
II. LA REALITE VIRTUELLE
Au cours de la préparation des évènements du Tricentenaire, nous avons travaillé main
dans la main avec la société Hiji Digital, prestataire de services de réalité virtuelle
(RV). L’objectif était de moderniser la muséographie en s’appuyant sur des scénarios
virtuels localisés dans le Parc du Château de Maintenon. L’un, doublé d’une voix
off172, était une promenade calme répondant d’un véritable objectif pédagogique ;
l’autre, délibérément fun et débridé, était une attraction à sensations de type
« rollercoaster ». A ce jour, les projets sur lesquels nous avons travaillé n’ont pas
encore vu le jour, mais ils permettent d’envisager d’autres applications de la réalité
virtuelle au contexte de la muséographie du château.
Cette technologie permet en effet de reconstituer des éléments historiques aujourd’hui
disparus. Les fouilles archéologiques de Nicolas Payraud (2011) et d’Olivier Labat
(2017) ont révélé respectivement la présence d’une barbacane dans l’avant-cour du
château et l’économie du chantier du pont-aqueduc de Vauban. Ces éléments peuvent
être reconstruits numériquement puis intégrés au logiciel de réalité virtuelle de façon
à les superposer à l’existant : c’est d’ailleurs le travail auquel mon collègue Antoine
Louis s’est attelé en reconstituant les éléments du chantier de l’aqueduc à partir de
plans d’archives, d’observations sur le terrain et de recoupages historiques.
On peut imaginer plusieurs scénarios qui mettraient à profit la technologie RV :
 Une visite thématique médiévale, qui mettrait en scène les éléments défensifs
(fortifications, pont-levis, barbacane…) du château. Cela pourrait soit faire
l’objet d’une visite guidée virtuelle (avec une voix off en complément), soit
d’une véritable animation numérique du style « Prenez d’assaut le château de
Maintenon ».
 Une promenade sur le chantier du pont-aqueduc de Vauban, où le spectateur
assisterait aux travaux « en direct » au milieu d’une cohorte d’architectes,
d’ouvriers et d’animaux de trait.
 Une promenade en bateau le long de l’Eure et de ses affluents, à la découverte
de ses canaux réalisés en grande partie au préalable de la construction du pont-
aqueduc. On pourra réutiliser ici les éléments numériques réalisés par Antoine
Louis qui a reproduit les bateaux dessinés par Vauban avec une grande
précision.
 Une exploration du pont-aqueduc de Maintenon complété, avec ses trois
rangées d’arcades et son canal en demi-lune au sommet. Les plans
préliminaires nous renseignent sur la présence d’escaliers et de tourelles
censées desservir les étages, que les spectateurs « virtuels » pourraient
emprunter. (La vue au sommet de l’ouvrage pourrait donner sur le Château de
Maintenon.)
 Un escape game en réalité virtuelle : le principe de l’escape game (une épreuve
contre-la-montre dans laquelle il faut résoudre une série d’énigmes pour
s’échapper) séduit de plus en plus et, en se démocratisant, tend à se limiter à
quelques univers spécifiques. Assurément, le Château de Maintenon serait un

172
La transcription de la voix off du scénario « calme » est disponible en Annexes (p. 46).

41
environnement unique où accueillir des épreuves de la sorte : les
démonstrations des Oculus Rift et Go par Hiji Digital ont démontré que la
reconstruction virtuelle d’espaces du château est envisageable, tout en y
intégrant des contenus numériques (textes, images, vidéos…) qui pourraient
contribuer à une épreuve chronométrée de résolution d’énigmes.
 L’exploration de pièces inaccessibles : grâce au principe de la
« photogrammétrie » (numérisation d’environnements en trois dimensions), il
est possible de récréer virtuellement des environnements physiques
inaccessibles aux visiteurs. Ce, afin de protéger les visiteurs (endroits étroits,
difficiles d’accès, encombrés, pas accessibles aux personnes à mobilité
réduite…) et les espaces de visite « originaux » (papiers peints endommagés,
graffitis, espaces trop peuplés…).

III. LES SITES INEXPLOITES


Comme souligné dans la première partie de ce rapport, la plupart des contenus relatifs
à l’aqueduc de Vauban mettent en valeur l’emprise territoriale de l’ouvrage, en
oubliant parfois l’importance de la région tout entière dans la construction du pont-
aqueduc. Fours à chaux, casernes, carrières, forges sont identifiables à l’extérieur de
ce périmètre, soit parce que les historiens en ont conservé les traces (c’est le cas de
Maurice Vié dans le bourg de Gallardon) soit parce que la toponymie du lieu en
manifeste l’utilisation ancienne. Quoiqu’il en soit, une recherche étendue de l’impact
du chantier sur l’ensemble du territoire s’avérerait extrêmement valorisante.
Voici quelques exemples de la façon dont ce projet pourrait se traduire :
 Proposer un stage ou un master de recherches centré sur l’impact du chantier
sur les cours d’eau environnants (étude commencée par Guillaume Osorio lors
d’un stage au service d’archéologie préventive du Conseil Départemental, en
2019, sous la supervision de Quentin Borderie).
 Dresser une carte départementale/régionale/nationale (en fonction des
éléments découverts) des sites ayant contribué, de près ou de loin, à alimenter
le chantier de l’aqueduc. Cela pourra s’intégrer à la table tactile disponible à
Maintenon, par exemple.
 Identifier les baraquements des régiments à Maintenon, et opérer une fouille
archéologique approfondie afin de les valoriser auprès du grand public (même
démarche avec les fours à chaux, également identifiables grâce à une carte
détaillée dressée à l’occasion des travaux).
 Aménager un « circuit » de visite qui connecte les différents points
névralgiques du chantier (carrières de grès d’Epernon, fours à chaux de
Germonval, débarcadère de Maintenon…) et retracer leur histoire avec des
contenus disponibles sur chacun des sites (flashcodes numériques,
panneaux…). En fonction de l’itinéraire, on peut imaginer une course
semblable à celle proposée lors des Journées du Patrimoine 2018, qui pourra
prendre la forme d’une rencontre sportive et culturelle.

42
 Collaborer avec les municipalités locales afin de valoriser leur territoire et de
glaner un maximum d’informations qui pourront servir de support, à l’avenir,
à des opérations archéologiques ou des recherches historiques.

IV. LES BATEAUX DE VAUBAN


L’un des éléments inédits du chantier de l’aqueduc concerne les bateaux dessinés par
Vauban qui servaient à l’acheminement de matières premières par voie maritime. Suite
à une étude approfondie des Archives Nationales de Pierrefitte-sur-Seine, nous avons
recueilli de nombreuses informations sur la façon dont ces bateaux étaient fabriqués,
leurs dimensions, mais aussi la charge qu’ils pouvaient transporter ou le nombre
d’hommes et de bêtes à même de les manœuvrer. Il serait dommage de se priver d’un
contenu historique si précieux dans la muséographie du Château de Maintenon !
Quelques idées pour le valoriser :
 Recréer le bateau « en vrai » (on pourra utiliser les matériaux et procédés
décrits par Vauban dans ses papiers personnels173). Cela pourrait
être l’occasion d’un chantier « grandeur nature » ouvert au public, qui pourra
ensuite donner lieu à des tests de portance et de flottabilité, aidant à mieux
comprendre l’économie du site.
 Dans une moindre mesure, créer une maquette du bateau (potentiellement
imprimée en 3D en interne – la maquette numérique du bateau ayant déjà été
réalisée par Antoine Louis) à une échelle 1/10ème par exemple.
 Utiliser le bateau et la biographie fascinante de Vauban 174 comme une porte
d’entrée vers une exposition mettant en perspective les savoirs et techniques
du Grand Siècle. On pourrait consacrer une pièce du château à l’ébullition
scientifique et culturelle qui galvanise la France au XVIIème siècle : théâtre
(Molière, Racine, Corneille…), musique (Lully, Marais…), architecture (Le
Nôtre, Vauban…), science (La Hire, Cassini, Picard…).

V. LES TRAVAUX HYDRAULIQUES PRECURSEURS


Comme indiqué dans la première partie des recherches, l’aqueduc de Vauban et le
détournement de l’Eure ne sont pas les premières tentatives d’alimenter en eau les
bassins de Versailles. D’autres essais précurseurs (le pompage des eaux de Clagny, le
détournement de la Bièvre, le réseau gravitaire de l’abbé Picard, la Machine de
Marly…) ont contribué à quadriller de rigoles et de plans d’eau (artificiels ou non) le
plateau des Yvelines.
Une rétrospective en la matière serait intéressante sous plusieurs formes :
 Une carte numérique (par exemple sur la table tactile intégrée au site)
présentant la chronologie des travaux hydrauliques de Versailles avec leurs

173
Archives Nationales de Pierrefitte-sur-Seine, cote 155 Mi/8, dossier 3, pièce 6.
174
Une biographie sommaire est disponible en Annexes (p. 50).

43
grands architectes (Picard, Denis, Jolly, frères Francine, La Hire…) et leurs
techniques.
 Une maquette de l’ensemble du site avec des éléments imprimables en 3D
(aqueduc de Buc, Machine de Marly par exemple).
 Un focus sur la « science des eaux » en théorie (science de la mécanique des
fluides théorisée notamment par Gobert, Mariotte et Perrault) puis en pratique
(principe de l’aqueduc rampant, siphons, levées de terre, pompes, moulins…).
Une animation ludique à destination des enfants pourra être envisagée dans ce
cadre.

VI. AUTRES PISTES DE VALORISATION


Nous l’avons dit : plus de dix siècles d’histoire trônent à Maintenon, et la majeure
partie de la muséographie du château est axée sur le Grand Siècle de Louis XIV et
Françoise d’Aubigné. En complément des éléments présentés ci-dessus, voici quelques
idées de valorisation du site en utilisant des pans d’histoire peu exploités :
 Reconstruire la généalogie obscure des seigneurs de Maintenon, qui peut
facilement s’intégrer numériquement sur la table tactile (se référer à leur
généalogie en page 8 pour plus de détails) en complément par exemple des
actes archivés qui les mentionnent.
 Faire un focus sur le « donjon » et son rôle non seulement défensif mais aussi
(et surtout) symbolique au sein d’une enceinte médiévale. On pourra mettre
cela en parallèle avec la tour carrée de Maintenon, qui cristallise nos doutes
quant à l’appellation galvaudée de « donjon » qui lui est parfois attribuée.
 Réaliser une maquette 3D de la barbacane mise au jour par Nicolas Payraud
(2011) et expliquer son fonctionnement en le rapportant à d’autres ouvrages de
la sorte.
 Créer un circuit de visite autonome à Maintenon avec différentes étapes-clés
(tour carrée : focus sur les seigneurs de Maintenon, jardins : les parterres de Le
Nôtre, aqueduc : le rêve démesuré du Roi-Soleil, etc.) marquées par des
flashcodes ou des contenus textuels intégrés au livret de visite.
 Numériser (en photogrammétrie par exemple) le contrat d’acquisition de
Cottereau et les sceaux Louis XIV, afin d’offrir des animations ludiques en
paléographie ou en sigillographie.
 Organiser une rétrospective « Maintenon en peinture ». Le château et
l’aqueduc de Maintenon ont été largement représentés en peinture (par des
noms aussi prestigieux que Matisse), ce qui a en partie contribué à sauver la
« ruine romantique » de l’oubli. On pourrait envisager de rapatrier, le temps
d’une exposition temporaire, certaines de ces œuvres.
 Plus modestement, créer une brochure de visite (en français et en anglais)
synthétisant les informations présentées dans ce rapport ou ailleurs, à distribuer
aux visiteurs lors de leur passage en caisse.
Dans cette optique, ne pas hésiter à utiliser les Annexes (p. 46 et suivantes), toutes
de ma main, comme bases de réflexions et d’opérations muséographiques.

44
CONCLUSION GENERALE

Malgré neuf mois de recherches intensives, et l’appui de générations de chercheurs,


historiens, archéologues et curieux de tous horizons, il est extrêmement difficile de
lever les zones d’ombre qui planent sur le Château de Maintenon.
Sa généalogie féodale obscure, l’énigme de son auto-prétendu « donjon », la datation
difficile de ses tours, le « pêle-mêle des époques » qui traverse ses façades… rendent
son étude particulièrement complexe et semée d’embûches. Et si la muséographie
actuelle se tourne en grande partie vers le Grand Siècle de Louis XIV et de Françoise
d’Aubigné, c’est sans doute parce qu’il s’agit d’une des périodes les plus « lisibles »
de son histoire, qui fait écho à la Grande Histoire – celle de la Couronne.
Au cours de cette étude, nous n’avons pas fait de découvertes fracassantes qui
bouleverseraient la compréhension du domaine. Néanmoins, nous avons réalisé
quelques percées, modestes mais déterminées, qui doivent appuyer la recherche et la
valorisation à venir :
 Par la compréhension du chantier de l’aqueduc, ses effectifs, son organisation,
sa logistique, et les nombreuses innovations techniques qu’il apporte,
résonnant justement avec l’ébullition scientifique du Grand Siècle ;
 Par le constat d’humilité que l’on doit à l’histoire médiévale du château,
forcément voilée de généalogies diffuses et entremêlées, et d’hypothèses qui
demanderont confirmation ;
 Par l’étude approfondie des archives, qui démontre qu’une grande quantité de
matière historique (notamment celle relative à l’aqueduc et à Vauban) attend
d’être digérée, comprise et diffusée ;
 Par l’exploitation culturelle de données scientifiques, qui s’est traduite par une
maquette de l’aqueduc imprimée en 3D, un sentier pédagogique en bord
d’Eure, et de nombreux contenus textuels en attente de valorisation.
A défaut de répondre à beaucoup de questions laissées en suspens, nous semons de
nouveaux points d’interrogation. Et donnons du grain à moudre à nos collègues
archéologues (étude du bâti de la tour carrée, mise au jour des casernes ou des fours à
chaux…), muséographes, prestataires externes et élus. Une chose est sûre : le Château
de Maintenon regorge de pistes potentielles de valorisation. Les idées présentées ci-
dessus ne sont que des suggestions, à intégrer (ou pas) en fonction des orientations
muséographiques du site, de son budget, et du public visé.
Ces préconisations ont au moins le mérite de montrer la grande diversité des contenus
valorisables à Maintenon, tant sur le fond que sur la forme. J’espère sincèrement qu’en
puisant dans ces idées ou en en concoctant de nouvelles, la muséographie du site s’en
trouvera enrichie, pour le plaisir du public mais aussi de ceux qui poursuivent les
recherches en amont – au premier rang desquels mes collègues archéologues, qui
considèrent la valorisation comme la finalité de leur profession.

45
ANNEXES

Transcription de la voix off destinée au scénario de réalité virtuelle p.46


Texte sur les progrès techniques du Grand Siècle p.47
Biographie synthétique de Vauban p.50
Galerie de portraits-clés dans l’architecture de Maintenon p.52
Synthèse sur Madame de Maintenon et Saint-Cyr p.53
Frise chronologique des travaux hydrauliques de Versailles p.55
Galerie de photographies d’archives et d’ambiance p.56

Transcription de la voix off destinée au scénario de réalité virtuelle

Position Voix off

Entrée des Bonjour et bienvenue au château de Maintenon pour une balade à


jardins travers le temps !

Jardins - Eure Commençons par traverser les parterres des jardins à la française
dessinés par le jardinier Le Nôtre, à qui l’on doit ces perspectives
ouvertes et ces miroirs d’eau, si caractéristiques du 17e siècle.
Ayons une pensée amusée pour Madame de Maintenon qui considérait
que cet aqueduc défigurait son paysage, alors qu’il nous émerveille
tant aujourd’hui !

Eure C’est aux caprices du roi Soleil que nous devons cette imposante
construction … A l’époque, Louis XIV et son ministre Louvois
imaginaient un projet grandiose…

Aqueduc (Grandiloquent) 3 rangs d’arcades, 73 mètres de hauteur, et 17


(achevé) kilomètres de long ! Un ouvrage colossal, digne des Empereurs
romains.

Aqueduc C’est vrai que le Roi-Soleil a toujours eu la folie des grandeurs…


(achevé)

Aqueduc Le but initial était d’alimenter les fontaines de Versailles avec les eaux
(achevé - puisées dans l’Eure. Elles devaient circuler au sommet de l’ouvrage,
conduites d’eau) dans des tuyaux métalliques spécialement conçus pour l’occasion.

Aqueduc Ah ! Nous voici de retour au présent, sur le dos du monstre de pierre,


(actuel) aujourd’hui grignoté par la végétation.

46
Aqueduc La construction, même revue à la baisse par l’architecte Vauban, n’a
(actuel) jamais pu être achevée. En 1688, la guerre de la Ligue d’Augsbourg
obligea le Roi et ses soldats à déserter le chantier pour le champ de
bataille.

Aqueduc Alors, les paysans des alentours se servirent des pierres de l’aqueduc
(actuel) pour bâtir des moulins et des maisons… Une démolition grandement
encouragée par Madame de Maintenon elle-même !

Aqueduc (Confidence) On dit même que Louis XV fit bâtir le château de sa


(actuel) maîtresse, la marquise de Pompadour, avec des pierres de l’aqueduc.
Aujourd’hui nous héritons d’un vestige percé de 47 arcades, culminant
à 28 mètres de hauteur “seulement”.

Eure Et oui ! C’est ainsi que, plus de trois siècles plus tard, la vallée de
l’Eure porte encore la trace de la grandiose démesure du Roi-Soleil.

Jardins - Quant au château, il a lui-même connu de nombreuses évolutions au


Château cours de son histoire mouvementée…

Château S’il ressemble aujourd’hui à une demeure de plaisance, il ne faut pas


oublier qu’au Moyen-âge , il avait tout d’une forteresse : chemin de
ronde, remparts, pont-levis, châtelet d’entrée…

Château Alors, lors de votre visite au château, rappelez-vous que ce sont dix
siècles d’histoire qui ont modelé ce domaine d’exception !
En espérant que cette découverte vous ait plu, et qu’elle vous donne
envie d’en savoir plus sur le patrimoine eurélien.

Texte sur les progrès techniques du Grand Siècle

Le chantier royal de Maintenon, reflet des progrès


techniques du Grand Siècle

En France, le XVIIème siècle est une période d’effervescence culturelle et scientifique, avec
en toile de fond une relative paix intérieure comme extérieure. Voilà pourquoi on qualifie
rétrospectivement cette époque dorée de « Grand Siècle » : les arts y prospèrent librement, des
tragédies cornéliennes aux comédies de Molière, en passant par la musique de Lully, la
peinture de Nicolas Poussin ou l’architecture des jardins à la française signée Le Nôtre.
Derrière l’image galvaudée d’une Cour de France fastueuse et dépensière sous Louis XIV, le
Grand Siècle est une période de progrès scientifique sans précédent. Les chantiers royaux sont
autant de laboratoires où expérimenter des techniques nouvelles, qui couvrent l’ingénierie et
l’architecture mais aussi la botanique, l’agronomie, la mécanique ou l’astronomie. Le pont-
aqueduc réalisé par Vauban à Maintenon porte le sceau de cette période riche.

47
L’astronome qui domptait les eaux
Pour répondre au cruel manque d’eau qui bride la créativité des fontainiers de Versailles, Louis
XIV décide d’aller faire quérir cette ressource ailleurs. Il s’adresse aux ingénieurs
hydrauliciens les plus savants : il a justement créé l’Académie Royale des Sciences en 1666,
sur le modèle des cercles scientifiques déjà existants, comme l'Accademia dei Lincei à Rome
(fondée en 1603), ou la Royal Society de Londres (1645). Le roi établit un corps d’experts
qu’il missionne d’approvisionner en eau les bassins de Versailles. « Pendant trente ans,
ministres, savants, ingénieurs, hydrauliciens conjuguèrent leurs efforts pour tyranniser la
nature » écrit Fernand Evrard en 1933.
Après les frères Francine, qui aménagent les installations du plateau de Clagny, et le captage
bienvenu des eaux de la Bièvre, c’est au tour de l’abbé Picard d’intervenir sur le chantier du
roi. Astronome de son état, ce dernier a développé une lunette à visée astronomique facilitant
grandement les travaux de nivellement. C’est grâce à ce nouvel outil qu’il décline le projet de
l’ingénieur Pierre-Paul Riquet (architecte du Canal du Midi) qui proposait de détourner la
Loire jusqu’à Versailles : impossible, à en juger par l’élévation naturelle du cours d’eau.
L’abbé Picard met ensuite en place le premier réseau « gravitaire » d’étangs artificiels, à
l’ouest de Versailles, dès 1675 : vérifiant que les étangs de Trappes, Bois d’Arcy et Bois-
Robert sont bien situés au-dessus des bassins de Versailles, il se sert de la simple force de
gravité pour acheminer l’eau des premiers vers les seconds. Elémentaire.
Petit à petit, le bassin des Yvelines se quadrille de réserves d’eau artificielles, reliées entre
elles par des rigoles, qui s’étendent jusqu’aux étangs de Hollande, près de Rambouillet. Le
Roi suit de près l’avancée des travaux : le 19 septembre 1673, il écrit à Colbert « Mandez-moi
le véritable état des moulins de la « montagne » et si je puis espérer d’en avoir de l’eau cet
hiver ». Il fait référence à de grandes roues en bois actionnant des pompes foulantes. Au nord
de Versailles, Arnold de Ville commence à bâtir la bruyante Machine de Marly, chef d’œuvre
mécanique qui perdurera jusqu’aux années 1830, avant d’être remplacée par des dispositifs
plus modernes. Entre temps, une nouvelle idée folle a germé dans l’esprit du monarque et de
son ministre, Louvois : détourner les eaux de l’Eure, qui coule à 80 kilomètres de là…

De la théorie à la pratique
L’hydrographe et géomètre La Hire, membre de l’Académie des Sciences, est mandaté par le
Roi pour effectuer les calculs de nivellement du canal de l’Eure. Adaptant la lunette de visée
astronomique de l’abbé Picard, à la précision inégalée, il constate en octobre 1684 que la
source de l’Eure est plus haute que la Grotte de Versailles de 81 pieds. Ses calculs se révèlent
positifs : à condition d’aplanir le terrain au maximum afin de limiter les dénivelés, l’élévation
de l’Eure pourrait alimenter les réservoirs de Versailles par la seule force de gravité. De
nouveaux travaux de nivellement entrepris au printemps suivant confirment cette hypothèse.
Ainsi soit-il : en mettant à profit le relief des fonds de vallée, on fait creuser un gigantesque
canal reliant le lit de l’Eure aux systèmes de drainage existants. Il doit se jeter dans l’étang de
la Tour, lui-même relié aux étangs de Hollande qui arrosent le plateau yvelinois. A plusieurs
endroits du tracé, cependant, des aménagements sont nécessaires pour franchir les vallées ou
rectifier les trajectoires ; certains subsistent d’ailleurs dans le paysage, comme les écluses de
Boizard à Pontgouin, l’arche à mulet de Saint-Arnoult-des-Bois ou les Terrasses, un remblai
situé entre Berchères-la-Maingot et Maintenon.
En août 1685, moins d’un an après le lancement des travaux, le canal de Berchères à Pontgouin
est établi, et plusieurs membres de l’Académie des Sciences – dont La Hire, Sédileau et Cassini
– assistent à l’entrée d’eau dans le canal, opération qui connaît un franc succès. Mais le plus
grand défi de l’entreprise reste le franchissement de l’Eure à Maintenon, où la rivière creuse

48
une dépression de plus de 70 mètres dans le paysage. C’est au tour de Vauban de prendre le
relais. A la tâche des hydrographes succède celle des bâtisseurs : et qui de mieux pour
représenter l’âge d’or du Grand Siècle que Vauban ?

Vauban entre en scène


Véritable touche-à-tout, à l’image d’un Léonard de Vinci à la française, Vauban est à la fois
agronome, urbaniste, poliorcète, économiste, statisticien, hydrographe et ingénieur. A partir
de 1678, il a supervisé la « ceinture de fer » visant à défendre, par deux lignes de fortifications,
les frontières françaises délimitant le « pré carré » du roi. Pressé par Louvois, Vauban
débarque à Maintenon en 1684, mais se heurte très vite à l’ambition démesurée du Roi-Soleil.
« Il est inutile que vous pensiez à un aqueduc rampant, dont le Roi ne veut pas entendre
parler » lui écrit Louvois, acerbe. Vauban avait prévu de bâtir un aqueduc économe, qui
s’affranchit des coûteux ouvrages maçonnés en intégrant un système de siphons. Dans son
schéma, seules quelques constructions devront suppléer le réseau d’acheminement des eaux,
reposant sur des tuyaux de plomb et des levées de terre. En cela, l’ingénieux bâtisseur s’appuie
sur les travaux précurseurs de Perrault (De l’origine des fontaines, 1674), Gobert (Traité
pratique des forces mouvantes, à paraître en 1702) et Mariotte (qui finalise au même moment
son Traité du mouvement des eaux et autres fluides, publié en 1686) sur la mécanique des
fluides.
Prenant Vauban à contre-pied, Louvois souhaite faire ériger un pont-aqueduc gigantesque qui
magnifiera encore davantage la puissance du Roi-Soleil, et s’étendra du Point-à-Rien de
Berchères jusqu’au bois de Fourches après avoir enjambé Maintenon. Toutefois, une structure
maçonnée haute de 73 mètres et courant sur près de 17 kilomètres n’est pas sans contraintes
financières… Aussi, en mars 1685, Louvois finit par entendre raison : on décide de remplacer
certaines parties maçonnées par du remblai, projet que l’on revoit encore à la baisse avec
l’introduction de siphons, comme Vauban l’avait pressenti. Les levées de terre suffisent à
égaliser le niveau du canal sur la plus grande partie du tracé : des conduites de fer et de plomb
feront le reste.

Le Grand Siècle en chantier


Le pont-aqueduc de Maintenon constitue donc un ouvrage novateur, à coup sûr représentatif
des progrès techniques et scientifiques du Grand Siècle. Le chantier qui s’y active à partir de
1685 en témoigne : Vauban y a fait acheminer des bateaux de son invention. Aisément
manœuvrables des deux côtés, capables de porter des charges extrêmement lourdes (près de
23 tonnes de matériaux par voyage), ces embarcations approvisionnent le chantier en matières
premières, notamment en grès tiré des carrières d’Epernon et en calcaire de Germonval. Sur
le chantier aux proportions titanesques, tous les métiers se côtoient : tailleurs de pierres,
maçons, charpentiers, tuiliers, terrassiers, bûcherons, éclusiers, charrons, briquetiers…
Permettant la construction d’un rang d’arcades courant sur près d’un kilomètre en moins de
trois ans. Même si l’ouvrage n’est pas achevé en raison de la Guerre de la Ligue d’Augsbourg,
qui éclate en 1688, il reflète non seulement la débauche de moyens consentie par le Roi-Soleil
mais aussi l’ingéniosité de ses architectes, ingénieurs, hydrographes, astronomes et autres
scientifiques qui viennent tout juste de faire entrer la France dans la modernité.

49
Biographie synthétique de Vauban

Sébastien Le Prestre De Vauban, 1633-1707

Né dans une famille de bourgeois désargentés, prétextant les sacs des guerres de religion pour
excuser une noblesse de court lignage, Vauban ne commence pas sa vie avec une cuillère
d’argent dans la bouche. Âgé de 17 ans, il entre au service des Princes de Condé et se lie à la
cause de la Fronde des Princes (1650-53) se révoltant contre l’autorité monarchique du Roi-
Soleil. Il s’y distingue par sa bravoure mais, défait sur le champ de bataille, il n’échappe pas
aux honneurs de ses adversaires admiratifs. Vauban change alors de camp pour rejoindre
Mazarin et le roi.
D’abord en qualité d’ingénieur ordinaire, il participe à plusieurs sièges, au cours duquel il est
souvent blessé. Il juge parfois inefficace la direction des opérations, révélant une franchise et
une maîtrise précoce de l’art de la poliorcétique, et fustige des sièges mal administrés et
souvent coûteux en vies humaines. « Il ne faut tenir pour maxime de ne jamais exposer son
monde mal à propos et sans grande raison, » écrit-il notamment. A 22 ans, Vauban est promu
« ingénieur militaire responsable des fortifications » dans le régiment du maréchal de la Ferté.
S’ensuivent de nombreux sièges, puis la sollicitation d’édifier plusieurs citadelles. Vauban
commence à s’imposer malgré une lente et difficile promotion. En 1673, il est responsable du
siège de Maastricht – durant lequel le mousquetaire D’Artagnan perdra la vie –, place-forte
stratégique pour laquelle les grands moyens (hommes comme armements) sont déployés.
Il inaugure alors une stratégie de siège mêlant tactiques anciennes et nouvelles : sous sa
direction, le siège se décompose en douze phases distinctes. D’abord (1) la place est investie
par surprise avec la plus grande célérité : les assiégeants ceinturent l’enceinte et préviennent
toute sortie. Ensuite (2) se déploient deux lignes de retranchement autour de la place investie :
la circonvallation (tournée vers l’extérieur, protégeant contre les secours potentiels ou les
tentatives de ravitaillement) et la contrevallation (plus proche de l’enceinte et tournée vers elle,
à 600 mètres environ pour se prémunir des tirs d’artillerie, empêchant toute sortie des
assiégés). Les campements des assiégeants sont établis entre ces deux lignes. Par la suite, les
ingénieurs passent en phase de reconnaissance (3) : ils repèrent les points faibles et affinent
leur plan d’attaque. Cette étude, rigoureuse, est mêlée de sciences dures : mathématiques,
géométrie, balistique sont mobilisées.
Les travaux d’approche (4) se matérialisent sous la forme de tranchées en zigzag creusées à
partir de la contrevallation. Ici, Vauban s’inspire de la prise de Candie par les Ottomans (1648-
69) après un siège de longue durée. On construit une place d’armes (5) reliant les boyaux puis
les tranchées progressent (6 à 9), se rapprochant petit à petit de l’enceinte en abritant les
soldats. Enfin (10) l’artillerie est déployée : on fait tirer à bout portant sur les escarpes – parois
des fossés – pour faire s’effondrer les bastions et créer une brèche, qui sera ensuite (11)
agrandie. C’est le « travail de sape », à l’origine de l’expression moderne. Dernière phase
(12) : les soldats s’infiltrent dans la brèche et l’assaut est donné !
Ces nouvelles méthodes de siège prônées par Vauban adoptent des tranchées sinueuses (dont
certaines sont creusées uniquement pour faire diversion) à l’abri des feux de l’ennemi, pouvant
abriter plusieurs centaines d’hommes. Vauban perfectionne l’art de la poliorcétique avec pour
finalité principale la survie des soldats : dans une lettre adressée à Louvois en 1676, il martèle
que « la conservation de cent de ses sujets doit lui être plus considérable que la perte de mille
de ses ennemis ». Malgré le triomphe éclatant du siège de Maastricht, Louis XIV s’en attribue
peu modestement les mérites, vantant aux cours étrangères son courage et son extrême

50
capacité. Qu’importe : Vauban reçoit des mains du roi 80 000 livres, l’occasion pour le
maréchal de s’offrir le Château de Bazoches (Nièvre) en 1675, qui avait appartenu à ses aïeux
maternels. Tout au long de sa vie, Vauban souligne, malgré sa fidélité au roi et au peuple, le
plaisir qu’il a à retourner en sa terre natale, le Morvan, et auprès de sa femme, Jeanne d’Osnay,
qu’il ne voit que rarement (en tout il ne passe que trois ans et demi à ses côtés sur 449 mois de
service !)
Mais le maréchal se remet au travail avec une assiduité plus grande encore : nommé
« commissaire des fortifications » en 1678, il change de casquette pour endosser celle du
bâtisseur. Sous son égide, il érige une « ceinture de fer » visant à défendre, par deux lignes de
fortifications, les frontières françaises délimitant le « pré carré » du roi. Pour faciliter cette
immense entreprise, Vauban commence par se débarrasser, par un jeu diplomatique rondement
mené, des enclaves difficiles à défendre : la frontière suit ainsi un tracé régulier.
Le maréchal-bâtisseur accorde une importance systématique à l’étude du terrain sur lequel les
(futures) fortifications doivent être dressées. L’objectif est d’adapter les structures à leur
environnement (fleuve, montagnes, littoral…) et de transformer les contraintes du terrain en
avantage défensif. Pour ce faire, Vauban rédige avec une rigueur mathématique pour chaque
projet un diagnostic préalable listant les obstacles et opportunités du terrain. « L’art de fortifier
ne consiste pas dans des règles et dans des systèmes, mais uniquement dans le bon sens et
l’expérience, » résume-t-il.
D’un caractère bien trempé, franc, droit, impressionnant de lucidité et de sang-froid, Vauban
surprend : il refuse les représentations de la Cour, ce qui lui valut plus d’une fois les foudres
royales. Il fustige également parfois les pratiques en place, au point de publier sous le manteau
La Dîme Royale (1707), un essai de réforme fiscale né des années de misère du règne de Louis
XIV. Vauban, lui qui passa une partie de son enfance rurale à côtoyer les inégalités, est un
homme du peuple, dont l’esprit est vivement marqué par les grandes famines, en particulier
celles des hivers 1692-93-94, qui feront trois millions de morts – 10% de la population de
l’époque. En conséquence, il témoigne d’une grande humanité envers les soldats et le peuple,
écrasé d’impôts, et formule un projet de « capitation » préfigurant l’impôt sur le revenu. Il
décrit les problèmes des familles paysannes, évoque l’idée d’un circuit économique (c’est un
véritable précurseur en la matière) et jette les bases d’un Etat protecteur et juste au service des
hommes – fustigeant la corruption et l’incompétence qui gangrène la tête du pays. Enfin, c’est
avant tout un homme de terrain, souvent en déplacement en province pour inspecter ses
citadelles : travaillant avec son secrétaire dans une basterne (une chaise de poste portée par
deux chevaux) de son invention, il parcourt 2000 à 3000 kilomètres par an, soit au total
180 000 kilomètres – plus de quatre fois le tour de la Terre – en 57 années de service !
Distribuant çà et là des copies de son essai (qui sera lu mais guère entendu), Vauban meurt à
Paris d’une inflammation des poumons (pneumonie) le 30 mars 1707. On lui attribue une
aigreur posthume à n’être plus écouté, malgré des années de bons et loyaux services, par la
cour et le roi. Cependant ce dernier lui livre un vibrant hommage en confessant : « Je perds un
homme fort affectionné à ma personne et à l’État. » L’héritage de Vauban est celui d’un
Léonard de Vinci à la française, véritable touche-à-tout, qui est à la fois agronome, urbaniste,
poliorcète, économiste, statisticien, hydrographe ou encore ingénieur. Ce fut enfin, et c’est là
peut-être son plus bel ouvrage, un homme modeste et discipliné, tiraillé entre sa fidélité au roi
et celle qu’il doit peuple français, respecté par ses pairs comme ses ennemis, dont les traités
préfigurent L’Encyclopédie et le siècle des Lumières.

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Galerie de portraits-clés dans l’architecture de Maintenon

Robert de Cotte (1656 – 1735)


Nommé Premier architecte du Roi en 1708, sous Louis XIV, directeur de l’Académie royale
d’architecture, c’est un architecte très en vogue sous le règne du Roi-Soleil, pour qui le
rayonnement du pays passe par de grands (et coûteux) aménagements. Constructeur et
décorateur, il est tenu en haute estime par ses contemporains dans toute l’Europe.
Jules-Hardouin Mansart (1646 – 1708)
Petit-neveu de François Mansart, qui fait ses classes sous Henri IV, Jules-Hardouin est l’un
des principaux architectes du règne de Louis XIV, nommé en 1681 Premier architecte du roi.
Il supervise la construction du dôme des Invalides et les nombreux aménagements de
Versailles. Favori du roi, placé sous la protection de Madame de Montespan, Louvois ou
encore Le Nôtre, il effectue une brillante carrière au service du monarque à partir des années
1680. Il influencera notamment Jacques-Ange Gabriel et Robert de Cotte.
Sébastien Le Prestre de Vauban (1633 – 1707)
Né dans une famille de la petite bourgeoisie quasi-ruinée, Vauban se distingue par sa bravoure
sur le champ de bataille, d’abord au service de la maison de Condé, puis, sollicité par Mazarin,
de Louis XIV. Maréchal-bâtisseur, spécialiste de l’art du siège, il supervise l’érection de
fortifications pour défendre le « pré carré » du roi à partir de 1678. Sillonnant régulièrement
la province, toujours à l’écoute du petit peuple, il se désintéresse des fastes de la cour et se
permet même de proposer une réforme fiscale à la fin de sa vie.
Philippe de La Hire (1640 – 1719)
Membre de l’Académie des Sciences, auteur prolifique, il publie des ouvrages traitant de
géométrie, de mathématiques, d’astronomie, de météorologie, d’hydraulique, entre autres
choses. Il enseigne également au Collège Royal. A la fin des années 1670, il travaille au tracé
d’une carte de France remise à jour sur ordre du roi : son fils et Cassini termineront le travail.
En 1684, il est missionné par Louvois pour effectuer les calculs de nivellement du canal de
l’Eure, dont les résultats lancent de titanesques travaux, notamment à Maintenon.
François Michel Le Tellier, marquis de Louvois (1641 – 1691)
Ministre d’Etat en 1672, Louvois affiche son hostilité envers Colbert, le contrôleur général des
finances du Roi (qui succéda au cardinal Mazarin, lui-même héritant du poste de Richelieu),
lors de « l’affaire des poisons ». Après la mort de son rival, Louvois obtient le poste de
Surintendant des Bâtiments, Arts et Manufactures de France en 1683. Controversé notamment
en raison des dragonnades (répressions envers les protestants sous la forme de conversions
forcées) qu’il ordonne, il décède en 1691.
Jean-Baptiste Colbert (1619 – 1683)
Né dans une riche famille de marchands, Colbert entame sa carrière en 1645 dans le
gouvernement de Mazarin, principal ministre d’Etat sous Louis XIII et Louis XIV. Il se
débarrasse du gênant et ambitieux Nicolas Fouquet, surintendant des finances briguant la tête
de l’Etat, arrêté sur ordre du Roi (par D’Artagnan !) pour malversations en 1661. Il cherche à
donner une indépendance financière et économique à la France, et la dote de nombreuses
manufactures – il devient Surintendant des Bâtiments et Manufactures en 1664, et est élu à
l’Académie Française trois ans plus tard.

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André Le Nôtre (1613 – 1700)
Son nom reste à jamais associé aux jardins à la française : son père et son grand-père furent
également jardiniers du roi aux Tuileries. A son tour, André entre au service du Roi en 1645
en qualité de jardinier, poste qu’il occupera pendant les cinquante-cinq années suivantes ! Il
est notamment chargé de l’aménagement du parc et des jardins de Versailles, l’objet de toutes
les fantaisies sous le règne du Roi-Soleil. C’est François Mansart qui lui apprend la perspective
à ses débuts, puis il gagne en réputation en soignant ses manières de courtisan. Il dessine
notamment les jardins de Vaux-le-Vicomte pour Nicolas Fouquet, ceux du Château de
Chantilly pour le grand Condé (entre autres) et entre en service de Louis XIV en 1661. Il est
anobli par le roi en 1675.

Synthèse sur Madame de Maintenon et Saint-Cyr

Les Demoiselles de Saint-Cyr (1999, ouvrage publié par les Archives


Départementales des Yvelines)

Louis XIV fonde une maison d’éducation à Saint-Cyr, en collaboration avec Madame de
Maintenon qui en fait le plus grand projet de sa vie : « Dieu sait que je n’ai jamais pensé à
faire une aussi grande fondation » écrit-elle le 25 octobre 1686. L’idée d’une fondation de
charité doit germer assez tôt dans l’esprit de cette dernière, elle qui, née en prison, a fini par
s’initier tardivement aux privilèges des courtisans. De ses propres deniers, elle finance une
maison et accueille des pensionnaires à Rueil en 1682, qui déménage à Noisy deux ans plus
tard. Les principes dispensés aux jeunes filles préfigurent les règles de Saint-Cyr : « Bonne
chrétienne, apte à entrer sans gaucherie ni suffisance dans la société du temps, équilibrée,
souriante, bonne épouse, bonne mère, pleine d’aisance, à sa place, contribuant par sa modestie
et sa discrétion à la conservation d’un état qu’on peut améliorer mais non bouleverser. » Louis
XIV, satisfait de sa visite sur place, décide d’y envoyer toutes les filles de pères morts en
service ou ruinés (tant par charité que pour s’attirer la sympathie d’une noblesse en pleine
décadence), qui grossissent les rangs du pensionnat.
En 1674, le roi crée l’institution des Invalides, puis les compagnies de cadets, des académies
militaires, en 1682. Enfin, en 1686, la maison royale de Saint-Louis est fondée « pour sauver
ces filles de la pauvreté honteuse ». L’acte de fondation précise que le pensionnat accueillera
« un nombre considérable de jeunes filles issues de familles nobles et particulièrement de pères
morts dans le service […] dans les principes d’une véritable et solide piété » et qui recevront
« toutes les instructions qui peuvent convenir à leur naissance et à leur sexe ».
Puis la construction du domaine débute. Le chantier durera quinze mois. Une fois
achevé, Madame de Maintenon est faite « Institutrice de la Maison de Saint-Louis » par le roi,
et l’organisation de la maison royale d’éducation est scrupuleusement codifiée. Les
demoiselles qui y entrent font vœu d’obéissance, de charité, de pauvreté. On leur enseigne le
catéchisme, la lecture, l’orthographe, l’arithmétique, la géographie, l’histoire, la coiffure : ce
n’est pas un couvent (l’acte de fondation précise que c’est un institut séculier) mais la religion
tient une place prépondérante dans l’éducation des jeunes filles. Ainsi, offices et messes
rythment le déroulement de la journée. D’ailleurs, la maison devient institut régulier de l’ordre
de Saint-Augustin en 1692. Les jeunes femmes sont réparties en (quatre) classes d’âge, et

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prises en charge par une maîtresse respective. A savoir que les conditions d’admission sont
très strictes : rappelées en postface de l’ouvrage biographique La vie de Madame de
Maintenon, institutrice de la royale maison de Saint-Cyr par l’abbé Louis-Antoine de
Caraccioli (1786), elles éliminent les candidates borgnes, « louches », bossues, boiteuses,
« manchots », « qui ont mauvaise odeur, des humeurs froides, des teignes, quelque infirmité
ou incommodité de nuit, etc. » Certes, on veut bien être charitable, mais il faut respecter un
certain standing… Des preuves de noblesse (depuis 140 ans au moins !) sont également
indispensables pour obtenir une des 250 places ouvertes à l’institution. Marie-Anne de
Buonaparte, la propre sœur de Napoléon, y sera admise.
Outre les dortoirs, auxquels les appartements des maîtresses sont contigus, on trouve sur place
une chapelle, un réfectoire, une infirmerie (de pointe pour l’époque), une bibliothèque, des
cuisines, les appartements privés de Madame de Maintenon, une lingerie, un lavoir, diverses
salles de classe ou d’activité ainsi qu’un grand parc où se déroulent les récréations des jeunes
filles.
La Révolution Française bouleversera les pratiques prônées à Saint-Cyr, poussant pour sa
démocratisation, ouvrant des places auprès des classes incapables de prouver leur lignage
noble. Des commissaires de Versailles se rendent également sur place pour réaliser l’inventaire
rigoureux des biens mobiliers et immobiliers de l’école. Les droits seigneuriaux abolis, les
robinets financiers sont coupés et les biens immobiliers saisis. Saint-Cyr périclite, les
propriétés de son domaine étant vendues indépendamment comme biens nationaux, tandis que
les registres de preuves de noblesse sont brûlés Place de la Loi, à Versailles, le 25 août 1792.
Les jeunes pensionnaires doivent donc quitter la maison en 1793 : une missive est envoyée à
leurs parents pour les en prévenir. La maison de Saint-Louis est supprimée, les lieux évacués,
les reliques et décorations dispersées : selon la légende, seul un portrait de Madame de
Maintenon – la fondatrice, disparue en 1715, aura été longuement pleurée – sera épargné car
dissimulé sous la robe d’une des dames… Meubles et effets seront ensuite vendus à l’encan à
partir du 4 août 1793. Le 22 septembre, le dernier bien est adjugé : « un petit bas d’armoire et
un lot de vieux tonneaux ».
De Saint-Cyr, il ne reste plus que des murs, qui seront convertis plus tard en hôpital militaire,
avant de devenir, après plusieurs reconversions, l’école militaire de prestige que nous
connaissons.

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Frise chronologique des travaux hydrauliques de Versailles

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Galerie de photographies d’ambiance

Légendes, de gauche à droite et du haut vers le bas :


 Premier test des « longues-vues » du sentier pédagogique en bord d’Eure,
Antoine Louis, 20 février 2019, Château de Maintenon.
 Réglages des imprimantes tridimensionnelles Z-Morph, Antoine Louis, 13
mars 2019, locaux du service d’archéologie préventive du CD28.
 Numérisation 3D de l’aqueduc par ordinateur, Antoine Louis, 13 mars 2019,
locaux du service d’archéologie préventive du CD28.
 Elagage, ponçage et assemblage de la maquette de l’aqueduc, Michel Douard
et Lara Fleury, 3 avril 2019, locaux du service d’archéologie préventive du
CD28.
 Enième test des « longues-vues » du sentier pédagogique en bord d’Eure,
Nicolas Méra et Antoine Louis, 23 avril 2019, Château de Maintenon.
 Installation de la maquette en prévision des événements du Tricentenaire,
Antoine Louis et Nicolas Méra, 25 avril 2019, Château de Maintenon.

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REMERCIEMENTS

De nombreuses personnes ont contribué à faire de ma mission non seulement une


source d’enrichissement et d’apprentissage personnels, mais aussi une expérience
agréable et sympathique sur le plan humain.
Mes plus vifs remerciements vont d’abord à Antoine Louis, point de chute de mes
divers questionnements tout au long de ces neuf mois de travail. Il a contribué plus que
quiconque à donner à ma mission une finalité concrète, utile, visible sur le terrain, et
m’a assisté dans la plupart de mes travaux tout en entretenant une atmosphère de travail
détendue et chaleureuse.
Toute l’équipe du service d’archéologie préventive du CD28 m’a évidemment été
d’une très grande aide, à commencer par Emilie Fencke, qui a cadré ma mission et l’a
dotée de moyens matériels et financiers, tout en assurant un suivi permanent des
dossiers que nous traitions. Je tiens à remercier tout spécialement Pauline De Lannoy,
Pierre Perrichon, Michel Douard, Olivier Labat, Anne Bénichou, Lara Fleury ainsi que
Marie-Angélique Rodot, Yoann Sorel, Quentin Borderie, Annick Herbelin, Jean-
Michel Joudou, Laure Leblond, Laurence Le Clos-Delenne, Gabriel Chamaux et
Fatima Cazala pour leur disponibilité, leur patience et leur gentillesse. Merci
également à Hervé Sellès pour ses conseils, sa confiance et pour m’avoir laissé mener
ma barque en relative autonomie.
Ma mission n’aurait pu se concrétiser sur le terrain sans le soutien infatigable et
énergique de Morgane Thomas-Ramadou. Qu’elle en soit vivement remerciée, tout
comme Aurélie Ménager, Mathilde Torre, Emilie Lebailly et Francine Loiseau.
Ma référente Service Civique, Gladys Guesné, m’a non seulement recruté pour le poste
mais a aussi suivi le déroulement de ma mission de bout en bout, me permettant de
bénéficier d’un climat de travail sain et véritablement formateur. Merci à elle ainsi
qu’à tous mes collègues volontaires en Service Civique au Conseil Départemental, j’ai
nommé Chloé, Coralie, Matéo, Ronan, Océane, Anaëlle, Boris, Dimitri, Lucas et
Mathieu, pour leur bonne humeur, leur engagement et leur dynamisme à toute épreuve.
Toute l’équipe du château de Maintenon a accueilli mes allées-et-venues avec
enthousiasme et sympathie dans un cadre exceptionnellement bien entretenu. Merci à
eux, tout particulièrement à Delphine Mousseau-Huet, Alain Taupin, Frédéric
« Frédo » Langlais et Aline Giraud. Merci également à Jean Raindre pour sa curiosité
et sa bienveillance.
A ces personnes s’ajoutent celles, fort nombreuses, que j’ai eu l’occasion de côtoyer
au cours des neuf derniers mois et qui m’ont aidé à concrétiser nos différents projets.
Je remercie vivement Hatem Ammar, Pascal Le Parc et Elisa Henner, ainsi que Laure
Brainville, Olivier Borget, Patrice Nazac, Franck Morizur, Nicolas Loriette,
Guillaume Osorio, Gilles Loiseau, Lise Brancotte, Jean-Yves Noël, Etienne Pattou,
Jérôme Delaunay et Jean-Yves Populu. Merci, pour leur appui ponctuel, aux équipes
de la Beta Machine, aux ateliers Pelletier, au service des expos du Conseil
Départemental et à son créatif LAB28, au personnel de la médiathèque chartraine

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L’Apostrophe et à celui de la MDEL, aux équipes des Archives Départementales des
Yvelines et des Archives Nationales de Pierrefitte-sur-Seine.
Merci à mes prédécesseurs, qui ont effectué des années de recherche sur le Château de
Maintenon et m’ont offert le privilège de cheminer dans leur lumière : je tiens à
remercier tout spécialement Adolphe de Dion, Auguste Moutié, Maurice Vié, Diane-
Elisabeth Avot et Nicolas Payraud pour leur expertise.
Merci enfin à vous, qui lisez ce rapport, et dont j’espère que vous exploiterez le
contenu pour contribuer au rayonnement du Château de Maintenon, fleuron du
patrimoine local et de l’Histoire de France. Soyez assurés qu’en impliquant les
personnes mentionnées ci-dessus, vous vous associez les services d’individus
travailleurs, volontaires, motivés et dynamiques – en bref, de personnes hautement
capables de mener un projet de recherche et de valorisation jusqu’à son terme.

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