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Centre d’Information et

d’Education Populaire

BA GIC – Formation de coordinateurs de


projets culturels et sociaux

L’artiste animateur du CEC


dans l’œil de l’identité

Directeur : Christian BOUCQ

Ce travail de fin de formation a été rédigé


par Marcela González en vue de I ‘obtention
du Brevet d' A ptitude en Gestion des
Institutions Culturelles

Mars 2017
1. UN PA RCOURS D’A RTISTE------------------------------------------------------------------------------- 1
1.1. Expérience chilienne : un engagement artistique comme évidence politique ------------------------------------------ 1

1.2. Expérience belge : l’art comme insertion professionnelle --------------------------------------------------------------- 6

2. L’A NIMA TEUR A RTISTIQ UE « OFFICIEL » -------------------------------------------------------- 8


2.1 Ce qu’en dit le décret 2009 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 8

2.2 Exigences vis-à-vis des artistes animateurs : ------------------------------------------------------------------------------------- 10


L’artiste A nimateur : une intention et deux compétences-------------------------------------------------------------------- 11

3. QUELQUES REGA RDS THÉORIQUES POUR A RTICULER COMPÉTENCES ET


INTENTION ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 13
A rt, pédagogie et politique dans le CEC --------------------------------------------------------------------------------------- 13

3.1 A rticulation entre Pédagogie et politique : Paulo Freire -------------------------------------------------------------------- 14

3.2. A rticuler art et politique : Paul A rdenne, A ugusto Boal ------------------------------------------------------------------- 16


Une approche particulière : l' A rt Contextuel. --------------------------------------------------------------------------- 19

4. RÉA LITÉS DE MÉTIER ------------------------------------------------------------------------------------- 23


4.1 Paroles d’acteurs ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ 23

4.2. Quel statut avec quelle reconnaissance ? -------------------------------------------------------------------------------------- 26


Qu’en est-il de ce statut d’artiste ? ------------------------------------------------------------------------------------------ 28

5. EV OLUTION D’UN PROJET À LA MA ISON DE L’A MÉRIQUE LA TINE---------------- 30


5.1 L’ association et le CEC ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 30

5.2. M on expérience à la M A L ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 32


Un atelier à la MA L ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 35

CONCLUSION RÉFLEXIV ES----------------------------------------------------------------------------------- 40

REMERCIEMENTS-------------------------------------------------------------------------------------------------- 43

BIBLIOGRA PHIE ---------------------------------------------------------------------------------------------------- 44

Introduction
Ceci est mon parcours d'artiste.
De nationalité artiste, j'ai émigré vers le territoire de l'animation et de la coordination.
Comme souvent, les migrations sont faites de tâtonnements pour tenter de comprendre.
Comprendre les nouveaux codes, les nouveaux mondes, comprendre les mutations aussi,
comprendre enfin ce qui permet une identité nouvelle, faite de racines, déracinements et ré
enracinements.

L'exigence d'un travail de « mémoire » me donne l'occasion de dérouler mon questionnement


sur ce parcours. C'est cela et comme cela que je vous propose la lecture de ce travail singulier.

Je ferai d'abord un retour sur mon expérience d'engagement artistique et le passage vers une
insertion professionnelle lors de ma venue en Belgique parce que c'est cette confrontation qui
a fait émerger ma question sur le rôle particulier d'Animateur artistique au sein des CEC.

Pour explorer la question, je ferai une relecture du décret et les conséquences qu'on peut en
dégager par rapport au profil attendu.
J'en retirerai ainsi deux compétences et une finalité : compétences artistique et pédagogique
imbibés d'engagement et de visée politiques.

Je prendrai ensuite de la hauteur avec quelques auteurs – acteurs qui me semblent être dans le
droit fil des définitions du métier : Paulo Freire pour le rapport entre la pédagogie et la
conscience politique, Paul Ardenne et son « Art contextuel » et Augusto Boal, pour le rapport
entre l'art et la politique. Je prendrai appui également sur les travaux de la philosophe Elise
Derroitte pour aborder les différentes postures possibles et le choix qui me semble adapté à
l'objectif des CEC.

Soucieuse de confronter ma vision à celles de professionnels de CEC, j'ai réalisé différentes


interviews. Je reprendrai alors une dominante qui ressort de leurs propos. Chacun à sa manière
a en effet mis en évidence un paradoxe lié à ce métier : le rôle sans statut ou un statut sans
reconnaissance.
J'aborderai donc alors la question de ces statuts dans le cadre législatif actuel.

J'en viendrai ensuite à reprendre pied dans la réalité du travail par l'analyse de deux de mes
pratiques d'animation et de coordination au sein de la Maison de l'Amérique latine.

Au terme de ce parcours réécrit, je ferai part de quelques conclusions réflexives à propos du


rôle de l'artiste-animatrice au sein d'un CEC.
1. Un parcours d’artiste
1.1. Expérience chilienne : un engagement artistique comme évidence
politique

Je suis chilienne, née sous la dictature en 1975, j’ai grandi dans une famille engagée, de
gauche. Au Chili, les années 70 et 80 étaient des années de révolte, ainsi que dans de
nombreux pays d’Amérique latine.
J'ai vécu dans ma chair la violence politique, la répression, les militaires dans la rue, les
violentes différences sociales que le nouveau système économique imposait à la majorité.
Cela m’a marquée à vie.

Puis, j’ai décidé d'étudier le théâtre, j’avais besoin de le faire, je ne peux pas expliquer
pourquoi. Par défi certainement, parce que je pouvais m’exprimer autrement,
paradoxalement, sur scène je pouvais être moi-même.
J’ai étudié à Santiago dans une école « différente », il s'agissait plutôt d'une communauté
artistique. Un atelier. Nous étions 9 élèves. Un « maestro » et deux ou trois professeurs.
Le maestro nous donnait la majorité des cours. Nous étions une famille. Presque sans
vacances, nous travaillions toujours, nous avions une relation directe, personnalisée. Le
« maestro » était brillant intellectuellement, il était professeur d’esthétique de l’art à
l’Université Catholique de Santiago, avocat, journaliste, dramaturge, pédagogue,
comédien, metteur en scène. Il avait mis en place chez lui dans sa maison son propre
atelier, à la façon maitre-disciple. Un atelier peu connu en dehors du milieu artistique, une
sorte de laboratoire de création et de formation des comédiens. Il était considéré comme
un transgresseur dans le milieu artistique conventionnel. Un homme de gauche, marxiste,
athée et homosexuel. Un passionné et un chercheur du théâtre. Il m’a fait découvrir le
théâtre avec un autre regard. Le théâtre pur, son essence, sa valeur, son importance dans
notre société, la beauté de la discipline et sa profondeur ; c'est ainsi que je devins une
passionnée de mon métier.

Durant la première étape de notre formation, nous avons été formés à la psychologie, par
l’initiation et l’apprentissage de soi, et en parallèle, l’histoire de l’art et la théorie (la
philosophie, anthropologie, etc) où il nous apprend l’importance du bagage culturel du
comédien. L'enseignement était autant pratique que théorique. Il se revendiquait du
courant Brechtien, sans refuser l’influence de la méthodologie de tous les autres
hommes et femmes du théâtre du XX siècle principalement.
Pour lui, l’intellect était primordial. Il fallait le développer au maximum pour pouvoir
mieux réagir sur scène, soit dans la technique, soit dans la création des personnages et de
leur contexte sociopolitique. Notre discipline était sacrée. Notre métier était vu comme
un outil, un outil de travail, de lutte, de conscience, de réflexion, de remise en question,
un travail de vie, un style diffèrent ou particulier de vie. Nous avions une mission. Nous
pouvions provoquer une réflexion.

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Le théâtre n’est pas que beauté ou poésie, il n’est pas que « l’art pour l’art », il a aussi une
mission sociale. Mon pays a une histoire, et nous faisions partie de cette histoire. En tant
que personnes de théâtre nous n’étions pas en dehors. Nous ne pouvions pas. Notre
histoire et nos vécus sont attachés, sont inscrits dans notre corps et forcément dans
notre création.

En tant que chilienne, mon travail artistique est engagé au niveau sociopolitique. Nous
sommes influencés par un courant artistique qui vient des années 1960 : « L’art de
l’engagement » (El arte del compromiso) qui répond au monde idéologique de l’Amérique
latine de ces années. Il est demandé à l’artiste de mettre sa créativité au service du
peuple et de la révolution.
« L’artiste ne doit pas seulement lutter contre les formes d’aliénation bourgeoises de l’art
et la mercantilisation de l’œuvre. Il doit, en plus, aider au processus de transformation
sociale ‘en représentant’ (parler pour et à la place de) les intérêts de classe du sujet
privilégié de la révolution : le peuple. Dans les années Allende, l’artiste devient un
« travailleur de la culture », l’idée était de créer ‘un art pour le peuple et du peuple’. Puis,
sous la dictature, l’art et les artistes en général étaient persécutés, exilés, torturés ou
tués. L’art qui arrive quand même à se développer est ‘La escena de avanzada’, force
artistique d’opposition et de résistance à la dictature »1.

1 Aguiló Osvaldo. 1983. Plastica neovanguardista, antecedentes y contextos. Santiago. Citation fait par Richard. 1997 Lo político en el
arte: arte, política e instituciones.

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Le Poète d’Atahualpa Yupanqui2

Si tu crois que tu es diffèrent


Parce qu’on t’appelle « poète »
Et si tu vis dans un monde à part
Plus loin que les étoiles
De tant de fois d’observer la lune
Tu ne sais plus rien observer
Tu es comme un pauvre aveugle
Qui ne sait pas où il va
Observe les mineurs
Les hommes dans les champs de blé
Et chante-le à ceux qui se battent
Pour un morceau de pain
Poète de certaines rimes
Va vivre dans la jungle
Et tu apprendras beaucoup de choses
De celui qui travaille avec la hache et ses misères
Vis avec le peuple
Ne l’observe pas de l’extérieur
D'abord il y a l’homme
Et ensuite, le poète.

2 1908-1992. Compositeur, guitariste, poète, chanteur argentin.

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J’ai commencé à travailler dans des écoles publiques à Santiago avant de terminer l’école
de théâtre, à 21 ans. J’ai commencé à travailler comme animatrice de théâtre pour enfants
défavorisés. Des enfants des écoles publiques. Avec des réalités que parfois je n’arrivais
même pas à comprendre. Je voyais que certains n’avaient aucun soutien à la maison, il y
avait incontestablement un manque à ce niveau.

Instinctivement, j’ai mis en pratique la manière de travailler enseignée par mon maestro à
l’école de théâtre. Je commençais à prendre conscience de mon potentiel. Je voulais que
mes élèves découvrent aussi ce potentiel chez eux. Après cela, tout était permis.
La première année, l’atelier de théâtre a gagné le premier prix de « Meilleure pièce de
théâtre » dans le cadre du Festival de théâtre des écoles communales. La petite
comédienne protagoniste a gagné le prix de « Meilleure interprétation du Festival »,
Sueli, une petite fille qui m’avait avoué avoir été abusée par son beau-père quand elle
avait 7 ans.

Dans les ateliers, il y avait des enfants violents et violentés, abandonnés, enfants de
parents drogués ou emprisonnés. Ils commençaient à me dévoiler des choses de leur vie.
Je commençais à me rendre compte de l'impact que l'atelier avait sur les enfants, du
regard sur leur propre réalité, je commençais à me rendre compte de l’importance du
travail que je faisais.

Je prenais conscience de l’importance de « la confiance » dans le travail créatif, de la


générosité, du respect de chaque individu. A travers l'atelier, ils parvenaient à participer, à
parler d’eux et à exprimer leur avis. J’ai travaillé la créativité en partant de leur réalité, je
les poussais et je les encourageais à s’aimer eux-mêmes, à se sentir importants, originaux.
A travers des exercices d’expression, des jeux, ils avaient tellement de choses à dire. Des
choses tellement importantes ! Cette expérience m’a appris à mieux comprendre
l'importance de l’art pour les plus vulnérables.

J’ai travaillé dans différentes écoles de Santiago sur le même paradigme, pendant 10 ans.
Une fois, j’ai été engagée par le MOP (Ministère d’Ouvres Publiques) pour donner des
ateliers aux enfants de travailleurs durant la garderie les après-midis. C’étaient des
enfants bourgeois. Ce n’était pas la même chose, je gagnais deux ou trois fois plus, mais
j’ai démissionné. Je trouvais que mon travail était moins utile. Ils ne percevaient pas les
ateliers de la même façon. Ils avaient besoin d’autre chose pour lequel je n’avais pas
d’intérêt à travailler à ce moment-là. Je voulais mes enfants de ‘la población’3.

3
Favela chilienne

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J'ai vu comment le théâtre provoque chez ces enfants l’envie de travailler, de créer, de
croire ! Ils sortaient de leurs histoires quotidiennes, de la violence, de la routine sans
affection, de l’abandon, de la misère. Ils utilisaient les outils que je leur donnais et ils
commençaient à les transformer, à inventer par eux même. Ils appréciaient l’activité,
s’engageaient de manière incroyable. Je me sentais utile, cela servait à quelque chose,
j’étais en train de donner des outils importants.

À côté de ce travail d’animatrice théâtrale, une fois sortie de l’école de théâtre, j’ai
toujours continué à développer mon travail personnel, professionnel, comme
comédienne. Je me nourrissais de mon travail comme guide d’enfants à l’atelier de
théâtre (maintenant animatrice artistique des adultes) et comme comédienne. Des
activités complémentaires à mon développement professionnel.

Je commençais à définir une certaine ligne de travail : développer le théâtre et la


créativité, exprimer des idées, des conflits, des problématiques, provoquer une réflexion
chez le public et chez les participants, réinventer la réalité, chercher d'autres alternatives
à travers le théâtre, des solutions, pourquoi pas.

Pendant ma vie professionnelle au Chili (1996-2006), j’ai travaillé aussi comme productrice
et représentante de mes propres travaux comme comédienne. La coordination culturelle
en puissance.

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1.2. Expérience belge : l’art comme insertion professionnelle

Une fois en Belgique, il m'a semblé important de connaitre le réseau culturel, les codes de
communication dans ce milieu et l’artistique spécifiquement. Il m’a semblé très
intéressant de suivre une formation de Coordination culturelle. Je suis arrivée au BAGIC. Il
fallait connaitre ou travailler déjà dans une asbl. Je connaissais la Maison de l’Amérique
latine, où je travaille comme artiste animatrice du CEC depuis 2007. Je devais faire un
stage et j’ai choisi la coordination CEC parce que c’est mon endroit, où je peux intervenir
de la meilleure manière, la plus proche, la plus connue. Il y a, en plus, une charge énorme
de travail. Je savais que j’étais la bienvenue. J'étais motivée.

Je suis consciente de la valeur et de l’importance que l’art a dans la vie en société en


général, dans les écoles, les quartiers. Je suis consciente du changement et de l’impact
que provoque chez l’individu la participation à un projet artistique. Je suis ravie de
découvrir un projet établi où il y a énormément de choses à faire et je me sens une
personne à ma place pour cela.

Je suis rentrée à la coordination comme stagiaire. Dans ce projet de Centre d'expression


et de créativité, je me confronte au décret 2009. Un grand projet. Un décret qui fait appel
aux artistes. Nous sommes appelés à transformer, ensemble, à participer concrètement
au changement pour une meilleure société, où l’art est une arme pour poser des
questions, pour transgresser l’ordre qui provoque des injustices. L’art et l’atelier sont des
plateformes. Ils ont besoin de nous.

Le CEC est mon milieu naturel. Je comprends son essence car ma formation de
comédienne et le milieu scolaire où je suis intervenue, m’ont fait réaliser une des
propriétés de l’art fondamental : l’art a la capacité de faire réagir face à une réalité que
parfois il nous semble impossible de changer.
Je me positionne dans mon rôle et décide de mettre en place une équipe de travail. En
même temps je me rends compte des obstacles, je connais le travail des artistes
animateurs à la MAL parce que je fais partie de l’équipe d’animateurs depuis presque dix
ans. Quand pour le BAGIC on me demande de développer un projet de co-construction au
sein d’une équipe, le CEC qui n’a rien d’inconnu pour moi m’apparaît comme une
évidence.

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D’abord, j’ai imaginé une équipe, parce qu’à ce moment-là, il n’y en avait pas. Nous les
animateurs, nous nous connaissions à peine. Mais, en tant que stagiaire de coordination,
je me suis rendue compte que nous avions des choses en commun. Au départ, nous
étions tous des artistes, c'était notre profession principale et nous étions tous externes à
la Maison, chacun donnant des ateliers artistiques différents, hebdomadaires, depuis
longtemps et travaillant de manière très isolée. Très vite, je suis confrontée à d'autres
obstacles : un manque de conscience de la part des artistes animateurs pour le nouveau
paradigme du décret, le manque de budget, le manque de soutien dans la coordination et
les hautes exigences du décret et ses consignes.

Une fois ma formation BAGIC et mon stage dans la coordination CEC terminés, après deux
années de travail, j’ai commencé à réfléchir à mon travail de fin d’étude (TFE).
J’ai réalisé des interviews avec différentes personnes du secteur, des gens très proches
du décret, dans sa partie idéologique, dans sa construction. Puis, je me suis adressée aux
personnes sur le terrain, aux directeurs, aux coordinateurs et bien sûr, aux artistes
animateurs.

Je n’ai pas commencé le TFE avec une question précise. J’avais plein de questions dans
ma tête. Au départ, lorsque j’ai fait l’interview de Patricia Gerimont, je ne savais pas sur
quoi je voulais travailler. A la fin de l’interview, je demeurais dans le flou.

J’ai commencé à dévoiler mes interrogations intimes, personnelles. Elles se préciseront


sous forme d’une question quand, je réalise pendant les interviews, qu’il y a des
similitudes dans les manières de regarder l’artiste animateur, de le reconnaître, les
questionnements et les affirmations sont identiques dans les différents CEC. Je me
questionne alors sur ce que sont les artistes animateurs, quelles sont leurs compétences,
quel type de travail font-ils, quelle place prennent-ils dans l’association et de quelle
manière s’engagent-ils ?

Ce qui m’intéressait en particulier, c’était la reconnaissance ou bien la non-reconnaissance


de cet individu, ce phénomène ou problématique revenait de manière récurrente.
Lors de mon TFE, j’ai participé à une réunion des coordinateurs du CEC où Patricia
Gerimont a fait remarquer qu’ils étaient conscients de la tension qui règne au sein du CEC,
entre l’ATELIER, l’EXPRESSION ARTISTIQUE et l’ARTISTE ANIMATEUR.
Donc, je me suis dit : mon sujet est bon ! Ou plutôt… il est bien dirigé.

Et enfin j’arrive à une question concrète : Quel est le rôle et la place de l’artiste animateur
dans le Centre d’expression et créativité ?

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2. L’animateur artistique « officiel »

2.1 Ce qu’en dit le décret 2009

Ce décret est relativement récent et les motivations et définitions y sont donc


éclairantes ; elles contraignent les CEC à se (re)positionner plus clairement.

Après la révolution de 1968, l’éducation traditionnelle hiérarchisée est remise en


question. L’idée que l’éducation traditionnelle restreint la créativité de l’enfant plutôt que
de la développer, devient un support pour imaginer et pour chercher des nouveaux
chemins (éducations alternatives- ateliers – art – créativité – savoir-faire - nature).

En Belgique, en 1971, les considérants4 de l’arrêté des centres de jeunes. Il y est dit que
"les loisirs sont des occasions de prendre des responsabilités en vue de devenir des
citoyens responsables au sein de la société".
L'ensemble des représentants des maisons de jeunes demandent qu'on ajoute le mot
"critique" et le conseiller du Ministre en charge de la jeunesse approuve immédiatement.
Dès ce moment, la politique d’éducation permanente de la jeunesse entrouvre une porte
à la tradition de l’éducation populaire, à la perspective de l’émancipation des différents
groupes sociaux. Certes, par la suite, le décret de 1976 qui vise les organisations
d’éducation permanente des adultes en affinera la définition.5

Ce paradigme est la base de la « Circulaire » relative aux CEC, qui voit le jour en 1976,
comme une base expérimentale de développement artistico-culturel. Tous les Centres
d’Expression et de Créativité ont travaillé avec cette Circulaire jusqu’en avril 2009, au
moment où le grand décret du CEC voit le jour. Tous les CEC se préparent pour cadrer au
nouveau décret, en vue d'obtenir une nouvelle reconnaissance.

Jusque-là, les CEC travaillaient de manière assez libre, indépendante, sans règlement
établi de manière précise. Les CEC se développaient par rapport à leurs besoins
contextuels, sans avoir forcement une thématique spécifique encadrée. Ils travaillaient
avec une Circulaire qui était nécessaire et cohérente pour les dernières décennies du
XXème siècle en Europe.

Les postulats de ce nouveau décret sont clairs : Article 1e § 1'. Le présent décret a pour
objet la reconnaissance des associations qui mènent des actions favorisant le
développement culturel des individus et des groupes par l'expression et/ou la créativité, par
la mise en œuvre de pratiques artistiques telles que définies à l'article 3, afin qu'ils puissent
se projeter, inventer et participer à la vie sociale et culturelle.
4
Partie d'un jugement de Tribunal administratif ou d'un arrêt de Cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat constituant l'exposé
des motifs de fait et de droit qui justifient la solution adoptée par les juges.
5
Nossent Jean-Pierre. L'histoire récente de l’éducation permanente : Une relecture possible. Vers un retour aux sources de l’éducation
populaire ?

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§ 2. La démarche des associations visées par le présent décret s'inscrit dans une perspective
d'émancipation sociale et culturelle et favorise l'expression citoyenne.

A partir de ce nouveau décret, nous devons réorienter le travail du CEC.

Essentiellement les CEC ont pour mission « de stimuler la créativité par l'organisation
d'ateliers et/ou de projets socio-artistiques ayant pour objectifs :

1° Le développement individuel et collectif, notamment, par :


—l'acquisition de savoir-faire et d'aptitudes à la créativité;
— la transmission de langages artistiques, l'ouverture à la diversité des codes culturels et la
mise en valeur des référents culturels des participants ;
— le développement de la sensibilité, de l'imaginaire ; »

Désormais, nous devons apporter une attention particulière à l’ «expression citoyenne » :

« Expression citoyenne
• Quel est le sujet, la question abordée ?
• En quoi l’expression dit-elle quelque chose sur le monde, sur le juste et l’injuste, sur des
enjeux sociaux et/ou sociétaux ?
• Comment l’expression se met-elle en débat dans l’espace public ? Pourquoi avoir fait le
choix de cet espace public ?
• Effets, résultats et impacts : - Sur les participants (augmentation de la capacitation,
changement de rôle, élargissement des mentalités, processus émancipatoire,…) - Sur le
groupe : repositionnement du groupe, actions collectives; - Sur la société: prise de
conscience, changement des représentations, évolution des mentalités, débat,… »6

Nous devons développer clairement des sujets qui concernent notre réalité. Nous devons,
d’une manière consciente, mettre en place un atelier artistique qui a pour objectif (entre
autres) :

« 2° Le développement d’une expression citoyenne, notamment, par :


- des thématiques abordant des enjeux de société ou sociaux ;
- des interactions créatives avec le milieu environnant et la société ; … »

Dans le décret il y a aussi des projets à développer avec des objectifs spécifiques c-à-d
avec un public spécifique.

« Public spécifique : personnes vivant dans des situations de grande précarité ou personnes
dont il est établi médicalement qu’elles présentent un handicap mental, une maladie
mentale grave ou un handicap physique. »7

6-7 Vadémécum CEC 2017

Page 9
A partir de maintenant le décret exige aussi, de décrire et d'évaluer avec précision les
différentes démarches créatives concrètes mises en œuvre dans l’atelier, l’orientation
pédagogique générale qui fonde l’action du CEC. Il exige de chaque coordinateur-
coordinatrice d'évaluer des objectifs artistiques, pédagogiques et citoyens pour chaque
démarche de l’animateur dans l’atelier.

2.2 Exigences vis-à-vis des artistes animateurs :

« 3. Encadrement par des animateurs artistiques (articles 3, 15° et 7, § 1er du décret)


Développer la créativité dans le champ socio-artistique est un métier. Le législateur a
exprimé dans le texte du décret (article 3, 15°) le souci de voir les ateliers et projets encadrés
par des personnes formées et expérimentées. Les compétences/aptitudes requises sont
doubles : d’ordre artistique et pédagogique (capacité à transmettre son savoir-faire, à
concevoir et conduire des démarches créatives et mener un projet socio-artistique). Le
commentaire des articles précise que ces compétences auront été acquises par le biais de
formations artistiques ou d’expériences tant à titre professionnel que bénévole. Ces
éléments d’information seront repris dans les CV de chaque animateur. Il importe de joindre
également le CV du coordinateur artistique dont le rôle est essentiel dans le développement
du CEC ».8

Ce dernier paragraphe est essentiel dans mon questionnement. Ces objectifs sont
développés sur la base de démarches créatives, ces démarches doivent être portées par
une personne qui possède une expertise bien définie.

Aujourd’hui on l’appelle : Artiste-Animateur. Une méthode pédagogique d’animation


précise doit être mise en place (par rapport aux participants, lieu, niveau socioculturel,
condition physique et mentale de participants, intérêt du groupe, etc). Selon le décret, la
remise d'un CV est une exigence.

Il ou elle doit aussi :

- Transmettre
- Susciter la recherche
- Concevoir des démarches créatives
- Réaliser une présentation annuelle du travail développé avec les participants à un
public.
- Mener un projet socio artistique déterminé.

Pour mieux développer mon travail, j’ai interviewé Patricia Gerimont, responsable du
service de la Créativité et des Pratiques artistiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles
depuis 1998. Elle a laissé entendre clairement que la reconnaissance des CEC passe aussi,
par la constatation que le CEC en analyse doit avoir minimum 80% d'artistes
professionnels dans son équipe d’animation.
8
Vadémécum

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D’après Patricia Gerimont, le projet CEC avant même la circulaire de 1976, est conçu
comme une alternative à l’éducation classique, la formule hiérarchisée de l’éducation
traditionnelle était mise en question. On part du fait que l’éducation traditionnelle
restreint la créativité de l’enfant plutôt que de la développer. La circulaire devient une
manière de proposer d'autres chemins. « Nous avons besoin d’une autre forme
d’apprentissage, d'une autre méthode, avec d'autres objectifs ».

Patricia Gerimont dit encore : « Le Décret devient une nécessité. La Circulaire donnait un
cadre trop général : il manquait une philosophie, il y avait un cadre quantitatif mais pas
qualitatif. A l’époque, le concept de ‘socio-artistique’ ou ‘socio-politique’, n'existait pas. Il y a
avait peu d'artistes qui travaillaient sur ces questions il y a 40 ans. Le contexte était propice
à ce moment-là, pour ce type de proposition expérimentale, maintenant c’est important de
se professionnaliser, il faudrait de la ‘qualité’ à tout niveau ».

Avec qui devons-nous travailler pour professionnaliser et faire aboutir ce projet ?

Selon Patricia Gerimont, cette personne doit, entre autre :

 Avoir la capacité de s'adapter au public.


 Construire un cadre efficace pour permettre la créativité.
 Avoir des compétences en coordination artistique et de démarches créatives.
Et idéalement,
 être engagée dans un contrat d'emploi à temps partiel.

Il devra s'agir d'une personne disposant de compétences de coordination, de production


de spectacles ou d'œuvres artistiques. Cette personne devra participer à la réalisation et
au développement d’un projet socio-artistique : un ou deux projets annuels et elle devra
réunir tous ces ingrédients, art – pédagogie - société (niveau 3 et 4).
Mais le décret n'a pas d'exigence quant aux formations à ce sujet.

Ce sont des personnes qui doivent concevoir des ateliers d’une discipline artistique en
particulier avec tous types de public, une thématique spécifique sur l’actualité, sur une
problématique sociale réelle. Les animations et le changement régulier de public exigent
forcément que l’artiste se forme de manière autodidacte en pédagogie. Il apprend sur le
terrain.

L’artiste Animateur : une intention et deux compétences

Nous sommes face à un décret qui impose donc deux expertises bien précises. Artistique
(formelle) et pédagogique (informelle, de l’expérience).

Nous constatons, que l'artiste - animateur est un personnage clef du projet. Il est en
première ligne, celui qui enclenche le travail des participants.

Page 11
Pour professionnaliser le projet, nous avons donc besoin :

 En premier lieu d’une personne qui connaisse la discipline artistique en


profondeur, une personne qui vive la création et qui la développe tous les jours,
idéalement.

 En deuxième lieu, une pédagogie, une méthodologie d'apprentissage spécifique


permettant d'enseigner cette technique et surtout de transmettre comment se
développe et s’exprime la créativité. Mais quel type de pédagogie ? Le décret
n'impose pas d'expertise formelle dans le domaine de la pédagogie. Dans la
pratique, ce ne sont pas des enseignants qui dispensent ces ateliers, ce sont des
artistes, pour la majorité en tous cas.

Finalement il faut prendre en compte un troisième élément imposé par le décret, le


développement de l’expression citoyenne :

 Pour travailler sur des enjeux de société, nous avons besoin d’une personne
‘engagée socialement et politiquement’. Pas forcément un/e militant/e politique,
mais une personne consciente et intéressée par son contexte social, avec le besoin
de le remettre en question de manière artistique.

Je voudrais m’arrêter sur l’hypothèse que l’artiste animateur doit posséder trois
compétences pour réussir sa mission au sein du CEC. Pour ma part, les dimensions
artistiques et pédagogiques sont liées à la dimension politique qui apparaît comme une
finalité transversale aux deux compétences indiquées.

Mais pour l’instant, la face politique de l’artiste - animateur est juste une intention car il
n’y a aucun élément dans sa description de fonction qui précise que cette personne soit
prête à travailler sur cette dimension et ce, de manière transversale.

Mon interprétation par rapport à l’expression citoyenne dans le CEC, c’est que l’artiste -
animateur doit être engagé dans une société qui n’est pas étrangère à sa création. En tant
qu’artiste, il est d’office très sensible à l’entourage, il est constamment en train de
participer à la recréation et représentation de soi-même et de la société, de la nature
forcément. L’artiste - animateur, est aussi un individu qui sème la graine de la réflexion
dans la société à travers l’art. Je mets au centre l’artiste comme tel, parce qu’il est au
cœur des besoins de la démarche pédagogique – artistique – citoyenne.

Je poursuis donc mon cheminement avec la question : comment la fonction politique


pourrait interagir avec l’art, la pédagogie et l’artiste ?

Page 12
3. Quelques regards théoriques pour articuler compétences et
intention

 Art, pédagogie et politique dans le CEC

A travers ce cadre théorique, je voudrais proposer un profil de l’artiste - animateur par


rapport aux exigences du nouvel ordre de travail : les compétences nécessaires, une
pédagogie non conventionnelle, avec un cadre et des objectifs différents de l’éducation
conventionnelle. Je propose aussi une vision précise de l’art de la part de l’artiste -
animateur, pour le distinguer de l’artiste qui fait l’art pour l’art.

Ce décret nous raccroche concrètement à notre contexte social, en tant que


professionnels du CEC nous ne pouvons donc pas nous en abstraire. Fortement liés à
l’élément artistique fondamental, je ne traiterai pas ces deux concepts éducation et
politique séparément car la prise de conscience passe forcément par l’éducation.
L'artiste - animateur doit mener les participants à la réflexion, à être critiques de la
société.

Il ne faut pas oublier que les artistes animateurs du CEC sont en face d’un public très
diversifié. Par exemple au niveau de différences sociales : nous devons parfois travailler
avec un public très précarisé et d'autres très favorisés, le travail se développe donc de
manière tout à fait différente. Idéalement, les ateliers devraient être mixtes socialement
mais dans la réalité ce n’est pas toujours le cas. Chaque CEC est fort déterminé par
certains éléments : le quartier, les subventions dont il dépend, ressources humaines,
partenaires, etc.

Par rapport à mon expérience, le déclenchement créatif du travail politique (expression


citoyenne) est plus facile, plus fluide avec un public précarisé, les participants
s’identifiant clairement aux différentes problématiques sociales. Ces sujets sont à l’ordre
du jour dans leurs vies. Ils ont besoin de sortir de leur problématique personnelle. Pour
eux, cet encadrement est confortable mais c’est aussi une nécessité.

Avec un public favorisé (ex : capable de payer sans problème 200€/trimestre ou plus pour
un atelier), c’est différent car ils sont dans un autre paradigme. Ils sont dans la recherche
de l’apprentissage d'un savoir-faire. Leurs besoins basiques étant déjà satisfaits, ils sont à
la recherche de compléments de formation dans une discipline artistique qu’ils ont envie
de maitriser. Ils participent aux ateliers pour « s’amuser, pas pour souffrir avec la douleur
du monde» (dixit une participante d'un de mes ateliers), pour eux il s'agit plutôt d'un
‘hobby’. Chez eux, le déclenchement créatif d’une problématique sociale n’est donc pas
forcement automatique, il faut pousser plus loin, il faut activer d'autres outils pour y
arriver. L'artiste - animateur doit donc être absolument convaincu que le travail à faire ou
en voie de réalisation est vital pour changer une certaine situation injuste. Cette
conviction ne peut pas être artificielle ou hypocrite, elle doit être vraie. Ensuite, les
participants suivront.

Page 13
3.1 Articulation entre Pédagogie et politique : Paulo Freire

Dans cet énoncé, je suis attentive aux mots que j'utilise. Il ne faut pas confondre politique
pédagogique et pédagogie politisée.

Je voudrais développer l’idée que la pédagogie ne peut être séparée de la politique en


évoquant Paulo Freire (1921-1997). C'est probablement un des penseurs le plus influents
sur les sujets liés à l'éducation informelle et populaire, notamment la nécessité de
dialoguer avec les populations les moins favorisées.

« La pédagogie de Paulo Freire est, par excellence, une pédagogie de l’opprimé, qui ne
postule pas des modèles d’adaptation ni de transition de nos sociétés, sinon que des
modèles de ruptures, de changement et de transformation totale».9

Pour lui, l’alphabétisation, donc l’éducation, est automatiquement humaniste car elle
prône l’intégration de l’individu à sa réalité sociale, avec la peur de perdre sa liberté et le
besoin de susciter chez l’élève un processus de recréation, de recherche, d’independance
et en même temps de solidarité.
Il nous dit que la véritable éducation est « praxis, réflexion et action des hommes et des
femmes sur le monde pour le transformer ».10

Paulo Freire a développé et appliqué sa méthode principalement au Brésil, au Chili, aux


Etats-Unis et en Suisse, entre autres. Il vient d’un contexte de précarité spécifique qui
l’amène à développer une pensée déterminée.

Il voudrait que ses compatriotes cassent leur propre passivité et silence, qu’ils
reconnaissent la force de leur unité transformatrice, qu’ils acquièrent la capacité critique
pour s’impliquer et s’approcher de la société, qu’ils se libèrent de leurs chaines, seule
possibilité de changement de la société. Il se réfère aux idées révolutionnaires novatrices
en vigueur en Amérique Latine durant les années 60, imprégnées du langage de libération
qui a émergé des courants les plus avancés du catholicisme et qui ont provoqué la
Théologie de la libération, en utilisant des éléments de la dialectique marxiste pour la
vision et la compréhension de l’histoire.

Paulo Freire promeut ce concept de « conscientisation » qui devient universel. Il


développe l’idée que l’être humain est un individu éthique qui prend des décisions, qui a
un avis sur son entourage, qui est un être incomplet. Le fait d’être un individu en
processus de finition, lui donne toutes les possibilités d’être dans un processus
d’apprentissage constant. Le respect pour et par l’autre est donc fondamental pour le
« dialogue », il est vital pour vivre et construire un monde meilleur.
9-10
Freire Pablo. 1969. L’éducation comme pratique de la liberté

Page 14
La personne en situation d'apprentissage (terme générique utilisé dans sa méthode
d’alphabétisation), prend conscience de sa propre réalité, elle est capable de mieux la
comprendre et d’agir concrètement face à des situations injustes.

Cette « conscientisation » vient forcement de l’éducation et de l’analyse des éléments que


l’enseignant utilise car les sujets proposés par les élèves sont en lien avec leur vécu.

Pour Paulo Freire il faut être critique par rapport aux idéologies qui vont à l'encontre de la
nature humaine, nous ne pouvons pas tomber dans le piège de croire que les choses ne
peuvent pas changer car ‘elles sont comme ça’ parce que c’est un besoin du système
capitaliste. Ou que ‘les blancs sont supérieurs aux noirs’, ou que ‘les chômeurs sont une
peste qu’il faut éradiquer parce qu’ils ne font rien de leur vie’… etc etc. Il propose d’être
critique face à ce type d'idéologies car il croit que la seule manière de mieux vivre est de
se reconnaître dans l’autre au travers du dialogue, avec respect et compréhension de
l'autre et de sa réalité, pour pouvoir agir et transformer la société. Il pense que le fait
d’enseigner est la reconnaissance que l’éducation est idéologique et qu’elle doit être
forcément éthique. Il dit que l’enseignant ne transmet pas des connaissances, la
connaissance ne se transmet pas, « elle est en train de se construire », elle est la
construction heureuse d’un monde commun.

Un des éléments qui me semble très intéressant dans sa pensée, est la vision spécifique et
précise de l’enseignant, il développe ces idées surtout dans sa « Pédagogie de
l’autonomie » (2004) où il développe et parle aux enseignants de son idée d’éducation à
la liberté. Des compétences que l’enseignant doit avoir, de l’éthique, de la non-
discrimination, du respect pour l’élève, de l’apprentissage qui émerge de l’acte
d’enseigner, de l’engagement, de la générosité, de l’autorité, de l’exemple, de la
disposition pour le dialogue, de la compréhension que l’éducation est une manière
d’intervenir sur le monde..., des idées justes qui nous aident à mieux comprendre de
quelle manière nous pouvons agir positivement sur notre communauté.

Ces idées m’aident à mieux penser et comprendre le métier de l’artiste animateur,


comme un individu qui doit concevoir un projet artistique, en construisant avec les
participants la connaissance du savoir-faire et en même temps développer la capacité
critique de l’individu face à une situation particulière de la réalité qui lui est propre.

Je considère l’artiste animateur comme un pédagogue selon la définition proposée par


Freire, car les principes de son éducation populaire sont les mêmes que les principes de
l’éducation permanente où s’insère le CEC.

Sa vision de l’éducation populaire - une éducation égalitaire, respectueuse de la


différence, des codes des autres, des bagages culturels des élèves ou participants -, une
éducation non hiérarchisée, l’idée que le fait d’enseigner amène forcément à
l’apprentissage par l'enseignant. Son idée principale qui proclame le changement de la
réalité de chacun par la prise de conscience de sa propre réalité, nous amène droit aux
principes du projet du Centre d’expression et de créativité.

Page 15
Tous les artistes travaillant dans les CEC sont-ils conscients de ce modèle d’éducation ?

3.2. Articuler art et politique : Paul Ardenne, Augusto Boal

La question qui revient alors est la relation entre l'art et la politique pour chercher les
relations entre art-artiste-spectateur et œuvre, questions toutes présentes dans le travail
au sein des CEC.

Comme le propose Elise Derroite, « on ne peut pas penser la création hors de tout cadre
institutionnel », nous ne pouvons pas concevoir l’artiste et sa création comme des entités
séparées de leur contexte, la base politique dans l’art est donc déjà établie.
Elle analyse trois manières de relier la production artistique à l’engagement citoyen ou
politique11 :

- l’esthétisation de la politique, qui consiste à convaincre le récepteur de son


orientation politique par l’art. L’exemple le plus extrême est la manière dont l’art a
été utilisé dans les régimes totalitaires, dans le fascisme italien, le nazisme ou le
communisme stalinien, entre autres. L’art est le support d’une idéologie dure. Il
doit exposer de la manière la plus conventionnelle possible l’idéologie du pouvoir.
L’art est utilisé pour influencer l’opinion. Dans ce cas de figure, la relation du sujet
à l’objet n’émane pas d’un désir de transformation d’un état de fait, mais de son
renforcement. L’objet est la représentation fidèle d’un discours qui existe en
dehors de lui.

- la politisation de l’art consiste à se servir de l’art pour exprimer cet engagement.


L’art est alors l’expression de la conviction de l’artiste, l’expression de ce qu’il
souhaite communiquer aux autres. Dans cette forme, l’objet est le support de
l’expression de l’artiste. Ici, le spectateur conserve une liberté de réaction, il peut
adhérer ou rejeter le message défendu par l’artiste. Il peut y réfléchir ou se sentir
interpellé.

- la co-construction créative qui consiste en la co-construction d'une relation que


l’art entretient avec le monde extérieur. L'artiste ne cherche pas à faire adhérer le
public à un discours, il propose un objet au spectateur qui est libre de
l’appréhender ou pas. La relation de l’artiste au monde extérieur est pensée
comme une construction réflexive. Son engagement se fait au sein de la
réalisation de l’œuvre. L’engagement du spectateur ne dépend pas d’une
communauté préexistante, elle dépend de son désire à se reconnaître dans ce que
l’artiste lui propose. La relation entre l’artiste et l’extérieur se construit donc dans
le moment du partage de l’œuvre avec l’extérieur.

11
Elise Derroite, docteure en philosophie, chercheuse de l’UCL et plasticienne Créer (dans) l’espace public ? L’Esperluette n°75. 2013

Page 16
Le tableau ci-dessous montre les lieux où se concentre la décision, il met en évidence
l’acteur qui a le plus de pouvoir dans la relation entre l’œuvre d’art et l’engagement
politique.

Esthétisation de Politisation de l’art Co-construction


l’art
Cadre institutionnel Décision
Artiste Décision
Public Décision

Evidemment, ce schéma résumé n’a de sens que s’il est envisagé de manière dynamique.
Il n’y a pas une seule manière de faire une œuvre et de la présenter à son public. Ce
processus est un processus historique au sens où il évolue au fur et à mesure de sa
réalisation. De cette manière un acteur mobilisé par sa rencontre avec une œuvre d’art va
se mettre en position de décider par rapport à ses homologues. Il peut alors prendre une
des trois modalités de compréhension de la relation de l’art à la politique : tenter de
convaincre son interlocuteur, le diriger ou lui proposer une expérience. Le passage d’un
lieu à un autre se fait donc différemment en fonction de la manière dont ces relations
sont envisagées.12

Selon cette typologie, il paraît évident que nous utiliserons donc la Co-construction dans
le travail artistique en CEC.
L’artiste qui s’inscrit dans cette démarche est une personne avec une sensibilité qui
l’amène à communiquer, à exprimer ses connaissances, une personne qui a besoin de
changer ce qui est établi, de réagir face aux injustices, de chercher l’essentiel, la vérité.
Par son travail tant dans le fond que dans la forme,il transgresse l’ordre établi ? Il est une
personne qui croit et qui est convaincue de la puissance de l'Homme. Un humaniste.

T.W. Adorno, héritier de la pensée de Marx, conclut que « sans le social l'art ne peut pas
exister ».13

« Le théâtre est une activité de contestation sociale. » « Le grand artiste, forcément, est un
rebelle.14 »

Pour l’artiste - animateur, l’éducation et l’art sont des outils, des armes pour améliorer
l’humanité, il croit à l’évolution et à la perfectibilité de l’être à travers la pratique de l’art.
C'est quelqu'un qui est capable de mettre en valeur une part fondamentale de l’individu :
les émotions, les sens, dans une société où ces derniers sont presque oubliés, invisibles,
inutiles. Un chercheur de l’équilibre, de l’harmonie parce que il/elle devra gérer un groupe
de personnes, parfois très fragilisées, parfois porteurs de handicaps, des personnes de
différentes cultures et niveaux économiques, différents âges et genres, etc. Le public de
CEC est un public très diversifié !
12
Elise Derroite. L’Esperluette n°75. 2013
13
Wikipédia
14
Claude Stratz, Directeur du Conservatoire supérieur d’art dramatique de Paris.

Page 17
Dans l’art, la transmission de sens est intrinsèque à la création.

« L’art est l’expression de la société »15

Et, où il y a du sens il y a un message qui passe, une réflexion.

« L’art est l’idée »16

Il existe plusieurs manières de travailler l’animation artistique, le « Théâtre action » par


exemple travaille sur base d’un concept de l’animation par rapport à la relation espace-
temps-matière, entre l’artiste et le non comédien. Un autre exemple : l’artiste qui
pratique le street art, qui peint des fresques murales. L’artiste sème une graine de
réflexion, il pose des questions et il s'exprime. Exemples : Diego Rivera, Orozco,
Siqueiros.17

15
John Ruskin.
16
Marcel Duchamp.
17
Peintres mexicains du XX siècle

Page 18
 Une approche particulière : l'Art Contextuel.

Pour donner une définition plus claire de l’identité de l’artiste au sein du CEC, je voudrais
parler de « L’Art contextuel 18». Un concept ou une manière de concevoir l’Art développé
par Paul Ardenne19 et de son lien avec l’espace. Je voudrais utiliser ses principes pour
signifier que l’artiste du CEC ne peut pas être n’importe quel artiste. Il doit proposer une
vision spécifique de l’art dans ces ateliers. Il devrait avoir un positionnement clair de son
travail artistique et politique, en tant que créateur et animateur.

Même si Ardenne part de la base des Arts Plastiques, il universalise sa pensée de l’art en
l’amenant à toutes les autres disciplines. Ardenne emmène l’art dans la rue. Avant, on
était invité à contempler l’art dans des espaces identifiés, emblèmes du pouvoir
économique ou symbolique (musées, galeries, théâtre, etc). Plusieurs artistes, à partir des
années 60 vont abandonner ces périmètres sacrés de la médiation artistique pour
présenter leurs œuvres dans la rue, espaces publics, la campagne, ou n’importe quel
endroit qui permet d’échapper aux structures institutionnelles.

L’Art contextuel est un art qui s’approprie différentes formes de l’espace urbain et
d'autres paysages, un art qui travaille dans un espace et un temps concrets, particuliers
(art spécifique). Il y a différents types d’art contextuel, c’est une catégorie ouverte à
n’importe quel type d’œuvre.
Pour l’Art contextuel, l’art n’est plus pure contemplation, l’art est Action. Les artistes
contextuels refusent l’art pour l’art ou le principe d’autonomie. Ils revendiquent la mise
en valeur de la réalité brute.
Pour eux l’art doit être lié aux choses de tous les jours, il doit se produire en lien étroit
avec le « contexte ». L’art contextuel est l’art d’intervention et l’art engagé de manière
active.

Paul Ardenne dit, « pour l’artiste, la priorité est que la création se rende compte de la réalité
avant de travailler sur le simulacre, la description figurative ou jouer avec le phénomène des
apparences ». L’art contextuel donc, choisit une relation directe, sans intermédiaires,
entre l’œuvre et la réalité.

Cette perspective de la réalité n’est jamais neutre, elle est polémique et critique, l’œuvre
s’approprie l’espace public pour souligner les questions que la société laisse dans ces
recoins les plus obscurs, questions que la société est incapable de nommer qui restent
intraduisibles sauf pour l’art.

L’objectif de l’Art contextuel est une présentation critique (différente de la


représentation symbolique). Il tire son propos et ses sujets de la réalité particulière, cet
art parle à un public qui connaît le contexte et qui est capable de comprendre le message.
Le rôle du public (participants CEC et autres) est le plus important pour que ce type d’art
soit efficace.
18
L'expression « art contextuel » apparaît en 1976 dans le manifeste de l'artiste polonais Jan Świdziński.
19
Paul Ardenne. (1956) Professeur à l’Université d’Amiens, historien de l’art, critique de l’art, chercheur de l’art contemporain.

Page 19
Car on parle d’un art polémique qui présente la réalité selon ses perspectives inédites
dans les différentes formes d’espaces, ce qui nécessite l'implication du public à différents
niveaux. L’idée est de s’approprier la réalité, de la découvrir ensemble, et l’œuvre
s’adapte à elle. L’univers de prédilection du travail de l’artiste se transforme en un univers
en soi, soit social, politique, et économique.

La recherche inédite de la sensibilité part de la « société » (lat. Societas-atis), ou


étymologiquement « être ensemble », ce qui suppose un accord tacite entre les membres
du groupe.

La première qualité de l’Art contextuel est donc l’indéfectible relation avec la réalité.
Le système de l’art a toujours instauré une politique de la contemplation passive. L’art
contextuel veut aller contre ces principes et propose comme guides la participation
directe et de nouvelles voies sensorielles, pas seulement pour un ‘nouvel art’ mais aussi
pour une nouvelle vie en société. L’artiste contextuel vit la double situation de faire partie
de plein droit de la société alors que sa position d’artiste revendicatif l’amène à refuser
cette société, dont il souligne les imperfections et les perfectibilités.

L’artiste « tricote » avec le monde qui l’entoure. Ce positionnement de l’artiste est décidé
et volontaire. Les espaces traditionnels de l’art sont devenus trop étroits pour la création,
donc il sort pour créer avec les autres, pour que le lien entre artiste et public soit le plus
court possible.

La manière dont l’artiste comprend la réalité est fondamentale.

Ce sont les problèmes que rencontre l’art contextuel mais aussi l’artiste du CEC. La
somme de circonstances réelles avec lesquelles l’artiste travaille, sont-elles critiques,
sont-elles polémiques, sont-elles intéressantes, est-il d’accord avec celles-ci ? Existe-t-il
une esthétisation possible et pertinente de la vie matérielle ?

Pour Champfleury20, l’art doit travailler dans la « réconciliation » entre les hommes et la
société, ceci est sa mission suprême.

William Morris21 dit : « Tout type d’art, même le plus grand, est influencé par les conditions
de travail de la masse de l’humanité, c’est ridicule et banal de prétendre que l’art, même le
plus intellectuel, est indépendant de ces conditions générales »

Une deuxième caractéristique importante de l’Art contextuel est la participation de


l’utilisateur au processus de création de l’œuvre. L’art contextuel active une réciprocité
de l’utilisateur (public, participants), l’œuvre et la création. Ardenne parle de « l’ART
CONTACTUEL» où le contact physique avec le public est fondamental, en participant
activement à sa création et où le résultat final de l’œuvre reste incertain.
20
Journaliste, critique d'art, dramaturge, nouvelliste et romancier français. (1821-1889)
21
Artiste, écrivain et éditeur londonien. (1834-1896)

Page 20
L’individu se transforme en artiste, parfois guidé par les instructions de l’artiste, parfois
laissé libre de proposer sa propre vision, mais toujours indispensable à la réalisation
pratique du fait artistique.

Pour Ardenne l’objectif de ces co-créations est « d’être ensemble ».


L’artiste contextuel prend conscience de l’individualisation de la société et il essaie d'y
reconfigurer son rôle en tant que créateur d’une nouvelle réalité collective.

Une forte vocation politique est nécessaire dans ce type d’art. Le public, les participants,
l'utilisateur, le spectateur, qui créent l’œuvre et lui donne ses caractéristiques
d’expérimentation. La création collective est une extension de la démocratie.
Dans ce concept, le processus de création devient fondamental car les participants
constituent l’élément déclencheur du dispositif créatif et de son innovation continuée,
l’œuvre d’art n’est pas le fait mais plutôt le processus, elle est ouverte, comme dans la
société.

Donc, l’art contextuel est un art participatif et un processus, il nécessite la participation


du public et des citoyens. C'est un art qui travaille dans un régime de coexistence avec la
réalité, et promeut des manières de réciprocité parmi les personnes en créant des
espaces d’action collective.

Un autre exemple de la dimension d’art politique dont j’ai parlé dans l’introduction de ce
chapitre est le théâtre - action, et plus concrètement « Le théâtre de l’opprimé »
d’Augusto Boal.22
Influencé par Bertolt Brecht, Boal propose de rendre accessible le langage théâtral en
tant que méthode pédagogique pour la transformation de la réalité sociale.

Montrer au théâtre les différentes formes d’oppressions dont l’être humain est victime et
faire monter le spectateur sur scène avec les comédiens.

Le propos de l’Organisation internationale du théâtre de l’opprimé est d’ « humaniser


l’humanité » en partant de l’idée que chacun est capable d’observer une situation et de
s’observer soi-même en situation.

« Offrir à chacun, selon sa propre problématique, une méthode esthétique pour analyser son
passé dans le contexte de son présent, pour inventer son futur sans attendre qu’il arrive ».23

« On apprend comment ressentir en ressentant, comment penser en pensant, comment


jouer en jouant, quoi faire en tant qu’individu ou groupe, que pour des raisons sociales,
politiques, culturels, de race, ou de sexualité, on se trouve déshérité des droits ».24
22
Augusto Boal. Brasil (1931-2009)
23-24
Journal électronique « La Jornada ». 4 mai 2009.
http://www.jornada.unam.mx/2009/05/04/index.php?section=cultura&article=a12n1cul

Page 21
Le théâtre de l’opprimé est une répétition de la réalité, un système esthétique qui permet
aux gens de jouer dans la fiction du théâtre, de devenir protagonistes, des individus
acteurs de leur propre vie.

C’est une vision qui ressemble à la vision de Paulo Freire mais en l’amenant au contexte
de l’art. En fait, Paulo Freire et Augusto Boal sont contemporains.
Aujourd’hui la méthode de Boal est pratiquée dans 70 pays, ces principaux utilisateurs
sont des paysans, des enseignants, des étudiants, des travailleurs, des assistants sociaux
et des psychothérapeutes. Elle est utilisée dans des programmes d’alphabétisation, au
sein des prisons, également lors de discussions dans la rue sur des problèmes ou lois
touchant au citoyen commun.

Cette méthode est un exemple très représentatif de comment une activité artistique
devient politique dès que les artistes s'unissent pour concevoir l’art.

L’artiste animateur du CEC n’est pas un artiste qui voit et qui développe « l’art pour l’art ».

Page 22
4. Réalités de métier
« Metteur en scène et éclairagiste, musicien techno et organisateur de raves, écrivain et
directeur de collection, danseur hip-hop et animateur, comédien et serveur dans un fast-
food, chorégraphe et enseignant, clarinettiste et sociologue : la pluriactivité dans le champ
artistique présent aujourd’hui d’innombrable facettes. Face au défi que les professions
artistiques posent à l’analyse sociologique, Eliot Freidson (1986) proposait de distinguer
l’activité libre, reposant sur un engagement personnel, à l’activité exercée pour le marché. Si
cette distinction est à retenir, elle n’épuise pas l’éventail des situations rencontrées :
aujourd’hui « vivre de son art » implique souvent de vivre aussi « grâce à l’art » en tant
qu’enseignant, administrateur, technicien, animateur d’atelier, médiateur, critique,
chercheur… « Et à part ça, vous faites quoi ? »25

Le maître d’œuvre de l’atelier : l’artiste – animateur – Personimage26

« Nous avons défini le rôle de l’artiste-animateur-créateur comme décrit par Saint-Exupéry :


‘Le créateur n’est pas celui qui démontre, mais celui qui fait devenir’. Il est donc amené à
faire naître chez les participants à son atelier les possibilités créatrices qu’ils recèlent. Tel un
archéologue, il découvre ce que chacun a en lui, souvent enfermé au plus profond de lui-
même, et l’aide à faire jaillir à la lumière ses richesses et ses désirs, et à exprimer sa
différence. Comédiens, plasticiens, danseurs, musiciens… se consacrent avec passion à leur
mission d’animateurs.
La qualité de l’ambiance de l’atelier constitue elle aussi un facteur important. L’artiste-
animateur invite les participants à devenir interlocuteurs, partenaires, co-auteurs,
réalisateurs, et c’est ainsi que des êtres, seraient-ils inadaptés profonds, se structurent au
maximum de leurs possibilités… en arts plastiques, danse, musique, …Le regard valorisant
que l’artiste animateur porte sur la spontanéité de ses participants les aide à surmonter
leurs inhibitions et les contraintes du handicap. »

Des artistes professionnels :


Sensibles à la singularité, ils écoutent, établissent une relation de confiance, et valorisent le
travail de participants. Venant du monde de l’art, ils privilégient le potentiel créatif, ils font
partager leur passion pour l’art : place est donnée à la couleur, au geste, au rythme et à la
parole. Ils conduisent à une réelle réussite artistique et permettent à chacun de s’affirmer. »

4.1 Paroles d’acteurs

Au fil des années, le concept d’animateur a changé. Avec l’ampleur ou l'accroissement


des structures culturelles, l’ancien animateur est devenu directeur ou coordinateur.
25
Marie-Christine Bureau Sociologue, chargée de recherche au CNRS. Après avoir longuement travaillé au Centre d'études de
l'emploi, elle a rejoint le LISE en 2008. Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique. Roberta Shapiro Sociologue,
chargée de recherche au laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture. LAHIC.
26
« Personimage » est une association française qui compte une trentaine d’artistes et qui travaille pour dépasser les obstacles des
handicaps à travers l’expression artistique. http://www.personimages.org/

Page 23
Les associations se sont tellement développées qu’il a fallu engager des animateurs
spécifiques en externe.
J’ai interviewé 7 personnes travaillant, soit comme coordinateur ou directeur, soit comme
artiste - animateur, dans 7 CEE différents, ainsi que Matteo Segers, directeur de
l'Association des Centres culturels de la Communauté française.

A ce dernier, je voudrais ajouter aussi une expérience de 20 ans comme artiste -


animatrice , 10 ans au Chili et 10 ans en Belgique, cette expérience est importante au
moment de faire des affirmations, surtout par le fait de travailler dans des réalités
culturelles, sociales, économiques et politiques bien différentes. Personnellement, je ne
peux pas m’abstraire de mon expérience dans mon pays d’origine, de mes racines, du
regard différent que je porte en tant que latino-américaine et de la façon dont je gère
cette différence. Je crois que ce regard me donne la possibilité de comparer les choses,
d’arriver à un autre type de conclusions, de voir les choses avec du recul.

Même si au Chili il n’existe pas de projet de CEC comme tel, une partie importante des
ateliers artistiques se développent dans l’école publique en tant qu’activité extrascolaire.
Ces ateliers sont gratuits pour les enfants, les artistes-animateurs étant engagés par la
commune. La situation sociale dans ces écoles, exige de la part des artistes - animateurs
une intervention très active (qui se donne de manière naturelle à cause du contexte) au
niveau de la réflexion et des actions à mettre en place face à la réalité. La communauté
d’enseignants et d’artistes - animateurs est obligée d’assumer des actions concrètes dans
leur méthodologie de travail, car le système éducatif est d’une telle ségrégation, que les
écoles communales concentrent une majorité d’étudiants avec les plus bas niveaux
économiques, sociaux et culturels.28

Depuis mes débuts comme artiste - animatrice, j’ai été obligée de développer des outils
pour travailler avec un public infantile défavorisé dans un contexte socio-culturel très
précaire (le Chili dépense pour l'enseignement 4.6% de son PIB contre 6.6% en Belgique29).
Sans le savoir, j’étais en train de développer et d’apprendre le mécanisme d’animation
d’éducation populaire, de toute façon, bien enracinée déjà à l’Amérique latine.

Il est ressorti des interviews des idées semblables quant à la façon dont chaque CEC
traitait ses professionnels. Gestion d’équipe, nombre d’animateurs, subsides, nouvelles
exigences et problématique pour arriver à réaliser les objectifs, engagement de types,
professionnel et administratif. J’ai constaté un fort déséquilibre à ce sujet par rapport aux
nouvelles exigences et possibilités de chaque CEC, à savoir, la reconnaissance de l’artiste -
animateur comme professionnel.

28
Portrait de l’inégalité au Chili » Senat de la République du Chili. Chapitre : desigualdad escolar en Chile(en espagnol).
29
Banque mondial/ Eurostat, statistics explained.

Page 24
Pour éclairer ces tensions voire paradoxes et déséquilibres entre des attentes à l'égard
d'un rôle professionnel et sa reconnaissance effective et légale, je reprends ici les
différents types de contrats ou conventions qui encadrent le travail des artistes -
animateurs.
Les artistes - animateurs engagés à la prestation travaillent sous des contrats ou des
conventions artistiques : comme SMART, Art 17, contrat direct avec une ASBL ou CCs ou
encore la fameuse convention RPI : Régime de petite indemnité, très utilisé par les
associations.

 Avec le RPI, l’employeur ne paye que la prestation de l’artiste à la journée.


Contrairement au contrat de travail, l’artiste ne paye pas de cotisations sociales et
il reçoit l’argent en liquide. Le RPI, a des normes journalières et annuelles
plafonnées. Cette convention, n’est pas prise en compte par l’ONEM en tant que
contrat de travail, car le RPI a été conçu pour payer des frais. Maintenant, il est
utilisé pour payer les artistes ou des personnes qui ne sont pas artistes (pas
reconnus administrativement) mais qui ‘parfois’ font des prestations artistiques.
 SMART est un contrat tripartite, entre l’artiste, l’employeur et SMART (entité qui
administre le contrat). Il est tellement cher de travailler via SMART, que l’artiste
paye comme s’il était un indépendant. L’employeur lui offre une quantité d’argent,
l’administration SMART fait son boulot en prenant un pourcentage pour la gestion
administrative (6% de frais de contrat artistique) et l’artiste paye toutes les autres
cotisations. Il n’y pas de primes patronales, c’est le travailleur artistique qui doit
compenser cette carence. (Ex : 800€ bruts, l’artiste reçoit 365€ nets30)
 L’article 17 est un contrat avec des normes spécifiques, l’employeur doit payer la
DIMONA. Il est peu utilisé, je n'ai rencontré qu'un seul cas, La Vénerie.
 Une autre manière de payer les artistes - animateurs utilisée par les associations
est de le faire via une autre ASBL. Au lieu de payer directement l’artiste, c'est
l’association dont il dépend ou qu’il gère lui-même qui est payée. L’artiste est
obligé de justifier cet argent avec des factures diverses. Une autre façon de
précariser le travail à mon avis, car les salaires sont parfois tellement bas que
cotiser comme la majorité doit le faire devient tout à fait incompatible avec l’idée
de base du travail (service/salaire), cotiser coûte parfois plus cher que le service
que l'on rend. Les artistes optent donc souvent pour être payés sans avoir de
contrat. Plusieurs artistes forment des asbl pour, justement, gérer des contrats. Le
problème avec cette formule c’est que la personne ne cotise pas. C’est donc
comme si elle ne travaillait pas, car l’argent rentre à l’asbl et n'est pas forcément
justifié comme frais d’artiste.
 Les contrats à mi-temps ou à temps partiel : la manière idéale d’engager un artiste
- animateur. Pourtant, être engagé comme travailleur salarié à temps partiel ne
signifie pas non plus un statut à niveau professionnel.
 Il y a aussi des artiste - animateur ‘professionnels’ pris comme bénévoles ou sous
contrat d’étudiants. Il s'agit d'une minorité mais nous pouvons constater à quel
point ces travailleurs sont précarisés.
30
Simulation fait avec mon compte personnel SMART

Page 25
4.2. Quel statut avec quelle reconnaissance ?

Enseignant ?
Malgré les compétences pédagogiques attendues, le CEC ne demande pas de formation
spécifique d’enseignant. Les artistes-animateurs du CEC ne sont pas des enseignants. Ce
ne sont pas les professionnels avec lesquelles nous allons nous trouver dans le secteur.
Alors, je ne trouve pas les arguments pour que l’artiste - animateur soit reconnu en tant
qu’enseignant, s’il ne l’est pas.

Animateur socioculturel ?
Etre reconnu comme animateur socioculturel est, à mon avis, curieux. Une animatrice ou
animateur socioculturel pourrait parfaitement travailler dans les CEC. Selon la définition
de l'animation socio-culturelle, c’est la personne parfaite pour occuper ce « poste ».
Cependant, et logiquement, le décret demande des artistes, il promeut l’interaction
entre artistes et communauté. Le métier d’artiste - animateur n’est pas reconnu, ni
comme un travail artistique ni comme un travail d’enseignant et le statut d’animateur
socioculturel n’existe pas non plus.

Pourrait-il alors être reconnu et engagé comme artiste ?


« Le fait qu’il n’y ait pas un statut précis pour ce métier, ne permet pas l’élaboration d’une
formation spécifique reconnue par la loi » dit Mathéo Segers.

La complexité du système de contrats pour les artistes - animateurs, vient précisément de


la loi, qui dit qu'une personne ne peut pas travailler moins de trois heures par jour.
Les syndicats sont tenus d’appliquer ces règles évidement, ils sont donc coincés par
rapport à la protection de ce type de travailleurs. La dynamique de travail des artistes -
animateurs engagés à la prestation est généralement de moins de trois heures par jour,
on ne compte que les heures d’atelier, pas les heures de préparation à la maison, il y a
donc une incohérence entre le type de travail de l’artiste - animateur et la loi.

Le fait que l’artiste - animateur travaille moins de trois heures par jour favorise les
conventions RPI. Une convention qui ne protège pas du tout les droits du travailleur car
ce n’est même pas un contrat.

Comment font les syndicats pour protéger les droits de ces travailleurs si la dynamique va
à l'encontre de la loi établie ? Apparemment pour l’instant, il n'y a pas de solution. On
accuse les artistes d’être tellement individualistes qu’ils ne sont pas capables de
s’organiser pour améliorer leur condition de travail. Pour moi, ayant connu l’expérience
syndicale chilienne des comédiens « Sidarte »31, l’erreur est de vouloir mettre dans le
même sac tous les artistes. Or, une discipline artistique n'est pas l'autre.

31
La présidente chilienne du syndicat « Sidarte » Andrea Gutierrez, a été élue en 2016 présidente de la Fédération Internationale de
comédiens pour l’Amérique latine. (http://www.sidarte.cl/directorio/)

Page 26
Une autre incohérence que je constate dans les interviews et dans la recherche
informelle, c’est que tous les contrats à la ‘prestation’ des artistes - animateurs sont des
contrats artistiques, très peu d’entre eux sont engagés à temps partiel. Ils sont engagés
pour un projet ponctuel ou pour des activités régulières (ateliers hebdomadaires), parfois
pendant des années avec le même employeur. Donc on pourrait dire que les artistes -
animateurs, les associations, les coordinateurs (CCS inclus et Zinneke Parade, par
exemple) trichent, car le statut d’artiste conçu par l’ONEM ne permet pas une prestation
d’animateur ou d’animatrice (même si cet animateur ou animatrice développe l’art),
comme « artistique ». Apparemment, il y a un degré d’ignorance de la part de l’ONEM
assez important par rapport au métier et « les professionnels qui travaillent sur le terrain
dans le secteur ne se soucient pas de cette interdiction » - Mathéo Zegers.

La fragilisation des artistes - animateurs provoque aussi, selon Fabrice Vandermissen,


coordinateur du CEC de La Vénerie, une surcharge de travail pour les coordinateurs et
coordinatrices du CEC.

Ils sont conscients de la réalité et contraints par les obligations du décret et de la


Commission paritaire 329 qui exige de payer au moins 87% de salaire comme stipulé dans
le tableau.
Le manque de budget pour engager des artistes - animateurs fait que la coordination
prend plus de responsabilités, car elle a besoin de garder de bonnes relations avec ces
artistes - animateurs, « car ce sont eux les professionnels qui portent le projet
directement avec la communauté » - Fabrice Vandermissen.

De l’interview avec Aline Moens, coordinatrice de l’atelier Graphoui, j’ai retenu que pour
eux les subsides de l’Etat sont juste « une petite aide », ils doivent toujours en chercher
d'autres, ponctuels ou pas, pour continuer à vivre en tant que CEC. La coordination se
charge aussi de la recherche de subsides, de l’élaboration de projets et de le vendre.
Par ailleurs, selon Patricia Gerimont, il ne faut pas espérer une amélioration des subsides à
l’emploi pour l'engagement d'animateurs. Au contraire, le budget continuera à diminuer.

Je travaille depuis 20 ans comme comédienne, animatrice théâtrale, metteuse en scène


pour des ateliers, écrivaine de pièces de théâtre pour ces mêmes ateliers. J’ai également
travaillé dans un restaurant japonais, vendu des cours d’anglais et des téléphones
portables. Comme moi, des milliers « d’artistes » font la même chose pour pouvoir
continuer à survivre et à développer leur métier.
Je dis ‘artistes’ entre guillemets, parce que le fait d’être artiste est un euphémisme. Au
Chili, cela prend des années avant qu’on soit appelé « Artiste ». Il faut le mériter, pas
forcément avec des contrats et une certaine rémunération annuelle, mais avec beaucoup
de travail et de discipline, parfois sans rémunération ou des salaires très précaires. Nous
n’avons pas un statut d’artiste administratif, donc l’appellation « artiste » est une
reconnaissance de la constance, de l’effort, de la vocation et du talent.
En Belgique, on dira que « l’artiste » est la personne reconnue administrativement en tant
qu’artiste, une manière pour la Belgique ou l’Europe de protéger ces professionnels ?

Page 27
Pourquoi le travail de l’artiste - animateur n’est-il pas reconnu comme un travail d’artiste ?
Les participants aux ateliers du CEC ne sont-ils pas un public « valable » créativement
parlant pour l’ONEM ?
On apprend notre métier, on l’applique, on l’enseigne, on le pratique, puis, on l’expose.
On apprend à créer, à se lâcher dans sa propre imagination, ensuite on l’exprime. Un
artiste - animateur en charge d'un atelier d’art (théâtre, dessin, musique) reste toujours
un artiste à la base. Le métier d’artiste - animateur est complémentaire à ses études et à
son expérience, c’est un plus dans sa construction.

 Qu’en est-il de ce statut d’artiste ?


Sans en faire l'objet de mon travail, il me paraissait donc incontournable de questionner
comme tel, le (non) statut d'artiste

«…Les Etats membres devraient s’efforcer de prendre les mesures utiles pour que les
artistes bénéficient des droits conférés à un catégorie comparable de la population active
par la législation nationale et internationale en matière d’emploi, de conditions de vie et de
travail, et veiller à ce que l’artiste dit indépendant bénéficie dans des limites raisonnables
d’une protection en matière de revenu et de sécurité sociale…»32

Le Statut d’artiste belge, c’est la dénomination que l’ONEM donne aux personnes qui
travaillent dans le milieu artistique de manière régulière, dont c'est l’activité principale.

En quoi consiste le statut d’artiste ?

En Belgique, il existe trois statuts:

 Statut de travailleur salarié : le travailleur est lié à son employeur par un contrat de
travail. Il existe une relation d’autorité.

 Statut de fonctionnaire : les personnes qui travaillent dans le secteur public et sont
nommées à titre définitif (ou qui ont un statut assimilé au statut de fonctionnaire).

 Statut de travailleur indépendant : les personnes ne travaillant ni en tant que salarié


ni en tant que fonctionnaire, mais qui ont quand même une activité professionnelle. Il
n’existe pas de relation d’autorité entre l’indépendant et le donneur d’ordre.

Le statut d’artiste n’est pas un statut de sécurité sociale à part, avec des cotisations séparées
et/ou une protection séparée. Un artiste est intégré dans les statuts existants.
Le statut social des artistes a été réformé et renforcé depuis le 1er janvier 2014. La principale
nouveauté réside dans le fait que désormais c'est la Commission Artistes qui est compétente
pour délivrer un visa artiste. Le visa de la Commission atteste du caractère artistique des
prestations et des œuvres du demandeur. Elle a également pour mission de délivrer la carte
artiste qui permet aux artistes de bénéficier du régime des petites indemnités. Pas de
32
Recommandation de l’UNESCO relative à la condition de l’artiste adoptée le 27 octobre 1980, p.27

Page 28
changement par contre au niveau de la délivrance des déclarations d’activité
indépendante.33 L’artiste qui bénéficie de ce statut est considéré comme travailleur
salarié. Il a le « permis » de travailler à la prestation (au cachet ou à la durée). Quand la
personne ne peut pas prouver qu'il/elle travaille avec des contrats formels, elle a droit aux
allocations de chômage.

Les contrats artistiques peuvent avoir une durée d’un jour, d'une semaine, d'un mois,
mais sans excéder les trois mois consécutifs, sinon la personne perd son statut d'artiste.

Celui-ci doit être renouvelé tous les ans, l’artiste doit prouver à l’ONEM qu’il a eu au moins
trois contrats artistiques pendant l’année. Le seul avantage du statut d’artiste est la non-
dégressivité des allocations de chômage.

L’artiste a un profil particulier et atypique: ses conditions de travail sont souvent précaires
et fluctuantes, il exerce différentes activités artistiques, il a de multiples employeurs ou
commanditaires, des revenus irréguliers et aléatoires, le lien de subordination est absent
ou ténu .... Du fait de sa situation souvent hybride, l’artiste a du mal à s’insérer dans la
structure légale existante.

Je reviens donc à la première question, pourquoi parler du statut d’artiste dans ce TFE ?

Des interviews, il ressort que presque la totalité des Artistes Animateurs déclarent cette
activité comme une prestation artistique. En majorité, ce sont des artistes. Coordinateurs
et artistes animateurs considèrent que l’animation artistique est un métier absolument
artistique.

Qu’est-ce qu’une activité artistique au sens de la réglementation ?

Il s’agit de la création, de l’exécution ou de l’interprétation d’œuvres artistiques dans le


secteur de l’audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du
spectacle, du théâtre et de la chorégraphie.34

Dans la pratique, Les artistes considèrent que leur démarche, surtout dans les arts de la
scène, est une création qui part de leurs compétences en tant qu’artistes. Les artistes -
animateurs qui mettent en scène un spectacle avec tout ce que cela signifie créent une
œuvre artistique. Que les participants soient ou pas des comédiens ou danseurs
professionnels ne devrait pas faire de différence auquel cas, les réalisations de théâtre-
action ne devraient pas non plus être considérées comme des créations artistiques.

Le vide juridique concernant ce statut met aussi les artistes - animateurs et donc les CEC
qui les engagent dans une situation au moins difficile.

33
Service public fédéral. Sécurité sociale.
34
Guichet des arts.

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Après avoir abordé la question du rôle et du statut de l'artiste - animateur de CEC, il faut
que j'aborde ce métier dans sa pratique.
Je vais donc ici parcourir deux expériences personnelles relatives aux fonctions d’artistes
animatrice et de coordinatrice en CEC

5. Evolution d’un projet à la Maison de l’Amérique latine


5.1 L’association et le CEC

La Maison de l’Amérique Latine – Casa de América Latina, S.E.U.L. est une ASBL dont le
siège se situe Rue du Collège 27 – 1er étage, à 1050 Ixelles.

La Maison de l’Amérique latine a été constituée le 4 décembre 1976.


Les buts principaux de la « Maison de l’Amérique Latine – Casa de América Latina, S.E.U.L.
asbl » sont :
- La promotion de la culture latino-américaine dans une perspective de dialogue
interculturel, de respect des droits humains en Europe et notamment en Belgique.
- L’accueil des membres de la communauté latino-américaine résidant en Belgique,
notamment les étudiants, dans une perspective de coopération internationale et
de développement durable des sociétés latino-américaines.
- Les contacts au sein du monde associatif et avec les universités.
- L’information, les rencontres, l’animation socioculturelle et la recherche
contribuent à la réalisation de ces buts.

La Maison de l'Amérique Latine SEUL asbl développe alors des actions de solidarité au
sens politique et social. Elle devient aussi, petit à petit, un lieu de référence pour les
comités de solidarité et un espace culturel. C'est à ce titre qu'elle sera reconnue en 1980
par l'AGCD comme lieu d'accueil pour étudiants latino-américains. Par la suite,
l'augmentation des projets, leur spécificité et leur originalité ont valu à la Maison de
l'Amérique Latine d'être reconnue par le Ministère de la Communauté française de
Belgique, comme Organisation Régionale d'Education Permanente (SEP) et comme
Centre d'Expression et de créativité (CEC). Et encore une reconnaissance du travail de
cohésion sociale, régionale et locale.

Un peu d’histoire

En 1977, un groupe des parents, d’enseignants et des psychologues (tous exilés latino-
américains) décident d'ouvrir un atelier créatif pour les enfants, comme moyen de
préservation et de maintien de l’identité culturelle et comme mécanisme afin de faciliter l'
intégration des enfants au milieu belge. Rappelons que bon nombre d'entre eux ont été
des victimes, directes ou indirectes, de la répression qui a sévi dans leurs pays d’origine.
Leurs parents ont été torturés, ou étaient toujours prisonniers politiques, voire tués ou
disparus dans certains cas. Plus tard, la rencontre entre parents et enfants se révéla

Page 30
souvent difficile. D'où la création d'ateliers permettant aussi bien aux enfants qu'aux
adultes d’exprimer la tension accumulée à travers la création artistique. Il est clair que les
ateliers avaient parfois un rôle thérapeutique.
En 1978, quelques personnes, possédant déjà une expérience professionnelle, ont non
seulement créé un atelier de théâtre, mais aussi un atelier de sérigraphies afin d’élargir le
champ d’activités en matière de création artistique.
Historiquement, le CEC était localisé à St. Gilles, dans un quartier très populaire, à forte
concentration d'immigrés, parmi lesquels un grand nombre de latino-américains et une
présence importante d'espagnols et de grecs. La Maison de l’Amérique Latine siégeait rue
de Suède, et était très accessible grâce à la proximité de la Gare du Midi (300 m.). À
l’époque, on pouvait définir le quartier comme étant socio-culturellement défavorisé. La
MAL avait noué des relations étroites avec plusieurs organisations espagnoles du
quartier, qui participaient avec leurs publics à nos activités créatives. Les participants du
CEC provenaient à la fois des différents quartiers de Bruxelles et même de l'extérieur de
l’agglomération.
Trois tranches d'âges étaient visées (enfant, adolescents et adultes), avec une forte
diversification au niveau de l'origine sociale (enfants d'ouvriers, d'employés, chômeurs à
la recherche d'une formation, élèves en primaire ou secondaire, étudiants faisant des
études supérieures). Leurs objectifs : trouver un ensemble d’activités créatives et
socioculturelles, dans l'optique de recréer leur propre identité culturelle et de la faire
connaître, avec le souci de se tenir informés sur ce qui se passe dans le pays d’origine.
À cette époque, le CEC s'efforçait de procurer des réponses collectives et créatives à une
série des problèmes posés à l’ensemble de la diaspora latino-américaine, dont le trait le
plus caractéristique est qu’ils étaient pour la plupart des réfugiés politiques qui avaient fui
les dictatures militaires en Amérique latine (Brésil 1964, Chili 1973, Argentine 1976,
Uruguay 1975…)

Le développement de ces activités va déboucher, le 3 octobre 1980, sur une


reconnaissance officielle comme Centre d’Expression et de Créativité par le Ministère de
la Communauté française avec l’octroi d’une subvention de fonctionnement et
d’animation.
Vers les années 1990, avec l’arrivée en masse d'immigrants économiques latino-
américains (principalement équatoriens, colombiens, brésiliens, péruviens…) les ateliers
vont s’accroître car la demande et les besoins des nouveaux primo-arrivants se
manifestent vivement, à travers les revendications d’une reconnaissance légale, un
permis de travail et les droits de scolarisation et de santé pour leurs enfants.

Subsides

La Fédération Wallonie Bruxelles est l’entité subsidiante du CEC, avec 10000€ annuels
légales mais ils sont concrètement 8000€ Niveau II. De temps en temps des subsides
ponctuels.

Page 31
Localisation

Le CEC au sein de la MAL, est localisé à Bruxelles sur la commune d’Ixelles (1050).

L’équipe avec laquelle je travaille est une cellule de la Maison de l’Amérique latine SEUL
asbl, à Bruxelles

5.2. Mon expérience à la MAL

Je suis arrivée à la Maison de l’Amérique latine en 2007 en tant qu’animatrice artistique de


théâtre pour adultes en espagnol. A l'époque, il n’y avait aucun atelier de théâtre. Je
venais directement du Chili avec mon expérience de comédienne et animatrice de
théâtre pour enfants. Pour moi, c’était un gros défi de devoir animer un atelier pour
adultes de différentes cultures, je n'avais pas l'habitude.

Il faut dire que le fait d’être latino-américaine en Europe est particulier car je viens d’un
pays colonisé où jusqu’à maintenant l’Europe gère énormément d’affaires. Nous avons
appris à l’école l’histoire européenne plutôt que précolombienne. Nous tentons toujours
de récupérer notre identité comme continent, et ce n’est pas évident. La vision de
l’Europe sur les latino-américains est toujours très paternaliste, nous sommes considérés
comme des immigrés plutôt que des Expats. Par contre, l’étrangère européenne en
Amérique latine est encore admirée. C’est une conséquence de la colonisation : la
discrimination et l’extermination totale, dans certains cas, des peuples originaux.

Quand je me suis confrontée pour la première fois à l’atelier de théâtre, je me sentais


inférieur à cause de notre inconscient historique. Avec le temps j’ai pris conscience de la
qualité de mes compétences professionnelles, ce qui m'a rendue plus sûre de moi. C’est
important pour moi de raconter ce phénomène qui explique une partie de mon évolution
personnelle.

Le public de mon atelier est plutôt constitué d'Expats mais aussi de belges intéressés par
le théâtre et l’espagnol.

J’ai commencé avec une adaptation d’un monologue d’un écrivain chilien emprisonné et
torturé sous la dictature chilienne. Un monologue que j’ai adapté pour sept personnes.
Petit à petit nous sommes parvenus à développer un langage commun.
Cette année, nous avons monté un autre spectacle de poésie latino-américaine. La
majorité du groupe a été fidèle pendant 5 ans. Il y a eu peu de mouvement de personnes
et nous sommes arrivés à mettre en scène, des créations collectives et des pièces écrites,
deux ou trois fois par an. La thématique variait selon les intérêts et le processus
d’apprentissage. Nous avons travaillé, entre autres, le sujet de l’immigration, le système
de consommation capitaliste, la répression, la liberté, et le thème de ‘la femme’.

Page 32
Durant toute cette période, j’ai organisé et coordonné les activités, car à l'époque, il n’y
avait pas de coordination CEC claire. Même s’il y avait une personne responsable des
ateliers, il n’y avait pas encore d'encadrement très précis, en quelque sorte, notre atelier
a servi de cobaye pour la mise en place d'une coordination au sein du CEC. Après, d'autres
ateliers artistiques ont vu le jour, ils présentaient des spectacles et abordaient des
thématiques sociétales plus encadrées. Nous organisions des soirées dans différents
lieux (Eglise de la chapelle de Boondael, Espace Breughel, Théâtre Mercelis…), soirées de
musique, poésie et théâtre.
Ensuite, j’ai commencé à m'intéresser au travail de coordination. J’ai demandé à la
direction de la Maison, l’équipe technique et la logistique minimum pour développer le
travail de l’atelier. Je me suis rendue compte que cet endroit était fertile, malgré la
précarité des moyens, le manque de matériel et d’expérience. J’ai dû assumer la
responsabilité de nous organiser un véritable espace de travail. Progressivement, la
Direction a reconnu notre travail, je parle de « nous » car nous étions un groupe, les
participants fidèles et moi-même, nous étions un vrai groupe de création.

Après 2012, j’ai arrêté un temps car mon bébé est né deux semaines avant la première
d’ « Escarpin sous la brume ». L’année suivante, j’ai repris le travail avec un autre groupe.
J’ai dû réorganiser mon travail car les cinq dernières années, j’avais une plus grande
disponibilité, même des heures mal rémunérées, parfois pas payées. Ma situation
personnelle m’a obligée à demander une augmentation de ma rémunération mais cela
signifiait aussi, travailler moins d'heures. En réalité, je demandais une rémunération plus
juste par rapport à la loi et à mon rôle.

Désormais, le travail ne pouvait plus être développé de la même manière. Je n’arrive plus
à créer que deux petits spectacles par an (parfois un) et le travail théorique est moins
développé. Je travaille consciemment dans le cadre du décret CEC, deux heures et demi
par semaine. Avec ce temps réduit, c’est difficile d'aller en profondeur, avant, je donnais
six heures semaine, et parfois plus.

A l’époque, les relations qu'entretenait mon atelier et les autres ateliers avec la
coordination CEC, était assez difficile. Le processus pour établir une coordination CEC a
été lent. La coordination s’est développée à cause ou plutôt grâce aux demandes
d’animateurs artistiques d'une organisation plus concrète. Ces 10 dernières années, le CEC
a énormément évolué, a grandi. Forcément, la direction de la Maison a dû s’investir.

De cette expérience-là, vient ma question première par rapport au rôle de l’artiste dans le
CEC, mon expérience me montre que sans l’artiste – animateur, le travail ne marche pas.
La coordination avait un mi-temps pour gérer une grande charge de travail qui
augmentait avec le temps. A mon avis, ni la direction ni la coordination ne se rendaient
compte de la place que les ateliers artistiques occupaient dans la Maison. A partir du
décret 2009, la Maison a commencé à réfléchir à l’encadrement et à l’avenir de ce
secteur. Mais ce n'est qu'en 2013-14 que la Maison met en route un décret assez strict,
exigeant et précis.

Page 33
Le BAGIC

En 2013, j’ai décidé de me former comme coordinatrice culturelle. J’ai trouvé le BAGIC, et
pendant les deux ans de ma formation, j’ai travaillé comme stagiaire de la coordination
CEC à la Maison. C’est alors que j’ai découvert le décret 2009. Je l’ai étudié. J‘étais
fascinée par le contenu car je m’identifiais pleinement. En 2014, avec la coordinatrice,
nous avons commencé à discuter des démarches à entreprendre et commençons à
construire le dossier de reconnaissance pour le niveau III. Nous avons travaillé pendant
trois mois (très peu du temps pour un projet comme celui-là) et nous n’arrivons pas à
l’introduire … mais la Direction de la Maison refuse de l'introduire.

Puis nous avons travaillé dans la coordination, plus encadrés avec le décret, pour le
relancer. En février 2016, le formulaire est introduit. Réponse : Niveau II. La Maison a cinq
ans pour améliorer son travail, former les artistes animateurs et développer un projet
socio-artistique.

Mon stage s'est forcément terminé en même temps que ma formation BAGIC, en juin
2015.

En juin 2016, j’ai obtenu un contrat de remplacement à la Coordination CEC à la Maison de


l’Amérique. Durant cette période, j’ai essayé d’informer le plus possible les huit
animateurs. Un travail de longue haleine qui nécessite beaucoup de persévérance.
Le directeur se rend compte de la complexité du travail à réaliser, de l’énergie à investir et
qu’un mi-temps n’est pas suffisant pour organiser cette cellule. Il donne 1/4 temps
supplémentaire à la coordinatrice CEC. Mais le pouvoir subsidiant n'octroyant pas de
subsides pour engager des animateurs artistiques, il est clair que le travail que le CEC
exige n’est pas proportionnel avec le budget octroyé par la Communauté française, une
opinion qui s'est confirmée au cours de différentes interviews réalisées.

Ma première tâche en tant que stagiaire-coordinatrice fut d’essayer de rassembler les


animateurs car l'importance du travail en équipe est une des premières choses que j’ai
comprises et assimilées au BAGIC. Les animateurs sont la base de ce projet. Ensuite, vient
le travail que j’ai développé en Gestion et analyse de projet (Situation concrète
insatisfaisante). Je me suis rendue compte que personne n’était au courant des nouvelles
dynamiques et qu’il fallait de manière urgente introduire le règlement pour développer
un travail de qualité, pas facile en tant que stagiaire. Mais, je dois reconnaître que la
coordinatrice m’a laissé une grande marge de manœuvre, elle m'a aussi beaucoup
soutenue, ce qui m'a permis de faire un travail global dans la coordination.

Pour le moment, il y a un vrai changement dans le CEC. Il y a une meilleure


compréhension et engagement vers la cellule dans la Maison. Les artistes animateurs
sont au courant de ce qui est en train de se passer, nous cherchons ensemble la
thématique, nous communiquons beaucoup plus. Le projet est aussi plus encadré par
rapport aux exigences du Ministère. Le paradigme est beaucoup plus clair maintenant. Il y

Page 34
a un impact important du décret dans toute l’association. Le décret a renforcé la vision
que l’on a du CEC au sein de la Maison, une chose qui avant n’existait pas.

Un atelier à la MAL

C’est le premier jour de l’atelier de théâtre que j'anime à la Maison de l’Amérique latine et
l’idée est de le finaliser par une création théâtrale collective. L’atelier est ouvert à toute
personne entre 16 à 90 ans, hommes et femmes de toutes nationalités, intéressées à
développer la discipline théâtrale sur la base d’un travail d'une année, divisé en trois
trimestres, deux fois par semaine, durant 3 heures.

Cet atelier regroupe des participants de différentes nationalités : belges, espagnols,


italiens, brésiliens, péruviens, mexicains, et moi-même chilienne. La première partie de
l’atelier développe la conscience de soi, de son propre corps, des émotions, la confiance
et la connaissance du groupe à travers le jeu théâtral. La deuxième partie est consacrée
au travail de la technique à travers les créations des participants eux-mêmes, et dans la
troisième on met en scène une pièce de théâtre. Ce cadre est assez général, il peut
évoluer en fonction du rythme du groupe…

La première chose importante pour moi, c’est de connaître le groupe, qui sont les
participants, leur âge, quelles sont leurs attentes, quelles sont leurs motivations, d’où ils
viennent, quelle est leur expérience en matière théâtrale, ... . Grosso modo, connaître le
groupe le mieux possible, tester son aura, sa température.

Au début, je rassure le groupe en leur disant que le travail théâtral est un processus qui
ressemble à une grossesse, le résultat, nous ne le verrons pas d’un jour à l’autre, ils
verront les avancées petit à petit, ils ne vont pas monter sur scène tout de suite. Il faut
que le ventre grandisse tous les jours. D’abord, j’ai besoin qu’ils se sentent en confiance,
qu’ils commencent à perdre leurs appréhensions. Normalement, les gens qui arrivent à
mes ateliers viennent avec une peur intrinsèque de la scène, participer à ce genre d’atelier
est déjà un défi pour eux. Je dois les rassurer à travers des consignes précises et
confirmer que nous construirons cet atelier ensemble, que tout est valide, rien n’est
mauvais ni ridicule. J'ai besoin qu'ils me fassent confiance à 100% pour qu'ils puissent
exprimer leur créativité. Je me présente, je leur raconte mon parcours. La première
séance est très importante pour rassurer les participants et fidéliser le groupe. Cette
fidélisation peut prendre quelques semaines, mais à la fin du premier mois, je sais déjà
avec qui je travaillerai.

Durant ces premières séances, je travaille en groupe, rien d’individuel, sauf la


présentation personnelle que je peux diriger de plusieurs manières, avec des jeux ou bien,
assis par terre en cercle. Je recherche la chaleur, la convivialité, la bonne ambiance.
Je commence avec des dynamiques de groupe, les participants marchent de différentes
manières, en suivant différentes consignes. Progressivement, je commence à connaître
leurs corps, leurs habilités, leurs personnalités.

Page 35
La première partie de la séance est consacrée à de la dynamique de groupe, des jeux
sympathiques, du travail corporel. Je veux qu’ils s’amusent, qu’ils commencent à tomber
amoureux de la discipline théâtrale. Le but est que le groupe prenne confiance et que
chacun commence à se voir (lui-même) comme une image vers les autres, à développer sa
conscience corporelle, sa cadence, son contour. Après quelques jours, nous commençons
la pratique de la relaxation, la respiration, la posture. Je développe la psychophysique
(libération d’émotions à travers le mouvement), un exercice que j’utilise pour commencer
la séance et que, plus tard, je développerai avec le travail des émotions. Après un temps,
les participants demandent eux-mêmes à pratiquer cet exercice car cela devient une
nécessité pour relâcher le corps et commencer le travail, même quotidiennement.
Nous nous connaissons à travers des jeux théâtraux, nous commençons à nous regarder
dans les yeux, en jouant. De plus en plus et sans qu’ils s’en rendent compte, je leur
propose des exercices plus complexes : exercices de coordination voix-corps, texte-
mouvement. En groupe d’abord puis je diminue le nombre de participants par exercice,
un exercice commencé avec tout le groupe sera finalisé par un exercice à deux ou un
monologue. Ils se sentent chaque fois plus à l’aise et ils commencent à profiter de la
bonne sensation de la scène. Ils commencent à développer eux même de petites
créations, ce processus passe surtout par l’improvisation. Progressivement, ils se rendent
compte qu'ils sont des créateurs ! Après chaque séance nous évaluons le travail réalisé,
les choses positives, négatives, le plus intéressant, le moins intéressant, ... une discussion
qui me guide pour la préparation de la suite du programme.

Le but principal de ce premier trimestre est de jouer, d’avoir l’envie de partager avec le
groupe en mettant en risque notre propre corps et de connaitre nos propres limites.
A la fin de cette première étape, le groupe est généralement constitué. Cette fois-ci, ne
sont restées que des femmes de différentes nationalités. Particulier. J’ai réfléchi à la
thématique, au fait que nous soyons issues de différents coins du monde et que cela nous
donne beaucoup de possibilités de développer différents aspects de la multi culturalité.
Le fait que nous ne soyons que des femmes me donne aussi des pistes.

Au deuxième trimestre, nous commençons par discuter entre filles, nous nous
rapprochons comme telles. Résultat : écrire des textes sur notre vie, des choses que nous
avons besoin de partager ou dont nous avons envie de parler. Nous commençons le
travail de créativité, pure. J’adore cette partie du travail !

Les participantes apportent des textes qu'elles ont écrits. Différents sujets, situations,
conflits. Des textes plus longs, plus courts, peu importe, le principal est de ne pas rester
inactive, « je réfléchis, je participe, je travaille avec ma volonté ». Chaque premier moment
de lecture est un moment presque sacré. Nous savons que nous écoutons des histoires
possiblement vraies, et que le respect est primordial. Il y a quelque chose de particulier
dans cette étape : le respect que j'évoquais au départ de l’atelier, où j’expliquais son
importance dans un atelier créatif, où le fait de travailler avec nos propres corps et
émotions, maintenant, devient visible. Nous appliquons déjà quelque chose de très
important. Nous commençons à travailler ces textes de manière individuelle, de

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différentes manières, selon différentes techniques : musique, corps, poésie, parole, cris,
émotions etc. Nous dévoilons les textes, nous les démêlons. A un moment donné et je ne
sais pas bien comment -je dois l’avouer-, je commence à envisager des personnages. Le
travail créatif commence à prendre forme.

Mon travail se base principalement sur les intérêts et besoins du groupe. Cette étape,
comme toutes les autres, n’est pas exempte d’obstacles. En vrai, je n’ai jamais quelque
chose de très prédéfini car il est possible que certains programmes ne fonctionnent pas à
cause d'imprévus ou de questionnements par rapport à un exercice ou une intervention.
Ou alors, parce que la consigne n’est pas claire. Ici, c’est intéressant car, le travail de
conscience de soi et de créativité doit être le plus libre possible, je ne peux pas imposer ni
restreindre la liberté d’expression ni montrer de doute. Par exemple quand les
participants mettent en question des exercices proposés ou des moments où le
participantes se bloquent, je dois intervenir et improviser, soit pour rediriger le travail en
clarifiant les choses, soit pour porter plus d’attention à une personne, (par exemple,
quelqu’un qui n’arriverait pas à faire un exercice à cause de la peur que provoque une
émotion spécifique). A ce moment-là, je dois faire une pause et laisser de la place pour la
discussion, pour le partage, pour que la personne puisse s’exprimer en face du groupe et
trouver le fil du conflit afin de continuer le travail. Nous avons déjà développé la
confiance du groupe, donc les possibilités concrètes de pouvoir s’exprimer existent et la
plupart du temps, nous trouvons des solutions.

Quand les personnages naissent ou se profilent, nous commençons à prendre conscience


de leur existence. Nous devons accepter ces nouvelles participantes dans le groupe. Nous
pouvons dire qu’elles prennent de la place dans notre atelier, dans nos têtes et dans
notre peau. Maintenant, nous sommes prêtes à définir une histoire.

Nous commençons à écrire des scènes sur le prisme d’une histoire choisie à l’avance. Par
exemple, on se pose des questions sur le personnage de Marie France (elles ont déjà des
prénoms), qui est-elle, d’où vient-elle, quelle est son histoire… ? Nous mettons les
personnages dans des situations particulières, les scènes commencent à prendre forme.

Le processus de création est toujours différent, il dépend de chaque groupe et de l’objet


de travail. Mais il est toujours très intense, c’est le moment où les participantes prennent
vraiment des risques. Elles testent leurs limites et essayent d’arriver toujours plus loin.
J’exige qu’elles fassent des recherches s’il le faut, de travailler l’observation, de leur
entourage et d'elles-mêmes. L’idée est d’approfondir le plus possible, de tenter toutes les
possibilités, de regarder le sujet de tous les côtés. A cette occasion, nous sommes
arrivées à concevoir l’histoire de quatre sœurs qui vont passer une journée autour du
cercueil de leur père mort, voyageur espagnol, dont les filles sont de différentes
nationalités. Un père très tendre avec sa fille belge, distant et injuste avec l’espagnole,
inexistant pour l’italienne car il ne l’a jamais reconnue, et incestueux avec l’autre belge.
Quatre pères différents dans le même homme. Quatre images différentes et
contradictoires de la part de ces filles pour le même homme.

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Nous avons développé aussi, l’envie ou pas, de maternité et ses questionnements quand
on arrive à 40 ans, la famille idéale et le besoin d’ « apparaître » en face des autres, le rôle
du père dans la famille, l’homosexualité chez la femme, la soumission, l’abus sexuel et
ses conséquences. La pièce est conçue en plusieurs langues, nous l'avons travaillée dans
la langue de chaque participante.

Tous ces sujets sont sortis de nos discussions, des textes, de notre rôle social. Il faut dire
que j’étais enceinte pendant ce processus, donc au niveau personnel, c’était un travail
très intense aussi.
L’histoire et les scènes, nous les travaillons ensemble, collectivement. Comme cette
période est la période de la technique et de la créativité, je suis toujours en train de
donner de l’information, soit sur le travail sur scène, soit sur le travail de table (texte).
C’est un travail très spécifique. Il faut dire que le jeu se transforme. Nous travaillons avec
du matériel plus complexe, donc le jeu devient moins automatique. Il est plus élaboré.
A ce moment, la confiance que les participantes ont placée en moi est vitale pour le
travail. Sans exagération, je travaille avec les fils les plus délicats de la personne. Je dois
avoir la tête claire et ouverte pour pouvoir comprendre toutes les propositions et ne pas
rester enfermée dans mes propres valeurs et croyances. Si je ne suis pas d’accord avec
quelque chose, on discute mais si je ne vois pas de consensus, je dois objectiver et essayer
que les participantes arrivent le plus loin possible et qu’elles puissent s’exprimer de
manière juste, claire et vraie. Il y a eu des moments de désaccord quant aux différentes
manières de voir la vie. Évidemment, le conflit arrivait quand nous devions solutionner un
problème à un niveau dramatique. Ce n’est pas un atelier pour enfants, je suis avec des
adultes, et dans le cas de mon atelier, les participantes ont un haut niveau culturel, elles
sont toujours en train d’analyser leur propre travail et d’évaluer aussi le mien. Donc, j’ose
dire que mon rôle dans l’atelier n’est pas toujours évident, je dois toujours être prête à
détruire tous les concepts pour en construire d’autres.

Pour arriver à ce travail, il y a un processus dont je n’ai pas parlé avant. C’est le travail de
déstructuration de la pensée. Nous avons besoin de penser autrement pour laisser
l’imaginaire et la créativité s'exprimer ! Ils ou elles sont toute la journée encadrés dans
des boulots structurés, ils ont l’habitude de réfléchir de manière très rationnelle et
organisée. Dans mon atelier, durant tout le processus je dois développer la conscience de
leur propre sensibilité, c’est un processus long et à vie. Je ne sais pas très bien comment
ce mécanisme fonctionne mais j’ai eu des enfants dans mon atelier qui maintenant sont
des comédiens, des enfants défavorisés qui ont découvert le théâtre à l’atelier. Un jour,
j'ai trouvé un message sur mon compte Facebook d’une personne qui me remerciait de
lui avoir fait découvrir le théâtre alors qu’il était petit et qui en avait fait son métier et sa
vocation. Je suis restée en contact avec des participants européens qui n’avaient jamais
fait de théâtre et qui ont participé à l’atelier pendant des années, plusieurs d’entre eux
continuent à développer la discipline dans leur pays d’origine. Le théâtre est devenu une
nécessité d’expression, de jeu, de communication pour certains d’entre eux. C'est la
preuve qu’au travers de ce travail, nous arrivons à développer une communication très
forte. L'implication est telle que ce n’est pas difficile pour moi de voir à quel point le

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théâtre peut être un outil tellement important et utile pour provoquer des choses en
nous.

A la fin du travail réalisé au deuxième trimestre, je dois réviser le matériel créé et


intervenir dans sa construction, je corrige, je coupe, je définis. Il faut prendre des
décisions pour commencer le travail de mise en scène. Dans ce cas-ci, le texte doit être
prêt pour commencer la troisième étape : la mise en scène de la pièce.

Dès lors, je deviens metteuse en scène. Je dois utiliser tous mes outils artistiques pour
arriver à montrer notre travail. J’organise, je décide, le temps est contre nous, l’anxiété
monte, il n’y pas assez de temps pour décider ensemble, c’est le moment des décisions
artistiques et, dans l’atelier de théâtre, ces décisions incombent à l’animateur. Avec le
matériel que j’ai, je cherche la beauté, l’esthétique est vitale dans l’art aussi. Le contenu
est déjà décidé, notre travail social de création est terminé. Maintenant, il faut trouver la
forme la meilleure, la plus juste. Je ne peux pas m’abstraire de la qualité. En tant que
comédienne, je mets toute ma passion dans cette création. Je n’oublie pas non plus qu’il
ne s’agit pas de théâtre professionnel, en fait je ne peux jamais l’oublier car le théâtre
amateur a ses limites, que ce soit la technique qu’on n'arrive jamais à terminer, ou, entre
autres, le risque que le participant prend sur scène. Il faut quand même travailler avec ces
limites. Dans le CEC, le but recherché n’est pas la qualité artistique mais, en tant que
comédienne de base, je ne peux pas me contenter d'un résultat médiocre, je mets donc
toutes mes compétences et toute ma sensibilité au service du meilleur résultat possible. A
la fin, je travaille presque comme si j’étais avec des professionnels, et ça marche. Sans
discipline, l’art ne se développe pas.

« Escarpin sous la brume »est le titre de notre pièce. Suivi d’un débat avec le public à la
fin, que l’Espace de genre de la Maison de l’Amérique latine gère. Moi, j’étais heureuse et
soulagée lors de «la première » au théâtre 140, avec mon bébé de 20 jours.

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Conclusion réflexives
Après plusieurs années d'existence, le Centre d’expression et de créativité de la MAL, est
en train de renaitre.
Un projet ambitieux, humain, qui cherche la convivialité, le partage, qui veut revenir à
l’essentiel de l’être. Un projet très important. Un projet qui veut travailler avec des
artistes, mais pas avec n’importe lesquels, des artistes engagés, solidaires, avec les yeux
bien ouverts pour reconnaitre leur société ; conscients aussi de leur vision artistique-
politique-pédagogique. Des artistes préparés et conscients de leur travail, pour que leur
contribution soit vraie et effective.

L’artiste - animateur met toute sa sagesse et ses outils professionnels et intuitifs au


service de son métier pour provoquer la créativité des participants, développer leur
imagination, et surtout, arriver à qu'ils expriment un sujet citoyen concret de manière
artistique. Il est le magicien qui transforme la matière, de l’impalpable que nous avons en
nous en quelque chose de palpable, que nous pouvons voir, toucher, sentir, entendre.
C’est un travail philosophique aussi sur le terrain des idées, de la connaissance de soi, de
l’ambiance. L’artiste - animateur devient le metteur en scène de la découverte de la
créativité des autres. C'est un alchimiste.

L’artiste déclenche cette découverte. La seule profession qui apprenne, applique,


découvre, développe, exprime la créativité dans sa totalité parmi ses adeptes, c’est l’art. Il
n’y a pas d'autre activité humaine comparable à celle-ci, dont le but absolu est la création,
à travers les sens, les émotions, l’intuition et l’intellect de l’individu.
La coordination est fondamentale pour recruter ces professionnels. La coordination doit
connaître ce projet en profondeur pour diriger et encourager les démarches dans les trois
dimensions : artistique-pédagogique et politique, un travail lent et transformateur au sein
de la société. Tous les coordinateurs que j’ai rencontrés sont fort impliqués dans l’art,
voire des artistes à part entière.

Je terminerai -provisoirement -mon parcours réflexif par trois propositions :

Première proposition: réunir les artistes animateurs en réflexion


il devient nécessaire d'ouvrir des espaces d’échange, de dialogue entre ces
professionnels, comme le propose Paulo Freire, et l’initier dans le regard critique-
politique de sa propre création comme artiste - animateur. Créer des espaces d’échanges
d’expériences professionnelles, de débats contradictoires pour une production
réflexive… .
L'artiste - animateur devrait pouvoir participer aux réunions des CEC avec les
coordinateurs. Il aurait ainsi la possibilité de partager, d'échanger, de chercher de
l’information parmi ces collègues. C’est important que les autorités fassent appel à la
participation des artistes qui travaillent au CEC, qu’ils en fassent partie. Les animateurs
étaient absents de toutes les réunions auxquelles j'ai participé. Juste les coordinateurs ou

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coordinateurs-animateurs. Pour moi c'était très enrichissant de participer à ces réunions.
Je suis sûre qu’il y aurait un grand intérêt pour les artistes - animateurs de participer aux
séances d’information ou d'échange avec les autorités. Etant donné qu'ils sont sur le
terrain, ils pourraient poser des questions, raconter leur expérience, ...

Deuxième proposition: une reconnaissance effective


Le manque de reconnaissance au niveau administratif n’améliore pas les choses.
Nous savons que le CEC est en danger ! Et les premiers à être précarisés sont les artistes,
les travailleurs de base du projet. Ce n'est pas anodin, car en général, l’artiste n’est pas
reconnu de manière égalitaire dans notre société. Il ne faut pas rentrer dans les détails.
Comment pourrait-il être reconnu comme un vrai professionnel dans un projet citoyen ?
Comment améliorer ce grand projet si la base est faible ?

Cette analyse me fait réfléchir à la nécessité d’une reformulation d’un statut pour l’artiste,
un statut qui ne soit pas conçu par une entité (ONEM) qui nie le travail artistique. Le
statut d’artiste actuel régule « le non travail » de l’artiste. Mais, comment réguler un
travail qui ne soit pas reconnu dans tous ses aspects ? Par exemple : les répétitions. Il est
donc évident qu’elle va essayer d’écarter le plus possible de personnes pour les insérer
dans d'autres secteurs afin qu’ils travaillent selon le système conventionnel.

La précarisation du travail des artistes empêche le bon fonctionnement de la création et


de tous les projets qui l’entourent au sein d’une société.
Le statut d’artiste devrait soutenir et protéger une activité humaine très difficile à
maintenir à long terme par soi-même dans notre société capitaliste.

Un vrai statut pour l’artiste devrait partir de la base des différentes manières de travailler
de l’artiste : artiste pluridisciplinaire qui travaille dans des métiers complémentaires à ses
études artistiques.
Un statut d’artiste pourrait être conçu par une commission artistique, qui proposerait une
régulation plus concrète pour un métier complexe dans sa diversité et sa différence par
rapport aux métiers conventionnels. Tout d’abord, en définissant le concept « d’artiste ».

Pour ça, il faudrait rechercher et identifier qui sont les artistes et de quelle manière ils
travaillent, chaque discipline séparément. Pour enfin, reconnaitre ce métier de manière
administrative, et pas seulement de manière philosophique ou idéologique.

J’affirme par exemple, que la loi devrait exiger des employeurs du secteur « non
marchand », où travaillent la majorité des artistes, de les engager comme travailleurs
salariés, soit des artistes créateurs, soit des artistes - animateurs. Si un artiste travaille
moins d’un mi-temps, mais plus de six mois dans la même association ou institution de
manière hebdomadaire, l’employeur serait obligé de l'engager à temps partiel comme
artiste et de payer la prime patronale correspondant, ainsi que les cotisations sociales
exigées par la loi. Protéger ces personnes pour que la production de l’association
corresponde en quantité et en qualité aux exigences du décret.

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Lorsque les directives de travail de l’artiste animateur ne sont pas claires, voire même
ambiguës, et quand les responsables du secteur ne se posent pas de questions par
rapport à ses méthodes, sujets, implications, matière de base, il se produit ‘une tension’
comme Patricia Gerimont l'a constaté au cour d'une réunion où j’étais présente. Dès le
moment où nous ne reconnaissons pas l’investissement qu’exige un travail, nous pouvons
difficilement accomplir la mission finale du projet géré justement et en grand partie pour
ce travail spécifique.

Je ne veux pas dire que la non-reconnaissance soit un fait exprès, je dis que le travail
artistique en général n’est pas reconnu comme un vrai « job » dans notre société actuelle.
Donc, le rôle de l’artiste animateur est plutôt invisible, mis de côté. C’est peut-être
comme cela que naissent des préjugés sur le monde artistique. Et, à mon avis, le CEC
développe un projet où le rôle de l’artiste - animateur ne peut pas être invisible,
heureusement.

Lorsque j’ai eu la possibilité de pratiquer la coordination, j'ai pris conscience que l’équipe
est fondamentale pour le travail. La coordination doit renforcer et équilibrer toute
carence, il est indispensable de travailler ensemble pour progresser.

Troisième proposition: une simplification administrative


Par rapport au décret, j’ai remarqué dans les interviews des coordinateurs que tous
étaient d’accord sur le fait que le décret est trop exigent, trop cadré, qu’il ne laisse pas
beaucoup de place à l’imaginaire. Il y a trop de chiffres, de travail administratif. Il s’éloigne
du but principal, la création, que paradoxalement, il encadre trop, au lieu de laisser des
espaces plus ouverts aux professionnels et aux participants. Les intervenants ne se
sentent pas libres…

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Remerciements
Je voudrais remercier évidement et absolument, tous les impliqués de cette formation,
pour m’avoir donné un espace de parole sur ce phénomène qui est assez invisible.

J’espère vraiment que ce TFE servira à semer une graine de réflexion sur notre travail et
permettra de reformuler certaines priorités de ce beau projet qu’est le CEC.

Je voudrais remercier aussi particulièrement mon professeur accompagnateur à qui j'ai


fait ‘transformer ses cheveux blancs en verts’ (expression espagnole) dans ses tentatives
de bien me diriger.

A Armando Merino, ex directeur du Centre Placet de Louvain La Neuve, pour son


implication.

A mon coordinateur de formation Lahcen, pour sa patience, et à tous les formateurs de


cette formation pour m’avoir aidé à réfléchir autrement.

Je voudrais aussi remercier tous les collègues interviewés, coordinateurs, artistes -


animateurs, directeurs et Patricia pour son temps et sa disponibilité.

Et particulièrement à mes amis et collègues de la Maison de l’Amérique latine, pour


toutes ces années de partage et apprentissage.

Je dois avouer aussi que pour moi c’était un grand effort de réaliser ce type de travail.
C’est la première fois que je le fais et malgré que je suis consciente de tous les manques
que ce TFE contient, je termine avec le sentiment d’avoir appris énormément.

Merci

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BIBLIOGRAPHIE
 Art contextuel. Paul Ardenne.2002
 Décret du 30 avril 2009 relatif à l'encadrement et au subventionnement des
fédérations de pratiques artistiques en amateur, des Fédérations représentatives de
Centres d'expression et de créativité et des centres d'expression et de créativité.
 Exposition peinture à paris janvier 2017 : Rivera – Siqueiros - Orozco
 Jeu pour acteur et non-acteurs. Augusto Boal. 1997.
 La culture des indiens, partisans de la démocratie culturelle. Travail présenté par
Fabrice Vandermissen pour l’obtention du BAGIC CESEP 2011-2013.
 L’éducation comme pratique de la liberté. 1969. Paulo Freire.
 L’Esperluette n°75. 2013.
 Nossent Jean-Pierre. L'histoire récente de l’éducation permanente : Une relecture
possible. Vers un retour aux sources de l’éducation populaire ?
 Pédagogie de l’autonomie. 2004 Paulo Freire.
 Pédagogie de l’opprimé. 1968. Freire Paulo.
 Richard Nelly. Lo político en el Arte. Université Arcis. Santiago.Chili. 1997
 Théâtre de l’opprimé. Journal électronique « La Jornada ». 4 mai 2009.
 Une pédagogie de l’espoir. 1994. Freire Paulo.
 Vadémécum CEC 2017

Interviews
 Adrian Diaz. Artiste animateur du « Terre Franche » CEC, est une cellule du Centre
Culturel d’Eghezée.
 Aline Moens. Coordinatrice de l’Atelier Graphoui .
 Armando Merino. Directeur Centre Placet. Louvain la Neuve.
 Fabrice Vandermissen, coordinateur du CEC à La Vénerie.
 Gabriel Tapia. Artiste animateurs du Centre d’Expression et de Créativité « Atelier
Sorcier » Gembloux.
 Gea Hernandez. Artiste animatrice de la Maison de l’Amérique latine.
 Hadi El Gammal. Coordinateur du CEC du THEATRE MAAT asbl.
 Matteo Segers. Directeur de l'Association des Centres culturels (ACC).
 Patricia Gerimont. Responsable du service de la Créativité et des Pratiques artistiques
de la Fédération Wallonie- Bruxelles depuis 1998.

Exposition et rencontres
 Mexique 1900-1950. Diego rivera, Frida Kahlo, Jose Cemente Orozco et les avant-
gardes. Grand Palais. Paris, janvier 2017.
 Différents réunions de coordinateurs CEC entre 2013 et 2016.

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Films

Être Acteur, documentaire, Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique (CNSAD).

Sites et liens internet

http://www.jornada.unam.mx/2009/05/04/index.php?section=cultura&article=a12n1cul
http://www.personimages.org/
http://www.guichetdesarts.be/
http://www.onem.be/fr. Office National de l’emploi. ONEM.
https://www.legrainasbl.org/index.php?view=article&id=419&option=com_content&Itemi
d=115 L’intervention du théâtre action. Le Grain asbl.
Wikipédia

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