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Analyse de l’œuvre [modifier]

Livre I [modifier]

On dit que ce livre a été écrit antérieurement aux autres, mais qu'il n'a pas satisfait Platon, le
décidant à approfondir sa réflexion sur la justice, donnant ainsi le jour aux autres livres de la
République.

Socrate évoque une discussion qui eut lieu la veille chez Polémarque, fils de Céphale, entre
lui, Glaucon, Thrasymaque, Adimante et leurs deux hôtes. Le vieux Céphale est interrogé par
Socrate sur la manière dont il supporte la vieillesse. Céphale répond que la vieillesse est
supportable et douce si l'on a vécu suivant la justice, en étant loyal et sincère, et en donnant à
chacun ce qui lui est dû. Polémarque remplace alors son père dans la conversation et affirme
que la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû : à ses amis le bien et à ses ennemis
le mal. Mais si nous considérons les amis, objecte Socrate, on voit que cette définition n’est
pas satisfaisante. Il va alors réfuter Céphale au moyen d’une authentique réduction à
l’absurde. Si un ami nous confie des armes et qu’il perd ensuite la santé mentale, serait-il
« juste » de les lui rendre ? Selon la définition de la justice de Polémarque cela serait « juste ».
Or, il est tout aussi évident qu’on ne lui rendrait pas ce qui lui revient, à savoir le bien en
faisant cela. La définition de la justice de Polémarque est donc contradictoire. Ici, Socrate finit
par réfuter totalement la thèse de Polémarque, qui s'appuyait sur la vision de la justice selon
Simonide, pour qui il doit être juste de rendre à chacun ce qu'on lui doit.

Mais Thrasymaque interrompt brusquement le dialogue : la justice naturelle est ce qui est le
plus avantageux au plus fort ; et le plus fort est celui qui ne se trompe pas dans la
compréhension de ce qui lui est avantageux.

Socrate répond : tout art a un objet ; cet objet est différent et inférieur à cet art qui lui est utile.
Mais il doit en être ainsi de l'art politique : l'homme politique, qui a le pouvoir, travaille à
l'encontre des citoyens.

Mais Thrasymaque nie qu'il en soit ainsi : le but de tous les hommes, ce qui rend vraiment
heureux, c'est de mettre la puissance aux services des citoyens et des intérêts de celui qui la
possède. L'injustice est sage et vertueuse.

L'injuste, répond Socrate, en cherchant à dominer tout le monde, prouve que cette notion est
pourvue de vices et d'ignorance. Au contraire, c'est la justice qui est sagesse et vertu; elle est
donc plus puissante que l'injustice, car il n'y a rien de plus puissant que la sagesse. Et c'est
cette justice, qui est une vertu, i.e. un développement naturel des fonctions d'un être, qui rend
heureux. Le bonheur de l'âme est attaché à la justice, à la perfection de ses actions.

Socrate remarque que, dans cette discussion, l’on n’a pas commencé par définir la justice ; on
a cherché si la justice était science et vertu, si elle était utile. Mais il faut commencer par
chercher à déterminer l'essence de la justice.

Livre II [modifier]

Article détaillé : Anneau de Gygès.


Ce livre est essentiel car Platon met dans la bouche de ses frères Adimante et Glaucon la
même argumentation que celle de Thrasymaque. Platon veut par là donner le maximum de
force et exprimer avec le plus de clarté possible les positions du sophiste. Toute la République
peut même être comprise comme une réponse à l’argumentation que développent les frères de
Platon et comme une réfutation de la thèse selon laquelle l’injustice est préférable à la justice.
En effet, les frères distinguent trois sortes de bien : celui que l'on aime pour ce qu'il est, celui
que l'on n'aime que pour ses conséquences, et celui que l'on aime pour ce qu'il est et pour ses
conséquences.

Or selon l'opinion publique, la justice ferait partie du deuxième groupe. Ce sont les honneurs
qui sont recherchés. Pour développer cette idée, ils démontrent que chaque être tend
naturellement à devenir injuste, et que l'homme n'a inventé la justice (et les lois) que parce
que certains sont incapables d'être injustes et subissent les méfaits de l'injustice des autres
sans pouvoir en bénéficier des plaisirs.

Livre III [modifier]

Ce livre constitue le début de la définition de la justice dans la République de Platon. Socrate


part de deux idées. D’abord il est nécessaire de comprendre ce qu’est la justice dans la Cité
avant de comprendre ce qu’elle est dans l’individu. Il faudra donc pour cela exposer la nature
et les caractéristiques de la justice dans la Cité ou plus exactement montrer ce qu’est la justice
dans la polis. Socrate va de plus exposer la naissance de la Cité juste au cours de ce qu’il est
convenu d’appeler la « poléogenèse » (du grec « polis », cité et « genesis » naissance).

Au cours de cet exposé, Socrate traite de l'éducation à donner aux futurs gardiens de la Cité
idéale que, dans ce dialogue, Platon tente d'établir. Il est tout d'abord question de la censure de
la poésie. La représentation traditionnelle de l'Hadès comme un lieu de souffrances doit être
évitée à tout prix, car elle n'est "ni vrai[e] ni utile à de futurs guerriers" (386b). Il est dit à ce
sujet que les poètes seront priés "de ne point trouver mauvais que nous les effacions" (387a).
Plus généralement, la mort doit être indifférente à l'homme qui doit vivre libre et par
conséquent craindre plus que tout l'esclavage. Ainsi, les passages de l'Iliade par exemple,
exposant les lamentations d'Achille, doivent être censurés, car ils montrent les héros dans des
postures indignes de l'homme courageux que doit créer la Cité.

Le mensonge doit être interdit dans la Cité, et réservé aux seuls chefs - dans l'intention de
faire le bien, évidemment. De plus, la tempérance étant une des vertus essentielles, on ne peut
laisser les guerriers aimer les richesses, la nourriture ou le vin - et il faut donc, ici encore,
avoir recours à la censure.

Il est au final formellement interdit de montrer une quelconque faiblesse des dieux ou des
héros, qui doivent être des modèles pour les hommes. De même, on ne peut tolérer ceux qui
prétendent dans leurs écrits que les injustes sont heureux au contraire des justes.

Vient ensuite un examen de la forme des discours poétiques, qui peuvent être soit entièrement
fictifs, soit réalistes, ou encore mélanger ces deux genres. Or, dans la Cité, chaque homme a
un unique rôle, bien déterminé, à jouer, ainsi on ne peut laisser les gardiens avoir
s'accoutumer à des formes d'imitations, ou même à des mélanges avec du réalisme ("parce
qu'il n'y a point chez nous d'homme double ni multiple", 397e). Seul l'honnête homme doit
être représenté, sous une forme aussi austère que possible, car dans cette Cité, on "vise à
l'utilité" (398b).
Vient alors l'étude de la manière de chanter le texte poétique, et de la manière de
l'accompagner. Pour rester cohérent avec les choix précédents, on ne peut accepter ni une
harmonie plaintive, ni molle; et par conséquent, les seuls instruments utiles - et donc acceptés
- dans la Cité seront la lyre et la cithare, et aux champs, la syrinx. Avec ces dispositions,
"nous avons, sans nous en apercevoir, purifié la cité que, tout à l'heure, nous disions adonnée
à la mollesse" (399d). Il reste toutefois à poursuivre en ce sens par l'étude des rythmes, qui
doivent être propices à la vie réglée et courageuse. Une telle censure est étendue à tous les
domaines artistiques et même à l'artisanat; ne doivent ainsi être admis dans la Cité que ceux
qui créeront de belles choses, car elles proviennent nécessairement du Bien, et sont ainsi les
seules dignes.

Est ensuite abordé brièvement (autour de 403a) le problème de l'amour, qui doit, afin d'être
véritable, s'éloigner tant que possible de l'amour sensuel.

Socrate discute aussi beaucoup la médecine et du médecin dans ce livre…

Livre IV [modifier]

Le livre IV a une signification toute particulière car il traite de la nature de la justice dans
l’individu.

Selon Adimante, les gardiens ne peuvent être heureux d’après ce qui précède. Contrairement
aux autres individus, ils ne peuvent avoir aucun profit personnel. D’après Socrate, « le
bonheur doit appartenir au plus haut degré à l’état tout entier ». Un état juste est-il un état
heureux ? Il s’agit de rendre possible la « part de bonheur qui corresponde à chaque classe ».
Richesse et pauvreté sont toutes deux nuisibles. Il faut trouver le juste milieu.

Retour avec Glaucon au problème de la justice. (427 c) Énonciation des quatre vertus
cardinales de la Cité: Une Cité est parfaitement bonne si elle est sage, courageuse, tempérée et
juste. La sagesse s’appuie sur la connaissance et les bons conseils. « C’est par ce qui tient la
tête et commande, qu’un état fondé selon la nature doit, dans son ensemble, être sage. » Le
courage concerne les soldats : « C’est par une partie de lui-même qu’un état est courageux,
pour la raison qu’en cette partie, il possède une vertu propre à sauvegarder d’une façon
constante le jugement sur les choses à craindre et sur leur nature, choses et nature des choses
qui sont ce qu’a décrété le législateur au cours de l’éducation ». Le respect des lois doit
permettre « la sauvegarde de l’opinion crée par la loi, au moyen de l’éducation, concernant les
choses mêmes qui sont à craindre et leur nature ». La tempérance est « une sorte
d’arrangement ordonné. C’est une maîtrise à l’égard de certains plaisirs et désirs ». Il s’agit,
d’une certaine manière, d’être plus fort que soi-même. Remarque : Il en est pour l’État comme
pour l’âme : la meilleure partie doit avoir autorité sur la partie la plus faible. Ainsi le petit
nombre, dominé par la pensée doit guider le grand nombre, qui est dominé par les désirs. La
tempérance est harmonie : elle se déploie sur l’État tout entier… de façon à ce qu’il y ait
« identité d’opinion entre ceux qui commandent et ceux qui sont commandés sur le point de
savoir quels sont ceux à qui le commandement doit appartenir. » ð La tempérance doit lier
sagesse et courage. La justice « c’est ce qui confère à la tempérance, le courage et la sagesse,
la capacité de se produire et garantit la sauvegarde de leur existence ». La justice dans
l’individu est comparable à la justice dans un État : « entre un homme juste et un état juste, il
n’y aura aucune différence par-rapport à la forme elle-même de la justice … »
La justice dans l’individu (433) ; analyse du désir (437) « Chaque désir n’est désir que de
chacune des choses dont il est naturellement le désir ; mais que l’objet en ait telle ou telle
autre qualité, ce sont là des circonstances surajoutées. »

Conflits de l’âme : On peut considérer deux fonctions de l’âme : l’une raisonnante, l’autre
désirante (irraisonnée). La fonction raisonnante doit commander à la partie impétueuse. La
fonction médiatrice, ou tempérance, doit soutenir le parti de la raison…

L’injustice est présentée comme une maladie de l’âme : c’est une dissension qui s’élève dans
les trois fonctions…On ne peut pas dire qu’il est plus avantageux de commettre l’injustice.
Les cinq modes de constitution politique présentent les cinq modes possibles de l’âme…

Dans ce livre, on parle aussi d'un mensonge que la cité pourrait faire croire au peuple afin que
ne se perde pas la perfection de la cité. Il serait raconté au peuple qu'il vient de la Terre, et
qu'il doit la protéger comme si c'était sa mère. De plus, comme chacun vient de la Terre, il
aurait une âme d'or, d'argent, ou de bronze (Or : Gardien de la cité, Argent : Commerçant ou
artisan, Bronze, Cultivateur). Et il est énoncé que si un rejeton de cuivre ou d'argent devait
naître d'un gardien, il devrait être renvoyé chez les siens, et inversement si un rejeton d'argent
ou d'or naissait chez un cultivateur, il devait être envoyé chez les gardiens.

Livre V [modifier]

Il s'agit en premier lieu pour les interlocuteurs, d'examiner la nature de cette communauté des
enfants et des femmes destinée aux gardiens, de la communauté des soins pour ceux qui
appartiennent à l'âge intermédiaire entre la naissance et l'éducation (jusqu'à six ans environ.)

Les discours précédents ont établi que ces hommes étaient en quelque sorte les « gardiens
d'un troupeau ». De la même manière que les femelles des chiens de garde font tout en
commun avec eux dans la mesure de leurs forces qui sont plus faibles, les femmes des
gardiens devront se comporter de même. Puisque la cité aura indifféremment recours aux
hommes et aux femmes pour les mêmes fonctions, il faut leur donner la même éducation :
musique et gymnastique et formation aux pratiques guerrières. En ce sens, s'opposant aux
conceptions en vigueur, Socrate affirme que les femmes doivent s'entraîner nues au gymnase,
à l'équitation et au port des armes.

Il s'agit alors de déterminer si par nature, les hommes et les femmes peuvent pratiquer les
mêmes activités. Il a été défini plus haut, que dans la cité chacun devrait exercer les tâches qui
lui convenaient en fonction de sa nature. Or il semble évident que la nature de la femme ne se
confond pas avec celle de l'homme. Si l'hypothèse doit être maintenue d'une différence de
nature entre les hommes et les femmes, ce ne peut être seulement en raison d'une différence
de fonctions. Si la différence doit être posée absolument, il faut la fonder absolument, or
jusqu'ici cette différence de nature demeure relative et ne peut donc être déterminée que par
rapport à une fonction spécifique. La différence de nature entre les hommes et les femmes ne
se fonde-t-elle que sur les dons naturels ? Platon s'interroge alors sur le talent naturel ; le don
naturel est associé au don d'apprendre et de retenir. Chez celui qui est doué l'exercice de la
pensée domine les forces du corps. Il n'y a pas en réalité d'occupation relative à
l'administration de la cité qui appartienne à une femme ou à un homme en raison de son sexe,
les dons naturels sont répartis de manière semblable dans les deux genres. Simplement dans
ces activités, la femme est un être plus faible que l'homme. Il existe donc des femmes douées
pour exercer l'activité de gardien qu'il faut choisir pour vivre en communauté avec des
hommes du même genre. Instituer une telle loi n'est pas irréalisable puisqu'elle est conforme à
la nature. De plus, cette législation est véritablement la meilleure pour une cité, puisqu'elle est
met au pouvoir les hommes et les femmes les meilleurs. « C'est le bénéfique qui est beau et le
nuisible qui est laid ».

Il faut par ailleurs, que ces femmes soient communes à tous ces hommes, et qu'il en soit de
même pour les enfants, afin que nul ne sache qui est de sa descendance et qui ne l'est pas. Ils
auront en commun leurs logements, les repas, et ne posséderont rien qui ne soit aussi à tous ;
ensemble ils se mêleront dans les gymnases ce qui en vertu d'une nécessité naturelle, les
poussera à s'unir. Néanmoins il ne s'agit pas d'instituer des pratiques impies, il faut donc
donner au mariage le caractère le plus sacré possible. Ces mariages auront lieu entre les
meilleurs comme entre les plus médiocres, mais il est impensable d'accoupler le médiocre et
le meilleur. En effet, la reproduction entre ces sujets d'élites visent à assurer une progéniture
apte à perpétuer l'excellence de leurs parents.

Doit-on pour autant considérer qu'il n'est question ici que d'une simple théorie eugéniste ? Il
est permis de supposer que l'accouplement de parents excellents n'est pas directement la cause
de l'excellence de leur descendance. Si l'on relie ce fait à la théorie de la métempsychose
exprimée dans le mythe d'Er le Pamphylien, il serait plus juste de parler de « prédestination
platonicienne ». En effet, des âmes ayant déjà pratiqué une vie vertueuse au cours de leurs
existences passées auront nécessairement tendance à choisir une nouvelle existence dont le
milieu satisfait à leurs habitudes d'excellence.

Pour créer les conditions de reproduction de cette élite, il est nécessaire de recourir dans
l'intérêt du peuple aux mensonges et aux tromperies. Pour que les hommes les meilleurs et les
femmes les meilleures s'unissent entre eux il faudra s'appuyer sur un système de tirages au
sort (dans lequel on peut voir comme écho de la distribution des sorts aux âmes du mythe
d'Er) truqué «  de manière que l'homme médiocre, après chaque union, en rende le sort
responsable, et non les dirigeants ».

Les enfants de ceux qui sont excellents seront conduits auprès de nourrices dans un lieu
réservé de la cité. Ils doivent être engendrés par ceux qui ont atteint la maturité (entre vingt et
quarante ans pour les femmes, trente et cinquante-cinq ans pour les hommes). Après cette
période, les hommes et les femmes seront laissés libres de s'accoupler avec qui ils veulent, à
condition «  de ne jamais faire voir la lumière du jour, à un seul fruit de la grossesse, si
d'aventure il avait été conçu », néanmoins ils ne pourront s'unir, ni avec leur fille ou fils, père
ou mère, petits-enfants. Ces termes recouvrent un sens très large, puisque dans cette cité où il
est impossible de savoir qui est enfant de qui, à compter du jour où l'un deux devient l'époux
promis, tous les enfants nés dans les dix mois suivants sont dits fils et filles, et leurs enfants,
petit-fils et petite-fille.

Après cette exposé, il s'agit pour Platon à travers la bouche de Socrate, de montrer que cette
constitution est bien la meilleure de toutes pour la cité : Pour une cité, le mal le plus grand est
celui qui la déchire et la morcelle, le bien le plus grand celui qui lui assure l'unité. Or
l'expression individuelle du plaisir et de la peine est ce qui morcelle la cité, lorsque certains
trouvent motifs à se réjouir de ce que d'autres rejettent. Au contraire l'expression commune du
plaisir et de la peine lie l'ensemble des citoyens.

Platon développe une comparaison entre l'individu et la cité, tous deux présentés comme des
organismes unifiés, sujets de plaisirs et de souffrances communes. Il s'agit selon G.Vlastos
d'une homologie de structure qui repose sur le pouvoir de la raison de commander aux autres
parties, c'est-à-dire à l'âme et au corps. Une telle cité a nécessairement de bonnes lois. Ce que
les citoyens posséderont le plus en commun, c'est ce qu'ils désigneront comme « ce qui est à
moi », et c'est parce qu'ils posséderont en commun qu'ils auront une parfaite communauté de
peine et de plaisir. Du fait qu'ils ne posséderont rien en privé, ils seront exempts de discorde
et de toutes les dissensions qui affectent une vie humaine ordinaire.

L'éducation guerrière des enfants occupe une place importante. Les enfants vigoureux seront
emmenés dans les campagnes qui ont toutes les chances d'être victorieuses, afin qu'ils puissent
par l'observation se familiariser avec les choses de la guerre et être dynamisés par les
exemples de bravoure et de courage que la troupe récompense par une série de distinctions :
d'abord les couronnes, ensuite le salut du guerrier de la main droite, ensuite une récompense
d'ordre érotique, le baiser, destinés à rendre les guerriers plus énergiques. Bien que le modèle
de la communauté implique les femmes, le rapport évoqué est d'ordre homosexuel. Dans le
cadre de la campagne militaire, le rapport sexuel semble autorisé, le verbe philêsai impliquant
aussi bien le baiser que l'union sexuelle qu'il est interdit de refuser à l'homme victorieux qui le
désire. Les morts seront honorés avec de grands égards, déclarés appartenir à la « race d'or »
qui, dans l'idéologie fondatrice, désigne les gardiens-dirigeants, leur mémoire sera pieusement
vénérée.

D'autre part, dans sa conception de la guerre, Platon s'inscrit en faux avec les coutumes de son
époque : les Grecs ne devront pas posséder d'esclaves grecs, les morts ennemis ne devront pas
être dépouillés, il sera interdit de dévaster la terre et d'incendier les maisons. Seul le pillage de
la récolte sera toléré. En effet, il s'agit de distinguer la guerre et la dissension. La guerre est un
conflit entre des étrangers, la dissension une hostilité entre des proches. Or, les Grecs sont des
proches, et il est impensable de se comporter envers des proches comme envers des barbares.

La dernière partie du livre cherche à déterminer de quelle manière cette constitution politique
peut en venir à exister. Platon commence par distinguer l'application concrète (prâxin) du
discours théorique (lexeos) plus à même de saisir la vérité que la pratique, une position que
Socrate avoue d'emblée être contestable.

En réalité, il s'agit d'une recherche par approximation, l'idéal par son essence même, ne peut
être réalisé que d'une manière approximative ; chercher comment on peut s'approcher du
modèle est le moyen le plus sûr pour le réaliser. Il ne faudrait d'ailleurs changer qu'une seule
chose : réussir à faire coïncider pouvoir politique et philosophie. L'institution de cette
nouvelle royauté, qui n'est pas le gouvernement d'un seul mais est plurielle, est en rupture
complète avec les gouvernements royaux de l'époque grecque. La royauté des rois-
philosophes sera la royauté de la raison et s'exercera aussi bien dans l'âme que dans la cité.

Article détaillé : roi philosophe.

Socrate et Glaucon vont s'attacher à définir les philosophes. Cette définition s'ouvre par
l'évocation du caractère érotique du tempérament philosophique, qui vise à mettre en relief le
désir et l'amour qui président tous deux à l'activité philosophique, le philosophe « possédé du
désir de sagesse […] aime le spectacle de la vérité ». Socrate explique alors ce qu'il entend par
cette dernière expression.

Le beau étant l'opposé du laid, il s'agit de deux choses différentes qui sont chacune une. De
toutes les formes on peut dire la même chose, chacune paraît multiple parce qu'elle manifeste
partout en communauté avec les actions et les corps. En ce sens, il faut distinguer ceux qui
apprécient les belles choses et ceux qui goûtent le beau en soi, ces derniers étant rares. Celui
qui pense que le beau en soi est quelque chose de réel, celui-là vit à l'état de veille. Sa pensée
est connaissance car elle est pensée de quelqu'un qui connaît. La connaissance s'établit sur ce
qui est et la non-connaissance sur ce qui n'est pas. L'opinion se rattache à une chose qui est
différente de celle du savoir. Les capacités constituent un certain genre d'être grâce auxquelles
nous pouvons nous-mêmes ce que nous pouvons. Une capacité qui se rattache au même objet
et qui effectue le même résultat, je l'appelle la même capacité. La connaissance et l'opinion
sont des capacités différentes car ce qui est infaillible n'est pas identique à ce qui ne l'est pas.
Si c'est ce qui est qui est connu, alors ce qui est opiné est autre que ce qui est. Pourtant ce qui
est opiné ne se confond pas avec ce qui n'est pas, qui se rapporte à l'ignorance. L'opinion se
trouve alors entre l'ignorance et la connaissance. Ceux qui ont de l'affection pour des choses
sans les connaître en soi sont donc des personnes sujets à l'opinion, ceux qui ont de
« l'affection pour cela même qui en chaque chose est, il faut les appeler amis de la sagesse,
philosophes. ».!

Livre VI [modifier]

Introduction: Situation: Socrate et Glaucon terminent un entretien ayant eu pour objet la


distinction du philosophe de celui qui ne l'est pas. Dans quel but? But: Le philosophe apparaît
comme celui qui est apte à veiller sur les lois de la cité, autrement dit, à être le gardien de la
cité. Complément de l'entretien précédent: Le naturel philosophe ou les 4 vertus du
philosophe L'intervention d'Adimante :
I) L'objection d'Adimante:
- expression de l'embarras éprouvé par ceux qui s'entretiennent avec Socrate, chaque fois
qu'ils s'aperçoivent que l'opinion les a égarés;
- exposition du problème dans ce qui les occupe : 1°) l'opinion: les philosophes dont Socrate
vante les vertus sont rares, puisqu'ils deviennent soit pervers, soit inutiles; 2°) le problème:
comment un philosophe inutile à la cité peut-il être utile à la cité ?
La réponse de Socrate au problème de l'inutilité du philosophe par l'image du navire :
- Socrate justifie l'utilisation de ce procédé comme étant le seul à pouvoir défendre les sages
qui subissent les traitements les plus durs par l'État;
-L'image du navire permet une comparaison: L'État fonctionne de manière analogue au
fonctionnement du navire;
- L'ignorance, le vide de savoir, exclut d'emblée le savoir puisque l'ignorant ne sait pas que le
savoir existe: sous cet angle, le savoir est inutile.
"de cette inutilité ceux qui n'emploient pas les sages sont la cause, et non les sages eux-
mêmes"
La réponse de Socrate au problème de la perversité des philosophes :
- Principe des dégradations des vertus: 1°) Point de départ: le naturel philosophe ou les vertus
de "l'homme noble et bon" ; 2°) Principe: les vertus se développent en fonction du milieu dans
lequel le philosophe est immergé; 3°) La corruption des vertus est corrélative de ce principe.
- Cause de la corruption des vertus :
1°) Le peuple n'est pas philosophe: il n'aime pas la vérité et corrompt la sagesse ;
"il est nécessaire que les philosophes soient blâmés par [le peuple]"
"les éléments qui composent le naturel philosophe, quand ils sont gâtés par une mauvaise
éducation, le font déchoir en quelque sorte de sa vocation"
2°) La cause de la corruption n'est pas la philosophie, mais l'éducation de celui qui possède
les vertus du naturel philosophe"
Échec de l'objection d'Adimante:
- Socrate répond au problème posé par Adimante, en tenant un raisonnement auquel, encore
une fois, "personne ne saurait rien opposer"- A la fin de l'entretien, l'opinion rapportée par
Adimante apparaît "comme une grosse erreur, toute contraire à ce qu'on avait accordé au
début": en effet, Socrate tient l'opinion pour vraie, raisonne sur cette base et amène Adimante
à admettre la portée du naturel philosophe dans la cité. - Par "crainte d'objections", un point
n'a pas été développé. Maintenant qu'Adimante s'est réconcilié avec la pensée de Socrate,
Socrate va pouvoir aborder ce point. II) Le philosophe, gardien de la cité :
- Situation aujourd'hui (à l'époque de Socrate): Les philosophes sont de jeunes gens n'ayant
pas poursuivi leurs études au-delà de la dialectique ;
- comment Socrate envisage ce qu'il faudrait que ce soit: préparer les jeunes à "servir la
philosophie" ;
- comment convaincre le peuple: l'opinion peut changer par les conseils prodigués par le
législateur (en l'occurrence ici, Adimante) III) Études et exercices: la formation des
gardiens
- Condition préalable: l'amour de la cité;
- Les philosophes ont l'expérience des plaisirs et des douleurs et savent poursuivre leur quête
de l'immuable et de la vérité;
- Dans cette partie du dialogue, Socrate analyse les prémisses de l'entretien. IV) Conclusion:
la comparaison avec le Soleil
- Comparaison de l'œil avec le soleil, au regard des objets sensibles comme de l'âme avec
l'idée du bien au regard de la vérité.
- L'idée du bien est le principe de la science et de la vérité, comme le soleil est le principe du
connaissable.
- c'est dans cette partie du dialogue qu'est exposée la ligne divisée, comme la classification
des ordres du savoir, du visible à l'intelligible, de l'obscurité au soleil par l'élévation de l'âme
vers l'idée du bien.

Livre VII [modifier]

C'est dans ce livre que se trouve l'allégorie de la caverne. Dans cette allégorie, il présente
l'enseignement qui doit être dispensé au philosophe et la difficulté qui existe dans les relations
entre apprenants et enseignants.

Représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'instruction et à


l'ignorance.

Il fait conduire par Socrate, avec comme interlocuteur Glaucon, une réflexion sur :

- ce que chacun croit savoir - relation aux croyances, aux valeurs, aux certitudes et
convictions - la difficulté de changer de manière de concevoir les choses - la relation à la
découverte - la résistance au changement de point de vue - ce que chacun sait qu'il sait - ce
que chacun sait qu'il ne sait pas - ce que chacun ne sait pas qu'il sait - ce que chacun ne sait
pas qu'il ne sait pas, qu'il croit savoir ou pas

L'intervention du philosophe, praticien de la maïeutique, n'est dans ce cas pas sans risque
lorsqu'il doit faire face à l'ensemble d'une cité, puisque la réaction des groupes dans ce
domaine est d'être fermé aux idées démystificatrices (position des prisonniers dans une
caverne qui considèrent que celui d'entre eux qui reviendrait avec une meilleure connaissance
du monde réel serait atteint de folie et s'il parvenait à semer le trouble quant à la réalité, serait
exposé au risque d'être tué… s'ils pouvaient le tenir en leurs mains, que crois-tu qu'ils
feraient ?)

L'allégorie de la caverne est certainement un héritage de l'enseignement pythagoricien visant à


libérer les personnes des croyances qui étaient inculquées depuis des décennies, voire des
millénaires de crédulité dans tous les domaines qui pouvaient être approchés de manière
scientifique.

Livre VIII [modifier]

Socrate et Adimante vont maintenant faire l'examen des cinq types de régime politique. Outre
le régime idéal qu'ils décrivent, nommé aristocratie (1), il y a la timocratie ou timarchie
(régime de Crète et de Lacédémone) (2), l'oligarchie (3), la démocratie (4) et la tyrannie (5).
Ils vont analyser chaque régime en particulier, et montrer comment l'on passe de l'un à l'autre.

Tout d'abord, la timarchie. Socrate prévoit que, naturellement, son aristocratie finira par se
corrompre, se dégrader, perdre de son unité. Alors, les « races de fer et de bronze », les
artisans, vont chercher la richesse, ce qui va amener la création de la propriété privée. Ce
mode de fonctionnement politique diffère de l'aristocratie par le fait que le pouvoir ne sera pas
donné aux sages. De plus, les citoyens seront plus incités à guerroyer, et ils recherchent le
profit. Cette constitution est « un mélange complet de bien et de mal » (548c). Le citoyen sera
plus arrogant, brutal envers les esclaves et doux envers les hommes libres.
Ce régime devient oligarchique quand, du fait d'une recherche effrénée du profit, une petite
partie de la population devient très riche alors que l'autre se paupérise radicalement. Du
moment que les habitants de la cité décident que seuls les plus riches pourront participer aux
affaires publiques, il y a oligarchie (du grec ολιγος, peu). Bien entendu, les riches établissent
leur constitution par la force. Outre que les plus riches sont considérés à tort comme les plus
habiles à gouverner, le principal défaut de cette cité est sa division interne : « une cité des
riches, une cité des pauvres, habitant dans un même lieu et conspirant constamment les uns
contre les autres. » (551d). Le citoyen, quant à lui, se présente sous un jour respectable, mais
il ne cherche au fond que la richesse.

Les pauvres remarquent bien vite que les riches ne le sont « que du fait de la lâcheté des
pauvres » (556d). Ils décident donc de les chasser ou de les dépouiller, et construisent un
régime démocratique. Ce régime favorise la liberté et l'égalité, « le pouvoir de faire tout ce
qu'on veut » (557b). Il n'y a aucune obligation : celui qui est habile pour gouverner ne le fait
que s'il le veut, la guerre et la paix ne sont conclues que selon l'opinion des citoyens. Socrate
parle même de criminels qui ne seraient pas poursuivis et se promèneraient en toutes liberté
dans la ville (558c). N'importe qui peut faire n'importe quoi, il n'y a plus aucune
spécialisation. Le citoyen s'occupe à satisfaire ses plaisirs non nécessaires, il se lance de
temps en temps dans la politique quand l'envie lui en prend. Il est à l'image de la cité : il fait
ce qu'il lui plaît, ce qui l'amuse.

La liberté et l'égalité entraînent des troubles, les enfants ne respectent plus leurs parents
(562d). On assiste à une division de la cité en trois classes : les paresseux qui passent leurs
temps à s'occuper des affaires publiques, ceux qui ont su tirer parti de la liberté de commercer
et se sont enrichi, et les travailleurs qui ne s'occupent pas des affaires politiques. Ce dernier
groupe est le plus nombreux. Au milieu de l'anarchie qui s'installe, le tyran va apparaître, se
présentant tout d'abord comme un protecteur. Se sentant soutenu par la masse, et le pouvoir
lui montant à la tête, il s'assure le soutien des classes moyennes en promettant de redistribuer
les richesses en leur faveur. Aidé par le peuple, il lui demande des gardes du corps. « Il clame
qu'il n'est pas un tyran, il se répand en promesses, aussi bien en privé qu'en public, il libère les
gens de leurs dettes, et il redistribue la terre au peuple et à ceux de son entourage, et à tous il
se montre agréable et plein de douceur. » (566e). Ensuite, il provoque des guerres, pour que
les citoyens aient besoin d'un chef. Dans ces guerres, il s'arrange pour que ceux qui meurent
soient ceux qui nourrissent le plus des idées de liberté. Ce n'est qu'ensuite qu'il sera reconnu
comme tyran. Mais la peur de mourir et l'argent calment ceux qui pourraient le renverser.

Livre IX [modifier]

Il faut maintenant examiner le caractère de l'homme tyrannique lui-même. Il est débauché, il


recherche sans cesse les plaisirs de toutes sortes, au détriment de ses parents et de ses enfants
s'il le faut. Il est soumis à la « tyrannie d'Éros ». C'est aussi le plus misérable des hommes.
Paradoxalement, il n'est pas libre, mais esclave de ses passions.

Socrate décide ensuite de récapituler. Les hommes seront le plus heureux en aristocratie, un
peu moins en timocratie, encore moins en oligarchie, et ainsi de suite avec la démocratie et la
tyrannie.

Selon lui, il y a trois parties dans l'âme : la partie rationnelle ou intellect (νους), la partie qui
recherche la bravoure et les honneurs (θυμος ), et la partie inférieure ( επιτυμια ), qui ne
cherche que la jouissance. C'est comme si l'homme était une créature formé d'un homme, d'un
lion, et d'une créature affreuse polymorphe (polymorphe car l'homme a plusieurs désirs,
souvent contradictoire). Le sage a su affirmer la supériorité de l'homme, tout en faisant en
sorte d'endormir les autres parties. C'est l'homme de la cité idéale Les citoyens des autres
régimes ont, au contraire, éveillé les parties animales. Ils ont donc une vie désordonnée, et ne
seront pas heureux.

Socrate insiste encore sur un point : le philosophe est le mieux placé pour juger de ce qui rend
vraiment heureux. En effet, « les raisonnements sont l'instrument par excellence du
philosophe » (582d) : il est le meilleur pour juger. De plus, tous les hommes sont soumis aux
désirs nécessaires des parties animales, ils doivent tous les satisfaire. Alors, le philosophe a
une expérience de ce que peut apporter le plaisir venant des parties animales. Par contre, les
autres hommes n'ont jamais essayé de réfléchir, ils n'ont donc aucune idée de la satisfaction
que peut apporter la contemplation de la vérité. Seul le philosophe est apte à comparer les
différentes sortes de plaisirs, puisqu'il les a tous connus. C'est lui le mieux placé pour savoir
comment être heureux.

Mais, cette cité adviendra-t-elle un jour? « Il en existe peut être un modèle dans le ciel pour
celui qui souhaite le contempler et, suivant cette contemplation, se donner à lui-même des
fondations. Que cette cité existe quelque part, ou qu'elle soit encore à venir, cela ne fait
d'ailleurs aucune différence, car cet homme ne réaliserait que ce qui appartient à cette cité, et
à nulle autre. » (592b). Tout en terminant le Livre VIII sur un ton qui peut sembler optimiste,
Socrate laisse se profiler à travers son discours la théorie des ειδος, la théorie des Formes
platoniciennes.

Livre X [modifier]

Le bannissement de la poésie [modifier]


La poésie imitative doit être rejetée absolument car elle déforme l'esprit de l'auditoire. Il
existe de nombreux objets, mais il n'existe qu'une forme par objet. L'objet est imitation de la
forme. L'artisan ne produit pas l'être mais quelque chose qui ressemble à l'être. L'objet
fabriqué est obscur par rapport à la vérité qui est la forme. Le créateur naturel produit la
forme, l'artisan produit un objet en s'inspirant de la forme, le peintre imite l'objet tel qu'il
apparaît. La peinture est donc une imitation de l'apparence et non de la vérité. L'art de
l'imitation est fort éloigné du vrai, pour cette raison il peut façonner toutes choses, il n'atteint
qu'une petite partie qui est elle-même un simulacre. On entend des personnes prétendant que
les poètes tragiques connaissent tous les arts, toutes les choses humaines qui se rapportent à la
vertu et au vice. Est-ce vrai ? Si quelqu'un pouvait produire l'objet à imiter et le simulacre, il
ne consacrerait pas sa vie au simulacre. Or les poètes, Homère en premier lieu, sont
incapables de produire l'objet (Homère n'a jamais été législateur ni chef de guerre), ils ne sont
donc que des imitateurs qui n'atteignent pas la vérité. Le charme de la poésie résulte d'un
ornement de mots, qui vise à imiter l'objet choisi pour sujet. L'imitateur n'a pas la
connaissance des choses qu'il imite, il imitera ce qui semble beau au grand nombre.
L'imitation n'est qu'une activité puérile dépourvue de sérieux. L'art s'appuie sur la
vulnérabilité de notre nature qui nous pousse à nous laisser duper par des illusions d'optiques.
C'est le principe de la raison qui réside dans l'âme qui préside au jugement vrai. Ce qui porte
le jugement dans l'âme sans se préoccuper de la mesure ne saurait être identique à ce qui se
préoccupe de la mesure. Le principe qui se fonde sur la mesure est le meilleur de l'âme. Tout
art d'imitation entretient donc une relation avec ce qu'il y a de moins valable en nous. Le poète
imitateur n'est pas naturellement porté vers le principe rationnel de l'âme, il vise le caractère
excitable et bariolé qui est plus facile à imiter. Il flatte la partie de l'âme humaine qui est
privée de réflexion, introduit une constitution politique mauvaise → doit être banni de la cité.
Mais le grief le plus important est le mal que la poésie peut causer aux gens de valeur. En
écoutant Homère chantant les malheurs des héros, ils en éprouvent du plaisir et se mettent à
partager leur souffrance, alors qu'en situation réelle ils endurent sans mot dire comme le veut
leur statut d'hommes. En exerçant l'âme à la pitié, les poètes l'amollissent. Le même argument
est à employer avec le comique. En écoutant au théâtre et en riant d'une pitrerie qu'il aurait
honte de dire l'homme affaiblit sa dignité en situation réelle au point de ne pas se rendre
compte qu'il devient un fabricateur de farces. Les hymnes aux dieux, les éloges des gens
vertueux seront la seule poésie admise dans la cité. Les poésies lyrique et épique seront
bannies afin de préserver le règne de la raison à moins qu'elles ne puissent produire des
preuves de leur utilité.

L’immortalité de l’âme [modifier]

Il y a quelque chose qu'on appelle bien (sauve et est avantageux), et quelque chose qu'on
appelle mal (détruit et corrompt toutes choses). Il y a un bien et un mal pour chaque chose.
C'est donc le mal naturel de chaque être qui le détruit et rien d'autre n'est en mesure de le
corrompre. Tous les vices de l'âme (injustice, indiscipline, lâcheté, ignorance…) la rendent
mauvaises mais elles ne la détruisent pas. Et il serait paradoxal d'affirmer que la défectuosité
d'un autre être puisse détruire quelque chose alors que sa propre défectuosité ne le peut pas.
Quand un être ne périt ni sous l'effet d'un mal qui lui est étranger, ni sous le sien propre, il est
évident qu'il est immortel. L'âme est donc immortelle. L'âme n'est pas hétérogène. Il ne faut
pas la considérer dans l'état de déchéance qui résulte de son union avec le corps qui la rend
semblable à Protée aux multiples visages, mais dans son état le plus pur, c'est-à-dire portée
vers son amour de la sagesse. Seul cet état nous permet de savoir si elle est une ou composée
de multiples parties.
Le mythe d’Er le Pamphylien [modifier]

Article détaillé : Mythe d'Er le Pamphylien.

Le dixième livre de La République s'achève par le mythe d’Er (614b), destiné à entretenir
chez les auditeurs la foi en l'immortalité de l'âme, afin de les sauver de la déchéance en les
reliant à la philosophie.

Er était originaire de Pamphylie et avait pour père Arménios. Il fut retrouvé mort après une
bataille mais revint à la vie sur le bucher funéraire car il reçut l'ordre des juges suprêmes
d'être le "messager de l'au-delà". Ainsi, Er reprend vie pour raconter son expérience de l'autre
monde aux vivants en leur faisant une description du voyage des âmes. Il donne le moyen de
jauger les âmes en fonction de leur actions et offre en exemple le sort qu'a dû subir Ardiée le
Grand, précipité au Tartare pour ses fautes. Après avoir reçu leur dû pendant mille ans (le
juste méritera un traitement juste et l'injuste un passage de mille ans au tartare), les voyageurs
sont appelés à marcher dans la plaine de Léthé pendant douze jours. Au bout de ce pèlerinage,
ils aboutissent devant la lumière céleste et au fuseau de Nécessité. De là, les âmes pouvaient
contempler la lumière jaillante. Ce fuseau reposait sur les genoux de sa propriétaire. À côté
d'elle, reposent les moires, ces trois femmes assissent sur des trônes, Lachésis, Clôthô et
Atropos, et qui chantent les temps (passé, présent, futur) et touchaient le fuseau. Les âmes
durent se placer en ligne pour choisir leur existence. Elles devaient choisir dans une multitude
d'options, autant humaines qu'animales. Er décrit l'affreuse manie des âmes à choisir des
conditions "pitoyables, ridicules et étranges". Ces gens deviennent des tyrans. Ces derniers,
étant considérés comme incurables dans leur cruauté, subissent la torture au tartare pendant
l'éternité. Lachésis donne ensuite à chacun un démon (chez les grecs, le mot "démon" n'a pas
la connotation diabolique donné par la religion chrétienne; le démon est en fait le "gardien de
notre âme", notre génie intérieur). Ce démon nous aide à accomplir notre choix de vie. La
dernière étape avant de se réincarner est d'aller au fleuve Amélès, pour en boire son eau. Ceci
a pour effet d'enlever la mémoire des gens. Ainsi, à la naissance, personne ne soupçonne ce
qui s'est passé dans l'au-delà. Platon conclut en affirmant que le fait d'enseigner ce mythe et
de le croire permet à quiconque de vouloir faire la justice de toutes les manières avec le
secours de la raison. Et c'est ainsi que nous trouverons bonheur et succès dans notre vie.

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