Revue archéologique de l'ouest

Germignac et Lamérac : perles discoïdes et anneaux- disques

dans le Centre-Ouest de la France
Luc Laporte, José Gomez de Soto

Abstract
The 249 shell dise discovered at Lamerac (Charente) are quite similar to those associated with the Neolithic burial of
Germignac (Charente-Maritime). A new radiocarbon datation place this last burial at the beginning of the Ve millennium
b.c. The possibility of the attribution to the Ancient Neolithic of ail those elements will be discussed here.

Résumé
La découverte d'une série de 249 disques en coquillage sur la commune de Lamérac (Charente) n'est pas sans rappeler
une partie du mobilier associé à la sépulture double de Germignac (Charente-Maritime). Nous disposons pour cette
dernière d'une nouvelle datation radiocarbone qui se situe au début du Ve millénaire avant J.-C. L'ensemble de ces
éléments, comme l'attribution de cette sépulture au Néolithique ancien, seront présentés ici et discutés.

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Laporte Luc, Gomez de Soto José. Germignac et Lamérac : perles discoïdes et anneaux- disques dans le Centre-Ouest
de la France. In: Revue archéologique de l'ouest, tome 18, 2001. pp. 13-26.

doi : 10.3406/rao.2001.1156

http://www.persee.fr/doc/rao_0767-709x_2001_num_18_1_1156

Document généré le 17/10/2015

Revue archéol. Ouest, 18, 2001, p. 13-26.

GERMIGNAC ET LAMÉRAC :
PERLES DISCOÏDES ET ANNEAUX-DISQUES
DANS LE CENTRE-OUEST DE LA FRANCE

LucLAPORTE* et José GOMEZde SOTO*

Résumé : La découverte d'une série de 249 disques en coquillage sur la commune de Lamérac (Charente) n'est pas
sans rappeler une partie du mobilier associé à la sépulture double de Germignac (Charente-Maritime). Nous
disposons pour cette dernière d'une nouvelle datation radiocarbone qui se situe au début du Ve millénaire avant J.-C.
L'ensemble de ces éléments, comme l'attribution de cette sépulture au Néolithique ancien, seront présentés ici et
discutés.
Àbstract : The 249 shell dise discovered at Lamerac (Charente) are quite similar to those associated with the
Neolithic burial of Germignac (Charente-Maritime). À new radiocarbon datation place this last burial at the
beginning of the Ve millennium b.c. The possibility of the attribution to the Ancient Neolithic of ail those
éléments will be discussed hère.
Mots-clefs : Sépulture, Néolithique ancien, parure.
Key-words : Burial, Ancient Neolithic, ornaments.

La découverte d'une série de 249 disques en coquillage
sur la commune de Lamérac (Charente) n'est pas sans
rappeler une partie du mobilier associé à la sépulture double
de Germignac (Charente-Maritime), attribuée dans un
premier temps au groupe de Cemy. La présentation de cette
découverte sera également pour nous l'occasion de
discuter l'attribution chronologique et culturelle de cette
dernière sépulture pour laquelle nous disposons désormais
d'une nouvelle datation radiocarbone (fig. 1).
1 - DISQUES EN COQUILLAGE RECUEILLIS
SUR LE SITE DES GUERNÉES A LAMÉRAC
(Charente)
Le site des Guernées à Lamérac(l) a été découvert par Mr
Dubus (1993) en prospectant un site de fabrication de
céramiques médiévales. C'est la mention de la découverte de
nombreux disques en coquillage, 148 au total, attribués
dans un premier temps à l'époque gallo-romaine, qui attira
notre attention (fig. 2).
1.1- PRÉSENTATION DU SITE<2>
Un premier décapage manuel, avec tamisage à l'eau
systématique des terres fouillées, a été réalisé sur une
dizaine de mètres carrés centrés autour de l'emplacement
de la découverte en surface. La fouille ayant montré que le
terrain épais d'une trentaine de centimètres seulement était
remanié jusqu'au substrat, un décapage mécanique a
ensuite été réalisé sur une superficie de 50 m2 afin de repérer
la présence d'éventuelles structures en creux (fig. 3).
La seule structure repérée est une fosse sub-ovalaire,
longue de 3,75 m, large de 2,50 m et profonde de 0,95 m. A
l'exception de trois éclats en silex (dont un retouché), aucun

(1) Parcelle cadastrale ZD 019, autrefois appelée La Basse Cour. Coordonnées lambert : x = 399,600 ; y = 3351,550.
(2) La fouille a été dirigée par J. Gomez de Soto et L. Laporte a réalisé l'étude des disques en coquillages. Les auteurs remercient sincèrement
M. et Mme Sureau, propriétaires du terrain, qui ont autorisé la fouille et fourni l'eau utilisée pour le tamisage des déblais, M. Xavier Gutherz,
Conservateur régional de l'Archéologie, qui a favorablement accueilli la demande d'autorisation de fouille, M. Dubus, qui a confié pour étude les
perles recueillies par lui, M. Jacques Dassié, qui leur a communiqué les résultats de ses prospections aéroportées sur la commune de Lamérac. Que
les participants à la fouille soient également assurés de notre gratitude : Melles Marie-Louise Fournier et Emmanuelle Thauvin, MM. Bruno
Boulestin et Loïc Villier.
* CNRS, UMR 6566 «Civilisations atlantiques et Archéosciences», CNRS, Universités Rennes 1, Rennes 2 et Nantes, Ministère de la
Culture. Laboratoire d'Anthropologie-Archéométrie, Université Rennes 1, 35042 RENNES cedex.
Manuscrit reçu le 10/03/2000, accepté le 20/06/2000.
14 L. Laporte et J. Gomez de Soto

Bretignolles

Longeville*
La Tranche-sur-Mer

Soulac-sur-Mer.
Grayan-et-L'Hôpital

50 km

Fig. 1 : Carte de situation des sites de Lamérac, de Germignac et des principaux sites attribués au néolithique ancien dans le Centre-Ouest de la
France.

mobilier archéologique n'a été recueilli dans le comblement
de cette fosse dont la fonction reste indéterminée. Un petit
tesson de céramique modelée a été dégagé à l'interface
entre la terre arable et le sommet de cette fosse. Un charbon
de bois provenant de la base du comblement supérieur a
été daté par le radiocarbone à 1 9 1 0 +/- 70 BP (43 BC, 3 1 8
AD), soit de l'époque gallo-romaine. Mais il est à noter
que le terrain environnant n'a pas livré le moindre vestige
de cette période. Le charbon aurait-il été pollué et la date
rajeunie ? Aucune relation ne peut être établie entre cette
structure et les disques en coquillage découverts dans la
terre arable, à moins qu'il ne s'agisse d'une sépulture
remaniée anciennement, ce dont nous n'avons il est vrai
aucune preuve...
Le matériel archéologique recueilli pendant la fouille dans
la terre arable comprend 4 pièces lithiques (dont un
fragment de lame et un couteau à bord abattu par des
retouches croisées multiples), 6 petits fragments osseux, 5
tessons de céramique modelée indéterminables, un lot
important de céramique médiévale tournée et 1 1 1 disques en
coquillage. Ces derniers se trouvaient dans toute
l'épaisseur de la terre arable, mais il se sont révélés plus
nombreux en profondeur au contact du substrat. La plus forte
concentration a été observée en J12 (72 exemplaires sur
111), c'est-à-dire au bord même de la fosse avec laquelle il
serait tentant d'établir une relation.
 Perles discoïdes et anneaux-disques dans le Centre-Ouest de la France 15
1.2 - ÉTUDE DÉTAILLÉE DES DISQUES EN
COQUILLAGE
L'étude porte sur 138 pièces entières et 10 fragments
recueillis lors des prospections de surface ainsi que sur
les 1 1 1 exemplaires supplémentaires issus des fouilles, soit
un total de 249 perles discoïdes en coquillage (fig. 4).
Toutes ont été observées une à une, parfois à la loupe
binoculaire. La totalité des perles discoïdes entières recueillies au
cours des fouilles a fait l'objet d'un descriptif détaillé et de
mesures précises. Ces observations avaient pour but de
caractériser l'échantillon et de proposer une restitution au
moins partielle des chaînes opératoires conduisant à leur
élaboration. En revanche, les traces de façonnage étant
plus rarement lisibles sur les disques ramassés en surface,
seul un échantillon de 72 exemplaires a fait l'objet d'une
étude détaillée parmi ces dernières.
Pour chaque pièce nous avons noté chaque fois que
cela était possible, la nature de la coquille, la partie de la
coquille travaillée, le nombre de stries observées, la forme
de la perle, l'extension du polissage, le traitement des
surfaces externes et internes, la morphologie du bord, les
stigmates d'usure ou de polissage, la section et parfois la face
de départ de la perforation.

Fig. 2 : Plan de situation du sondage effectué sur le site des Guernées Fig. 3 : Répartition spatiale des disques en coquillage recueillis au
à Lamérac (dessin L. Quesnel). cours de la fouille du site des Guernées à Lamérac (mise au net : L.
Quesnel).
:

I I I
Décapage mécanique

M
Coupe nord-sud de la fosse

Décapage
i i manuel i

1 m
H

16 i 15 I 14 I 13 i 12 i 11 | 1Q i 8 |_7
16 L. Laporte et J. Gomez de Soto

Fig. 4 : Disques en coquillage recueillis aux Guernées à Lamérac. a) stries d'abrasion, b) ornementation de la coquille abrasée, c) ornementation
de la coquille conservée avec un léger relief, d) indentation sur la face interne de la coquille près de son bord distal, e) polissage, f) écaillures
(dessin : M. Coutureau).
 Perles discoïdes et anneaux-disques dans le Centre-Ouest de la France
Sur chaque disque, orienté dans le même sens que la
valve dont elle a été extraite, charnière vers le haut, nous
avons mesuré les diamètres verticaux et horizontaux du
disque, sa plus grande épaisseur, les diamètres verticaux
et horizontaux de la perforation au niveau de la lumière
puis des faces externes et internes. Afin d'appréhender
une mesure du centrage de la perforation nous avons
mesuré sur la face externe de la pièce, la distance entre le bord
de la perforation et la tranche de la perle dans quatre
directions (nord-est-sud-ouest). Le choix de telles mesures
permet une caractérisation précise du produit fini et autorise
la réalisation de comparaisons avec l'ensemble étudié par
Y. Taborin à Germignac (Gaillard et al, 1984).
1.2.1 - Nature du support
Les perles discoïdes de Lamérac ont été façonnées sur
des coquilles de lamellibranche qui, d'après la
morphologie, l'ornementation et la structure de la coquille,
pourraient fort bien appartenir à une espèce du type
Cérastoderma edule. Cette attribution reste toutefois un
peu délicate dans la mesure où plusieurs espèces
dif érentes portent des ornementations similaires, difficiles à
distinguer sur des objets façonnés.
Certaines parties de la coquille ont-elles été travaillées
de façon préférentielle ? Nous avons basé nos
observations sur l'orientation et la courbure de l'ornementation
pour la face correspondant à la face externe de la coquille
et sur la présence ou l'absence d'indentations pour la face
interne. Celles-ci, qui marquent la bordure interne des
coquilles de Cérastoderma edule ont été observées sur plus
de la moitié des exemplaires étudiés (89 ex.).
Une telle sur-représentation pourrait indiquer un choix
préférentiel des fragments, prélevés le plus souvent sur le
bord distal de la coquille, à moins que cette fréquence ne
s'explique également par la petite taille des coquilles
travaillées. En l'absence d'ébauches intermédiaires il sera
difficile de trancher.
1.2.2 - Principales caractéristiques du produit fini
Les disques mesurent entre 1 1 mm de diamètre pour la
plus petite et 15 mm pour la plus grande, avec une valeur
moyenne de 13,6 mm. Le disque est en général de forme
parfaitement régulière : l'écart entre les deux diamètres
orthogonaux mesurés sur chaque pièce étudiée, est dans
94 % des cas inférieur ou égal à 0,5 mm. Dans de rares cas
toutefois le disque présente sur sa tranche deux faces
aplaties opposées qui lui confèrent un contour irrégulier (14
ex., soit 8 % de la série)(3). L'épaisseur du disque varie
entre 1 et 3 mm avec une valeur moyenne de 1,8 mm, sans
que l'on puisse faire de corrélation particulière entre la
taille du disque et son épaisseur.
La face qui correspond à la partie externe de la coquille a
systématiquement fait l'objet d'un polissage, destiné à en
effacer le relief de l'ornementation. La face interne est en
revanche laissée brute de tout façonnage. En section, le
disque garde ainsi une partie de la courbure naturelle de la
coquille que l'abrasion de la face externe n'a que
17
ment affecté. Le bord de la pièce est droit. La perforation
est de section biconique avec une lumière dont le diamètre
varie entre 2,5 et 4 mm pour une valeur moyenne de 3,3 mm.
La régularité de la lumière de la perforation est parfaite
dans 95 % des cas. Celle de son ouverture sur les faces
internes et externes de la pièce n'est pas si mauvaise,
puisqu'elle ne s'en écarte au plus que de 0,5 mm, dans 15 %
des cas. Le centrage de la perforation sur la pièce est en
revanche médiocre : il dépasse 1 mm, cumulé sur les axes
nord-sud et est-ouest, pour plus de 30 % des disques
étudiés. Il peut même atteindre jusqu'à 4,5 mm.
1.2.3 - Quelques observations sur le mode
d'élaboration des perles discoïdes de Lamérac
Les stigmates témoignant des différentes phases
d'élaboration de ces objets finis sont rares et ne permettent
qu'une restitution partielle du processus technique. De
nombreuses pièces (67 ex.) présentent, sur la face externe,
de petites facettes juxtaposées qui laissent entrevoir les
modalités du polissage : chaque facette porte de fines stries
parallèles, observables à la loupe binoculaire et résultant
du polissage de la pièce sur une meule plane. Pour chaque
facette, l'orientation des stries est différente. L'abrasion
du relief de l'ornementation a donc été obtenue par le
polissage de petites plages successives permettant à la face
externe de la coquille de conserver sa courbure naturelle(4).
Dans quelques rares cas (7 ex.), ce polissage n'a pas
effacé l'intégralité de l'ornementation, laissant apparaître
localement quelques vestiges du relief de l'ornementation
de la coquille. Sur quelques disques la face interne porte
une abrasion des bords latéraux : cette abrasion pourrait
être due à une usure par frottement, les uns contre les
autres, des disques enfilés sur un lien, mais l'observation
de quelques stries orientées, comparables aux stries de
polissage observées sur la face externe, ne nous permet
pas d'exclure l'hypothèse d'un polissage intentionnel.
Des stries de polissage ont également pu être observées
sur la tranche de quelques pièces. Elles sont
systématiquement orientées de façon perpendiculaire aux faces ce
qui est compatible avec l'hypothèse d'ébauches enfilées
sur un lien et polies dans une rainure. De tels stigmates
n'ont pu être observés que sur des pièces recueillies à la
fouille à l'exception de toutes celles provenant des
ramassages de surface.
La perforation a été obtenue par un foret tournant dont
les stries sont encore visibles dans le cône de la
perforation. Les traces observées sont identiques à celles
laissées par l'usage d'un forêt en silex, telles que l'on peut les
observer sur de nombreuses parures préhistoriques.
L'usage de cette technique rend peu probable une
attribution à l'époque gallo-romaine de ce mobilier, où d'autres
outils notamment métalliques auraient sans doute été
utilisés. Quelques écaillures parfois observées au niveau de
l'ouverture de la perforation, sur sa face interne, restent
difficiles à interpréter. La perforation est de section
biconique mais il est souvent difficile de distinguer la
perforation principale d'une éventuelle reprise sur la face
opposée.

(3) Une telle morphologie ne doit rien au hasard puisque l'orientation des deux faces aplaties est invariante par rapport à l'axe de la coquille,
du moins sur la dizaine d'exemplaires examinés. Cette particularité n'est pas sans rappeler la forme aplatie, voire parfois quadrangulaire, de
certaines perles discoïdes en calcaire ou en coquillage, recueillies dans les sépultures du Néolithique ancien dans le Bassin Parisien (Labriffe,
1985, p. 74-77).
(4) Lorsque le polissage de la face externe est obtenu en une seule opération, par abrasion sur une meule plate, cela conduit à aplanir totalement
la face supérieure de la préforme (Laporte, 1994). Ce dernier procédé n'est applicable que pour des perles de petite taille ou réalisées sur des
coquilles de faible courbure, sans quoi le polissage de la face externe risquerait de perforer et de fragiliser en son sommet l'épaisseur de la coquille.
18 L. Laporte et J. Gomez de Soto
Dans les rares cas où cette observation a été possible,
l'amorce de la perforation semble avoir été pratiquée à
partir la face interne de la pièce (14 ex.). Remarquons à ce
propos que le diamètre moyen de la perforation sur la face
interne est légèrement supérieur à celui mesuré sur la face
externe (3,8 mm pour 3,3 mm) qui est lui-même égal au
diamètre moyen de la lumière de la perforation. Un seul cas
d'amorce de la perforation à partir de la face externe a été
observé.
L'ordre de ces différentes séquences ne peut être déduit
directement des observations précédentes. Nous serions
toutefois tenté de restituer, sur la base de travaux
antérieures et d'exemples ethnographiques (Taborin, 1974 ; Barge,
1982 ; Laporte, 1994), et à titre d'hypothèse,
l'enchaînement des opérations de la façon suivante : 1)
fragmentation de la coquille et préparation de la préforme, 2)
polissage par plages successives de la face externe (et interne ?)
de la coquille, 3) perforation de l'ébauche à partir de la face
interne puis régularisation à partir de la face externe, 4)
calibrage des disques enfilés sur un lien, dans une rainure.
1.2.4 - Traces d'usage
Certains disques recueillis à la fouille, au contact du
substrat, étaient collés les uns aux autres, comme s'ils
avaient été enfilés sur un lien. Le caractère très émoussé
du profil de certaines perforations biconiques suppose
également le frottement prolongé de la pièce enfilée sur un
lien. Enfin, certaines facettes - mais peut-être pas toutes -
observées sur le bord de la face interne de quelques perles
pourraient être dues au frottement des disques les uns
contre les autres. L'ensemble de ces observations amène à
penser que ces disques, enfilés sur un support souple,
faisaient partie d'un collier.
1.3 -ÉLÉMENTS DECOMPARAISON
Les disques en coquillage sont des éléments de parure
fort répandus tout au long de la Préhistoire, en particulier
au Néolithique et au début de l'Age du Bronze. Isolés, ils
ne peuvent constituer à eux seuls un marqueur
chronologique ou culturel : les traces observées sur les parois de la
perforation, identiques à celles laissées par l'usage d'un
foret rotatif ou semi-rotatif en silex, excluent cependant
une attribution à l'époque gallo-romaine ou médiévale de
ce mobilier.
Existe-t-il des éléments régionaux qui soient
comparables aux disques en coquillage de Lamérac ? La réalisation
de perles discoïdes en coquillage est généralement le fruit
d'une chaîne opératoire courte, très répétitive, laissant peu
de place à l'initiative individuelle et aboutissant à des
produits finis fortement standardisés. La distribution du
diamètre des disques mesurés peut donc constituer, en
première approche, une donnée discriminante. Les dimensions
des perles discoïdes en test recueillies dans les ensembles
régionaux varient entre quelques mm et plus de 25 mm de
diamètre. Seuls deux ensembles présentent des disques
de dimensions similaires à ceux de Lamérac.
Le premier ensemble est particulièrement pauvre
puisqu'il s'agit d'une unique perle discoïde de 12 mm de
diamètre pour 3 mm d'épaisseur, recueillie dans le niveau
(5) A Germignac, Y. Taborin pencherait plutôt pour l'emploi de coquilles de Cardium norvegicum, sans exclure la présence possible d'individus
fossiles. On ne retrouve pas, d'ailleurs, sur les perles de Lamérac une couche de conchyoline aussi épaisse que celle qui caractérise les perles de
Germignac.
Bronze ancien de la grotte d'Agris (Charente, Gomez de
Soto, 1996). Cette dernière renvoie cependant aux milliers
d'exemplaires similaires du Quercy ou des Grands
Causses (Laporte, 1994) dont le mode de fabrication n'a
malheureusement jamais été étudié en détail. Comme les
disques de Lamérac, elles présentent des bords droits, une
face supérieure soigneusement polie, une section arquée
et une face inférieure brute de façonnage, si ce n'est
quelques plages d'usure dues aux frottements des disques les
uns contre les autres. Une attribution à l'Age du Bronze du
mobilier de Lamérac ne peut donc être totalement exclue.
Le second ensemble est celui provenant de la sépulture
de Germignac ; sur ce site, 77 % des 3288 disques en
coquillage présentent un diamètre compris entre 1 3,5 et 1 5 mm
avec des valeurs extrêmes comprises entre 12 et 16,5 mm.
L'épaisseur maximale des disques est comprise à 92 %
entre 3 et 5 mm inclus. Les disques de Germignac sont donc
un peu plus larges et un peu plus épais que ceux de
Lamérac, bien que répondant à un standard de dimension
assez semblable. Toutefois, la matière première utilisée(5)
comme certaines des techniques mises en oeuvre pour
l'élaboration des disques de Germignac semblent
différentes. En particulier, Y. Taborin envisage l'obtention de la
rondelle par découpage d'un tronc de cône à l'aide d'un
forêt creux, technique très particulière dont nous ne
trouvons aucune trace sur les disques de Lamérac.
Bien que l'on ne puisse exclure une attribution à une
période un peu plus récente, l'élément de comparaison
régional le plus probant pour les 249 disques en coquillage
recueillis à Lamérac, reste malgré tout et compte tenu des
circonstances de la découverte, la sépulture de Germignac
pour laquelle nous disposons d'une nouvelle datation
radiocarbone.
2 - NOUVELLES DONNÉES
SUR LA SÉPULTURE DOUBLE DE GERMIGNAC
2.1 - CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE DE LA
TOMBE DE GERMIGNAC
C'est au seul hasard que nous sommes redevables de la
connaissance de la tombe des Bois du Bourg à Germignac
(Charente-Maritime) : sans l'esprit curieux d'un
agriculteur, Gérard Cailletaud, qui avait, en mai 1980, été intrigué
par la trouvaille de fragments d'anneaux disques à
l'occasion d'un labour, cette tombe fut passée inaperçue.
Après sa trouvaille, l'inventeur, aidé de voisins, réalisa
une investigation sommaire qui lui permit de recueillir les
autres fragments des anneaux disques, des ossements et
un grand nombre de disques perforés en coquillage, mais
pratiquement aucune observation ne fut réalisée. Informé
après coup, Jacques Gaillard, de la Société d'Archéologie
et d'Histoire de Jonzac, put entreprendre une fouille de
sauvetage. Malgré le bouleversement total de
l'emplacement de la sépulture, ce travail permit quelques
observations : absence de fosse entaillant le substrat, ce qui ne
signifie évidement pas qu'il n'en existait pas une
traversant uniquement les sédiments, qui ici atteignaient une
profondeur de 45 cm environ ; mise en évidence d'une
cupule d'une vingtaine de centimètres de diamètre, à un
emplacement que le fouilleur présume, sans preuve, être
 Perles discoïdes et anneaux-disques dans le Centre-Ouest de la France 19

celui des crânes. Surtout, le tamisage soigné des déblais
amena la découverte de très nombreux nouveaux disques
en coquille, portant leur nombre total à 3 288.
L'examen des restes osseux, très mal conservés, révéla
que l'on avait affaire à une sépulture double, celle d'une
jeune femme adulte et d'un enfant de 9 à 10 ans. Il est
évidemment impossible d'indiquer si l'on a affaire à une
sépulture double authentique ou à deux apports séparés
dans le temps, ni de préciser s'il s'agit de sépultures
primaires (ce que suggère toutefois le fait que des lots de
disques en coquille fussent demeurés fixés les uns aux
autres par la terre, en position de dépôt) ou secondaires.
Aucun indice de l'existence d'un site contemporain de
la sépulture ne put être reconnu dans son environnement,
aucune autre tombe identifiée. Cette importante
découverte fut publiée par une équipe pluridisciplinaire (Gaillard
e/a/.,1984)(6>.
2.2 - DATATIONRADIOCARBONE
Lors de la découverte de la tombe de Germignac, une
datation des ossements par le radiocarbone avait été
envisagée. Malheureusement, la quantité insuffisante des
restes conservés n'avait pas permis la réalisation de cette
opération par la méthode traditionnelle, seule accessible à
cette époque. Depuis, la vulgarisation de la méthode de
datation par le tendétron a pu résoudre ce problème et une
date, financée par le Groupe d'Etude sur le Néolithique
ancien du Centre-Ouest (G.E.N.A.C.O.) dans le cadre du
projet collectif de recherche " La Néolithisation du Centre-
Ouest de la France ", a ainsi pu être obtenue(7) :
GifA96770:6090±70
Résultat calibré (selon M. Stuiver, G.W. Pearson,
Radiocarbon, t. 35, 1993, p. 1-23) :
àlacalBC:5068(4963)4915
calBP: 7018(6912)6 865
à2acalBC:5217(4963)4831
calBP: 7 167(6912)6781
La plage de datation qui pourra être retenue avec une
certitude maximale s'étend donc de 5 2 17 à 4 83 1 av. J.-C,
avec une date centrale de 4 963. Cette datation tend à vieillir
d'un demi millénaire l'attribution chronologique proposée
lors de la première publication de cette sépulture qui
appartiendrait alors au Néolithique ancien. Cependant une
unique datation radiocarbone, prise isolément, ne peut
servir à étayer l'ensemble de notre raisonnement. Il s'agit
là d'un indice, certes des plus intéressants, qu'il convient
maintenant de confronter aux autres données
archéologiques disponibles, en particulier à travers l'étude du
mobilier associé.
2.3 - ELEMENTS DE COMPARAISONS
A l'occasion de la première publication, il avait été
proposé, avec prudence cependant, d'attribuer cette
sépulture double au groupe de Cerny. Depuis 15 ans l'état
de nos connaissances sur les pratiques funéraires du
groupe de Cerny a considérablement évolué et il faut bien
admettre désormais que le mobilier recueilli à Germignac
ne coïncide guère avec les dépôts funéraires de ce groupe
culturel du Bassin Parisien. Comme l'avaient déjà proposé
J. Roussot-Larroque et C. Burnez (1992), une attribution
au Néolithique ancien du mobilier associé nous semblerait
plus vraisemblable, ce que la datation radiocarbone
obtenue récemment vient confirmer. Quant à voir ici une
indiscutable manifestation du " Cardial Atlantique " tel
qu'il a été défini par ces deux auteurs, c'est une autre
histoire.
Le premier constat dans la recherche d'éléments de
comparaison pour la sépulture de Germignac est celui de
son caractère extrêmement isolé (fig. 5), du moins bien sûr
en l'état actuel des connaissances. Dans le Centre-Ouest
de la France aucune sépulture indiscutable du Néolithique
ancien n'était connue à ce jour, et les ensembles sépulcraux
les mieux documentés, tant au nord dans le Bassin Parisien
qu'au sud près des rives de la Méditerranée, sont situés à
plus de 400 km des plaines charentaises !
Plus proche géographiquement de notre sujet de
préoccupation, si l'on excepte quelques sépultures en pleine
terre datées par le radiocarbone mais dépourvues de tout
mobilier archéologique, seule la sépulture double de la
Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) serait susceptible de
fournir des éléments de comparaison (Duday et al, 1992). Une
jeune femme, richement parée de dentales et de perles en
lignite, avait été déposée sur le dos au fond d'une fosse,
en compagnie d'un enfant couché sur le côté droit et lui
même pourvu d'un collier de dentales. Quelques outils en
silex et en os complétaient le dépôt funéraire. L'ensemble a
été attribué par les fouilleurs à une phase finale du
Villeneuve-Saint-Germain ou au Cerny. C'est là un jalon
intéressant : il n'en est pas moins situé à près de 300 km de la
tombe de Germignac.
Dans le cadre des discussions actuelles sur la part
réciproque des courants de néolithisation continentaux et/ou
méridionaux dans la formation puis le développement du
Néolithique ancien du Centre-Ouest de la France - sans
oublier une inévitable, mais pour l'instant insaisissable,
composante autochtone - la datation ancienne proposée
pour la sépulture de Germignac n'est donc pas sans
incidences. En l'absence de toute observation sur la
sépulture elle même (contexte architectural, position du corps,
etc . . .), nous discuterons du mobilier associé aux deux
personnes (une femme et un enfant) inhumées à Germignac. Il
s'agit rappelons-le de 3288 disques en coquillages et de 2
anneaux en roche verte(8).

(6) Cette étude fut l'occasion de donner un premier inventaire des anneaux en pierre pour le Centre-Ouest de la France. Un inventaire a déjà
été produit (Roussot-Larroque, 1988) et celui pour la Saintonge complété (Burnez, Roussot-Larroque, 1995). Depuis, peu de nouvelles pièces
sont à mentionner, à notre connaissance : La Vallée-Bossard au Langon (Poissonnier, 1997, p. 155), Tralebois à Saint-Etienne de Brioullet
(Bernard et Large, 2000), Coex en Vendée (Coll. Fruchard) et Fontblanche à Saint-Eugène, Charente-Maritime (découverte Francis Sicard,
inédite). Nous remercions nos collègues R. Joussaume et Claude Burnez qui nous ont informé respectivement de chacune de ces deux dernières
trouvailles et qui nous ont autorisé à en faire état ici.
(7) Les auteurs remercient le G.E.N.A.C.O. pour ce financement, et Hélène Valladas pour la réalisation de la mesure d'âge au laboratoire de Gif-
sur-Yvette.
(8) L'étude de la parure, à travers les comparaisons proposées, a été réalisée par L. Laporte.
 r
20 L. Laporte et J. Gomez de Soto

-'A

Tradition danubienne Tradition méditerranéenne Tradition "autochtone"

M Rubané-VSG 0 Cardial et Epicardial A Mésolithique final

Principaux éléments de comparaison

Fig. 5 : Sépultures du Néolithique ancien (dessin : L. Laporte) (d'après Beyneix, 1997 ; Binder, 1993 ; Bosch i Lloret, 1990 ; Guilaine, 1998
Jeunesse, 1995 ; Kayser, 1990 ; Pahin-Peytavi, 1991 ; fond de carte d'après Microsoft Encarta).

2.3.1 - Les disques en coquillage
Nous commencerons par comparer les disques en
coquillages recueillis à Germignac aux quelques exemplaires
plus ou moins similaires, toujours hors contexte, qui ont
été recueillis dans le Centre-Ouest de la France. Puis nous
discuterons de la valeur culturelle de ce dépôt dans le
contexte plus large des traditions techniques et funéraires
propres aux deux grands courants qui ont présidé à la
néolithisation de l'Europe occidentale.
Comparaisons régionales
Sur le plan régional, les disques en coquillage recueillis
hors contexte à Merpins et dans la grotte de la Trache à
Châteaubemard en Charente ont parfois été comparés à
ceux de Germignac (Burnez et Roussot-Larroque, 1995).
Pour ces auteurs les disques en coquillage de Merpins et
de la Trache peuvent également être attribués sans
discussion au Néolithique ancien. Rappelons cependant que
des disques en coquillage sont attestés, dans le Centre-Ouest
de la France, pour le moins au Néolithique final et au Bronze
ancien et qu'ils ont pu être portés au cours de bien d'autres
périodes (Laporte, 1994 ; Laporte et al, 1998a etb).
L'étude technologique de ces pièces peut-elle nous
apporter quelques éléments diagnostics ? Précisons qu'il est
toujours délicat de reconstituer le processus de
fabrication d'un objet à partir du seul produit fini et encore plus
tendancieux d'en tirer des conclusions d'ordre culturel
lorsqu'il a été recueilli en dehors de tout contexte archéo-
 Perles discoïdes et anneaux-disques dans le Centre-Ouest de la France
logique fiable. Nous nous limiterons donc à comparer la
morphologie de ces pièces et quelques éléments de ce que
l'on peut reconstituer des différentes chaînes opératoires
à partir des stigmates observés sur les produits finis.
Les 9 disques provenant du site de Merpins sont d'un
diamètre près de deux fois plus grands que ceux de
Germignac(9), mais comme à Germignac la régularité des
disques suggère l'usage d'un foret creux pour découper la
rondelle(10). Sur le plan technique, la principale différence
réside dans le mode de perforation des disques en
coquillage : à Germignac, la forme de la perforation et les
stries visibles sur leurs parois indiquent clairement l'usage
d'un foret rotatif ou semi rotatif probablement en silex,
alors qu'à Merpins les perforations, parfaitement
cylindriques et sans aucune strie visible, pourraient avoir été
réalisées comme la rondelle elle même à l'aide d'un foret creux.
Les 249 disques recueillis à Lamérac constituent donc
en l'état le meilleur élément de comparaison disponible
dans la région avec la série de Germignac, malgré quelques
variantes techniques dans la chaîne opératoire mise en
œuvre. De telles variantes sont-elles significatives en
termes culturels ou s'inscrivent-elles dans la variabilité de
cette production au cours du Néolithique ancien dans le
Centre-Ouest de la France ? Reconnaissons que nous
possédons à ce jour trop peu d'éléments de comparaison bien
calés chronologiquement, pour trancher.
Traditions techniques et identités culturelles
II n'est peut-être pas inutile de rappeler que des parures
discoïdes en coquillage sont fabriquées et probablement
portées au Néolithique ancien tant sur les marges
occidentales du monde danubien que sur les rivages de la
Méditerranée. Comme pour tout autre objet manufacturé,
les techniques et les modes opératoires mis en oeuvre lors
de la fabrication de disques en coquillages rendent compte
pour partie de données culturelles. Malheureusement, très
peu d'études technologiques ont été effectuées sur la
fabrication de ce type d'objet pour cette période, en France
comme en Europe occidentale de façon générale (fig. 6).
La chaîne opératoire mise en oeuvre au Cardial dans la
grotte de Riaux près de Marseille pour réaliser des disques
en coquillage est étonnamment similaire à celle
développée par les habitants VSG du village de Marolles-sur-Seine,
dans le Bassin Parisien, pour la confection de perles
discoïdes en calcaire (Augereau et Bonnardin, 1997 ;
Taborin, 1974). Surtout, ces chaînes opératoires, tous
comme les outils mis en oeuvre, sont totalement
dif érentes de celles mises en évidence par Y. Taborin pour
l'élaboration des disques en coquillage recueillis à Germignac
(Taborin m Gaillard, 1984).
Dans la grotte de Riaux comme à Marolles-sur-Seine, on
façonne des ébauches irrégulières au contour plus ou
moins polygonal dont on polit ensuite les différentes
faces puis que l'on perfore à l'aide d'un foret rotatif en silex.
Cette technique est parfaitement adaptée au support
coquiller. Il est plus surprenant de la voir appliquer à des
roches tendres comme le calcaire : au Néolithique final il
est en effet courant de voir les mêmes perles discoïdes en
calcaire obtenues par sciage d'un long tube cylindrique
(9) Diamètre moyen des disques en coquillage : Ponthezières - Charente Maritime (Néolithique final), 5 mm ; Germignac - Charente
(Néolithique ancien), 14 mm ; Merpins - Charente, 22 mm.
(10) Si dans les deux cas, on a peut-être utilisé des outils similaires - le foret creux - la façon dont on les a mis en œuvre est cependant différente :
à Merpins le bord du disque est toujours parfaitement droit, alors qu'à Germignac, il présente un double biseau caractéristique, ce qui suppose
l'usage de deux techniques distinctes.
21
préalablement calibré et perforé, solution qui paraît a priori
beaucoup plus adaptée au support travaillé. Nous avons
alors proposé à titre d'hypothèse de travail que
l'application d'une telle chaîne opératoire pour la confection de
disques en calcaire sur ce site VSG du Bassin Parisien
pourrait résulter d'influences " méridionales ", au sens large
(Laporte, 1998a et b).
Le façonnage des disques en coquillage de Germignac
répond à une toute autre logique : selon l'étude
technologique réalisée par Y. Taborin sur les produits finis, ces
derniers auraient été directement détachés de la coquille et
calibrés à l'aide d'un foret creux, la perforation étant
obtenue à l'aide d'un foret rotatif après le polissage de l'une ou
des deux faces de l'ébauche. L'on ne saurait bien sûr
étendre les conclusions tirées de ces trois exemples ponctuels
à l'ensemble de la production d'un groupe culturel donné,
tant en domaine continental, atlantique ou méridional.
Cependant, l'originalité de la chaîne opératoire mise en oeuvre
dans la confection des disques en coquillage de Germignac
constitue un élément que l'on ne peut pas ne pas prendre
en compte en termes culturels.
Les disques en coquillage dans les dépôts funéraires
du Néolithique ancien
Quelles que soient les techniques employées pour
fabriquer ces disques en coquillage, le fait de les déposer en
contexte funéraire présente également une part de valeur
culturelle. Si elles sont effectivement fabriquées et
probablement portées par les populations du Cardial et de
l'Epicardial, en revanche les parures composées de petits
disques en coquillage ne sont que très rarement déposées
dans les tombes attribuées à ces groupes culturels,
tombes dont le mobilier funéraire est généralement très
pauvre. Dans les rares cas où des colliers sont déposés dans
la sépulture ils ne sont d'ailleurs pas toujours associés
directement au mort mais parfois déposés un peu à l'écart
ou à l'intérieur d'un petit vase comme s'il s'agissait
d'offrandes au même titre que la céramique, certaines pièces
lithiques ou d'autres biens périssables.
La sépulture découverte en 1965 lors des fouilles de
sauvetage du quartier de la Balance à Avignon constitue
une exception notable à cette tradition funéraire (Courtin
étal, 1966 ; Villes, 1997). "Le squelette [d'un homme adulte
déposé dans une fosse], autant que l'on puisse en juger,
était accroupi, les bras et les jambes repliés contre le corps,
la face orientée à l'ouest. Sur le bord sud de la fosse,
quelques blocs de calcaire infracrétacé calaient une dalle
verticale en même matière haute de 50 cm." (Courtin et al., 1 966,
p. 48). La présence d'une stèle dressée marquant
l'emplacement de la sépulture en pleine terre est un point original
qui mérite d'être souligné.
Le mobilier d'accompagnement récupéré après le
passage de la pelle mécanique, comprenait 1 outil en os, 339
Columbella rustica perforées, 669 tests de dentales et 3371
perles discoïdes en coquillage dont le diamètre oscille
entre 3 mm et 7 mm. La présence de perles discoïdes
maintenues en connexion originale sur le temporal gauche
suggère selon les auteurs qu'une partie au moins des disques
en coquillage aient formé une sorte de résille qui enserrait
 22 L. Laporte et J. Gomez de Soto

Un exemple Villeneuve-Saint-Germain
Matière Préforme | Polissage | Perforation | Polissage | Produit fini Outils

Calcaire

Foret rotatif

<>o^ ~^

Marolles-sur-Seine

Un exemple sur la façade atlantique

Matière Découpage Polissage Perforation Outils

U;* Germignac

Coquille
^ , Grotte de Riaux L

Un exemple Cardial
Matière Préforme | Polissage | Perforation | Polissage j Produit fini Outils

Coquille Foret rotatif

Fig. 6 : Parures discoïdes au Néolithique ancien : comparaison des chaînes opératoires (dessin : L. Laporte) (d'après Augereau et Bonnardin,
1998 ; Taborin, 1974 ; Gaillard et al., 1984 ; fond de carte d'après Microsoft Encarta).

la tête du défunt. Bien que mal calée stratigraphiquement,
cette sépulture avait été attribuée au Néolithique ancien.
Par la richesse de la parure en coquillage et le nombre très
élevé de disques en coquillage, le mobilier associé à cette
sépulture constitue un dépôt tout à fait exceptionnel pour
cette période dans le Sud de la France, qui n'est pas sans
rappeler le dépôt funéraire de Germignac.
S'ils sont très rares dans le Sud de la France au
Néolithique ancien, les dépôts de parures discoïdes en coquillage
sont en revanche beaucoup plus fréquents dans les se-
 Perles discoïdes et anneaux-disques dans le Centre-Ouest de la France 23

pultures du Rubané occidental et du distingue cependant par la richesse exceptionnelle du

Vil eneuve-Saint-Germain. Elles sont le plus souvent disposées en collier et,
contrairement à d'autres types de dépôts, elles semblent
faire partie du vêtement que revêtait le mort dans son
voyage vers l'au-delà. Nous ignorons la position de la
parure dans la tombe de Germignac, puisque ces pièces
ont été recueillies essentiellement par tamisage. Certaines
semblent cependant avoir été cousues sur un support et
pourraient également avoir fait partie d'une pièce de vêtement.
Cependant, dans les sépultures du Bassin Parisien, le
nombre de disques recueillis, quelques centaines au plus,
reste toujours très largement inférieur aux 3000 pièces
recueillis à Germignac ou à Avignon : à elles seules, ces deux
dernières sépultures ont livré bien plus de disques en
coquillage que l'ensemble des sépultures rubanées et VSG
du Bassin Parisien (fig. 7) ! Si la présence de parures en
coquillage en milieu sépulcral aurait plutôt tendance à
rapprocher la sépulture de Germignac des sphères les plus
occidentales du monde "danubien", cette dernière s'en
dépôt funéraire.
La direction de cette relation pourrait d'ailleurs tout aussi
bien être envisagée dans l'autre sens, non pas est-ouest,
mais de la façade Atlantique vers le Bassin Parisien. N'est-
ce pas par des interactions avec un substrat autochtone
présentant de fortes affinités atlantiques (par analogie avec
les sépultures " mésolithiques " de Téviec et Hoédic qui
ont livré tant de parures en coquillage) que C. Jeunesse
(1995) explique la présence de ces parures en coquillage
dans les sépultures danubiennes ? Essayons d'éviter les
raisonnements circulaires.
2.3.2 -Les anneaux-disques0 1}
Abordons maintenant la question des anneaux-disques.
Précisons là encore que bracelets et anneaux, selon la
définition proposée par G. Auxiette (1989), sont attestés dès
le début du Néolithique aussi bien dans le sud que dans le

■s.

#?®ij7rr*% ; \

Fig. 7 : Parures discoïdes en coquillage dans les sépultures du Néolithique ancien (dessin : L. Laporte) (fond de carte d'après Microsoft Encarta).

(11) Nous remercions très chaleureusement C.T. Le Roux qui a mis à notre disposition l'ensemble de sa documentation personnelle sur les
anneaux disques en Bretagne.
24
nord de la France. Réalisés sur des matières variées
(calcaire, schistes, roches vertes, céramique, coquillage...) leur
variabilité morphologique est grande ; les diamètres
externes et internes, la largeur et la forme de la section de
l'anneau étant les critères morphologiques généralement
retenus. Les bracelets de Germignac se caractérisent par une
section aplatie au bord effilé et par un jonc de grande
dimension presque aussi large que la lumière. Ils se
distinguent ainsi de la plupart des bracelets attribuables au
Néolithique ancien recueillis tant sur les rivages de la
Méditerranée que dans le nord de la France, et en particulier de
ceux si nombreux provenant des habitats comme des
sépultures du Villeneuve-Saint-Germain.
Dans l'état actuel de nos connaissances, les éléments
de comparaison semblent plutôt à rechercher sur la façade
atlantique. La plupart proviennent de contextes mal assurés
ou de découvertes anciennes : d'après ces relations du
siècle précédent, certains semblent constituer le seul
mobilier associé à des sépultures individuelles, comme à
L. Laporte et J. Gomez de Soto
Pitres, à Saint Martin du Tilleul (Eure), à Ecajeul (Calvados)
en Normandie ou à Saint-Yrieix (Charente) dans le Centre-
Ouest de la France. A Saint-Martin-du-Tilleul, les six
anneaux en roche verte auraient été découverts au bras
d'un squelette. A Ecajeul, les anneaux disques avaient été
déposés sous la tête et au pied de la personne inhumée.
Cette dernière sépulture était recouverte par un tumulus
(Roussot-Larroque, 1990 ; Mortillet, 1907 ; Coutil, 1894 ;
Ferrier du Larne, 1894). Malheureusement, ces relations
anciennes ne livrent aucun autre élément de datation pour
ce type de mobilier.
En Bretagne, les anneaux disques sont généralement
attribués au début du Néolithique moyen, au même titre
que les grandes haches carnacéennes, sur la base des
découvertes spectaculaires du siècle dernier dans ces grands
tertres du Morbihan. Cependant, comme le fait justement
remarquer J. L'Helgouach " L'anneau disque du Mané er
Hroèk est le seul objet de ce type qui ait été trouvé dans
une tombe carnacéenne " (L'Helgouach in Giot et al, 1998,

Légende
& Belgique Roche verte
Bassin Parisien ▲ Schiste
Bretagne A Ebauche B
Centre-Ouest

10
cm Diamètre Interne plus large que la couronne
Germignac
»• * A ^ ^A ♦

o5 ■ ••!V • • ■ ■ g
; . • • ■
* •

Couronne plus large que le diamètre Interne

I I I I I I I I lit J 1 I I I I I I I I I i I i i l i I i i C
Largeur de la couronne 6 cm

Fig. 8 : Anneaux disques en roche verte. A/ Photo de l'un des anneaux-disques de Germignac d'après Gaillard et al., 1984, B/ Anneaux-disques
en roche verte de plus de 15 cm de diamètre dans l'Ouest de la France, d'après Roussot-Laroque 1990 complétée. C/ Dimensions des anneaux
en schiste et en roche verte de la façade atlantique au Bassin Parisien, d'après Auxiette, 1989 ; Burnez et Roussot-Laroque, 1995 ; Chevillot,
1989 ; Gaillard et al, 1984 ; Joussaume, 1993 ; Le Roux, 1971 (dessin : L. Laporte).
 Perles discoïdes et anneaux-disques dans le Centre-Ouest de la France
p. 309), auquel il faut peut-être ajouter quelques
découvertes anciennes et imprécises comme celles de Fort-Saint-
Julien et de Bréhen-Loudéac. Dans le coffre de Mané Er
Hroëck, à la différence de la centaine de haches polies
recueillies sous le dallage inférieur du coffre, cet anneau
disque ainsi que deux autres haches polies et de grosses
pendeloques en variscite étaient disposés dans le
comblement supérieur de la sépulture. Les sondages programmés
sur plusieurs sites de fabrication de ce type d'objet dans
le Finistère permettront peut-être de préciser leur contexte
chronologique et culturel (Herbaut et Pailler, 2000, p. 362).
En France, les anneaux en roche verte dont le diamètre
externe dépasse 15 cm sont rares (fig. 8). Parmi ces
derniers, ceux recueillis dans le Centre-Ouest semblent
présenter une couronne plus large que celles des quelques
exemplaires provenant de Normandie ou des îles anglo-
normandes. C'est en particulier le cas pour les deux
anneaux de Germignac qui, comme le montre la figure 8, avec
près de 20 cm de diamètre externe, sont d'une taille tout à
fait exceptionnelle.
3 - CONCLUSION
Les 249 disques en coquillage recueillis à Lamérac sur
quelques mètres carrés seulement, mais en dehors de tout
contexte stratigraphique, constituent le principal élément
de comparaison disponible dans la région pour les 3288
disques associés à la sépulture double de Germignac.
Répondant à des standards de dimension similaires, ces deux
ensembles de parures ne différent guère que par le choix
des matières premières utilisées et, sur le plan technique,
par le mode de mise en forme du disque. Une datation
radiocarbone récemment obtenue sur les ossements de la
sépulture de Germignac situe ce dernier ensemble au
début du Ve millénaire av. J.-C.
Les deux catégories d'objets de parure qui constituent
le dépôt funéraire associé à la sépulture de Germignac
(anneaux-disques en pierre et perles discoïdes en
coquil ages) sont fabriquées et probablement portées au
Néolithique ancien tant au nord de la France en contexte Rubané
et Villeneuve-Saint-Germain qu'au sud, sur les rivages de
la Méditerranée. En revanche, les populations "
danubiennes " semblent emporter beaucoup plus fréquemment ces
objets dans leur dernière demeure, peut-être d'ailleurs plus
sous la forme d'une composante du vêtement que sous la
forme d'un dépôt rituel comme cela peut-être envisagé pour
les dépôts de céramiques, de certaines pièces lithiques ou
du matériel de broyage.
Cependant, en l'absence de toute information sur
l'agencement des objets dans la tombe comme sur la position du
squelette ou la présence de structures associées, le dépôt
funéraire de Germignac se distingue de ceux du Bassin
Parisien par sa richesse exceptionnelle (près de 3300
perles discoïdes en coquillage, contre tout au plus 800 pour
les rares tombes les plus riches du Bassin Parisien) et par
le type précis d'objets déposés (2 anneaux disques en
roche verte à section plane et d'une taille exceptionnelle).
Alors que le mobilier exceptionnel, mais mal calé
chronologiquement, de certains tumulus " carnacéens " en
Bretagne, celui de la tombe A 148 de Saint-Michel du Touch ou
celui plus problématique de Pauilhac dans la vallée de la
Garonne, sont souvent pris pour exemples dans le débat
sur l'émergence d'une hiérarchisation institutionnelle au
sein des sociétés néolithiques du Ve millénaire av. J.-C, il
est d'ailleurs étonnant que la sépulture de Germignac ne
soit presque jamais citée.
25
Aucune tombe similaire n'étant connue à moins de 300 km
à la ronde, la présence d'une fosse étant envisageable, les
corps pouvant fort bien avoir été déposés en position
latérale repliée (puisqu'aucune observation n'a été faite à ce
sujet), les perles discoïdes en coquillage pouvant fort bien
avoir fait partie intégrante du vêtement des personnes
inhumées (puisqu'elles ont été recueillies par tamisage), des
bracelets (d'un type très différent) leur étant parfois
associés dans les tombes du Rubané occidental ou du VSG, et
pour peu que la datation radiocarbone soit un peu trop
vieille (pour une raison à déterminer), certains verront peut-
être dans la tombe de Germignac la preuve indiscutable
d'une extension de la culture de Villeneuve-Saint-Germain
jusque dans la plaine charentaise. D'autres, constatant
l'importance des influences méridionales sur la façade
atlantique au cours du Néolithique ancien, privilégieront
plutôt la piste méditerranéenne.
Pour notre part nous nous abstiendrons de faire un tel
type de diagnostic : que l'on veuille bien excuser une
attitude si timorée ! Ne serait-il pas plus logique de
commencer par définir les pratiques funéraires des populations du
Néolithique ancien dans le Centre-Ouest de la France -
rites généralement complexes dont la variabilité est
souvent sous-estimée -, avant de chercher à établir des liens
de parentés avec d'autres groupes culturels "voisins" ?
La sépulture double de Germignac constitue pour l'ouest
de la France, la première sépulture qui soit attribuable au
Néolithique Ancien Centre- Atlantique, ce que confirme à
la fois l'étude du mobilier et la datation radiocarbone
obtenue. Les circonstances de la découverte font
malheureusement que le mobilier associé est le seul élément du rituel
funéraire susceptible d'être discuté. Il est caractérisé par
sa richesse et par l'importance de la parure en coquillage.
Il rappelle par là l'une des caractéristiques les plus
spectaculaires des rites funéraires propres aux populations
mésolithiques de la façade atlantique. Convergences, ou
continuité...
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