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Gérard Bailloud,
Christine Boujot, Serge Cassen,
Charles-Tanguy Le Roux
CARNAC
Les premières
architectures de pierre
CNRS ÉDITIONS
15, RUE MALEBRANCHE | 75005 PARIS
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CARNAC
Les premières
architectures de pierre
Collection PATRIMOINE
dirigée par Jean-Claude Golvin.
Conception : Bleu T
Sommaire
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MÉGALITHES ET NÉOLITHIQUE
Édifices monumentaux
et premiers agriculteurs
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HISTOIRE D’UN SITE
56
KERLESCAN, KERMARIO, LE MENEC
Alignements et enceintes
de pierres dressées
82
LE MENHIR ET LE TERTRE DU MANIO
Stèles « gravées » et tertres funéraires
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LE DOLMEN DE KERMARIO
Les architectures funéraires
et le Mégalithisme
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DÉNOUEMENT... À VENIR
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ANNEXES
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Mégalithes et Néolitique
Édifices monumentaux
et premiers agriculteurs
Carnac, un des hauts lieux de la Préhistoire euro-
péenne, est aussi l’un des sites archéologiques français
qui frappe le plus l’imaginaire. La démesure de ces ali-
gnements, l’équilibre parfois miraculeux de ces blocs
énormes dont la masse peut atteindre plusieurs dizaines
de tonnes, l’environnement même de ces monuments
ont de tout temps suscité l’interrogation des curieux, des
voyageurs, des érudits et des artistes de passage.
En offrant une documentation trop souvent peu
accessible au grand public, nous voudrions dans toute la
mesure du possible éviter de reproduire les illustrations
ordinaires et certes familières, les commentaires habituels
et consacrés, peut-être aussi quelques lieux communs. Car
l’option adoptée tend à rendre sensible, dans le détail
parfois invisible, l’extraordinaire complexité d’un « phé-
nomène » vieux de 6000 ans, en apparence simple, et
qu’il est parfois tentant d’évoquer au seul niveau de l’ex-
ploit technique : soit en faisant appel aux manipulations
admirables de ces immenses dalles de granite, soit par le
recours au lancinant regret d’un savoir disparu, perdu à
tout jamais dans les landes balayées par le vent, et cela
peut être pire encore...
Nous verrons comment les chercheurs parviennent
à rendre cohérent ce qui peut paraître aléatoire dans la
disposition des pierres, comment ils restituent une logi-
que de construction dans un amoncellement de blocs, là
où tout semble pourtant chaotique, comment ils appré-
cient une évolution architecturale dans la longue durée
de l’histoire des sociétés humaines. Tout d’abord en rap-
pelant les principales étapes de la recherche archéolo-
gique qui ont permis d’accumuler les notes de terrain
et les objets recueillis en fouille, les théories successive-
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Le dolmen de Kermario
La photographie est prise de l’extérieur du monument,
devant l’entrée du couloir qui menait à la chambre funéraire.
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Les Vikings
Stonehenge
TGV
Jules César
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à Carnac
Courant
méridional
Paléolithique ou atlanto- Mésolithique Néolithique Âge du Bronze Âge du Fer
méditerranéen
Courant
Invention Grandes pyramides Début Les Celtes
ION
oriental Première
de la roue en Egypte des écritures en Europe
ou
ISAT
métallurgie alphabétiques
ITH
« Arrivée » danubien de l’or
en Bulgarie
ÉOL
de la céramique
N
et du mouton
domestique
dans le sud
de la France Domestication
par le bassin du cheval dans
méditerranéen les Steppes Pontiques
Chronologie
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0 1 km
0-10 m
10-20 m Le tertre de
20-25 m Kerlescan
25-30 m Le Petit-Menec
Le «Quadrilatère» du Manio
La
N
Le tertre Kerlescan
R ivière de C
du Manio
Kermario
rac
Le dolmen de
'h
Le dolmen de Kercado
Le Menec Kermario
Alignement
Le tumulus St-Michel
Principaux monuments
CARNAC funéraires
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M É GAL I T H E S E T N É OL I T I Q U E
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Histoire d’un site
Tradition orale et tradition légendaire
Les pierres de Carnac, et singulièrement ses aligne-
ments, jouissent aujourd’hui d’une notoriété légitime
auprès du grand public, notoriété qui fait accourir les
foules estivales et a fini par rendre aigu le problème de
« l’érosion touristique » du site lui-même. Cette évolu-
tion est cependant récente, à l’échelle de la longévité des
mégalithes. Le tourisme de masse ne date que de quel-
ques décennies ; au XIXe siècle, Carnac n’attire que des
intellectuels ou des artistes ; les premières mentions des
pierres de la région de Carnac-Locmariaquer-Erdeven ne
sont pas antérieures à la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
Au-delà, c’est le silence total. À défaut de mentions écri-
tes, peut-on se rabattre sur des traditions orales, suscep-
tibles de rétrécir, sinon de combler, le hiatus entre les
constructeurs et utilisateurs des mégalithes et les pre-
miers et bien tardifs témoignages écrits ?
Le morceau de choix, en ce domaine, est bien sûr la
légende de saint Cornely qui était, avec des variantes,
largement connue au XIXe siècle dans le sud du Morbihan.
Parcourant justement cette région, sans doute en évangé-
lisateur, le futur saint Cornely fut poursuivi par des sol-
dats païens décidés à lui faire un mauvais sort. Trouvant
l’océan devant lui, saint Cornely se cacha dans l’oreille
d’un des deux bœufs qui l’accompagnaient, et changea
en pierre la troupe de ses poursuivants. Ainsi seraient
nés les alignements de Carnac, au IIIe siècle de notre ère
si on accepte l’identification de saint Cornely au pape
Corneille. Si Cornely/Corneille est le patron de la paroisse
de Carnac, son culte se retrouve assez largement dans
une zone circonscrite du sud de la Bretagne, et singuliè-
rement en des paroisses, comme Languidic ou Plouhinec,
qui eurent autrefois des alignements de menhirs réduits
aujourd’hui à peu de chose. À côté de la liaison Cornely/
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Celtes et celtomanes
Les « Celtes nos aïeux » vont jouer un rôle de plus
en plus important dans la littérature pseudo-scientifique
française de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Les
effets du Romantisme, avec l’engouement pour les faux
poèmes d’Ossian, se conjuguent avec la virulente crise
de nationalisme français qui marque la Révolution et le
Premier Empire pour donner naissance au courant de
pensée dit celtomane. Il débute dans le domaine linguis-
tique avec les œuvres de Le Brigant, dans les décennies
1760-1790, puis s’y ajoute celui de l’archéologie avec
entre autres La Tour d’Auvergne et surtout Cambry, pre-
mier président d’une académie celtique qui fonctionne et
publie des Mémoires de 1804 à 1813. L’ouvrage de Malo
Corret de la Tour d’Auvergne intitulé Origines gauloises
(1792) ne parle de Carnac que dans une note infrapagi-
nale, mais sur un ton grandiloquent : il y soutient « d’après
une tradition constante parmi les Bretons » que la contrée
de Carnac était le lieu choisi par les druides de l’Armori-
que et de l’île britannique pour leurs assemblées généra-
les communes. La Table des Marchand de Locmariaquer
est également citée comme « autel druidique ».
L’ouvrage de Jacques de Cambry, Monuments cel-
tiques ou Recherches sur le culte des pierres, paru en
1805, consacre son premier chapitre à Carnac (lisez : aux
alignements) et propose une interprétation originale :
un « thème céleste », un zodiaque. Cinq grandes et belles
planches dépliantes accompagnent l’ouvrage, dont trois
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Autels à sacrifices
et temples druidiques
Il est d’autres auteurs, dans les mêmes années, dont
les travaux méritent à plus juste titre de retenir l’atten-
tion. Le premier est le chanoine Mahé dont l’Essai sur
les antiquités du département du Morbihan parut en
1825. Son intérêt réside essentiellement du fait qu’il est
le premier essai d’inventaire global, commune par com-
mune, des monuments préhistoriques du département.
Homme de cabinet plus que de terrain, Mahé devait dis-
poser d’un important réseau d’informateurs, et lui-même
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Objets de prestige
En haut, collier en perles de variscite trouvé dans la sépulture
de Tumiac en Arzon (musée de Vannes).
En bas, hache polie en jadéite découverte dans le tumulus
Saint-Michel, à Carnac (musée de Carnac).
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Kerlescan à Carnac
Gravure des alignements, de l’enceinte et du tertre de Kerlescan,
publiée par Henri du Cleuziou dans La Création de l’Homme, en 1887.
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Un musée archéologique
et une politique patrimoniale
L’important mobilier recueilli par Miln lors de ses
fouilles se trouvait, à son décès, dans les deux pièces
qu’il occupait à l’Hôtel des Voyageurs de Carnac. Leur
possession fera l’objet de convoitises tant de la Société
polymatique de Vannes que des Carnacois ; l’amiral
Tremlett, autre hôte de l’Hôtel des Voyageurs, chargé de
régler sur place la succession, tranchera en faveur des
Carnacois : un bâtiment sera construit à Carnac aux frais
des Miln pour abriter les collections et sera inauguré en
1882, tandis que manuscrits, plans et dessins sont remis
à l’abbé Luco, de la Société polymatique. Une nouvelle
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Le dolmen de Kerhan à
Saint-Philibert
Déménagement en 1896
du dolmen pour le cimetière de
Meudon.
Les premiers pas de l’archéologie
expérimentale...
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De nouveaux chercheurs-mécènes
pour l’archéologie de la région
carnacoise : Saint-Just et Marthe Péquart
La mort de Charles Keller ouvre une troisième
période dans la carrière de Zacharie Le Rouzic, marquée
par sa collaboration avec deux autres Nancéens, Saint-
Just Péquart et sa femme : contribution financière de
la part des Péquart, mais aussi participation très active
de ceux-ci aux fouilles alors que Keller ne fouillait pas.
Durant les quatorze ans que va durer cette collabora-
tion, les interventions prennent de l’ampleur, et aussi du
champ géographique : région lorientaise et presqu’île de
Rhuys en 1921, puis îles lorsque Péquart aura fait l’acqui-
sition d’un bateau (Er Lannic en Arzon, Er Yoh à Houat).
Le dolmen de Kerdrain
La restauration d’un dolmen au début du siècle à Carnac consiste parfois à
reconstituer le tumulus autour des structures internes.
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Classification et restauration
des mégalithes : l’œuvre de Le Rouzic
Dans la dernière période de l’activité de Zacharie
Le Rouzic, qui va de 1927 à sa mort en 1939, il connaît
des problèmes de santé et n’entreprendra pas de très
grands chantiers. Mais son activité est loin de faiblir. En
1933, il est nommé membre titulaire de la commission
des monuments préhistoriques, et peut être considéré
comme un préhistorien semi-professionnel. Ses inter-
ventions de terrain concernent essentiellement des res-
taurations ou consolidations de monuments, financées
et approuvées préalablement par la commission dont
il est membre, et où l’abbé Henri Breuil tient un rôle
prépondérant.
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De la guerre de Troie
à la Seconde Guerre mondiale...
L’action de Zacharie Le Rouzic, au cours des quatre
premières décennies du XXe siècle, par son ampleur, sa
persévérance et sa qualité scientifique, rejette forcément
dans l’ombre l’œuvre de ceux de ses contemporains qui,
avec un bonheur inégal, se sont intéressés aux mégalithes
morbihannais. L’abbé Millon, en 1911, a rassemblé dans
un précieux recueil de citations, intitulé Pauvres pierres !,
les opinions exprimées par tous les auteurs ayant traité de
l’origine et de la signification des mégalithes jusqu’à la
date de 1908. Le XXe siècle fournirait aisément la matière
à un deuxième tome de cet ouvrage, où un peu de bon
grain se mêle à beaucoup d’ivraie, et où la région de
Carnac ne cesse d’occuper une position privilégiée.
Parmi les auteurs les plus prolixes du début du
XXe siècle citons André de Paniaga, auteur de nombreuses
publications entre 1897 et 1912, et H. Hirmenech dont
les principaux travaux se situent entre 1906 et 1913 ;
dans les deux cas, une imagination débordante tient lieu
de méthode scientifique. Ne résistons pas au plaisir de
citer les conclusions de l’étude de Hirmenech intitulée
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La recherche contemporaine
L’immédiat après-guerre voit les conditions de la
recherche archéologique en France totalement modi-
fiées : la création du Centre national de la recherche
scientifique, la loi sur les fouilles, la création des direc-
tions des Antiquités, signifient pour la première fois en
France une implication globale de l’État, avec en pers-
pective la substitution d’une archéologie de profession-
nels à une archéologie ne reposant que sur des amateurs.
Une telle évolution ne sera que très progressive en
France, beaucoup plus brutale en Bretagne où Pierre-
Roland Giot, directeur des Antiquités préhistoriques
de 1947 à 1972, cumule à Rennes cette fonction avec
celles de chercheur CNRS et d’enseignant à la faculté des
Sciences. Chacun de ses collaborateurs se voit attribuer
un champ de recherche bien précis, les mégalithes et
le Néolithique revenant à Jean L’Helgouac’h. La politi-
que générale est de rééquilibrer géographiquement les
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Kerlescan,
Kermario, le Menec
Alignements
et enceintes de pierres dressées
Les grands champs de menhirs ont fait la réputation
touristique de Carnac bien avant que les archéologues
ne soient en mesure de proposer un âge et une significa-
tion pour ces déroutantes cohortes de pierres dressées
à perte de vue dans la lande. Dans l’esprit du public,
ce côté spectaculaire a même, pourrait-on dire, privi-
légié l’aspect « curiosité » au détriment d’une véritable
réflexion ; les « menhirs de Carnac » y ont fait oublier les
autres formes de mégalithisme (alors que, dans la même
commune, dolmens, tertres et tumulus se comptent par
dizaines). Mais porter un regard neuf sur les alignements
implique au préalable d’analyser le phénomène « pierre
dressée » sous ses différents aspects.
Le mot et la chose
Comme chacun sait, le terme menhir est un emprunt
à la langue bretonne, effectué dans l’ambiance celto-
mane et romantique du début du siècle dernier par les
premiers « antiquaires » s’intéressant aux « grosses pier-
res » dressées de main d’homme. À la différence d’autres
emprunts destinés à forger la terminologie mégalithique
naissante, le mot existe bien dans la langue courante,
mais son sens étymologique – pierre longue – ne pré-
suppose aucunement que le bloc soit dressé, a fortiori
de main d’homme (à la différence du terme concurrent
peulven – pilier de pierre – malencontreusement tombé
en désuétude chez les archéologues). À tout prendre, ce
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Aspects techniques
• À la recherche du bloc idéal
Dresser vers le ciel une pierre de plusieurs dizaines de
tonnes suppose des motivations puissantes, mais celles-ci
ne sauraient suffire. Disposer de blocs adéquats est le
préalable indispensable ; la « Bretagne terre de granite »
est une formule de poète qui ne correspond qu’impar-
faitement à la réalité géologique, et l’on trouve effecti-
vement des menhirs en grès (Lagadjar, à Camaret), en
quartz ou en schiste (Monteneuf), au hasard des ressour-
ces locales... On trouvait certainement aussi des stèles de
bois là où la pierre faisait totalement défaut.
Même en terrain granitique, le faciès de la roche
peut être très variable et le jeu des fissures naturelles
ne dégage des blocs de taille et de forme adéquates que
dans certaines zones privilégiées. Le littoral morbihan-
nais est de celles-là avec ses granites clairs, feuilletés et
relativement altérables, dans lesquels l’érosion géolo-
gique a pu dégager des blocs allongés et aplatis. Au fil
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• Le transport
C’est une opération plus ou moins ardue selon la dis-
tance à parcourir, la nature du terrain, la masse du bloc
et sa conformation. De multiples expériences ont été
tentées ces dernières années ; elles ont en général réussi,
montrant qu’une telle entreprise n’avait rien de surhu-
main. La mécanisation nous a fait oublier qu’il y a moins
d’un siècle, des manutentions lourdes s’effectuaient cou-
ramment à bras d’hommes dans l’industrie, la marine, les
carrières, etc. Jusqu’à quelques dizaines de tonnes, une
telle entreprise ne pose pas de problèmes majeurs, pour
peu que l’on maintienne la masse concernée en perma-
nence dans une situation de « quasi équilibre » permet-
tant d’appliquer les forces dont on dispose au plus près
du centre de gravité, avec une démultiplication énorme ;
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• Dresser un menhir
Cette opération délicate suppose que le bloc passe
par une position instable où le centre de gravité s’écarte
fatalement du point bas de la pierre qui en est le point
d’appui naturel. Le risque de ripage est réel, mais aussi
celui de casser un bloc fragile (parce que mince ou fis-
suré) s’il se trouve en porte-à-faux. On a beaucoup glosé
jadis sur les calages et sur l’importance de la partie enter-
rée des menhirs. Or, toutes les observations directes (en
fouille ou suite à des chutes accidentelles) concordent ;
10 à 15 % de la longueur du bloc, au plus, sont enterrés
et, le plus souvent, les structures de calage reconnaissa-
bles paraissent étonnamment succinctes. Ainsi s’explique
la fragilité des menhirs de Carnac dont les pierres ne sont
souvent enfoncées en terre que de quelques décimètres,
ce qui les rend particulièrement vulnérables à l’érosion
du sol.
Il semble que les bâtisseurs préhistoriques aient joué
au maximum sur l’équilibre de la pierre (y compris et
surtout lorsque celle-ci était renflée dans sa partie supé-
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Archéologie expérimentale
Ou comment soulever des dalles pesant
plusieurs tonnes à 2 mètres de hauteur.
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0 100 m
KERLESCAN
Hémicycle
Tombe mégalithique
à entrée latérale
Tertre
Enceinte
Alignements
S ol
stice d'hiver
Equinoxe Course du soleil
Solstice d'été
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• De Kermario au Manio
Un peu moins de deux kilomètres séparent les restes
de l’enceinte orientale du Menec et celle de Kerlescan ;
dans cet intervalle, le troisième des grands champs de
menhirs carnacois se déploie sur un peu plus de 1 100
mètres de bout en bout. L’orientation générale est cette
fois franchement sud-ouest/nord-est, malgré des sinuosi-
tés non négligeables sur le parcours.
Au sud-ouest, l’enceinte manque totalement, mais
l’analogie de situation avec le Menec est telle que l’on
peut l’imaginer couronnant jadis le point haut juste en
avant des alignements. Dix files parallèles sont à peu
près équidistantes sur 100 mètres de large ; comme au
Menec également, la taille des pierres diminue rapide-
ment et le nombre des files se réduit (neuf à hauteur de
la Petite Métairie, dont les abords ont par ailleurs été lar-
gement épierrés pour la culture). Plus loin, aux environs
de l’ancien moulin de Kermaux, les pierres escaladent
un second mamelon jadis attaqué par des carrières de
sorte que les sept à huit files les plus méridionales res-
tent seules distinctes ; le champ s’arrête sur une zone de
Er Lannic en Arzon
Un des hémicycles sur l’îlot a été
fouillé et restauré par Le Rouzic.
Le deuxième hémicycle,
recouvert par la mer, est invisible
sur la photo.
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• Kerzerho à Erdeven
À une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Carnac,
cet ensemble est plus difficile à appréhender car plus
diffus et très largement perdu dans les bois. Le plan
de Vicars et Deane (1832), bien que schématique et
sans doute quelque peu idéalisé, laisse penser qu’un
dispositif quasi continu s’étirait alors sur près de deux
kilomètres d’ouest en est, selon un parcours assez
sinueux. Un siècle plus tard, un croquis de Zacharie
Le Rouzic montre déjà une situation beaucoup plus
lâche entre deux concentrations principales aux extré-
mités (Kerzerho, au bord du C.D. 781 à l’ouest, et la
Chaise de César à Coet er Bleis vers l’est), seuls ensembles
encore clairs aujourd’hui.
L’ouest du groupe de Kerzerho a été malencontreuse-
ment bousculé au siècle dernier par la construction de la
route actuelle ; malgré cela, on y reconnaît bien la dispo-
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• Saint-Pierre-Quiberon
Au voisinage de l’ancien moulin à vent se dresse
le dernier complexe qui retiendra notre attention. Lui
aussi a souffert des outrages du temps et des hommes ;
jadis, il se prolongeait, dit-on, jusque sur la grève. Ce
qui en reste aujourd’hui frappe par la claire séparation
qui existe entre les files et l’enceinte ; peut-être avons-
nous là un type intermédiaire entre les alignements tels
que nous les avons évoqués en début de chapitre et les
grands complexes carnacois.
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• Cosmographie et arpentage
Dès le siècle dernier, certains chercheurs ont tenté de
rapprocher l’orientation des files de menhirs ou des cou-
loirs de dolmens et les directions des levers et couchers
remarquables du soleil, de la lune, et accessoirement de
quelques astres remarquables (Vénus, Sirius, etc.), pro-
posant des systèmes à vocation générale à partir de quel-
ques cas flagrants (Stonehenge en Angleterre ou New
Grange en Irlande). En Bretagne, après quelques précur-
seurs comme F. Gaillard ou R. Merlet dans le Morbihan,
mais aussi A. Devoir dans le Finistère, les travaux les plus
importants en ce sens ont été ceux de A. et A.S. Thom
qui, dans les années 1970, ont tenté d’y transposer les
théories qu’ils avaient précédemment bâties en Grande-
Bretagne.
Les résultats les plus séduisants des Thom concer-
naient le Grand Menhir de Locmariaquer, interprété
comme le « guidon » central d’un vaste système installé
entre la presqu’île de Rhuys et celle de Quiberon pour
repérer les levers et couchers extrêmes de la lune. Mais
on sait maintenant que le Grand Menhir n’était qu’un élé-
ment dans un alignement qui était probablement déjà
démantelé à l’époque où cette pierre aurait dû servir à
réguler un calendrier lunaire.
Quant aux champs de menhirs carnacois, A. et
A.S. Thom les envisageaient comme d’immenses abaques
qui auraient permis, en suivant la projection des ombres
d’une pierre sur l’autre au lever de la lune, de suivre les
« cycles longs » de cet astre et, par là, d’en prédire les
éclipses. Mais les calculs sophistiqués qui ont été propo-
sés se heurtent à une précision insuffisante des mesures
de terrain (elle-même reflet d’une certaine indétermina-
tion dans l’organisation des pierres et des incertitudes
introduites par les différentes restaurations), de sorte
que les conclusions résistent mal à une critique tant soit
peu serrée.
De la même manière, les orientations solaires très
précises relevées de longue date sur le quadrilatère
de Crucuno à Erdeven concernent un monument res-
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Enceinte
de Crucuno Course
O 5m
du soleil
Sol
stice d'hiver
Equinoxe
Solstice d'été
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Le menhir
et le tertre du Manio
Stèles « gravées » et tertres funéraires
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Stèle gravée
Foyers
Stèle cassée
LE MANIO
Coffres funéraires
Alignements de menhirs
0 10 m
La fouille du Manio
À partir des dimensions mesurées sur le terrain et qui
leur donnent une première idée de l’envergure du monu-
ment (une cinquantaine de mètres de long pour trente
mètres de large et un mètre de hauteur), Le Rouzic et les
Péquart lancent leurs ouvriers terrassiers dans le creuse-
ment de tranchées exploratoires. Très vite, ces tranchées
permettent de se faire une idée précise des limites du
tertre : ils rencontrent en effet une « muraille formant
enceinte quadrilatère ». Des photographies prises durant
les fouilles illustrent tout à fait le propos et montrent une
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Le menhir gravé
La mise au jour de la partie enfouie du grand menhir
qui domine l’extrémité la plus élevée du tumulus est l’oc-
casion de faire trois découvertes essentielles. Chacune
d’entre elles renvoie à des domaines précis qui sont
autant de directions modernes de recherche. Nous vou-
lons parler des techniques de construction, du mobilier
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Archéologie expérimentale
Comment obtenir une gravure sur granite par l’expérimentation :
après 33 heures de piquetage sur la surface de la roche,
la crosse émerge en relief.
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Les tombeaux
À un mètre de la base du menhir gravé, en effet,
une grande dalle posée à l’horizontale est progressive-
ment dégagée de son enveloppe terreuse. Là encore, et
sur la face supérieure tournée vers le ciel, une gravure
nette apparaît et l’on devine alors le dessin d’une hache
emmanchée de 60 centimètres de longueur. Cette dalle
de plus de 3 mètres de long, protégée par d’autres pier-
res bien agencées, repose sur une muraille qui détermine
une cavité spacieuse curieusement remplie, au moment
de la découverte, d’une argile compacte résultant de
l’infiltration des sédiments de surface. Mais ce remplis-
sage n’occupe pas tout l’espace intérieur du coffre car,
au centre, les pelles des ouvriers rencontrent une fosse
constituée de terre meuble noirâtre. Dans ce comble-
ment sombre de 1,50 mètre de long sur 50 centimètres
de profondeur (qui peut marquer l’emplacement d’un
corps enveloppé d’une matière périssable), les fouilleurs
recueillent une poterie et une armature de flèche à tran-
chant transversal, et interprètent le tout comme un coffre
funéraire.
Dans le même axe directionnel donné par ce premier
ensemble clos et à quelques mètres de lui, une seconde
fosse est identifiée, mais cette fois-ci délimitée par des
dalles jointives, fichées en terre. Malheureusement,
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Le mobilier archéologique
La découverte du dépôt des lames de haches polies
trouvé au pied du grand menhir fut, on s’en doute, un
moment important des fouilles du Manio. Plusieurs céra-
miques, trouvées brisées sur le terrain mais reconstituées
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L’environnement archéologique
du Manio
Le tertre du Manio n’est pas un monument isolé. À seu-
lement 40 mètres au nord-ouest, se tenait un autre monu-
ment similaire contenant un coffre couvert par une dalle de
plus de 2 mètres de long. Il fut malheureusement détruit.
Mais dans un périmètre de quelques centaines de mètres,
plusieurs autres témoignages résistent encore à l’épreuve
du temps et prouvent en ces lieux un choix délibéré pour
édifier et regrouper des architectures funéraires.
Le visiteur peut ainsi côtoyer deux tertres à proximité
immédiate. À l’est tout d’abord, celui de Kerlescan se
devine dans un bois de pins, en bordure de l’enceinte
de menhirs assez bien reconnaissable sur le terrain. Une
grande pierre dressée, très visible, marque l’extrémité
occidentale du tertre et permet en tous cas de se repé-
rer aisément. Les anciennes fouilles menées au cœur du
monument ont mis en évidence un alignement de dal-
lettes dressées, qui le ceinture et le limite sur près d’une
Serpentiforme Crosse
Hache
« Hache-charrue »
Hache emmanchée
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Les signes
• Les serpentiformes
Choisis pour avoir été précédemment décrits à la base
du grand menhir du Manio, les signes « serpentiformes »
ne sont pas les plus rares mais ils restent peu nombreux.
Ils sont néanmoins les plus vite identifiables et ont frappé
l’imagination des observateurs qui les décrivaient, sans
doute en raison de l’universalité de leur représentation.
Les belles gravures ondulées de Gavrinis ou du Petit
Mont furent d’ailleurs parfois mises à contribution pour
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• La crosse
Un autre signe de base à l’origine d’interprétations
distinctes est celui de la « crosse », décrit en Armorique
aussi bien sur des pierres dressées comme celles du
de Kermarquer à Moustoirac (Morbihan), qu’à l’inté-
rieur des tombes à couloir régionales de la Table des
Marchand, du Petit Mont et de Gavrinis. Mais, dans ces
monuments, les gravures peuvent être placées sur les
faces externes des supports, comme nous le verrons
par la suite, et donc invisibles puisque masquées par la
masse du tumulus recouvrant l’espace funéraire délimité
par ces dalles.
On a parfois voulu reconnaître une faucille dans cette
figuration, objet emblématique des pratiques agricoles,
mais aussi un boomerang, une canne de berger, une
hache emmanchée... L’interprétation qui prévaut depuis
la fin du siècle dernier reste cependant celle d’une
crosse, sorte de sceptre identifié dans les temps antiques
et modernes, archétype de l’insigne de commandement
ou de la dignité sacerdotale. Dans l’Égypte ancienne, une
arme serait à l’origine du symbole identifié aux mains de
Pharaon. Des objets véritables sont d’ailleurs connus dans
le Néolithique européen, datés d’une époque contempo-
raine de celle des gravures de la région de Carnac, cros-
ses en or déposées dans les tombes découvertes sur les
bords de la mer Noire, crosses en schiste dans les monu-
ments mégalithiques du sud du Portugal.
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• La hache
Voici certainement le signe qui fait l’unanimité autour
de lui, tant les analogies repérées depuis longtemps avec
l’outil universel semblent incontestables. Qu’il s’agisse de
la lame polie isolée ou figurée en couple, ou encore de
l’objet emmanché, toutes ces gravures se portent indif-
féremment sur les pierres dressées isolées, ou réunies en
hémicycle, et sur les dalles des tombes monumentales.
Les immenses « tables » de couverture des dolmens des
Marchand ou de Mané Rutual à Locmariaquer en présen-
tent des modèles fameux, tout comme la dalle de couver-
ture du coffre principal du tertre du Manio ; le menhir de
Crucuny et ceux des enceintes d’Er Lannic, de Kergonan,
plantées dans les îles du golfe, en laissent encore certains
visibles dans le granite, en les cherchant bien.
Ce n’est certainement pas un hasard si la hache reste
un puissant symbole du Néolithique. Si, par l’étymologie
adoptée, ce « nouvel âge de Pierre » faisait allusion à la
lame polie en silex ou en roche tenace, c’est bien que
l’on reconnaissait un progrès indéniable dans l’obtention
d’un outil à trancher et couper que le polissage des sur-
faces brutes de taille rendait plus efficace en pénétration,
plus résistant aux chocs répétés, et qu’un emmanche-
ment adéquat décuplait la force du bras humain.
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• La « hache-charrue »
Tout aussi énigmatique mais pourtant affublé d’une
appellation qui présuppose la fonction, ce signe est très
peu répandu en dehors de cette partie du Morbihan qui
nous intéresse, sinon en Loire-Atlantique, sur la dalle cou-
vrante d’une des tombes de Dissignac. À proximité des
alignements, le dolmen de Kermario en offre une illustra-
tion remarquable, gravée au plafond de la chambre funé-
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KERCADO
Le dolmen de Kercado
à Carnac
La « hache-charrue » figurant au
plafond du dolmen est identique
aux modèles de Locmariaquer.
• Le cornu
Signe en « U » ou signe « juguiforme », les précautions
de langage ne peuvent atténuer la conviction largement
partagée qu’il s’agit bien de la représentation stylisée
d’un bucrâne, autrement dit la paire de cornes d’un
bovin. Bien que certains chercheurs aient voulu autre-
fois y voir la figuration d’un bateau, l’interprétation qui
prévaut désormais s’appuie sur de nombreux rappro-
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• La Déesse-mère
Dernier des signes de base, figuration de référence
bien souvent citée par les chercheurs des régions voisi-
nes, la « Déesse-mère », « l’Idole néolithique », a permis à
de nombreux auteurs d’argumenter, par le biais de cette
gravure, en faveur de la pensée religieuse développée par
ces sociétés néolithiques d’Armorique. Cette divinité tuté-
laire, que l’on voudrait croire universelle parmi les com-
munautés d’agriculteurs, est là encore présente sur des
pierres dressées comme à La Tremblais à Saint- Samson-
sur-Rance (Côtes-d’Armor), sur des dalles de couverture
de dolmens comme à Mané Rutual à Locmariaquer, ou
encore sur les piliers des mêmes tombes à couloir comme
à l’Ile Longue, dans le golfe du Morbihan.
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Représentation animale
Figuration d’un animal (bovin) sur la face supérieure
de la dalle de couverture du dolmen de Gavrinis.
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La tombe à couloir
de Gavrinis
Plan du dolmen
et figuration des dalles
gravées du couloir
et de la chambre.
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Représentations
animales
Une hache, une crosse
et les pattes avant
d’un animal gravées au
plafond de la Table des
Marchand. Ces gravures
ornaient la partie
inférieure d’une stèle
probablement dressée
dans l’environnement
proche.
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Retour à l’interprétation
Conséquence de ces découvertes successives, les
archéologues de notre siècle se trouvent placés face à
deux interrogations majeures : si une majorité de signes
gravés contenue à l’intérieur des tombeaux de l’Ouest de
la France renvoie en définitive à des contextes religieux
en apparence plus anciens, sommes-nous confrontés
à un hiatus chronologique entre la période des pierres
dressées, sculptées, et celle des tombes qui réutilisent
ces matériaux de choix ? S’agit-il plutôt d’un changement
dans un temps court ? L’interprétation que l’on donne
aux signes ne va-t-elle pas aussi se modifier suivant cette
reconnaissance d’un contexte originel différent, déve-
loppé « à l’air libre » ?
Pour résumer la situation sans entrer dans le détail
du champ de la recherche qui s’ouvre devant nous,
on avancera plusieurs éventualités. Ainsi, dans l’hypo-
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Le dolmen de Kermario
Les architectures funéraires
et le Mégalithisme
Le dolmen de Kermario
à Carnac
Le « dolmen » est ici privé
de plusieurs de ses dalles de
couverture débitées par
les carriers et réemployées
dans la construction des
maisons de la région.
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Le cliché habituel
d’un mégalithe breton
Le dolmen de Kercadoret à
Locmariaquer... en l’absence
de son tumulus.
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0 3m
Chambre
Plan du dolmen
Couloir de Kermario à Carnac
Seules figurent les
structures internes,
Dolmen de Kermario le tumulus ou cairn
n’ayant pas été fouillé.
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Ordonnances architecturales :
ressemblances et différences
Mais une analyse, une description comparative pous-
sées au-delà de ce premier constat révèlent, dans un
second temps, de nombreuses variations architectura-
les qui résultent de la conception même de chacun de
ces monuments. À Kermario, par exemple, plus qu’un
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Un squelette
à l’abandon...
Vestiges des structures internes
(couloir et chambres latérales)
du dolmen de Keriaval à Carnac.
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Le tumulus de Barnenez
Le cairn gigantesque (ou tumulus) éventré par une carrière
permet aujourd’hui de découvrir les sépultures mégalithiques
nichées en son milieu.
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Penhape
Kerlescan
N
Golfe
du
Morbihan
Baie de Quiberon
0 5 km
0-10 m 10-20 m 20-30 m 30-40 m
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Le tumulus de Barnenez
La voûte en « encorbellement »sur une chambre
circulaire pouvait monter à 5 ou 6 mètres de
hauteur dans le corps du tumulus.
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O 50 m
Kerlescan
Enceinte de pierres dressées
Alignements
Coffres funéraires
Enceinte
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Récipients du débuts
du VIe millénaire av. J.-C.
Céramiques dites « Castellic »
du Néolithique moyen
morbihannais.
Les cannelures du décor sont
obtenues par la pression
de l’extrémité mousse
d’un poinçon en os et en bois.
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Le Néolithique récent
Céramiques du début
du IIIe millénaire av. J.-C.
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Dénouement...
À venir
« Les pourpres du couchant, disent les physiciens,
sont le fait d’une plus grande épaisseur d’air que seules
traversent les ondes courtes. Quand rien ne se passe
au ciel vers midi, une telle apparence nous troublerait
moins, la merveille c’est qu’elle se produise le soir, au
moment du jour le plus pathétique, quand le soleil se
couche, quand il disparaît afin de poursuivre un mysté-
rieux destin, quand il meurt peut-être. Pour donner au
ciel tant de fastes, un certain phénomène de physique
n’est possible qu’à l’instant le plus exaltant pour l’imagi-
nation : le coucher du plus brillant des astres. »
Cette citation extraite du Journal du voleur écrit en
1949 par Jean Genet n’est pas ici rapportée pour plai-
der la cause d’une archéoastronomie délaissée par la
recherche officielle ou au contraire pour dénigrer, par
le recours à la subjectivité pure du littérateur, les tenta-
tives diffuses de ces poètes-mathématiciens qui ont pris
et prennent pour théâtre de leurs calculs compliqués les
sites prestigieux de Carnac. Il y a simplement condensé
dans ce passage ce que tout un chacun peut ressentir
à l’issue d’un voyage ou d’un temps de vacance sur les
rives de la baie de Quiberon : la juxtaposition de l’océan,
des lagunes, des rias, les différents horizons des îles et
des presqu’îles, la coïncidence entre un environnement
unique et des monuments exceptionnels, la rencontre
d’événements ne devant rien au hasard.
Bien sûr, on aura quantifié et comparé ce qui pouvait
l’être. Ainsi les méthodes de datations ont assez précisé-
ment situé vers 4500 ans av. J.-C. les débuts de ces socié-
tés qui se feront connaître dans l’histoire de l’humanité
par le gigantisme de leurs architectures de pierre à une
époque où la métallurgie leur était encore inconnue.
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D É N OU E M E N T ... À V E N I R
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BIBLIOGRAPHIE
Bibliographie générale
GIOT (P.R.), L’HELGOUAC’H (J.), MONNIER (J.L.). — Préhistoire
de la Bretagne. Rennes : Ouest-France université, 1979.
LE ROUX (C.-T.). — Gavrinis et les îles du Morbihan. Guides
archéologiques de la France. Paris : ministère de la Culture, 1985.
PEQUART (M.), PEQUART (St-J.), LE ROUZIC (Z.). — Corpus des
signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan. Paris :
Ed. A. Picard, 1927.
RISKINE (A.E.). — Carnac, l’armée de pierres. Paris : Ed.
Imprimerie nationale, 1992.
SHEE TWOHIG (E.). — The Megalithic Art of western Europe.
Oxford : Clarendon Press, 1981.
Abréviations
BSPF : Bulletin de la Société préhistorique française.
BSPM : Bulletin de la Société polymatique du Morbihan.
CNRS : Centre national de la recherche scientifique.
CTHS : Comité des travaux historiques et scientifiques.
RAO : Revue archéologique de l’Ouest.
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REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient tout particulièrement, pour l’aide apportée,
A. Beillard, J.-J. Beyrière, M.-L. Fromont (CNMHS), J. Lecornec (mu-
sée de la Société polymatique du Morbihan,Vannes), J. L’Helgouac’h
(CNRS, Nantes), P. Pétrequin (CNRS, Besançon), L. Pirault et F. Sala
(AFAN et Service de l’inventaire, Nantes), A.E. Riskine (musée de
Carnac), D. Vellet (Sagemor, Vannes), H. de Lumley et D. Vialou (IPH,
Paris).
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CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Bailloud, G. (collection) :
p. 13, 18, 19, 21, 31, 32, 36, 38, 39, 41, 42, 44, 57 (cl. Le Rouzic)
Cassen, S. :
p. 7, 44, 54, 59, 72, 78, 92, 98 à gauche,
101, 106, 108, 114, 116, 120, 122, 125, 129, 136
CNMHS :
p. 64 (cl. A. Beillard)
Pétrequin, P. :
p. 109
Poissonnier, B. :
p. 62, 86
SAGEMOR :
p. 23, 132, 144 (cl. A. Dugas); 85, 98 à droite,
106, 120 ; 104 en haut (cl. F. Brussat)
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