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Premiers épisodes

Pierre PÉTREQUIN,
Anne-Marie PÉTREQUIN, de la fabrication
Michel ERRERA,
Olaf JAIME RIVERON, des longues haches alpines :
Maxence BAILLY, ramassage de galets ou choc thermique
Estelle GAUTHIER
et Guido ROSSI sur des blocs ?

Résumé
Dans les Alpes italiennes, les productions de haches en éclogite, en
omphacitite, en jadéitite ou en amphibolite ont alimenté des réseaux de
diffusion qui, pendant le Ve millénaire, ont atteint les franges maritimes de
l’Europe occidentale, le Danemark, l’Écosse, l’Irlande à 1 800 km à vol
d’oiseau. D’énormes blocs en position primaire ou secondaire proches des
affleurements sont à l’origine de ces extraordinaires circulations de matière
première rare. La question de l’exploitation de ces blocs massifs de roches
choisies pour leur extrême ténacité et leurs remarquables propriétés esthé-
tiques a souvent été passée sous silence par les chercheurs, malgré plusieurs
rappels des modèles ethnoarchéologiques où l’on voit l’emploi du feu pour
détacher des lames et des éclats courts, des blocs minces avec une surface
régulière, favorables à une mise en forme par taille directe au percuteur,
par bouchardage ou par sciage, selon les régions et selon les périodes. Les
auteurs se proposent d’explorer cette hypothèse de l’utilisation du feu – et,
plus généralement, du choc thermique – lors de l’exploitation des boudins
et des blocs dans le massif du mont Viso, où ils ont découvert des carrières
néolithiques entre 1 800 et 2 350 m d’altitude. Le rappel des modèles ethno-
graphiques de Nouvelle-Guinée, chez les Wano et les Una de Papua (Indo-
nésie), sera suivi par la présentation d’approches expérimentales de
fragmentation par le feu (jadéitites du Guatemala, éclogites et jadéitites
du massif du Viso). Les produits expérimentaux seront alors décrits et ca-
ractérisés. On cherchera enfin, dans les déchets de taille des exploitations
du mont Viso et parmi un bon millier de grandes haches alpines, à identifier
d’éventuels critères spécifiques à l’exploitation première des blocs par choc
thermique.

Abstract
In the Italian Alps, the manufacture of axes from eclogite, omphacite,
jadeite or amphibolite fed the exchange network which, during the 5th
millennium, reached the shores of Western Europe, Denmark, Scotland, as
well as Ireland, 1,800 km away as the crow flies. Enormous boulders, in
either their primary or secondary position, close to the geological outcrops,
are at the base of the extraordinary spread of these rare raw materials.
Questions relating to the exploitation of these large blocks of rock, selected
for their extreme hardness and their remarkable aesthetic qualities, have
often been passed over in silence by archaeologists, despite several remin-
ders of the ethnoarchaeological models in which fire-generated heat is used

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to detach blades, slivers, and thin evenly surfaced blocks suitable for ma-
nufacture by knapping with a hammer stone, surface hammering or sawing,
depending on the region and period concerned. The authors propose to
explore this hypothesis regarding the use of fire – and more generally, the
use of thermal shock – whilst exploiting the boulders or blocks in the Mont
Viso massif, where they discovered Neolithic quarries at altitudes ranging
from 1,800 m to 2,350 m. A reminder of New Guinea ethnographic models,
as practiced by the Wano and Una of Papua (Indonesia), is followed by the
presentation of experiments of fragmentation using fire (jadeites from Gua-
temala, eclogites and jadeites from the Mont Viso massif). The experimen-
tal products are then described and characterised. Finally, we seek, from
amongst the chippings found at the exploitation sites on Mount Viso as well
as from the thousand or so large Alpine axes, to identify specific criteria
associated with the exploitation of primary blocks via the use of thermal
shock.

De 4800 à 3500 av. J.-C., de grandes haches polies dès 1865, à partir de haches néolithiques trouvées dans
en roches alpines (éclogite, omphacitite, jadéitite ou, la région de Lyon et de Toulouse, puis – après quelques
plus rarement, serpentine, amphibolite ou néphrite) ont errements autour de l’hypothèse d’une origine extrême-
circulé en Europe occidentale, avec un statut d’objet orientale – d’avoir proposé les Alpes italiennes et ex-
signe socialement valorisé, statut souvent accentué par plicitement le versant occidental du mont Viso (Da-
la finesse du grain de la roche, son poli magnifique et mour, 1881) comme en étant la source principale.
sa ténacité à la rupture. Bien que la plupart aient été Parallèlement, avec H. Fischer (1880), Damour s’est
trouvés hors contexte, ces superbes objets ont fait intéressé à la répartition des haches en jadéitite à
l’objet de plusieurs essais de classement chronologique l’échelle de l’Europe (Damour, 1865 ; Damour et
(Bailloud et al., 1995 ; Cassen et Pétrequin, 1999 ; Fischer, 1878) ; les deux auteurs ont montré que la cir-
Pétrequin et al., 1998a et 2002), qui montrent une culation de ces haches alpines touchait l’Allemagne et
évolution typologique non contestable depuis les pre- le Danemark vers le nord. On peut donc dire que dès
miers grands exemplaires de haches de type méridional 1881, les questions primordiales sur les haches alpines
(fig. 1, une hache de type Bégude a été repolie en ar- avaient déjà reçu une réponse précise, ainsi pour la
rivant dans l’aire du golfe du Morbihan), contempo- nature des roches, leur origine géographique, l’expan-
rains de la culture de Villeneuve-Saint-Germain et donc sion du phénomène à l’échelle de l’Europe occidentale,
de la première moitié du Ve millénaire, jusqu’aux la signification des lames polies trouvées dans les
exemplaires de type septentrional (fig. 1, deux haches tombes monumentales autour du golfe du Morbihan,
de type Greenlaw polies à glace)1, datées de la deuxième en Bretagne. Un peu plus tard, cette question de la zone
moitié du Ve millénaire dans le Bassin parisien, mais de fabrication a été reprise à la fois par des archéo-
certainement plus tardives en Écosse, c’est-à-dire en logues (Traverso, 1898-1909) à propos des productions
limite extrême de leur trajectoire vers le nord (fig. 18, d’Alba, dans le sud du Piémont, et par des géologues
à droite). De surcroît, cette évolution typologique s’ac- (Franchi, 1900, entre autres, qui insistait sur la double
compagne d’une évolution des matières premières alimentation d’Alba, à la fois depuis le mont Viso et
mises en œuvre : d’abord des éclogites et des ompha- depuis le massif du Beigua) pour l’origine des roches
citites dominantes pendant la première moitié du et, en particulier, des gîtes primaires et secondaires
Ve millénaire, puis des jadéitites majoritaires pendant d’éclogite et de jadéitite. La qualité de toutes ces re-
la deuxième moitié du Ve millénaire et, enfin, une cherches anciennes est largement confirmée et les
grande diversité de roches à partir de la fin du Ve mil- questions évoquées sont, encore aujourd’hui, au centre
lénaire, c’est-à-dire au moment où la circulation des du débat.
grandes haches s’est essoufflée pendant l’effondrement Plus récemment, les travaux ont été principalement
du système social et idéel qui la soutenait depuis un animés par des pétrographes et des géologues, après
millénaire. les démonstrations limpides et bien documentées de
De telles haches extraordinaires par leurs dimen- W. Campbell Smith en 1963. Mais les questions archéo-
sions, leur poli et la roche utilisée ont été très tôt repé- logiques, chronologiques et sociales ont alors été mises
rées, comme les trois haches en jadéitite associées dans sous le boisseau, faute de savoir-faire dans ces do-
le dépôt d’Abbeville (Somme), trouvées à l’occasion maines, pour concentrer les recherches sur de meil-
d’une exploitation de tourbe (Boucher de Perthes, leures définitions pétrographiques des matières pre-
1847) ou l’ensemble de haches du tumulus géant du mières (Ricq-de Bouard, 1996 ; Ricq-de Bouard et al.,
mont Saint-Michel à Carnac (Morbihan), fouillé en 1990 ; Chiari et al., 1996). De plus, avec la reprise des
1862 (Closmadeuc, 1863). Se posait la question, bien prospections de terrain pour identifier des villages
sûr, de l’origine de ces outils de pierre polie et de ces producteurs surtout dans le massif du mont Beigua
roches qui ressemblaient aux « jades » chinois. C’est le (Ligurie) et ses franges septentrionales, en rive droite
mérite d’A. Damour d’avoir défini le minéral jadéite, du Tanaro, on doit considérer que le travail dirigé par

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Fig. 1 – Exemples de grandes haches alpines en Europe occidentale. Nos 1 et 2 : Quiberon (Morbihan), fort Saint-Julien, anneau en serpentinite et hache
de type Bégude surpolie en éclogite, probablement du mont Viso ; n° 3 : Oxnam (Scottish Borders, Écosse), Cunzierton, hache de type Greenlaw, en
jadéitite du mont Viso ; n° 4 : Greenlaw (Scottish Borders, Écosse), hache de type Greenlaw, en jadéitite probablement du mont Viso. Clichés P. Pétre-
quin.

M. Venturino Gambari (1996) représente la synthèse et al., 1997, 2000 et 2003 ; D’Amico et Starnini,
la plus claire de ces recherches, italiennes et en Italie, 2000 et 2006). À l’échelle de l’Europe, diverses
autour de certains épicentres vraisemblables de la tentatives d’interprétation – hors chronologie et hors
production des haches alpines2. notion d’évolution – sont fondées sur une documen-
tation partielle et des hypothèses interprétatives où
Depuis 1996, les recherches ont été orientées selon la notion mal définie de bien de prestige s’entremêle
trois directions : à d’improbables choix culturels hors du temps (par
- en Italie, la poursuite du catalogue pétrographique ex. D’Amico, 2005). Ici, les limites de la démarche
des séries néolithiques, animée par un géologue, archéométrique au sens strict semblent atteintes et
C. D’Amico, et une archéologue, E. Starnini ; mais les systèmes explicatifs devront probablement passer
ces excellents travaux, très détaillés au plan des dé- par d’autres voies de recherche ;
finitions minéralogiques, ont longtemps fait l’im- - dans les Alpes françaises, le travail d’É. Thirault
passe sur la chronologie et le contrôle strict des (2001 et 2004) est fondé sur un excellent inventaire
sources potentielles de roches sur le terrain (D’Amico archéologique régional ; de plus, quelques dizaines

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de déterminations pétrographiques sur lame mince permettaient plus simplement de tendre vers une évi-
ou en diffraction X ont été réalisées. Le résultat dence : seules les régions des Alpes comprises entre le
majeur est la mise en évidence du transfert de roches Léman et le massif du Beigua, grosso modo, ont fourni
brutes ou d’ébauches en éclogite ou en jadéitite de- des preuves indiscutables de la production de haches
puis les gîtes primaires piémontais, en direction du en éclogite ou en jadéitite. La cartographie systéma-
versant occidental des Alpes pour y être travaillées ; tique en cours (fig. 2) permet de préciser qu’au total
cette observation, déjà suggérée par M. Ricq-de l’aire de production s’étend sur 200 km du nord au sud
Bouard (Ricq-de Bouard et Fedele, 1993, p. 18), est et autant de l’est vers l’ouest, si l’on prend aussi en
particulièrement importante pour comprendre pour- compte les exploitations de néphrite en Valais et dans
quoi certaines formes de haches (les types septen- les Grisons au nord-est, et les ébauches en éclogite ou
trionaux, par exemple fig. 1, nos 3 et 4) n’existent pas, en omphacitite des environs de Gap au sud-ouest (Thi-
à ce que l’on sait, dans l’aire des gisements primaires rault, 2004 ; Pétrequin et al., 2005b).
des producteurs du Piémont (Pétrequin et al., De plus, les éclogites sont des roches métamor-
1998) ; phiques relativement rares d’un point de vue géolo-
- à l’échelle de l’Europe s’est mis peu à peu en place, gique, formées dans des conditions exigeant de hautes
depuis les années quatre-vingt-dix, un groupe pressions et de basses températures qui, en Europe,
d’étude3 (associant des géologues, des préhistoriens, existent surtout (mais pas exclusivement) dans la zone
des ethnoarchéologues et des expérimentateurs) qui interne de l’arc alpin (voir, par exemple, Compagnoni,
fonde son approche sur un inventaire systématique 2003). En ce qui concerne les jadéitites, elles sont
des grandes haches à l’échelle de l’Europe pour encore plus rares et il n’en existe pas plus d’une dizaine
tenter d’appréhender les phénomènes en jeu en de gîtes connus dans le monde, même si le minéral
termes de chronologie, d’évolution et d’histoire so- jadéite est reconnu, en lame mince, dans des occurrences
ciale (Pétrequin et Jeunesse, 1995 ; Cassen et Pétre- variées toujours liées à des zones de subduction.
quin, 1999 ; Pétrequin et al., 1998b, 2002, 2005a et Mais déterminer l’aire générale de production5 ne
2006b). La recherche des gîtes potentiels a conduit permet pas, sans un très long travail de prospection et
à la constitution du premier référentiel des jadéitites de vérification sur le terrain, d’identifier les types de
à l’échelle des Alpes internes et à la découverte de gîtes exploités, pas davantage que leur localisation et
véritables exploitations néolithiques en altitude au les modalités de la mise en exploitation. Pourtant,
mont Viso4 (Pétrequin et al., 2003, 2005b, 2006a et l’accord était à peu près réalisé entre géologues et
à paraître 2007). Avec l’identification de signatures préhistoriens : la grande majorité des matières pre-
spectrales caractéristiques, les comparaisons entre mières aurait été tirée de gisements secondaires au pied
échantillons naturels de jadéitite et roches utilisées des Alpes et du massif du Beigua, en particulier des
pour les haches alpines sont réalisées par spectrora- conglomérats oligocènes recoupés par le réseau hydro-
diométrie, méthode absolument non destructrice graphique actuel. Dans ces conglomérats, on voulait
(Errera, 2003 et 2004 ; Errera et al., 2006) et qui reconnaître des galets plats déjà en forme de hache,
permet donc d’étudier même les haches les plus qu’il était aisé de tailler et de boucharder. Au contraire,
prestigieuses de tous les musées européens. d’éventuels gisements alpins en place, parmi des reliefs
abrupts, n’auraient pas ou peu été exploités (Ricq-de
On se doute qu’en fonction des choix qui ont présidé Bouard et Fedele, 1993 ; D’Amico et al., 1995 et 2003 ;
aux méthodes utilisées, à l’échelle d’observation et aux Compagnoni et al., 1995 ; Venturino Gambari, 1996 ;
supposés théoriques (qu’ils soient ou non exprimés D’Amico, 2000 et 2005).
clairement), ces pistes de recherche ont conduit à des Pourtant cette interprétation – très généralement
résultats le plus souvent complémentaires, mais parfois acceptée – ne faisait pas tout à fait l’unanimité. En nous
contradictoires. fondant à la fois sur nos observations de terrain dans
les Alpes, sur les stigmates de grandes haches alpines
et sur une modélisation à partir d’exemples actuels de
DES GÎTES PRIMAIRES Nouvelle-Guinée, nous avions émis l’hypothèse que
OU DES DÉPÔTS ALLUVIAUX « dès la seconde moitié du VIe millénaire av. J.-C., les
POUR LES GRANDES HACHES ? affleurements et les gros blocs de roches vertes suscep-
tibles d’être remarquablement polies, des éclogites, des
Les pétrographes se sont interrogés sur l’origine de jadéitites, des omphacitites, ont été exploités en utili-
ces haches néolithiques en éclogite ou en jadéitite qui sant le choc thermique » (Pétrequin et Pétrequin, 1993).
ont circulé dans toute l’Europe occidentale : cordillère « Après de nombreux essais, il est possible de suggérer
Bétique, Massif ibérique, Massif central, Massif armo- avec vraisemblance que partout dans les Alpes, les
ricain, Vosges, Forêt-Noire, massif de Bohême, cein- exploitations de galets en lit de rivière ont conduit à
ture Calédonienne en Scandinavie, Alpes ? Ainsi, des fabrications peu spécialisées, à des productions de
R. Compagnoni et al. (1995) ont fait une présentation lames de petites dimensions utilisées pour l’abattage
géologique générale comme s’ils n’avaient pas eu des arbres… D’ores et déjà, les observations montrent
connaissance des zones de production de haches dans que de très gros blocs ont été chauffés pour en détacher
le Piémont méridional (Alba en particulier, Traverso, de grandes plaques légèrement courbes » (Pétrequin et
1898-1909). Il s’agissait certainement d’un jeu intel- al., 1998b). L’idée était aussi avancée d’une double
lectuel, car depuis longtemps, les faits archéologiques alimentation en matières premières : d’un côté des

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galets pour des productions périphériques et des pro- blocs pour des productions de plus grande qualité, qui
duits majoritairement courts, de l’autre l’exploitation auraient circulé à longue distance (Pétrequin et al.,
de gîtes primaires et de dépôts secondaires à très gros 2002 et 2003). Cette hypothèse a conduit directement

Fig. 2 – Carte d’Europe avec toutes les communes qui ont livré au moins une hache en roche alpine de plus de 14 cm de longueur. Les ébauches de hache
sont indiquées par des étoiles de grandeur proportionnelle au nombre d’artefacts par commune. Documentation P. Pétrequin (état en décembre 2006),
dessin et cartographie E. Gauthier.

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à la découverte des exploitations néolithiques du mont haches. Ces nouvelles prospections6 ont abouti au
Viso en 2003 (Pétrequin et al., 2005a, 2005b et 2006a). même résultat que les premières : dans les dépôts oli-
Notre point de vue, c’est-à-dire une exploitation des gocènes, il existe bien de très rares gros blocs de litho-
gîtes primaires ou secondaires peu remaniés, a finale- logie voisine des roches vertes, mais aucun bloc ou
ment été adopté par É. Thirault (2001 et 2004), lorsqu’il galet volumineux d’éclogite, d’omphacitite ou de ja-
a fait la confrontation entre ses propres observations déitite n’a pu être découvert. Une première conclusion :
sur le matériel archéologique des Alpes occidentales et l’idée semblerait s’imposer que la matière première de
les modèles de Nouvelle-Guinée. Rivanazzano n’aurait pas été exclusivement récoltée
Dans cette approche de deux modalités complémen- sur place, ni même à proximité du site.
taires d’approvisionnement en matières premières dans Une prospection rapide du site archéologique de
les Alpes internes, il n’est pas inutile de revenir un Rivanazzano/La Cascinetta7, le temps d’une matinée,
moment sur les outillages du site de Rivanazzano nous a de plus montré que, parmi les ébauches brisées,
(Pavia, Lombardie), qui a livré aux prospections se trouvaient également des haches polies (une di-
d’A.F. Nebiacolombo une des séries d’ébauches les zaine), des fragments de silex et de meules à grain. Ces
plus abondantes de toute la zone alpine, soit environ arguments invitent à penser, comme d’ailleurs les ré-
700 artefacts, éclats, percuteurs et ébauches comprises sultats du sondage de L. Simone Zopfi (2004), que le
(D’Amico et Starnini, 2006). L’origine des matières site de Rivanazzano représente un palimpseste de
premières utilisées semble claire pour la majorité des nombreux petits villages d’agriculteurs, spécialisés
auteurs. « Le site de Rivanazzano peut être défini dans le bouchardage final d’ébauches de hache. Ainsi,
comme un atelier de ramassage et de travail de cailloux sur place dans les labours, le nombre des éclats de taille
d’éclogite et d’omphacitite, probablement sélectionnés est extrêmement faible, comme d’ailleurs parmi les
dans le lit du torrent le plus proche, la Staffora, où séries archéologiques déposées au musée de Casteg-
affleurent en position secondaire des conglomérats gio8. La sélection, l’exploitation et la mise en forme
oligocènes qui contiennent de telles roches. Le matériel des ébauches n’auraient donc été faites ni sur place ni
archéologique ramassé a permis de reconstituer les même dans le bassin de la Staffora. Il est vrai que des
différentes phases de la chaîne opératoire, depuis la fragments de galets ont été retrouvés à Rivanazzano
sélection des blocs bruts, qui ont parfois la forme d’une (fig. 3, n° 1), mais tous ne proviennent pas de la mise
hache… » (Venturino Gambari, 1996). Pour C. D’Amico en forme de haches. D’ailleurs, au total, seules 14 pièces
et E. Starnini (2006), il s’agit véritablement d’un atelier (sur un échantillon de 324 pièces que nous avons exa-
de mise en forme d’ébauches, non associé à un habitat ; minées) portent d’indiscutables traces d’érosion fluvia-
preuve en est qu’on n’y a retrouvé qu’un seul tranchant tile (soit 4 %), ce qui permet d’évoquer le ramassage
de hache polie. D’ailleurs, les approvisionnements en de galets, mais nullement d’affirmer que toutes les
matières premières, comme à Alba et à Brignano ébauches ont été faites à partir de galets. De plus, on a
Frascata, seraient locaux, puisque « les dépôts repéré deux fragments de blocs à surface naturelle
secondaires oligocènes, provenant du démantèlement plane et corrodée, qui permettent de suggérer qu’à
des affleurements primaires du groupe de Voltri, Rivanazzano, on s’est probablement alimenté en ma-
affleurent par exemple dans le bassin hydrographique tières premières selon plusieurs modalités et, en parti-
de la Staffora… » (Starnini et al., 2004). « Enfin il faut culier, également à partir de blocs massifs et non
souligner […] que parmi les matériaux archéologiques roulés. De même, les percuteurs sont particulièrement
de Rivanazzano, sont présentes des ébauches ou des intéressants car, en majorité, ce sont de petits blocs de
fragments de lames de hache en cours de fabrication jadéitite. Nos propres analyses (lames minces et dif-
qui sont plutôt de grandes dimensions ; c’est le signe fraction X) montrent qu’il s’agit bien de jadéitite du
que cet atelier a pu également produire de grandes groupe de Voltri (massif du Beigua) ; mais leur pré-
lames pour la fabrication de ce que l’on appelle des sence, en quelque nombre, n’est signalée que dans la
haches “ cérémonielles ” ou “ de parade ”. » L’argumen- haute vallée de la Lemme (42 km à vol d’oiseau) ou
tation est claire. Rivanazzano serait un centre de pro- de l’Erro (78 km à vol d’oiseau) ; au contraire, elles
duction spécialisé hors contexte villageois, établi à sont très rares dans le gîte secondaire le plus proche,
proximité immédiate de l’aire d’affleurement des ma- la basse vallée de l’Orba à Casal Cermelli (33 km à vol
tières premières en dépôt secondaire ; sa production, d’oiseau) et elles sont absentes des dépôts alluviaux et
en particulier au cours du Ve millénaire, aurait pu être des conglomérats à proximité de Rivanazzano. C’est
à l’origine d’une circulation à moyenne et longue dis- du moins le résultat de nos propres prospections.
tance, y compris pour de grandes haches socialement En fait et à ce point de la discussion, nous sommes
valorisées (voir fig. 1). Ainsi cet exemple remarquable à peu près sûrs que les gens de Rivanazzano, établis
s’inscrirait en faux contre les hypothèses d’exploita- sur de bonnes terres à céréales, se seraient déplacés sur
tions prédominantes en carrières ou sur gros blocs pour 33 km au minimum jusqu’à la basse vallée de l’Orba
les grandes haches (D’Amico et Starnini, 2006). (Casal Cermelli), pour accéder aux premiers gîtes allu-
Prêts à reconnaître que notre interprétation des faits viaux où l’on trouve des éclogites en faible nombre,
peut être mauvaise ou contestable, nous nous sommes quelques omphacitites, de rares jadéitites et des galets
permis de reprendre les prospections dans les bassins plus nombreux de roches appartenant à la famille des
de la Staffora et du Curone voisins, que nous avions amphibolites à glaucophane (ou glaucophanites).
déjà longuement étudiés, quelques années plus tôt, sans Ce sont d’ailleurs ces glaucophanites à structure lami-
avoir pu identifier de blocs exploitables pour des née qui constituent un pourcentage important de la

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Fig. 3 – Rivanazzano (Pavia, Lombardie, Italie), fin du VIe/première moitié du Ve millénaire. Exemples d’ébauches produites sur des roches à structure
très étirée, où le tranchant est orienté parallèlement à la schistosité. N° 1 : fragments de galets et de blocs arrondis par l’eau ; n° 2 : deux petites ébauches
et un tranchant de hache polie ; n° 3 : approche expérimentale de taille directe au percuteur de pierre, à partir de gros galets de roche à glaucophane de
l’Erro. Cliché P. Pétrequin.

production (23 % du total des artefacts ; D’Amico et glaucophanites peu résistantes), tout à l’air de se passer
Starnini, 2006) ; ces roches altérables et peu résistantes, comme si les gens de Rivanazzano avaient eu un accès
que l’érosion peut donc rapidement transformer en difficile aux matières premières, bien qu’une partie de
galets plats, sont particulièrement utilisées pour des leur « belle » production corresponde à de longues
ébauches plates (fig. 3, n° 2), qu’il est aisé de repro- ébauches d’éclogite et de jadéitite, qui ne peuvent être
duire en taille directe au percuteur dur (fig. 3, n° 3) ; tirées que de gros blocs, dont les accumulations se-
d’ailleurs, cette production, qui n’exige pas de hauts condaires se situent autour du mont Beigua et du mont
savoir-faire, ne semble pas se retrouver dans les autres Lanzone. Ceci pourrait rendre compte de cette pro-
sites italiens d’habitat Néolithique ancien ou moyen duction complémentaire d’ébauches plates en roches à
(D’Amico et Starnini, 2006). Il faut donc se demander glaucophane, dont la résistance mécanique reste très
si Rivanazzano, où l’on a surtout produit des ébauches en dessous de ce que l’on exige généralement d’un bon
de type Durrington approximatif et Bégude (fin du VIe outil d’abattage.
millénaire et première moitié du Ve millénaire, fig. 18), À Rivanazzano comme ailleurs, il apparaît donc
n’est pas l’exemple de villages successifs spécialisés important de distinguer ces productions expéditives,
dans le bouchardage des ébauches, à partir de galets peut-être d’importance secondaire, à partir de dépôts
de la basse vallée de l’Orba pour certaines haches de alluviaux et portant sur des roches très litées et de
médiocre qualité, mais aussi à partir de blocs mis en qualité discutable (Pétrequin et al., 1998b et 2005b),
forme, loin de là, dans les accumulations secondaires et les grandes ébauches en éclogite ou en omphacitite
importantes au pied du massif du mont Beigua (Monte massives, en jadéitite saccharoïde, longues, régulières,
Lanzone, 42 km à vol d’oiseau ; Vara inferiore, 68 km à section épaisse, qui correspondent mieux à ce que
à vol d’oiseau ; Pontinvrea, 78 km à vol d’oiseau). À l’on demande à un outil d’abattage et à une hache so-
voir le répertoire des roches utilisées (en particulier les cialement valorisée pour entrer dans des circulations

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sur des centaines de kilomètres : une matière première haches de travail paraît artificielle et doit être dépas-
précieuse, récoltée lors d’expéditions loin des habitats sée.
et demandant un long investissement en temps de tra- Quinze longues campagnes annuelles de prospection
vail. Ce dernier type d’ébauche est également repré- dans les Alpes internes nous permettent de prouver que
senté à Rivanazzano, mais en faible nombre ; en consé- ces conditions préalables ne semblent pas du tout rem-
quence, il n’est pas interdit de penser que l’on trouvera plies dans le cas de gisements alluviaux loin des gîtes
quelques-unes de ces grandes haches dans les contextes primaires, où les galets de dimensions réduites sont
néolithiques au-delà des Alpes pendant la première noyés dans des centaines de mètres cube de roches très
moitié du Ve millénaire ; mais ce ne serait pas exact de diverses, aux qualités médiocres ou nulles en termes
décréter alors, sans autre forme de procès, qu’elles de production de haches ; et ce n’est pas parce que l’on
auraient été fabriquées à partir de galets en forme de trouve, çà et là, après des heures de sélection à l’œil et
hache, simplement ramassés sur un talus alluvial en au percuteur, un petit bloc de jadéitite (fig. 5, n° 1), que
limite extrême d’extension des conglomérats des Alpes ce bloc sera nécessairement utilisable pour une hache10.
et des Apennins ligures. C’est donc en remontant les torrents et en se rappro-
Pourtant, au Néolithique ancien, les productions sur chant des gîtes primaires que les chances augmentent
galets existaient bel et bien en bordure externe du de détecter des sources abondantes de bonnes matières
massif alpin ; ainsi de beaux exemples de glaucophanite premières. Dans le cas des jadéitites et des omphaci-
de la Durance ont été illustrés par M. Ricq-de Bouard tites, la démonstration est maintenant faite que lorsque
(1996). De même, un examen même rapide des séries des concentrations de blocs utilisables pour des haches
de petites haches du Néolithique ancien Impressa en ont été observées, la proximité des sources primaires
Provence semble indiquer que les savoir-faire n’étaient (actuelles ou anciennes) est systématique, ainsi sur les
pas encore réunis pour sélectionner les meilleures torrents Morsone, Ardana, Orba et Erro dans le massif
roches, les plus résistantes dans le contexte alors fré- du mont Beigua, Pô et Bulè dans le massif du mont
quemment exploité, les alluvions, mais pas exclusive- Viso (fig. 5, n° 2), peut-être parmi d’autres qui restent
ment. Il faut d’ailleurs attendre le Cardial, en Provence à découvrir. Et quand, enfin, on reconnaît un bloc de
comme en Ligurie, pour observer les premières haches belle éclogite à grain fin ou de jadéitite à structure
réalisées à partir de véritables blocs d’éclogite, d’om- engrenée si caractéristique, l’expérience montre que la
phacitite ou de jadéitite, déjà tirés d’exploitations en matière première est tout simplement inaccessible à
altitude au mont Viso, parmi d’autres approvisionne- celui qui voudrait en détacher un bloc, une plaque ou
ments dont le mont Beigua et ses environs (Pétrequin un très gros éclat simplement avec un modeste per-
et al., 2006a et à paraître 2007). Mais, dans ces pre- cuteur de pierre (fig. 5, n° 3), comme on a pu parfois
miers temps de l’exploitation en carrière, les ébauches l’imaginer.
suivent encore largement la schistosité des éclogites et On peut, bien sûr, songer à trouver au pied de ces
des omphacitites (fig. 4, nos 1 et 2), ou bien encore sont blocs ou dans les accumulations secondaires des frag-
réalisées sur de petits éclats courts directement tirés au ments allongés, des éclats naturels, des plaques minces.
percuteur de pierre. Quant aux vraies productions de Mais là encore, les faits – vérifiés sur le terrain – nous
haches longues, celles qui partiront au-delà des Alpes, permettent de reconnaître que de telles formes de ma-
elles débutent seulement avec le Ve millénaire et sont tière première existent, mais sont très rares. Nous en
réalisées sur des plaques ou à partir de roche massive, avons trouvé à peine une vingtaine au total en dix
qui demandent d’autres formes de savoir-faire et années de prospection, parfaitement utilisables pour de
d’autres techniques pour être détachées de blocs im- belles ébauches (fig. 6) ; ce n’est pas une raison suffi-
portants et mises en forme par taille, puis par bouchar- sante pour imaginer qu’il s’agissait de la modalité
dage. Ces nouvelles modalités de mise en forme sont habituelle de production des haches. Les éclats de
également clairement visibles même sur de petites gélifraction existent aussi sur ces roches ; des éclats de
haches polies, pendant toute la durée du Ve millénaire compression dans les éboulis et les moraines ont par-
(fig. 4, nos 3 et 4). fois été remarqués. Il n’empêche que cette forme de
Dans ces conditions, la question de l’origine des sélection des supports, comme la recherche de galets
matières premières ne tient pas tant à déterminer s’il aplatis dans des matériaux particulièrement résistants,
s’agissait ou non de dépôts secondaires éloignés des est notoirement non rentable en termes de nombre de
sources, de formations secondaires proches des gîtes haches potentiellement produites à chaque généra-
ou de gîtes en place9, mais davantage à tenter de pré- tion11.
ciser où se trouvaient des gîtes de matière première à
grain fin, de haute résistance, abondante et en blocs de
grandes dimensions, où il aurait été possible de déve- LE CHOC THERMIQUE.
lopper de longues phases d’apprentissage et des pro- QUELQUES APPROCHES ETHNOLOGIQUES
ductions massives et de grande qualité (Pétrequin et ET EXPÉRIMENTALES
Jeunesse, 1995 ; Pétrequin et Pétrequin, 1993), pour
une compétition sociale qui débutait dans les carrières Attaquer un front de taille de roche massive, ouvrir
elles-mêmes, à l’origine de ces objets surdimensionnés un énorme bloc pour en tirer des plaques susceptibles
et socialement valorisés (Pétrequin et Pétrequin, 2006). d’être taillées au percuteur, n’est possible qu’avec
Dans cette problématique sociale, la distinction radi- l’aide du feu ; il s’agit d’utiliser le choc thermique –
cale prônée par certains entre haches « de prestige » et c’est-à-dire le processus de dilatation à la chauffe et de

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 317

Fig. 4 – Ébauches et haches polies en éclogite massive. N° 1 : Oncino, Vallone Bulè ; n° 2 : Salernes (Var), grotte de Fontbrégoua, Cardial ; n° 3 : Oncino,
Vallone Bulè ; n° 4 : Baudinard (Var), grotte de l’Église, Chasséen. Clichés P. Pétrequin.

Fig. 5 – Galets et blocs de jadéitite et d’éclogite. N° 1 : Casal Cermelli (Alexandria, Piémont Italie), basse Orba, jadéitite du Monte Lanzone ; n° 2 : Bosio
(Alexandria), Ardana amont, jadéitite ; n° 3 : Pontinvrea (Savona, Ligurie), Botella, éclogite. Clichés P. Pétrequin.

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318 P. PÉTREQUIN, A.-M. PÉTREQUIN, M. ERRERA, O. JAIME RIVERON, M. BAILLY, E. GAUTHIER et G. ROSSI

d’éclogite et de jadéitite (Pétrequin et Pétrequin,


1993). Mais en dépit d’approches plus détaillées des
critères de reconnaissance (Pétrequin et al., 1998b,
2002 et 2003), on doit remarquer que ces observations
sur les processus d’exploitation des plus gros blocs
sont passées inaperçues (Thirault, 2004 ; Delcaro,
2005).
Il apparaît donc que, dans le domaine de la fabrica-
tion des haches, un épisode fondamental de la chaîne
opératoire a été à peine évoqué : l’utilisation du feu
pour obtenir des plaques ou des blocs allongés, à sur-
face fraîche, avec de bons plans de frappe et des angles
d’attaque corrects pour une mise en forme par taille,
par bouchardage ou par sciage. C’est donc cet épi-
sode – resté discret, car les traces en ont le plus souvent
été effacées sur les haches complètement polies et n’en
sont pas forcément lisibles au premier coup d’œil – que
nous nous proposons de documenter, d’abord à partir
d’exemples ethnographiques actuels, ensuite à partir
de procédures expérimentales qui devraient permettre
de mieux décrire d’éventuels stigmates caractéris-
tiques.

Les blocs-carrières de Langda


En Papua (Nouvelle-Guinée indonésienne), les fa-
bricants de lames d’herminette de la région de Langda
et de Larye s’alimentent en plaques et en blocs supports
Fig. 6 – Exemples d’éclats naturels en jadéitite. N° 1 : en haut à gauche, dans le lit du torrent (Pétrequin et Pétrequin, 1993 ; voir
jadéitite de Bosio/Ardana ; les autres, jadéitites et omphacitites d’Oncino/ aussi le film Théry et al., 1990). La matière première,
Porco ; l’ébauche expérimentale est en jadéitite/omphacitite d’Oncino/ des basaltes plus ou moins métamorphisés, se présente
Rasciassa ; n° 2 : détail des deux éclats naturels de Porco, où la fixation
des oxydes de fer souligne que le bloc d’origine était dans un lit du sous la forme de blocs arrondis de 50 à 600 kg. La
torrent pérenne. Clichés P. Pétrequin. roche est massive avec parfois de rares fissures. Il peut
arriver que les tailleurs de pierre tentent de fragmenter
les plus petits blocs directement au percuteur dur, dont
le poids peut atteindre 20 kg ; mais l’effort est consi-
contraction au refroidissement – pour faire éclater la dérable et le rendement de cette technique très faible.
pierre. Cette technique n’a pas souvent été évoquée Le plus souvent, les tailleurs récoltent du bois de
pour le Néolithique. Pour les carrières de tuffite épido- chauffe parmi les cordons de flottage déposés par les
tisée de Great Langdale au nord-ouest de l’Angleterre, crues du torrent (des brindilles, des fragments de
R. Bradley et M. Edmonds (1993) évoquent la possi- perches, des segments de troncs roulés et usés par
bilité de l’utilisation du choc thermique, mais qui, l’eau), pour faire un petit feu sur le côté d’un bloc de
semble-t-il, reste non démontrée en toute rigueur. Au basalte. Le combustible étant humide et de médiocre
contraire, l’emploi du feu pour faire éclater la roche qualité, l’allumage est difficile et la combustion lente
peut être considéré comme acquis dès la fin du Ve mil- (fig. 7, n° 1). Après une heure à une heure trente de
lénaire dans les carrières de métadolérite du type A, à chauffe progressive, les brandons sont déplacés pour
Plussulien/Sélédin (Côtes-d’Armor). Pour C.-T. Le alimenter un autre foyer. L’effet du feu sur le bloc est
Roux (1999), « quelques surfaces franchement rougies marqué par une surface blanche, fissurée, d’où se sont
[…] paraissent témoigner d’un chauffage intense » ; détachées quelques petites plaquettes thermiques à
« [une ébauche], bien qu’abandonnée à un stade pré- profil convexe ; à l’intérieur du bloc, une série de
coce, montre un essai de mise en forme à partir de la grandes fissures curvilignes se développe autour du
face ventrale (non brûlée) de l’éclat massif à dos rubé- point de contact avec les flammes. Le bloc est alors
fié qui lui a servi de matrice ». Mais les démarches attaqué au percuteur lourd (fig. 7, n° 2), pour être
analytiques (comme la thermoluminescence) pour ouvert et en détacher, par percussion, les grands éclats
démontrer le phénomène, n’ont pas abouti… et pour qui serviront de support aux futures lames d’her-
cause, les pyroxènes étant particulièrement résistants minettes (fig. 7, n° 3).
au feu, comme le souligne l’étymologie (du grec pyros, Cette technique est très répandue tout au long des
feu et xenos, étranger). Hautes Terres de Nouvelle-Guinée, depuis les Una à
Pour notre part, nous considérons que l’utilisation l’Ouest jusque chez les Baruya à l’Est, en passant par
du feu dans les Alpes internes est démontrée depuis les Ketengban et les Ok, en fait tout le domaine de la
longtemps, pour faire éclater les boudins et les blocs lame d’herminette à section triangulaire (Pétrequin et

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 319

Fig. 7 – Exploitation de blocs de basalte et de dolérite dans le lit de la Heime à Langda (Jayawijaya, Papua, Indonésie), groupe linguistique una. N° 1 : allu-
mage du feu avec des bois de flottage ; n° 2 : ouverture de bloc au percuteur lourd ; n° 3 : mise en forme d’une ébauche. Clichés P. Pétrequin.

Pétrequin, 2006). Dans le lit des torrents, les traces Dans le cas des blocs, on les attaque en faisant du
archéologiques de ces exploitations – parfois massives, feu sur leur partie supérieure. Près d’un quart de stère
où l’on produisait plusieurs dizaines de lames en de bois est ainsi disposé pour une combustion rapide
quelques jours – sont très difficiles à détecter en raison et intense, pendant une heure en moyenne. Au moment
de l’effet des crues torrentielles. Quant aux outils eux- où la chaleur commence à décroître, le bloc est aspergé
mêmes, intégralement taillés puis polis, à notre connais- d’eau froide. La roche se trouve desquamée en surface
sance ils ne portent que rarement de stigmates qui du bloc, souvent dans le sens du litage. Quant à l’inté-
pourraient permettre de démontrer l’utilisation du feu rieur du bloc, il se trouve traversé par de profondes
lors du premier épisode de la chaîne opératoire. fissures, souvent parallèles ou perpendiculaires au li-
tage ; les cas de fissures curvilignes sont rares, peut-être
en raison de l’orientation de la structure interne de ces
Les carrières de Yeleme glaucophanites. Certaines des plaques ainsi obtenues
peuvent atteindre 60 cm de longueur, pour des ébauches
Dans le massif de Yeleme (Kp. Paniai, Papua, Indo- sommairement mises en forme à l’enclume ou au per-
nésie), les carrières de glaucophanite massive exploi- cuteur dur, souvent longues de 30 à 40 cm. Le rende-
tées à Wang-Kob-Me sont une célébrité dans le monde ment de cette technique est élevé, pour un faible niveau
de l’ethnoarchéologie. D’ailleurs, tout le long du tor- de savoir-faire. Les traces archéologiques dans le lit du
rent Ye-I entre Wang-Kob-Me et le village de Ye-Ineri, torrent sont rares, on s’en doute. Nous avons pourtant
on a également mis en exploitation de gros blocs qui observé plusieurs très grands blocs où l’impact du feu
jalonnent, de loin en loin, les dépôts torrentiels (Pétre- est encore visible, des siècles plus tard, sous la forme
quin et Pétrequin, 1993 ; voir aussi le film Théry et al., de desquamations profondes et de larges cupules qui
1991). Ici les carrières sont situées en ambiance de recoupent les surfaces arrondies et patinées par l’eau.
forêt primaire ou secondaire et le combustible est par- Parfois une surface légèrement rubéfiée est visible sur
tout abondant et de bonne qualité, que ce soit de jeunes l’une ou l’autre des ébauches ; ces traces de rubéfaction
arbres abattus à la hache ou des troncs flottés par le disparaissent presque toujours sur les outils bouchardés
torrent. et polis.

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320 P. PÉTREQUIN, A.-M. PÉTREQUIN, M. ERRERA, O. JAIME RIVERON, M. BAILLY, E. GAUTHIER et G. ROSSI

Fig. 8 – Exploitation de roches à glaucophane à Yeleme/Wang-Kob-Me (Paniai, Papua, Indonésie), groupe linguistique wano. N° 1 : la plate-forme à feu
juste après l’allumage ; n° 2 : modifications de la structure de la roche après extinction du feu ; n° 3 : les dalles minces tombées au pied de l’échafaudage.
Clichés P. Pétrequin.

C’est à peu près la même technique qui est mise en capables de mener ce type d’exploitation par le feu,
œuvre sur les fronts de carrière en rive gauche de la s’ils sont accompagnés toutefois par un responsable
Ye-I. Mais pour atteindre la paroi à exploiter, haute de des rituels.
6 à 10 m, le foyer est rehaussé sur un échafaudage Les traces archéologiques sont particulièrement
(fig. 8, n° 1). L’intensité et l’efficacité du feu se trouvent évidentes sur les fronts de carrières de Wang-Kob-Me :
ainsi accrues, dans les meilleures conditions de tirage cupules et fissures courbes caractéristiques sur les
pour une montée en température maximale en moins parois, couches d’éclats thermiques accumulés parfois
de 20 minutes et une chauffe de l’ordre d’une heure. sur plusieurs mètres de hauteur12, plaques minces sou-
Des petits éclats thermiques, à section lenticulaire, se vent légèrement rubéfiées sur une face, plaques courbes.
détachent lors de la montée en température. Après Quant aux foyers, ils laissent peu de charbons de bois,
effondrement de la plateforme de chauffe, on remarque d’autant que le lessivage est intense en base de paroi
que de grands éclats thermiques plats ou courbes sont et en ambiance de montagne, comme d’ailleurs dans
tombés au pied de l’échafaudage (fig. 8, n° 3) ; au le lit du torrent.
percuteur dur, il est facile de mettre en forme ces
plaques minces (la « peau de la roche »). Mais on doit
également exploiter, en travaillant au percuteur ou au Les blocs-carrières du Guatemala
grand bâton à fouir, les plaques courbes – plus mas-
sives – qui sont encore en place, là-haut, autour de la En 2002, l’un de nous (O. J.-R.), prospectant dans
zone de plus grande intensité de la chaleur (fig. 8, la vallée de la Motagua (Guatemala) à la recherche
n° 2) ; ces dalles épaisses (la « Mère des Haches ») sont d’exploitations archéologiques de jadéitite, a eu l’occa-
réservées aux meilleurs tailleurs, car elles exigent une sion d’observer une exploitation récente, qui avait eu
plus grande expérience pour être transformées en lieu quelque trois mois avant son passage13. La surface
ébauches. Mais on considère que tous les hommes, du site est de l’ordre de 1,5 hectare, où sont dispersés
venus ici en expéditions de plusieurs jours, sont des blocs et des boudins de jadéitite bleue, d’un

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 321

diamètre moyen de 1,5 à 2 m et dont la surface est structure légèrement étirée et feuilletée, comme les
caractérisée par des cupules thermiques (fig. 9). Autour glaucophanites de Yeleme : d’un côté, une majorité
de ceux-ci, de grands éclats de 12 à 15 cm de largeur d’éclats courbes sont sortis (fig. 9), de l’autre surtout
sont dispersés par dizaines. Ces éclats montrent une des plaques et des blocs minces (fig. 8, n° 3). Dans
surface brûlée opposée à une surface de détachement cette optique de la structure de la roche, Langda
fraîche, de couleur bleutée. échappe au classement, probablement parce que le
Selon l’informateur, l’exploitation avait été faite déroulement de la combustion lente est très différent
pendant la saison sèche14 par des cultivateurs qui cher- du Guatemala et de Yeleme. Tout au plus pourrait-on
chaient des revenus supplémentaires en vendant des comparer la fissuration curviligne de Langda à celle
fragments de jadéitite aux commerçants qui alimentent qui intervient dans la roche profonde à Yeleme (fig. 8,
les grandes compagnies à Antiguà, place centrale au n° 2).
Guatemala pour le travail du jade15. Il serait important La position du foyer a, naturellement, une impor-
de documenter mieux encore ces utilisations actuelles tance considérable, non pas tant pour la température
du choc thermique, qui – à en juger par la dispersion maximale qui pourrait théoriquement être atteinte en
des éclats thermiques – montrent l’utilisation vraisem- prolongeant la chauffe, mais en ce qui concerne la
blable de feux violents et de courte durée, où les éclats vitesse de montée en température. De plus, il n’est pas
se détachent en éclatant, tandis que le noyau du bloc possible, dans cette question de la montée en tempé-
de jadéitite reste intact mais profondément déformé par rature de la roche elle-même, de faire abstraction de
les cupules thermiques16. la nature du combustible (Langda, bois de flottage,
Les cas ethnographiques précédents, même s’ils ne opposé à Yeleme, excellent bois de chauffe), de la
permettent pas directement d’aborder une théorie de forme des bois (bois épais à section circulaire opposé
l’utilisation du choc thermique pour la production de à bois refendu) et de la disposition du combustible (par
supports de haches, sont pourtant d’un très grand inté- exemple foyer à bois parallèles posés au sol à compa-
rêt car ils répondent aux conditions d’une véritable rer avec foyer à structure aérée sur échafaudage à
expérimentation grandeur nature. Ainsi, quelques va- Yeleme).
riables peuvent d’ores et déjà être testées à partir de On reconnaît donc un rôle très important à la vitesse
ces exemples. de montée en température. À Langda (fig. 7, n° 2), cette
La nature et surtout la structure interne de la roche vitesse est lente, ce qui minimise la phase d’éclatement
semblent conditionner, dès l’origine, les produits obte- superficiel (l’étonnement de la roche) et l’obtention des
nus : on peut ainsi opposer d’une part les roches iso- éclats superficiels ; à Yeleme (et semble-t-il également
tropes (qui présentent les mêmes caractéristiques dans au Guatemala), cette vitesse est rapide, ce qui permet
toutes les directions) à grain fin, comme les jadéitites de détacher des éclats et de grandes plaques dès le
du Guatemala et, d’autre part, les roches anisotropes à deuxième quart d’heure de chauffe.

Fig. 9 – Exploitation moderne d’un bloc de jadéitite bleue à El Senegal (département de Zacapa, Guatemala). Diamètre du bloc : environ 1,5 m. Cliché
O. Jaime Riveron.

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322 P. PÉTREQUIN, A.-M. PÉTREQUIN, M. ERRERA, O. JAIME RIVERON, M. BAILLY, E. GAUTHIER et G. ROSSI

La question est de savoir si ces différents fonction- tout dire – à chaque gisement. Le travail de F. Té-
nements des foyers (Langda comparé à Yeleme) reygeol (2000) dans les mines d’argent carolingiennes
attestent un choix technique (hauts niveaux de savoir- de Melles (Deux-Sèvres, France), en utilisant plusieurs
faire et spécialistes de la taille chez les Una, bas ni- sondes thermiques à l’intérieur même du front de taille,
veaux chez les Wano où la perte de matière première est un modèle du genre. Les courbes de variation de
dans les carrières est énorme, faute de savoir réduire température sont globalement utilisables dans notre
les plaques épaisses et irrégulières). Ou bien – et c’est cas, même si la roche exploitée à Melles est un cal-
une deuxième hypothèse – il s’agit d’une différence caire17. « C’est de la montée en température que pro-
environnementale (à Langda, la forêt est à plus d’une viennent les étonnements […] Ils débutent lorsque la
heure de marche des blocs carrières ; à Yeleme, la forêt roche atteint en surface 500°. On estime qu’à ce mo-
et les bons combustibles sont partout présents, à ment la température à 3 cm de profondeur est de l’ordre
quelques dizaines de mètres des fronts de carrière). de 150 à 200°. Ces éclatements se poursuivent jusqu’à
Il n’est pas dans notre propos de chercher à résoudre ce que la température atteigne son palier de 475°, tou-
ici ces questions fondamentales des équilibres jours à 3 cm de profondeur […] Lorsque le palier de
complexes environnement/techniques/fonctionnements 500° est atteint, les étonnements s’espacent et on re-
sociaux. marque que les blocs qui se détachent le font avec
moins de violence, mais fréquemment, et sont beau-
coup plus gros et épais. »
Approches expérimentales du choc thermique Mais dans le cas des mines et des exploitations,
contrairement à ce qui se passe sur les fronts de car-
L’abattage au feu dans les mines et les carrières est rières néolithiques, l’important est d’abord de réduire
une technique classique pour la recherche des minéraux la roche en fragments les plus petits possibles pour en
et des pierres précieuses (voir bibliographie dans Du- extraire plus aisément le minerai ou les pierres pré-
bois, 1996 ; Téreygeol, 2000 ; Rieser et Schrattenthaler, cieuses. Il se trouve donc là une très réelle limite à la
2002), mais plus rarement étudiée du point de vue des comparaison entre les exploitations minières par choc
effets de pénétration de la chaleur dans la roche, en thermique et la fracturation des blocs par le feu pour
tenant compte de toutes les variables spécifiques – pour obtenir des supports de lames de hache.

Fig. 10 – Petit bloc de jadéitite d’Oncino/Porco après 30 minutes de chauffe. N° 1 : les éclats thermiques en cours de refroidissement ; n° 2 : les éclats
thermiques et les traces superficielles de rubéfaction ; n° 3 : les mêmes éclats du côté de la face d’éclatement. Clichés P. Pétrequin.

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 323

En conséquence, nous avons conduit une dizaine de jadéitite a gardé partout sa couleur d’origine, et les
petites expériences pour tester les effets du choc ther- éclats courbes, fortement rubéfiés sur la face dorsale
mique sur différentes roches alpines, démontrées avoir par suite d’une chauffe superficielle intense (ici près
été utilisées au Néolithique (serpentinites litées du Val de 800°) et d’un contact direct avec la flamme. Par
Pellice, jadéitites et éclogites du mont Viso). endroits, la rubéfaction peut pénétrer de 1 à 8 mm à
Sur ces différentes roches, on a d’abord vérifié, en l’intérieur de la roche ; elle peut ressembler à cette
chauffe lente, puis en chauffe rapide, le rôle de la patine rougeâtre qui altère parfois la surface de certains
structure de la roche dans le cas d’un petit bloc posé blocs de jadéitite longuement exposé aux intempéries ;
au sol, avec un foyer où le combustible (de l’épicéa mais elle s’en distingue par une répartition très inégale
refendu en bûchettes)18 est disposé en cône et une en surface et en profondeur.
même durée de chauffe (30 minutes), avec une montée
en température rapide, de l’ordre de 10 minutes. Le
résultat est absolument identique à celui des exemples Expérience n° 2
ethnographiques, où la plus ou moins grande isotropie
de la roche conduit à obtenir plutôt des éclats courbes La montée en température est toujours très rapide
(par exemple jadéitite saccharoïde massive d’Oncino/ (fig. 11, n° 1), pour une durée de chauffe courte (10 mi-
Porco) ou des plaques minces rectilignes (serpentinites nutes au total). La surface de la roche, encore noircie
feuilletées du Val Pellice/col Barrant). par les dépôts de carbone, permet de suggérer qu’en
Les expérimentations ont été ensuite conduites surface la température du bloc n’a pas dépassé 450°
uniquement sur des jadéitites saccharoïdes d’Oncino/ (fig. 11, n° 2). Au refroidissement, quelques minutes
Porco inférieur, en choisissant des blocs massifs de après l’effondrement total du foyer, une plaque mince
10 à 15 kg et en faisant varier la durée de chauffe avec (L = 23 cm, l = 9 cm, e = 2 cm) se détache, en jadéitite
le même type de combustible et une même disposition encore parfaitement sonore sous le percuteur, donc de
du bois et toujours une montée en température ra- bonne qualité pour en tirer une ébauche de hache. Dans
pide. le quart d’heure qui suit, c’est l’ensemble du noyau qui
se fissure, puis, sous le percuteur, se scinde en cinq
plaques épaisses irrégulières. Sur les produits obtenus
Expérience n° 1 avec ce temps de chauffe, on remarque la rareté des
éclats courbes, tandis que la rubéfaction, souvent in-
Pour une durée de chauffe de 30 minutes sur un bloc tense, est strictement localisée aux zones touchées par
posé au sol (fig. 10), des éclats courbes se détachent les flammes vives.
rapidement d’un noyau central qui semble intact à
première vue (fig. 10, n° 1). Mais au refroidissement,
des fissures apparaissent et viennent partager ce noyau Expérience n° 3
en 4 ou 5 blocs épais et anguleux. Parmi les produits
obtenus (fig. 10, nos 2 et 3), on peut aisément différen- Le travail a porté sur un gros bloc d’éclogite (ou plus
cier ces sous-produits épais du noyau central, où la exactement de jadéitite avec quelques grenats)

Fig. 11 – Petit bloc de jadéitite d’Oncino/Porco, après 10 minutes de chauffe. N° 1 : fin de combustion ; n° 2 : les brandons s’effondrent ; n° 3 : au cours
du refroidissement se détache une belle plaque de jadéitite. Cliché P. Pétrequin.

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d’Oncino/Porco19 : longueur 130 cm, largeur 90 cm, c’est la première fois que nous pouvons disposer, pour
épaisseur 70 cm environ. Le combustible, des planches ces roches alpines, d’un embryon de référentiel repro-
d’épicéa, a été monté à dos d’homme et refendu sur ductible et qui nous permettra de reconnaître les stig-
place : 30 kg de bois sec ont été utilisés, pour une mates – souvent peu évidents – d’une exploitation par
chauffe totale de 1 heure 30 ; la chauffe a d’abord été le feu.
lente et peu intense ; les dépôts de carbone en surface On se rend compte alors que les éléments les plus
du bloc indiquent que la température de 450° n’a pas caractéristiques – c’est-à-dire les grands éclats courbes
été dépassée. Seule une petite fissure est apparue, da- et la rubéfaction du dos des éclats externes – ne repré-
vantage visible au refroidissement en fin d’expérimen- sentent dans certains cas qu’une partie des produits
tation (fig. 12, n° 2). Puis le feu a été intensifié pendant d’abattage par le feu, dans un rapport approximatif de
les dernières 30 minutes (fig. 12, n° 1), provoquant le 2 à 10 dans le cas de l’expérience n° 3 (un énorme bloc
détachement de deux éclats thermiques plats dont l’un exploité sur un flanc), mais de 8 à 10 dans le cas de
mesure 25 cm de longueur et 12 cm de largeur. Pendant l’expérience n° 1 (un petit bloc longuement chauffé).
le refroidissement final, toute la zone touchée par les Globalement, la plupart de ces éclats externes et de ces
flammes s’est progressivement fissurée (fig. 12, n° 3), dalles ou blocs internes peuvent pourtant parfaitement
tandis que la petite fissure observée en début d’expé- être distingués des blocs et éclats naturels à arêtes vives
rience traversait maintenant le bloc de part en part. Un (fig. 6, n° 1 en haut). Une confusion est possible entre
martelage sommaire au percuteur de pierre (2 kg) a certains éclats thermiques tirés par le feu (fig. 12, n° 3
finalement permis de détacher six gros éclats épais d’un au premier plan) et des éclats de gélifraction à patine
peu plus de 10 cm de longueur, dont certains à profil rougeâtre (fig. 6, n° 2 à gauche) ; deux critères de dif-
légèrement arqué. Les traces de rubéfaction sont vi- férentiation existent cependant : d’une part la couleur
sibles uniquement sur la zone de contact avec les rouge vif (fixation d’oxyde de fer) se développe alors
flammes vives. sur les deux faces des éclats naturels ; d’autre part on
Bien sûr, ces trois expériences sur une jadéitite et observe que ces éclats naturels à profil courbe sont
une éclogite à structure à peu près identique sont trop extrêmement rares dans la nature (voir plus haut),
peu nombreuses pour en tirer une compréhension gé- comme nous avons pu le constater pendant nos années
nérale de l’exploitation par le feu ; il n’empêche que de travail de terrain.

Fig. 12 – Exploitation d’un grand bloc de jadéitite à Oncino/Porco inférieur. N° 1 : combustion de 30 kg de sapin refendu en une heure ; n° 2 : le cœur
de la roche est profondément fissuré ; n° 3 : au cours du refroidissement se sont détachés des éclats thermiques rectilignes ou courbes, dont l’un mesure
25 cm de longueur. Clichés P. Pétrequin.

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 325

Un dernier critère enfin doit être pris en compte, et de modèles ethnoarchéologiques (Pétrequin et Pé-
même s’il est souvent plus discret que la courbure des trequin, 1993). La prospection systématique, mètre par
enlèvements et la rubéfaction sur la face opposée à mètre, du thalweg du haut Pô et de ses affluents a
l’arrachement : la présence de fissures au tracé complexe montré qu’aujourd’hui deux zones ont pu avoir été
qui se développent dans la roche, sous les surfaces exploitées pour produire des haches (fig. 13) : la mo-
colorées par la rubéfaction d’origine thermique. Il s’agit raine de Paesana et les alluvions à Revello et Marti-
là des premières lignes de rupture qui annoncent et niana, à hauteur de 40 kg de jadéitite récoltés en pros-
préparent l’éclatement de la roche, mais – dans le cas pection ; la haute vallée du Chiot del Porco, à hauteur
présent – ne sont pas arrivées à terme en raison de de 5 400 kg reconnus et échantillonnés. Les carrières
l’arrêt de la chauffe (par exemple fig. 11, n° 3). d’Oncino/Bulè et Porco, entre 1 800 et 2 350 m d’alti-
Voilà donc quelques critères de détermination de tude, sont bien à l’origine de l’essentiel de la pro-
l’utilisation du choc thermique et il n’est pas impru- duction des haches dans cette matière première très
dent, maintenant, de comparer les produits issus de nos rare dans les Alpes, même si ce ne sont certainement
expériences et quelques-unes des données archéolo- pas les seules carrières exploitées à cette époque. Mais
giques des Alpes internes. des blocs roulés de jadéitite ont également été récoltés
dans le Pô à Martiniana et à Revello pour être sciés,
comme le montrent les ébauches de Lugrin (Haute-
RETOUR AUX EXPLOITATIONS Savoie) (Thirault, 2004) et de Roretto/Balm’ Chanto
NÉOLITHIQUES DANS LES ALPES (Nisbet et Seglie, 1983 ; Isetti, 1996).

La haute vallée du Pô va nous fournir un bel exem- Dans la zone des carrières, au sens large (fig. 14,
ple d’exploitation néolithique de blocs d’éclogite, n° 1), aussi bien autour des anciens blocs et boudins
d’omphacitite et de jadéitite à l’aide du feu, comme exploités que devant les abris-sous-roche (Pétrequin et
nous l’avions signalé autrefois à partir de la seule étude al., 2006a et à paraître 2007), on observe deux types
d’un petit nombre de haches polies en roches alpines d’éclats :

Fig. 13 – Profil schématique du thalweg, depuis la zone des carrières d’Oncino/Porco jusqu’à la moraine terminale de Paesana (Cuneo, Pié-
mont). L’essentiel de la matière première, aujourd’hui encore, est concentré sur ou à proximité des gîtes primaires de jadéitite et d’éclogite.
Cercles blancs : blocs et fragments de boudins de jadéitite ; croix : éclats et petits blocs de jadéitite. Les poids indiqués correspondent à une
prospection sur toute la largeur des lits mineurs ou des thalwegs en altitude, soit environ 50 m. Clichés P. Pétrequin.

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- des éclats petits à moyens, dont la longueur est en ou de courbure : il reste au sol, dans la zone de blocs
général inférieure à 5 cm, avec une lèvre souvent carrières, de belles pièces longues de 15 à 18 cm, qui
bien marquée immédiatement sous le plan de frappe ; auraient pu être transformées en ébauches si, à l’époque,
les traces de rubéfaction sont absentes ou, du moins, l’étalon minimal acceptable n’avait pas été supérieur à
exceptionnelles ; ces éclats proviennent de la mise cette dimension (fig. 15, n° 2, à comparer avec la
en forme des ébauches au percuteur (fig. 14, n° 2) ; fig. 9).
- des éclats moyens à grands, dont la longueur est en Mais ces produits abandonnés de l’exploitation par
général supérieure à 8 cm, souvent plus ou moins choc thermique ne sont pas tous localisés autour des
arqués, sans bulbe de percussion, fréquemment avec anciens blocs. On en trouve également, mais en général
des traces de rubéfaction sur le dos de la pièce ; selon de plus faibles dimensions, devant certains abris-sous-
les critères définis ci-dessus à partir des pièces ethno- roche (par exemple à Oncino/Bulè, abri du Belvédère,
logiques ou expérimentales, ces objets et ces lames abri Puymirol). On se demande alors si les plus petits
sont indiscutablement issus d’une exploitation par le blocs n’avaient pas été parfois transportés pour être
feu (fig. 14, n° 3). travaillés au feu sous la voûte de certains abris-sous-
roche ; c’était peut-être un moyen efficace pour abriter
De surcroît, l’examen détaillé des restes de boudins les foyers du vent et de la pluie et mieux contrôler les
et de blocs volumineux à Oncino/Rasciassa20 a permis montées en température. Les charbons de bois décou-
de montrer des traces d’exploitation par le feu (fig. 15, verts dans les quelques sondages ne représenteraient
n° 1, à comparer avec la fig. 9), sous la forme, en par- pas, alors, simplement des résidus de feux domestiques,
ticulier, de négatifs de grands enlèvements courbes et mais aussi, d’exploitation par le feu, juste en limite
de cupules thermiques, certaines atteignant un diamètre supérieure de la végétation (Burga, 1991 ; Pétrequin et
de 25 à 30 cm pour une profondeur de 4 cm. On peut al., 2006a et à paraître 2007). En conséquence, les da-
avoir une idée des éclats thermiques qui ont été em- tations obtenues sur ces charbons permettraient alors
portés par les Néolithiques en observant les pièces d’avoir aussi une idée de la chronologie de ces exploi-
abandonnées sur place, parce qu’elles ne répondaient tations par le feu, avec un maximum entre 5200 et 4400,
pas aux critères recherchés d’allongement, d’épaisseur et une fin aux environs de 4000 av. J.-C.

Fig. 14 – Les carrières d’Oncino. N° 1 : vue générale d’une aire de déchets de taille, immédiatement sur ou à proximité des gîtes d’éclogite, d’ompha-
citite et de jadéitite à Oncino/Bulè ; n° 2 : Oncino/Porco, abri Jadéite, éclats de taille au percuteur dur, jadéitite ; n° 3 : Oncino/Bulè (point 32), éclats
thermiques, éclogite. Clichés P. Pétrequin.

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 327

Fig. 15 – Du bloc aux éclats thermiques. N° 1 : Oncino/Rasciassa (affleurement Peyronel), bloc de jadéi-
tite/omphacitite avec enlèvements thermiques ; n° 2 : Oncino/Bulè (point 81), éclats et lames thermiques,
éclogite. Clichés M. Bailly et P. Pétrequin.

Pour finir, nous avons rapidement fait le tour des golfe du Morbihan, de la première moitié du Ve millé-
quelque 800 dessins de grandes haches en roches naire en raison de son association, à trois reprises au
alpines trouvées en Europe occidentale (fig. 16). Du moins, avec des anneaux disques de type Villeneuve-
premier coup d’œil, six lames au minimum répondent Saint-Germain (Cassen et Pétrequin, 1999 ; Herbault
au critère d’exploitation par choc thermique, avec une et Pailler, 2000). Deux seulement sont de type
courbure générale du profil, plus ou moins accentuée. Greenlaw/Chenoise et appartiennent à la deuxième
Ce sont de longues ébauches (fig. 16, n° 1), des lames moitié du Ve millénaire ; en effet, dans certains dépôts
où seul le tranchant est poli (fig. 16, n° 4), des haches allemands, ces lames sont associées au type Puy qui,
complètement polies et utilisées pour l’abattage (fig. 16, en Provence, semble se développer avec le Chasséen
nos 2 et 3) ou polies à glace pour être présentées en tant (fig. 18).
que signe social (fig. 16, nos 5 et 6). Le choc thermique pour l’exploitation des roches
Du point de vue chronologique, quatre de ces lames alpines est donc une technique utilisée dans la longue
de hache/herminette appartiennent au type Bégude ou durée, au moins pendant tout le Ve millénaire av. J.-C.
à des variantes (fig. 16, nos 1 à 3 et 5), daté, dans le En comparant certaines pièces archéologiques (fig. 15,

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Fig. 16 – Grandes haches sur éclats thermiques courbes. N° 1 : Vollein (Aosta, Italie) ; n° 2 : La Bégude-de-Mazenc (Drôme, France) ; n° 3 : Sassello
(Liguria, Italie) ; n° 4 : Villabalzana (Vicenza, Italie) ; n° 5 : Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique, France) ; n° 6 : Burwell (Cambridgeshire, Grande-
Bretagne). Dessin P. Pétrequin.

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 329

Fig. 17 – Exemples de lames polies extraites par choc thermique.


En haut, hache de type Bégude sp. en omphacitite, trouvée à Tou-
louse (Haute-Garonne) ; Muséum d’histoire naturelle de Toulouse.
En bas, hache de type Durrington en jadéitite, trouvée à Dourgne
(Tarn) ; musée de Sorèze. Les flèches noires indiquent les surfaces
fortement rubéfiées ; les flèches blanches pointent les fissures de
choc thermique. Clichés P. Pétrequin.

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n° 2) et nos propres expérimentations, la meilleure après polissage. Cette connaissance des matériaux (la
correspondance apparaît avec l’expérience n° 1, où les « science du concret » selon C. Levi-Strauss), où les
blocs sont chauffés pendant 30 minutes, ce qui permet roches vert foncé de la phase ancienne (éclogite et
à la chaleur de pénétrer profondément dans la roche, omphacitite majoritaires) viennent s’opposer aux
de détacher des lames courbes et épaisses sur toute la roches vert clair de la phase récente (surtout des jadéi-
périphérie et enfin de les marquer du signe indélébile tites) est également démontrée, semble-t-il, par l’utili-
de la rubéfaction. sation systématique du choc thermique pour produire
La raréfaction des charbons de bois dans les car- les plus grandes lames, avant que ne se développent les
rières du mont Viso à partir du milieu du Ve millé- techniques de sciage à partir du milieu du Ve millénaire.
naire – si ce n’est pas un simple effet de l’érosion On retrouve là encore cette bipartition, cette opposition
(Pétrequin et al., 2006a) – permettrait ainsi de confir- entre la phase ancienne/éclogite/couleur sombre/choc
mer le remplacement progressif de la technique du feu thermique d’une part, et la phase plus récente/jadéitite/
et des plaques courbes par celle du sciage de blocs couleur claire/sciage. Il s’agit, bien sûr, de pourcen-
massifs (Croutsch, 2005) ; en Suisse, le sciage au bois tages et d’une opposition relative (fig. 18) ; il n’em-
et au sable se met en place un peu avant 4300 av. J.-C. pêche que le cas est extraordinaire, dont on sait main-
On a pu le constater également avec le cas particulier tenant vérifier la réalité à l’échelle du continent : une
de l’ébauche de Lugrin (Haute-Savoie) (Thirault, Europe méridionale des haches de couleur sombre et
2004), un gros galet de jadéitite déterminée par radio- une Europe septentrionale des lames polies de couleur
spectrométrie comme venant du mont Viso (Pétrequin claire. Ce contraste avait déjà été pressenti par P. de
et al., 2005b) et probablement ramassé dans le lit du Mortillet (1905) et d’autres collègues (Desor, 1873 ;
Pô en aval de la moraine de Paesana (fig. 13), trans- Hagemans, 1873) qui mettaient en symétrie les haches
porté au-delà des Alpes sur une distance de 200 km à triangulaires plates en « jadéite pailletée » du Bassin
vol d’oiseau et scié, sur la rive sud du lac Léman21, parisien et les haches à section ovalaire en roche vert
pour en faire une paire de haches de type Altenstadt, foncé du Midi de la France ; en 1979 encore,
au début de la 2e moitié du Ve millénaire (fig. 18). A.R. Wooley et al. notaient la même opposition géo-
Un dernier test a été récemment fait sur quelques graphique dans les séries du British Museum. Cette
grandes haches polies elles-mêmes, de celles qui ont opposition pétrographique et géographique se trouve
circulé sur de longues distances en Europe au-delà des largement confirmée par une approche typologique
Alpes. Sur cinq haches (de longueur supérieure à systématique (Pétrequin et al., 1998a) et la détermina-
14 cm) provenant de Haute-Garonne, du Tarn ou des tion minéralogique détaillée de grandes haches d’Eu-
Deux-Sèvres (France), trois portent des traces indis- rope occidentale. Reste aujourd’hui à comprendre les
cutables d’un détachement par choc thermique sur une raisons et les modalités de ce phénomène européen, où
face, ou bien sous la forme la plus classique de surface la chronologie et l’espace doivent conjointement être
rubéfiée22 associée à des fissures (deux cas, fig. 17), ou abordés sur la longue durée.
bien sous la forme de fissures sans transformation de
la couleur de la roche (un cas). Les types concernés
sont un Bégude, un Durrington et un Chelles, c’est-à- Remerciements : Jean Courtin, CNRS ; Jean Gagne-
dire des formes qui se sont développées pendant la pain, conservateur du musée de Quinson ; A.F. Nebia-
première moitié du Ve millénaire (fig. 18), au moins colombo, découvreur du site de Rivanazzano ; Marie-
pour les deux premiers types. Au contraire, deux Hélène Santrot, conservatrice du musée Dobrée à
longues haches de type Puy, plus tardives, ne présentent Nantes ; Jean Vaquer, CNRS ; Laura Simone Zopfi,
pas de traces de choc thermique et ont été certainement Surintendance archéologique de Lombardie ; Kirstin
détachées par sciage, comme le montrent les stigmates Kasper, université de Freiberg, pour ses informations
caractéristiques. sur les résultats de son analyse du cinabre de la hache
Il apparaît finalement que la dynamique d’exploita- de Büssleben ; Patrizia Garibaldi et Eugenia Isetti,
tion des blocs et de fabrication des grandes lames en Museo Civico di Archeologia Ligure, Gênes, pour leur
roches alpines est un système beaucoup plus complexe aide précieuse et leur collaboration ; Serge Cassen,
qu’un simple tri de galets préformés parmi les allu- CNRS ; Lutz Klassen, chercheur au Moesgård Mu-
vions, les conglomérats et les moraines. Sur une durée seum, et Alison Sheridan, conservateur au National
d’un peu plus d’un millénaire (fig. 18), les conditions Museum of Scotland pour leur apport majeur au fichier
de choix de la matière première ont connu une éton- général des grandes haches alpines en Europe occiden-
nante évolution, d’abord avec des éclogites et des tale ; Marica Venturino Gambari et la Surintendance
omphacitites majoritaires, puis vers 4500 av. J.-C. des archéologique du Piémont pour l’autorisation de pros-
jadéitites encore plus rares et plus plaisantes à l’œil ; pection minéralogique et archéologique dans le massif
une sélection aussi drastique des matières premières du mont Viso et pour l’accès aux séries néolithiques
démontre, à elle seule, que les Néolithiques possédaient du musée de Turin.
des critères efficaces de reconnaissance des roches en Ce travail a été réalisé dans le cadre de la Maison
cause (même si ce n’étaient certainement pas ceux des des sciences de l’Homme Claude Nicolas Ledoux
géologues et de leur appareillage scientifique) et que (Besançon, France) et de JADE, programme blanc de
la matière première était tirée de blocs en place ou l’Agence nationale de la recherche, intitulé Inégalités
d’accumulations secondaires très riches en éclogite à sociales et espace européen au Néolithique : la circu-
grain très fin ou (et) en jadéitite d’un vert lumineux lation des grandes haches en jades alpins.

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Premiers épisodes de la fabrication des longues haches alpines : ramassage de galets ou choc thermique sur des blocs ? 331

Fig. 18 – Succession chronologique des types de haches alpines en Europe occidentale et évolution des principales matières premières utilisées. Les
roches ont été déterminées par lame mince, par diffraction X, par microsonde ou par spectroradiométrie ou encore à l’œil nu (P. Pétrequin). Les ompha-
citites vert foncé ont été classées avec les éclogites. Dessin P. Pétrequin.

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NOTES

(1) Pour la terminologie typologique, le lecteur voudra bien se reporter (12) Trois à cinq mètres d’épaisseur d’éclats et d’ébauches brisées se
à Pétrequin et al., 1998a et 2002 – les articles fondateurs – et à la figure sont ainsi trouvés accumulés à Wang-Kob-Me, en quatre millénaires de
18. production démontrées par les dates radiocarbone.
(2) On comprendra que la documentation est probablement biaisée, en (13) Communauté d’El Segenal (Cenagal), département de Zacapa.
regardant la carte des sites néolithiques piémontais et ligures publiée en Informateur : Carlos Gonzales, exploitant de jadéitite.
1993 par M. Ricq-de Bouard et F. Fedele : la région du mont Viso, dans (14) À un moment de creux des activités agricoles.
la haute vallée du Pô, représente un vide archéologique complet, alors (15) Aujourd’hui, les mineurs spécialisés dans l’exploitation des blocs
qu’elle constitue aujourd’hui un des centres de production les plus de jadéitite considèrent que cette technique du feu n’est pas bonne en
importants des Alpes. raison des pertes considérables de matière première qu’elle provoque et
(3) Qui a donné naissance, en fin 2006, au programme JADE de l’Agence de la difficulté à extraire les meilleures jadéitites, selon les standards du
nationale de la recherche. marché moderne, c’est-à-dire une roche uniforme et transparente, sans
(4) Justement où le situait A. Damour (1881). veines ni inclusions ; ils travaillent donc exclusivement avec des instru-
(5) Il s’agit là d’une approximation chronologique puisque, sur une ments métalliques. Au contraire, les cultivateurs, pour qui l’exploitation
même carte, on a reporté tous les sites de production entre 5200 et 2800 de la jadéitite n’est qu’un complément, n’ont pas les outillages en métal
av. J.-C. nécessaires et utilisent donc la technique traditionnelle d’exploitation
(6) Parallèlement à nos propres prospections, A.F. Nebiacolombo a bien par le feu.
voulu nous guider sur tous les affleurements de conglomérats oligocènes (16) Mais il s’agit déjà là d’une interprétation en rapport avec nos pre-
qu’il connaissait. mières approches expérimentales (voir plus loin).
(7) A.F. Nebiacolombo, P. Garibaldi, E. Isetti, G. Rossi, A.-M. Pétrequin (17) Dont l’auteur ne dit rien malheureusement quant au grain, à la
et P. Pétrequin, avec l’autorisation de L. Simone (Surintendance archéo- structure et à la composition.
logique de Lombardie), printemps 2006. (18) Car les branches de résineux semblent les bois de chauffe les plus
(8) Sur un échantillonnage de 324 artefacts étudiés (sur environ fréquemment utilisés, parmi la trentaine d’échantillons analysés à
700 pièces conservées au musée de Casteggio), seuls 25 éclats de taille Oncino/Porco et Bulè (Pétrequin et al., 2006b).
ont été reconnus. Pour comprendre la portée de ces chiffres, il faut savoir (19) Cette expérimentation grandeur nature a été réalisée à Oncino/Porco
que toute mise en forme d’une ébauche en roche à glaucophane produit inférieur, hors de la zone archéologique. Tous les éclats thermiques
au minimum plusieurs centaines d’éclats de taille. obtenus ont été ramassés et redescendus en vallée pour éviter toute
(9) C’est une problématique de géologues ; son intérêt pour comprendre pollution d’un éventuel site archéologique proche.
les fonctionnements du Néolithique n’est probablement pas essentiel. (20) Ou affleurement Peyronel (Piccoli, 2002). Malheureusement,
(10) En effet, la détermination pétrographique de la matière première plusieurs de ces blocs ont été complètement détruits par des collection-
potentielle est un point de passage obligé d’une étude des outils polis neurs de minéraux pendant l’été 2004. Parmi les fragments de blocs
néolithiques. Mais il faut ensuite démontrer que cette matière première détruits, nous avons également observé plusieurs négatifs d’indiscutables
est abondante et que, de surcroît, elle convient à une production suivant enlèvements thermiques : sans conteste, il s’agissait d’un site archéolo-
de près les étapes des différentes chaînes opératoires observées sur les gique, correspondant à une exploitation néolithique en altitude et
artefacts néolithiques : beaucoup d’éclogites, d’omphacitites et de jadéi- aujourd’hui partiellement remaniée par des coulées de solifluxion.
tites ne le permettent pas. (21) Et 300 km en suivant les vallées au plus court, par le val de Suse
(11) L’idée de concentrations naturelles d’éclogites ou de jadéites dans et le col du Mont-Cenis.
des dépôts secondaires n’est pas valide. Ainsi les dépôts très anciens de (22) On doit mentionner que toutes les traces rouges en surface des
la vallée de l’Erro, à l’exemple de Sassello/Monte Savino (Ligurie), ont haches ne sont pas nécessairement consécutives à l’emploi du feu. En
souvent été cités ; ils contiennent bien d’anciennes plaques d’éclogite, faisant des analyses systématiques au Raman, K. Kasper (inédit, comm.
mais tellement altérées et fragilisées qu’il n’est pas possible d’en faire pers.) a identifié une tache de cinabre sur la hache S 491 du dépôt de
des haches polies dignes de ce nom ; d’ailleurs, les ébauches de ce même Büssleben (Allemagne), conservée au musée de Weimar. Au Néolithique,
site de Monte Savino n’ont pas été réalisées à partir de ces très anciens l’emploi du cinabre comme colorant est très fréquent en Italie du Sud
dépôts, de lithologie très différente (Garibaldi et al., 1996). dans les peintures des céramiques de type Serra d’Alto, pendant le
Il en va de même pour beaucoup d’éclogites en contexte alluvial ou des Ve millénaire ; le cinabre est un colorant également classique dans le
conglomérats dans la vallée de l’Orba à Casal Cermelli et à Molare. groupe de la Vinca et dans le bassin du Danube (Mioc et al., 2004).

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