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I.

INTRODUCTION :

L
’Apologie de Socrate est un texte écrit par Platon en 399 avant notre ère. Cet ouvrage
(ouvrage dit de la « première période ») raconte le procès de Socrate dont l’issue fut la
condamnation à mort de celui qui a été le maître à penser de Platon. Ce texte est ancré
dans un contexte historique bien précis. En -404 la Guerre du Péloponnèse s’achève par une
cuisante défaite de la Cité d’Athènes et la victoire de Sparte. La démocratie athénienne sera
remplacée par un régime politique tyrannique, la tyrannie des Trente. À la suite de cette
défaite, la Cité d’Athènes est à la recherche de bouc émissaire. Socrate se fait accuser, entre
autres choses, de corrompre la jeunesse. Son procès fut retentissant et décisif sur la pensée de
Platon qui se mit à se méfier, jusqu’à son dernier souffle, du gouvernement du plus grand
nombre (la démocratie).
L’Apologie de Socrate est un discours qui comporte trois parties distinctes et,
indéniablement, très inégales. Dans un premier temps (et il s’agit de la partie la plus
importante), Socrate présente sa plaidoirie [2]. Il répond aux calomnies propagées contre lui.
Dans un deuxième temps, une fois reconnu coupable, Socrate précise la peine — qu’il croit —
méritée. Dans un troisième temps, on retrouve les dernières paroles de Socrate à ses juges et
quelques mots qu’il adresse à ses disciples sur l’au-delà et l’immortalité de l’âme.

⁂ PRESENTATION DE SOCRATE ⁂

Socrate est le fils d'un tailleur de pierre et d'une sage-femme, né en 470 av J-C ; à
Athènes au siècle de Périclès. On sait peu de chose de sa jeunesse. Il a un enfant de sa femme
Xanthippe et peut-être deux autres d'un second mariage. En bon citoyen, Socrate participe
aux combats de la guerre du Péloponnèse contre Sparte, notamment à la bataille de Potidée,
vers -430 et sauve la vie de Xénophon à Délion (-424). Sa physionomie est présentée comme
celle d'un satyre. Sa laideur, perçue comme un signe d'intempérance et de vice, scandalise les
athéniens pour qui la beauté physique est le symbole de la beauté morale.

Socrate acquiert l'art de la dialectique auprès des sophistes. Par choix, il vit
modestement, pieds nus, vêtu d'un manteau grossier, et consacre son énergie à enseigner
gratuitement, contrairement aux sophistes, sa philosophie dans les lieux publics et les
gymnases. Il prétend avoir reçu comme mission d'éduquer les hommes et pense que
l'ignorance est la source de l'injustice. Socrate mourut en 399 av J-C.

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II. STRUCTURE DE L’ŒUVRE
1 / PREMIERE PARTIE : LES ANCIENNES ACCUSATIONS.

Première partie
Socrate est âgé de soixante-dix ans quand il paraît devant le tribunal. Il est accusé de
corrompre la jeunesse, de ne pas reconnaître les dieux de la Cité et de vouloir en introduire de
nouveaux.
«Reprenons donc depuis le début, et voyons de quelle accusation se sont inspirées les
calomnies dirigées contre moi, accusation sur laquelle, je suppose, [19 b] s’est fondé Mélètos
quand il m’a intenté ce procès. Eh bien ! Que disaient mes accusateurs pour me calomnier ?
Faisons comme s’il s’agissait d’une accusation en règle ; il faut donc donner lecture de leur
déclaration sous serment : « Socrate est coupable, il n’a pas à rechercher ce qui se passe sous
terre et dans le ciel. À faire de l’argument le plus faible, l’argument le plus fort [19c], et, à
enseigner à d’autres d’en faire autant » — voilà, en substance, ce qu’il en est. » (p. 33-34).
Ou, « Socrate est coupable de corrompre la jeunesse, [24c] de ne pas reconnaître les dieux que
reconnaît la cité, mais de leur substituer d’autres divinités, nouvelles celles-là. Tel est le chef
d’accusation. » (p. 41).
Toute la première partie du texte est consacrée à la plaidoirie de Socrate. Il présente ses
arguments de défense. Socrate explique que ces accusations viennent de personnes qu’il s’est
mises à dos parce qu’il a refusé de reconnaître leur supposée sagesse. Parmi ces personnes qui
le haïssent, figure un homme politique.
« J’allai trouver l’un de ceux qui passent pour avoir le plus de sagesse [21c], dans l’idée
que ce serait l’occasion ou jamais de réfuter la réponse de l’oracle et de lui montrer ce qu’il en
était : « cet homme-là est plus sage que moi, or, toi, tu as dit que c’était moi le plus sage ! »
J’examinai donc minutieusement l’homme en question – point n’est besoin de le nommer,
disons que c’était l’un de nos hommes politiques. Et à l’issue de l’examen auquel je le soumis
et du dialogue que j’ai eu avec lui, voilà à peu près l’impression qu’il me fit, hommes
d’Athènes : il me sembla que cet homme-là semblait sage à beaucoup d’hommes à commencer
par lui-même – mais il ne l’était point. Puis j’essayai de lui démontrer qu’il se croyait sage,
[21d] mais qu’il ne l’était point. À la suite de quoi je m’attirai sa haine, ainsi que celle de
beaucoup d’hommes qui avaient assisté à la scène. Et, tout en m’en allant, je me fis ces
réflexions : « Je suis plus sage que cet homme-là. Il est possible, en effet, que nous ne
sachions ni l’un ni l’autre rien de beau ni de bon, mais lui croit savoir quelque chose bien qu’il
ne sache rien, tandis que moi, de même que je ne sais rien, je ne crois pas non plus que je
sache. En tout cas, j’ai l’air plus sage que lui, au moins sur ce point, si limité soit-il : ce que je
ne sais pas, je ne crois pas non plus le savoir. » À la suite de quoi j’allai trouver un autre
homme, [21e] un de ceux qui passaient pour plus sage encore que le précédent, et la situation
me semblait identique. Là encore, je m’attirai la haine de cet homme-là, ainsi que celle de
beaucoup d’autres personnes. » (p. 37). Dans sa plaidoirie, Socrate se livre à une accusation de
ses accusateurs quand il affirme : « au cours de l’enquête que je menais conformément à la
parole du dieu, ceux qui avaient la meilleure réputation me semblèrent, à quelques exceptions
près, les plus démunis, tandis que d’autres, à qui l’on accordait peu de valeur, s’avéraient avoir
l’esprit plus juste. » (p. 38).
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Ne s’agit-il pas là d’une plaidoirie opposée à la dialectique socratique coutumière ? En
effet, la distinction entre l’homme sage et celui qui l’est moins ou pas se transforme en une
compétition sur l’échelle de la sagesse, à savoir « qui » est le plus sage. Or il faut s’éloigner de
cette première impression et observer la manière dont Socrate ose se défendre, car, au bout
du compte, sa dialectique demeure bien présente : il recense les divisions sociales et exerce
une comparaison de manière à déterminer qui est « apte » et qui est « inapte » à la sagesse.
Bien entendu, celle en cause s’éloigne d’un absolu recherché, puisque l’humain imparfait est
passé sous la loupe, ce qui ne signifie point toutefois son inaptitude en la matière. Il faut
posséder certaines vertus pour devenir sage, notamment être humble et reconnaître ses
propres limites.

2/DEUXIEME PARTIE : LES NOUVELLES ACCUSATIONS

Deuxième partie
Socrate est reconnu coupable, s’ensuit un débat sur la peine à lui infliger. Après avoir constaté
que le vote était beaucoup plus serré qu’il ne l’aurait cru, ce qui constitue à ses yeux une
espèce de victoire morale (XXV). Socrate explique pourquoi il refuse l’exil et la prison (XXVII).
Il demande à être condamné à payer une amende de « trente mines ». Somme pour laquelle
s’est cotisé Platon et autres disciples de Socrate.

3/TROISIEME PARTIE : LE PROCES DE SOCRATE

Cette proposition de peine sera rejetée. Par conséquent, il devra mourir. Dans les
dernières paroles du condamné à ses juges il dira : « Je préfère de beaucoup mourir après
avoir assuré ma défense ainsi, plutôt que vivre grâce à ces bassesses. » (p. 63). Il profitera de
cette dernière chance qu’il a de s’adresser à ses accusateurs pour les fustiger et leur prédire un
grand châtiment à venir (XXX). « [39 c] Cela dit, vous qui m’avez condamné, je désire
maintenant vous faire une prédiction ; car j’en suis désormais arrivé à la période de la vie où
les hommes font le plus de prédictions, au moment où ils vont mourir. Je vous annonce donc,
à vous qui m’avez condamné à mort, que vous aurez à subir, aussitôt après ma mort, un
châtiment bien plus pénible, par Zeus, que la mort que vous m’avez infligée. Car vous avez cru
qu’en agissant ainsi aujourd’hui, vous seriez dispensés de rendre des comptes sur votre vie.
Or, je vous l’annonce, c’est de loin le contraire qui va vous arriver : le nombre de ceux qui
vous demanderont des comptes ira croissant – [39 d] eux que je retenais jusqu’à présent, sans
que vous vous en aperceviez. Ils seront d’autant plus pénibles qu’ils seront plus jeunes, et ils
irriteront davantage. Car si vous vous imaginez qu’en condamnant les gens à mort, vous
empêcherez que l’on vous reproche de vivre mal, vous saisissez mal ce qu’il en est. Cette façon
de se dispenser de rendre des comptes n’est en effet ni très efficace ni bien belle ; la plus belle
et la plus facile est celle qui consiste, non pas à s’en prendre aux autres, mais à se rendre soi-
même le meilleur possible. Voilà donc ce que, tel un oracle, je vous ai prédit, à vous qui
m’avez condamné. Sur ce, je vous laisse. » (p. 63-64).
Socrate invite à vivre conformément à son modèle de vertu (XXXIII), c’est-à-dire obéir
au dieu et éviter, en tout temps, d’agir injustice.
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4/QUATRIEME PARTIE : LA CONDAMNATON

Acte d’accusation dirigé contre Socrate :

Mélétos de Lampsaque accuse, sous la foi du serment, Socrate d’Alopèce, fils de


Sophronisque, des crimes suivants : Socrate est coupable de ne pas croire aux Dieux
reconnus par la Cité et d’en introduire de nouveaux ; il est également coupable de
corrompre la jeunesse. Pour ces crimes : la mort.

Devant le Tribunal de l’Héliée,

Socrate irrita les juges qui l’avaient reconnu coupable de ces chefs, en leur
disant : « Pour m’être consacré au service de ma Patrie et avoir travaillé à rendre mes
concitoyens vertueux, je propose de me condamner à être logé dans le Prytanée et
nourri aux frais de l’État ». C’est cette provocation qui entraîna sa condamnation à
mort (399 av. J-C.)

Socrate refuse de s’enfuir à l’étranger

A Criton, qui lui propose d’organiser son évasion, Socrate répond en imaginant un
dialogue avec les Lois : « Si, enfreignant les lois de ta Cité, tu te rends dans une ville
voisine, ses habitants se regarderont comme un rebelle aux lois … Alors, auras-tu encore
le front de leur répéter ce que tu nous disais ici ? Que la Vertu et la Justice sont ce qu’il y a
de plus estimable en ce monde, de même que la Légalité et les lois.

III. CONCLUSION

L’apologie de Socrate est un ouvrage important dans la position que Platon adoptera
(et gardera) tout au long de sa vie au sujet du gouvernement de « la multitude » ou du
gouvernement dit « démocratique » (le pouvoir exercé par le plus grand nombre, le pouvoir
exercé par le peuple). Nous verrons, dans quelques semaines, de manière un peu plus
détaillée, le jugement sévère qu’il pose sur l’exercice du pouvoir par « la multitude ».

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