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PLATON, La REPUBLIQUE

La République est un dialogue philosophique qui traite principalement de la question de la justice dans la
cité et pour l’individu. Cet ouvrage fondateur de la pensée politique interroge la forme du régime politique.
Quel est le meilleur gouvernement, c’est-à-dire le plus juste ? Et à qui la direction de la cité revient-elle ?
Dans sa théorie de la cité idéale, Platon, qui veut allier savoir et pouvoir, considère que le philosophe est le
plus légitime pour diriger la cité, car ce contemplateur de la vérité connait l’essence du juste et n’est pas
prisonnier de son désir.

Cette œuvre fondatrice est le premier questionnement philosophique systématique sur la question de la
justice. Elle a inspiré toute l’histoire de la philosophie qui n’a cessé de commenter l’œuvre de Platon.

Dans La République, il affirme que pour garantir la justice dans la cité, le pouvoir doit revenir aux plus
compétents pour l’exercer. Les plus compétents sont les plus clairvoyants, les plus savants et les plus
désintéressés. La cité idéale dans laquelle les rois et les princes sont des philosophes ne se réduit pas à un
vœu pieux. Platon l’a crue réalisable et a tenté de la mettre en pratique, comme en témoigne sa propre vie.
Comme il le raconte lui-même dans la Lettre VII, il s’est rendu par trois fois à Syracuse dans le but de
réaliser le projet du roi-philosophe imaginé dans la République : d’abord sous le règne de Denys l’Ancien ;
ensuite sous le règne Denys le jeune qui venait d’hériter du pouvoir et qui n’avait pas encore été corrompu
par le pouvoir. Ces deux voyages échouèrent et le troisième mit fin à son espoir d’allier pouvoir du roi et
philosophie.

Dans ce dialogue, Platon met en scène un grand nombre de personnages dans une visée didactique et
pédagogique. La multiplicité des points de vue progressivement contredits et dépassés, de même que le
recours régulier aux mythes et aux allégories, rendent le texte plus vivant et plus accessible. Cet art de la
maïeutique et de la dialectique platonicienne en fait une véritable œuvre de philosophie. La République
permet à Platon d’approfondir sa conception de la justice et du modèle politique idéal : le bon
gouvernement est fondé sur la connaissance et l’harmonie. Cette pensée s’inscrit dans son temps et associe
justice et ordre du monde. Critique de la démocratie athénienne qui lui est contemporaine, il soutient la
monarchie de la connaissance, seul rempart au désordre et au chaos démocratiques. Platon essaie de
définir l’essence de la justice, dans le but de déterminer le dirigeant et le régime les plus légitimes.

Qu’est-ce que la justice ?

Platon fait dialoguer Socrate avec divers interlocuteurs ; ils se demandent ensemble comment créer une cité
heureuse. Une cité heureuse est une cité juste. Il est donc nécessaire de s’interroger sur la nature de la
justice. Dans un premier temps, il tente de définir négativement la justice dans les Livres I et II. La justice
consiste-t-elle seulement à payer ses dettes ou à rendre à chacun ce qui lui est dû ? Ou bien la justice est-
elle, comme le déclare Thrasymaque, « l’intérêt du plus fort » (331c-339b) ?

À travers le récit de Gygès (359b-360d), Socrate veut démontrer que l’homme n’est pas juste
volontairement, mais l’est par la contrainte. Un homme qui a du pouvoir et qui a un sentiment d’impunité
n’a pas intérêt à être juste de son plein gré, car la vie de l’homme injuste est préférable à celle de l’homme
juste. Pour autant, la définition de Socrate n’est pas encore suffisamment claire. C’est pourquoi Adimante
lui demande de faire l’éloge de la justice en elle-même, et de montrer l’effet qu’elle a sur ceux qui la
détiennent et l’appliquent. Ainsi, dans un second temps, Socrate entreprend de définir positivement la
justice au Livre IV: la justice consiste à ne détenir que ce qui nous appartient et à n’exercer que notre propre
fonction. Autrement dit, est juste ce qui est à sa place et accomplit sa fonction. La confusion des tâches
dans la cité crée de l’injustice. De surcroît, la justice est une des quatre vertus cardinales nécessaires pour
bien gouverner la cité avec la sagesse, le courage et la tempérance. Elle rend les trois autres vertus
possibles, crée un équilibre et permet à la cité de se perfectionner ; sa violation apporterait le plus grand
mal à la cité. Socrate fait une analogie entre les vertus nécessaires à la bonne gestion de la cité et les vertus
de l’individu.
La tempérance, le courage et la sagesse sont également trois qualités présentes dans l’âme. Ces trois
parties de l’âme correspondent aux trois classes de la Cité: la partie de l’âme qui raisonne; la partie
irrationnelle qui aime et désire incessamment et enfin l’élément irascible, par lequel nous nous mettons en
colère. La vertu consiste dans l’établissement des bons rapports d’influence entre les diverses parties de
l’âme. Chaque élément de l’âme/membre de la cité occupe une place particulière et doit accomplir une
tâche précise. C’est cette harmonie respectueuse de l’ordre établi qui garantit la justice. Socrate a
commencé par examiner la justice dans la cité, mais la vraie justice concerne l’homme intérieur, la justice
réside avant tout dans l’excellence de l’âme.

Et, c’est justement la justice intérieure qui garantit la justice dans la cité. Quel dirigeant incarne le mieux
cette justice, est le plus apte à la mettre en pratique ? Qui seront les gardiens pour veiller sur les lois et
institutions ?

Conclusion

À la fin de sa vie, Platon prend acte de l’échec pratique de son modèle de la cité idéale de la République et
de l’idéal du philosophe-roi. Il propose alors dans Les Lois, un modèle de cité plus réalisable, fondée sur
l’ordre de la loi. Son idéal d’allier philosophie et pouvoir politique s’est heurté au réel malgré les qualités
de Dion de Syracuse, que Platon a formé.

En effet, « un homme juste, avisé et réfléchi, ne peut jamais se méprendre complètement sur le caractère
des hommes injustes, mais il n’y a rien d’étonnant qu’il subisse le destin de l’habile pilote qui n’ignore pas
absolument la menace d’une tempête, mais ne peut prévoir sa violence extraordinaire et inattendue et doit
forcément être submergé. Voilà bien aussi ce qui a un peu trompé Dion » (Lettre VII, 351 d). Il apparaît que
le philosophe n’est pas plus apte et plus armé pour affronter les aléas politiques. Plus fondamentalement, il
se demande s’il n’y a pas une forme d’incompatibilité de langage et de décalage entre discours
philosophique et affaires de la cité et qu’il est impossible d’allier les deux.

Cependant, dans Platon et la cité (1997), Jean François Pradeau réfute cette conception répandue selon
laquelle le vieux Platon aurait renoncé au gouvernement idéal et conçu le gouvernement de sa cité par la
loi. Au contraire, dès la République, c’est une cité réelle que Platon a voulu fonder et toute sa pensée
politique/tous ses dialogues lui permettent de mieux définir les conditions de possibilités de cette cité.
Ainsi, les Lois sont un accomplissement de la République, du travail de Platon et de sa vie.

Zone critique

La République est une œuvre majeure de philosophie qui, à travers le questionnement sur la justice, traite
de très nombreux sujets philosophiques, faisant de ce dialogue une œuvre incontournable en elle-même.
Elle a inspiré toute la pensée philosophie postérieure, et ce non seulement dans le monde occidental.

Pour ne donner qu’un exemple, la communauté d’hommes et de femmes gardiens vivant en parfaite égalité
a été considérée comme le précurseur du communisme. La conception platonicienne du monde, de l’âme
tout autant que de l’organisation de la cité, a été une grande source d’inspiration et de commentaires.

Dès l’Antiquité, alors que Platon est très critique de la démocratie athénienne qui est la cause du désordre
et de l’injustice, Aristote développe une pensée politique considérant que le régime juste est au contraire
celui dont le pouvoir est exercé au nom de tous. La conception platonicienne élitiste du pouvoir a été
contestée, notamment parce qu’il justifie l’eugénisme dans la communauté des gardiens. De même, la
figure du philosophe-roi de Platon qui incarne un modèle politique idéal sera dépassée par Machiavel.
Inversement, le monarque ne dirige plus à partir de l’idée du juste et de la connaissance de la vérité, mais à
partir de situations politiques. L’homme politique doit faire face au réel pour en déduire les possibles et
agir de manière efficace.

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