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Université Loyola du Congo (ULC)

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Faculté de Philosophie St-Pierre Canisius

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J OURNAL HILOSOPHIQUE N°116- Juin 2023

Editorial
LA MORT, ET APRÈS… ?

A
u crépuscule de sa vie terrestre, » (PLATON, Phédon, Traduction de
alors que s’approchait le moment CHAMBRY Emile, Collection Philosophie,
fatidique où la Ciguë devait Vol. 4, version 1.01, p. 173.), le martyr de
l’arracher irrésistiblement de ses la philosophie prodigue un enseignement
disciples pour l’introduire au salon de la testamentaire à ses amis. S’il est en effet
mort, Socrate dont on pouvait attendre une avéré que l’âme est immortelle et de
larmoyante oraison d’adieu, se livre contre surcroît impérissable, il est naturellement
toute attente à un discours soigneusement pertinent de s’interroger sur la conduite
construit soutenant l’immortalité de à tenir pendant cette vie et sur le sort de
l’âme qui constitue par ailleurs, la thèse l’âme après la mort physique. Pour Socrate,
fondamentale qu’il défend dans le Phédon. il convient de prendre soin de son âme en la
Conscient qu’il s’agit là d’un sujet complexe rendant meilleure et le plus sage possible à
qui échappe à toute vérification empirique, travers la tempérance, le courage, la justice
le père de la philosophie occidentale s’y et les autres vertus. L’immortalité de l’âme
prend avec beaucoup de prudence et répond constitue d’ailleurs l’ossature qui soutient
aux différentes objections de ses disciples et donne sens à la prédication des religions
avec justesse et sagacité. La démonstration et assure l’indéfectibilité de l’engagement
de l’immortalité de l’âme qu’il entreprend, de la plupart des acteurs socio-politiques.
dans son épilogue, est subordonnée au C’est ce que martèle Mr. BALIKWISHA
principe de communicabilité selon lequel, Murkirania dans son article intitulé «
les choses sont ce qu’elles sont en vertu L’immortalité de l’âme comme soutien au
Aloègnim BALAKIME
de leur communicabilité aux essences. combat pour la justice », où il soutient
Secrétaire adjoint
Ainsi, les belles choses deviennent belles qu’il « ne sert à rien au juste de ‘‘se rendre
par le beau, les grandes par la grandeur, justice’’ en pactisant avec l’injustice, au
les petites par la petitesse. A partir de risque d’annihiler sa vie juste et de se
ces considérations, il construit son priver de la félicité éternelle que lui mérite
raisonnement syllogique. En effet, partant sa conduite.»
de la prémisse selon laquelle, pour qu’un Les valeurs cardinales qui devraient
corps soit vivant, il faut nécessairement qu’il régir les comportements et les interactions
se trouve en lui une âme, il évoque comme en société sont malheureusement tournées
mineure, deux concepts antithétiques : la en dérision dans les communautés
vie et la mort qui, comme tous les autres humaines de plus en plus immergées dans
contraires s’excluent mutuellement. De ce la concupiscence implacable et résolues à
soubassement subtil, il infère qu’il n’est consacrer la violence et l’injustice. Devant
pas possible que l’âme soit porteuse de la ces grandissantes exactions, Mr Timothée
mort, puisqu’elle apporte toujours la vie ; MADILO s’interroge : « La résistance à
elle est immortelle. l’agression est-elle un levier du maintien
Convaincu que « lorsque la mort approche de la paix ? » Qu’à la lecture de ces belles
de l’homme, ce qu’il y a de mortel en lettres, les amis de Sophia se rendent
lui meurt, à ce qu’il paraît, mais ce qu’il artisans infatigables de la justice et de la
y a d’immortel se retire sain et sauf et paix.
incorruptible et cède la place à la mort
B A L I K W I S H A
MUKIRANIA,
L’Immortalité de l’âme
comme soutien au combat pour la justice

L
G1 PHILO/ULC

’injustice partage avec l’humanité pour les justes et l’autre pour les méchants. La
une bonne partie de l’histoire. répartition dans ces lieux dépend soit de la bonté
L’homme étant naturellement enclin à soit de la méchanceté avec laquelle on conduit
se débarrasser de toute contradiction sa vie sur terre. En ce cas, le fait de mourir en
manifeste, les personnes, dont la manière de vivre toute justice devient un motif de joie parce qu’il
interpelle les « puissants », sont souvent vouées est alors peint d’espoir de trouver dans l’au-delà
à périr. Socrate est l’une des victimes connues de meilleures personnes (PLATON, Phédon,
de cette haine des personnes moins vertueuses. trad. fse E. Chambry, p. 114).
Aujourd’hui encore, certaines victimes, à De même, il s’avère également judicieux de
l’instar de Socrate, croient à l’immortalité de réagir à l’injustice par la justice. Pour cette fin,
l’âme après la mort du corps. Cependant, cette un des moyens est d’accepter la condamnation
espérance à la vie éternelle peut-elle leur être de l’homme juste. La vie dans l’Hadès se
utile quand elles sont l’objet de condamnation faisant précéder d’un jugement vraiment juste,
injuste ? Seuls « les justes condamnés à mourir les haineux de la personne vertueuse subiront
» qui croient à l’immortalité de l’âme suscitent leur peine des juges véritables dans l’au-delà
notre intérêt dans cet exposé. (PLATON, Apologie de Socrate, trad. fse E.
Comme signalé précédemment, le mal subi Chambry, p. 81). Par conséquent, il ne sert à rien
par les personnes injustement condamnées est au juste de ‘‘se rendre justice’’ en pactisant avec
souvent la conséquence de leur non-conformité l’injustice, au risque d’annihiler sa vie juste et
aux mauvais penchants de leurs détracteurs. En de se priver de la félicité éternelle que lui mérite
effet, la vertu qui oriente la vie des vertueux exige sa conduite.
d’eux de ne jamais consentir à une quelconque En somme, toute personne, qui désire conformer
injustice quoi qu’elle soit (PLATON, Criton, sa vie à l’idéal de la justice, a des raisons
trad. fse E. Chambry, p. 39). Ainsi, même la suffisantes d’éviter l’ultime tentation de vivre
tendance à s’accorder, au nom de son innocence, au prix de l’infidélité (B. CHENU et al. Le livre
le droit à commettre un mal, supposé bon dans des martyrs chrétiens, p. 11). Malgré certaines
la mesure où il sauve la vie, est un consensus révoltes purement humaines, elle doit aspirer à
avec l’injustice et viole le désir de cohérence une vie meilleure. Le désir de fidélité vis-à-vis de
avec la notion de justice. la vertu est essentiel pour cette fin. La mort étant
Dans la mesure où ce condamné croit à la vie souvent le principal obstacle à ce témoignage,
de l’âme après la mort du corps, ce désir de cette espérance permet d’en dissiper la crainte.
cohérence se trouve davantage motivé. En effet, La mort serait maintenant prise pour un bien
la croyance à l’immortalité de l’âme soutient – non un mal - dans la mesure où elle est un
l’existence de deux lieux de vie distincts, l’un passage vers la félicité éternelle pour les justes.

Sophia / n°116-Juin
TIMOTHÉE MADILO, LA RÉSISTANCE À L’AGRESSION EST-ELLE

I
GRADUÉ EN PHILO DE L’UCGB
UN LEVIER DU MAINTIEN DE LA PAIX ?
l importe de rappeler que l’idéal de la paix Notons que la violence, moteur du désordre dans
est sans doute l’une des aspirations humaines la sphère sociopolitique a conduit l’État à mettre
les plus recherchées. A ce titre, l’homme est en place un ordre exprimé sous les expressions
convié à promouvoir la paix en vue du mieux de droits et de lois afin d’assurer l’ordre public et
vivre en société. Cependant, il est déplorable la concorde dans la polis. Ainsi peut se justifier
d’observer la manière dont notre monde se l’argument d’un Etat jouissant du monopole de la
déchire par des guerres à grande échelle. Celles-ci violence dans le paradigme légaliste qui régit les
débouchent le plus souvent sur plusieurs crimes, États. C’est dans cette optique que la résistance
à savoir le pillage, le massacre, la lutte pour la à l’agression s’impose comme une nécessité qui
survie, l’hégémonie du pouvoir, l’agression, etc. vise à défendre le droit de la souveraineté et de
Dans toutes ces guerres, il se remarque aussi que l’intégrité territoriale.
les relations inter-étatiques souffrent le plus. Ici
A cet effet, dénonçons au sujet de la situation de
souvent, les supposés États voisins se mettent dans
l’Est de la RD Congo, d’une part la duplicité de
une interaction des forces, convoitant quelques
sa classe dirigeante et d’autre part, la crise du
avantages.
patriotisme des citoyens non-victimes de la guerre.
Ainsi, l’on se demande : face aux méfaits Ce binôme ne fait que retarder sa victoire, mieux
orchestrés par l’agression, quelle attitude devrait sa libération du joug de ses prédateurs.
caractériser un État qui en fait l’expérience ? M.
Pour atterrir, nous envisageons que les États
Walzer entend une offensive entreprise contre
agressés commencent tout d’abord par épuiser
une agression armée comme une prémunition
toutes les procédures possibles concourant à la
contre une attaque imminente car, « pour résister
paix avant toute résistance radicale. Et ce n’est
à une agression armée, on peut légitimement avoir
qu’après ces efforts qu’ils se sentiront obligés
comme objectif non seulement de s’y opposer
d’opposer une résistance en vue du bien-être
avec succès, mais de s’assurer une future attaque
national. Toutefois, il est souhaitable d’en mesurer
» (M. Walter, Guerres juste et injustes, p. 176).
les conséquences. Des efforts restent à aménager
Sans doute, un tel argument prône la résistance
dans la promotion des valeurs patriotiques en
comme moyen pouvant restaurer la paix. Mais
R.D.Congo afin de restaurer la paix dans sa
avant d’y parvenir, il est impérieux de mettre en
partie orientale et sur l’ensemble de son territoire
exergue les prérogatives qui rendent légitime, une
national. Par ailleurs, disons que l’Afrique doit se
offensive. Ceci tient par le fait que de nos jours,
battre pour l’avènement d’une Afrique de paix,
nous assistons à des accusations de part et d’autre
l’urgence s’impose de se départir des idéologies
des parties prenantes à une guerre suite à la quasi
telles que les multinationales et d’être la caisse
absence des normes qui la fondent, afin qu’elle ne
de résonance de grands prédateurs de ce monde
se penche vers le terrorisme ou toute autre forme
qui l’appellent à un rendez-vous qui ne sera
de violence exagérée.
nullement réalisé.

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UNIVERSITE LOYOLA DU CONGO Faculté de Philosophie St-Pierre-Canisius

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OURNAL HILOSOPHIQUE

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