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I.

La conscience de ce que nous sommes peut faire obstacle à notre bonheur


et l’illusion semble plus efficace pour se rendre heureux
1.la conscience de notre finitude : nous nous représentons notre fragilité, notre
petitesse dans l’univers : angoisse qui hante tout homme (il sait qu’il va mourir mais
ignore tout de la mort). La conscience de notre condition « misérable » qui nous rend
misérable. Cf. Pascal
2.la conscience du temps produit en nous certains sentiments difficiles à supporter :
angoisse face à l’avenir (ou espérance inquiète) mais aussi regrets ou remords (la
conscience morale est en nous comme un juge intérieur, produisant des tourments
moraux : remords ou poids de la responsabilité). L’homme ne parvient pas à exister
au présent, d’où la difficulté d’être heureux (nous regrettons le bonheur passé ou
espérons le bh futur). Cf Pascal et Nietzsche (vivre dans l’instant est chose impossible
pour l’homme, contrairement au troupeau « attaché au piquet de l’instant »). Lors
même que nous vivons un moment agréable, la conscience qu’il est éphémère nous
distrait de la joie que nous aurions pu prendre à cet instant d’exception. Cf.
Schopenhauer/Freud
3.pour être heureux et le sentir (sérénité, joie d’exister), il faudrait donc fuir la
conscience de ce que nous sommes -dans l’ignorance, dans l’illusion, dans le
mensonge à soi, dans le « divertissement » (Pascal)- ne pas se connaître tel qu’on est,
fuir la vérité sur son compte (plan de l’individu singulier/ plan de la condition
humaine). Cf. Œdipe qui est parfaitement content tant que la vérité sur son compte
lui échappait. Vérités cruelles sur soi découvertes par la conscience.

Transition : Ainsi, cette lucidité sur nous-même, cette clairvoyance, semble bien d’abord
s’opposer à notre tranquillité/sérénité (ataraxie) en ternissant l’image que nous avons de
nous et en nous précipitant dans le plus grand désarroi, si bien que l’illusion (forme
d’aveuglement et de distraction) nous est apparue comme la seule voie de salut pour
parvenir au bonheur. Toutefois, l’illusion, le fait de se voiler la face, sont-ils vraiment des
moyens efficaces dans la quête de notre bh ?

II Cependant, vivre dans l’illusion et fuir la connaissance que nous avons de


nous-même est loin d’être la garantie du bonheur
1.L’illusion est passagère et nous ne pouvons pas éternellement nous voiler la face :
d’autant plus si se mentir à soi-même implique que nous sachions secrètement ce que
nous cachons à nos propres yeux. Refouler quelque chose qui nous blesse n’implique
-t-il pas que nous connaissons ce que nous refoulons ?
2.le retour au réel est d’autant plus difficile que nous avons rêvé d’une vie parfaite : la
désillusion (faire le deuil de ses espérances) est souvent plus amère que le réalisme.
Donc, l’illusion expose à de cruelles déceptions. Quoi de plus désagréable pour
l’homme que de découvrir qu’il s’est abusé ?
3.Ne pas se connaître, refuser de savoir qui nous sommes peut nous empêcher de
voir clair dans nos choix et mal conduire sa vie : ainsi par exemple, les patients de
Freud (psychanalyste) ne se connaissent pas, ne voient pas les désirs inconscients qui
les animent et finissent par développer des troubles graves (des névroses).
4.Se maintenir dans l’illusion empêche aussi de transformer la réalité : l’illusion
endort nos souffrances, mais ne les combat pas. Cf. Marx, la religion comme « opium
du peuple ».

Transition : certes, nous pouvons goûter des moments de plaisir illusoire, mais ces
moments ne durent qu’un temps et ont un goût amer (l’amertume de la désillusion). Ces
sont des plaisirs tristes (cf. Alain, évoquant le plaisir triste de celui qui devient riche par
héritage ; ou encore Pascal expliquant que le chasseur ne voudrait pas d’un lièvre qu’il n’a
pas chassé). Ici, ce sont de plaisir de fuite et non d’expression de soi ; dès lors, ne sommes-
nous pas autorisés à considérer la conscience de ce que nous sommes comme le plus sûr
moyen d’affronter la vie et d’en tirer tout ce qui peut être bon pour nous ?

III. La conscience de ce que nous sommes n’est pas un obstacle au bonheur,


elle pourrait même en être le moyen, la condition
1.La conscience claire et lucide de notre condition mortelle : c’est savoir que nous
n’avons pas 36 vies et que nous devons en profiter. Ne pas remettre à plus tard ce qui
nous tient à cœur. Cf. les citations d’Horace, de Marc-Aurèle ou de Sénèque. Qui
médite la mort, médite la vie, en tire une sagesse qui permet de mieux vivre. Cf.
Epicure, ne plus craindre la mort pour jouir du plaisir d’exister.
2. Qui se connaît sait ce qui lui faut : pour trouver à l’extérieur de soi des choses
capables de nous permettre d’exister davantage, de s’accomplir, il faut connaître ce
que nous sommes et ce que sont nos aspirations réelles : ne pas confondre nos désirs
avec ceux des autres (prendre possession de soi, et se « désaliéner » d’autrui).
S’accomplir soi-même exige de se connaître ; cette connaissance de soi est la
condition d’un possible dépassement de soi et d’amélioration de ce que nous
sommes. Cf. Bergson (et son analyse de la joie). Cf. Epictète : il faut savoir distinguer
ce qui dépend de nous (ce qui est en notre pouvoir) et ce qui n’en dépend pas (les
limites de notre « puissance »), condition de notre bonheur.
3. La compréhension/la connaissance rationnelles de la réalité permet de l’aborder
sereinement : savoir que les dieux ne nous punissent pas (que le SIDA n’est pas un
châtiment divin…), que la mort n’est « rien pour nous », permet d’affronter la vie et la
réalité de façon plus sûre, sans « délire » imaginatif irrationnel.
4. On peut s’interroger sur cette « conscience que nous sommes »… : -même sincère,
est-elle vérace ? -si elle est une condition nécessaire de notre bonheur, en est-elle une
condition suffisante ?

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