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De Méditerranée

et d’ailleurs…

Mélanges
offerts à
Jean
Guilaine

Archives d’Écologie Préhistorique


Toulouse 2009
Référence conseillée pour citer cet ouvrage :

Collectif, 2009. De Méditerranée et d’ailleurs… Mélanges offerts à Jean Guilaine.


Archives d’Écologie Préhistorique, Toulouse, 853 p., 389 fig., 14 tabl.

Site internet : http://archeoaep.free.fr


Courriel : archeoaep@free.fr
Courrier : Archives d’Écologie Préhistorique
39, allées Jules Guesde
F-31000 Toulouse
De Méditerranée et d’ailleurs…
Mélanges offerts à Jean Guilaine

Ouvrage publié avec le concours :

du Collège de France
du Ministère de la Culture
de l’INRAP
de la Région Languedoc-Roussillon
de TRACES - UMR 5608
de l’EHESS
d’Archéologies

Archives d’Écologie Préhistorique


Toulouse 2009
Une production néolithique
du Mont Viso en Italie :
l’ébauche de haches de Lugrin
(Haute-Savoie, France)
Pierre PÉTREQUIN
Michel ERRERA
Anne-Marie PÉTREQUIN
Estelle GAUTHIER

Résumé
L’analyse spectroradiométrique du bloc ébauche de Lugrin permet de déterminer une jadéitite, dont l’ori-
gine se situerait dans les Alpes internes, dans les exploitations néolithiques d’Oncino/Porco, au pied du
Mont Viso (Piémont, Italie), entre 1700 et 2400 m d’altitude. Ce bloc, détaché par choc thermique, puis
partiellement mis en forme par taille et bouchardage, a été scié pour tenter d’obtenir probablement deux
haches de type Altenstadt probablement.
L’ébauche double de Lugrin a été transportée sur une distance d’environ 200 km à vol d’oiseau au travers
des Alpes, soit 340 km par le col du Mont-Cenis. Datée de la deuxième moitié du Ve millénaire, elle repré-
sente un exemple remarquable du long investissement en temps de travail à l’origine des haches en roches
alpines, qui circulent dans toute l’Europe occidentale pendant les Ve et IVe millénaires. Plus tard, à partir du
dernier quart du Ve millénaire, la technique du sciage appliquée à des blocs roulés (et également à des af-
fleurements primaires) va d’ailleurs être développée pour la production de haches de type Puy ; la matière
première, devenue rare dans les carrières en altitude, circule alors sous la forme de petits blocs émoussés
par l’eau et de blocs bruts, destinés à être travaillés dans les vallées alpines entre Piémont et Savoie.
Quant à l’ébauche de Lugrin, le contexte de découverte permet de suggérer qu’elle a été associée, comme
ailleurs les haches plantées dans le sol, à un lieu sacré et non pas à une production locale de haches en
roches alpines.

Abstract
Spectroradiometric analysis of the Lugrin rough-hewn blank identified it as jadeitite, originating in the Neolithic
exploitations of Oncino/Porco, at the foot of Mont Viso (Inner Alps, Piedmont, Italy), between 1700 and 2400
m asl. This block, detached by thermal shock, and partially shaped by knapping and hammering, was sawn in
an attempt probably for producing two axes of Altenstadt/Greenlaw type.
Thus, the Lugrin double blank was transported ca. 200 km across the Alps as the crow flies or ca. 340 km via the
Mont-Cenis Pass. Dated to the second half of the 5th millennium, this axe represents one of a group of remarkable
examples of investment in labor-intensive production. Such axes were fashioned of Alpine rocks and circulated
throughout Western Europe during the 5th and 4th millennia. Later, beginning with the last quarter of the 5th
millennium, the technique of sawing was applied to riverbed pebbles (but also to primary deposits rocks) to
produce Puy-type axes. As raw material became rare in high altitude quarries, its replacements were circulated
in the form of blunt riverbed pebbles and rough blocks, then knapped and shaped in the Alpine valleys between
Piedmont and Savoy. The archaeological context of the Lugrin blank suggests that, as observed elsewhere for axes
set upright into the ground, it was associated to a sacred site and not related to some local production center of
axes made from Alpine rocks.
De Méditerranée et d’ailleurs…

Depuis longtemps, il a été montré que les haches de production et aux techniques mises en œuvre
en roches alpines, grandes et petites, ont gagné pour extraire les roches particulièrement tenaces
à peu près toute l’Europe pendant les Ve et IVe que sont les éclogites, les omphacitites et les ja-
millénaires av. J.-C. (fig. 1), à partir de centres de déitites, c’est-à-dire les matières premières le plus
production situés dans les Alpes italiennes et en souvent utilisées pour les haches qui ont franchi
particulier au pied du Mont Viso (Damour 1881 ; les Alpes. Bien sûr, la sélection et le ramassage de
Franchi 1904). À son maximum, cette circulation blocs en position secondaire dans les moraines et
des haches alpines a atteint 1700 km à vol d’oi- les alluvions ont pu être de mise pour les haches
seau, jusqu’au Danemark (Fischer 1880 ; Meyer courtes du Néolithique ancien (D’Amico 2005 ;
1882 ; Klassen 2004) à l’Ecosse (Campbell Smith D’Amico et Starnini 2006), mais à une période
1963) vers le nord, et aussi loin vers le sud que la certainement antérieure à l’essor de la production
Sicile et Malte (Leighton et Dixon 1992). Mais et de la circulation des « jades » alpins à l’échelle
nos connaissances sont lacunaires quant aux lieux de l’Europe. En fait, il a fallu attendre la découverte

1 Répartition des longues haches (plus de 13,5 cm) en Europe occidentale. Les principaux gîtes connus de jadéitite sont regroupés
autour du Mont Viso (Alpes Cotiennes) et du Mont Beigua (Apennins ligures). Localisation des sites archéologiques cités dans le texte.
DAO J. Desmeulles et E. Gauthier, à partir de la base JADE 2007.

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des exploitations de boudins ou de blocs voisins et du charbon » (Bocquet 2006). Selon L. Revon
des gîtes primaires au pied du Mont Viso en 2003, (1878), il s’agit d’un « polissoir en serpentine (?),
entre 1700 et 2400 m d’altitude (Errera 2004 ; Pé- d’un côté avec une large rainure non polie, à section
trequin, Errera et al. 2006 ; Pétrequin, Pétrequin et demi-circulaire ; sur l’autre face, une rainure étroite et
al. 2006, 2007), pour commencer à comprendre profonde, très polie, s’évasant en deux petits talus à la
les modalités de fabrication de ces haches tout partie supérieure ».
à fait remarquables dont la plus grande connue Quelques 120 ans plus tard, E. Thirault (2004)
mesure 46,6 cm de longueur à Locmariaquer / identifie la découverte de Lugrin en tant
Mané er Hroëck (Morbihan) (Herbaut 2000). qu’ébauche double en jadéitite – matière première
Jusqu’alors, il faut bien le répéter, l’idée prévalait, déterminée par D. Santallier sur lame mince (Thi-
à de rares suppositions près (Pétrequin et Jeunesse rault et al. 1999) –, en propose une première lec-
1995 ; Pétrequin, Croutsch et al. 1998 ; Cordier et ture technique qui s’avère difficile à suivre et attri-
Bocquet 1998 ; Pétrequin, Errera et al. 2003 ; Thi- bue la matière première à un bloc « provenant sans
rault 1999), que des techniques simples de mise en doute des dépôts morainiques du bassin lémanique »,
forme par percussion directe avaient dominé pen- sans argumenter son assertion. L’auteur insiste fi-
dant tout le Néolithique, pour produire ces haches nalement sur l’exception que représente l’ébauche
à partir de galets naturellement mis en forme par de Lugrin dans le cadre des productions alpines
l’érosion glaciaire ou fluviatile (parmi d’autres : du Néolithique moyen.
Ricq - de Bouard 1996 ; D’Amico 2005). En fait, il Pour notre part, nous estimons que d’autres inter-
a été récemment démontré que, dans les Alpes et prétations peuvent être proposées de cette décou-
les Apennins ligures, le choc thermique avait été verte longtemps passée inaperçue ; mais ces inter-
largement utilisé pour extraire des plaques et des prétations nouvelles supposent la mise en œuvre
blocs allongés, les seuls susceptibles d’être taillés de connaissances techniques pour la lecture des
sans trop de difficultés à partir des plans de frappe stigmates de mise en forme et de leur chronolo-
dégagés par l’éclatement des blocs supports ; sans gie, ainsi que d’autres méthodes de détermination
utilisation préalable du choc thermique, ces blocs des jadéitites pour préciser l’origine du bloc utilisé
étaient d’ailleurs si tenaces que les percuteurs re- (analyses spectroradiométriques après constitu-
bondissaient ou restaient sans effet, en particulier tion d’un solide référentiel de roches alpines).
quand il s’agissait de jadéitite à structure très en- L’ébauche (fig. 2 et 3) se présente sous la forme
grenée (Pétrequin, Pétrequin et al. 2008a). d’un bloc allongé de 20,5 cm de longueur, 9,5 cm
de largeur et 9 cm d’épaisseur maximale. Ce bloc
C’est donc en raison du faible nombre d’ébauches est dissymétrique, plutôt arrondi à une extrémité
connues (avant les découvertes des exploitations et se terminant en pointe à l’autre. Les deux côtés
du Mont Viso), mais aussi parce que manquaient sont plus ou moins bombés (fig. 2 C et fig. 3 G) ;
les études technologiques détaillées à la lumière l’un montre une partie polie importante (fig. 3 F3,
d’une solide expérience expérimentale et ethno- G3 et H3). L’une des faces est entamée par une
graphique, que l’hypothèse plausible d’une mise large gorge longitudinale bouchardée (fig. 3 E),
en forme de galets a pu être considérée comme tandis que l’autre face présente une rainure longi-
la solution unique pour fabriquer des haches, tudinale de sciage au fond d’une gorge bouchar-
pendant près d’un siècle de recherches archéolo- dée (fig. 2 A). L’interprétation proposée par E.
giques sur le sujet. Thirault (2004) de voir dans ce bloc une ébauche
À ce titre, le bloc ébauche de Lugrin (Haute double pour deux haches en miroir est tout à fait
Savoie) va s’avérer de tout premier intérêt. juste juste ; mais la chronologie complexe des
opérations peut être comprise différemment.
1 - L’ébauche de Lugrin (Haute Savoie)
Conservée au Musée-Château d’Annecy sous le 1.1 - Etat 0
numéro 4715-1 (coll. De Montravel, don M. Fois- À propos du bloc naturel.
sard, 1910), l’ébauche de Lugrin a été découverte Deux surfaces résiduelles, sur une face et sur l’ex-
en 1874, au lieu-dit Alleman, à vue de la rive méri- trémité arrondie, montrent une indiscutable ac-
dionale du Léman (fig. 1), « lorsque l’on ouvrit un tion de l’eau ; elles représentent des reliquats de
chemin à côté d’un bloc erratique, dans la campagne la surface du bloc d’origine (fig. 2 A0, fig. 2 B0).
de M. de Montravel. Il y avait aussi des ossements La jadéitite présente un poli luisant et un toucher

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2 Déroulé photographique de l’ébauche de Lugrin 3 Déroulé photographique (suite) de l’ébauche de Lugrin.


(Haute-Savoie). Photos P. Pétrequin. Photos P. Pétrequin.

soyeux sous le doigt, tout à fait typique de l’action (fig. 2 B2, fig. 2 C2, fig. 3 F2) jusqu’à obtenir la
d’un cours d’eau rapide et non chargé en sables forme générale d’une hache à talon pointu et tran-
(qui auraient rendu la surface totalement mate). chant arrondi (fig. 2 C, fig. 3 G), mais de très forte
Ces observations tendent à montrer qu’il ne s’agit épaisseur. Quant à l’épisode de polissage accentué
pas nécessairement d’un galet de dimensions à sur une face seulement (fig. 3 F3, fig. 3 G3, fig. 3
peine supérieures à celles de l’ébauche, sous sa H3), il intervient après bouchardage sur la face la
forme actuelle. De plus, la mise en forme générale plus bombée pour la régulariser et en réduire la
de l’objet a été faite par taille, technique inappli- convexité.
cable à un galet de jadéitite à surface arrondie. Plu- À l’instar de ce qui s’observe encore aujourd’hui
tôt que l’hypothèse d’un galet, nous pensons que sur le marché du jade à Hong-Kong, l’un d’entre-
l’ébauche de Lugrin a été tirée d’un très gros bloc nous (ME) avait émis l’hypothèse qu’il pourrait
de jadéitite baignant dans le lit d’un ruisseau en s’agir d’une fenêtre polie permettant de voir à l’in-
altitude ; le choc thermique aurait été la technique térieur du bloc pour en tester la qualité avant les
utilisée pour détacher ce bloc allongé, ménageant phases demandant un fort investissement peut-
ainsi de bons plans de frappe sur l’une des faces être en transport mais surtout en temps de travail.
et sur les deux côtés ; les quelques fissures trans- Cette hypothèse doit être abandonnée, car le bloc
versales qui affectent une des faces de l’ébauche de jadéitite de Lugrin a été sélectionné (à partir de
pourraient bien résulter de cet épisode de chauffe. sa surface naturellement polie), mis en forme et
bouchardé bien avant qu’intervienne l’épisode de
1.2 - Phase 1 polissage de cette éventuelle « fenêtre ».
Par taille à grands enlèvements au percuteur lourd,
les deux côtés de l’ébauche ont été dressés, le talon 1.3 - Phase 2
aminci, les faces aplanies et le talon arrondi (fig. Il s’agissait maintenant de couper ce bloc longitu-
2 C1, fig. 3 G1 et F1, entre autres exemples plus dinalement, pour obtenir deux ébauches de hache.
discrets). Puis le bloc a été longuement bouchardé Le travail a commencé sur la face qui présente la

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longue rainure de sciage ; en effet, les traces de l’une ou l’autre des gorges préliminaires. Cette
bouchardage de la face à gorge profonde viennent dernière opération n’a jamais été réalisée, sans que
mordre sur les traces de sciage (fig. 2 et 3, vues des la moindre contrainte technique insurmontable
extrémités de l’ébauche). puisse être notée. Disons-le tout net : l’ébauche de
La face sciée a ainsi d’abord été régularisée par Lugrin a été volontairement abandonnée, perdant
bouchardage et aplanie (fig. 2 A4, fig. 3 H4). Tou- ainsi – en termes de rendement matérialiste – la
jours par bouchardage, on a ensuite aménagé une possibilité d’obtenir deux haches de 18 cm de lon-
longue gorge longitudinale (fig. 2 A5, fig. 3 H5), gueur et 9 cm de largeur, dans une jadéitite rare de
large de 3 cm et profonde de 0,9 cm. C’est au fond très grandes qualités mécaniques et esthétiques.
de cette gorge que sera ensuite entrepris le sciage S’il faut encore convaincre, notons que dans les
d’une rainure longue et étroite (fig. 2 A6, fig. 3 exploitations du Mont Viso, aucune ébauche en
H6), dont la largeur à l’ouverture n’excède pas jadéitite n’a été trouvée qui mesurerait plus de
1 cm. Les flancs de la rainure sont intensément polis 12 cm de longueur, car même les ébauches brisées
et affectés de stries longitudinales rigoureusement dans les carrières étaient réutilisées pour écono-
parallèles ; nous verrons plus loin quel pouvait avoir miser une matière première aux propriétés extra-
été le type de scie utilisé. Quant au fond de la rainure ordinaires (Pétrequin, Errera et al. 2003).
dont la profondeur varie de 2,5 à 3,4 cm, il montre
deux dépressions longitudinales qui pourraient 2 - Un trait de scie pour deux haches
correspondre à un changement d’outil. symétriques
À la fin de cet épisode, le bloc en forme de hache L’ébauche de Lugrin était prévue pour finalement
est donc scié sur un peu moins de la moitié de son produire une paire de haches, avec des techniques
épaisseur. conjointes qui n’avaient rien de la simplicité au-
trefois imaginée pour la fabrication des haches al-
1.4 - Phase 3 pines. Le choc thermique pour extraire de grandes
Le bloc a été ensuite retourné pour être travaillé, plaques courbes et des blocs allongés demande un
ce qui a patiné les stigmates des phases précédentes. savoir-faire précis pour ce qui touche au choix et
Il s’agissait de procéder aux mêmes étapes tech- à la disposition du combustible pour contrôler la
niques que pour l’autre face : régularisation de la vitesse de chauffe ; la mise en forme par taille au
surface par bouchardage (fig. 3 E7, fig. 3 F7), puis percuteur dur demande également une solide ex-
creusement d’une gorge longitudinale par bou- périence. Il y a tout lieu de penser que ces deux
chardage. On remarquera pourtant une grande épisodes ont été réalisés sur le point d’extraction
différence entre cette deuxième gorge bouchar- de la matière première, comme permettent de le
dée, large de 3 à 5 cm pour une profondeur de supposer les exemples ethnographiques actuels
4,1 cm (fig. 2 D8, fig. 3 E8), et la partie bouchar- et les modes de gestion des épisodes dits « à
dée de la première gorge beaucoup plus étroite risque » où les préformes et les ébauches risquent
(3 cm) et moins profonde (0,9 cm). Tout porte d’être brisées dès les premiers coups de percuteur
à croire que cette deuxième gorge résulte de plu- (Pétrequin et Pétrequin 1993).
sieurs actions successives, c’est-à-dire : Dans le cas du bouchardage de régularisation de
- un aménagement de la surface et le creusement l’ébauche et de réalisation des gorges longitudi-
d’une première gorge peu profonde ; nales, la technique est plus lente, mais avec peu de
- le sciage jusqu’à 4 cm de profondeur, jusqu’à blo- risques de briser l’ébauche, au moins dans le cas
cage (serrage) de la scie ; de cette famille de roches métamorphiques extrê-
- l’ouverture d’une gorge plus large et plus pro- mement tenaces. Il n’empêche que ce type de bou-
fonde par bouchardage, tirant profit de la rainure chardage requiert un très réel savoir-faire pour un
de sciage. bon rendement, en utilisant des percuteurs/bou-
chardes aussi résistants que la matière première de
1.5 - L’hypothèse d’une phase 4 l’ébauche elle-même ; la plus grande probabilité
Il aurait alors suffi, à ce stade, d’ouvrir un nouveau est que ces bouchardes aient été majoritairement
trait de scie au fond de la gorge la plus large et la en jadéitite, comme c’est le cas dans les aires de
plus profonde pour séparer le bloc de jadéitite en production d’Alba (Cuneo, Piémont) (D’Amico,
deux ébauches symétriques de lame de hache, en Ghedini et al. 2000 ; Pétrequin, observations per-
profitant des deux flancs obliques bouchardés de sonnelles sur les séries du Musée Pigorini à Rome).

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L’opération finale, pour couper le bloc en deux, bois et au sable, et probablement avec un passe
était le sciage. Plusieurs approches expérimen- partout manipulé par deux personnes (fig. 5),
tales (Croutsch 2005 ; Delcaro 2005) montrent pour faire pression sur la plaquette de bois et ob-
que les stigmates de sciage peuvent être différents tenir une rainure rectiligne (fig. 4 à droite). Pour-
en fonction des lames de scie utilisées et des mo- tant le fond de la rainure de Lugrin montre que
dalités d’entraînement (voir aussi des exemples l’on a probablement changé d’outil, lorsqu’en
ethnographiques dans Chapman 1891). Dans le raison de la profondeur atteinte, l’outil de bois
cas de la rainure de sciage de l’ébauche de Lu- venait à se coincer. On a alors choisi une pla-
grin, les stries latérales sont très marquées, recti- quette de sciage (en bois ?) plus mince et maniée
lignes et parallèles (fig. 4). Ces stries sont tout à à la main pour tenter d’approfondir la rainure au
fait typiques de l’utilisation d’une lame de bois maximum.
sablée et d’eau (fig. 5). En Suisse, l’utilisation Peut-on avoir une idée du temps nécessaire pour
de bois et de sable est d’ailleurs, pendant la pre- ouvrir une telle rainure de sciage avec un passe
mière moitié du IVe millénaire, caractéristique de partout, une plaquette de bois, du sable et de
la Suisse occidentale, tandis que l’utilisation des l’eau au travers d’un bloc de jadéitite massive ?
plaquettes de pierre, vers la fin du Ve millénaire, L’essai que nous avons réalisé sur un bloc de ga-
n’est connue qu’à Saint-Léonard (Valais) (Thi- barit semblable à celui de Lugrin, également en
rault 2004 ; Croutsch 2000, 2007). Dans le cas jadéitite massive (provenant d’Oncino/Porco
de Lugrin, l’essentiel de la rainure a été creusé au inférieur), a permis de réaliser une rainure lon-

4 La longue rainure de sciage. Vues de détail avec la gorge bouchardée et les stries parallèles. Photos A.-M. et P. Pétrequin.

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L’intention du (ou des) producteur (s) était d’ou-


vrir le bloc de jadéitite pour obtenir deux haches
symétriques de 18 x 9 cm (fig. 6). Un doute est
permis pour attribuer formellement ces deux fu-
tures haches soit au type Durrington, soit au type
Altenstadt/Greenlaw (Pétrequin, Cassen et al.
2002). Mais la comparaison avec certains exem-
plaires allemands de type Altenstadt, comme ce-
lui de Römhild/Grosser Gleichberg (Thüringen)
(fig. 6 en bas), également en jadéitite saccharoïde,
permet semble-t-il d’emporter la conviction.
Le type Altenstadt/Greenlaw appartient à nos
types dits septentrionaux (fig. 7), dont nous suppo-
sions l’origine au nord-ouest des Alpes et quelque
part au sud du Léman (Pétrequin, Croutsch et
al. 1998). Les récentes révisions chronologiques
de ce type de hache (Pétrequin, Sheridan et al.

5 Approche expérimentale du sciage au bois, au sable et à


l’eau. En haut, bloc de serpentinite du Val d’Aoste et la scie
expérimentale montée en passe-partout. En bas, stigmates de
sciage au bois et au sable sur le flanc de rainure d’un bloc de
serpentine. Photos P. Pétrequin.

gue de 16 cm et profonde de 2 cm en une ving-


taine d’heures de travail. On pourrait toujours
rétorquer que ces premières expérimentations
correspondent à des phases d’apprentissage ;
dans le cas présent, ce n’est pas réellement le
cas après des dizaines d’heures à scier des blocs
de serpentinite (Croutsch 2005). Cette évalua-
tion approximative permettrait de suggérer que
l’ébauche de Lugrin, sous sa forme actuelle, au-
rait nécessité une quarantaine d’heures de sciage
pour la rainure principale et probablement au-
tant pour la rainure qui a probablement précédé
la gorge bouchardée profonde. Si l’on compte
l’investissement en temps de travail pour l’ex-
ploitation du bloc d’origine, le bouchardage et
le polissage partiel, il faudrait compter autour
d’une centaine d’heures de travail pour arriver
(presque) à l’obtention de deux ébauches de
haches jumelles ; mais il ne s’agit que d’ébauches
bien sûr, à section très épaisse et qui auraient
exigé encore un nouvel investissement prolongé
en bouchardage et en polissage. C’est dire la va-
leur de ces haches en jadéitite, estimée à l’aune 6 Les deux faces de l’ébauche double de Lugrin permettent
des heures de travail, bien qu’il s’agisse d’exem- d’avoir une idée de la production finale : même si le doute est
plaires de longueur plutôt modeste quand on les permis d’une attribution au type Durrington, il s’agit plus vrai-
semblablement d’un type Altenstadt à tranchant curviligne et
compare à d’autres artefacts en jadéitite ou en côtés légérement cintrés, comme la hache de Römhild /Grosser
éclogite qui ont circulé en Europe. Gleichberg (Thüringen). Photos L. Klassen et P. Pétrequin.

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7 Répartition des longues haches de type Altenstadt/Greenlaw (plus de 13,5 cm) en Europe occidentale. La hache de type Altenstadt
la plus ancienne est datée du milieu du Ve millénaire à Locmariaquer dans le golfe du Morbihan.
DAO J. Desmeulles et E. Gauthier, à partir de la base JADE 2007.

2008b ; Pétrequin, Cassen et al. à paraître) mon- 3 - Un bloc venu du Mont Viso
trent qu’il apparaît pour la première fois à Locma- Lorsqu’en 2004, E. Thirault a proposé une origine
riaquer/Mané er Hroëck (Herbault 2000) vers le locale, dans les moraines du bassin du Léman, pour
milieu du Ve millénaire ou un peu plus tôt. De plus, le « galet » de jadéitite de Lugrin, il a privilégié
dans le dépôt de Ploemeur/Kerham (Morbihan), la solution la plus économique imaginée pour le
une hache de type Altenstadt est associée à un Néolithique – c’est-à-dire un approvisionnement
type Durrington (2e moitié du Ve millénaire) et à à faible distance – et pour la tradition géologique-
un type Puy dont les exemplaires les plus anciens nous entendons par là cette pérennité des inter-
datent de la fin du Ve millénaire, comme dans le prétations fondées sur de bonnes déterminations
Chasséen de Baudinard/Grotte de l’Eglise (Var). pétrographiques mais sans retour à un référentiel
C’est donc à la fourchette chronologique 4600- naturel et qui permet de croire à l’existence de blocs
4200 que l’on pourrait rapporter la mise en forme préformés aisément accessibles dans les torrents.
de l’ébauche de Lugrin. Les exemples ethnographiques, en particulier en

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Nouvelle-Zélande (Best 1912 ; Chapman 1891) connue du minéral jadéite, NaAlSi2O6. La jadéite
permettent, tout au contraire, de poser en hypo- est un pyroxène relativement rare d’origine mé-
thèse que certains blocs, bruts ou dégrossis, ont pu tamorphique de basse température et de haute
être transportés à dos d’homme ou brancardés sur pression qui est une des deux sources du jade. En
des distances considérables avant d’être travaillés fait, le fer ferrique se substitue fréquemment à
et sciés, tellement leur signification et leur valeur l’aluminium et est responsable de la chute de ré-
sociales étaient importantes dans les dons et les flectance dans le bleu. Une autre caractéristique
échanges. Il en allait de même, dans le contexte de de Fe3+ est une bande d’absorption située vers
sociétés complexes beaucoup plus hiérarchisées et 760 nm. Deux autres bandes visibles vers 967 et
très inégalitaires, comme la Chine ancienne, pour vers 1130 nm sont dues au fer ferreux Fe2+. L’im-
le transfert de blocs de néphrite, puis de « jade im- portante absorption vers 1911 nm est attribuée à
périal » de Birmanie (Zarcone 2001 ; Liu 2003). des inclusions fluides d’eau probablement piégée
Mais, dans l’un ou l’autre cas théoriques, une vraie dans la maille cristalline de la jadéite. Les autres
démonstration s’impose. caractéristiques sont dues aux minéraux qui ac-
Nous avons analysé l’ébauche de Lugrin par spec- compagnent la jadéite.
troradiométrie en réflectance diffuse. Pour la mé- Les deux spectres réalisés sur l’ébauche de Lugrin
thode, le lecteur pourra se reporter à Errera 2000, ont ensuite été comparés par la méthode « Spec-
2002, 2004, Errera, Hauzeur et al. 2006, Errera, tral Feature Fitting » (SFF), à l’aide du logiciel
Pétrequin et al. 2007. ENVI® 4.4., à notre référentiel des roches alpines
Les spectres portent les références suivantes : qui comporte 2157 spectres au 31/12/2007. La
ANNE_142 et ANNE_143. Les principales ca- figure 9 reprend les résultats convaincants qui
ractéristiques de ces deux spectres (fig. 8) ont sont représentés à la figure 8. Il faut noter qu’il y
été observées vers 408 (?, très très faible), 434 a une réserve lors de la comparaison visuelle des
(w), ~ 451 (large, moyenne), 547 (max), ~760 courbes avec l’échantillon provenant du massif du
(moyenne), ~ 967 (moyenne), 1911 (assym., Beigua (Alps_918), alors que la comparaison avec
forte) et ~ 2246 (large, faible) nanomètres. les spectres de deux échantillons d’Oncino/Porco
La faible absorption vers 434 nm est attribuée au pied du Mont Viso donne des résultats bien
à Fe3+ ; c’est une caractéristique typique bien meilleurs. On doit donc considérer, selon toute

8 Comparaisons des spectres de l’ébauche de Lugrin avec trois spectres du référentiel des roches alpines. La plus grande proximité
est avec Onci_025 et Onci_0169, correspondant à des jadéitites d’Oncino/carrières de Porco supérieur. Document M. Errera.

591
De Méditerranée et d’ailleurs…

R (score; comparaison Localisation; référence ;


Spectre de référence Comparaison Remarques
visuelle) type d’objet
Lugrin, Musée Annecy n° 4715-1 : spectres ANNE_142 et _143, LM D. Santallier : jadéitite probable
Oncino, carrières de Porco
supérieur, Abri Jadéite,
ANNE_142, _143 Onci_025 0,756 ; oui point GPS 124, sondage
-17 cm, éclat de taille
jadéitite
Oncino, carrières de Porco
supérieur, point GPS 147, caractère un peu plus
Onci_169 0,731 ; oui (mais) poste de taille en amont marqué des principales
de la Terrasse, éclat de absorptions
taille
Casal Cermelli, lit de
l’Orba, galet 50 gr, LM
1911 et 2150-2500 nm
Onci_918 0,762 ; oui, (mais) 382, œil nu : jadéitite vert
sont assez différents
pâle, DRX : Jd (100%),
Gla, Ttn, Py, Chl (tr)

9 Comparaison des spectres de l’ébauche de Lugrin avec le référentiel des roches alpines (composé de 2157 spectres au 31.12.2007).
Document Michel Errera.

probabilité, que cette dernière occurrence consti- altitude, dans le Vallon de Porco un peu avant son
tue bien l’origine primaire de l’ébauche de Lugrin, confluent avec le Bulè vers 1600-1700 m d’altitude
d’autant que le fragment du lit de l’Orba (fig. 9) est (fig. 10, n° 2) également avec des preuves d’exploita-
un minuscule échantillon, pesant 50 g à peine, et tion pendant le Néolithique. Quant aux petits blocs
qui ne permettrait pas de faire la moindre hache. roulés de la haute vallée du Pô entre Paesana et Re-
La même méthode a été utilisée pour la compa- vello (fig. 10, n° 3), ils ne peuvent pas correspondre
raison des spectres de Lugrin avec plusieurs ré- – vu leur gabarit moyen et leur patine mate – à la
férentiels concernant les grandes lames de hache source d’où a été tirée l’ébauche de Lugrin.
trouvées en Europe. La meilleure comparaison Vraisemblablement extraite d’un gros bloc de
(spectre Pegl_064) est sans conteste celle avec jadéitite baignant dans le ruisseau de Porco en
une lame de hache provenant de Bobbio (Pia- amont de Bigorie, l’ébauche de Lugrin aurait été
cenza, Emilia Romagna, Italie), au nord-est de mise en forme par percussion, à l’occasion d’une
Gênes : il s’agit d’un tranchant de hache de type expédition estivale en altitude (Pétrequin, Pétre-
Bégude, 5,6 x 3 x 1,6 cm, identifiée à l’œil nu quin et al. 2006, 2007).
comme une jadéitite fine vert moyen à vert foncé La question est maintenant de déterminer en
(Musée d’Archéologie ligure, Pegli, n° noir 0582 quel lieu ce bloc a été scié avant d’être retrouvé
bis, étiquette 1027). sur la rive méridionale du Léman, à 200 km à vol
Selon toute vraisemblance, le bloc de jadéitite de d’oiseau de sa carrière d’origine, soit 300 km à
l’ébauche de Lugrin n’est pas d’origine locale léma- pied en passant par le col du Grand-Saint-Ber-
nique – où d’ailleurs aucun échantillon de jadéi- nard, 340 km par le Val de Suse et le col du Mont
tite n’a jamais été identifié à notre connaissance –, Cenis, cette dernière hypothèse étant la plus
mais il proviendrait du massif du Mont Viso, à vraisemblable.
70 km au sud-ouest de Turin. Plus précisément,
les deux meilleures comparaisons spectroradio- 4 - Identifier les aires de sciage
métrique permettent de suggérer les sites néoli- L’ébauche de Lugrin a-t-elle été sciée à proximité
thiques d’Oncino/Porco supérieur, Abri Jadéite du lieu de découverte fortuite en 1874 ? C’est
et Terrasse point GPS 147. Il s’agit de deux postes l’hypothèse avancée jusqu’ici, mais nous avons
de taille situés à environ 2200 m d’altitude quelques raisons d’en douter, car aucun déchet de
(fig. 10, n° 1) où les éclats de jadéite sont très lar- sciage de jadéitite ou d’éclogite n’est connu dans
gement majoritaires sur les éclogites. Mais d’autres toute cette région, où ce sont des roches locales
blocs et fragments de boudins existent plus bas en qui ont été travaillées, des matières premières

592
De Méditerranée et d’ailleurs…

10 Gîtes de jadéitite au pied du Mont Viso.


1. Les exploitations d’Oncino/Porco supérieur, la Terrasse à 2200 m d’altitude.
2. Un bloc d’éclogite à grain fin à Oncino/Porco inférieur, vers 1650 m d’altitude.
3. Petits blocs émoussés par l’eau dans le vallum proglaciaire de Revello, haute vallée du Pô.
Photos P. Pétrequin.

593
De Méditerranée et d’ailleurs…

d’assez piètre qualité pour des haches d’usage bouchardage sur une surface concave. Ces deux
(Thirault 2004 et observations personnelles sur rejets de sciage, par leur matière première et les
les séries des musées d’Annecy, Genève et Lau- techniques mises en œuvre, sont des répondants
sanne). Qui plus est, toute la région immédiate- parfaits de l’ébauche de Lugrin. Dans le cadre de
ment au sud du Léman est très pauvre en haches campements temporaires de chasse dans un abri-
d’origine italienne, même petites, et on peut tenir sous-roche, leur présence ne peut être expliquée
pour acquis que cette aire de concentration des qu’en termes de réutilisation. Notre hypothèse est
tombes Chamblandes est restée à l’écart de la cir- qu’il s’agit de ramassages en vallée et probable-
culation des grandes haches en roches alpines (et ment à l’emplacement d’un ancien village touché
donc de leur fabrication). par l’érosion ; cette hypothèse nous conduirait en
Nous proposons maintenant de nous tourner aval du Chisone, qui se jette dans le Pô au niveau
vers le versant italien des Alpes, plus précisément de Villanova Piemonte. C’est dans le lit du Pô
vers la vallée du Chisone et le village de Roreto, entre Villanova en aval et Revello en amont que
à une quarantaine de kilomètres au nord des car- l’on peut ramasser, çà et là, dans les points les plus
rières néolithiques du Mont Viso (fig. 1, Roreto). profonds du lit de la rivière à l’étiage, des blocs ar-
De l’abri-sous-roche de Balm’Chanto à 1390 m rondis et des galets irréguliers de jadéitite, d’om-
d’altitude (Nisbet et Seglie 1983 ; Isetti 1996), phacitite et d’éclogite du Mont Viso, bien qu’ils
associées à des plaques de serpentinite locale, des représentent des raretés. Ces petits blocs mon-
ébauches de flèches et des flèches polies, ont été trent des surfaces à luisant mat typique de l’éro-
récoltées quelques petites haches en éclogite et, sion fluviatile, surfaces proches de celle des blocs
ce qui nous intéresse ici, une bonne dizaine de sciés de Balm’Chanto et très différentes du beau
déchets de sciage d’éclogite et de jadéitite, dans poli luisant de l’ébauche de Lugrin (prospections
une couche d’occupation datée de la fin du Néo- personnelles, juin et octobre 2007).
lithique. Dans ces conditions, il semble bien que, vers la
Plusieurs problèmes doivent être évoqués à pro- zone amont du Pô, du Chisone, du Sangone et
pos de ces déchets de sciage. Tout d’abord, l’at- peut-être de la Dora Riparia (c’est-à-dire immé-
tribution de tout le lot à des éclogites locales, diatement au débouché aval des vallées alpines,
comme celles signalées par H. Pognante (1979, dont l’une au moins assure une liaison facile avec
1989) dans le massif d’Orsiera-Rocciavrè, ne tient la Savoie par le col du Mont-Cenis), il faudrait
pas : nous avons vérifié sur place que les éclogites chercher des villages néolithiques spécialisés dans
à grain grossier et peu résistantes caractéristiques le sciage des blocs extraits en altitude ou récol-
de ce massif sont complètement différentes de tés dans les laisses d’eau du cours du Pô ; l’exis-
celle des artefacts de Balm’Chanto, au contraire tece de ces villages est démontré par le mobilier
très tenaces et à grain fin. Mais de plus, ces déchets de Balm’Chanto. Cette spécialisation régionale
de sciage comportent autant de jadéitites que semble de longue durée. À Balm’Chanto, avec
d’éclogites et, autant que l’on puisse le dire à l’œil les deux fragments d’ébauches de type Lugrin,
nu et sur des critères macroscopiques, ont toutes le phénomène pourrait débuter vers le milieu du
les chances de venir des exploitations néolithiques du Ve millénaire. À détailler la dizaine d’autres
du Mont Viso. Enfin, plusieurs de ces déchets de blocs sciés (fig. 12, 1, Musée de Turin, n° 67190)
sciage ont une patine très différente de celle des et les percuteurs sur bloc brut de jadéitite (fig. 12,
autres artefacts de la couche attribuée au Néoli- 2, Turin, n° 72667), il pourrait s’agir de produc-
thique final, comme s’il s’agissait d’objets plus an- tions de type Puy, plus tardives dans le IVe mil-
ciens, récupérés pour une utilisation secondaire. lénaire. D’ailleurs quelques-uns des tessons de
C’est le cas, plus particulièrement, d’un bloc à Balm’Chanto appartiennent sans doute au groupe
forte patine aquatique, entamé par une rainure de de Clairvaux ancien. Et c’est à Chalain et à Clair-
sciage au bois et au sable de 1,3 cm de profondeur, vaux ( Jura, France), dans le groupe de Clairvaux
au fond d’une gorge très régulièrement bouchar- ancien justement, daté du 30e siècle av. J.-C., que
dée (fig. 11) ; ce bloc de jadéitite vert moyen lumi- sont attestées des dizaines de haches polies en
neux mesure 7,9 x 3,7 x 5,2 cm (Musée Archéolo- éclogite et en jadéitite sciées, dont certaines dé-
gique de Turin, n° 67189). Un éclat d’omphacitite montrées venues du Mont Viso (analyses spectro-
ou de jadéitite (Turin, n° 72658) porte, de même, radiométriques inédites). Nul doute que nous ne
une rainure de sciage précédée par un épisode de tenions là l’origine et un des aboutissements de la

594
De Méditerranée et d’ailleurs…

ry, Annecy, la Maurienne, le col du Mont-Cenis,


le Val de Suse et les environs de Pinerolo au pied
du Viso qu’il faut rapporter le fabrication de ces
haches du groupe nord ; nous ignorons encore à
peu près tout des modalités de transfert des blocs
et de situation des centres de production à l’inté-
rieur de cette zone géographique trans-alpine.

5 - Paires de haches et lieux sacrés


L’ébauche de Lugrin et celles de Roreto/
Balm’Chanto illustrent et permettent peut-être de
dater le début de la perte de puissance des carrières
néolithiques du Mont Viso (Pétrequin, Errera et al.
2006), particulièrement sensible vers la fin du Ve
millénaire, avec la production des haches de type
Puy, sur lesquelles des traces de sciage sont le plus
souvent signalées, et de loin. Cette lente diminu-
tion de la production s’accompagne d’une modi-
fication partielle de l’approvisionnement en éclo-
gite, omphacitite et jadéitite, où les blocs ramassés
en vallée et en contexte alluvial deviendraient de
11 Fragment de bloc à gorge bouchardée et rainure de sciage plus en plus fréquents au cours du IVe millénaire
au bois, provenant de l’abri-sous-roche de Balm’ Chanto à
Roreto, dans la vallée du Chisone au nord du Mont Viso.
Musée archéologique de Turin (n° 67189).
Photo P. Pétrequin

« filière italienne » de diffusion des roches alpines


à la fin du Néolithique. Sur ce tracé par le Val de
Suse et le col du Mont Cenis, les résidus de sciage
de Sollières-Sardières/Les Balmes (Savoie) (fig.
1) pourraient attester également du sciage au bois
et au sable (Thirault 2004 ; observations person-
nelles au musée de Chambéry), s’il ne s’agit pas de
réutilisations comme à Balm’Chanto.
Quant à l’ébauche en omphacitite signalée à Em-
brun/Chauveton (Hautes-Alpes) (Musée de Gap,
n° 998-0464), il s’agit d’une pièce isolée et qui
ne démontre pas nécessairement la pratique fré-
quente du sciage des roches du Viso dans les val-
lées à l’ouest des cols alpins.
Dans l’état actuel de nos connaissances pour la
deuxième moitié du Ve millénaire, il est certain
que le sciage type Lugrin (à l’origine d’une petite
partie des lames de hache du groupe septentrio-
nal, mais pas de toutes loin de là) était pratiqué
12 Détails des deux blocs provenant de Balm’ Chanto à Roreto.
immédiatement au nord du Mont Viso, ce qui ne 1. Bloc de jadéitite scié.
veut pas dire que les fabricants en question ap- 2. Bloc de jadéitite brute utilisé en boucharde.
partenaient nécessairement aux ambiances cultu- La présence d’inclusions blanchâtres (probablement des reliques
relles de la vallée du Pô (Vases à Bouches Car- de lawsonite) plaide en faveur d’une origine dans le massif du
Mont Viso.
rées). Nous suggérons que c’est probablement aux Musée archéologique de Turin (n° 67190 et n° 72667).
populations qui occupaient la région de Chambé- Photos P. Pétrequin.

595
De Méditerranée et d’ailleurs…

et pendant la première moitié du IIIe. Cette forme très tôt été signalées (Bordreuil 1966). Derrière
d’économie de la matière première et de standar- le transfert des haches alpines à longue distance
disation de la production qui conduit à fabriquer s’expriment donc des valeurs rituelles et reli-
des barres rectangulaires accompagne également gieuses communes entre Mont Viso, Languedoc,
une réduction des transferts à longue distance. Un Bassin Parisien et Golfe du Morbihan, qui ont dé-
des épicentres de cette spécialisation régionale du buté très tôt dans la première moitié du Ve millé-
sciage au bois et au sable est certainement situé sur naire avec le type Bégude, et diffusé plus tard vers
les terres céréalières au débouché du Val de Pô et la Grande Bretagne, le Danemark et les Pays-Bas
du Val Chisone, à vue du Mont Viso. (Wentink 2006).
Alors qu’en est-il, dans ces conditions, de l’ébauche Certainement associée à un bloc erratique,
de Lugrin découverte à 300 km du Mont Viso par l’ébauche de Lugrin, avec les qualités esthétiques
le chemin le plus court et 340 km par la route la qu’on lui prête, pourrait bien également représen-
plus plausible au Néolithique ? Pourquoi cette belle ter la classique paire de haches, mais ici volontai-
ébauche double a-t-elle été abandonnée volontai- rement reliées par un languette de roche. Cette
rement avant que les deux haches aient finalement ébauche, qui n’appartiendrait pas à un contexte
été séparées ? Quelle est la raison de sa position de production, n’illustrerait nullement un simple
isolée, hors contexte archéologique « convention- geste technique des populations néolithiques de
nel », hors village permanent où devraient être la région du Léman, mais plutôt l’importation
réalisées toutes ces opérations longues comme le coûteuse d’un signe social rare, dans la région des
bouchardage et le sciage ? Pourquoi enfin impor- tombes de type Chamblandes tournée vers le Va-
ter et posséder une ébauche sans le savoir-faire qui lais et restée globalement à l’écart du transfert des
s’impose, dans une région où l’on ne travaille pas grandes haches alpines.
les roches alpines ? La proximité immédiate (ou
au pied) d’un bloc erratique, qui – on le sait pour Finalement, nous avons proposé une autre lecture
d’autres cas – devait constituer un point remar- de l’ébauche de Lugrin, qui semblait marquer lo-
quable du paysage, n’est certainement pas neutre. giquement la zone d’origine des haches alpines de
De même, comment expliquer les découvertes ita- type septentrional, si l’on en juge par les cartes de
liennes de : répartition du type Altenstadt/Greenlaw (Pétre-
- deux grandes ébauches en éclogite/omphacitite quin, Cassen et al. 2002). Il apparaît maintenant,
du Mont Viso, posées sur le sol rocheux d’un abri- avec des approches plus précises et une documen-
sous-roche à Paesana/Madona del Fo (Torino) au tation moins disparate, que le point d’arrivée des
pied d’une falaise remarquable (Surintendance du types septentrionaux au travers des Alpes serait
Piémont, inédit) ; situé entre Annecy et Chambéry, au débouché
- une grande ébauche en éclogite/omphacitite de la Maurienne. Mais plus au sud-est encore, sur
du Mont Viso, au pied d’une aiguille rocheuse à le versant italien des Alpes et immédiatement au
1650 m d’altitude à Ribordone (Torino) entre Po- nord du Mont Viso, ont été maintenant identi-
sio et Monte Arzola et à côté d’un bloc gravé de fiés des tailleurs et des scieurs de blocs d’éclogite,
cercles concentriques (Rubat Morel 2006). d’omphacitite et de jadéitite, utilisant les mêmes
Nous touchons certainement là au domaine des techniques que celles décrites à Lugrin. Dans ce
offrandes dans des lieux sacrés, où les haches, contexte nouveau, l’hypothèse que des gens des
souvent plantées par paires tranchant vers le haut, rives du Léman se soient déplacés jusqu’au Mont
jouent un rôle fondamental. Les découvertes ré- Viso pour rapporter des blocs à scier doit être
centes d’une paire de haches en jadéitite du Mont complètement abandonnée. L’ébauche de Lugrin
Viso à Vendeuil (Aisne), dans une zone inondée a pu avoir été mise en forme, bouchardée et sciée
(Pétrequin, Errera et al. 2005), et de deux paires au pied du Mont Viso ou bien quelque part le long
en zone marécageuse également à Saint-Pierre- de la piste transalpine entre Mont Viso, col du
Quiberon (Morbihan) (découverte inédite) Mont-Cenis et Maurienne. Sa présence à Lugrin a
montre que les observations du XIXe siècle, où ainsi peu de chances de pouvoir être expliquée en
l’on décrivait des haches plantées verticalement termes de fabrication de haches. L’hypothèse d’un
au pied de stèles et de menhirs, gardent toute leur dépôt « rituel » dans un lieu sacré, maintenant si
valeur. Dans les Alpes du Sud, en Provence et en classique en Europe occidentale, nous paraît da-
Languedoc, des paires de haches ont également vantage coller aux faits aujourd’hui observés.

596
De Méditerranée et d’ailleurs…

Remerciements et la collaboration de la Surintendance archéolo-


Les expériences de sciage ont été réalisés conjoin- gique du Piémont.
tement avec C. Croutsch et N. Le Maux ; L. Klas- La lecture des lames minces du référentiel naturel
sen et S. Cassen, par leurs observations justes, alpin a été réalisée par M. Rossy, Département des
nous ont conduit à amender une partie de notre Sciences de la Terre, Université de Franche-Com-
texte ; M.-C. Lebascle, conservateur du Musée- té, Besançon ; et les analyses DRX par le labora-
Château à Annecy, nous a libéralement laissé toire GeaDue, à Bologne, avec une interprétation
toute latitude pour examiner et analyser l’ébauche de M. Ghedini et de C. D’Amico, que nous remer-
de Lugrin à plusieurs reprises ; E. Thirault a bien cions vivement pour leur collaboration.
voulu nous permettre d’analyser la carotte pétro- Note : Ce travail a été réalisé dans le cadre du Projet
graphique prélevée sur l’ébauche de Lugrin ; M. JADE (Agence Nationale de la Recherche 2007-
Venturino Gambari nous a favorisé l’accès aux 2009) : « Inégalités sociales et espace européen au
séries lithiques néolithiques du Musée archéolo- Néolithique : la circulation des grandes haches en
gique de Turin ; quant aux travaux de terrain au jades alpins », géré par la Maison des Sciences de
Mont Viso, ils ont été réalisés avec l’autorisation l’Homme et de l’Environnement, Besançon.

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ISBN : 978-2-35842-001-3

Achevé d’imprimer en octobre 2009


sur les presses de l’imprimerie LUSSAUD
85200 Fontenay-le-Comte

Dépôt légal n° 5058 - 2e semestre 2009

Imprimé en France
P rincipalement axées sur la Préhistoire
et la Protohistoire méditerranéennes
et toujours replacées dans des
perspectives historiques, les recherches
menées depuis près de cinquante ans
par le professeur Jean Guilaine ont pu
être transmises au plus grand nombre
grâce à la chaire « Civilisations de
l’Europe au Néolithique et à l’Âge
du bronze » qu’il a animée entre
1995 et 2007 au sein du Collège
de France. Plus d’une centaine de
chercheurs de nationalités diverses
ont souhaité, à travers cet ouvrage,
rendre hommage à la richesse
de ses travaux mais également à
l’homme, passionné et toujours
désireux de faire partager son savoir.
La diversité des aires géographiques et la
variété des thématiques abordées dans les
articles ici rassemblés soulignent l’envergure
de recherches qui contribuent à jalonner
les routes de l’histoire européenne.

F ocusing mainly on mediterranean


Prehistory and Protohistory and
invariably placing it in a historical context,
the research conducted by Professor Jean
Guilaine for almost fifty years has been
communicated to a larger audience thanks
to the chair “Civilisations de l’Europe au
Néolithique et à l’Âge du bronze” which
he held at the College of France
between 1995 and 2007. More than
one hundred international researchers
have provided their contribution to this
publication in order to honour not only
the variety of his work but also the
person, passionate and always seeking
to share his knowledge. The diversity
of the geographical areas and the
various subjects treated in the present
papers underline the importance
of his research, highlighting themes
throughout European History.

9 782358 420013

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