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UV CG/HP, 4ème année. TD.

1ère séquence: Qu’est-ce que la philosophie?

La Philosophie est une réflexion critique

A. Les caractéristiques du philosophe “critique”

La philosophie est une activité avant tout questionnante, qui s'adresse à chacun d'entre nous et
n'a rien à voir avec un quelconque savoir positif. On peut dire qu'elle n'a pas de contenu
propre. Comme nous le voyons avec Socrate, elle est avant tout réflexion critique sur ce que
nous savons déjà (ou même sur ce que nous croyons spontanément savoir), donc perpétuelle
remise en cause.
Elle se définit comme une tentative pour comprendre les principes généraux et les idées qui
se cachent derrière les divers aspects de la vie. On peut ainsi la diviser en autant de domaines
qu'il y en a dans la vie : il y a une philosophie de la religion, de l'art, du droit, des affaires…

Exemple : la philosophie politique :


a) elle pose des questions au sujet de la justice et de l'égalité, au sujet de savoir comment un
Etat devrait être organisé, et au sujet de savoir ce que signifient des idées telles que la
démocratie;
b) elle utilise souvent les mêmes termes que ceux qu'on emploie dans les débats politiques
quotidiens, mais elle les examine, afin d'aller plus loin que le sens commun dans la
signification exacte des termes, et de comprendre quel est le but de l'entreprise politique.
Elle se demande donc : que voulons-nous dire par ces mots? Comment pouvons-nous savoir si
c'est vrai? Quelles sont ses implications?
Philosopher, c'est penser clairement et de façon précise.

Exercice en classe : différence entre le spécialiste x et le philosophe :


le mathématicien : étudie les relations entre les nombres
le philosophe :
l'historien : se pose des questions sur ce qui a lieu à un certain moment dans le passé
le philosophe :
le psychologue : comment par exemple les enfants apprennent un langage
le philosophe :
n'importe qui peut se demander si c'est mal de se faufiler dans une salle de cinéma sans payer
mais un philosophe se demande :
le physicien : de quoi sont faits les atomes, ou encore, ce qui explique la gravité
le philosophe : comment pouvons- nous savoir qu'il y a quoi que ce soit à l'extérieur de nos
esprits?

Elle intéresse donc tout homme en tant qu'homme, et accompagne souvent la recherche
scientifique. Einstein, par exemple, a beaucoup lu les grands philosophes (Platon, Kant, etc.)
et médité de façon philosophique. Si la démarche philosophique accompagne la science, alors
cela peut permettre de ne pas faire n'importe quoi (car si la science invente de nouvelles
techniques et fait telles sortes de recherche, c'est bien le philosophe, ou le scientifique en tant
que philosophe, qui se demandera si c'est bien, etc.

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B. Le contexte de son émergence : Athènes au Ve siècle av. JC
Documents : textes de J.P. Vernant, sur le lien entre l'émergence de la polis et l'émergence
de la philosophie dans la cité grecque.
Jean Pierre Vernant, Les origines de la pensée grecque, Paris, P.U.F, 1962
§ 1 L'apparition de la polis constitue, dans l'histoire de la pensée grecque, un événement
décisif. Certes, sur le plan intellectuel comme dans le domaine des institutions, il ne portera
toutes ses conséquences qu'à terme ; la polis connaîtra des étapes multiples, des formes
variées. Cependant, dès son avènement, qu'on peut situer entre le VIIIe et le VIIe siècle, elle
marque un commencement, une véritable invention ; par elle, la vie sociale et les relations
entre les hommes prennent une forme neuve, dont les Grecs sentiront pleinement l'originalité.

§ 2 Ce qu'implique le système de la polis, c'est d'abord une extraordinaire prééminence de la


parole sur tous les autres instruments du pouvoir. Elle devient l'outil politique par excellence,
la clé de toute autorité dans l'Etat, le moyen de commandement et de domination sur autrui.
Cette puissance de la parole -dont les Grecs feront une divinité : Peitho, la force de persuasion
- rappelle l'efficacité des mots et des formules dans certains rituels religieux, ou la valeur
attribuée aux " dits " du roi quand il prononce souverainement la thémis ; cependant, il s'agit,
en réalité, de tout autre chose. La parole n'est plus le mot rituel, la formule juste, mais le débat
contradictoire, la discussion, l'argumentation. Elle suppose un public auquel elle s'adresse
comme à un juge qui décide en dernier ressort, à mains levées, entre les deux partis qui lui
sont présentés ; c'est ce choix purement humain qui mesure la force de persuasion respective
des deux discours, assurant la victoire d'un des orateurs sur son adversaire.

§ 3 Un second trait de la polis est le caractère de pleine publicité donnée aux manifestations
les plus importantes de la vie sociale. On peut même dire que la polis existe dans la mesure
seulement où s'est dégagé un domaine public, aux deux sens, différents, mais solidaires, du
terme : un secteur d'intérêt commun, s'opposant aux affaires privées ; des pratiques ouvertes,
établies au grand jour, s'opposant à des procédures secrètes. Cette exigence de publicité
conduit à confisquer progressivement au profit du groupe et à placer sous le regard de tous
l'ensemble des conduites, des procédures, des savoirs qui constituaient à l'origine le privilège
exclusif du " basileus ", ou des " genè " détenteurs de l' " archè ". Ce double mouvement de
démocratisation et de divulgation aura, sur le plan intellectuel, des conséquences décisives.

§ 4 Désormais la discussion, l'argumentation, la polémique deviennent les règles du jeu


intellectuel, comme du jeu politique. Le contrôle constant de la communauté s'exerce sur les
créations de l'esprit comme sur les magistratures de l'Etat. La loi de la polis, par opposition au
pouvoir absolu du monarque, exige que les unes et les autres soient également soumises à "
reddition de comptes ". Elles ne s'imposent plus par la force d'un prestige personnel ou
religieux ; elles doivent démontrer leur rectitude par des procédés d'ordre dialectique.

§ 5 Avènement de la Polis, naissance de la philosophie : entre les deux ordres de phénomènes


les liens sont trop serrés pour que la pensée rationnelle n'apparaisse pas, à ses origines,
solidaire des structures sociales et mentales propres à la cité grecque. Ainsi replacée dans
l'histoire, la philosophie dépouille ce caractère de révélation absolue qu'on lui a parfois prêté
en saluant, dans la jeune science des Ioniens, la raison intemporelle venue s'incarner dans le
Temps. L'école de Milet n'a pas vu naître la Raison ; elle a construit une Raison, une première
forme de rationalité.

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§ 6 La raison grecque, c'est celle qui de façon positive, réfléchie, méthodique, permet d'agir
sur les hommes, non de transformer la nature. Dans ses limites comme dans ses innovations,
elle est fille de la cité.

Définitions préalables :

- la Polis : la polis est une organisation sociale dans laquelle le pouvoir est partagé. -En
l'occurrence, entre les citoyens. Les lois ne viennent donc plus d'en haut (du roi, du tyran, de
l'aristocrate). Il faut les discuter, et en décider en fonction d'intérêts collectifs.

Elle fut à l'origine de grands changements dans tous les domaines de la vie :
Après guerres
= création de nouvelles constitutions
= critique de la tradition (à savoir, de l'ancienne forme d'organisation politique -
caractéristiques de cette dernière : décisions prises par des aristocrates, dans le secret ;
éducation morale et militaire ; pas de place à la parole, si ce n'est à travers la récitation des
poèmes traditionnels portant sur les origines mystérieuses de la ville)
= apparition d'une nouvelle forme d'organisation politique, la démocratie - caractéristiques :
les décisions sont prises par l'ensemble de la collectivité, et en public ; d'où la grande place
accordée à la parole car il faut savoir parler et convaincre une assemblée, influencer les
décisions ...
= influence sur manière de penser ; premiers écrits " philosophiques " (abandon du mythe
comme mode d'explication et de compréhension du monde, de la société) (Ecole de Milet)
= apparition de la rhétorique (sophistes)
= le dialogue socratique (Platon) (critique de la société décadente ; de la tradition)

-Ecole de Milet :

On peut dire qu'elle désigne les premiers " philosophes ", ceux qui sont en tout cas à l'origine
de cette manière de penser originale qu'est la philosophie -dont il s'agit ici de savoir ce qui,
historiquement, a pu permettre son émergence. Le premier de ces philosophes était Thalès. Il
y eut aussi Anaximandre, Anaximène.

La caractéristique de leurs écrits ou de leur pensée : s'interrogeaient sur l'origine du monde,


sur sa composition. Voulaient comprendre et expliquer aux autres les changements perpétuels
qu'ils avaient sous les yeux. On les appelle les " philosophes de la nature ", du fait qu'ils
s'attachent essentiellement à la nature et aux phénomènes naturels. Pour eux, il existe une
substance unique à l'origine du monde, mais chacun en admet une différente. Thalès pensait
que c'était l'eau, Anaximandre, l'infini, Anaximène, l'air.

Exemples :

-Thalès (VIe av. JC) : il a compris, le premier, que la question philosophique originelle est
celle de l' " archè " (question de l'origine de toutes choses). Si Thalès est le premier
philosophe, c'est parce qu'il a dit que " l'origine de tout est eau ".
Ce qui compte, ce n'est pas le résultat, mais la manière de procéder. Il s'agit de la pensée
rationnelle. C'est pour ça que le texte lie école de Milet et " raison grecque ". en effet, ce qui
est original à l'époque, c'est l'abandon du mythe pour expliquer la nature (raison s'oppose
donc avant tout, ici, à mythe, manière d'expliquer les phénomènes naturels en recourant à des

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personnages, à des dieux). La philosophie c'est avant tout la raison parce qu'elle s'oppose à la
religion et au mythe. (Lien avec autre aspect : la philosophie s'oppose à la tradition).

Aspect de la société avant les philosophes : tradition, mythe, religion

Il est essentiel d'évoquer Parménide, qui est à proprement parler le premier à écrire un texte
dans lequel transparaissent les exigences de la pensée (philosophique). en effet, dans son
Poème, il met en scène une Déesse qui lui/nous révèle la voie du Vrai ; et surtout, qui nous
apprend que la Vérité exige d'être démontrée et mise à l'épreuve de la réfutation. On lui
attribue la première formulation du principe de contradiction.

-basileus : terme appartenant à l'époque où, autant à Rome qu'à Athènes, on connaissait
encore un régime patriarcal ; basileus est le chef de la gens, le chef de famille ; il a un
caractère sacré, et est ainsi appelé par les poètes le " roi divin " ; il y a parmi eux un roi
suprême, mais sa seule prérogative est de présider le conseil des chefs

Questions

1) Thèse de l'auteur

2) Pourquoi l'émergence de la " polis " est-elle liée à celle de la " philosophie " ?

Pour y répondre :

a) vous devez chercher la définition de la polis (ses caractéristiques essentielles) (§ 2 et 3)

b) ainsi que la définition nouvelle de la parole qu'elle implique.

3) A quoi s'opposent la polis et la philosophie ? (§ 4)

4) § 5 et 6 : on a ici le présupposé de la thèse de l'auteur. Analysez-le.

JP Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, Ed. Maspero, Rééd. 1971, Vol. II, " La
formation de la pensée positive "

La solidarité que nous constatons entre la naissance du philosophe et l'avènement du citoyen


n'est pas pour nous surprendre. La cité réalise, en effet, sur le plan des formes sociales, cette
séparation de la nature et de la société que suppose, sur le plan des formes mentales, l'exercice
d'une pensée rationnelle. Avec la Cité, l'ordre politique s'est détaché de l'organisation
cosmique ; il apparaît comme une institution humaine qui fait l'objet d'une recherche inquiète,
d'une discussion passionnée. Dans ce débat, qui n'est pas seulement théorique, mais où
s'affronte la violence de groupes ennemis, la philosophie naissante intervient ès qualités. La "
sagesse " du philosophe le désigne pour proposer les remèdes à la subversion qu'ont
provoquée les débuts d'une économie mercantile. On attend de lui qu'il définisse le nouvel
équilibre politique propre à retrouver l'harmonie perdue, à rétablir l'unité et la stabilité
sociales par l' " accord " entre les éléments dont l'opposition déchire la Cité. Aux premières
formes de législation, aux premiers essais de constitution politique, la Grèce associe le nom
de ses Sages.

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