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Norme et transgression

modèle canonique et liberté créatrice(kanna : baguette de jonc), kanô n : règle


Canon : tige de roseau,
modèles
dogmes
système de codesrègles
structurer
encadrer
orthodoxe

I. Norme esthétique (norme du beau)


II. Norme éthique (anormal/normal)
http://www.espace-ethique.org/ressources/article/la-transgression-la-norme-l
%C3%A9thique
III. Norme logique (norme du vrai)

I.

Document : Gérard Genette, interrogé par Alain Nicolas au sujet de son


livre La relation esthétique:

Vous posez la question : qu’est ce qui fait que certains objets sont
"esthétiques" ?

G. G : Rien, sinon le fait qu’on leur accorde une attention esthétique. C’est le
fait fondamental. Dans la relation esthétique, on considère un objet
indépendamment de son utilité, pour son aspect, sa "forme" disait Kant. La
question de l’appréciation (me plaît-il ou non ?) venant après. Bien entendu,
cet "objet esthétique" peut être naturel, un paysage, un nuage, ou artificiel.
Pour être considéré comme œuvre d’art, un objet esthétique doit être produit
dans une intention, celle de se soumettre à une appréciation esthétique.

Bonne ou mauvaise, une ouvre d’art est de l’art. Vous vous opposez à
ceux qui disent : un roman de gare n’est pas de la littérature.

G.G : La position selon laquelle une ouvre d’art se définit par l’appréciation
positive qu’on porte sur elle me paraît logiquement insoutenable. Dire qu’une
œuvre d’art ratée n’est pas une œuvre d’art présente une contradiction
absolue. À partir du moment ou un objet a été soumis à appréciation
esthétique, positive ou négative, c’est de l’art.

Il existe pourtant une thèse selon laquelle, depuis Duchamp, le


problème de l’appréciation se confond avec celui de la définition.
L’artiste est celui qui dit "cet objet, qui n’entrait pas dans le domaine de
l’art, je déclare qu’il en fait partie".

G. G : Ce qu’on appelle l’art contemporain à partir de Duchamp et de ceux qui


l’ont suivi (mais n’oublions pas que beaucoup ne l’ont pas fait, comme
Matisse, Picasso ou Pollock...), je pense à l’art conceptuel, qui est censé se
passer de la dimension esthétique. Duchamp l’a souvent déclaré : "Je ne vise
aucune satisfaction esthétique". C’est ce que formule la théorie de l’art
d’Arthur Danto. Les œuvres disent rechercher une appréciation non plus
esthétique, mais intellectuelle, conceptuelle. Mais, selon moi, cette
appréciation-là reste esthétique, au second degré.

Le critère s’est décalé d’un cran.

G. G : Oui, on n’a plus de relation de plaisir sensible devant le porte-bouteilles


de Duchamp, mais on admire la démarche de celui qui a osé le proposer
comme œuvre d’art. La dimension du canular, de la provocation n’y fait pas
obstacle, bien au contraire : le canular ou la provocation sont reçus comme
des gestes esthétiques.

Comment apprécier, dès lors, ce qui est bon ou mauvais ?

G. G : Je professe en ce domaine un relativisme total. Pour Kant, "le


jugement esthétique a une prétention légitime à l’universalité". On ne saurait
mieux dire, sauf que je retire le mot "légitime" ! Il y a bien sûr une prétention
spontanée à l’universalité dans tous les jugements esthétiques. Quand je
trouve quelque chose beau, j’imagine que tout le monde doit le trouver beau.
Mais si tout ce qui est spontané était légitime... De plus, il y a rarement
unanimité. Quand bien même elle existerait, elle serait de fait et non de
principe. Il y a tout au plus des normes de conformité, des accords de fait, qui
sont le goût d’une époque, d’un groupe. Il n’y a pas de sens esthétique
commun à l’humanité tout entière. Le kitsch, par exemple, est une réponse à
Kant.

Tout est donc relatif?

G. G : En matière de goût exclusivement! Les jugements de réalité sont


soumis au critère de réalité, les jugements de valeur à des normes
d’obligation externes, qui s’imposent à l’individu. Je ne suis subjectiviste que
pour les jugements esthétiques, ce qui ne signifie pas indifférence dans mes
propres jugements. Personnellement, je ne mets pas Le Petit Vin blanc au
même niveau que La Grande Fugue de Beethoven, mais à celui qui pense le
contraire, je n’ai aucun argument rationnel à opposer...

 C/ Une solution?

Aucune des positions examinées (subjectivité ou objectivité) ne se révèle


acceptable. Ce qui est l’indice que notre problème est mal posé ou notre
recherche mal dirigée. Jusqu’ici nous avons cherché à déterminer la valeur
d’une œuvre du point de vue du jugement esthétique, donc de l’effet qu’elle
produit sur le spectateur, ce qui s’est révélé une impasse. Si nous l’avons fait
c’est que la beauté n’est pas une propriété objective de l’œuvre, comme sa
forme, sa couleur, son matériau etc. Néanmoins n’est-ce pas dans l’œuvre
plutôt que dans le sujet qu’il faut rechercher ce qui fait sa valeur artistique et,
par voie de conséquence, sa valeur esthétique. Si en effet une série télévisé,
mettons Les Sopranos est objectivement supérieure à une autre, pensons à
Inspecteur Derrick par exemple, n’est-ce pas parce que sa mise en scène,
ses dialogues, ses personnages, sa structure narrative etc sont d’une plus
grande complexité et d’une plus grande originalité ? Par voie de conséquence
il donne lieu à une appréciation bien plus profonde : la jouissance liée à
l’interprétation est bien plus vive. Ce qui fera qu’on aura plaisir à revoir ou
réécouter la grande œuvre d’art. Ainsi on pourrait dire que la valeur
esthétique d’une œuvre découle de sa valeur artistique qui est objectivement
définissable, et que son indice le plus certain est qu’on n’en a jamais fini avec
une œuvre d’art de valeur : l’interprétation n’en vient jamais à bout, le plaisir
est sans cesse recommencé, l’œuvre traverse les siècles et les publics du fait
de sa profondeur et de sa complexité.

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