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C1 : L’idée du moi

Introduction

1) qu’est-ce que le « moi »?


Tout le monde peut dire « moi », de même que « je », en toute légitimité. Mais on oubli que c’est un mot comme les autres, un
nom commun qui désigne un genre, une généralité, dans laquelle se rangent les individus. C’est la catégorie des mois.
Rousseau : s’il n’y avait que des généralités (noms communs), on ne se reconnaîtrait pas (noms propres).

Bergson, Le Rire (1900) : il explique que tout les noms communs désignent des généralités. Il les compare à des « étiquettes »
qui seraient collées sur les choses et qui nous interdirait d’apercevoir des choses et des êtres.

Lorsque je pense me désigner moi, je désigne en réalité tous les moi, du moins je désigne quelque chose qui doit convenir à
une vague idée générale du moi. Mais cette idée me permet néanmoins de me nommer, de me connaître, de m’identifier,
simplement par cette petite expression « c’est moi ».
Quand j’emploi ce mot, et bien qu’il soit général, il me permet de me désigner (particulièrement, singulièrement : « moi,
personnellement... »).

paradoxe général/particulier.

Bergson réfléchit à cette apparente faiblesse du langage, en étudiant la façon dont les noms communs sont formés, par un
processus d’abstraction : les mots sont formés en ne retenant que son aspect « banal » et sa fonction commune (à quoi il sert),
pour pouvoir reconnaître les choses et savoir à quoi elles servent.
Il développe une thèse : notre rapport au monde est certes théorique (connaissance, sciences) mais il est d’abord pratique
(agir), pragmatique (nécessaire). Les choses sont d’abord ce qui favorise ou ce qui empêche notre action au sein du monde.
Elles sont donc des outils qui nous permettent d’atteindre nos tâches, désirs... Les mots viennent simplifier notre action
individuelle puis commune. Ils nous aident à communiquer au sein de la société.

Ainsi, les mots simplifient également le rapport de soi à soi : nos sentiments, états d’âme, sensations... sont désignés par des
mots généraux qui renvoient à des idées générales banales et communes, qui conviennent à des expériences moyennes,
communes de telles ou telles sensations. Alors lorsqu’il arrive à la conscience réfléchie (au moment où je suis capable de
verbaliser), ce sentiment est déjà défiguré, ce n’est déjà plus ce que je ressentait, il est déjà dépersonnalisé, et devient un
sentiment commun à tout le monde.

Ainsi, tout ce sur quoi je vais pouvoir me concentrer, qui me semble être complètement moi, je vais le réfléchir puis le
verbaliser, et ce ne sera déjà plus à moi. Et moi, quand je me désigne, que je me sers de ce mot pour prendre conscience de
moi, grâce à lui, est-ce vraiment ce dont je prends conscience ? En même temps, de quoi prend-on conscience ?

Récapitulation : moi, c’est un mot général qui, comme tout les noms, me donne des points de repère qui m’aident à me
déterminer, car il m’aident à fixer en moi tout ce qui est soumis au changement. C’est ainsi qu’il favorise la prise de
conscience de soi, de son identité, de sa personnalité.
Mais paradoxe : la prise de conscience de soi s’effectue au moyen d’un mot si général, si indéterminé, qu’il en devient vide de
sens. Alors, qu’est ce qu’un moi ?

Dans un « je suis moi », ou « moi c’est moi », qui sont en logique de tautologie (contraire d’être vide de sens), pose l’identité
d’un terme à lui-même.
C’est un mot abstrait qui désigne une idée abstraite qui est moi : suis-je une abstraction ?

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2) Qu’est-ce que le moi ?

Moi m’évoque tout ce que je vis, tout ce que je suis, tout ce que j’ai été. C’est un ensemble assez confus et indistinct, qui est là
quand je dis moi, et même si je ne sait pas trop ce que j’ai dit, je dis quand même quelque chose, qui a du sens, du sens au
moins pour moi.
Sans doute, ce mot moi à du sens par l’usage que j’en fait, et je fais usage de ce mot pour me désigner, me distinguer de tout
autre et de tout autre chose, de tout ce qui n’est pas moi. Ainsi cette formule « je suis moi » est en réalité très utile car elle
m’apporte une définition négative, que l’on définit une chose parce qu’elle n’est pas : je dis indirectement « je ne suis pas toi
». Je ne suis pas toutes ces choses, tous ces outils qui favorisent mon action, même je dis que je suis précisément ce par quoi
il existe un toi, un vous, un eux..., ce par quoi ces choses indéterminées deviennent des outils pour favoriser mes actions.

Alors ainsi pour moi je suis ce par quoi tout cela existe, non pas absolument (je ne les fait pas exister) mais relativement à
moi, car le je pense déjà, j’en ai une représentation, je le perçois, j’agis avec. C’est ainsi que pour moi, je suis le centre du
monde, je fais exister le monde (autour de moi). Tout moi (en latin ego), tout égo, est ainsi nécessairement égocentré, et c’est
d’après Pascal, ce qui me rend « haïssable » :« Le moi est haïssable [...] en un mot, le moi à deux qualités. Il est injuste en soi, en
ce qu’il se fait le centre de tout. Il est incommode aux autres, en ce qu’il veut les asservir. Car chaque moi est l’ennemi, et
voudrait être le tyran de tous les autres », Pensées 455

La tyrannie (pas seulement politique) est animée par « un désir de domination universelle et hors de son ordre », Pensées 332.
Chacun de nous est un tyran, celui qui vas imposer ses vues, ses volontés, celui qui se prétend le maître. Chaque moi est par
définition tyrannique. « Chacun est un tout à soi-même car lui mort, le tout est mort pour soi, et de la vient que chacun croit
être tout à tous », Pensées 457

Alors la tyrannie du moi (que l’on condamne) semble être une nécessité, du fait que nous sommes conscients.

Le point commun à tout les moi est la conscience réfléchie. En temps qu’être conscience, je suis un point de vue, sur lequel
plus aucun point de vue n’est possible, car même quand je fais réflexion sur moi, ça suppose qu’il y ai quelque chose qui
réfléchit en acte, qui prend un point de vue. C’est ce qu’on appelle un sujet, quelqu’un qui est capable de dire je, moi.
Seul est sujet est capable d’exister pour soi. Tout me semble alors exister pour moi.

3) Je suis un sujet, mais qu’elles sont mes limites ?

Je suis un sujet, et en même temps je sais de façon plus ou moins confuse que je suis beaucoup plus que ça, car même sans
s’y connaître, je peux aisément me percevoir comme une énigme, tout du moins je suis source d’étonnement pour moi-
même. Je suis là où je ne m’attendais pas : je ne pensais pas que j’allais réussir, je ne savais pas là où je m’attendais.

Quand je suis attentif à ma vie intérieure, tout ce qui se passe en moi, je découvre un foisonnement, souvent assez confus, de
sentiments, d’images de souvenirs... Mais comment m’y retrouver ? avec le mot moi ? C’est moi et ce mot moi qui à la fois me
simplifie horriblement et qui en même temps nous permet chacun de nous ressaisir lorsque nous sommes perdus, même si
ce que nous sommes demande une idée générale du moi.

Plotin (néoplatonicien, 205-270), Ennéiades : « il n’y a pas un point où l’on peut fixer ses propres limites de manière à dire :
jusque là, c’est moi ».
Fixer ses limites, ce serait s’identifier, se déterminer. Nous croyons que nous pouvons le faire, alors peut être que
contrairement à ce que nous pensons, nous ne sommes rien de déterminé.

Problème : il s’agit de travailler sur le mot moi, une idée qui sort des abstractions, mais en l’occurrence, une abstraction qui
n’est pas comme les autres, car elle est moi, elle me désigne, le plus évidemment, et en même temps de cette abstraction je
peine à me reconnaître. Elle est aussi un obstacle entre moi et moi-même, car elle me simplifie, de sorte que moi, pour moi,

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c’est à la fois tout moi, et peut être rien du moi (ou très peu), de sorte que l’on puisse se demander si le moi et même moi ne
sont pas des constructions intellectuelles, voir un pur produit de mon imagination ?

I/ Qu’est-ce que le moi ?


1) L’indétermination du moi.

Est-ce que cette indétermination du moi traduit l’indétermination de la chose qui me désigne ?

On peut pour commencer entendre l’indétermination du moi comme l’absence de limite ou de contour de moi. Plotin nous
conduisait à cette curieuse question d’où s’arrête le moi, d’où je m’arrête, et d’où commence ce qui n’est pas moi ou ce qui
n’est pas le moi. Je ne suis pas enfermé dans ce que je peux considéré comme étant moi, mais il y a des limites.

Merleau-Ponty (philosophie de la phénoménologie), L’œil et l’esprit : « la vision est suspendue au mouvement, on ne voit que
ce que l’on regarde. Puisqu’il voit et se meut, mon corps tient les choses en cercle autour de soi, elles sont une annexe ou un
prolongement de lui-même [...] Le monde est fait de l’étoffe même de mon corps ».
Il faut distinguer un espace neutre et abstrait que l’on ne perçoit pas de l’espace vécu. Cet espace est vécu par chaque
conscience qui est construit (et non donné) par les expériences possibles ou effectives de la conscience. En ce sens, voir c’est
faire paraître les choses visibles à ses propres yeux, les faire exister pour soi, et ce que je vais voir est lié à ma situation, à
l’orientation du corps qui est à la fois voyant et mobile, par les déplacements réels ou possibles dans l’espace, qui fait des
expériences, et qui fera apparaître un autre monde perçu.

Ainsi, la vision est suspendue au mouvement. Le monde vécu est l’espace dans lequel je vis pour de bon, résulte de ma
présence en son sein, au milieu du monde, et moi je suis au centre, et c’est pourquoi Merleau-Ponty explique que le monde
vécu se déploie à partir de moi, de ce corps que je suis, de ce que je lui fait paraître par mes yeux.

Déjà, nous avons justifié l’idée que je ne sois pas enfermé dans des limites, et ceci par l’activité de ma conscience perceptible,
qui peut aussi imaginer et se représenter des mondes.

De la même manière, Bergson va lui aussi montrer la difficulté de déterminer ce qu’est le moi. Dans l’âme et le corps, le moi
paraît « déborder de toutes part le corps qui lui sont joints ». Elle s’échappe dans le temps (le corps est au présent) et je peux
me projeter très loin dans le passé (souvenirs) et dans l’avenir. Le moi ne semble pas contenu dans ce corps qui lui est joint.
Dans l’espace, le moi s’échappe de ce corps par la perception. Je suis bien plus loin que ce corps qui, lui, occupe une fraction
de l’espace : « par la perception, mon moi va même jusqu’aux étoiles ».

Ainsi, même les contours physiques du moi semblent indéterminés, flous, incertains. Je ne sais pas trop où je suis, j’ai le
sentiment d’être à la fois partout et nulle part, et j’ai en même temps l’expérience d’être au centre, mais en même temps aussi
à la circonférence (je me projette dans tout ce que je vais percevoir). Le moi peux apparaître comme parfaitement
insaisissable.

Du reste, ce que je suis, ce qu’est le moi, c’est un point de vue, sur lequel en dernière analyse, plus aucun point de vue n’est
possible. Platon : « on ne peut pas voir son œil voyant », on ne peut pas voir la vision indépendamment de mon œil voyant.
De là peuvent être les efforts du moi pour se localiser, se situer, se déterminer. Or déterminer c’est à la fois affirmer et nier,
affirmer en excluant, et déterminer le moi c’est exclure tout ce qui n’est pas moi : le « non moi ». C’est tout ce qui me semble
extérieur à moi, et je reconnaîtrait comme moi tout ce qui me semble relever de mon intériorité : la vie de l’esprit ou la vie de
la conscience, pour laquelle il n’y a pas de limite semble-t-il, ni dans le temps ni dans l’espace, et qui semble aussi ne pas
pouvoir coïncider pleinement avec le corps auquel il est joint, par cette faculté que nous avons de pouvoir échapper au corps.

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Ainsi, vivre la vie du moi, en tant que moi, ce serait vivre la vie de quelque chose d’insaisissable, sans limite, sans contenu.
C’est peut être pourquoi tout moi semble plus ou moins tendre à la détermination, tout moi s’interroge sur lui-même, il
cherche à se connaître, à se déterminer. Tout moi tend à (et doit) s’identifier à son corps, au corps qui lui est joint, de façon
qu’il soit son corps. Cette identification nécessaire (survie, bien-être...) peut être représentée comme un drame, comme une
chute, car il y aurait confusion entre la vie du moi et la vie du corps, ce serait une négation du moi.

Saint-Augustin, 354-430, Antiquité.


Il s’inscrit dans la tradition platonicienne et néoplatonicienne (aussi bien Platon que Plotin conçoivent le corps comme une
prison : « le corps est le tombeau de l’âme »). Saint-Augustin ne va s’inscrire dans cette tradition qu’avec l’influence du
christianisme, lorsqu’il va se convertir (avec beaucoup de douleur). C’est un romain, né à Carthage (Algérie), philosophe
chrétien.

Par la suite, 2 grands courants vont s’opposer :


1- le platonicisme, néoplatonicisme et l’augustinisme, avec comme représentation Saint-Anselme (preuve cartésienne), et de
là vont sortir Descartes, Malebranche et le jansénisme (Pascal).
2- la philosophie médiévale jusqu’au franciscain et thomisme avec Saint-Thomas d’Aquin.

Saint-Augustin apporte la première philosophie du moi (qui n’existait pas dans l’Antiquité) et invente la philosophie de la
volonté.

Saint-Augustin, Confessions (397-409) : un projet très particulier. Il ne s’agit pas dedans de promouvoir le moi, ni d’être une
valeur exemplaire. C’est une grande autobiographie qui est en fait une sorte de grand dialogue intime avec Dieu. C’est l’idée
de la confession (aveu des pêchés) et de la profession de foi (amour pour la religion). Il s’y dessine une anthropologie ( :
discours sur l’homme) nouvelle car elle est différente du christianisme de l’Antiquité.

2 grandes parties de ce livre :

1- Livre I à IX : plus clairement autobiographique, il évoque son enfance, avec une image horrible de l’enfance, tout en mal,
pleine de pêchés... Il évoque ensuite son adolescence et sa jeunesse. Il est tourmenté et obsédé par le sexe, menant une vie
de débauche épouvantable, et le vivant de façon extrêmement douloureuse, avec un désir charnel très fort et en parallèle un
désir ardent de sagesse, ayant lu Platon et Cicéron.

Il va fréquenter une secte : le manichéisme, apparue vers le 3ème siècle après J-C. Il se cherche, ne trouve pas sa voie, et cette
secte propose un mélange de christianisme, bouddhisme et de religions perses. Le manichéisme s’explique à partir de 2
principes, un bon et un mauvais qui entrent en combat (combat entre la matière et l’esprit), avec des pratiques quotidiennes
(végétarien, pas d’alcool, par de rapports sexuels). C’est un passage très important pour Saint-Augustin. Il devient professeur
de rhétorique, se marie et a un fils. Mais la philosophie ne lui suffit pas, il cherche encore ce qui pourra satisfaire sa demande
intellectuelle philosophique.
Suite à la lecture de Saint-Paul, il se convertit au christianisme. Cette conversion va être très douloureuse, et il va la faire en
s’observant lui-même. Pour lui, c’est une idée de changement, de métamorphose, qu’il va reprendre dans un sens
théologique et spirituel. Il ne nous raconte pas que sa pensée, nous faisons aussi des conversions dans la vie, et nous avons
aussi le sentiment de ne pas trouver notre voie.

Au livre VIII, il reprend le parcourt de la connaissance de soi, ce conflit qu’il retrouve en lui, la conscience d’une servitude
(charnel) :

- Chapitre V : « non pas par des fers étrangers, mais par ma propre volonté, qui était plus dure que le fer ». Il raconte son
combat entre la volonté charnelle et spirituelle qui « déchirait son âme ». Il invente ici le tourment intérieur, la psychologie.

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- Chapitre VIII : il évoque un épisode très important pour sa conversion. Il se retire dans un jardin, très tourmenté, et il ne
parvient pas à choisir malgré sa volonté : « une violente indignation contre moi-même » (crise psychologique). Il commence à
réfléchir sur le fait que tout ce qu’il a voulu, il l’a fait car ses membres étaient en état de la faire et qu’il en avait la volonté : «
j’ai donc fait plusieurs actions où le vouloir et le pouvoir n’étaient pas une même chose ». Il distingue vouloir et pouvoir, se
disant que son corps obéi plus facilement à sa volonté même quand elle est bien faible.

-Chapitre IX (texte) : il pose le problème/paradoxe théorique : comment se fait-il que lorsque l’esprit s’adresse à la matière, la
matière obéit, mais qu’entre moi et moi, ça n’obéit pas ?
Réponse : ma volonté n’est pas pleine et entière, ce n’est pas une résistance, mais un défaut de ma volonté. La volonté de
conversion de Saint-Augustin n’est pas aussi ardente qu’il le pensait, son esprit est encore asservit par ses passions, qui
l’attirent encore -> prise de conscience de l’asservissement de l’esprit. S’il n’y arrive pas, c’est qu’il ne le veut pas vraiment :
conflit entre sa volonté et elle-même ; nous voulons et nous ne voulons pas.

-Chapitre X : de là il en vient à réfuter l’erreur du manichéen : il n’y a pas 2 volontés : « j’étais moi-même, celui qui le
voulait et ne le voulait pas, j’étais sans doute l’un et l’autre ».

2- Le livre X est consacré au moi. La recherche de Saint-Augustin n’est pas une recherche de connaissance de soi (quand on
se cherche sur soi n’est pas forcément se connaître). Pour lui, l’homme ne peut pas se connaître tout entier car la connaissance
suppose une séparation entre le sujet qui pense et l’objet connu. Ce qui connaît demeure nécessairement inconnue (on ne
peut pas voir son œil voyant). Sa recherche est la conversion qui consiste à être pleinement en accord avec soi, réconcilier son
esprit avec lui-même, et ne pas s’enfermer en lui mais s’ouvrir (ouverture de l’âme à Dieu), dans un projet de vie entièrement
spirituelle. Il veut sortir de la connaissance de soi, car être soi n’est pas se connaître, et ainsi oublier la détermination et la
connaissance.

Ainsi il conçoit cette conversion comme une crise, comme un retour à la vie, car le pêché est la mort (spirituelle). Ce pêché
originel est ce qui sépare l’homme de lui-même et qui le livre à la concupiscence, au mépris de Dieu.
D’après lui, il y a 3 libidos en l’homme : le désir de jouir, le désir de dominer et le désir de voir. « libido sciendi » : le désir
de connaître, la curiosité. La condamnation du désir de connaître est pour l’homme lorsqu’il a mangé le fruit de la
connaissance (pêché originel). Il établit ces 3 principes pour cerner le concept du moi, qui est définit par son amour propre,
un égocentrisme, amour tourné vers soi, par lequel le moi s’enferme dans les limites définies par ses principes (les 3 libidos)
et qui le détourne de Dieu.

1640

Le courant du jansénisme vient du nom d’un évêque hollandais Jansen ov Jansenius. Il publie en 1600 un ouvrage,
Augustinus.

C’est un projet de réforme de l’église catholique suite à une correspondance entre Jansen et l’abbé de Saint Cyran qui va
devenir le directeur spirituel de l’abbaye de Port Royal des Champs, liée au jansénisme. Pascal et sa sœur étudieront là-bas.
L’abbé Saint Cyran fût condamné 2 fois par le Pape et enfermé par Richelieu, et ce courant fût interdit par Louis XIV.

Il propose une lecture de Saint-Augustin mais qui radicalise son anthropologie. C’est une vision très sombre où même l’effort
de l’homme pour s’élever au dessus de sa condition est encore interprété comme une preuve d’orgueil ou d’amour propre. Il
s’oppose à l’idéal héroïque issu du stoïcisme (passions maitrisées) qui subit un renouveau au XVIIème, représenté par
Descartes en philosophie et Corneille en littérature.

Le jansénisme, représenté par Racine, Laroche Foucault, Pascal... compare la représentation de l’héroïsme (amour propre,
orgueil...).

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« Il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi », Pascal, Pensées 476. Il propose cette défi nition de l’amour propre qui va
devenir le moi comme « instinct qui porte à se faire Dieu », en retrouvant les 3 libidos de Saint-Augustin, en même temps que
cette conscience aigu d’un confl it intérieur vécu et surtout l’impossibilité pour l’homme déchu de s’élever au dessus de sa
condition sans le secours de la grâce.

Pour Pascal, la grâce est non pas la récompense du mérite (c’est exclu) mais elle est donnée par Dieu au hasard : principe de la
grâce efficace selon lequel nous n’avons pas à attendre quoi que ce soit de notre conduite. C’est une représentation très
négative du moi en général, dont le pêché originel est une tragédie dont l’homme ne s’est jamais relevé.

Le désespoir de la pensée pascalienne : l’homme est déchu d’une meilleure nature, qui était la sienne avant le pêché originel
qui livre l’homme aux 3 concupiscences. Le souvenir de cette meilleure nature le tourmente, c’est un être profondément
malheureux et souffrant. Il confronte ce qu’il a été et ce qu’il est devenu : l’homme est un être foncièrement inquiet.

L’inquiétude est le fait de ne pas pouvoir rester en repos, et qui va finir par entrer dans la définition de l’homme (et du moi)
en général. Elle nous pousse à désirer et désirer la quiétude. Ainsi, ce moi qui devient cette inquiétude va désirer la quiétude
et pour un moi qui est indéterminé et qui ne sait pas vraiment qui il est, il vas tendre vers / désirer la détermination. Ce moi
est un être qui questionne car il est déchu, car chassé du paradis originel où il ne se posait pas de question, il cherche et se
question aussi lui- même, c’est sa principale occupation. Lorsqu’il parvient à se connaître, à se donner une définition, il
s’enferme dans cette définition : le moi inquiet se nie (cette détermination nie le moi). Toute réponse nie ce que je suis, c’est-
à-dire une chose qui questionne. Il a perdu le désir de ce connaître, la recherche de soi. Le désir disparaît : « malheur à celui
qui n’a plus rien à désirer ».

Conclusion : l’indétermination du moi est nécessaire, c’est la définition du moi : l’indétermination, l’inquiétude (termes
négatifs). Ainsi, on en vient à comprendre que la vraie vie du moi semble être la vie de l’esprit, qu’elle ne connaissait pas de
limites sinon celles qu’il se donne lui même, car cela n’est pas facile de vivre une vie sans limites.
C’est peut être le sens que l’on peut donner à la fameuse injonction « connais-toi toi-même », qui est l’une des grandes
formules de l’enseignement socratique, que Platon interprète par : « apprend que tu ne sait rien de toi », accepte
l’indétermination, l’inquiétude.

Pascal fait aussi référence à ce dépouillement de matière de connaissance (que Socrate exigeait de ses élèves), du moins en
matière de ce que nous croyons connaître et aussi des préjugés et des faux-savoirs que l’on peut avoir à propos de soi-même.
Dés lors, la tradition platonicienne, néoplatonicienne et augustinienne nous amène à une contradiction éminemment
paradoxale : la connaissance entraîne l’oubli du questionnement, car la connaissance m’apporte le repos (illusoire), la
quiétude, la tranquillité dans les réponses que l’on se donne ou que l’on nous donne dans notre connaissance de soi. Il nous
fait donc oublier ce que nous sommes vraiment : des questionneurs.

Ainsi la connaissance de soi devient de qui me sépare de moi-même car elle veut la détermination qui dissimule notre
inquiétude, cette faculté de questionner que semble être le moi foncièrement.

Articulation : on en vient ainsi à se demander si nous ne devons pas l’invention du sujet à la philosophie cartésienne, n’étant
pas destinée à mettre un nom sur ce quelque chose qui questionne.

2) L’invention du sujet : la révolution cartésienne.

C’est une révolution de la pensée, de la science philosophique, dans la manière de philosopher. C’est une rupture par rapport
à ce qui précède, que nous devons à Descartes, bien qu’il soit aussi l’héritier de la philosophie qui l’a formé : la philosophie
médiévale scolastique, « l’Ecole » d’inspiration aristo- phénicienne.

Descartes est un aventurier (il fut soldat, a fait beaucoup de voyages...) de la pensée, qualifié par Hegel d’ « un héros qui a
repris les choses entièrement par le commencement et a constitué à nouveau le sol de la philosophie ». Ce sol est

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le pensé, le sujet. Son travail est une rupture mais reste dans la continuité : c’est le point de départ de la philosophie moderne
(17-18ème) qui résulte de cette invention progressive de la science moderne (Galilée puis Pascal et Descartes).

Les premières réflexions de Descartes concernent la méthode, dans Le discours de la méthode (1637), avec en plus une
remise en question de la pensée aristo-phénicienne. Descartes et Galilée vont prendre en charge la tentative de rendre raison
les mathématiques sur le monde réel ‘mathématisation de la physique), en sortant la physique d’avant, en rendant compte
du monde matériel. C’est ainsi qu’il va commencer sa tâche de métaphysicien qui va le conduire à s’interroger sur ce qui va
être nommé « un sujet connaissant ». En premier lieu il fait apparaître ce sujet connaissant :

Méditations I : écrites en 1641 en latin, assorties d’objections (Hobbes, ...) et en 1647 en français.

Il expose son objectif : « commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de
constant dans les sciences ». Il justifie les deux moments de cette entreprise :

- le méthodique (le doute) de faire le trie et évacuer les connaissances qui ne sont pas justifiées. C’est un moment négatif
qui va rééditer la connaissance.

- la révocation en doute de la connaissance sensible de son propre corps, de l’expérience sensible.

Il construit 2 arguments pour révoquer en doute :

1- l’argument de la folie

2- l’argument du rêve

1- Il y a des fous qui ont une perception d’eux-mêmes qui est totalement fausse : ils croient être une cruche ou un corps de
verre. C’est la preuve qu’il est possible d’être trompé sur ma perception externe du corps mais aussi interne. Ce sont des
expériences de la vie où je suis comme un fou, comme le rêve.

2- « je suis comme les fous » car quand je rêve je suis plongé dans l’illusion, et ce que je vis en réalité n’a rien à voir. Est-ce
qu’on peut prendre le rêve pour la réalité ? Qui me dit que la réalité n’est pas un rêve ? Ce que je crois être par mes sens n’est
peut être pas la réalité -> il ne peut se fier à l’expérience sensible de son corps. Il révoque alors les sciences matérielles par le
doute. Les vérités mathématiques qui ne passent pas par les sens paraissent indubitables.

Il révoque jusqu’à la médiation 5 par l’invention d’une hypothèse : le dieu trompeur qui fait intervenir la distinction entre
certitude et vérité, à supposer qu’il existe un dieu qui fasse que je me trompe et qu’il me fasse trouver un résultat qui ne soit
pas le véritable. Les mathématiques peuvent entièrement travailler à priori ; être certain de quelque chose alors que je me
trompe et que je n’ai aucun moyen de rectifier mon erreur. Je ne peux pas considérer que les vérités mathématiques sont des
vérités indubitables, donc je révoque en doute.

Fin de la 1ère méditation : tous les contenus de connaissance ont été révoqués en doute, on ne sais pas si c’est vrai ou faux.
Ces connaissances avec lesquelles Descartes a vécu ont tendance à lui revenir à l’esprit car non seulement il y est accoutumé,
mais en plus il se trouve que ces connaissances sont forts probables. Il prend conscience du danger de voir son travail
méthodique réduit au néant et de recommencer à penser des opinions douteuses, de recommencer à croire. Pour éviter, il
adopte une règle de méthode qui consiste à feindre que tout est faux. Il personnifie cette règle dans cette fiction qui est le
malin génie : il symbolise tout ce qui peut maîtriser mon jugement et ce qui fait que je donne du crédit à e que je sais
douteux, aussi bien de l’extérieur qu’en moi-même. Descartes l’invoque à chaque fois qu’une pensée se présentera à son
esprit et il pourra se dire que c’est le malin génie qui le contraint à penser alors que c’est faux. Pour éviter de succomber à
cette séduction, il suspend son jugement (procédé des philosophes sceptiques) pour ne pas se tromper même s’il n’est pas en
état de faire la part du vrai et du faux.

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Méditation II : période de frayeur, incertitude qui abouti au cogito.

« Cogito ergo sum » / « Je pense donc je suis » est l’encrage, mais dans les Méditations II c’est différent : « Ego sum, ego
existo » / « Je suis, j’existe », cette proposition est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la
conçoit en mon esprit ».

C’est une nécessité hypothétique : cette proposition est vraie sous l’hypothèse que je la prononce ou que je la conçoit en mon
esprit -> actes de l’esprit. Cette vérité est suspendue à l’expérience actuelle de ma pensée dont l’évidence est garantie par le
malin génie car il peut me tromper sur les contenus de ma connaissance et aussi de la connaissance de moi. Mais il ne peut
me tromper sur l’acte lui-même par lequel je connais car se tromper est encore le fait d’une pensée en acte, penser quelque
chose de faux c’est encore penser et donc je suis. C’est la première vérité à partir de laquelle Descartes va déduire toutes les
autres connaissances qu’il avait révoqué en doute.

Après cette découverte, il se lance dans une nouvelle recherche destinée à savoir ce que je suis car il est très important que je
ne me prenne pas pour ce que je ne suis pas et le fait est que lorsque je dit « moi, je suis, j’existe », je me représente quelque
chose. Question qui se pose alors : est-ce que ces représentations sont conformes à la réalité ?

§1 : il réexamine les opinions qui étaient dans son esprit avant d’entreprendre sa méthode. Ici il s’agit de l’opinion qu’il
croyait de lui-même.

1- il commence par proposer des définitions : « Qu’est-ce donc que j’ai cru être ci-devant ? Sans difficulté, j’ai pensé que j’étais
un homme. Mais qu’est-ce qu’un homme ? ». Il va immédiatement éliminer ce type de définition qui va l’entraîner de
définitions en définitions. Il passe à un autre type de représentation.

2- Les représentations que je trouve à partir de moi-même devraient être plus justes. Il propose 2 définitions : « je suis un
corps » et « ce corps est animé ». Elles sont facilement révoquées par la révocation du malin génie qui m’amène à revenir à
me souvenir que la représentation du corps et de la matière en général est douteuse. Il se peut que je n’aie pas de corps bien
que je me représente en avoir un. D’autre part Descartes se représente ce corps comme animé : il le compare à une pierre, qui
ne sent pas et qui ne se meut pas de soi-même.

3- Il lui vient une idée d’une âme qui anime ce corps. La matière en elle-même semble incapable de s’animer. Il définit
d’abord l’âme comme un principe d’animation du corps.

§2 : il pense l’âme comme une animation du corps et il va passer aux attributs de l’âme : ce qu’il y a de la présence d’une âme
dans quelque chose d’animé.

1- Me nourrir, marcher, sentir, penser. L’un peut-il convenir à l’âme spécifiquement, même indépendamment de l’existence
de la nature corporelle ? Me nourrir et marcher ne sont pas des attributs de l’âme, mais mon corps ne peut le faire tout seul
sans l’âme. Je ne peut pas non plus sentir sans le corps : ce sont l’union de l’âme et du corps.

2- Puis-je penser si je n’ai pas de corps ? Je pense en présupposant que je n’ai pas de corps lors de mon analyse. Par où je
peux montrer que la pensée est un attribut de l’âme seul et non de l’union de l’âme et du corps ?
—> principe d’animation du corps. Descartes réfute cette représentation de l’âme. Il identifie la pensée/ l’attribut de penser
comme le seul attribut qui définit essentiellement l’âme = ce qui me définit moi.

Ainsi, qu’est ce que je suis ? Qu’est-ce qui me définit essentiellement ? —> une chose qui pense (un esprit, un entendement,
une raison...).
Ce qui compte c’est l’idée d’une chose qui pense, qui traduit : « res cogitans » (=« chose en train de penser »).
Indétermination pour le moment, tout ce qu’on sait c’est que nous sommes une chose qui pense.

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Il précise par la suite qu’il peut être certain de ne pas se tromper sur le caractère de l’attribut de l’âme, il est certain que ce
n’est pas le produit de son imagination. On peut imaginer l’âme principe de l’animation du corps de différentes manières : «
un air délié pénétrant », « un vent, un souffle, une vapeur »... Par contre, je ne peut pas imaginer une chose qui pense.

§3 : Descartes explique que cette chose qui pense ne peut pas être le produit de l’imagination car « imaginer n’est autre chose
que contempler la figure ou l’image d’une chose corporelle ». L’imagination travail toujours à partir de ce que j’ai déjà perçu,
je ne peux donc pas me représenter une chose qui pense si je ne suis pas une chose qui pense.

Distinction imaginer/percevoir (nous nous appuyons sur l’imagination pour notre travail de perception). Pour concevoir la
chose qui pense on passe donc par l’image abstraite de l’imagination.

§4 : Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? Pour commencer à définir une chose qui pense, Descartes énumère un certain
nombre de verbe : « 1 ». L’activité de penser trouve ces différentes modalités, que l’on peut regrouper par grandes catégories :
- vouloir : douter, affirmer, nier, vouloir, ne pas vouloir : toutes les activités de l’esprit qui font intervenir la volonté

- concevoir : former un concept en mon esprit


- sentir et imaginer : l’imagination travail a partir de ce qui a déjà été perçu : lié à la sensibilité.

Quand l’esprit pense, il est amené à exercer sa volonté, à concevoir et à sentir (et imaginer à partir de ce qu’elle à sentit). 3
grandes activités de l’esprit qui renvoient toute à la pensée. Descartes propose une définition de la pensée, en général, « par
le nom de pensée, je comprend tout ce qui est tellement en nous, que nous en sommes immédiatement connaissant » (le
connaissant traduit le latin « conscient »). Ainsi, ce qui va faire le point commun à ses différentes activités de l’esprit, c’est que
j’en suis conscient, et dans tout les cas je suis le même (qui doute et qui a conscience de douter... ). Descartes met en évidence
ici l’identité d’un même sujet, qui est révélé par ses actes. Ce sujet pensant qui a conscience de penser, qui a conscience de
ses pensées (activité/contenu), quoi qu’il en soit de la vérité de ce qu’il pense, c’est-à-dire de son adéquation avec la réalité.

En ce point de l’analyse (Méditation II) tout ce que Descartes a mis en évidence est cette chose qui pense, et donc ce sujet, qui
reste le même dans toutes ses activités, qui est indiqué par ses actes, et Descartes ne se prononce absolument pas sur le fait
que ce sujet soit quelque chose de matériel ou d’immatériel. Il n’en sait rien.

Hobbes adresse une 3ème objection à Descartes : mais qu’est ce qui vous dit que ce sujet n’est pas une chose matérielle. En
effet il ne se prononce pas sur le caractère du sujet pensant. C’est seulement dans la 6ème Méditation, au terme de la chaîne
déductive, il parvient à déterminer le caractère substantiel de la chose qui pense (de l’esprit/de l’âme), c’est-à-dire
l’indépendance de l’esprit par rapport à la matière et sa permanence sous le changement : la chose qui pense reste identique
à soi quelque soit ses activités et quelque soit le contenu de sa pensée, le sujet n’est pas affecté par ses actes. Il devait
retrouver l’existence de la matière pour pouvoir poser le caractère substantiel de l’esprit qui est donc une substance
immatérielle.

Définition du sujet : « une substance dont toutes les sens ou la nature n’est que de penser » cette substance étant
qualifiée essentiellement par cet attribut de penser donc toutes les activités ne sont que des modalités, des manières d’être
de la substance pensante.

Au terme de l’analyse, Descartes pose enfin cette thèse célébrissime qu’est la distinction substantielle de la matière et de
l’esprit, et il parvient à cette définition de lui-même essentiellement comme chose qui pense dont il va par la suite s’efforcer
de refonder l’union avec le corps.

2 caractère généraux de la substance : ce qui subsiste par soi, ce qui subsiste sous le changement, ce que le sujet pense ne
l’affecte pas. A partir de cette substantialité de ce sujet, on arrive à son identité.
Essence : ensemble des caractères qui permettent de définir quelque chose / Accident : ce qui s’ajoute à la définition de
l’essence sans la modifier, ce qu’on pourrait ôter sans que la chose elle-même soit transformée essentiellement. Le corps est
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une chose qui arrive accidentellement, il est ce que je suis mais accidentellement, car si je considère que je n’ai pas de corps,
il n’en demeure pas moins que je continu à être ce que je suis, c’est-à-dire un penser. Je peux être privé de ma faculté de
juger (malin génie) mais je demeure un être pensant.

A terme, Descartes pose la distinction substantielle de l’esprit et du corps, et ne le remettra jamais en question. Il
retrouve la certitude de l’existence objective du monde matériel (objective : objet / subjective : sujet).

Distinction de deux plans :


- le plan de l’existence : est-ce que j’existe ? il manque à Descartes un critère qui lui garantisse son existence. Nous allons
d’abord nous référer à des sensations internes et externes de notre corps, et c’est cela qu’il remet en question avec l’argument
de la folie puis l’argument du rêve. Avec le cogito, il sait qu’il existe, mais il trouve un indice absolument concluant qui lui
prouve avec certitude que cette connaissance qu’il a de son existence est vraie, c’est le critère de la vérité de la proposition « je
suis, j’existe ». Je me pose dans l’être et j’ai avec la pensée un critère absolu qui me donne le droit de le faire.

- le plan de l’essence : qu’est-ce que je suis ? maintenant je vais partir à la recherche de ce que je suis, de mon essence. Il
aboutit à la formule « je suis une chose qui pense », c’est un jugement qui dit quelque chose (chose qui pense), de quelque
chose

(moi). C’est une relation qui établie une identité avec le verbe être, entre le je qui pense (un sujet) et ce qu’il pense. Et que
pense- t-il, ce je qui pense ? Il pense « chose qui pense », ce qui revient à dire « je me pense pensant », et c’est indubitable pour
cette raison. C’est indubitable car l’identité entre ces deux termes est donnée d’emblée et cette identité est ici une identité à
soi. Descartes pose l’identité à soi du sujet qui est donné immédiatement, sans médiation (là où il nous faudrait de très
longues médiations pour établir cette toute bête proposition « je suis un homme »).

Conclusion I

Qu’est-ce que le moi ? le caractère indéterminé du moi —> concept d’inquiétude (Saint-Augustin et Pascal) qui entre dans la
définition de l’homme et qui permet d’expliquer ce désir de quiétude, identifié à une tendance à la détermination, à se
localiser, à se loger dans un corps, à s’y enfermer quitte à y souffrir énormément (nouvelle idée du conflit intérieur entre la
volonté et elle même). De manière générale, on peut voir chez le moi cet effort pour se définir, se donner une définition, se
connaître, mais aussi de se donner une essence, et si possible une définition la plus indiscutable possible et ce qui conduit
Descartes à aboutir à cette définition de la chose qui pense. Définition indubitable mais en même temps très réductrice car ce
qui me caractérise est que je suis un sujet et je peut m’identifier ainsi, c’est-à-dire établir l’identité du « je » qui pense au moi,
qui est pensé de sorte que la proposition « je suis une chose qui pense » puisse être reformulée en « je suis moi » et puisque
en l’occurrence le je c’est moi, cette proposition peut également se reformuler « moi = moi » qui est donc cette tautologie
qui est apparemment tautologie première et qui est par définition vide de sens au plan logique car elle ne pose que
l’identité à soi d’un terme, mais qui dans le contexte de la recherche cartésienne. Cette identité à soi du sujet qui est posé ici
non seulement conduit à une promotion de la subjectivité, de l’égo, qui est sans précédente dans l’histoire de la philosophie,
et d’autre part ce que pose Descartes ainsi grâce à son cogito : l’indépendance de l’esprit humain par rapport à toute
autre chose, c’est-à-dire le corps, la matière, et les autres, le malin génie qui représente tout ce qui en moi peut
me tromper, mais aussi tout ce que je vais recevoir de l’extérieur et qui se rend maitre de mon jugement, et
Dieu —> émancipation de la pensée, affranchissement de l’esprit, qui va commencer au 17ème siècle qui va pouvoir
s’appuyer sur une science (grâce au geste de Galilée, thèse contre l’église). C’est pour cette raison que Descartes écrit à la 1ère
personne car il dit « faites la démarche avec moi et émancipez vous ».

Ainsi, on dit souvent que le moment de la découverte du cogito (fin de la 2ème Méditation) est un moment solipsiste (« je
suis tout seul ») : qui suit le moment sceptique, qui indique l’attitude intellectuelle qui consiste à considéré que la seule
réalité est moi. Mais en même temps Descartes montre que la condition première de la vie du sujet, qui est la vie de l’esprit,
c’est la solitude. Penser librement c’est être seul : un moment donné, on a rejeté hors de soi tout ce qui nous arrive de
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l’extérieur dont on ne s’est pas encore emparé, que l’on a pas repenser soi-même. Ça peut être le fait physique d’être seul, ou
l’état. Ceci est bien en évidence par le fait que je peux douter de tout (le doute est la première affirmation de la liberté de
l’esprit), et alors je m’arrête (idée de la suspension du jugement), je m’abstient d’identifier ma représentation, ce que je
pense, et la chose. C’est dans cette suspension, qui m’isole de tout ce que je peux penser, que je prend conscience, que je
réalise véritablement ma liberté de sujet pensant. Car être un sujet c’est certes être quelque chose de technique, mais c’est
d’abord foncièrement être libre (le contraire du sujet est la chose, qui peut être vendue, transformée ...). A partir de Méditation
III commence la reconquête des connaissances qui ont été révoquées en doute précédemment. Descartes commence par se
mettre en marche pour essayer de trouver s’il n’y aurais pas quelque chose d’autre que lui qui existe, et c’est dans cette
perspective qu’il va se demander si par hasard Dieu n’existerait pas, et ainsi « je saurais que je ne suis pas seul au monde ».

Ce que montre enfin Descartes c’est que tout sujet qui tend à se connaître, tout sujet méditant que nous sommes, qui est
engagé dans cette recherche, prend le risque lorsqu’il se tourne vers lui-même de demeurer prisonnier de lui-même, de
demeurer prisonnier de cette tautologie, en tête à tête avec soi-même au milieu de rien, de sorte qu’au bout d’un moment je
puisse me dire « certes moi je suis moi j’existe moi je suis un sujet » et puisque ce sujet c’est aussi ce par quoi un moi peut
exister pour moi, je finis par risquer de découvrir que je suis moi-même une création de mon esprit, je suis une
représentation pour moi. Si je suis un sujet, ne suis-je que cela ? Si je ne suis que cela, ce moi que je suis a-t-il la moindre
réalité ?

II/ La question de l’identité du sujet

Quand on s’interroge sur soi, quand on pose la question « qui suis-je ? », le questionnement semble porter sur son identité, ce
qui m’identifie. Dans l’introduction, nous avions dit que au moins cette identité est donnée par le mot « moi », qui a au moins
l’avantage de rendre possible la nomination. En plus avec ce mot moi, je désigne de manière générale tout ce que je suis, qui
recouvre une multitude d’éléments hétérogènes, et c’est ainsi que nous avions évoqué l’indétermination du moi. Du coup,
la question de l’identité est aussi celle de tous, elle revient à se demander auparavant comment déterminer cette indéterminé
que je suis, cela est-il même possible ? Cette tâche est la tâche de Descartes dans l’analyse que nous avons vu, et cette
démarche cartésienne nous reconduit à l’acte lui-même (déterminer, affirmer, nier), à l’acte de détermination lui-même qui
est un acte de penser, ce qu’on appelle le « je pense » qui induit le sujet. Dans un premier temps, Descartes doit s’en tenir la :
que suis-je ? un sujet pensant et je ne suis que cela ; mais posant cette vérité, Descartes indique aussi que je suis ce qui
détermine, je suis ce qui m’identifie (promotion de l’égo). Je suis ce sujet qui n’est véritablement ce qu’il est dans cette
activité de penser, c’est-à-dire, entre autre, dans cette activité d’autodétermination, ou encore d’affirmation de soi. Descartes
fait consister le point de départ, le fondement et l’origine de la philosophie et de la science dans un sujet qui s’auto-
détermine, qui s’identifie. Cette démarche soulève de multiples interrogations et elle a une énorme portée et d’énormes
enjeux.

1) L’identité du sujet.

Parmi les multiples objections qui ont été faites de ce cogito, qui sont évidentes lorsqu’on lit les Méditations et qui portent sur
les démarches cartésiennes, après la mise en évidence du « je suis, j’existe ». 2 objections majeures :

• La 1ère objection concerne cette manière qu’a Descartes de déduire l’identité à soi du sujet, le fait que le sujet reste le
même, de l’identité du « je pense ». Est-ce que parce que l’acte est identique à soi, le sujet est le même ?

• La 2ème objection concerne ce qui se passe une fois que Descartes a établit la distinction substantielle de l’esprit et de la
matière, il déduit la substantialité de l’identité du sujet. Ce n’est pas parce qu’on reste le même que l’on est
nécessairement une substance indépendante de tout autre chose que soit, et qui n’est pas affecté par ses
propres pensées. Or quand je pense identité de l’acte de penser, je ne pense absolument pas en même temps
substantialité.
Ces deux grandes objections vont être prises en charge par Kant au siècle suivant. L’analyse de Kant permettant de mettre

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en évidence les enjeux épistémologiques de l’analyse cartésienne et de manière générale de la question du sujet.
Kant, Critique de la raison pure, 1781 (puis une autre édition car le premier jugé trop obscur). Ouvrage tardif de Kant qui
était déjà un grand philosophe : il publie cette première critique (il y en aura trois), va représenter sa véritable
philosophie, et qui concerne la question de la science. C’est appelé par ce que propose Descartes avant.
Dans la préface de la seconde édition, Kant nous dit lui même que la Critique de la raison pure est un traité de méthode.
Pour construire cette méthode, Kant commence par expliquer qu’il est nécessaire de se livrer à une critique (une crise) :
c’est l’état de la philosophie de son époque en crise, donc il fait une critique. Il explique que cette philosophie est dans
une situation de crise car elle est devenue un champ de bataille « de combats sans fin entre écoles philosophiques rivales »,
des écoles qui ne consacrent plus leur énergie qu’à détruire les systèmes inventés par les autres, la philosophie est en train
de mourir. Cette crise de la métaphysique risque d’entraîner la ruine de la philosophie et donc de la science. Alors Kant
nous dit que la solution consiste à adopter une décision radicale pour sortir la métaphysique de cette stérilité dans laquelle
elle se trouve, qu’il compare à la révolution qu’a constitué dans l’histoire des sciences le passager d’un système géo-centré
à un système hélio-centré que nous devons à Copernic. C’est le point de départ. Sur le modèle de cette révolution, Kant
invente l’idée de la révolution copernicienne en métaphysique dont il présente les tenants et aboutissants dans la préface
de son ouvrage : « On admettait jusqu’ici que notre connaissance devait se régler sur les objets, que l’on essaie
donc une fois de voir si nous ne serions pas plus heureux dans les tâches de la métaphysique en admettant
que les objets doivent se régler sur notre connaissance »
Kant justifie ainsi la nécessité de questionner les capacités de l’esprit humain, de sorte que la première question à poser «
que puis-je connaître ? ». C’est ainsi que la réflexion de Kant dans toute la première partie du livre va le conduire à
réfléchir, questionner et identifier la nature du sujet pensant. Cette entreprise critique va le conduire finalement à identifier
le sujet, et il va arriver au sujet en étudiant ses actes : un sujet connaissance, ça agit. Pour identifier ces actes du sujet
connaissance, il va commencer à réfléchir sur l’origine de nos connaissances, d’où viennent-elles. Il y a 2 souches de nos
connaissances qui vont correspondre à 2 facultés de l’esprit, du sujet, qui sont :

1- la sensibilité = la réceptivité = l’intuition sensible

2- l’entendement

La lecture de Hume conduit Kant au principe que connaître quelque chose revient à l’expérimenter au moyen de la
sensibilité. Les objets nous sont donnés (on reçoit) au moyen de l’entendement, ils sont pensés et c’est indispensable pour
la connaissance. Comment la synthèse entre ce qui est donné et pensé est-elle possible ? Sachant que pour avoir
connaissance scientifique il faut que quelque chose soit donné et pensé. La connaissance suppose la synthèse.

La sensibilité est elle même composée d’une matière et d’une forme :


- la matière de l’intuition sensible (moyen des sens) : ce sont les sensations, matière de la connaissance qui sont à
postériori
- les formes : il y en a 2, l’espace et le temps qui sont à priori. Ce sont les structures dynamiques de l’esprit, de la
subjectivité, qui n’existent qu’à partir du moment où une perception à lieu, au moment où ce sont l’espace et/ou le temps qui
interviennent pour constituer l’unité de l’objet perçu (moment où la perception se produit), et non pas appréhender une
connexion de sensation hétérogènes qui ne nous donneraient pas à connaître et à percevoir.

L’espace et le temps viennent coordonner les sensations, ce sont donc les conditions de la donation d’un objet dans
l’intuition/ l’expérience. Cet objet qui est l’objet pour nous, c’est ce que Kant appelle des phénomènes. L’objet est ce qui
fait face à la conscience. Le phénomène est le visible, le paraître, ce qui paraît à la conscience, qu’il faut distinguer de
l’apparence (qui est trompeuse, non fiable).

Il faut bien distinguer les 2. Nous ne pouvons connaître les objets qu’en tant que phénomènes, qu’en tant que paraître à la
conscience et non pas tels qu’ils sont en soi, c’est-à-dire pris dans l’absolue, en tant que « chose en soi ». Kant part du
principe que les objets (qui sont donnés à notre conscience) doivent aussi avoir une réalité en soi, c’est-à-dire sans relation la

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conscience. Si ce n’était pas le cas, cela voudrait dire que le réel se règle entièrement par notre connaissance et dépend
entièrement de la subjectivité humaine. Mais cette réalité en soi de ces objets, nous ne pouvons pas l’appréhender
(=connaître) car pour nous c’est toujours d’abord percevoir (=sentir) selon les formes de l’espace et du temps.

On présupposera logiquement que les principes qui sont les objets pour nous ont aussi une réalité comme chose en soi. Nous
pourrons la penser, mais nous ne pourrons pas la connaître. Elle n’est donc jamais connue car il n’y a pas de contact avec
l’objet. Néanmoins le phénomène (=l’objet perçu) n’est pas encore à lui tout seul objet de la science.

Pour que l’on passe de la simple perception à une véritable connaissance, il faut faire intervenir la 2ème faculté qui est
l’entendement, qui produit spontanément des concepts universels nécessaires à priori, qui permettra d’universaliser ce
qui est donné de l’expérience et de passer de la perception à la connaissance.

Ainsi, Kant définit ces concepts ou catégories comme des règles ou encore des méthodes pour la synthèse des
représentations, de sorte que ces concepts sont eux aussi des structures à priori de la subjectivité, de actes de la subjectivité.
La démarche de Kant consiste à partir de ces structures, qui sont en même temps structures dynamiques (espace et
temps), et de remonter au sujet, qui fait paraître à sa conscience le phénomène et le constitue comme objet de science.

Il reste à déterminer la nature de ce sujet. Kant se met en recherche en admettant cette existence : « le je pense doit
pouvoir accompagner toutes les représentations ». Autrement dit, s’il n’y avait pas un je pense qui accompagne les
représentations, ces représentations ne seraient pas MES représentations, c’est-à-dire qu’elles ne pourraient pas être
présentes à mon esprit. Je penserais sans savoir que je pense et que c’est moi qui pense. Mais ce que je pense est lui-même
une représentation, ce qui suppose un quelque chose qui produit cette représentation et qui permet en dernière analyse que
d’autres représentations soient présentes à mon esprit.

Ce quelque chose est une conscience qui « produisant la représentation je pense, qui doit pouvoir accompagner
toutes les autres, et qui est une et identique en toute conscience, ne peut être accompagnée d’aucunes autres ».
Kant va prendre en charge la question de l’unité et de l’identité du sujet à travers le temps. Ce je pense énonce un acte qui est
le pensé ou bien encore l’être conscient d’une manière ou d’une autre —> volonté de penser pour Descartes. Je me pense
pensant quelque chose et ce quelque chose demeure un et identique à travers le temps, nous ne sommes pas une succession
de sujets. Cet acte consiste à rapporter mes représentations à ce sujet que je suis, autrement on ne pourrai jamais se
représenter quoi que se soit.

Ainsi ce je pense est un acte de synthèse de tout ce que je pense. Kant caractérise le travail originel de l’esprit, il baptise cet
acte de pensée originaire : « aperception pure ou originaire ou transcendantale » qu’il distingue de la « conscience
empirique ». Aperception signifie conscience de soi pure et non empirique (= qui vient de l’expérience). C’est une
conscience de soi qui ne dépend pas l’expérience.

Matière : à postériori = c’est après l’expérience, c’est indépendant de l’expérience, ça dérive de l’expérience
Forme : à priori = ce qui précède l’expérience, c’est indépendant de l’expérience, ça ne dérive pas de l’expérience

Kant va distinguer 2 niveaux de conscience de soi : l’aperception pure et la conscience empirique, qui est l’expérience
que je fais de moi même en différents temps. Tout ce que nous pouvons nous représenter se produit dans le temps, tout ce
qui se passe dans mon esprit se déroule successivement, je vois dans mon esprit une succession de pensées. L’aperception
pure ne produira aucune représentation de moi-même, elle ne sera pas elle-même représentée, sinon il faudrait encore
régresser à un niveau inférieur pour accéder à ce qui produit la représentation. Elle n’est donc pas expérimentée et elle n’est
pas connue. Cette aperception pure est un « je pense » mais qui n’est pas un « je me pense pensant ».

Ainsi cette aperception pure est un présupposé logique, on a en besoin logiquement, qui est requis pour rendre compte de
la représentation « je pense » et surtout pour rendre compte de l’unité et de l’identité de ce sujet que je suis. En cela elle
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est la condition de possibilité de toute représentation de soi et d’autre chose, et par voie de conséquence de condition de
toute conscience empirique de soi, c’est-à-dire de toute connaissance de soi. En effet la connaissance de soi pour Kant, comme
n’importe quelle connaissance, suppose la donation d’un quelque chose dans l’intuition sensible, c’est-à-dire la donation à la
sensibilité. Pour connaître il faut expérimenter. Je dois donc, comme pour les autres objets, m’expérimenter, c’est-à-
dire me faire paraître à ma propre conscience comme phénomène. La connaissance de soi est possible au niveau de la
conscience empirique, mais elle suppose un quelque chose qui connaît, qui produit les représentations de moi-même, et ce
quelque chose est l’aperception pure qui n’est pas elle-même connue.

C’est ainsi que l’aperception pure est en même temps originaire parce qu’elle se trouve au fondement de toute connaissance
en général et de toute connaissance de soi. Distinguer clairement conscience de soi et connaissance de soi : l’aperception
pure est une conscience de soi, mais ça n’est pas une connaissance de soi qui suppose une expérience de soi. Même lorsque
nous n’avons pas de connaissance. Transcendantale chez Kant désigne ce qui rend possible la connaissance à priori.

Le problème du fait de déduire la substantialité de l’identité du sujet pensant : est-ce que parce que le « je pense »
demeure identique, on peut en déduire que c’est une substance ? Il va de soi que ce sujet transcendantal demeure
identique à travers le temps. Par contre, le caractère substantiel du sujet ne peut pas être décidé car la perception n’est pas en
elle-même connue. Donc Kant montre que bien que le je pense se retrouve dans chacune de mes représentations, rien
n’autorise à le mettre à part de ses représentations, c’est-à-dire à le poser comme un absolu (absolu : ce qui est sans
relation à autre chose/relatif : c’est le contraire), ce que fait pourtant Descartes. La preuve en est la pratique du doute
méthodique et d’autre part qu’il pense ce sujet comme une substance dont le premier caractère est l’indépendance de tout
autre chose que lui-même et de ses propres pensées.

De cette identité de l’acte « je pense », on peut déduire que c’est l’identité du sujet et de l’acte qui produit cette représentation.
Mais ce sujet n’est jamais donné en soi comme un absolu, mais toujours dans un « je pense quelque chose », toujours dans un
« je me pense pensant quelque chose », ce quelque chose étant lui-même donné dans l’intuition sensible. Ainsi, cette
identité du sujet ne se donne plus comme chez Descartes dans une tautologie (ce à quoi parvient Kant n’est pas un
moi=moi).

Quant à la conscience de rester le même à travers le temps, comment rendre compte de son identité sans référence à la
substantialité ? Il répond à la question avec une réfutation de l’idéalisme problématique de Descartes. L’existence du monde
matériel chez Descartes est seconde, conclue, par rapport à l’existence du sujet, de la substance pensante, qui elle est
première et donnée immédiatement. C’est le propos cartésien que Kant va réfuter : « La simple conscience m’est
empiriquement déterminée de ma propre existence prouve l’existence d’objets dans l’espace hors de moi ». Kant
remarque qu’en effet j’existe, ce qui convient dans l’instant où je prends conscience de cette existence, mais « j’existe »
désigne également l’instant où je prends non seulement conscience de mon existence mais aussi la durée.

J’existe signifie en réalité « je dure », je dure à travers le temps, j’ai une conscience de ma durée dans le temps, et malgré le
changement, je reste le même. Cela je le sais. Or cette conscience de durer et de demeurer le même et cela malgré le
changement n’est possible pour Kant que s’il existe des objets dans l’espace hors de moi, s’ils existent objectivement, c’est-à-
dire s’ils ne sont pas seulement des représentations. Kant va montrer que la conscience empirique de soi dépend de
l’existence objective du monde hors de moi. Et c’est ainsi que nous acquerrons la conscience de notre permanence parce qu’il
existe des choses dans l’espace hors de moi, car si le monde n’était qu’une représentation, il changerait en même temps que
moi, or le monde ne change pas en même temps que moi. Ainsi sépare la permanence des objets dans l’espace hors de moi
que je prends conscience de ma permanence.

Ainsi, l’expérience interne est en réalité liée à l’expérience externe, et quand Kant parvient à rendre compte de
l’identité du sujet à travers le temps malgré le changement sans poser que ce sujet est une substance, ce qui est dire
beaucoup plus que ce que l’on peut dire en se tenant à ce que nous connaissons.

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Le statut de la connaissance : connaître pour Kant n’est pas seulement penser le concept de quelque chose, que se soit la
matière ou le moi, ce quelque chose est nécessairement donné par l’expérience. Ainsi la philosophie de Kant est un
idéalisme car il ne dit à aucun moment que l’expérience seule suffit pour constituer la connaissance (empirisme tel que celui
de Hume), comme Descartes. Mais qui se distingue de celui de Descartes car il est transcendantal car Kant ne s’intéresse
qu’aux conditions de possibilité de la science et non pas dont les choses elles-mêmes sont produites. Son œuvre est un traité
de méthode scientifique : il n’essaye pas de rendre compte de la production des choses, du monde. De sorte que sa
philosophie est celle du sujet, mais un sujet qui n’est plus pensé comme un absolu, l’absolu ne fait plus parti du domaine de
la science, face à un autre absolu qui serait le monde matériel (substance pensante et substance étendue de Descartes).
C’est ainsi que s’explique le fait pour Kant que le sujet ne connaît que ce qu’il construit, c’est du reste le sens de la fameuse
révolution copernicienne en métaphysique, et qu’est-ce qu’il construit ? Un monde de phénomènes, c’est-à-dire ce qui paraît
à la conscience, au moyen des sens et selon l’espace et le temps, et ce monde Kant le distingue strictement d’un monde
des choses en soi, qui est le fondement du monde phénoménal, mais qui n’est pas lui- même connu.

La conscience immédiate de soi c’est cette conscience de soi qui accompagne toute conscience d’autre chose. La conscience
réfléchie est la conscience cartésienne qui suppose un retour sur soi et se prendre soi même comme objet face à soi.

C’est ainsi que le sujet transcendantal est condition de possibilité de toutes sciences possibles, mais il est aussi condition de
possibilité de tout les objets comme phénomènes, de la donation d’un quelque chose dans l’intuition, qui vas être pensé au
moyen du concept, ce qui va donner une connaissance, mais il n’est pas la condition de possibilité des choses en soi qui sont
au fondement de ces phénomènes. Sans cette précision et sans la distinction phénomène/chose en soi, l’idéalisme
transcendantal de Kant dérive vers l’idéalisme absolu, que n’est pas l’idéalisme de Descartes.

Les philosophes postkantiens sont les représentants de l’idéalisme absolu (nommé aussi allemand) dont Fichte (1762-1814),
ainsi que Schelling et Hegel. Cela va inspiré le courant du romantisme allemand qui précède le romantisme français, qui a
énormément inspiré Nerval, représenté par Hoffman, qui va se constituer contre la philosophie des Lumières allemandes
(Aufklärung) dont Kant est un représentant, qui va affirmer le climat rêve, l’inconscient par rapport au conscient, et toute une
thématique lié à la nuit, à la nocturne. Cela, alors que Fichte revendique auprès de Kant sa filiation avec la philosophie
kantienne.

Fichte prétend tirer toutes les conclusions de la révolution copernicienne, et il dit mieux comprendre que Kant
lui-même le travail de Kant. Il est plus proche de Descartes que de Kant. La philosophie fichtéenne est la philosophie du
moi (ce qui est différent de la philosophie du sujet). Mais un moi qui n’a plus face à lui l’absolu de la chose en soi, il va
l’évacuer, ce qui va considérablement changer les choses. La chose en soi qui n’est pas connue est alors pensée comme une
réalité.

La doctrine de Kant est que les faits scientifiques sont différents de la production des phénomènes.

Descartes échappe à l’idéalisme absolu : la substance pensante et la matière sont isolées, indépendantes, mais ont une
existence. L’existence de l’esprit est pensé comme un absolu alors que pour nous ce ne sont que les représentations.

Fichte vas présenter sont premier exposé en 1797 : il appelle sa philosophie la « Doctrine de la science », qui est très ardue à
lire. En 1800 il publie un tout petit opuscule « qui est une vulgarisation de sa philosophie » (lien avec le romantisme). Le point
de départ de cette doctrine de la science, où il présente son projet dans l’introduction, est : « prête attention à toi-même :
détache ton regard de tous ce qui t’entoure et tourne le vers ton intériorité [...] il n’est question d’aucune chose qui te soit
extérieure, il n’est question que de toi-même ».

Lorsque celui qui va entrer dans la recherche qui se tourne vers son intériorité, il aperçoit en lui-même 2 types de
représentations :

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- les représentations qui s’accompagnent de liberté (quand je veux quelque chose)

- les représentations qui apparaissent à mon esprit nécessairement, je les découvre dans mon esprit, elles vont résulter de
mon expérience.

Je n’ai pas la possibilité de ne pas sentir ce que je sent ni de créer quelque chose que je ne sent pas. La connaissance est la
représentation que je découvre en mon esprit sans l’avoir produit.

Fichte nous montre ses 1ers pas de philosophie : il va se trouver face à une alternative car le commencement de la
philosophie suppose la position d’un 1er principe. Pour le poser, son premier geste philosophique consistera dans
l’expérience qui est à la fois la chose qui est connue et l’intelligence qui connais. En faisant cette distinction il va se poser la
question du 1er principe comme pour pouvoir commencer à réfléchir. Il nous dit qu’on est face à une alternative : ou bien
c’est moi, ou bien c’est la chose :

- si je choisis moi, je choisi le système philosophique de l’idéalisme, qui pose le moi comme 1er principe de la philosophie
(Descartes, Kant...)

- si je choisis la chose, alors on choisit le système du dogmatisme.

L’idéalisme pose l’indépendance du moi par rapport à la chose (doute méthodique de Descartes), de sorte que se pose
la question du rapport entre la représentation, qui est en moi, et l’être, ou la chose, ce qui est. Lorsque l’on pose
l’indépendance du moi, est-ce qu’il y a quelque chose hors de moi au fondement de mes représentations ?
Le dogmatisme, au sens kantien, est la croyance qu’il n’est possible de connaître les choses en soi, c’est-à-dire l’absolu, ce qui
est sans relation avec le sujet qui perçoit et qui connais.

Le dogmatisme est le 2ème système. Il pose la réalité de la chose comme 1ère, donc l’indépendance de la chose par rapport
au moi, de sorte que tout ce qui se produit dans mon esprit, toutes mes représentations, sont le produit d’une chose en soi.
Voilà pourquoi le dogmatisme sera un matérialisme car on part du principe que la chose est l’indépendance de l’esprit et
précise par la suite que ce choix n’est pas arbitraire. Il dépend d’une espèce d’ « attitude naturelle » de notre part, ce que l’on
choisi comme philosophie, comme manière d’aborder le monde, le réel, qui dépend de l’homme que l’on est.

Fichte insiste sur l’idée qu’un système philosophique n’est pas un instrument mort : « il est animé par l’esprit de l’homme qui
le possède ». Celui qui croit à l’indépendance de la chose se cherche et se trouve en elle, c’est un matérialiste, il n’existe que
par ça et pour le monde extérieur. Son rapport au monde est utilitaire. En ce sens, la croyance du matérialiste est pour lui que
l’indépendance de la chose est une nécessité ou bien son moi disparaît.

Le sens courant du mot dogmatisme s’oppose au scepticisme :


- le scepticisme est, lorsqu’il est doctrinal, qu’on ne peut trouver aucunes vérités certaines - le dogmatisme est qu’on peut
trouver des vérités et même certaines indubitables.

Au contraire, celui qui acquit la conscience de l’indépendance du moi au monde extérieure de la chose est un idéaliste et son
rapport des choses à lui-même est libre de toute référence à l’utilité. La philosophie de Fichte est du moi idéaliste qui pose
l’autonomie du moi comme 1er principe de la philosophie : c’est le moi qui pose absolument son être, moi = moi, tautologie.
Mais comme il rejette la chose en moi pour tirer la philosophie de Kant là où elle aurait dû aller : l’indépendance de la chose
par rapport à l’esprit, l’activité du moi, devient le fondement de la chose (alors que pour Kant la chose est au fondement de la
connaissance) et conséquence : la chose n’est plus qu’une représentation.

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Il n’y a alors plus que des représentations car il n’y a plus de références à des choses indépendantes de l’esprit —> les
représentations deviennent de simples images. Moi qui me représente à moi-même, j’ai aussi une représentation de
moi. Je deviens une image et je deviens une « image de ces images », c’est-à-dire un rêve. Tout ce que je pense connaître de
moi est de la fiction. En d’autres termes, lorsque l’on pose l’indépendance du moi comme 1er principe de la philosophie,
j’abouti à un effondrement du monde et du moi. Tout devient rêve, illusion.

Fichte montre l’échec de la philosophie théorique, d’un rapport au monde qui poserait l’indépendance du moi. La seule
possibilité pour le moi de trouver de la consistance, de trouver réalité, est dans le rapport pratique du monde, grâce à la
résistance de la matière. Cela montre les limites d’une recherche sur moi qui ne pourrait se nourrir que d’elle-même.

Conclusion 1 : la question de l’identité du sujet.

Cette question que nous avons suivie depuis Descartes, qui a thématiser véritablement. Nous avons pu voir qu’elle ne fait pas
difficulté à partir du moment où on pense le moi comme substance, on pense son identité par le fait. Le problème commence
à apparaître quand on a fait retour à l’expérience, en particulier à l’expérience interne comme le fait Kant dans la Critique de la
raison pure, qui montre qu’au sein de la conscience empirique, au niveau de l’expérience que je fais de moi même, il n’y a pas
d’identité, car il n’y a pas de permanence. Il n’y a rien de permanent en moi au niveau de la conscience empirique. Cette
conscience de ma permanence dépend pour Kant de l’expérience externe, c’est parce qu’il y a des objets qui existent
réellement en dehors de mon esprit que je peut prendre conscience de moi. Ce point est oublié par Fichte, qui
pourtant prétend révéler la vérité de la philosophie kantienne. Par la suppression de la chose en soi, de la substance, du
monde réel substantiel face à moi, le moi s’évanouie. S’évanouissent aussi conséquemment l’idée de l’identité et la
personnalité du moi ... qui sont des évidences pour nous. Ce sont pour Fichte des fictions, des mots vides de sens. Moi même
je suis une fiction et finalement le sujet est en charge de l’auto-détermination du moi (instance de Descartes), ce qui me
fait être moi c’est un sujet dont on ne sait pas grand chose sinon que c’est une chose qui pense.

2) Les questions de l’identité personnelle.

L’identité personnelle est ce qui fait que je suis moi et personne d’autre, c’est-à-dire ce qui me définit comme personne,
et non comme sujet (distinction subjectif/personnel). Quand je dit moi, c’est à ma personne que je fais référence (« moi
personnellement ») et d’une certaine manière dans ce moi je m’engage entièrement et j’assume mes propos, mes actes, mes
désirs... Qu’il me semble être un sujet, et non pas une chose, est un fait et je peux m’expliquer cette représentation de moi-
même comme sujet.

Comment est-ce que je me représente comme moi-même comme sujet ? Je suis pensant, je me pense, je me représente à
moi- même et c’est ce qu’on appelle exister pour soi. Je me représente à moi-même comme personne, d’où me vient cette
représentation ? L’expérience immédiate de soi me conduit-elle à cette représentation ? De quoi ai-je conscience
immédiatement, que je me trompe ou non, quand je m’expérimente ? J’ai conscience de mon unité, que se soit une illusion
ou non, je sais que je ne suis pas plusieurs, je sais que je ne suis pas multiple, je suis un. D’autre part, j’ai aussi
conscience de mon identité, c’est-à-dire que je sais que je suis le même dans toutes les expériences, c’est-à-dire tout ce que je
vis, tout ce que je pense, tout ce que je sent.

Unité et identité qui conduisent à deux représentations : la représentation d’un sujet qui demeure dans tous ses actes, qui
demeure le même, et qui peut être peuvent conduire aussi à la représentation de la personne. Dès lors on peut peut être
poser qu’une personne se serait un sujet qui se pense soi personnellement, c’est-à-dire qui aurait une conscience de soi et de
sa différence avec tout autre, donc une conscience de sa singularité. Qu’est-ce qui fait cette singularité ? Qu’est-ce qui fait que
je puisse me sentir à ce point moi, que je puisse poser ma différence avec tout autre ? Ce qui fait ma singularité est peut être
tout simplement ce que j’ai vécu qui m’est absolument propre. Et si tout être conscient est un sujet, si tout sujet peut être
aussi représenté comme une personne, aucun ne peut être cette personne ci que je suis. Mon vécu est le mien et ne peut être
confondu avec celui de quelqu’un d’autre.

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Ainsi la question qui se pose est comment une subjectivité se personnalise-t-elle ? Et cette question est historiquement prise
en charge par celui qui a inventé le concept de l’identité personnelle : Locke, qui publie les Essais sur l’entendement humain,
1690. C’est un empiriste et philosophe libéral qui fait parti du tout début des Lumières anglaises. Il va s’opposer à la
philosophie cartésienne : il conteste le fait de poser l’identité de la personne à partir de l’identité de la substance. Il pose que
moi personnellement, cette personne que je suis qui peut avoir des liens avec d’autres mais qui est singulière, résulte de mon
histoire, quand bien même je partagerais avec d’autres personnes des faits historiques. Dans tout les cas je vais intégrer à ma
personne un vécu singulier des événement que je peut partager avec autrui.

L’identité personnelle c’est l’identité d’un être qui a conscience d’être le même d’un instant à l’autre et qui se construit
également à partir des souvenirs de son passé. On entend par souvenirs les souvenirs personnels, qu’ils soient présents à ma
conscience ou non, mais aussi les témoignages (les souvenirs par ouï-dire) qu’on a sur soi et qui nous construisent aussi, et
qui construisent une certaine représentation de soi. Nous nous construisons à partir de tout cela, de sorte que l’identité est
celle d’un être qui vit dans le temps, et donc qui a une histoire. Cette histoire est ce qui va faire absolument mon identité par
rapport à celle d’un autre, et mon existence présente une continuité et un sens. On comprend ainsi que l’identité personnelle
n’est pas l’identité du sujet, mais celle de n’importe qui. Pour moi je ne suis pas n’importe qui, n’importe qu’elle sujet, moi,
personne, parce que ce qui va faire mon identité personnelle est mon vécu et mon histoire.

Ainsi l’apport de Locke est absolument essentiel car il permet de poser la distinction entre l’identité du sujet et l’identité
de la personne, soit la distinction entre le sujet et la personne. Cette distinction va ouvrir la réflexion derrière Locke de
Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1703, qui est construit comme un dialogue fictif avec Locke, reprenant
point par point les différentes parties traitées par Locke. Concernant l’identité personnelle il accord l’intérêt que l’analyse de
Locke mérite, mais pour Leibniz il ne va pas assez loin. Il va repartir de cela en montrant qu’il n’y aura pas de continuité donc
pas d’histoire si on réduit le moi, comme le fait Locke, à une conscience du passé et une conscience du présent. Il faut en plus
expliquer comment nous faisons le lien entre les 2 : je suis conscience d’être le même d’un instant à l’autre ; c’est-à-dire
comment identifions-nous ce moi passé à ce moi présent que je suis ?

C’est pour répondre à cette question par son analyse des « petites perceptions », préface des Nouveaux Essais de
l’entendement humain. Ces « petites perceptions », perception au sens de l’esprit, sont en réalité de petites pensées, que
nous ne sentons pas, ce qui veut dire qu’elles ne sont pas présentes à la conscience attentive, elle sont d’autre
part « sans aperception [sans conscience de soi] et sans réflexion ». Elles sont des pensées que l’esprit n’aperçoit pas en
lui-même. Je pense mais je ne sais pas que je pense. Elles sont certes sans conscience attentive et réfléchie, néanmoins
ces pensées que je ne pense pas sont tout de même des pensées. Ces pensées sont justement ce qui, entre autre, va
participer à la construction de mon identité personnelle.

Et en effet les petites perceptions introduisent ce que Leibniz appelle des changements dans l’âme, car toute pensée de
manière générale est une modification de l’esprit. Mais ces modifications sont insensibles, elles ne se repèrent pas, soit parce
qu’elles sont en trop grand nombre, soit parce qu’elles sont trop petites, soit parce qu’elles sont trop unies, elles forment un
tout « confus et indistinct ». Par exemple Leibniz prend l’exemple du mugissement de la mer. L’ensemble est présent à ma
conscience attentive et réfléchie et je peut me dire « j’entend la mer », donc je me connaît entendent le mugissement de la
mer. Mais le bruit de chaque vague est aussi perçu mais bien sûr de façon insensible, car on ne peut distinguer le bruit de
chaque vague, autrement on ne pourrait pas percevoir le bruit d’ensemble de la mer.

Deuxième exemple du moulin à eau. A supposer que nous habitions près d’un moulin à eau qui va tourner constamment, au
bout d’un moment on ne l’entendra plus, du moins nous allons penser que nous ne l’entendons plus. Le bruit qui était donné
à ma conscience au départ attentive et réfléchie est passé à un autre niveau de conscience et l’attention, la réflexion et la
conscience de soi ont disparut. A supposer que le bruit cesse brutalement, immédiatement nous allons l’apercevoir, ce qui
montre qu’en réalité nous avions continué à percevoir ce bruit mais de façon insensible.

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Nous avons vu 2 niveaux de consciences. De là, 2 conséquences : l’alternative n’est plus penser ou non penser (comme
chez Descartes). On pense toujours, même lorsqu’on ne s’en aperçoit pas. Leibniz ajoute même que en réalité toute pensée
attentive et réfléchie, qui s’accompagne de conscience de soi, est en réalité le produit d’une infinité de petites perceptions,
tout ce qu’on absorbe de l’extérieur sans s’en apercevoir, qui vont permettre l’émergence d’une véritable pensée.

C’est ainsi que nous pouvons expliquer que le bruit finisse par me réveiller. Si la conscience n’était que celle que décrit
Descartes, nous ne pourrions jamais être réveillé par rien. Le modèle, dont tout est pensé, psychique, que Leibniz suit pour
expliquer comment progressivement une pensée arrive à notre conscience, c’est le modèle physique de l’application d’une
force qui s’exerce continument jusqu’à temps que son effet soi visible.

« On ne romprait jamais une corde par le plus grand effort du monde si elle n’était tendue et allongée un peu par de moindres
efforts quoi que cette petite extension qu’ils font ne paraissent pas »

Cette analogie est destinée à expliquer que le fait que chaque pensée présente à la conscience réfléchie soit le produit d’une
infinité de petites perceptions.

La modèle de Leibniz tout est pensé, psychique. Philosophie de la continuité —> concept de force entre la conscience
réfléchie, attentive, qui s’accompagne de la conscience de soi. A partir de là Leibniz voit une infinité de niveau de conscience,
de la conscience réfléchie jusqu’à une conscience quasi inexistante qui tend vers 0. Ce qui se trouve au niveau de conscience
quasi nulle est la matière, la mémoire. Sa métaphysique est une projection de sa réflexion mathématique (thèse
infinitésimale).

Le problème de la reconnaissance de moi-même dans le moi passé n’est plus d’actualité : nous avons conscience de rester le
même dans le temps malgré les changements. Même si on ne s’en souvient pas, tout ce qu’on vit est inscrit en nous. C’est le
même moi du passé au présent qui se déploie < notion de continuité, que Locke ne pouvais pas penser. C’est le même moi
qui se déploie, et ce déploiement est notre existence, sur la durée. Il est pensé par Leibniz sur le modèle de la chenille qui
devient papillon. L’existence, ce qu’on appelle notre vie, est l’équivalent de ce processus par lequel de façon continue et
progressif la chenille passe de chenille à papillon.

C’est ainsi grâce à ces petites perceptions qui me permettent d’être en lien constant avec toute chose et avec moi-même, que
vont se former, au cours du temps très progressivement sans que je m’en aperçoive ni que je le décide, ces éléments clés que
sont nos goûts, nos inclinations, nos habitudes. Même dans le doute c’est vers cela que nous allons nous tourner, car tout cela
montre la continuité de soi et par conséquent la continuité du moi, qui ne fait pas obstacle au changement et au
renouvellement qui peuvent apparaître brutaux et radicaux. Ceci montre que l’identité est encore plus l’identité de la
personne, car la personne c’est l’identité du sujet qui s’est personnalisé. C’est un paradoxe de la personne car c’est un être
changeant qui reste le même au cours du temps. C’est l’identité d’une personne qui est posée dans sa différence radicale de
toutes autres personnes.

Ceci Leibniz le fonde grâce à la formulation d’un principe général: le principe des (réalités) indiscernables, selon lequel 2
choses seraient indiscernables selon leur concept, donc pour l’entendement qui va penser le concept, si elles ne possédaient
pas chacune des caractéristiques qui leur sont rigoureusement propres, et non seulement parce qu’elles sont deux ou parce
qu’elles sont en 2 lieux différents. L’exemple de deux gouttes d’eaux : elles ne peuvent pas être distinguées l’une de l’autre
selon le concept une goutte d’eau est une goutte d’eau. Mais si on analyse chaque goutte on verra qu’elles ont des
caractéristiques absolument propres, ce qui fera qu’on ne pourra pas les confondre. On peut appliqué se principe à l’homme :
selon le concept 2 hommes, 2 moi, ne présentent aucunes différences, mais il est évident que sur le plan de ce qu’ils sont il y
a chez chacun des moi et des hommes différents, avec des caractéristiques différentes et propres.

Nous avons en nous des caractéristiques qui nous sont absolument propres et qui font que nous sommes tous
différents, malgré le fait que nous sommes chacun des cas particuliers d’un concept universel.

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Conclusion II :

Cette question de l’identité avait été introduite par le constat d’une certaine indétermination foncière, qui est finalement la
question qui se pose à tout homme même si on ne le sait pas, dès qu’on a un choix à faire, est : comment déterminer cet
indéterminé ? Comment pouvons-nous déterminer notre choix ?

On avait dit, d’après l’analyse cartésienne, que c’est au sujet que revenait l’activité de détermination de l’indéterminé. On a
ensuite essayé de savoir les problèmes qui se posaient en ce qui concerne l’identité du sujet. On a aboutit, notamment avec la
réflexion kantienne, à une 1ère distinction entre le sujet et le moi. Le sujet transcendantal n’est pas moi pour moi car il est
sans représentation, c’est un pur présupposé. Ce que j’appelle moi intervient au niveau de la conscience empirique. On a
distingué par la suite l’identité du sujet avec l’identité de la personne, qui nous a amenée à faire intervenir des éléments
d’ordre psychologique, qui sont vie intérieure, histoire, goûts, habitudes... La personne, le « moi personne » est a distingué à
présent du moi sujet / moi personne. On a pas grand chose à dire sur le sujet, mais de l’identité de la personne on peut
trouver davantage de matière, sachant que c’est au niveau de la personne que le moi qui réfléchit sur lui-même, qui se pose,
est la 1ère position du moi pour soi (Fichte), que le moi peut sortir de cette tautologie à laquelle on est constamment ramené
quand on réfléchit sur moi. Cette personne que je suis est finalement parmi les éléments qui vont donner un contenu à cette
idée du moi et un sens à ce moi que je suis pour moi, en tant que personne, et qui n’est en effet pas n’importe qui. C’est déjà
une idée qu’on apercevait chez Fichte qui montrait que le rapport théorique de soi à soi conduisait finalement à faire en sorte
que tout s’évanouisse, les choses deviennent des images et moi- même je devient une image de ces images, et c’est dans le
contexte pratique, dans le contact avec le monde extérieur, que je vais pouvoir me donner une réalité. On retrouve cette idée
à l’arrière-plan de l’analyse leibnizienne avec les petites perceptions, c’est aussi tout ce que je vais recevoir de l’extérieur et
que je vais stocker en moi, mais pas de façon consciente, et qui va me former au cours du temps.

Cela tend à montrer que ce qui va faire aussi le contenu du moi, ce qui va me donner réalité, du « corps », c’est le lien que je
vais pouvoir nouer avec l’autre, qui sera non seulement les autres individus que je vais croiser, mais aussi qui est globalement
le « non- moi », qu’on va devoir montrer comme « autre que moi ».

III/ Moi et l’autre : y a –t-il un ego sans alter ?

La leçon qu’on peut tirer de toutes les précédentes analyse (Saint-Augustin, Descartes, Kant, Fichte, Leibniz) c’est que si nous
voulons et désirons finalement nous connaître, nous définir, nous déterminer, nous avons peut être tout intérêt à ne pas nous
retourner sur nous-même, comme nous avons peut être tendance à le faire quand la vie ou un désir de sagesse nous y
conduit. La 1ère tendance qui va apparaître est la réflexion, et nous allons nous replier sur nous-même, nous recherchons
nous goûts, nos désirs..., nous procédons à cette introspection (me replonger dans mes souvenirs), alors que le problème c’est
peut être que nous nous ré-enfermons dans cette tautologie vide de sens qui pose simplement l’identité du moi à lui-même
et qui ne dit rien sur l’identité du moi. Le « je suis moi » a une valeur indicative mais ne dit rien de soi, et ne favorise pas
l’accord avec soi-même.

On a peut être tout intérêt à essayer de sortir de cette tautologie, et au contraire à se tourner vers l’extériorité.

Si on se tourne vers un autre, on pense qu’on va pouvoir se trouver mieux, parce qu’en effet on pense que lui va faire preuve
davantage d’impartialité (celui qui ne prend pas parti). Pour nous ce n’est pas possible, même si on essaye de prendre du
recul sur soi. On pense que l’autre, qui est lui à l’extérieur, sera nettement plus impartial ou objectif, car d’emblée autrui je
suis objet pour lui, autrui peut être juge sans être parti, ce qui n’est pas mon cas. Néanmoins il va de soi qu’autrui c’est certes
un sujet mais aussi une personne, qui est dans une certaine relation avec moi, même si je ne le connais pas, mais aussi ne
sera pas nécessairement plus impartial, moins complaisant ou moins hostile que moi à l’égard de moi-même, car nous
pouvons être hostile à soi, se haïr soi- même (Pascal). Il n’y aura pas de privilège d’autrui en se qui concerne la recherche de
soi-même.

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D’autant plus qu’en la matière, lorsque j’essaye de me connaître, est-ce que ça a véritablement un sens d’essayer d’être
objectif ? Si par être objectif, nous entendons que ça consiste à pouvoir se saisir, ainsi qu’une chose que je pourrai prendre
pour objet, chose bien déterminée dont l’identité pourrait être posée et reconnue une fois pour toute. Nous sommes
demandeurs de cela et peut être à tord car cette identité ci ne peut pas de toute façon être la mienne, ça n’est pas possible.
Cette identité que nous cherchons c’est l’identité de la chose, c’est-à-dire de ce qu’on appelle l’être en soi.

Chose = « être en soi » / sujet = « être pour soi »

L’être en soi c’est le mode d’être de la chose, au sens où Fichte l’entend. Ce qui caractérise la chose est d’être absolument
identique à soi, y compris soi-même et autrui. Ce qu’elle est, elle l’est absolument, et elle tient entièrement dans sa
définition. D’autant plus que pour ces raisons, la chose, quelque soit ce qu’elle désigne, reçoit ses changements de
l’extérieur, elle est donc sans liberté.

L’être pour soi c’est le mode d’être de l’être conscient pensant : j’ai une existence, je sais que j’existe, et donc j’existe pour
moi et non pas seulement pour les autres, qui leur sert d’objet. Cet être n’est jamais tout à fait identique à soi, car il pense
son identité. Ce simple fait me fait prendre du recul par rapport à cette identité, et de ce point de vue là, je ne suis toujours
pas tout à fait ce que je suis pour moi. Bien entendu c’est aussi ce qui résulte de notre statut de sujet, lequel est actif par
définition. Ce sujet est au principe de ces changements, il est donc par définition libre.

Ainsi si ce que je cherche soit par moi même, soit en me tournant vers autrui, c’est cette identité stable, absolue, définitive, de
la chose, et c’est ce que je mets sous l’idée de m’observer, me connaître, de façon objective... Et du reste quand je dis moi,
quand on me dit toi, et tout ce qu’on peut dire à autrui sur lui, ça me fait plaisir, mais d’un autre côté on se simplifie soi-même
et on simplifie l’autre, on fige, on abstrait (on extrait un certain nombre d’éléments et on évacue tout le reste, thèse de
Bergson), on identifie ce qui est toujours en même temps différent de soi parce que toujours à distance de soi. De là cette
question qui peut nous venir à l’esprit : est-ce que l’identité n’est pas une illusion ?

Pour cerner ce que peut être l’identité d’un être conscient, il faut faire entrer la relation à l’autre dans le champ de la réflexion
et se demander quelle place et quel rôle l’autre peut jouer dans la construction de mon identité. Mon identité ne pourra pas
être donnée, on la construit.

1) L’autre c’est moi.

La première figure de l’altérité (= le caractère de ce qui est autre, ce qui fait que l’autre est autre) à laquelle peut être je suis
confronté c’est peut être mon propre corps. Il se peut que ce corps devienne mon propre corps, au terme d’un processus
d’appropriation et d’identification, c’est-à-dire qu’il ne serait pas immédiatement mon propre corps. Ainsi il s’agirait peut être
de faire correspondre 2 expériences de son corps, l’une qui serait une expérience interne, intime, de mon corps vécu ou bien
ce qu’on appelle le corps propre, et l’autre qui serait de faire coïncider cette expérience avec cette autre expérience d’un corps
objectif, c’est-à-dire un corps qui peut être pris pour objet par autrui et par moi, et ce corps comme objet apparaît également
comme chose parmi les choses, et même en l’occurrence comme chose matérielle, indépendante du sujet qui prend la chose
pour objet. L’indépendance est importante. Quand je prends conscience de mon corps je ne le fonde pas, je ne le fais pas
apparaître à mon gré. Mon corps est bien objectif, corps propre, et subjectif, corps qui apparaît comme chose parmi les
choses. Faire correspondre ces 2 expériences pour parvenir à identifier ce corps comme mon propre corps.

Cette coïncidence qui est à construire explique le caractère absolument fondamental pour la construction de soi de ce que
Lacan (1901-1981) appelle l’analyse du stade du miroir. C’est un psychanalyste issu du freudisme, caractérisé par le mot
d’ordre « retour à Freud », et de la manière de penser typique des années 50-60 qu’on appelle le structuralisme, qui a pour
mot d’ordre l’abolition du sujet. Lacan explique que vers l’âge de 6 mois à peu près l’enfant commence à se reconnaître dans
un miroir quand il se voit, ce qui n’est pas le cas avant, et ce qui montre qu’il y a reconnaissance c’est qu’on observerait
l’expression de satisfaction sur son visage. Ce qu’explique Lacan est que cette satisfaction que l’enfant éprouve lorsqu’il se
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reconnaît tient au fait qu’il acquière enfin une représentation de son propre corps comme un tout, parce que nous l’avons,
même si nous ne pouvons absolument pas nous voir comme un tout. C’est une représentation qui est faite d’éléments
lacunaires. Il se débarrasse ainsi d’une angoisse foncière de l’humanité, qui tient au fait que nous ne pouvons pas voir
l’ensemble de notre corps en même temps, qui est l’angoisse « d’un corps morcelé ». Cette angoisse du corps morcelé c’est le
premier rapport que nous avons avec notre corps, et le moment du stade du miroir est le moment où on se débarrasse de
cette angoisse et où nous nous approprions notre corps et où nous nous constituons ainsi comme un sujet.

On peut poser : mon corps n’est pas immédiatement mon corps, et s’interroger sur les médiations, au terme d’un certain
processus, et pour essayer de cerner quelles sont ces médiations qui vont intervenir dans l’appropriation de son corps, on
peut revenir à Descartes. Il va prendre en charge ces difficultés déjà dans le cadre du doute méthodique, qui porte dans un
premier temps sur la connaissance sensible des choses extérieures, et très rapidement ce doute méthodique porte sur la
connaissance sensible cette fois de ce corps que je suis. Il montre au cours de ses analyses que je ne peux pas m’appuyer sur
la connaissance sensible de moi même pour savoir ce que je suis. Cette révocation en doute de mon expérience sensible de
mon propre corps est conduite par l’argument de la folie et de l’argument du rêve. C’est ainsi que Descartes remet en question
l’expérience interne et externe de soi.

Indépendamment du problème de la science qu’il traite (les 2 arguments), Descartes conduit comme toujours à cette
réflexion très importante avec une prise de distance de notre expérience quotidienne de notre corps, et il nous invite à
prendre conscience que nous sommes tellement accoutumés à penser que nous avons un corps et que ce corps est fait de
telle ou telle manière. Nous y sommes tellement accoutumés que nous n’avons plus aucun point de vue sur lui, nous n’avons
aucun recul par rapport à lui. Dans la vie quotidienne, nous vivons notre corps, nous ne le pensons pas, nous ne faisons pas
réflexion sur lui à tout bout de champ, ou bien quand nous nous efforçons de faire réflexion sur lui pour des raisons diverses.
Nous l’abordons de façon assez nécessaire aussi selon un certain nombre de préjugés de diverse nature qui vont obscurcir la
représentation que nous nous forgeons de notre propre corps.

Le doute méthodique nous conduit à effectuer cette prise de distance par rapport à toute chose et aussi par rapport à soi et à
son propre corps, et alors nous sommes en mesure de le poser, ce corps avec lequel nous avons des liens intimes et
quotidiens sur lequel nous ne prenons plus de point de vue, à le poser comme une chose qui n’est pas moi, ceci de façon
provisoire, pour interrompre une identification inconsidérée (= sans que ça ai été justifié auparavant) à ce corps, à cette chose
matérielle, et en l’occurrence de la suspension de mon jugement qui permet d’identifier ce corps comme étant moi. Ce
faisant, avec ce mouvement d’identification de la chose matérielle qu’est mon corps, Descartes nous fait réfléchir sur la
manière dont nous nous représentons habituellement notre propre corps.

L’argument de la folie montre que j’ai une représentation de mon corps, mais encore de son allure générale, de sa forme, de
ses dimensions. Nous constituons cette représentation par expérience certes externe mais aussi interne, par mes sensations
qui me donnent une idée de ce qu’il est. C’est ainsi que nous dessinons dans notre esprit une certaine image mentale de ce
corps au moyen de ces sensations, non seulement externe mais surtout interne. Ainsi Descartes attire notre attention sur un
certain nombre de phénomènes étranges dont l’un qui est la fameuse douleur du membre absent : le fait que des personnes
amputées continues à sentir une douleur dans la partie de leur corps qui n’existe plus. C’est le cerveau qui n’a pas reconstitué
ce nouveau corps (prouvé aujourd’hui scientifiquement). D’autres types de phénomènes qui sont des pathologies, comme
l’anorexie, est le fait d’avoir une représentation fausse de son corps.

C’est le doute qui va me permettre de prendre conscience du fait que l’image que nous avons de notre corps est fabriquée à
partir de nos sensations et aussi à partir d’un certain nombre de phénomènes que sont notamment les passions, à
commencer par l’amour de soi, narcissisme, qui peut intervenir dans la fabrication de la représentation de mon corps, la haine
de soi, des sentiments divers... Ceci pour la raison évidente à savoir que ce qui différencie mon corps des autres corps c’est
que c’est justement le mien, c’est justement moi, et parce qu’il est le mien, il est nécessairement aussi présent à ma
conscience par différents phénomènes que je constate (faim, soif, douleur, plaisir...) qui sont les moyens par lesquels mon
corps se révèle à ma conscience, et s’y révèle de façon nécessaire.

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Ce qui attesterait l’union de cet esprit que je suis et de ce corps dont il m’arrive de m’abstraire par la pensée de façon
provisoire. Ainsi ce à quoi Descartes nous amène à réfléchir dans Méditation I, c’est à l’expérience quotidienne que nous
faisons de notre corps qui est par définition en elle-même déjà paradoxale. Ce que nous vivons quotidiennement, sans y faire
attention, c’est en effet l’union de l’âme et du corps, mais dans la désunion. Effectivement on est constamment corps et esprit,
et en même temps nous avons possibilité par la pensée de nous dissocier de ce corps, voir même d’être en conflit avec ce
corps, de le haïr et de le mépriser (c’est exactement aussi ce que Saint-Augustin nous décrit).

De là, le gros travail de Descartes est pour penser cette union parce que c’est la vie que nous avons avec notre corps, et penser
l’union avec ce principe essentiel qui est l’indépendance de l’esprit et de la matière, dont il avait besoin pour assurer
l’indépendance de l’esprit pour avancer dans le système de la connaissance. Il va s’efforcer de prendre en charge ces données
qui sont d’une part l’idée que l’esprit et le corps sont substantiellement distincts l’un à l’autre (Méditation VI) et de l’autre côté
penser l’union des deux vécue dans l’expérience.

Il va parvenir à résoudre ce problème qu’il a encore rendu plus complexe par l’idée de la distinction substantielle de l’esprit et
du corps, notamment dans sa dernière œuvre philosophique aboutie : Les passions de l’âme, 1649. C’est un aboutissement
des résultats avec sa correspondance avec Elisabeth, mais c’est dès 1633 qu’il commence à travailler sur ça, en particulier dans
cet ouvrage qui est le Traité du monde, dont le dernier chapitre est consacré à l’homme. Il y présente une physiologie qui est
absolument mécaniste qui va fonder aussi sa doctrine des passions, c’est-à-dire sa philosophie morale.

Le point de départ de Descartes pour travailler sur le corps en tant que savant, c’est exactement le même que le point de
Descartes pour travailler sur l’esprit en tant que métaphysicien. Il va mettre de côté tout ce qui concerne l’esprit pour cerner ce
qu’est un corps. Foncièrement pour lui un corps est une machine, dont toutes les fonctions à l’exception pour l’homme de la
pensée, s’expliquent mécaniquement.

L'expérience quotidienne de son propre corps est d’emblée paradoxale. Dans Les passions de l’âme, avec sa correspondance
avec Elisabeth, Descartes présente sa physiologie, qui fonde sa doctrine des passions. Le modèle qui permet de construire sa
physiologie dans le Traité du monde ce sont les automates, arrivés à un certain perfectionnement (les fontaines du Roi par
exemple), dont il est fasciné. Il va prendre l'automate et il va partir du principe dès 1633 que si l'homme est capable de
fabriquer des machines aussi perfectionnées, alors à fortiori Dieu est capable de fabriquer ces machines perfectionnées que
sont les hommes.

La différence entre l’homme et l’animal est la raison, la conscience et l’esprit, qui sont les seuls éléments inexpliqués par la
façon de raisonner "mécaniquement" de Descartes. Il va s'efforcer de rendre compte de toutes les fonctions d'un corps vivant
dont le corps humain (digestion ...). Il étudie le corps grâce à des dissections de cadavres de la guerre, étudiant le
fonctionnement du cœur, des vaisseaux sanguins...

Descartes est l'un des premiers a comprendre la circulation du sang, comprendre comment ça fonctionne, le rôle du cœur au
sein de la circulation, même si il s'était trompé en pensant que le cœur était la chaudière de l'homme, fonctionnant par
dilatation. Et ce qui fait la différence entre vie et mort, c'est l'animation, il va s'efforcer de rendre compte des mouvements,
fonctionnement des muscles, et il va aussi travailler sur la vision, tout ce qui est lié au fonctionnement du corps
indépendamment de la pensée. Penser ne correspond à aucun mécanisme.

Pour rendre compte du fonctionnement du corps, Descartes échafaude une théorie, la théorie des "esprits-animaux". Ce sont
des corps, de très petits corps invisibles à l’œil nu, qui animent le corps (animaux dans le sens animation). Dans les
Médiations il a réfuté l’idée d’une âme animatrice du corps (résidu de la pensée aristo phénicienne). Ces esprits-animaux
doivent entrer dans la composition du sang, ils sont donc véhiculé par le sang, ils se meuvent très rapidement, du cerveau où
ils sont produits (organe corporelle, nette distinction entre corps et esprit, car l’esprit est immatériel), jusque vers tout le corps.
Ils sont à l’origine des mouvements grâce à la circulation.

Il tire ici l’explication de la folie : le cerveau est malade donc traite mal l’information
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C'est ces petits animaux qui vont assurer tout le fonctionnement du corps, l'articulation, la respiration, le mouvement des
muscles, rendre sensible la main.... C'est aussi par le moyen de ces esprits-animaux que la volonté va pouvoir exercé son
action sur le corps, c'est ainsi que "je veux me lever et sortir, ma volonté va exiger de mes muscles obéissent à cette volonté
pour que les esprits animaux se meuvent et puissent exécuter le mouvement, la volonté".

Cette volonté est absolument libre par rapport au corps qu'elle est pourtant capable de mettre en mouvement. Cette union
corps/ esprit va reposer sur l’idée que ce qui est action d'un côté doit être passion de l'autre, et de même que le corps peut
exercer une action sur l'âme/l'esprit et c'est l'âme qui est passif. Ces actions exécutés et imposés par le corps à l'esprit, c'est ce
que Descartes appelle les passions : l'amour, la haine, le désir, la peur, la tristesse... qui n’ont pas une origine spirituelle, mais
qui ne sont pour Descartes que les effets du corps sur l'âme. Il se refuse même à les nommer pensée, puisque nous ne faisons
pas naître ces passions, c'est le corps qui les produit et je ne fait que les constater.

Le point de rencontre du corps et de l'esprit, Descartes ne le voit pas comme dans une partie du corps, malgré ça il a cru
trouver le siège de l'âme à l'intérieur du cerveau, là où corps et esprit se rencontre, plus précisément dans la "glande
pinéale", aujourd’hui appelée épiphyse. C'est donc pour Descartes dans cette glande que sont produits les esprits-animaux et
c'est là que serrait logé l'âme d'une certaine façon (pas de réalité matérielle).

Ainsi Descartes s'efforce de rendre compte :

- du fonctionnement du corps qui n'a pas besoin de l'âme, tout est mécanique. Je me sers de mon corps, je lui impose ma
volonté, autrement je n’aurais pas besoin de l'esprit. C'est un effort pour penser le fonctionnement du corps de manière
scientifique. Le corps s'explique par mécanismes, contrairement aux doctrines plus antiques qui voyaient son fonctionnement
de manière plus mystique (Aristote).

- de la donnée de l’expérience vécue qu'est l'union et cette union, qui se vit simplement dans la présence permanente de
mon corps, qui est là pour toujours, et on ne peut pas l'oublier. La plupart du temps il ne se donne que par des phénomènes
dont je ne suis pas la cause (sensations affectives et représentatives), car on ne réfléchit pas sur lui toute la journée.

Tous ces phénomènes nous assurent que nous ne sommes pas que des esprits mais des esprits incarnés, avec des relations
complexes entre corps et âme. Tout cela nous assure que nous sommes des esprits incarnés, car nous ne faisons que constater
ces phénomènes. Ainsi Descartes insistera dans la dernière partie des Méditations, que malgré ces données complexes, cette
distinction substantielle du corps et esprit existe. L'union des deux est une donnée de l’expérience qui est très clairement
connue et même si le philosophe méditant peut le remettre en doute provisoirement (nous pouvons faire comme si nous
avions pas de corps provisoirement).

Dans la correspondance avec Elisabeth du 28 juin 1643, il effectue cette clarification, concernant les différents éléments qui
compose le vrai homme (pas uniquement un corps/ pas uniquement un esprit). Il explique que l'âme ou l'esprit se
conçoivent au moyen de l'entendement pur, l'entendement qui est chez Descartes la faculté de concevoir, ce qui veut dire
que nous n'avons recours ni aux sens, ni à l'imagination pour se concevoir.

Les corps, c'est-à-dire, comment est-ce que je les connais, au moyen de 3 Concepts : l'étendue (quelque chose qui occupe un
espace), la figure et le mouvement. Ces corps je le connais sans aucune difficulté au moyen de l'entendement pur,
(autrement je ne pourrais pas faire de géométrie par exemple) mais aussi au moyen de l'entendement aidé de mon
imagination (=faculté qui permet de contempler la figure ou l’image d’une chose corporelle). Au final je n’en ai pas besoin
mais ça simplifie, cette imagination me permettant de me représenter un cas particulier du concept que je peux penser
uniquement dans le cadre de l'entendement pur. Ex: cette imagination m'aide à me concevoir l'idée de triangle et vu que je
le vois cela me soulage du concept, m'aide.

« Les choses qui appartiennent à l'union de l'âme et du corps ne se connaissent qu'obscurément par l'entendement seul, ni
même par l'entendement aidé par l'imagination ; mais elles se connaissent très clairement par les sens », « c'est ainsi que celui
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qui n'est pas philosophe ne doutera jamais de cette union ». En dernière analyse c’est bien à l’expérience de l’affectivité que
Descartes va revenir pour fonder l’union de l’âme et du corps.

Descartes va revenir à l'expérience pour fonder véritablement l'union de l'âme et du corps, et ceci est déjà posé dans
Méditations VI, où il écrit « Je ne suis pas logé dans mon corps ainsi qu'un pilote dans son navire ». Il affirme cela par le fait
que si c'était le cas, je ne le sentirais pas, je ne sentirais pas mon corps. C'est-à-dire que je ne sentirais pas la douleur, le
froid, ... Je me contenterai de les penser (le pilote du bateau ne sent pas le trou dedans par exemple).

Ainsi écrit Descartes « je lui suis conjoint, très étroitement [à mon corps] et tellement confondu et mêlé que je
compose comme un seul tout avec lui ».

Enfin pour Descartes, "le vrai homme" est un corps uni à un esprit, c’est un tout, et un homme qui oublierait qu'il est un tout
(référence à Saint-Augustin), corps et esprit, qui voudrait n'être qu'un des deux, irait à sa perte, mais surtout il se nierait en
tant qu'homme. Le vrai homme est celui qui applique l’union intime du corps et de l’esprit. Descartes et Saint-Augustin ont
des anthropologies différentes, Descartes moins sombre que Saint-Augustin, mais que Descartes lui doit.

C'est pourquoi lorsque j'applique mon esprit, soit sur le corps, soit sur l'âme, et que je pense me trouver dans l'un ou dans
l'autre, je m’y trouve pas, je ne suis ni l’un ni l'autre, je ne suis ni une chose qui pense ni un mécanisme, je lui l’un et l’autre,
tout les deux en même temps. Ça correspond bien à ce que nous ressentons.
Descartes retrouve une vraie union de l’âme et du corps. A la toute fin des Méditations que Descartes retrouve cette évidence à
savoir que le vrai homme ou la vraie personne c’est un corps uni à un esprit, mais de façon tellement intime qu’on ne les
sépare pas. C’est pour des raisons épistémologiques qu’il étudie d’abord le corps tout seul puis l’esprit tout seul pour étudier
l’un et l’autre sans que les 2 ne se mélangent et après il s’efforce de penser ce que nous expérimentons, ce que nous vivons.
On a l’idée d’un seul tout.

Le problème était que l’expérience du corps vécu est finalement paradoxe en soi, ceci dans la mesure où mon corps n’est pas
une chose matérielle que je possède à proprement parler, c’est-à-dire dont je puisse me défaire. Le privilège de mon corps par
rapport à tout autre corps, de ce point de vue là, mon corps c’est moi. Et lorsqu’on porte atteinte à l’intégrité physique de
quelqu’un (l’esclavage, en le brutalisant...) on porte atteinte à sa personne tout entière. En même temps c’est moi et
absolument moi que cet esprit que je suis, et je peux aussi m’abstraire de ce corps par la pensée, ce qui veut dire que je peux
aussi le poser comme non moi, c’est-à-dire comme une chose dépendante de moi qui la pose, comme une représentation et
c’est aussi cela que nous montre Descartes par le doute méthodique en posant l’indépendance absolue du sujet conscient par
rapport aux autres choses matérielle et aussi à son propre corps. Non vivons constamment cette union dans la désunion, cette
évidence qui est que mon corps c’est moi, et aussi cette possibilité de nous en abstraire.

Précisément ce que Descartes montre dans cette longue progression c’est ce que Sartre (1905-1980) reproche à la démarche
cartésienne et de manière générale à son approche de l’union de l’âme et du corps comme faussant l’approche du corps. C’est
dans L’Etre et le néant, 1943. Ce que reproche Sartre c’est de commencer par poser mon corps (et pas le corps en général car
ce n’est pas la même chose) comme « chose parmi les choses », ce qui est vrai mais pas pour moi, pour les autres. Or Descartes
commence par poser cela et ensuite seulement il essayer de penser, et c’est compliqué, l’union de cette chose matérielle avec
cet esprit que je suis de façon essentielle pour Descartes. Ça complique tout, et c’est aussi pourquoi finalement on est amené
à avoir une représentation complètement délirante de cette expérience du corps.

Sartre nous dit que pour bien penser l’expérience du corps propre, vécu, il faut partir dès le début de ce qu’est mon corps pour
moi, c’est-à-dire non pas un corps que je possède, non pas une chose dans laquelle je me trouve non plus, mais mon corps
c’est ce que je suis. Il nous dit finalement que la bonne démarche pour aborder l’expérience du corps vécu, c’est celle
qu’apporte Descartes mais trop tardivement, par l’expérience de l’affectivité. C’est de là qu’il faut partir pour commencer à
penser ce qu’est être un corps.

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Sartre va tirer profit de cette approche révolutionnaire du problème qui est permise par la phénoménologie (= courant
philosophique qui se caractérise davantage par sa manière de se philosopher que par des thèses bien précises) qui est un
courant de pensé nouveau, encore dynamique de nos jours, qui a été instauré au XXème siècle dans les années 30 par
Husserl en Allemagne. Parmi les grands représentants de ce courant, Sartre pour les français, Merleau-Ponty le fondateur,
Levinas et en Allemagne Heidegger, assistant d’Husserl. Ils ne disent pas tous la même chose, Husserl philosophie du sujet,
Heidegger en opposition avec cette façon de philosopher, et Sartre prend un peu des 2.

Très rapidement la thèse majeure de Husserl, qui est véritablement le point de départ de tout le reste : « l’intentionnalité de la
conscience », qui se formule de la façon suivante : « Toute conscience est conscience de quelque chose ». Formule
révolutionnaire qui remet purement et simplement en question l’idée qu’un sujet puisse être posé a part de ce qu’il pense. Le
sujet ne peut plus être conçu comme un absolue. (Husserl héritier de Kant qui formule cette thèse et de Descartes pour la
démarche). C’est la désubstantialisation du sujet.

Pour justifier cette formule Husserl se sert d’une méthode qui est très proche de la méthode cartésienne, et il va finalement
construire sa méthode en référence à ça et pratiquer l’époché phénoménologique (terme grec qu’Husserl emprunte au
scepticisme). C’est la suspension du jugement, le doute, qui consiste à « mettre entre parenthèse », laisser en suspend, le
jugement de « l’attitude naturelle », c’est-à-dire l’attitude de tout à chacun qui n’est pas en train de philosopher, concernant
l’existence objective du monde.

Or quel est ce jugement de l’attitude naturelle concernant l’existence objective du monde ? Tout à chacun considère qu’il y a
une existence objective d’un monde hors de soi. Quand on laisse cette question de l’existence objective du monde en
suspend, on s’aperçoit non pas qu’il reste un sujet en train de se penser lui-même, mais qu’il reste le monde tel qu’il est pour
moi, pour ma conscience. Je reste conscient du monde, je ne me suis pas trouvé d’un seul coup en tête à tête avec moi-même.
Je ne peut pas me trouver moi tout seul, mon activité pensante indépendante de ce qui est pensé. Je suis toujours donc sujet
pensant mais pensant quelque chose, donc toute conscience est conscience de quelque chose.

Conséquence de cela, il n’est absolument plus possible dans ces conditions de considérer que le sujet peut être posé à part de
ses représentations, à part de ce qu’il pense. C’est l’ouverture de la conscience sur l’extériorité. Il n’y aura même plus
véritablement d’extériorité. Je suis directement en lien dans un certain rapport avec ce qu’on appelais avant l’extériorité, et
sous ce mot, avant, il y avait aussi le corps, qui appartenait pour Descartes au départ à l’extériorité, posé comme chose parmi
les chose. D’emblée la conscience à partir de Husserl n’est plus pensée comme close sur soi, elle est ouverte et elle est rapport
à ce qu’elle pense, à ce dont elle est conscience, que se soit le monde extérieur, les autres, ou mon propre corps.

Sartre part de l’intentionnalité de la conscience et il va proposer une nouvelle représentation de la conscience également qui
prolonge cette représentation et il pose ce point essentiel que l’être pour soi, c’est-à-dire le mode d’être du conscient, est pour
Sartre pro-jet, c’est-à-dire premièrement tourné vers l’avenir et surtout qu’il existe foncièrement hors de soi, conséquence de
ce qui a été dit. Conséquence de cette nouvelle définition : l’être pour soi est foncièrement liberté. La liberté est foncièrement
« faculté de néantisation », faculté de néantiser. Voilà comment existe un être conscient hors de soi.

Ainsi Sartre désigne la capacité de rompre avec ce qui est donné, de recul, de rupture, qui va se manifester au plan théorique
par exemple par le doute et dans l’ordre pratique tout sujet se manifeste en tant que sujet par sa capacité à transformer son
environnement, c’est ainsi qu’il peut se reconnaître dans ce qu’il fait. Cette faculté de néantiser est une reformulation de ce
qui est pensé sous la notion de sujet et l’être pour soi pour Sartre c’est précisément, en tant qu’il est libre, l’être par qui le
néant vient au monde, c’est l’être pour soi, l’être libre, l’être qui existe hors de soi.

Sartre expliquait qu’il faut repartir de l’expérience que nous faisons de notre propre corps, c’est à dire l’expérience d’une
conscience, qui n’est plus pensé comme un absolue mais ouvert vers l’extériorité, et libre, que cet être fait de son propre
corps. Or il se trouve que précisément ce corps que je suis et que je vis, je ne l’ai évidemment pas choisit, je viens au monde
avec un certain nombre de déterminations, de qualités au sens propre, qui me qualifient, des caractéristiques, des infirmités,
un sexe... Je reçois tout ça, ce sont des déterminations qui se présentent à moi de façon tout à fait nécessaire.
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Plus encore, je n’ai pas non plus choisi d’être un corps, de sorte que mon corps pour moi qui est moi se révèle
immédiatement à moi comme une chose que je suis, et pas simplement un accident comme chez Descartes. Ce que Sartre
nomme chose, c’est aussi ce que nous nommons « être en soi ». L’ « être en soi » c’est l’antithèse du « pour soi », ce qui est
dépourvu de liberté, l’être en soi que je dois pourtant assumer comme étant moi.

Il y a donc une « facticité » du corps, le corps est de l’ordre du fait, qui me révèle à la fois ma contingence (j’aurais pu ne pas
être ou être autrement) mais par l’expérience d’une double nécessité, la nécessité d’être incarnée est la nécessité d’être
incarné dans ce corps si que je n’ai pas choisi.

Ainsi Sartre explique que mon corps puisse être présent à ma conscience constamment, par moment de façon réfléchie,
évidente, et par moment de façon immédiate. Et même si on évacue toute représentation véritable de mon corps, nous
faisons tous une expérience foncière de ce corps que nous sommes, comme de cette dimension dans soi que tout pour soi
doit assumer, c’est-à-dire prendre en charge et prendre la responsabilité de, dans les 2 sens définit.

« cette saisie perpétuelle par mon poursoi d’un goût fade et sans distance qui m’accompagne jusque dans mes efforts pour
m’en délivrer, c’est ce que nous avons décrit ailleurs sous le nom de nausée »

Il fait référence à son roman philosophique La nausée, 1939. Roman assez bizarre qui décrit le malaise que traîne un
personnage dans une ville qui rappelle le Havre où Sartre à enseigner (Lycée François 1er). Il identifie les raisons de ce
malaise comme nausée, qui est finalement l’appréhension de cette nécessité de l’incarnation. Il explique que tous nos
écoulements concret de la vie de tout les jours ne sont que des cas particuliers de cette nausée première qui est l’affectivité de
l’incarnation, car l’incarnation est quelque chose qui nous échoit de façon nécessaire et qui nous contraint à vivre autre chose
que ce que nous sommes, c’est-à- dire des êtres pour soi et libres.

La nausée c’est l’expérience affective du corps, parce que ce corps c’est la négation de ce que je suis.

Cette perspective de Sartre radicalise l’idée que notre propre corps puisse être pour nous source d’interrogation et
éventuellement source d’angoisse, et bien sur l’occasion d’une expérience qui est paradoxale qui est l’union dans la
désunion, à moins que ce ne soit le contraire.

Finalement c’est très exactement aussi ce que prend en charge la psychanalyse, car elle traite certes de phénomènes
psychique, mais qu’est-ce qui nous pousse à réfléchir ces phénomènes ? La tragédie, le drame, de l’incarnation (besoin,
instinct, perversion sexuelle...). On doit cette psychanalyse à Freud (1856 – 1939), qui va se donner un outil pour réfléchir
cette difficulté, qui est le concept d’inconscient (c’est un concept comme n’importe quel autre). Nous aurons chez Freud un
inconscient d’ordre psychique qui servira à rendre compte de phénomènes que la pensée cartésienne attribuait au
mécanisme du corps, que Descartes appelait les passions de l’âme, qui sont la conséquence de l’action du corps sur l’âme.

En effet le point de départ des recherches freudiennes (médecin psychiatre Viennois) c’est ce qu’on appelait l’hystérie, qui
renvoi à un certain nombre de symptômes qui peuvent être soit organiques (cécité, paralysie, aphasie, convulsion, douleur ...)
soit psychiques (hallucinations ...) mais sans qu’il y ai la moindre douleur organique.

Au départ il va travailler avec le Docteur Chartreau à Paris, puis à Nancy avec le Docteur Berheim avec qui il va mettre au point
la méthode cathartique (catharsis = la purgation des passions) qui consiste à faire sortir la source de nos maux qui s’effectuait
sous hypnose. Au retour à Vienne il travaillera également avec le Docteur Breuer sur l’hystérie.
La psychanalyse que Freud va fonder, qui n’est ni une science, ni une science humaine, ni une philosophie. C’est une
discipline qu’il va fonder pour perfectionner la méthode cathartique, mais justement en se passant de l’hypnose, parce que
pour lui elle pose le problème du fait que le patient soit dans un état de conscience modifiée, qu’il ne soit pas acteur. Le
patient doit être actif. Cette nouvelle discipline va être entièrement fondée sur la parole et va reposer entièrement ce concept
d’inconscient qui est l’outil conceptuel majeur.

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Nécessaire : ce qui ne peut pas être ou être autrement. Contingent : ce qui peut ne pas être ou être autrement.
Freud va se doter d’un nouveau concept : l’inconscient. Mais cela n’empêchait pas avant d’avoir l’idée d’une chose en nous
que l’on en sait pas (les petites perceptions par exemple). Il va également se doter d’un nouveau principe méthodologique
sur lequel il va construire sa méthode : le déterminisme psychique. Cela remet en cause pas mal de chose, comme un sujet
totalement indépendant du corps (Descartes et tout un courant de la philosophie).

Le concept d’inconscient.

L’inconscient n’ayant pas plus de réalité que la conscience, ce sont des phénomènes dont on essayer de penser et de trouver
des causes et conséquences. C’est ce qui fait que la psychanalyse n’est pas une science, et au niveau de l’inconscient on doit
parler d’hypothèse d’inconscient et même de conscience.
Ce qui rend ce concept intéressant c’est que Freud l’a construit de façon totalement empirique. Il était médecin et n‘avait
aucunes connaissances philosophique il y est donc parvenu par son expérience (avec ses patients entre autre). Finalement il a
construit la représentation du psychisme normal à partir de malade.

Ce concept d’inconscient résulte de la pratique de médecin psychiatre de Freud qui va constater de la part des patients qu’il
suivait, à un certain moment de la cure, de l’agressivité à son égard (certains partaient en claquant la porte, voulaient le
battre...), et à force de voir répéter ce phénomène, Freud à finit par remarquer que c’était toujours quand le patient
s’approchait des origines de son mal qu’il se mettait en colère et devenait violent. Ayant constaté ça, il a formulé les choses
d’une façon plus technique, et il s’est dit qu’il y avait de la plupart de ses patients une résistance mise en place lorsqu’ils
s’approchaient de la cause de leur souffrance.

De là il a forgé un premier concept : le concept de résistance, qui va renvoyer à une force qui maintiendrait hors du champ de
la conscience les représentations qui sont causes de la souffrance et donc du patient. Dans les Leçons sur la psychanalyse, il
donne exemples des forces de résistances.

C’est ainsi qu’il va arriver au concept de refoulement. Le refoulement c’est un processus inconscient, naturellement
involontaire, qui consiste à rejeter, refouler, repousser, des représentations qui menacent l’équilibre psychique du sujet. C’est
un moyen de défense, et un moyen de protection quand je me sens menacé, (je sens que ce qui m’arrive est tellement grave
et douloureux qu’il risque de me détruire psychiquement) de sorte que ce qui est stocker dans l’inconscient est bloqué par la
résistance et ne peut absolument pas revenir de soi-même à la conscience. Et quand ça va remonter, cela va remonter de
façon pervertie, et là je ne vais pas pouvoir interpréter ces signes. Mais ça n’est pas oublié et même très longtemps après, ce
qui est stocké dans l’inconscient va pouvoir être source de maux, dont notamment pourront être des symptômes hystériques.

1ère topique (topos = le lieu) : localisation des différents éléments du système psychique les uns par rapport aux autres, le
tout formant le psychisme dans son ensemble. Elle pose :

- d’un côté la conscience et le préconscient : c’est dans le préconscient que sont noté tout les souvenirs non pathologiques,
qui passent sans aucuns problèmes du préconscient à la conscience

- il y a une séparation qui n’est pas totalement étanche

- l’inconscient. Ce qui distingue les souvenirs inconscients des préconscients ne peuvent pas remonter à la conscience. Ils sont
refoulés car ils m’ont menacé. Tout est fait pour qu’ils ne remontent pas.

1er topique met en évidence le concept d’inconscient. C’est le point de départ et c’est très nouveau, même si on peut trouver
des ancêtres. A partir de là Freud met en place un principe d’investigation, méthodologique, qui est d’une extrême
importance pour comprend la psychanalyse : c’est le déterminisme psychique. Là où il y a un déterminisme réfléchit chez
Descartes sont les passions de l’âme, l’effet du corps sur l’esprit.

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Le déterminisme implique qu’il y ai une relation causale nécessaire (cela ne peut pas ne pas être ou être autrement), qui peut
être déterminisme entre les phénomènes (social, naturel...) psychique, c’est-à-dire ici entre les représentations. Ca veut dire
que pour Freud il n’y a pas de liberté au sein du psychisme, c’est-à-dire que Freud radicalise le déterminisme
psychophysiologique cartésien, qui maintenait pourtant chez Descartes l’indépendance, c’est-à-dire la liberté totale de l’esprit
face au corps, il n’y a rien de déterminé. Et ce faisant Freud nous destitue de notre liberté d’esprit, en montrant qu’en réalité il
n’y a pas un « je pense » mais un « ça pense ». Je ne suis pas maître de ce que je pense, il y a du déterminisme au sein de la
pensée.

Sur ce principe on peut poser que la parole du patient, qui va exprimer un certain nombre de chose au cours de sa cure, qui va
d’ailleurs ruser, sa cure va consister à identifier par recoupement des éléments qui vont sortir de cette prise de parole. C’est un
jeu qui va faire apparaître ce qui est pensé en lui sans qu’il le sache. La cure vas faire ressortir des éléments qui vont pouvoir
être interprétés par le psychanalyste, ceci dans la mesure où se qui est stocké dans l’inconscient ne peut jamais remonter tel
quel dans la conscience. Le travail du patient consiste à ne pas laisser remonter ses souvenirs à sa conscience, et tout le travail
du psychanalyste consiste à identifier les stratégies du patient pour connaître ce qu’il cherche à dissimuler. Ca va alors
remonter de façon symbolique, déguisée, indirectement. Le psychanalyste va s’appuyer sur beaucoup de choses et c’est
pourquoi c’est très long. Au cours de ce que le patient va révéler, il y a les fameux lapsus : si il est tout seul, rien n’est révélé,
mais s’il est lié à des rêves ou des cauchemars, là il va prendre du sens. Ces lapsus : les mots d’esprits (jeux de langage
drôles), actes manqués (faire autre chose que ce que nous avions l’intention de faire). Une intention inconsciente s’est
substituée à une intention consciente.

Les rêves pour Freud : lieu privilégié de l’inconscient car la censure est beaucoup moins vigilante, et parce que ça va se
symboliser plus facilement. Le refouler ne peut revenir que déguisé, donc dans le rêve c’est idéal, façon plus douce d’avoir
accès à l’inconscient. Freud nous invite à bien distinguer :

- le contenu manifeste du rêve, ce dont on se souvient au réveil

- le contenu latent, qui est le vrai sens du rêve


Le travail du psychanalyste consiste à interpréter ces éléments du contenu manifeste pour essayer d’accéder au contenu
latent.

Ainsi le principe de la cure psychanalytique ne consiste pas comme on le croit habituellement à faire passer le refouler de
l’inconscient au conscient, en disant après je suis libre. En réalité au contraire le retour du refoulé c’est l’accès aux soucis, à
l’angoisse, à la souffrance. Une cure est fatalement douloureuse, voir même traumatisante, de se trouver en fin face à la cause
véritable des souffrances. Le patient se voit amener à faire face à la cause de ses souffrances, mais en plus à comprendre et à
admettre que nous, les hommes, sommes les jouets d’un certain nombre d’éléments qui nous déterminent, qui vont nous
construire en tant que personne, et qui sont impersonnels voir universels. La pensée freudienne va devenir une
anthropologie, une réflexion sur l’homme.

C’est éléments impersonnels constituent une espèce de fond commun et obscur de l’humanité. Et cela explique que Freud se
tourne très souvent pour conceptualiser ses analyses vers la tragédie, antique en particulier, pour baptiser ces découvertes.
On voit que le déterminisme remplace dans la pensée freudienne le déterminisme du destin au sens antique du terme, par
quoi dans cette pensée tragique l’homme se trouve le jouet de forces cosmiques qui le dépassent, dont les passions sont
l’expression. De là la catharsis, point de départ de la psychanalyse, purgation des passions.

Le déterminisme de la libido va devenir de plus en plus important. Libido (= je désire) sens beaucoup plus large que ce que
nous entendons dans la vie courante. A partir de là, Freud va construire une anthropologie, et ses recherches vont s’intéressée
à tout les domaines de la culture (religion, art...), et va les interpréter. C’est dans ce contexte que Freud formulera cette thèse :
l’idée que l’humanité a connue au cours de l’histoire trois blessures égotiques :

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- Copernic, passage d’un système géo centré à un système égocentré, l’homme découvre que la Terre n’est pas le centre du
monde

-Darwin, qui affirme notre parenté avec les singes et les grands primates
- Freud lui-même, qui détruit l’illusion d’un sujet transparent à lui-même et complètement maître de ses pensées.

Par cette voie il entre dans la constitution d’une doctrine, et qu’il va formuler la 2nde topique, localisant les éléments
psychiques par rapport aux autres, en 3 éléments : le « ça » (« es »), le « moi » et le « surmoi » (« über ich »). Pour rendre compte
de cette tripartition, Freud montre que nous nous constituons à partir d’un conflit primordial entre 2 principes : le principe de
plaisir et le principe de réalité. Il va y avoir conflit, contradiction entre les 2.

Foncièrement ce que nous sommes c’est une espèce de noyau pulsionnel, neutre, complètement impersonnel, indéterminé,
que Freud nomme le ça. Une pulsion par définition est inconsciente, n’est pas réfléchie et même pas verbalisée, je ne sais pas
mais ça me pousse. Elle est d’origine somatique, elle part du corps. La pulsion tend à la satisfaction. Ainsi le moteur 1er de
toute activité humaine quelque soit l’homme en question c’est le principe de plaisir, qui va être au fondement du besoin, du
désir et de toutes les aspirations au bonheur, même les plus élevées.

Au contact de la réalité je vais rencontrer des obstacles et je vais éprouver des frustrations. Je ne peux pas satisfaire tous mes
désirs. Une partie du ça, qui pousse, qui tend à la satisfaction, qui va se trouver frustré au contact de la réalité, va se
transformer en moi. Le moi est le seul pôle conscient du psychisme. Au contact de la vie sociale, puis la vie sociale et
l’éducation, se forme ce que Freud appelle le surmoi, par intériorisation des interdits sociaux. Ce qu’on m’a inculquer quand
j’était petit, je n’ai plus besoin d’y réfléchir, je le respecte par moi-même. Le surmoi est une espèce morale sociale, et non
naturelle, qui est acquise et qui n’exige plus de nous au bout d’un certain temps que l’on fasse un effort pour respecter les
normes et valeurs qui nous sont prescrites.

Ainsi le moi subit les injonctions du ça d’un côté et il subit la pression du surmoi de l’autre, et en plus il doit tenir compte de la
réalité. Et c’est ainsi que Freud prononce : « le moi n’est pas maître dans sa propre maison ». L’essentiel de notre vie consiste à
maintenir une espèce d’équilibre, et si cela n’est pas fait alors se développe les souffrances.

On voit une condition de l’homme apparaître dans les différents écrits, qui est foncièrement et nécessairement conflit
intérieur, qui est structurant. La frustration et les inhibitions dues au surmoi sont nécessaires pour la construction de la
personnalité et le refoulement aussi. C’est là qu’on sort d’une doctrine en vue d’une thérapeutique pour entrer véritablement
dans une anthropologie voir même une morale. Parce que le refoulement va porter d’abord sur les pulsions qui sont en
contradiction avec les exigences de la société, et au 1er la pulsion incestueuse. Pas de civilisation sans le tabou de l’inceste
d’après Freud. Cette libido incestueuse est elle-même construite à partir de la combinaison de 2 instincts : Eros et Thanatos.
Eros c’est dans la mythologie est le dieu de l’amour et Thanatos c’est le dieu de la mort. La libido incestueuse est produite par
ces 2 instincts contradictoires de vie et de mort. Un instinct est commun à nous tous.

Eros c’est l’instinct de vie, c’est la libido, la pulsion sexuelle au sens large du terme, qui se porte d’abord sur moi. Narcissisme,
à propos du stade du miroir, quand l’enfant se reconnaît dans le miroir, rapport libidinal de soi à soi, Lacan, l’amour de soi.
Freud montre qu’il y a un narcissisme originel (tout les hommes passent par ce stade normal), un rapport libidinal de soi à soi.
Ça veut dire que je m’aime. Ensuite l’enfant passe dans une phase d’autoérotisme, puis sa libido va se porter sur un autre, ce
qui est aussi normal, et en premier lieu cette libido va se porter sur celui qui veille à sa conservation. Je m’aime, je tends à me
conserver, j’aime celui qui me conserve, et en 1er lieu la mère, puis le parent du sexe opposé. C’est ainsi qu’apparaîtra ces 2
complexes : Œdipe pour les garçons et Electre pour les filles, en référence aux tragédies.

Œdipe-Roi qui épouse sa mère et tue son père sans le savoir, et à la fin il se crève les yeux. Agamemnon part faire la guerre de
Troie et sa femme, Jocaste, en profite pour épouser un gars et ils prennent le pouvoir, et elle va tuer Agamemnon, et les
enfants Oreste et Electre se trouvent sans père et son destitués de leur héritage. Electre, en accord avec Oreste, va venger la
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mort de son père, et va tuer la mère et l’amant. Suite à cela les hérinies vont se mettre en colère et Oreste va prendre Apollon
pour le défendre, Athéna va donner raison à Oreste et tout va être merveilleux. Electre c’est le pendant d’Œdipe, car elle tue sa
mère pour venger son père.

Mais intervient le 2ème instinct, l’instinct de mort. Chez Freud c’est aussi bien l’agressivité à l’égard de son semblable, que
l’auto agression. C’est ce qui va expliquer la rivalité avec les parents du même sexe et le désir de le supprimer purement et
simplement, c’est pourquoi on dit aussi « quelque soit notre âge, il faut tuer le père », car sinon on peut pas vivre sa vie
d’adulte, pour prendre son autonomie. Ce désir de mort est nécessaire à la construction de sa propre identité sexuelle.

Cette construction de l’identité sexuelle qui amène l’enfant à l’âge adulte passe par un certain nombre de phase, c’est-à-dire
de dépassement : dépassement d’une phase d’autoérotisme, dépassement d’une deuxième phase d’homosexualité (précède
le moment où on dépasse le narcissisme). Le rôle de l’éducation consistant à faire accéder l’individu à la normalité par le
dépassement du narcissisme, liquidation du complexe d’Œdipe ou Electre et du complexe de castration qui concerne aussi
bien les garçons que les filles et qui est articulé avec le complexe d’Œdipe.

(Toutes les pratiques sexuelles autres que pour procréer sont une perversion pour Freud.
Si nous n’avions pas l’éducation, notamment dans le surmoi, on serait des bêtes fauves. Il n’y a rien de moral en l’homme
hormis l’éducation.
La vie pour chacun d’entre nous est fatalement compliquée, c’est aussi douloureux, car nous devons faire avec toutes ces
pulsions, qui sont en nous de façon originel, et les deux principaux instincts que sont Eros et Thanatos.
Il faut entendre les complexes d’Œdipe et d’Electre dans ce sens et non comme une rêverie d’enfance.)

Le complexe oedipien est lié au complexe de castration, qui concerne les garçons comme les filles. Chez le garçon, l’angoisse
de la castration est ce qui va rendre possible la liquidation du complexe. Chez le garçons il y a complexe d’Œdipe et de
castration, qui va développer une violence contre son père et un désir sexuel à l’égard de sa mère. C’est purement pulsionnel.
L’âge auquel se développe ces complexes c’est avant 3 ans, et recouvre ce que Freud appelle la phase phallique correspond au
moment où l’enfant prend conscience de son organe sur lequel il effectue une projection narcissique, ce qui induit une
période de masturbation pour le garçon en réponse à l’excitation sexuelle provoquée par sa mère. Or évidemment cette
pratique d’autoérotisme de l’enfant est frappé d’interdictions et ça va développer chez le garçon une angoisse de la castration
qui va être perçu comme une punition (je désire ma mère c’est mal, donc je risque d’être puni par la castration). Ceci est
renforcé par la découverte de l’absence de phallus chez la fille, et ça se noue (complexe, nœud de représentation et d’affecte)
et le garçon pense que la fille est un garçon châtré, car elle a été punie, ça confirme son angoisse. Il intègre l’interdiction de
l’inceste, il renonce à la rivalité avec son père car il doit s’y identifier, et il entre dans une phase de latence (après liquidation
du complexe d’Œdipe vers 3ans) jusqu’à la puberté.

Les filles c’est différent, car le complexe de castration va rendre possible la face œdipienne. La fille constate elle aussi une
différence anatomique avec le garçon. Et elle va identifier dans son clitoris un phallus raccourcis. Ce faisant, elle prend
conscience de son infériorité et de la supériorité du mâle. Nous sommes, comme pour le garçon, à cette époque de la vie,
dans cette étape phallique, où le phallus est la référence. D’abord c’est vécu par la fille comme une mutilation qu’elle explique
par le fait d’être une femelle, et du coup elle développe de l’postérité à l’égard de sa mère qui l’a fait naître femme. Elle
s’engage dans un rapport de séduction avec son père, car elle identifie dans le père le représentant de la castre dominante.
D’autant que c’est le père qui a le pouvoir, et c’est lui qui a le pouvoir de donner l’enfant, Dieu d’une certaine façon (voilà
pourquoi culte du phallus dans certaines civilisation), qui du coup est représenté à la fille comme un substitut du phallus. De
là haine de la mère, désir du père, et la fille accède à son destin de femme quand elle refoule le désir du père, qui va
demeurer néanmoins, mais transformer dans le désir de l’enfant. Elle va après entrer dans une phase de latence.

Freud conclu ainsi. La disparition du complexe d’Œdipe, article de 1923 : « la réclamation féministe d’une égalité de droit
entre les sexes n’a pas ici une grande portée, la différence morphologique devant se manifester dans des différences dans le

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développement psychique. Pour transposer un mot de Napoléon : l’anatomie c’est le destin. »
Contexte de guerre avec l’aide des femmes pour la guerre.

Un moi est un moi incarné et donc sexué par définition. Une des questions que pose Freud ici c’est la manière dont se
construit une identité sexuelle, avec ces deux grands courants qui s’opposent :

- un courant d’ordre naturaliste qui pense comme Freud que construction psychique, rôle dans la société... est déterminé par
la nature (la fille née fille (femme au foyer, fait des enfants...), le garçon né garçon (protège la fille, ramène l’argent à la
maison...), avec tout leurs rôles). La nature donne un organe ou n’en donne pas.

- un courant qui considère au contraire que cette identité sexuelle n’est pas le produit de la nature, elle se fabrique à partir
d’une réalité biologique incontestable, mais elle est une construction sociale. La nature donne un organe ou un autre. Ce
courant, auquel Freud fait référence par le mouvement féministe, va être représenté un peu plus tard par Simone de Beauvoir,
qui écrit Le 2ème sexe en 1949 et dedans elle écrit « on ne né pas femme, on le devient ». Il est évident qu’elle aurais pu écrire
la même chose pour les hommes. Elle ne veut ainsi pas dire qu’il n’y a pas de réalité biologique, mais que l’identité homme/
femme ne dépend pas exclusivement du biologique. Nous intégrons un certain nombre de représentation, et nous
intériorisons ce que la société nous dit comment on est un homme ou une femme. Pour elle c’est de voir comme la femme est
devenu le 2ème sexe. Pas l’autre sexe, mais le 2ème sexe par rapport à l’homme, représentation égalitaire.

Des études sur le genre se sont développées aux USA dans les années 70 qui se réclament toutes de la formule de Simone de
Beauvoir. Elles consistent à montrer comment garçons et filles construisent leur identité à partir de la société. Ces études
montrent à quel point il y a une pression des stéréotypes sur les garçons et les filles. Débats liés aussi au mariage pour tous
avec l’homo-parentalité et aussi l’homosexualité.

L’homme ou la femme « normal » (= conforme à la norme, la moyenne la plupart du temps) c’est un être qui a été
convenablement frustré, convenablement castré, un individu qui a intériorisé ce que la société attend de lui, qui ne se révolte
plus contre toutes ces contraintes qui se sont exercées sur lui dans un 1er temps, et qui ont participé à sa construction. On ne
peut se construire sans ces frustrations et contraintes. Et si il n’y a pas eu liquidation du complexe d’Œdipe principalement, on
le retrouve au principe de toutes les névroses. Une névrose est une attitude qui consiste à trouver un substitut dans
l’imaginaire pour la satisfaction de désirs qui ne peuvent être satisfaits dans le réel. Sur ces névroses qui se caractérisent toute
par un retour à la sexualité infantile va se développer des perversions sexuelles, car elles ne se tournent pas vers la
procréation, qui est le but de la vie sexuelle d’un homme et d’une femme adulte.

Conclusion 1 : Ces analyses freudiennes confirment cette idée selon laquelle l’identité du « pour soi » n’est pas l’identité d’une
chose, qui est un concept. Ce qui caractérise l’identité du « pour soi » c’est d’intégrer d’emblée des éléments qui ne sont pas
moi, c’est-à-dire corps, passions, pulsions, les instincts... car c’est tout le monde. Et ces éléments qui viennent d’une certaine
façon pour créer des conflits dans l’intériorité de tout homme, et finalement Freud montre à quel point le fond de l’homme
est conflictuel, et par cette idée il s’inscrit dans cette tradition philosophique qui a identifié des conflits :

- âme/corps (Platon, stoïcisme...)


- passion/raison
- conflit intérieur de la volonté avec elle-même (Saint Augustin)

Pour un être pour soi, c’est-à-dire un être qui pense, qui questionne et qui questionne aussi son existence et son essence,
pour un pour soi, être soi, c’est nécessairement être soi-même. L’être soi-même c’est ce qu’on appelle ipséité. Ainsi notre
identité à nous est dans le déséquilibre, complexe et fluctuante, et cela explique que la perception de soi par soi entraîne
fréquemment un sentiment de trouble, d’étrangeté à soi, et sentiment de conscience, même confuse, que ce que je refuse
d’être, ce qu’éventuellement je rejette en moi, ce en quoi je ne me reconnaît pas, que tout cela malgré tout c’est moi.

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Et ainsi dans les efforts du moi pour se déterminer, c’est-à-dire pour trouver des réponses sur soi, finalement se révèle au
contraire un effort pour s’oublier. Quand je trouve une réponse je me nie en tant qu’être questionnant. Cet effort est
justement ce qui nous fait vivre dans l’inauthenticité ou dans ce que Sartre appelle la mauvaise foi, qui est une reformulation.

Sartre, L’Etre et le néant : « la Mauvaise foi ». Ce concept est élaboré par Sartre dans un but assez clair qui consiste à révoquer
le concept de refoulement freudien, Sartre montrant qu’il est inutile parce que le pour soi est capable de se tromper lui-
même. D’autre part il montre que ce concept de refoulement n’est pas clair car il y a effectivement le système de sélection qui
s’effectue, certains éléments vont rester dans le préconscient, d’autre vont être envoyer dans l’inconscient et bloqué. Or pour
Sartre s’il y a sélection, il y a forcément conscience de cette sélection et de ce qui est sélectionné, même s’il ne s’agit pas d’une
conscience réfléchie. Freud a oublier que toute conscience n’est pas réfléchit, et ça peut être présent sans que ça le soi à ma
conscience.

Pour évacuer cette représentation de l’inconscient freudien, Sartre va montrer que le concept de mauvaise foi permet
d’expliquer toutes les conduites qui sont expliquée par Freud à partir du concept de refoulement. Il faut repartir de cette
définition du pour soi chez Sartre qui sort de l’analyse de l’intentionnalité de la conscience : il est foncièrement liberté, car il
est foncièrement faculté de néantisation. Or cette liberté, c’est-à-dire mon être, se révèle à moi, non pas à ma conscience
réfléchie, mais au moyen de cet état très particulier qui est l’angoisse, qui à la caractéristique par rapport à la peur de ne pas
se rapporter à quelque chose de déterminé. J’ai un sentiment de malaise et d’inquiétude mais qui ne renvoi pas à un objet
identifié, et c’est ainsi dans l’angoisse foncière que je m’expérimente. Et cette angoisse est angoisse de la liberté que je suis,
parce qu’être libre c’est ne pas être déterminé, ne pas être défini à l’avance par une essence, et c’est ainsi que nous nous
éprouvons. Angoisse telle qu’elle serait d’après Sartre invivable s’il n’y avait pas la mauvaise foi.

La mauvaise foi est une conduite consciente mais non réfléchie, consistant à se penser, du moins essayer, comme une chose,
c’est- à-dire être en soi et non pas être pour soi. Comment procède-t-on, nous qui sont des êtres totalement libres ? Comment
fait-on pour fuir cette angoisse ? Nous nous inventons des déterminismes (sociaux, éducation, ...) auxquels nous croyions
sincèrement, qui nous décharge de notre responsabilité qu’est la notre de notre être, parce que la mauvaise foi est un
mensonge à soi-même (c’est un mensonge parce qu’il y a tromperie, la vérité est sue sur un mode qui n’est pas réfléchie mais
elle est sue toute de même), mais un mensonge sincère, sans lequel nous ne pourrions pas individuellement et
collectivement supporter notre condition d’être libre, d’être conscient donc pensant donc questionnant.

La mauvaise foi est une conduite de fuite de ma liberté, c’est-à-dire de moi-même, de mon être, de ce que je suis
foncièrement. Mais parce que c’est une conduite consciente elle me révèle indirectement ce que je suis foncièrement, c’est-à-
dire un être libre qui porte la responsabilité non seulement de ses actes, de ses décisions mais de son être et de ce qu’est
l’homme en général dont chaque individu indique une représentation par les choix qu’il fait.

2) Mon alter-ego.

Entendre par autrui une autre personne particulière, mais également autrui en général. Concept très important pour
caractérisé l’altérité très particulière que je rencontre quand je rencontre autrui. Altérité qui n’est pas celle d’une chose
matérielle quelconque. En effet cette chose matérielle n’est pas moi, et finalement j’en n’ai rien d’autre à en dire. Lorsque je
rencontre une chose matérielle quelconque dépourvue de conscience, les termes du rapport qui est posé par cette rencontre
demeurent extérieures l’un à l’autre, c’est-à-dire que la rencontre ne me change pas, elle ne m’enrichie pas, ne m’appauvrit
pas : il ne se passe rien.

A l'inverse, une rencontre avec un autre moi, quel qu’il soit, un moi qui n’est donc pas moi mais qui est quand même un moi,
cette rencontre est celle avec un « semblable » qui n’est pas identique ou encore un « prochain » (il est proche), et elle va
m’enrichir éventuellement, m’appauvrir, me faire souffrir, ... et d’une certaine manière je ne serais plus, et l’autre non plus, ce
que j’étais avant cette rencontre, qui va donc faire naître une différence en moi.
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Finalement, c’est justement le fait que l’autre moi soit mon semblable qui rend souvent la rencontre plus difficile qu’avec un
être totalement autre (animal...). On peut reconvoquer Pascal ici : liste des pensées à lire. « Chaque moi se veut le tyran de
tous les autres », et ainsi les rapports entre les hommes sont d’emblée donnés pour Pascal comme des rapports de
domination. Ce qui nous anime est le désir de dominer les autres mois parce que nous nous plaçons au centre du monde.
Ainsi là ou nous partons du principe que le fait que l’autre soit un autre moi, qu’il soit mon semblable, facilite les relations et
le rencontres entre les hommes, en nous posant d’emblée dans une espèce d’identité l’un par rapport aux autres, alors que en
réalité ce qui se donne en 1er dans les rapports entre les mois c’est le conflit, et ceci justement parce que nous sommes
semblables.

La 1ère grande analyse de la relation à autrui nous la devons à Hegel, Phénoménologie de l’esprit : « dialectique du
Maître et de l’esclave ». Début de la philosophie contemporaine. Analyse qui a une portée dans le rapport d’homme à homme,
et qui va être aussi rappelée lorsque nous travaillons sur le travail, les rapports sociaux...

Hegel prend avant en charge un problème qui est aussi bien mis en évidence par Fichte : l’échec auquel conduit un rapport
purement théorique de soi à soi, et un rapport également théorique de soi à la chose ( : le non-moi, pour Fichte). Il montrait
que cela aboutissait à l’effondrement du moi, de la chose, qui finissent par ne plus être que des images, des représentations,
et des images de ces images. Le moi ne pose une indépendance que pour rien, tautologie moi=moi, tout à perdu réalité. Il
montrait par la suite que c’était dans le rapport pratique (= dans l’action) des choses que le moi va pouvoir acquérir de la
réalité, là où il s’effondrait dans le rapport purement théorique. Ces choses sur lesquels il va pouvoir exercer son action vont
lui opposer une résistance ; résistance de la volonté d’autrui qui va empêcher mon action ou contraire. Le moi va s’éprouver
véritablement comme tendance et comme désir. C’est dans le désir que je vais avoir de la réalité pour moi.

Dialectique du désir

C’est la dialectique qui précède celle du Maître et de l’esclave, qui peut s’intituler « dialectique du désir ». La phénoménologie
de l’esprit retrace les expériences d’une conscience qui subit donc un certain procès dialectique depuis le savoir immédiat
dans les sensations (la certitude sensible) jusqu’au savoir absolu. La conscience fait un certain nombre d’expériences qui
échouent, et c’est cet échec dépassé qui permet d’avancer, de progresser, et de faire l’expérience suivante. C’est ainsi qu’elle va
aller jusqu’au savoir absolu, qui est en fait le point de départ.

A un moment donné, la conscience va se poser comme conscience de soi, elle dispose de la certitude qu’elle est conscience de
soi, c’est-à-dire sujet, actif, libre... et elle cherche à accéder à la vérité de ce qu’elle est, à être pour elle-même objectivement un
sujet libre, actif ... C’est ce qui est en jeu, ce qui suppose que je prenne conscience de moi-même comme conscience de soi,
sujet, libre, actif ... La 1ère tentative pour la conscience est le désir, car elle ne peut pas accéder à la vérité de ce qu’elle est
uniquement dans la pensée, car elle la ramène à la tautologie moi=moi.

Le désir par définition est désir d’un objet (= ce qui fait face à la conscience) et cet objet c’est l’autre, le « non-moi ». D’autre
part le désir est une tendance à la satisfaction, mais à la satisfaction par suppression de l’objet du désir : das Aufheben ->
supprimer- conserver ; concept de dépassement. C’est-à-dire que lorsque le désir est satisfait (il tend à cela) l’objet du désir ne
l’est plus, mais non supprimer mais posé comme ce qui a été objet du désir et qui ne l’est plus. Dans cette suppression
conservation de l’objet du désir, le sujet prend conscience de son activité de sujet, il objective donc ainsi son activité = sa
liberté, et c’est cette objectivation qui lui permet de faire réflexion sur soi et donc rendre conscience de lui-même. C’est là
qu’elle croit pouvoir rencontrer quelque chose qui va pouvoir résister à son action, dont elle a besoin pour prendre conscience
d’elle-même, ce qu’elle n’aura jamais dans le domaine théorique.

Or à chaque fois la conscience essaye quelque chose et elle échoue, elle s’aperçoit qu’elle s’est trompée. Elle tombe dans un
piège : le piège du désir. Le problème c’est qu’ainsi au lieu de faire l’expérience comme elle le croyait de son autonomie, de
sa liberté de sujet libre, mais en réalité elle fait l’épreuve de l’autonomie de l’objet du désir, de l’autre. Ceci pour une raison
très simple : « pour que la suppression soit, il faut que l’autre soit » c’est-à-dire qu’il est logiquement nécessaire que la
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conscience ai un objet à désirer pour le supprimer et prendre conscience d’elle-même dans la suppression-conservation. Ce
qui veut dire qu’elle est amené à désirer sans cesse, pas plus.

C’est ainsi qu’Hegel explique cette caractéristique du désir qui en fait à la fois son attrait et qui montre à quel point il est un
piège, à savoir qu’il se renouvelle sans cesse. Cela montre aussi que rien n’est en soi objet du désir : on ne désire pas un objet
car c’est désirable, c’est nous qui le rendons désirable.

Fin de la 1ère dialectique. La conscience s’aperçoit qu’elle est en échec avec le désir. Elle n’est pas parvenue à la conscience de
soi, mais en plus elle s’est rendue dépendante de l’objet du désir. Et ainsi elle comprend que c’est dans la relation à une autre
conscience qu’elle pourra trouver ce qu’elle cherche, c’est-à-dire la conscience de soi comme sujet libre et actif, car cette autre
conscience qui est aussi conscience de soi sera en mesure de la reconnaître (concept de reconnaissance) comme conscience
de sois sujet libre et actif, et c’est pour cette raison qu’elle va s’engager dans la lutte avec l’autre conscience, car la
reconnaissance n’est pas donnée, il faut l’obtenir. Cette lutte sera « une lutte à mort pour la reconnaissance » qu’on appelle
également la dialectique du maître et de l ‘esclave.

Dialectique du Maître et de l’esclave

Hegel va montrer que le fond des relations entre les consciences c’est le conflit, et aussi que l’enjeu de relations entre les
conscience/les hommes, c’est la domination.

1er moment logique : chaque conscience tente de s’affirmer soi par la suppression de l’autre, ce qui veut dire « je suis moi +
tu n’est pas moi » ; affirmation et négation. C’est ainsi que chaque conscience vise la mort de l’autre. Quand j’aurais tué l’autre,
je pourrai prendre conscience de mon sujet actif et libre : « qui l’a tué ? C’est moi ». Mais ça ne suffit pas car nous avons 2
consciences.

2ème moment logique : chaque conscience aussi met sa propre vie en jeu, c’est-à-dire qu’elle tente de s’affirmer comme sujet
libre dans l’auto-négation, l’auto-suppression, puisque seul un sujet libre actif est capable de se supprimer soi-même. C’est
dans l’auto- suppression que je prouve on activité et ma liberté.

Au terme de cette lutte à mort, l’enjeu est la vie ou la mort, qui peut avoir un sens réel ou non. Au terme du combat, l’une des
conscience va renoncer, et conséquemment reconnaître l’autre comme son maître, c’est-à-dire celui qui domine. L’enjeu était
bien la domination de l’un sur l’autre. Elle même se pose comme esclave. Cela montre qu’il n’y a pas de maître et d’esclave
avant la lutte.

Naturellement l’esclave va travailler pour le maître, il va travailler à la satisfaction des désirs du maître. L’esclave va
progressivement se libérer de toutes les contingences de l’existence, va prendre conscience de sa liberté, là où le maître qui
ne fait rien, qui ne tente même plus de satisfaire ses désirs, non seulement ne va pas accéder à la conscience de sa liberté
mais va aussi le rendre dépendant de son esclave. Il devient « esclave de son esclave ». Et c’est ainsi que la relation s’inverse : «
qui croyait être le maître devient esclave ». C’est ainsi qu’Hegel montre que le travail rend libre.

Bilan

Ce qu’on retient de l’analyse c’est que rien n’est décidé au départ : il n’y a pas de maître en soi et d’esclave en soi. Le rapport
de domination se décide dans la rencontre. Ce que je suis en moi dépend de l’autre, c’est lui qui va me dire si je suis maître. Et
ainsi Hegel montre que j’ai besoin d’autrui pour prendre conscience de moi, j’ai besoin de sa reconnaissance, reconnaître
l‘existence de, en plus de reconnaître le statut. La reconnaissance fait partit de la connaissance de soi. Je dois rencontrer l’autre
pour me poser moi. Je dois passer par la contradiction pour me poser moi dans mon identité. Mais un autre qui est capable
de me reconnaître comme autre.

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Cette réflexion est le point de départ de la réflexion sur autrui (point de départ sur le travail de la réflexion marxienne) qui va
exploser à l’époque contemporaine, tout le monde va se référer à Hegel, et cela grâce à la phénoménologie. Cette réflexion va
trouver dans l’intentionnalité de la conscience un outil pour repenser la relation à autrui, qui sont maintenant des consciences
qui sont toujours « consciente de quelque chose », donc qui ne sont plus posés comme 2 absolus posés l’un en face de l’autre.

Ceci va permettre à Husserl de poser l’idée que l’autre est présent à ma conscience même dans la solitude. Il va poser l’idée
que nous vivons dans un monde intersubjectif, c’est-à-dire un onde construit par des sujets qui sont ouverts les uns sur les
autres. Le monde dans lequel nous vivons est un tissu de relations, un réseau de relations. Tout repose sur cette définition de
la conscience intentionnelle. Pour cette conscience intentionnelle, qui construit un monde de phénomènes par ses
expériences réelles et possibles, l’expérience de l’autre ne diffère absolument pas de l’expérience de n’importe quel objet. A
ceci près que l’autre se présente à ma conscience immédiatement comme alter-ego, c’est-à-dire comme autre moi.

Husserl, Méditations Cartésiennes : « Par et dans mon expérience propre, je ne m’appréhende pas seulement moi-même,
mais grâce à une forme spéciale de l’expérience j’appréhende aussi autrui ». La réfl exion sur soi me donne accès
immédiatement à moi et à l’autre, et c’est possible car toute conscience est consciente de quelque chose, même si l’objet n’a
pas d’existence objective hors de moi. Ainsi l’autre est présent à ma conscience et réciproquement comme je suis présent à la
mienne, ce qui ne veut pas dire que je me le représente. Ainsi, conséquence majeure, la relation à autrui est nécessaire pour
me connaître, pour avoir une représentation de moi-même et pour moi. La relation avec autrui me constitue dans mon être
même. J’ai besoin des autres parce que je ne suis rien. Être un sujet, c’est n’être rien.

C’est ce qui justifie la formule de Sartre, Huis Clos : « l’enfer c’est les autres ». Il a très vite appris sur Husserl. L’histoire est 3
personnages qui se retrouvent dans un salon, un homme et deux femmes, et peu à peu ils vont commencer à parler
ensemble, et vont commencer à se raconter leur vie. Toujours en se demandant ce qu’ils font dans ce salon, ils vont se rendre
compte qu’ils sont morts, et se disent qu’ils doivent être au purgatoire. Instant de lucidité, et à la fin de la pièce, le
personnage masculin comprend qu’en réalité ils ne sont pas au purgatoire mais qu’ils sont déjà en enfer, et cet enfer c’est les
autres. Ils sont amené pour l’éternité à s’entre déterminés les uns les autres sans pouvoir s’échapper au regard d’autrui. Autrui
ne va pas simplement porter un regard sur moi, il va me donner un être.

Si autrui pouvait rester extérieur à moi, cette relation que nous avons, contraints et forcés à vivre avec les autres, ne serait pas «
infernale », il faut la prendre au sérieux : « une torture permanente », car le regard des autres est là. Je ne peut pas échapper au
regard des autres, car la seule expérience de moi-même est en même temps expérience de l’autre. Sartre tire toutes les
conséquences de la philosophie de Husserl.

C’est ce qu’il va illustrer par la fameuse référence à l’expérience de la honte, dans L’Etre et le Néant. Elle prouve la présence
immédiate d’autrui à la conscience. Il prend l’exemple d’un individu qui regarde dans le trou d’une serrure d’une chambre
d’un hôtel. Sartre explique qu’au moment où il regarde, l’individu n’a pas de recule par rapport à son geste, quelque chose l’a
poussé à le faire, il est dans l’action. Il suffit qu’il entende des pas dans l’escalier au loin, qui suggèrent la présence d’autrui,
pour qu’immédiatement il prenne du recul dans ce geste, et soi en mesure de prendre un jugement sur lui, et qu’il va alors
pouvoir avoir honte, même si l’autre n’est jamais arrivé.

C’est par cette analyse qu’il arrive à poser : « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même ». Il n’y a pas de
moi- même sans autrui, moi-même qui indique la réflexion et donc la représentation et a prise de conscience de soi. Il
explique en effet que toute prise de conscience de soi suppose la position de soi comme objet pour ma conscience, ce qui
signifie finalement me poser comme autre face à ce sujet que je suis immédiatement. C’est justement ce que me permet
d’accomplir le regard d’autrui, qui lui est aussi un sujet, pour lequel je suis objet, et pour lequel je suis autre. C’est parce qu’il
est autre que je peut me poser comme autre.

L’expérience de la réflexion sur soi est impossible sans la relation à autrui. C’est ce qui rend possible la position d’un « moi-
même », ce qui rend possible la connaissance de soi qui passe naturellement par la reconnaissance de l’autre mais aussi la

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reconnaissance que je suis comme l’autre me voit. C’est ainsi que Sartre pose à la suite d’Husserl que la relation à autrui est
non seulement relation de connaissance, mais relation d’être.

Le regard d’autrui a une fonction objectivante, c’est-à-dire que ça me permet de me poser comme objet face à moi, condition
de la possibilité de la réflexion et donc de la connaissance sur soi, du jugement sur soi...Relation à autrui qui ne suppose pas
la présence effective d’une personne déterminée : nous sommes dans un monde intersubjectif, et l’autre est là toujours
même quand il n’est pas là. Cette relation a autrui est la condition de possibilité d’un « moi-même ».

D’autre part, Sartre montre aussi que ce regard d’autrui me fait être pour moi ce que je suis pour eux, ce qui signifie que «
l’être-pour-autrui » devient véritablement une dimension de l’être pour soi, c’est-à-dire une dimension de mon être. La relation
à autrui me constitue également en mon être.

Or ce que je suis pour autrui, qui est également un être pour soi, c’est l’autre, et l’autre pour un être pour soi, c’est une chose,
dont la manière d’exister c’est être pour soi/être en soi et réciproquement. Ainsi la relation à autrui est toujours une déchéance
qui me chosifie, pour un être qui est foncièrement liberté, projet pour soi, toujours à distance de soi, et qui se trouve devenir
chose pour autrui, ce qui ne serait pas très grave si autrui n’était pas une dimension de mon être. Il faut reconnaître
l’existence. L’autre me donne une essence de l’extérieur, ce que je recherche. Dans la mauvaise foi je cherche à me poser
comme une chose.

C’est une déchéance, mais en même temps c’est aussi ce que nous recherchons éperdument puisque l’autre me donne une
identité qui se confond avec mon être, une identité confortable, que je ne peut pas avoir moi tout seul. Une identité qui est la
même que celle d’une chose quelle qu’elle soit, purement identique à soi, et qui ne peut être autre chose que ce qu’elle est.
L’autre me donne l’identité que je cherche dans les conduites de mauvaise foi.

La mauvaise foi est une conduite de fuite devant cette liberté que je suis qui m’impose des contraintes et des devoirs et qui se
révèle dans l’angoisse, qui serait intolérable sans la mauvaise foi. Pour fuir cette liberté, la meilleure solution c’est de nous
fabriquer des déterminismes, de tenter de nous enfermer dans des définitions, une définition d’une chose et non plus d’une
conscience, une chose dépourvue de liberté, purement identique à soi, et donc déchargée de toute responsabilité. Car qui n’a
pas de liberté ne peut pas être tenu responsable de quoi que se soit.

Relation à autrui infernale car très ambiguë, et ce qui la rend infernale c’est qu’elle est déchéance mais dont j’ai besoin. Cette
idée que dans la relation à autrui nous nous fuyions et nous nous cherchons en même temps, Sartre la doit à Heidegger.

Heidegger, 1889-1976

Assistant de Husserl à l’université, il appartient au courant phénoménologique, mais il va prendre son autonomie par rapport
à Husserl. La philosophie d’Heidegger est une philosophie de l’existence, qui a une longue histoire.
De Kierkegaard on remonte à Pascal, pas de philosophie très joyeuse, avec la philosophie de l’existence.

Heidegger va reprocher à Husserl d’être encore trop cartésien, et la phénoménologie husserlienne est une philosophie du
sujet. Son point de départ est en référence à Descartes, car ce qui le préoccupe c’est la science. Chez Husserl le sujet n’est plus
représenté comme un absolu, sens de l’intentionnalité de la conscience, mais le sujet chez Husserl (comme chez Kant) est
encore représenté comme ce qui construit véritablement l’objectivité des phénomènes, sur le sujet connaissance.

Heidegger va faire subir un tournant à la phénoménologie en s’éloignant d’Husserl. Il va montrer qu’en deçà du sujet et de
l’objet, il y a déjà une réalité, quelque chose dont les 2 vont surgir. Ce quelque chose c’est ce qu’Heidegger appelle « Dasein »
= « Etre- là ». Ça n’est pas l’homme en particulier, par contre l’homme a son intérêt parce que l’homme est un être qui
questionne, et il questionne l’être justement. Pas seulement ce qui est (c’est la science) mais aussi l’être en général. Il
s’interroge sur l’être, c’est-à- dire qu’il questionne sa condition, le fondement de ce qu’il est. Pour comprendre l’être, il faut
questionner celui qui questionne l’être, c’est-à-dire l’homme.

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Etre et temps, 1917, Heidegger.

Ceci va déterminer le projet de la 1ère grande oeuvre, et la seule car il aura sa compromission avec le nazisme. En 1933 il
accepte un poste de recteur de l’université, pleine période d’installation du nazisme. Il est resté 3 mois, compromission
impardonnable, et il a démissionné. Après c’est une tâche, il a été réhabilité en 1951.

Cette oeuvre est un traité d’ontologie : branche de la métaphysique qui traite de l’être. La 1ère partie de cet ouvrage
s’interroge sur les modes d’être du Dasein parce que elles enseignent sur la manière dont l’homme questionne l’être dans
toutes ses activités, et c’est une réflexion sur la condition de l’homme et sur sa finitude ( : tout ce qui fait la condition humaine
avec toutes ses limites, dont la mortalité mais pas que).

Heidegger en vient à mettre en évidence ce qu’il appelle le « Mitsein » = « l’être-avec », comme le mode d’être du Dasein qui
le constitue en son être. Dans ma relation avec les autres va se jouer une partie de ce que je suis. A partir de cette thèse,
Heidegger va mettre en évidence ce qu’il appelle « l’être soi-même quotidien » : qu’est-ce qu’être soi-même dans la vie
quotidienne ?

L’être soi-même, paragraphe 27 est le « on »= « das Man ». Dans la quotidienneté, être soi-même c’est d’abord être différent
des autres. Il pose à partir de là : « dans la préoccupation pour ce qu’on a entrepris avec, pour et contre les autres, se manifeste
constamment le soucis d’une différence vis à vis des autres », c’est une manière d’être-avec, et consiste à chercher la différence
vis à vis des autres. Ici ceci peut prendre différents cas de figures : supprimer la différence éventuellement, rester en retrait
(mais essayer de rattraper les autres), ou les maintenir en dessus, ou en dessous... Dans toutes ces dimensions des rapport
humains quotidiens apparaît le soucis d’une différence vis à vis des autres qui n’est jamais qu’une manière d’exister mon être-
avec les autres, une manière de vivre.

C’est ainsi que l’être-avec devient « Miteinandersein » = « l’être-l’un-avec-l’autre », ce qui introduit l’idée de dépendance
réciproque de l’un ou de l’autre au sein de la relation, dont témoigne aussi le soucis de la différence. C’est parce que pour être
moi-même j’ai besoin des autres que je deviens dépendant et lui comme c’est la même chose il devient dépendant de moi, et
nous existons au sein d’un « l’être-l’un-avec-l’autre » qui est le témoignage de notre soucis de la différence vis à vis des autres
mais aussi de notre soucis de l’être soi-même. Chacun tend à être différent pour être soi-même donc chacun a besoin de
l’autre pour être soi-même.

Or ce « les autres » renvoi à la réalité indéterminée et ce « les autres » immédiatement se révèle ainsi dans le quotidien comme
un « on », pronom personnel impersonnel neutre qui fait que si une action est accomplie, alors elle est accomplie sans sujet
véritable. Comme ce sujet n’est pas un véritable sujet, personne ne peut répondre d’une action qui aurait été accomplie par «
on ». Nous vivons donc les uns et les autres dans cette dépendance réciproque les uns vis à vis des autres, mais cette
dépendance et ce soucis de la différence disparait dans la vie quotidienne derrière cette appartenance comme du « on ». On se
fond dans ce « on » et il va devenir ainsi mon « être soi-même quotidien ».

C’est ainsi qu’immédiatement le « Umwelt » = « monde ambiant » est d’emblée un monde public. Quand je crois être dans ma
sphère privée je suis en réalité déjà dans une sphère publique. C’est le monde de tout le monde et de personne, et au sein de
ce monde, qui est le monde du « on », toutes les différences sont abolies, pour se fondre dans un sujet impersonnel sans
aucune identité déterminée. Etre soi-même au quotidien c’est être « on », et c’est le soucis de cette différence.

Et ce « on » exerce ainsi une véritable « dictature » sur ls esprits, modes de vies... quotidiens ; dictature de tout le monde sur
tout le monde, de personne sur personne, dictature à laquelle je participe également car foncièrement comme tout le monde
je fais partit des autres. Pour les autres je suis les autres aussi. Je fais parti de ce « les autres » par lequel « l’être-l’un-avec-
l’autre » est représenté.

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« Nous nous amusons, nous nous distrayons, comme on s’amuse ; nous lisons, nous voyons, nous jugeons de la littérature et de
l’art, comme on voit et comme on juge ; et même nous nous écartons des grandes foules comme on s’en écarte [...] le on qui
n’est personne de déterminé et qui est tout le monde, bien qu’il ne soit pas la somme de tous prescrit à la réalité quotidienne
son mode d’être »

Le nous est une association de « je » qui créer un sujet collectif qui peut prendre des responsabilités. Le « on » ne renvoi à
personne, et c’est un singulier. Alors que le « nous » est un pluriel qui renvoi à tout ces « jeu ».Revendication qui se fait par
rapport aux autre.

Ainsi Heidegger montre le pouvoir des médias, l’opinion publique (le « on » est le « on » de la rumeur et de l’opinion, on ne
sait pas vraiment qui pense), de la publicité, et c’est le mode d’être quotidien du Dasein, c’est-à-dire de chacun d’entre nous.
Chacun n’est pas soi-même, individuellement chacun est on. Toutes nos actions et modes de pensés nous sont prescrits par le
« on ». Au quotidien il n’y a absolument rien de personnel en aucun d’entre nous.

Ce mode d’être de chacun d’entre nous au sein du « on » c’est ce qu’on peut traduire par « mode d’être médiocre ». C’est la
médiocrité, qui suppose le nivellement de toutes les possibilités et de toutes les différences. La vie normale de l’homme
normale c’est la vie médiocre de l’homme médiocre. Tout ce qui va s’écarter de la médiocrité sera foncièrement dans la
normalité. Médiocrité = ce qui est conforme à la moyenne, ce qui se fait moyennement. Ne pas l’entendre au sens péjoratif.

Le « on » dans ces conditions décharge de toute responsabilité et à l’égard de ce qui se fait et aussi de ce qui se dit. Cela
amène aussi à nous interroger sur l’origine de nos propres thèses, représentations.. Est-ce que c’est bien moi qui pense ce que
je pense ? C’est extrêmement difficile de savoir si ce qu’on pense est bien représentatif d’un « soi-même » ou bien la réponse à
la prescription du « on ».

Le « on » décharge de toute responsabilité et surtout il décharge du poids de l’être, il allège le poids de la vie, et cela nous plaît
car ça nous doit une légèreté, une facilité, qui fait le mode du Dasein comme une espèce de divertissement (au sens de
Pascal).

Conclusion chapitre I

Que dire du moi finalement ? Peut être que c’est une abstraction en effet, une construction intellectuelle. De là sans doute
l’indétermination du mot n’est toujours pas levée, ainsi que la difficulté que nous éprouvons quand nous essayons de
déterminer une idée qui correspond à ce mot, à quelque chose de stable « le moi c’est ça ». Et même le retour à l’expérience
de soi donne accès non pas au « moi » en général mais « à moi » même si je ne sais pas en effet exactement ce que c’est.

Alors en dernière analyse, moi c’est peut être simplement ce que je vis, ou bien cette vie que je suis. C’est-à-dire que je sens,
que j’imagine, ceci parce qu’être pour un moi, et contrairement à ce que nous pensons dans la vie quotidienne, être pour un
moi c’est d’abord être soi, et non nécessairement être soi-même. Et le soi-même, parce que c’est le 2ème niveau de l’existence
de soi, est toujours par définition médiatisé, toujours construit, et au cours de cette construction du « soi-même » toutes les
manipulations sont possibles. Sous l’effet par exemple du narcissisme, ou bien à l’inverse haine de soi, assimilation au « on »,
mauvaise foi, ... tout cela qui intervient dans la construction de ce « soi-même » qui finalement serait un mode d’être soi
inauthentique.

Alors moi et être-soi c’est peut être une expérience qui ne se dit pas, qui ne peut pas se dire, et c’est peut être ce qui fait le vrai
sens de la tautologie « moi = moi ». Ce sens serait non pas d’ordre théorique, mais serait nous conduire à être soi, à
abandonner la recherche du soi-même, finalement renoncer à se connaître soi-même. On avait dit que se connaître c’est
arrêter d’être si c’est-à-dire un être qui questionne.

C’est peut être le paradoxe du fameux « connais-toi toi-même » de Socrate qu’il ne faut surtout pas prendre comme une
incitation à la connaissance de soi, car cette formule voulait dire de se dépouiller des faux savoir. C’est une injonction à
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l’ignorance. Formule reprise par Platon « apprends que tu ne sais rien de toi » : ce non savoir c’est la condition de possibilité
d’un être-soi qui ne se cherche pas dans un être-soi-même. C’est le 1er pas sur la voie de la sagesse, et c’est peut être la seule
science véritable.

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