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Vrin | « Le Philosophoire »
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Vincent Citot
Note
1
Sur la question de la périodisation de la modernité et de son évolution historique, on pourra
se reporter à notre article « Le processus historique de la modernité et la possibilité de la
liberté », dans le présent numéro du Philosophoire. Le n°154 de nov. 2004 de la même revue
Sciences humaines consacrait un dossier à « L’individu hypermoderne » (recensé ci-après),
et diagnostiquait une « mutation anthropologique » sous l’effet de cette accélération de la
modernité depuis quelques dizaines d’années. Il paraît étonnant que ce nouveau numéro de
Sciences humaines n’ait pas cherché à établir un lien entre ce retour apparent de la pensée
postmoderne et la révolution hypermoderne qui était repérée il y a seulement quelques
mois… Il est vrai que l’hypermodernité en question était perçue comme un phénomène
social, alors que la pensée postmoderne concerne plutôt une certaine élite intellectuelle. Mais
c’est précisément cet écart entre l’infrastructure sociale et la superstructure intellectuelle qui
est ici significatif et qu’il serait nécessaire d’interroger.
158 La Modernité
doit pouvoir se mettre à l’épreuve des faits. Or, les articles du recueil relèvent plus
d’une sorte de “sociologie phénoménologique” que d’une science sociologique.
Ils en appellent à une expérience partagée de l’air du temps, sans produire des
documents attestant de la justesse des interprétations. Pas un graphique, pas un
tableau comparatif, pas de statistiques, très peu de date et de chiffres. Donc, s’il
faut lire cet ouvrage — et il faut en effet le lire — c’est en sachant au préalable
ce que l’on y trouve et ce que l’on n’y trouve pas, pour harmoniser les espoirs du
lecteur avec l’effectivité d’une publication.
Il faut le lire, parce que l’on y trouve d’excellentes contributions, qui
permettent de saisir la “psychologie” de l’individu hypermoderne (pour une
caractérisation générale de ce psycho-type, se reporter à la fin de la précédente
recension). Les deux interventions de N. Aubert — « Un individu paradoxal », et
« L’intensité de soi » — sont passionnantes à ce titre. Elle y indique la triste ou
l’heureuse condition de l’individu hypermoderne (selon le point de vue) : « une
quête éperdue de soi-même et d’un sens à donner à sa vie, dans un contexte où
aucun système existant ne vient plus apporter de réponse extérieure » (pp. 80-81).
Du coup, « chacun devient l’artisan de sa propre sphère de sens et forge lui-même
le sens qu’il entend donner à sa vie » (p. 83). Mais alors, « une exigence forte
pèse sur chaque individu, qui représente à la fois la rançon de sa liberté et l’une
des causes de sa vulnérabilité » (id.). Telle est en effet le dilemme de l’individu
hypermoderne : sa liberté finit par lui peser. La responsabilité totale qui est la
sienne est souvent difficile à assumer, lui qui doit trouver en lui-même le sens de
sa vie, et qui a pour projet de construire celle-ci de toutes pièces, conforme à sa
volonté. Il sera donc aussi responsable de tous ses échecs, sans excuse.
La modernité et son devenir contemporain 161