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-Présente -toi en quelques lignes.

Étudiant en arts, spécialisé en installation/performance et en arts


numériques, venant du milieu du graphisme donc avec un rapport fort
à l’image et aux symboliques, dont les thématiques sont l’entre-deux, les
rapports de force, et l’économie.

-Décris de la manière la plus «objective» possible deux de tes pièces.

Une pinata recouverte de peinture réfléchissante qui pend sur une


potence remplie de pièces de centimes frappée par un/e performeur/se.
(Incoming) Un pachinko automatisé avec des retranscriptions des taux
de probabilité de victoire sur écran avec un distributeur de monnaies qui
rend exclusivement les mêmes billes utilisées dans le jeu, créant ainsi un
cercle vicieux coupable de plaisir.

-Comment choisis-tu ton-tes médium.s ? Peux-tu expliciter ton rapport à ces


médiums ? C’est - à - dire par exemple, changes-tu de médium suivant les
projets ? ou développes-tu tes projets à partir d’un médium ?

Le médium est pour moi porteur d’un message à part entière, donc je ne
choisis pas mes médiums bien qu’ il y ait bien sûr dans mon travail une
affection particulière pour certains d’entre eux. Par exemple, travaillant
souvent l’image par le passé, j’ai habitude d’user de la modélisation 3D car
elle me permet de façonner des images selon mes besoins et de posséder
mes propres banques d’images

-Peux-tu expliquer ton-tes processus de travail ?

Mon travail intervient souvent à la suite d’une lecture ou d’une proposition


théorique ou artistique, j’aime m’appuyer sur une entité concrète qui
lance une réflexion poussée et ainsi une proposition.

-Qu’est-ce qui te donne envie de travailler ?

Pour être franc, la lassitude de la procrastination

-A quel.s public.s destines-tu ton travail ? Dans quels types de contextes


souhaites-tu le montrer ?

Comme pour les médiums, le public ciblé dépend pour moi toujours de la
proposition artistique, donc je n’ai pas de public intrinsèquement lié à mon
travail

-Quels sont les phénomènes de société, événements, courants de pensées, qui


impactent le plus ton travail actuellement?

Il y a peu de phénomènes précis qui m’intéresses, je préfère ne pas cibler


quelque chose mais me concentrer plus sur des aspects de nos vies déjà
bien intégrés et digérés

- A quel.s contexte.s relies-tu ton travail ?


En utilisant une métaphore, je dirais que j’essai d’avancer dans un gouffre
profond, en grimpant parfois sur l’un ou l’autre pan du gouffre pour y
constater ce qui s’y passe

- Quel est pour toi le rôle de l’artiste ?

Pour moi, l’artiste intervient dans un espace d’incompréhension et


de questionnement que ce soit personnel ou sociétal, en essayant d’y
apporter une «réponse» théorique et/ou sensible

- Qu’offre la figure de l’artiste à la société ?

Au pire, un divertissement culturel, au mieux, un glissement de regard

Bien que peu doué pour parler de ma propre personne, ce questionnaire (avec
lequel j’ai du puiser de la volonté) a finalement été et sera sûrement porteur
de beaucoup de nouveaux questionnements concernant ma pratique et ma
personne.
J’aimerais que l’on discute du choix des deux questions dont je vais
développer les réponses; en effet, j’ai opté pour les questions Quel est pour toi le
rôle de l’artiste ? et A quels contextes relies-tu ton travail ? puisque je pense que
dans mon cas, ces deux questions sont en faits extrêmement liées.
Mais avant de partir plus en détail sur ces deux questions, je vais
introduire les références qui me serviront, tout d’abord l’exposition Exhibit
B de Brett Bailey, et le texte de 1989 «White Privilege: Unpacking the Invisible
Knapsack» de Peggy McIntosh.

Le choix de ces deux références n’est pas anodin car nous avons deux personnes
blanches parlant de la blanchité, de son histoire et de ses privilèges.
Il paraît donc évident que ma réponse à ces deux questions concerneront
plus ou moins ces thématiques, mais répondons directement à la question.
Quel est pour toi le rôle de l’artiste ? est une question à la syntaxe
intéressante dûe au pour toi trainant au milieu, ainsi je trouve que ma première
réponse est une réponse satisfaisante au global mais très peu personnelle. Si je
devais re répondre à cette question, je la lierai au contexte avec lequel je relies
mon travail, puisqu’étant un homme cis blanc straight, je ne peux me permettre
de fermer les yeux sur le contexte particulier de mon expérience du monde de
l’art.
Je sais pertinemment que tout au long de mon cursus, mon identité a joué
en ma faveur, contrairement à certain.e.s, et qu’aujourd’hui je ne saurai dire
combien de fois et comment cela m’a privilégié.
Alors, pour répondre de nouveau à la première des interrogations, je
dirai que le rôle de l’artiste, pour moi, devrai être dans un premier temps, pour
les plus priviligié.e.s d’entre nous, de se conscientiser et d’accepter le privilège
comme une réalité, qui est prégnant dans toutes les sphères du monde artistique
et (parfois) de prendre conscience de l’élitisme même de ces sphères.
Ensuite seulement, le rôle de l’artiste sera, à mon sens, de partager et donc
de communiquer, avec autrui, ce dont iel se sent le plus investi.e, heureu.x.se,
frustré.e et j’en passe.
Peut importe les formes d’art et ce qu’elles décrivent, l’art est, à mon sens
une tentative de dialogue.
Par rapport à la deuxième question, il m’est intéressant de constater que j’aurai
alors tendance à inverser ma métaphore première, pour répondre alors :
En utilisant une métaphore, je dirais que j’essai d’avancer sur une montagne
vertigineuse, en descendant parfois sur l’un ou l’autre pan pour y constater et
apprendre de ce qui s’y passe.
Cette métaphore était censé représenter la thématique de l’entredeux,
de l’état transitoire qui semble de plus en plus définir ma pratique, cependant
je ne suis pas sûr de pouvoir dire maintenant que je suis la personne dans le
gouffre, puisque le métaphore première est un peu facile, on peut imaginer une
hiérarchisation entre le gouffre et le reste qui le surplombe, dans ce cas-là, en
l’occurrence dans le mien, je pense plus être sur une montagne.

Pour revenir sur les deux références que j’ai cité en début de texte, elles sont
fondamentalement différentes dans l’acceptation des privilèges et du recul
nécessaire pour évoquer des thématiques ethniques.
Rappelons brièvement ce qu’est l’exposition Exhibit B, qui a été présentée
dans plusieurs musées dans différents pays, et qui met en scène, sous le regard
d’un artiste blanc, une reconstitution d’un «zoo humain» tel qu’il en était coutume
dans les siècles derniers.
Le problème de forme et de fond de cette exposition, est qu’un artiste
blanc, visiblement au courant de la gravité de ce genre de pratiques barbares,
a trouvé intéressant et intelligent de reproduire presque exactement les mises
en scènes de l’époque, ignorant alors totalement la violence de la vision d’une
telle pratique pour les communautés ayant subies cette histoire coloniale et
ses crimes. Sous couvert d’un discours sur le colonialisme, cet artiste rejoue
exactement une attitude coloniale et rejoue une histoire et des postures qu’il n’a
jamais expérimentés, donc son exposition peut n’être qu’interpréter comme
un attachement à ce genre de pratiques, cela montre à quel point le racisme
et toutes autres discriminations sont ancrées profondément dans le paysage
culturel et la vision blanche culturelle.

Comme deuxième référence, beaucoup moins contestée, nous nous intéressons


à un texte de Peggy McIntosh, qui fera partie des premières personnes à parler
de «White Privilege» à une population majoritairement blanche. Etant elle-
même blanche, elle pointera ce qu’est le privilège blanc, en lui donnant vie avec
des exemples, parlera du systémisme des pratiques discriminatoires, et de
l’importance de prendre part à cette volonté de changer ce système en tant que
personnes blanches.
Ce dernier point est celui qui personnellement me travaille le plus, étant
conscient de l’importance d’un changement global, il est parfois difficile de
s’imaginer comment lutter au quotidien, hormis s’éduquer personnellement,
pour changer un système qui parait parfois tellement ancré dans nos sociétés
qu’il est complexe d’en voir une probable fin.
Mais le travail est multiple et collectif, ce système patriarcal dans lequel
nous vivons sera de plus en plus remis en question à mesure que les consciences
évoluent, et ainsi, c’est peut-être ça ma définition de l’artiste, une personne qui
participe à sa manière aux bouleversements nécessaires de son époque.

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