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Célia

Fernandes
701

Dissertation

Sujet : Pourrions nous être nous même sans autrui

"Autrui, pièce maîtresse de mon univers". Cette citation de Michel Tournier que l'on peut
retrouver dans l'ouvrage Vendredi ou les limbes du Pacifique laisse percevoir Autrui
comme un être indispensable à notre vie. Autrui, du latin alter (l'autre, celui qui nest pas le
même) désigne tout autre sujet que moi, l'autre homme, l'autre conscience. Il est à la fois le
même et l'autre. Nous vivons en effet, dans un monde rythmé par la présence d'autrui,
structuré autour de nos rapports à celui ci et entretenu pour permettre notre coexistence .
Cette dernière figure parfois difficile et nous amène à songer à une vie sans autrui, nous
pousse à imaginer comment nous vivrions seul, à nous demander si nous serions la même
personne que l'on pense être actuellement ou au contraire un individu complètement
différent. Dans ce sens , autrui est-il indispensable à notre construction ? Spontanément, on
pense que sans autrui nous ne pourrions être la personne que nous somme. Mais dans un
second temps, on peut également penser que l'existence d'autrui restreint nos libertés et nous
contraint à ne pas être nous même. Enfin, nous verrons néanmoins que percevoir autrui
comme un moyen est réducteur et déshumanisant.

L'existence d'autrui est une certitude. Il s'impose à nous avant même que nous ayons
conscience de notre existence. La conscience immédiate nous fait percevoir qu'il a d'autres
êtres autour de nous. Grâce au développement progressif de notre conscience nous arrivons
à accéder au jugement et à la réflexion. Ces deux facultés proprement humaine nous
amènent à nous interroger sur autrui et à son statut de sujet. Le sujet désigne l'être qui pense
par lui même, c'est-à-dire l'être capable de dire "je", de s'interroger sur lui même et sur le
monde extérieur.. Selon Descartes le seul moyen de conclure de façon certaine que autrui est
un sujet est par la méditation du langage. En effet, autrui est capable d'émettre des sons ou
des signes intelligibles qui exprime sa pensée, à l'inverse des animaux dont les sons émis
dépendent d'un stimulus donnée et ne constitue pas l'extension d'une pensée. Le corps
parlant d'autrui fait donc, selon Descartes, de lui un sujet . Néanmoins, cette qualification
par effet de miroir me reflète aussi comme étant un sujet. Ainsi, le "je" singulier ne peut
alors se constituer sans l'existence au prime abord du "tu". Sans autrui, je ne serais que
j'existe. Je vivrais simplement les choses telle qu'elles viennent sans avoir d'être à qui me
référer pour me construire. Es-ce que cela signifie qu'autrui est indispensable à notre
construction ? Comment des sujets pluriels pourrait aider un moi singulier à grandir, à
constituer sa propre identité, à affronter le monde ?
Autrui constitue un être inhérent à la construction d'un moi singulier. Celui ci me permet
de me percevoir à travers son regard et ainsi accéder à l'objectivité. En effet, selon Sarte
autrui est " le médiateur indispensable entre moi et moi-même". Autrement dit, le regard
extérieur d'autrui permet de me constituer un monde intérieur enrichie par le jugement de
cet autre moi même. L'accès à cet objectivité permet d'évaluer l'impact de mes actions et
d'agir en conséquence selon les interprétations que nous en en tirons. Sans autrui, je crois
me connaître alors que ce n'est que du vécu. Autrui est celui qui va me permettre de
dépasser cela, de contrer la mauvaise foi , pour m'établir dans l'objectivité et ainsi avoir une
meilleure connaissance de moi-même. De plus, le regard d'autrui n'est pas le seul
médiateur , il y a également le langage qui rentre en jeux. Effectivement, les échanges que
nous avons avec ce dernier permet de nous construire mutuellement. Nous découvrons une
nouvelle personne, un autre moi qui est porteuse de pensées qui lui sont propres et qui par
cela va me permettre d'enrichir mes connaissances, développer de nouvelles idéologies, de
percevoir d'autre visions autres que les miennes venant me faire grandir.Vivre loin d'autrui
revient-il alors à renoncer à une connaissance de nous même ? Pouvons nous néanmoins
nous construire sans autrui?

Autrui constitue un moyen de s'humaniser. Par "humaniser" résonne le fait de disposer


d'une conscience , de pouvoir réfléchir, juger, de disposer d'un corps parlant. En effet, autrui
me permet de développer une conscience, de pouvoir mettre des mots ou des gestes sur mes
pensées et même de pouvoir les rédiger. Par exemple,tout d'abord les parents apprennent à
leur enfant à parler et à se déplacer dans l'espace par un procédé d’imitation de leur gestes et
paroles. Les enfants développent alors des moyens de se faire entendre dans un cadre
d'optimisation de leur facultés en tant que humain. Ensuite, à l'école primaire les maîtres ou
maîtresses effectuent un transfert de connaissances s'adressant aux élèves. Ces derniers
apprennent à écrire, se qui permet aux enfants d'avoir accès à un panel de connaissances
beaucoup plus élevé et de progresser plus facilement dans la vie. Néanmoins, il existe des
individus marginaux vivant à l'écart de nos sociétés.Néanmoins, des études réalisées sur des
"enfants sauvages" ont montré que des enfants privé prématurément de contact avec autrui
ne développaient aucune des facultés proprement humaine (conscience de soi, langage) et
n'avaient donc pu s'humaniser. Cohabiter avec autrui est alors nécessaire pour pouvoir
exister et développer nos capacités. Mais autrui ne revendique pas que des choses positives
il est également source de tensions ,de conflit et même d'aliénation. Alors, pouvons nous
être entièrement nous même avec autrui ou me restreint-il à me déguiser ?

Autrui me fait exister mais paradoxalement me fait également être. En effet, par son
regard, il me fige et me juge sur une apparence, un instant donné comme il pourrait le faire
sur l'aspect extérieur d'un objet. Autrement dit, il juge une réaction, une attitude, un
physique d'un individu et par cette pensée le fixe en tant qu'objet et non en tant que sujet.
Ce dernier chosifie l'individu et l'enferme dans une case : " il est laid" , "il est maladroit".Par
cela il n respecte pas le sujet en tant que tel, il l'oppresse dans une case qui et le range dans
une catégorie. Cette vision nous amène avoir l'autre moi même comme un rempart à
l'affirmation de soi, de sa propre identité. En effet, cet aspect que peut représenter autrui est
illustré dans la pièce contemporaine Huis clos de Jean Paul Sartre. On y retrouve la citation
suivante : "L'enfer c'est les autres. Dans ce sens, Sartre affirme que autrui n'est pas celui va
me permettre d'être complètement moi même mais au contraire celui qui me chosifie
m'étiquette, me range dans une case. Le regard d'autrui me prive t-il alors de ma liberté ?
Puis-je être moi même en présence d'un être qui me chosifie ?

Le regard d'autrui menace ma liberté. Effectivement celui-ci m'incite à me déguiser, à me


travestir pour ne pas se sentir rabaissé, humilié. L'exemple de la honte démontre bien cette
facette. Un individu n'éprouve, en effet, de la honte que devant la présence d'autrui. Par
exemple, un individu qui mange avec ces doigts et d'une manière que notre éducation nous
amène à voir comme "grotesque" , ne va pas ressentir de gène, de honte, il va se contenter
de manger son plat comme il en a envie, de vivre simplement l'action sans se visualiser.
Néanmoins, s'il s’aperçoit qu'il n'est pas seul et que quelqu'un d'autre l’observe, ce dernier
va se percevoir en train de manger et va se sentir honteux étant donné que son attitude
déroge aux règles de bienséance. Le façon de s'habiller également peut ne pas me déplaire
quand je suis seul mais lors qu’apparaît autrui , un simple regard peut me faire sentir
inférieur, honteuse. Autrement dit, le regard de cet autre m'aliène, m'encourage à ne pas être
complètement moi même pour ne pas ressentir le poids du jugement, du mépris.L'individu
dans ce sens n'est pas libre d'être lui même face à autrui et se dissimule derrière une
apparence. Ainsi, la liberté d'être soi et la présence d'autrui peuvent-elle cohabiter ?

Selon Rousseau l'authenticité de l'être se trouve dans la solitude. Autrement, dit nous ne
sommes nous même que dans cet état, lorsque nous nous retrouvons face à nous même.
Effectivement Rousseau dénonce à cœur ouvert dans son ouvrage Les Confessions publiés
au XVIII e siècle les méfaits du monde dans lequel nous vivons et son incompatibilité avec
l'authenticité. Selon lui, l'authenticité et la solitude sont un seul et même état alors que dans
nos sociétés le "paraître" prime. Dans d'autres termes, nous nous affairons à nous créer des
identitées qui dissimule notre être authentique pour pouvoir être accepter et vivre dans une
société. Rousseau fuit ce monde : "Plus j'ai vu le monde, moins j'ai pu me faire à son ton". Il
lui reproche son manque d'authenticité et l'aliénation à autrui qu'il renferme. Il souhaite
s'établir dans une solitude absolue, loin des jugements et des méandres de la société. La
solitude est pour lui le seul état dans lequel nous sommes véritablement nous même, sans
artifices, sans masques. Autrui est perçu non comme un médiateur entre moi et moi même
mais comme un rempart à l’épanouissent personnel.

Autrui est selon moi indispensable à notre construction, à la formation d'une identité
propre et à l'affirmation de soi. Celui-ci constitue un repère de construction à qui se
différencier nous permettant de pouvoir nous épanouir en tant qu'être instable, en perpétuel
changement et d'accéder au fur et à mesure à une façon de penser, à une personne en
harmonie avec nos valeurs. Sans lui, nous n'avons aucun "modèle" sur lequel s'inspirer pour
construire son propre monde. Néanmoins, considérer autrui simplement comme un moyen
de s'établir soi est réducteur, déshumanisant : "Agis de telle sorte que tu traites aussi bien
dans sa personne que dans la personne d'autrui toujours en même temps comme une fin et
jamais simplement comme un moyen" (Kant) . Autrement dit, autrui est un sujet fini qui me
permet de moi aussi me percevoir comme tel mais appréhender cet autre moi uniquement
comme tel revient à lui soustraire cet attribut. Autrui n'est pas un simple objet me permettant
de pouvoir être la personne que je veux être, et d'être moi même mais également un être à
part entière avec une conscience, des pensées, des émotions, des sentiments propres.

Pour conclure, autrui s'impose comme un être indispensable à notre humanisation, à notre
connaissance de nous même et à la construction de soi. Néanmoins, ce dernier
paradoxalement nous chosifie, restreint nos libertés et ainsi nous pousse à nous déguiser et à
ne pas être véritablement nous même. Rousseau rejette cela et prône une solitude absolue
pour s'établir dans l'authenticité et en harmonie avec son être. Cependant, autrui est celui qui
nous fais exister, qui donne du sens à nos sentiments et à nos émotions. Ainsi, nous ne
pourrions être nous même sans autrui.

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