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Dire de perles, par exemple, qu'elles sont « fausses », cela veut dire que ce ne sont pas
de « vraies » perles, mais que ce sont des imitations. Dire d’un tableau que c’est un
« faux » c’est simplement dire que ce n’est pas vraiment un Rembrandt comme on essaie
de nous le faire croire.
Mais ce qui est vrai (ou faux) alors, c'est le jugement porté sur l'objet, la proposition ("ce
sont des perles" ou « c’est un Rembrandt »), non l'objet lui-même.
Il ne faut donc pas confondre vérité et réalité : les objets ne sont ni vrais ni faux, ils sont.
Vérité ≠ réalité
Il ne faut donc pas confondre vérité et réalité : les objets ne sont ni vrais ni
faux, ils sont.
Aussi, à proprement parler, seul un énoncé, un jugement peuvent être
vrais ou faux selon qu’ils sont en adéquation ou non avec la
réalité c-à-d avec le monde tel qu’il existe indépendamment de
l’esprit humain. ♥
Un être humain accepte le plus souvent l'énoncé qui offre le plus d'effet cognitif (=
satisfaction de nos attentes) pour le moins d'effort mental (= temps de concentration et
de réflexion).
4. La désinformation
Elle est vieille comme l’humanité car la vérité a une portée politique. Cela
peut relever de la propagande, de la fake news délibérément entretenue pour
servir certains intérêts, du canular. Cela dit, la désinformation a probablement
une ampleur inégalée aujourd’hui grâce aux nouveaux moyens de
communication.
Exemple : l’idée que le Sida aurait été une arme biologique inventée par des
laboratoires américains commence à s’implanter à la suite d’une opération de
communication initiée par le KGB.
D’où les ambitions de « désintox » de certains média qui traquent les fake
news et affirmations approximatives.
5. La paresse : une entrave à l’esprit
d’examen
Kant, Qu’est-ce que les Lumières ?
Les Lumières se définissent comme la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même
responsable. L'état de tutelle est l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre.
Elle est due à notre propre faute lorsqu'elle résulte non pas d'une insuffisance de l'entendement, mais d'un
manque de résolution et de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude ! Aie le
courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières.
Paresse et lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si grand nombre d'hommes, alors que la nature les a
affranchis depuis longtemps de toute tutelle étrangère, restent cependant volontiers, leur vie durant,
mineurs ; et qu'il soit si facile à d'autres de les diriger. Il est si commode d'être mineur. Si j'ai un livre pour
me tenir lieu d'entendement, un directeur pour ma conscience, un médecin pour mon régime... je n'ai pas
besoin de me fatiguer moi-même. Je n'ai pas besoin de penser, pourvu que je puisse payer ; d'autres se
chargeront à ma place de ce travail fastidieux. Et si la plupart des hommes (et parmi eux le sexe faible en
entier) finit par considérer comme dangereux le pas - en soi pénible - qui conduit à la majorité, c'est que
s'emploient à une telle conception leurs bienveillants tuteurs, ceux-là mêmes qui se chargent de les
surveiller.
Après avoir rendu stupide le bétail domestique et soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent
faire un pas hors du parc où ils les ont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qu'il y aurait à marcher seuls.
Or le danger n'est sans doute pas si grand, car après quelques chutes ils finiraient bien par apprendre à marcher,
mais de tels accidents rendent timorés et font généralement reculer devant toute nouvelle tentative. Il est donc
difficile pour l'individu de s'arracher tout seul à la tutelle, devenue pour lui presque un état naturel. Il y a même pris
goût, et il se montre incapable, pour le moment, de se servir de son propre entendement, parce qu'on ne l'a jamais
laissé s'y essayer. Préceptes et formules - ces instruments mécaniques d'un usage ou, plutôt, d'un mauvais usage
raisonnable de ses dons naturels - sont les entraves qui perpétuent la minorité. Celui qui s'en débarrasserait ne
franchirait pourtant le fossé le plus étroit qu'avec maladresse, puisqu'il n'aurait pas l'habitude d'une pareille liberté
de mouvement. Aussi n'y a-t-il que peu d'hommes pour avoir réussi à se dégager de leur tutelle en exerçant eux-
mêmes leur esprit, et à avancer tout de même d'un pas assuré.
En revanche, la possibilité qu'un public s'éclaire lui-même est plus probable ; cela est même à peu près inévitable,
pourvu qu'on lui en laisse la liberté. Car il y aura toujours, même parmi les tuteurs attitrés de la masse, quelques
hommes qui pensent par eux-mêmes et qui, après s'être personnellement débarrassé du joug de la minorité,
répandront autour d'eux un état d'esprit où la valeur de chaque homme et sa vocation à penser par soi-même
seront estimées raisonnablement.
Questions
1) Que veut dire Kant lorsqu’il dit que les hommes semblent préférer rester dans un état de « minorité intellectuelle » plutôt
que de penser par eux-mêmes ? En quoi est-il plus agréable d’avoir un tuteur que de penser par soi-même ?
2) Quels sont les intérêts des tuteurs quand ils maintiennent les hommes dans un état de minorité intellectuelle et leur
disent ce qu’ils doivent penser ?
3) Pourquoi Kant compare-t-il les hommes qui ne pensent pas par eux-mêmes à du bétail ? Donnez des caractéristiques du
bétail qui justifient cette comparaison
4) Qui sont les tuteurs qui nous empêchent de penser par nous-mêmes ?
5) Selon Kant, il est plus probable qu’un « public » (c’est-à-dire qu’un groupe d’hommes assemblés) parvienne à conquérir
une liberté de penser authentique plutôt qu’un homme solitaire. Pourquoi ?
6) Quelles sont les conditions politiques de cette conquête de liberté intellectuelle ?
7) Qui pourraient-être ces hommes qui parviennent à penser par eux-mêmes et libèrent ainsi la foule de ses tuteurs
malveillants ?
8) N’y a-t-il pas une contradiction : les hommes du dernier paragraphe, qui s’exempteront de leur tutelle, ne deviendront-ils
pas de nouveaux tuteurs pour la foule ?
9) Concluez : En quoi est-il nécessaire d’apprendre à penser par soi-même ? Et penser par soi-même est-ce penser tout seul ?
Le problème
• Ou bien la vérité nous est inaccessible parce que notre entendement
(faculté de connaître) est trop imparfait et facilement abusé par des
puissances trompeuses (préjugés, faiblesse des sens, puissance de
l’imagination, biais cognitifs…) ; mais alors : faut-il renoncer à la
recherche de la vérité et considérer que toutes les opinions se valent ?
• Ou bien la vérité nous est accessible parce que nous pouvons surmonter
les faiblesses de notre entendement et de nos sens mais alors, comment
se garder de l’erreur ? Par quelle méthode atteindre et reconnaître la
vérité ?
I. En apparence, la vérité nous semble inaccessible.
Et si nous ne pouvions avoir que des croyances incertaines ?
a) La thèse sceptique : tous nos jugements sont également incertains.
Le scepticisme
Le scepticisme est un courant philosophique
représenté deux grandes figures : Pyrrhon (IVème
siècle avant JC) et Sextus Empiricus (IIème siècle
après JC) et qui soutient que la vérité nous est
inaccessible ou plutôt que nous ne pouvons jamais
être certains que nos jugements sont vrais.
Les sceptiques s’opposent aux dogmatiques qui
considèrent que l’on peut atteindre puis démontrer
des vérités certaines et absolues.
Selon le scepticisme, nous ne pouvons pas atteindre la vérité ; ou plutôt, quand bien
même on aurait atteint la vérité, on ne pourrait pas être certain de l’avoir atteinte.
Pour montrer l’égale incertitude des croyances, le sceptique fait appel aux « cinq
tropes d’Agrippa » qui sont cinq modes d’argumentation permettant de nous faire
douter de n’importe quelle affirmation.
Les cinq tropes d’Agrippa
• La trope du désaccord
• La trope du relatif
• La trope de l’hypothèse
• La trope de la régression à l’infini
• La trope du diallèle ou cercle vicieux
1. La trope du désaccord
La trope du désaccord souligne que …
Non, nous dirons simplement que nous n’avons accès au monde que comme il nous
apparaît càd par l’intermédiaire de nos organes de perception qui auraient pu être
différents…
3. La trope de la régression à l’infini
Exemple : « Les phénomènes paranormaux existent parce que j'ai eu des expériences qui ne
peuvent être considérées que comme paranormales ».
La conclusion de cet argument est que les phénomènes paranormaux existent.
Or, en réalité, la prémisse (la proposition de départ) suppose déjà que l'argumentateur a
eu des expériences paranormales, et donc suppose que les expériences paranormales
existent.
L'argumentateur ne devrait pas être autorisé à supposer que ses expériences étaient
paranormales, mais devrait être invité à fournir des preuves à l'appui de cette affirmation.
Les conclusions sceptiques
1. Puisque la raison est impuissante à connaître autre chose que l’apparence des choses il
faut douter de tout, suspendre son jugement (épochè) et même cesser de
rechercher la vérité. Autrement dit, le scepticisme ruine toutes les formes de
certitudes et humilie les prétentions de la raison
2. Une telle conduite devrait nous conduire, selon les sceptiques, à l’ataraxie (= la
tranquillité de l’âme).
3. Le scepticisme nous conduit à une certaine misologie (la haine de la raison
impuissante à nous délivrer la vérité).
Transition : Mais ne peut-on pas souligner que le sceptique doute de tout sauf
de la légitimité du doute ? Sextus Empiricus soutient, en effet, que l’on ne peut
rien affirmer sauf… qu’il ne faut rien affirmer. N’est-ce pas paradoxal ?
b) La thèse relativiste : tous nos jugements se valent.
A chacun son opinion !
L’erreur du sceptique selon
Protagoras
Protagoras (Vème siècle avant JC) qui
est le père du relativisme, souligne, selon
lui, l’erreur du sceptique : le sceptique a
cru que la vérité était universelle et
absolue alors qu’il n’y a que des vérités
relatives et changeantes puisqu’il n’y a
que des apparences. Autrement dit,
Protagoras soutient que toutes les
croyances se valent car elles sont toutes
également vraies.
Repère : absolu / relatif
Le relativiste s’oppose à la fois aux dogmatiques et aux
sceptiques
• Relativiste ≠ sceptique : Mais le relativiste ne considère pas non plus comme le sceptique
que nous devons douter de tout. Nous pouvons dire que nos croyances sont vraies si
nous acceptons une conception plus humble de la vérité qui se réduit alors à l’opinion
personnelle.
Pour le relativiste, l’individu est la mesure du
vrai : à chacun ses opinions !
L’individu est, selon le relativiste, « la mesure du vrai » et ce qui apparaît à chacun est la
réalité même.
Protagoras soutient alors que « l’homme est la mesure de toutes choses » ; autrement
dit, l’individu est la mesure du vrai ; autrement dit encore, que la sensation, personnelle
et privée, est la mesure du vrai.
Protagoras assume donc la trope du relatif et soutient que nous devons faire notre deuil
de la vérité absolue pour accepter qu’il n’y a que des croyances, parfois contradictoires,
mais toujours toutes également vraies ! Il faudrait dire « à chacun ses opinions » et
accepter qu’elles soient toutes légitimes.
Exemples
Selon le relativiste, parce qu’elles sont toutes également vraies, alors, toutes les
opinions sont légitimes et acceptables.
Ainsi, de la même manière que nous sommes facilement convaincus qu’en matière de
goûts et de couleurs, tout le monde a raison puisqu’il juge de sa propre sensation, de la
même manière Protagoras nous demande d’admettre qu’en morale et qu’en politique,
tout le monde a également raison.
En ce sens, Protagoras légitime la démocratie : si toutes les croyances se valent, alors
toutes les croyances ont droit de cité et doivent être entendues pour élaborer les lois et
prendre des décisions communes. Ainsi, le relativisme invite à la tolérance : s’il n’y a pas
une vérité absolue et universelle, alors nous devons respecter et écouter ceux qui ont des
croyances différentes et parfois opposées aux nôtres.
Les vertus du relativisme
L’humilité Être relativiste c’est éviter de prétendre
que les autres ont tort et que l’on a
raison et accepter de se remettre en
question.
La tolérance Être relativiste c’est accepter que
certaines personnes aient des opinions
différentes des nôtres.
La non-domination Être relativiste c’est renoncer à
prétendre posséder la vérité.
L’ouverture aux autres Être relativiste c’est accepter la
discussion avec des individus qui ne
partagent pas nos opinions.
Transition : Si le scepticisme devait nous mener à l’ataraxie, le relativisme doit
nous mener à la tolérance.
• Le sceptique souligne la nécessité de prendre conscience de la fragilité de nos
propres croyances en soutenant qu’elles sont toutes également incertaines.
• Le relativiste souligne l’égale prétention des croyances et donc leur égale légitimité
politique et morale en soutenant qu’elles sont toutes également vraies.
Mais peut-on vraiment être relativiste ou sceptique jusqu’au bout ? Soutenir que
« toutes les croyances se valent » n’est-ce pas nous rendre incapables de distinguer
l’erreur pure et simple de la croyance légitime ?
II. Cela dit, peut-on être sceptique ou relativiste jusqu’au
bout ?
a) Objections au scepticisme : vices et vertus du doute.
Objection théorique : il y bien de l’indubitable
Peut-on vraiment soutenir que toutes les croyances sont également incertaines ?
« Nous avons une impuissance à prouver invincible à tout le dogmatisme ; nous avons une
idée de la vérité invincible à tout le pyrrhonisme ».
Selon le premier membre de la phrase, il faut prendre le sceptique au sérieux : nous
n’avons probablement que des croyances fragiles et indémontrables jusqu’au bout. Nous
sommes impuissants à tout prouver et donc nous ne devons pas être dogmatiques, c’est-à-
dire considérer que toutes nos croyances peuvent légitimement devenir des certitudes
rationnelles.
Mais le second membre de la phrase souligne qu’on ne peut pas, pour autant, être
absolument sceptique car la raison est peut-être impuissante, mais justement, Pascal
souligne que nous n’avons pas que la raison. Le cœur supplée là où la raison est
impuissante à démontrer. Le cœur sent les premiers principes avec intuition (ce que c’est
que le temps, le nombre, le mouvement, l’espace). Il y a de l’évidence dont on ne peut pas
douter. Par exemple, il est indubitable que 2+2 = 4. Nous en avons immédiatement une
conception claire et distincte. Nous n’avons pas besoin d’une déduction, c-à-d d’un
raisonnement démonstratif pour le savoir. Voilà pourquoi Pascal pense que « Les premiers
principes se sentent, les propositions se concluent ».
Repère : intuitif / discursif
Une intuition désigne la saisie immédiate par l’esprit d’une idée. C’est une connaissance
immédiate, claire et distincte qui ne nécessite pas de raisonnement discursif ou de
démonstration càd de construction progressive de la pensée qui requiert, pour se déployer,
une temporalité plus longue.
L’évidence qui résulte de l’intuition est donc le caractère intrinsèque d’une idée qui fait que
je ne peux lui refuser mon adhésion.
⚠ Mais attention : on comprend donc que l’évidence est rare. Ne sont évidentes que les
idées qui sont …
o Claires : il n’y a aucune obscurité. L’idée claire est l’idée directement présente à une
pensée attentive.
o Distinctes : Il n’y a aucune confusion. Une perception est distincte lorsqu’elle est
tellement précise qu’elle nous apparaît parfaitement différente de toutes les autres.
Une objection pratique : un doute absolu
n’est pas praticable
Le relativiste moral soutient que les valeurs morales (le bien et le mal) dépendent d’un
individu ou d’un groupe à leur égard. Il n’y a pas de vérités absolues et universelles en
matière de morale : les valeurs dépendent des individus et/ou des communautés et varient
selon les époques et les sociétés.
Les valeurs morales ne seraient que des conventions, notamment sociales, càd des valeurs
établies et construites et non pas des vérités universelles.
Ainsi, pour un relativiste moral : en matière de morale, personne n’a tort. Il faut dire « à
chacun son avis ». Mais, est-ce vraiment acceptable ?
Les hyènes du Malawi
Problème : l’impossibilité de la condamnation de
l’opinion et de la conduite d’autrui
K. Popper dans La société ouverte et ses ennemis remarque que : « Si nous ne sommes pas
disposés à défendre une société tolérante contre l'impact de l'intolérant, alors le tolérant
sera détruit, et la tolérance avec lui. »
Autrement dit : le relativiste qui appelle à la tolérance est désarmé face à l’intolérance. Celui
qui défend que toutes les croyances se valent risque d’ouvrir la voie aux dogmatiques
intolérants décidés à imposer aux autres leurs croyances. Cela pose la question de savoir si
certaines opinions ne doivent pas être tolérées dans l’espace public : c’est le problème de la
liberté d’expression.
L’exemple du négationnisme
Ce fut par exemple un problème posé par l’une des lois mémorielles françaises, la loi
Gayssot de 1990 qui entendit pénaliser le « négationnisme » qui consiste à soutenir que
les atrocités de la Seconde Guerre mondiale (génocide, camps de concentration et
d’extermination) n’ont pas eu lieu. Être négationniste, en pratique, c’est alors renoncer à
juger les coupables et à entretenir la mémoire des victimes.
On voit bien que le négationnisme pose un problème politique et éthique.
Mais, dans le même temps, on peut considérer que la loi Gayssot qui en interdit
l’expression publique est une atteinte à la liberté d’expression et que cette atteinte est
grandement problématique. Voilà pourquoi certains historiens, quoiqu’outrés par le
négationnisme, ont préféré plaider pour une tolérance politique qui ne renonce pour
autant pas à battre le négationnisme sur son propre terrain en apportant toujours plus
de preuves et de confirmations des atrocités nazies.
Toutes les opinions sont-elles tolérables dans l’espace
public ?
Voilà pourquoi nous pourrions refuser une tolérance absolue qui virerait à l’indifférence pour lui préférer ce que Karl
Popper appelle le pluralisme critique des valeurs :
- On tolèrera toutes les croyances qui ne nuisent pas à l’intégrité morale des citoyens pour éviter la violence et
parce que la contrainte, de toute manière, ne peut forcer un individu à croire ce qu’on lui impose.
- On ne tolèrera pas, cependant, les croyances qui invitent à la violence. En ce sens, en France, la liberté
d’expression est reconnue comme un droit inaliénable par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen mais elle n’est pas un droit absolu : sont interdits les appels à la haine raciale, ethnique ou religieuse,
l’apologie des crimes de guerre et du terrorisme, la diffamation (porter atteinte à l’honneur et à la considération
d’une personne), les violations de la vie privée, la violation d’un secret professionnel ou d’un devoir de réserve.
Autrement dit, toutes les croyances ne se valent pas mais cela n’empêche pas de penser une tolérance qui, quoique
non absolue, accepte d’admettre que certaines croyances irrationnelles (ex : théories du complot) ou non-
rationnelles (ex : la foi) ou fausses (ex : croire que la Terre est plate) aient tout de même droit de cité tant qu’elle
ne porte pas atteinte à l’intégrité morale d’autres personnes.
c) Sortir de la difficulté en distinguant plusieurs types de jugements
L’erreur du scepticisme comme du relativisme est peut-être de ne pas distinguer assez
clairement les types de jugements à propos desquels leur constat est légitime. Tous les
jugements ne sont, en effet, pas de même nature. On peut ainsi distinguer :
Exemples : « le cheval est un mammifère » ou « la Tour Eiffel fait 300 mètres de
hauteur » ou « le climat se réchauffe ».
3. Les relations d’idées
Les relations d’idées relèvent des sciences formelles comme les mathématiques ou la
logique. Elles sont vraies ou fausses et peuvent prétendre à un assentiment universel.
Exemples : « le carré de l’hypoténuse d’un triangle est égal au carré des deux côtés »,
« 3x5 = 15 ».
Les propositions de ce genre n’ont pas besoin de confrontation avec la réalité extérieure:
on peut les découvrir par la seule opération de la pensée. Contrairement aux jugements
d’expériences qui portent sur les faits, les relations d’idées sont parfaitement nécessaires
et impliquent de la contradiction. Par exemple, il ne peut pas être autrement que 3x5 = 15.
En revanche, le fait que « le Soleil se lève demain à l’Est » n’est pas parfaitement
nécessaire : il est théoriquement possible qu’il se lève à l’Ouest ou ne se lève pas du tout.
Cela n’impliquerait aucune contradiction interne.
Les relations d’idées Les jugements de faits Les jugements de valeur
• Exemple : 2+2 = 4 • Exemple : « La tour Eiffel • Exemple : « Le tiramisu, c’est
mesure environ 300 mètres ». bon! »
• Elles sont vraies ou fausses.
• Ils sont vrais ou faux. • Ils échappent aux critères de la
• Elles énoncent un jugement vérité ou de l’erreur (et donc à la
nécessaire et formel (ce qui • Ils énoncent une affirmation à science).
importe c’est la forme de propos de la réalité et
l’argument càd la relation prétendent lui être adéquats. • Ils énoncent une opinion
logique entre les idées et non subjective relativement à ce qui
leur contenu). est bien ou mal, beau ou laid,
agréable ou désagréable.
Le critère de la vérité-correspondance qui consiste à dire qu’un jugement est vrai s’il
correspond à la réalité. Mais on comprend bien le problème : si on définit la vérité
comme adéquation de notre jugement avec la réalité, encore faut-il être sûr que nous
n’avons pas un rapport faussé avec la réalité et nous n’avons aucun moyen de le savoir !
Ce critère de vérité donc, quoique légitime, est inapplicable !
Descartes et l’argument du bâton qui nous apparaît rompu dans
l’eau
« Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons
quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre
fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a
aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux il pourra se former quelque image
du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera
jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera
jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même
pas se représenter la possibilité ou la signification d’une telle comparaison. »
Mais doit-on parler de la science ou des sciences ? En effet, les sciences se distinguent
par la diversité de leur objet d’étude.
La biologie fait l’étude du vivant.
La physique étudie la matière (nature inerte).
L’arithmétique étudie les nombres.
L’histoire étudie les faits du passé.
Les neurosciences étudient le fonctionnement du cerveau.
La sociologie étudie les comportements des individus en société.
Un même phénomène peut donc être étudié selon
diverses perspectives
Exemple : un suicide
• Les sciences humaines s’appuient, elles aussi, sur l’expérimentation mais doivent
affronter des difficultés spécifiques.
1) La méthode des sciences formelles : la démonstration
⚠ Pour les sciences formelles un jugement vrai est un jugement démontré par un
raisonnement déductif cohérent et valide.
La démonstration est un raisonnement déductif valide car elle consiste à tirer des
conclusions en les rattachant par un lien logique nécessaire à d’autres propositions déjà
démontrées ou admises comme vraies.
Ici, les deux prémisses sont vraies mais l’argumentation n’est pas valide car il n’y a pas de
lien de nécessité entre les arguments ce qui mène à une fausse conclusion. En effet, la
mortalité n’est pas un critère qui appartient uniquement à l’espèce des chats. On ne peut
donc déduire du fait que Socrate est mortel qu’il est un chat !
Les limites de la démonstration
⚠ Le problème c’est que la démonstration est une forme d’argumentation qui s’intéresse à la
validité de l’enchaînement logique des propositions (leur cohérence) mais qui ne dit rien du
contenu de l’argument lui-même. En effet, on peut enchaîner des propositions de manière
logiquement valide mais si on déduit correctement une conclusion de prémisses fausses alors la
conclusion a beau être valide formellement, elle n’en est pas moins fausse du point de vue de son
contenu s’il n’y a pas accord entre la pensée et le réel.
Un raisonnement valide mais à partir de prémisses fausses
- Les planètes sont des baobabs
Ici, le raisonnement est valide mais la conclusion est fausse car les prémisses sont fausses !
Un raisonnement déductif valide
- ……………………………………………………………………………………………………………….…………….……... (Prémisse universelle)
- ………………………………………………………………………………………………………………………………….... (Prémisse particulière)
- ……………………………………………………………………………………………………………………………………..... (Conclusion déduite)
Un raisonnement déductif non valide
- ……………………………………………………………………………………………………………….…………….……... (Prémisse universelle)
- ………………………………………………………………………………………………………………………………….... (Prémisse particulière)
- ……………………………………………………………………………………………………………………………………..... (Conclusion déduite)
Un raisonnement valide mais à partir de prémisses fausses
- ……………………………………………………………………………………………………………….…………….……... (Prémisse universelle)
- ………………………………………………………………………………………………………………………………….... (Prémisse particulière)
- ……………………………………………………………………………………………………………………………………..... (Conclusion déduite)
Ainsi, on comprend que la valeur d’un argument dépend de deux choses :
Les prémisses doivent être vraies ou probables.
Le lien entre les prémisses et la conclusion doit nécessaire.
Donc démontrer c’est :
Partir de prémisses qu’on tient pour vraies sans les justifier.
En tirer une conclusion grâce à une déduction càd des règles d’inférence logique qui
partent du général pour aller vers le particulier.
Pour en tirer une conclusion qu’on tiendra pour justifiée et valide.
Transition
Problème : Les autres sciences peuvent-elles alors être déductives ?
L’expérience scientifique est appelée expérimentation car elle n’est pas une expérience
naïve qui se contente d’observer les faits et d’en tirer des conclusions mais une
expérience guidée par une théorie et des hypothèses, méthodique, utilisant des
instruments de mesure.
Un exemple
d’expérimentation
Supposez que votre lampe refuse de s’allumer. Tel
est l’effet et vous cherchez la cause. Vous allez
successivement procéder à différents tests. Une
série d’hypothèses plus ou moins plausibles se
présente à vous au premier abord du fait de votre
expérience et de vos connaissances antérieures :
vous imaginez alors que l’ampoule pourrait être
grillée, que la prise pourrait être défectueuse, que
le fil pourrait être abîmé. Que faut-il faire alors
pour le savoir ? Expérimenter ! Brancher la lampe
sur une autre prise, changer l’ampoule etc.
La complexité de l’affaire …
Le problème c’est que pour les sciences de la nature, au départ, les choses
sont bien plus complexes parce qu’on a affaire précisément à des
phénomènes mal connus et non à un produit dont l’être humain est le
concepteur !
Comment faire alors pour découvrir les lois naturelles universelles qui
gouvernent la nature ?
Exemple : je vois une poule pondre un œuf, puis une autre, puis une autre… et
j’en conclus la loi générale que les poules pondent des œufs.
Déduction Induction
o Exemple en astronomie : le 1er janvier 2020, à minuit, Mars était visible dans le ciel
en telle position).
o Exemple en chimie : ce papier de tournesol vire au rouge quand il est plongé dans ce
liquide.
3. Collecte de plusieurs énoncés singuliers.
4. Passage de plusieurs énoncés singuliers observés et collectés à un énoncé universel.
o Exemple en astronomie : Les planètes tournent selon des ellipses autour du Soleil).
o Exemple en chimie : l’acide fait virer le papier de tournesol au rouge.
Problème : à quelles conditions l’induction peut-elle
être légitime ?
Ainsi, l’inductiviste considère qu’il est possible, sous certaines conditions, de
généraliser une série finie d’énoncés d’observation singuliers en une loi universelle.
Ces conditions sont les suivantes :
- Les observations doivent être répétées dans une grande variété de conditions.
• Exemple 2 : c’est un exemple de Bertrand Russell. Une dinde, partisane de l’induction, peut bien
observer que tous les jours, à la ferme, elle est nourrie à 9h du matin. Elle l’observe au printemps, en été, en
automne. Elle l’observe les lundis, les mardis, les mercredis… Elle fait alors une inférence inductive et conclut :
« Je suis toujours nourrie à 9h du matin ». Russell conclut ainsi : « Hélas, cette conclusion se révéla fausse d’une
manière indubitable quand, la veille de Noël, au lieu de la nourrir, on lui trancha le cou ».
• Exemple 3 : je peux avoir observé tous les jours dans des circonstances fort variées que le Soleil se couche
sans pouvoir savoir que le Soleil se couche nécessairement. D’ailleurs, dans certaines régions d’Arctique ou
d’Antarctique il y a des jours où le Soleil ne se couche pas.
Problème 2 : les conditions de validité problématiques
• Combien d’observations faut-il accumuler pour que l’induction soit acceptable ? Doit-on
chauffer une barre métallique dix fois, cent fois, mille fois… avant de pouvoir conclure
qu’elle se dilate toujours quand on la chauffe ? A l’inverse, certaines observations ne
semblent pas avoir besoin d’être répétées pour que l’on puisse en tirer une conclusion
ferme : je n’ai pas besoin de plonger ma main dix fois dans le feu avant de pouvoir
conclure que le feu brûle la peau.
• Quant à l’impératif de faire varier les circonstances : comment savoir quel critère faire
varier ? Exemple : quand on cherche le point d’ébullition de l’eau ; est-il nécessaire de
faire varier la pression ? Le degré de pureté de l’eau ? La méthode de chauffage ? L’heure
du jour ? La personne qui mène l’expérience ? La couleur du récipient ?
Le point triple de l’eau
La pression atmosphérique et la
température sont donc bien des
critères pertinents concernant
l’ébullition de l’eau.
Ici, on comprend que l’observation et l’expérimentation n’ont de sens qu’à condition
d’avoir déjà une hypothèse théorique que nous voulons tester. Les variations
significatives se distinguent des variations superflues uniquement lorsque nous
recourons à notre connaissance théorique.
Autrement dit : avant d’observer un phénomène naturel nous avons déjà des
présupposés théoriques sinon nous ne saurions pas quoi observer et comment.
Autrement dit : l’inductiviste se trompe en pensant que tout commence par une
observation neutre et sans préjugés. L’hypothèse théorique devance souvent
l’observation et l’expérimentation.
D’ailleurs, l’observation est toujours le fruit
d’une interprétation théorique ….
Karl Popper est le représentant du falsificationnisme qui est une conception selon
laquelle une théorie ne peut être dite scientifique que si l’on peut imaginer une
expérience qui pourrait éventuellement la contredire = la réfuter = la falsifier. Par
exemple, la théorie de Newton est réfutable parce qu’elle serait réfutée si on observait un objet
matériel qui ne subit pas d’attraction gravitationnelle de la part des autres objets matériels. Tout
ce qui ne satisfait pas ce critère — et est donc compatible avec n’importe quelle expérience
possible — tombe hors du domaine de la science.
Par exemple l’astrologie n’est pas une science car elle propose des prédictions tellement générales
qu’elles seront nécessairement vérifiées d’une manière ou d’une autre. Elle ne prend pas le risque
de la falsifiabilité. De même, pour Popper, l’hypothèse de l’inconscient psychique de Freud n’est
pas scientifique car elle ne permet pas de faire des prédictions qui pourraient être falsifiées. En se
bornant à interpréter des faits passés, elle se rend irréfutable.
Contre l’inductivisme, Popper propose une autre vision de la méthode scientifique.
1. Etape 1 : Les scientifiques sont confrontés à certaines observations pour lesquelles ils
cherchent une explication – parfois parce qu’elles entrent en contradiction avec des
théories acceptées depuis longtemps.
2. Etape 2 : Ils imaginent une théorie qui permettrait d’expliquer ces observations (et dans
laquelle ils peuvent postuler l’existence de lois et d’entités qui n’apparaissent pas
directement dans l’observation).
3. Etape 3 : Ils tirent certaines prédictions spécifiques de cette nouvelle théorie.
4. Etape 4 : Ils mettent à l’épreuve la théorie en testant ces prédictions.
o Si les observations contredisent ces prédictions, alors la théorie est réfutée et doit être
abandonnée.
o Si elles confirment ces prédictions, alors la théorie est corroborée, ce qui signifie
qu’elle peut être conservée jusqu’au prochain test. Elle n’est donc PAS « prouvée »
mais dite « corroborée » ou « vérifiée ».
Les différences entre l’inductivisme et le falsificationnisme :
2. La deuxième, c’est qu’elle ne réclame pas du scientifique qu’il soit un être neutre et
dépourvu de toute attente : bien au contraire, la recherche scientifique progresse parce
que les scientifiques, au lieu d’écouter passivement la nature, vont interroger
activement celle-ci pour tester leurs théories qui guident leurs observations et leurs
recherches.
Les conséquences du falsificationnisme sur la conception de la science :
1. L’erreur n’est pas une faute : cela fait partie de la démarche normale de la science de se tromper et
c’est même comme ça que la science avance. En effet, pour chaque ensemble d’observations que les
scientifiques cherchent à expliquer, un grand nombre d’explications et de théories pourront être imaginées. Il
faudra ensuite les tester pour voir lesquelles sont réfutées par l’expérience et lesquelles valent le coup d’être
maintenues. Ainsi, la science progresse par conjectures et réfutations, par essais et erreurs.
2. On ne pourra jamais dire d’une théorie qu’elle est vraie mais seulement qu’elle est la
meilleure dans l’état des connaissances disponibles. Si aucune théorie ne peut prétendre à la
vérité absolue, elle peut prétendre à ce que Popper appelle la vérisimilitude, fondée sur le fait qu’on
peut toujours montrer qu’une théorie est meilleure qu’une autre. Par exemple, la théorie de la relativité
d’Einstein englobe la théorie newtonienne (qui est toujours valable pour des cas où la vitesse est faible par
rapport à la vitesse de la lumière) alors que l’inverse n’est pas vrai. Popper propose une analogie : supposons
des alpinistes perdus dans le brouillard, ils ne peuvent pas savoir si la cime qu’ils ont atteinte est le
sommet de la montagne mais ils peuvent savoir que telle cime est plus élevée que telle autre et donc qu’ils
sont plus près du sommet !
3. La conception falsificationniste met l’accent sur le fonctionnement
nécessairement collectif de la science. En effet, l’intuition géniale d’un scientifique ne
vaut rien tant qu’elle n’a pas été mise à l’épreuve de façon répétée (Einstein a eu plusieurs
intuitions géniales, mais toutes ne se sont pas révélées bonnes).
Exemple : beaucoup d’astronomes ont adopté le système de Copernic (selon lequel la Terre tourne
autour du soleil et sur elle-même) alors que les prédictions qu’il faisait au sujet de la trajectoire des
planètes étaient loin d’être parfaites et qu’il devait faire face à des objections pour lesquelles il n’avait
pas de réponse convaincante. Par exemple : si la terre tourne sur elle-même, pourquoi une pierre lâchée
du haut d’une tour tombe-t-elle au pied de cette tour et pas des kilomètres plus loin ? Pourquoi ne sent-
on pas le mouvement ? Ce n’est que plus tard que la découverte des principes d’inertie et de relativité du
mouvement ont permis de rendre la théorie de Copernic compatible avec le fait que nous retombons au
même endroit après avoir sauté.
Pourquoi ne sent-on pas la
Terre tourner ?
On propose des hypothèses qu’on appelle des hypothèses ad hoc (= « pour ceci »).
C’est-à-dire qu’on introduit une hypothèse auxiliaire pour sauver la théorie.
Exemple : j’ai une théorie selon laquelle je ne tombe jamais malade à cause du froid et que
par conséquent je n’ai pas besoin de mettre d’écharpe même quand ma mère insiste.
Problème : un jour je tombe malade. Eh bien je peux introduire une hypothèse AD HOC et
dire que ma théorie est juste mais que ce jour-là j’ai pris le métro et touché la barre du
métro pleine de microbes et que je suis tombée malade à cause de cela et non à cause du
froid…
Exemple d’hypothèse ad hoc réussie : l’existence de
Neptune découverte par Le Verrier en 1846
Au XIXème siècle, la théorie de la gravitation de Newton (1643-1727) est largement admise
et semble être la meilleure théorie pour expliquer le mouvement des planètes. Il se pose
toutefois un problème de taille : on observe que les mouvements d’Uranus et de Mercure
ne sont pas exactement conformes à théorie de Newton.
Mais ces anomalies ne font pas rejeter la théorie newtonienne. Les scientifiques font alors
une hypothèse AD HOC : peut-être y a-t-il une 8ème planète dans le système solaire qu’on
ne voit pas et qui perturbe les mouvements d’Uranus ? Autrement dit, on postule que si la
théorie de Newton est juste mais que les observations semblent l’infirmer, c’est qu’il y a
quelque chose qu’on n’a pas vu (en l’occurrence, une planète) qui explique cela.
Le scientifique Le Verrier propose un calcul de masse et une trajectoire de cette
hypothétique planète. Ainsi, il demande aux astronomes de braquer leur télescope à
l’endroit indiqué par sa théorie. Or, en 1846, c’est ce que l’on fait et l’on découvre Neptune !
Exemple d’hypothèse ad hoc ratée : l’inexistence de Vulcain
supposée par Le Verrier
Mais alors Le Verrier fait la même hypothèse pour Mercure ! Y aurait-il aussi une planète perturbant son orbite ? Le Verrier
la baptise en avance Vulcain ! Mais cette hypothétique planète se révèle beaucoup plus dure à observer à cause de sa
proximité avec le Soleil. On croit la voir et puis … non.
Plus tard, on découvre finalement son inexistence ! Comment a-t-on fait ? Non pas à force de regarder et de ne rien
voir (cela ne serait pas une preuve suffisante car nos observations pourraient ne pas être suffisantes).
En réalité, on abandonne l’hypothèse de l’existence de Vulcain car Einstein met au point la théorie de la relativité
générale qui permet d’expliquer le phénomène de la gravitation et explique parfaitement le mouvement de Mercure
sans faire d’hypothèse ad hoc. Pour Newton, la gravitation était une force mystérieuse qui s’exerce à distance. Pour
Einstein, la gravitation résulte d’une courbure de l’espace-temps.
Mais comment choisir entre ces deux théories concurrentes ? Eh bien précisément par la qualité de leurs prédictions !
Or, la théorie d’Einstein explique beaucoup mieux le mouvement de Mercure sur son orbite sans faire l’hypothèse ad
hoc d’une planète Vulcain. La théorie d’Einstein est donc meilleure.
C’est ce qu’on appelle l’inférence à la meilleure explication ! Une théorie est meilleure quand elle permet de faire les
meilleures prédictions possibles.
Une bonne théorie scientifique est donc …
Objective,
Cohérente (= pas de contradictions logiques),
Offrir un bon système de prédictions, c’est-à-dire que l’expérimentation
confirme ses prédictions.
Elégante et simple c-à-d qu’elle fournit la théorie explicative la plus simple avec
le moins d’hypothèses ad hoc possible. (C’est ce qu’on appelle le rasoir
d’Occam). Typiquement, la plupart des théories du complot ne sont absolument
pas élégantes car dès qu’on fait une objection à leurs partisans, ces derniers
s’empressent d’ajouter des hypothèses ad hoc pour sauver leur théorie !
Transition : face aux limites du falsificationnisme, Thomas Kuhn est conduit à
proposer une autre conception du progrès scientifique. Selon lui, le progrès de la
science n’est pas uniquement cumulatif comme le pensait Popper…
Le progrès scientifique selon Thomas Kuhn
Kuhn remarque que, contrairement à ce que pensait Popper qui n’en voyait que l’aspect
cumulatif et progressif, la science progresse de deux manières :
- Dans les périodes de « crise », la science progresse par « à coup » de manière
révolutionnaire en bouleversant le paradigme qui faisait jusque-là consensus.
Ainsi, dans le cadre d’un paradigme, les énigmes que l’on ne parvient pas à résoudre sont considérées comme
des anomalies à expliquer plutôt que comme des falsifications du paradigme tout entier !
Science normale Crise / révolution Nouvelle science normale …
Un problème en suspens
Le problème c’est que Kuhn lui-même considère qu’il n’existe pas de critère
objectif définitif permettant de trancher absolument entre deux paradigmes dans
un moment de révolution …
Autrement dit, Kuhn suggère qu’au regard de l’histoire des sciences, c’est souvent
des raisons sociologiques voire psychologiques qui ont expliqué l’adhésion de
certains scientifiques à un nouveau paradigme que des raisons purement
scientifiques et objectives … !
Les raisons d’adopter un nouveau paradigme
c. Les sciences humaines : méthodes et critères de vérité
Le statut « scientifique » de ces disciplines (histoire, économie, anthropologie,
ethnologie, sociologie, psychologie…) est controversé.
Dites parfois sciences « molles » (et non « dures » comme la physique ou les
mathématiques), elles ont pour point commun leur objet d’étude : les comportements
humains et les structures sociales qui en constituent le cadre.
Leur objet est donc spécifique car, contrairement aux objets des sciences de la nature,
les sciences humaines étudient les faits humains qui mettent en jeu des significations,
des intentions, et des valeurs.
Elles ne sont pas fondées sur des vérifications expérimentales mais sur l’interprétation
des intentions et actes humains.
Sciences prédictives / non prédictives
Contrairement aux sciences de la nature qui découvrent des lois
naturelles universelles (ex : la loi de la gravitation) et peuvent en tirer
des prédictions, les sciences humaines ne peuvent pas énoncer de
prédictions.
La physique peut prévoir la trajectoire d’un corps qui chute, la
médecine peut prévoir la détérioration de l’état d’un malade etc. Mais
l’histoire ne peut pas prévoir avec certitude le déclenchement d’une
guerre.
L’exemple de l’histoire : méthodes et critères
de vérité
L’Histoire ambitionne d’être une connaissance
scientifiquement et objectivement élaborée du passé
• L’historien antique rompt avec le mythe et la légende : Hérodote et Thucydide
sont les deux pères de l’Histoire car ils cessent d’expliquer les événements par le mythe (comme le faisait
Homère dans L’Iliade par exemple) mais entendent mener une enquête pour expliquer les faits par des
causes humaines et non divines. Hérodote s’intéresse ainsi aux guerres médiques (Grecs vs les Perses au
Vème siècle av. JC) et Thucydide à la guerre du Péloponnèse (Athènes vs Sparte au Vème siècle av. JC).
• L’historien positiviste du XXème siècle veut exposer les faits en toute neutralité et seulement les faits.
L’historien positiviste considère la connaissance comme l’enregistrement ou le reflet neutre et passif des
« faits » qui sont pensés comme des données existant indépendant de l’intervention de l’historien.
• Dans les années 1920-1940, l’Ecole des Annales dont les grands chefs de file sont Marc Bloch et
Lucien Febvre sollicite les autres sciences en essor (archéologie, sociologie, anthropologie) pour élargir
le point de vue de l’historien. Ce qu’ils appellent de leurs vœux c’est une histoire « totale » qui ne soit pas
un simple récit mais une réflexion problématisée. Autrement dit, les historiens des Annales cessent de
penser que l’on peut rendre compte naïvement et de manière transparente et neutre des « faits ». La
tâche de l’historien n’est pas uniquement de rapporter et de raconter : il doit expliquer.
• Un peu plus tard, les historiens E. Labrousse et F. Braudel continuent ce travail d’élargissement des
perspectives historiques. Contre l’école positiviste qui s’intéresse à l’événement, ils proposent une histoire de
temps long. Plus tard, la nouvelle histoire de P. Nora et J. Le Goff s’intéressent moins à l’histoire
bataille qu’à l’histoire des mentalités. Les sources se diversifient massivement : l’historien utilise
désormais volontiers des films, des photos, des outils de production… Plus tard encore, dans les années
1980’, des historiens comme R. Mandrou ou P. Ariès propose une histoire « culturelle ». Cette
histoire culturelle est, bien sûr, fille de l’histoire des mentalités. Philippe Ariès publie par exemple L’Enfant et
la vie familiale sous l’Ancien Régime (1960) ou encore L’Homme devant la mort (1977).
Antiquité latine Tite-Live, Salluste, César Une histoire littéraire qui est partiale et a
un but souvent politique
Moyen-Âge Les chroniques et les hagiographes L’historien ne fait que la gazette et la
compilation des événements sans les
interpréter.
XIXème siècle : la naissance de l’histoire L’histoire méthodique de Langlois et L’historien se veut méthodique. Il appuie
comme science Seignobos ses interprétations sur des sources qu’il
confronte et authentifie.
- D’abord, l’historien doit s’assurer de la fiabilité des documents du point de vue de leur
matérialité : par exemple, tel sceau ou tel cachet sont-ils authentiques ? Pour cela, les
historiens disposent de certaines méthodes (par exemple, dater les matériaux grâce au
carbone 14 pour s’assurer de leur authenticité) ou de certains procédés (par exemple,
étudier la langue et le style d’un document pour s’assurer de son authenticité).
- Ensuite, la critique interne concerne davantage la cohérence des textes et la compatibilité
des différentes versions : une date et un fait, par exemple. Cela permet d’évaluer
l’information fournie. Pour cela, on peut par exemple confronter les sources : c’est le
recoupement de témoignages pluriels et indépendants qui permet d’établir la réalité du
fait et de se prémunir contre l’affabulation ou la partialité - y compris involontaire- du
témoin).
La donation
de
Constantin
(315 ap. JC)
Lorenzo Valla est un humaniste, philologue et
polémiste italien. Valla démontra que le long
texte nommé Donation de Constantin, qui
tendait à légitimer le pouvoir temporel des
papes, n'était qu'une contrefaçon grossière
puisque le texte latin avait été écrit très
vraisemblablement en 754, soit quatre siècles
après la mort de Constantin Ier en 337.
Constantin aurait en effet donné des terres (les
Etats pontificaux) au pape Sylvestre. Or, Valla
remarque des incohérences philologiques : par
exemple, une ville y est appelée Constantinople
alors qu’on l’appelait Byzance au temps de
Constantin ! Il fait alors l’hypothèse que la
donation de Constantin est un faux écrit 4
siècles plus tard !
2. Le problème de l’explication en histoire : exactement comme pour les sciences
expérimentales, il n’est pas certain qu’un historien puisse regarder un fait de manière
transparente absolument sans préjugé. Parce qu’il choisit un certain découpage
temporel, parce qu’il choisit certains faits et en délaisse d’autres, parce qu’il les met en
récit en les expliquant d’une certaine manière, l’historien fait nécessairement preuve de
subjectivité car il interprète les faits selon certaines hypothèses de travail.
• Il inscrit les faits dans une intrigue qu’il a construit lui-même dans une certaine
perspective.
• Cette intrigue est dépendante d’hypothèses de départ.
• Les sources sont nécessairement partielles.
• Il est toujours dépendant du présent pour expliquer le passé.
♥ L’histoire est donc
toujours une interprétation –
ce qui ne veut pas dire que
toutes les interprétations
sont vraies ou que toutes les
interprétations se valent
Démonstration / argumentation
L’historien ne propose pas une démonstration mais une argumentation.
Comme dans les sciences de la nature, il confronte bien son discours
aux faits mais il ne peut pas prouver la vérité de son discours.