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III.

SOCRATE ET LES « PETITS SOCRATIQUES »

1) Socrate

SOCRATE (469-399) est sans doute le philosophe le plus célèbre de la tradition, et


pourtant il n’a rien écrit. Il ne nous est connu que par des témoignages indirects nous relatant
moins une quelconque « doctrine » qu’un certain mode de vie et d’interrogation qui le
rendaient immédiatement reconnaissable. Or, les principales sources dont nous disposons nous
en offrent des portraits très contrastés. Le plus ancien est celui tracé par Aristophane dans sa
comédie Les Nuées, qui date de 424/423 avant notre ère, soit vingt-quatre ans avant le procès et
la mort de Socrate. C’est un portrait au vitriol, qui nous présente Socrate comme un sophiste
enseignant contre argent à ses disciples à faire triompher le raisonnement injuste sur le
raisonnement juste et qui, suspendu dans une nacelle, se consacre à l’examen des phénomènes
célestes. Témoignage difficilement conciliable avec tous les autres dont nous disposons, qui
nous présentent au contraire Socrate comme l’ennemi juré des sophistes et comme rejetant la
philosophie de la nature des « physiologues » qui l’ont précédé pour se consacrer
exclusivement aux questions morales ! C’est le cas des écrits de Xénophon, qui sont toutefois
eux-mêmes souvent dénigrés par les historiens parce qu’ils nous présentent un Socrate assez
fade, qui se contente de prêcher les valeurs traditionnelles d’une manière quelque peu
laborieuse – si bien qu’à le lire, on a parfois du mal à comprendre pourquoi il a gêné ses
concitoyens au point d’avoir été condamné à mort… Tout autre est le portrait sublime qu’en
trace Platon dans ses Dialogues, portrait qui est essentiellement celui qui est passé à la
postérité. Mais il faut savoir que d’autres compagnons de Socrate, en particulier Antisthène,
Euclide, Eschine et Phédon, avaient également écrit ce qu’on appelle des logoi sôkratikoi,
c’est-à-dire des dialogues mettant en scène Socrate et certains de ses contemporains discutant
de questions diverses1. Ces œuvres sont malheureusement perdues, mais il y a fort à parier que
les représentations qu’elles offraient de Socrate étaient encore différentes. Il semble que chacun
se soit façonné son propre Socrate, de sorte que le Socrate « historique » risque bien de nous
échapper à jamais… Mais finalement, est-ce si important ? Le Socrate qui nous intéresse n’est-
il pas celui qui a laissé son empreinte indélébile dans l’histoire de la philosophie et la culture
européenne ? Étant donné que celui-ci est essentiellement celui de Platon2, c’est surtout sur ce
dernier que se basera la brève présentation qui va suivre.
Socrate est né à Athènes vers 469 avant notre ère. Selon la tradition, son père
Sophronisque était sculpteur ou tailleur de pierre, métier que Socrate aurait également appris
dans sa jeunesse. Sa mère, elle, se serait nommée Phainarète et aurait été sage-femme. C’est du
moins ce que dit Socrate dans le Théétète de Platon, où il déclare pratiquer une profession
analogue à celle de sa mère, sinon que lui ne fait pas accoucher les corps, mais bien les âmes.
C’est l’idée de la maïeutique (μαίευσις = accouchement), idée célèbre mais souvent mal
comprise, notamment parce qu’on a tendance à la confondre avec celle de la réminiscence
(ἀνάμνησις). En réalité, telle du moins qu’elle est décrite dans ce dialogue, la maïeutique a
essentiellement une fonction négative : il s’agit de « faire accoucher » l’âme de l’interlocuteur
de toutes les opinions qui sont en elle (et qui lui viennent essentiellement de la tradition, des
poètes, des sophistes… bref de sources extérieures) non pas afin de manifester qu’il a déjà en

1
Sur le phénomène des logoi sokratikoi, voir en particulier L. Rossetti, Le dialogue socratique, Paris, Les Belles
Lettres, 2011.
2
Notons toutefois qu’on a parfois soutenu que pour la philosophie hellénistique (en particulier le stoïcisme et le
scepticisme), c’était plutôt le Socrate de Xénophon qui constitue la référence. Sur cette question, voir A.A. Long,
« Socrates in Hellenistic philosophy », Classical Quarterly, 38, 1988, pp. 150-171.
lui un certain savoir, mais au contraire afin de les réfuter et de montrer qu’elles ne sont « que
du vent ». Ce que la maïeutique met au jour, c’est beaucoup moins la connaissance de
l’interlocuteur que son ignorance fondamentale. Mais en même temps, cette ignorance est la
condition d’un type de savoir radicalement nouveau. Afin de comprendre cela, tâchons de
préciser la démarche de Socrate.
À l’inverse des philosophes de la nature, Socrate limite son investigation à des
questions « éthiques » – du moins à partir d’un certain moment de sa vie, car d’après certains
témoignages, notamment le Phédon de Platon, il se serait d’abord intéressé aux recherches des
physiologues, qu’il aurait ensuite rejetées par déception3. C’est que selon lui, la question la plus
importante de toutes est « comment dois-je vivre ? » (cf. Gorgias 487 e-488 a, 500 c1-8 ;
République I, 352 d6-7, IX, 578 c et X, 618 b-c). Cette question revient en effet à la suivante :
« comment être heureux ? » ; et nous voulons tous être heureux. Or, par définition, est heureux
celui qui possède le bien (τὸ ἀγαθόν) – ce qui signifie tout simplement que par « bien », il faut
entendre la cause du bonheur, c’est-à-dire ce dont la possession est capable de nous rendre
heureux. On peut donc dire sans exagérer que le bien est l’objet ultime du désir de tout homme,
voire de tout être vivant. C’est pourquoi, d’après Socrate, nul ne fait le mal de plein gré, mais
seulement par ignorance : en effet, ce que nous voulons tous réellement, c’est le bien, en tant
que celui-ci est la cause du bonheur ; et si nous n’accomplissons pas toujours le bien, c’est
parce que nous ignorons ce qu’il est et risquons dès lors toujours de nous tromper et
d’accomplir des actions qui nous en éloignent plutôt qu’elles ne nous en rapprochent (même si
nous sommes persuadés du contraire). De fait, relativement au bien, il n’existe aucun accord :
certains pensent que le bien, c’est le plaisir, d’autres les richesses, d’autres les honneurs,
d’autres la sagesse… Si nous souhaitons avoir une chance d’atteindre le bonheur, nous devons
donc chercher ce qu’est le bien et tâcher d’en acquérir la science. Tant que nous ne posséderons
pas celle-ci, affirme Socrate, le reste ne nous sera d’aucune utilité : ni les possessions
matérielles, ni la santé, ni les plaisirs, ni les autres sciences, puisque nous ne saurons pas
comment en faire usage pour être heureux.
C’est peut-être dans l’Euthydème de Platon que ce raisonnement apparaît le mieux.
Dans ce dialogue, Socrate est confronté à Euthydème et son frère Dionysodore, qui enchaînent
les sophismes avec une facilité et une rapidité déconcertantes. Ces personnages représentent le
type même des « éristiques », c’est-à-dire de ces sophistes qui s’attachent à contredire
systématiquement ce que leur interlocuteur peut dire, et ce dans le seul but de contredire et par
là même de faire montre de leur habileté oratoire. Tout en feignant d’être impressionné par leur
virtuosité, Socrate se permet de les interrompre à deux reprises pour « montrer l’exemple » de
ce qu’il considère quant à lui comme un véritable entretien dialectique en interrogeant le jeune
Clinias. La première fois (277 d-282 e), il commence par poser comme une évidence que tout
le monde souhaite le bonheur, et que le bonheur ne peut être gagné que par la possession d’un
grand nombre de biens (ἀγαθά). Parmi les biens reconnus par tous, il cite la richesse, la santé,
la beauté, l’honneur, ainsi que les différentes vertus et la sagesse (σοφία). (Socrate se demande
également s’il ne faudrait pas ajouter à cette liste le succès (εὐτυχία). Mais il se reprend
immédiatement en faisant remarquer que relativement à une activité quelconque (la musique, la
navigation, la guerre, etc.), ceux qui ont le plus de chance de rencontrer le succès sont ceux qui
« s’y connaissent » dans cette activité, c’est-à-dire ceux qui possèdent une compétence, une
sophia, en ce domaine. De sorte que le succès est une conséquence de la sagesse et n’a pas
besoin d’être ajouté à la liste précédente.) Cependant, posséder des biens ne suffit pas : encore
faut-il savoir les utiliser à bon escient. Par eux-mêmes, ils n’ont aucune valeur : seule leur
utilisation correcte est susceptible de nous conduire au bonheur. À l’inverse, leur utilisation

3
Une tradition ancienne fait d’ailleurs de Socrate un disciple d’Archélaos, lui-même disciple d’Anaxagore.
Rappelons également que Les Nuées d’Aristophane mettent dans la bouche de Socrate une doctrine qui paraît être
une parodie de celle de Diogène d’Apollonie.

2
incorrecte risque de nous amener des maux sans nombre, de sorte qu’il vaudrait encore mieux
ne rien posséder du tout que mal utiliser ce que nous possédons : un homme fort, riche et
influent risque de causer beaucoup plus de mal qu’un homme faible, pauvre et méprisé par tous
– et ce, non seulement aux autres, mais également à lui-même. Ce qui devient déterminant,
c’est dès lors l’utilisation correcte, et celle-ci ne peut être garantie que par une certaine sagesse
(σοφία), que Socrate nomme pensée (φρόνησις) et science (ἐπιστήμη).

« – Somme toute, Clinias, repris-je, la totalité des choses dont, pour commencer, nous disions qu’elles
sont bonnes, il y a des chances que ce ne fût pas sous ce rapport que nous devions en parler, de façon à en
faire des biens naturels, ayant par eux-mêmes une valeur absolue. Mais, à ce qu’il semble, voici ce qui en
est quand ils ont pour en guider l’usage l’ignorance : ils sont de plus grands maux que ne sont leurs
contraires, d’autant qu’ils ont davantage la capacité de se mettre au service de celui qui leur sert de guide
et qui est mauvais lui-même ; mais ce sont de plus grands biens quand ce guide est la pensée avec la
sagesse (φρονήσεως καὶ σοφίας) ; et, par eux-mêmes, absolument, ni ces biens ni les maux opposés ne
possèdent aucune valeur. – Il est visible, dit Clinias, qu’il en est vraisemblablement comme tu le dis. –
Dès lors, à quel résultat sommes-nous conduits en partant de ce que nous avons dit ? N’est-ce pas à celui-
ci : que, par ailleurs, il n’y a rien qui soit ni un bien, ni un mal ; tandis qu’il existe deux choses, dont l’une
est un bien, la sagesse, et l’autre un mal, l’ignorance ? » Il en tombait d’accord. (281 d-e ; trad. Robin
légèrement modifiée)

Mais quelle est cette science capable de nous garantir une utilisation correcte de tout ce
qui, à cette condition seulement, pourra être nommé un « bien » ? C’est ce que Socrate
s’attache à découvrir lorsqu’il reprend son entretien avec Clinias un peu plus loin (288 d-292
e). Bien que cette recherche n’aboutisse pas dans ce contexte, on peut, au vu notamment du
Charmide (174 a-d), conclure que cette science doit être la science du bien et du mal,
responsable de tout ce qu’il y a de bon et d’utile dans toutes les autres activités et donc seule
capable de nous mener au bonheur. Une telle science, comme nous l’apprend le Lachès (199 d-
e), serait identique à la vertu (ἀρετή, « excellence ») – non pas à telle ou telle vertu particulière
(modération, courage, justice, piété), mais bien à la vertu totale, à la vertu en tant que telle.
C’est donc une telle science que Socrate poursuit avec assiduité. Cependant, s’il
l’aborde parfois dans toute sa généralité, comme par exemple dans le Gorgias et le Ménon, il
s’interroge souvent également à propos des vertus particulières, qui en sont autant de figures
partielles. Pour ce faire, il se rend auprès de ceux qui passent aux yeux de leurs contemporains
pour des maîtres en une certaine vertu et les interroge sur la nature de cette vertu en leur posant
la question « qu’est-ce que ? » (τί ἐστι;) : qu’est-ce que le courage (Lachès), la modération
(Charmide), la piété (Euthyphron), l’amitié (Lysis), la beauté (Hippias majeur), la justice
(République I) ? Ses interlocuteurs proposent différentes réponses avec plus ou moins
d’assurance, que Socrate examine et réfute une à une : c’est la méthode de l’ἔλεγχος (ἐλέγχειν
= réfuter, examiner), première manifestation de la dialectique – à entendre ici au sens large de
méthode d’examen réglé par questions et réponses en vue d’atteindre une définition.
La structure logique de l’elenkhos a été bien mise en évidence par G. Vlastos4 : elle
consiste à montrer l’incompatibilité entre l’opinion émise par l’interlocuteur et une ou des
autres opinions que celui-ci soutient également. Il s’agit donc de montrer que l’interlocuteur est
incohérent, non pas au sens où l’opinion qu’il émet serait contradictoire en soi (en ce sens,
l’elenkhos se distingue de la méthode zénonienne de démonstration par l’absurde), mais au sens
où elle contredit d’autres opinions qu’il soutient en même temps. Une telle méthode suppose
que Socrate, tout comme les sophistes, accorde une importance fondamentale à la discussion
dialectique et au logos en général ; mais alors que les sophistes voulaient tout soumettre au
logos entendu comme parole, discours oratoire, et faisaient de la persuasion le critère ultime de
toute vérité, aboutissant ainsi à la suppression de la différence entre vérité et fausseté et au
4
G. Vlastos, « The Socratic elenchus » [1983], repris dans G. FINE (éd.), Plato. 1 : Metaphysics and
Epistemology, Oxford, Clarendon Press, 1999, pp. 36-63.

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relativisme généralisé, Socrate voit avant tout dans le logos l’idée de la raison comme instance
suprême en l’homme selon laquelle celui-ci doit régler sa vie et ses jugements.
Afin d’illustrer ce procédé, nous pouvons nous référer à la manière dont Socrate réfute
l’identité entre le plaisir et le bien soutenue par Calliclès dans le Gorgias (495 e-499 b).
Socrate enchaîne trois réfutations successives de cette thèse. (1) Tout d’abord, il fait
reconnaître à Calliclès qu’il est impossible d’être simultanément heureux et malheureux, tandis
que, de son propre aveu, il est possible d’éprouver simultanément du plaisir et de la douleur –
par exemple lorsqu’on boit en ayant soif, la soif étant une douleur et le fait de boire quand on a
soif un plaisir – ; de sorte que lui-même ne peut en réalité soutenir que prendre du plaisir est
équivalent à être heureux et ressentir de la peine à être malheureux. (2) Ensuite, Calliclès admet
également que dans ce genre de situation, le plaisir de boire cesse en même temps que la
douleur de la soif, tandis qu’il avait admis auparavant que les biens et les maux, quant à eux, ne
cessent pas simultanément ; d’où l’on peut une nouvelle fois conclure que selon Calliclès lui-
même, bien qu’il affirme le contraire, le plaisir n’est pas identique au bien. (3) Socrate continue
en rappelant que Calliclès avait soutenu auparavant que les hommes bons ne sont ni
déraisonnables ni lâches. Or, Calliclès admet également que c’est par le fait que les choses
bonnes sont présentes en lui que l’on peut dire d’un homme bon qu’il est bon. En l’occurrence,
si le plaisir est identique au bien, seront déclarés bons tous les hommes qui éprouvent du
plaisir, et ce dans la mesure même où ils éprouvent du plaisir. Pourtant, même les hommes
déraisonnables et lâches peuvent ressentir du plaisir, parfois même plus que les hommes
raisonnables et courageux. Il faudrait donc les dire également bons, à l’encontre de l’opinion
proclamée de Calliclès.
On voit que dans tous les cas, la méthode de l’elenkhos permet à Socrate de réfuter ses
interlocuteurs sans jamais prendre position lui-même, puisqu’il s’agit simplement de montrer
qu’ils soutiennent des opinions contradictoires entre elles. De fait, Socrate se contente
d’interroger et de réfuter toutes les réponses proposées. C’est pourquoi les dialogues dans
lesquels il pratique cette méthode se terminent tous sur une aporie (ἀπορία = impasse,
difficulté) : la question initialement posée ne reçoit pas de réponse définitive, toutes celles qui
ont été avancées ayant été réfutées. Socrate, quant à lui, ne propose aucune réponse, car il ne
prétend nullement posséder le moindre savoir à ce sujet. C’est ce que l’on nomme « l’ignorance
socratique », qu’il s’agit de bien comprendre. Pour ce faire, examinons la manière dont Socrate
présente sa démarche dans l’Apologie de Socrate5, qui relate sa défense lors du procès qui
conduira à sa condamnation à mort en 399.
Appelé à répondre à l’accusation de Mélétos et d’Anytos, Socrate explique l’émergence
des calomnies dont il fait l’objet de la manière suivante. On l’a confondu avec un sophiste en
l’affublant du nom de sophos (« sage »), alors qu’il n’a rien de commun avec ces personnages.
Il veut bien admettre qu’il détient une certaine sophia (« sagesse »), mais il s’agit d’une sophia
d’un tout autre ordre que celle que revendiquent ceux qui passent pour savants aux yeux des
autres hommes. En effet, faisant mine de tout savoir, ceux-ci prétendent posséder une sophia
non pas humaine, mais divine ; tandis que la seule sophia que revendique Socrate est celle qui
est propre à l’être humain (ἀνθρωπίνη σοφία). Afin d’expliquer en quoi consiste cette « sagesse
humaine », Socrate raconte le célèbre épisode de l’oracle de Delphes. Un jour, son ami
Chéréphon, s’étant rendu à Delphes, osa demander à l’oracle d’Apollon s’il y avait quelqu’un
de plus sage (σοφώτερος) que Socrate ; et la Pythie répondit que personne n’était plus sage.
Chéréphon rapporta cette révélation à Socrate, qui en fut très troublé, dans la mesure où il était
bien conscient de n’être nullement sage (entendez : au sens où ce terme était jusqu’alors
utilisé). Mais Socrate savait également que les dieux ne pouvaient mentir, et décida dès lors de
chercher à comprendre le sens caché de l’oracle. Pour ce faire, il alla trouver ceux qui passaient
5
Les traductions de ce dialogue sont issues de L. Brisson, Platon : Apologie de Socrate – Criton, Introductions,
traductions et notes, Paris, GF Flammarion, 1997², parfois légèrement modifiées.

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pour les plus sages aux yeux de ses concitoyens, en commençant par les hommes politiques, et
se mit à les interroger et à les soumettre à l’examen dans le but avoué de réfuter (ἐλέγχειν) la
réponse de l’oracle en montrant qu’il y avait plus sage que lui. Or c’est tout le contraire qui se
produisit : en effet, il se rendit bien vite compte que ces gens n’en savaient en réalité nullement
plus que lui. De sorte qu’à chaque fois, Socrate tirait la même conclusion :

Je suis plus sage (σοφώτερος) que cet homme-là. En effet, il est à craindre que nous ne sachions ni l’un ni
l’autre rien de beau ni de bon, mais, tandis que, lui, il s’imagine qu’il sait quelque chose alors qu’il ne sait
rien, moi qui effectivement ne sais rien, je ne vais pas m’imaginer que je sais quelque chose. En tout cas,
j’ai l’impression d’être plus sage que lui du moins en ceci qui représente peu de chose : je ne m’imagine
pas savoir ce que je ne sais pas. (21 d)

Socrate recommence l’expérience avec des poètes puis avec des artisans, et il aboutit à
une conclusion identique : même dans le cas où, comme les artisans, ces hommes connaissent
des choses que lui-même ne connaît pas, en ce qui concerne les choses les plus importantes (τὰ
μέγιστα), à savoir les questions morales que nous avons évoquées plus haut, tous se trouvent
dans le même état d’ignorance, sinon que lui seul est conscient de cet état. Socrate en tire la
leçon générale suivante :

Mais, citoyens, il y a bien des chances que le vrai sage, ce soit le dieu, et que, par cet oracle, il ait voulu
dire la chose suivante : la sagesse humaine présente peu de valeur, et peut-être même aucune. Et, s’il a
parlé de ce Socrate qui est ici devant vous, c’est probablement que, me prenant pour exemple, il a utilisé
mon nom, comme pour dire : « Parmi vous, humains, celui-là est le plus sage qui, comme Socrate, a
reconnu que selon la vérité il ne vaut rien sous le rapport de la sagesse ». (23 a-b)

La sagesse de Socrate, cette sagesse « humaine » qu’il oppose à la sagesse « divine »


revendiquée par ceux qui passent pour des sages aux yeux des autres hommes, ne consiste donc
en rien d’autre que la reconnaissance de sa propre ignorance. C’est en ce sens que Socrate est le
seul à respecter l’adage qui figurait à l’entrée du sanctuaire de Delphes, le fameux « Connais-
toi toi-même » (γνῶθι σεαυτόν) : se connaître soi-même, c’est d’abord ne pas croire qu’on sait
ce qu’on ne sait pas, être capable de reconnaître sa propre ignorance. C’est ce qui explique
l’importance de l’elenkhos, cette méthode d’examen qui permet de réfuter toutes les sagesses
apparentes en en montrant l’inconsistance.
Mais si une telle sagesse est la seule qui nous soit accessible, cela ne signifie-t-il pas
que la vertu, que Socrate a toujours identifiée à une science, est également hors de notre
portée ? Dès lors, cela n’implique-t-il pas que le bien lui-même, et donc le bonheur, nous
demeureront à jamais inaccessibles ? La situation est en réalité beaucoup plus complexe. En
effet, toute l’Apologie est consacrée à montrer que Socrate a toujours évité l’injustice et était le
plus juste des hommes. D’ailleurs, Socrate y déclare explicitement ce qui suit :

… pour un homme, le bien le plus grand (μέγιστον ἀγαθόν), c’est de s’entretenir tous les jours de la vertu
et de tout ce dont vous m’entendez discuter, lorsque je soumets les autres et moi-même à cet examen, et
(…) je vais jusqu’à dire qu’une vie à laquelle cet examen ferait défaut ne mériterait pas d’être vécue…
(38 a)

Socrate estime donc que c’est dans l’examen dialectique lui-même que réside le plus
grand bien, et dès lors le plus grand bonheur ; bien plus, il n’hésite pas à affirmer qu’agissant
comme il le fait en interrogeant sans cesse ses concitoyens et en les confrontant à leur
ignorance, il les rend réellement heureux (cf. 36 d). Le bonheur dont il est ici question n’est pas
seulement un bonheur de substitution, lié à notre triste condition mortelle, puisque ayant appris
qu’il était condamné à mort, Socrate se réjouit à l’avance des discussions passionnantes qu’il
aura certainement dans l’au-delà avec les grands hommes du passé :

5
Et tout naturellement, le plus intéressant, c’est que je pourrais, en conversant avec eux, soumettre les gens
de là-bas à l’examen et à l’enquête auxquels je soumets les gens d’ici-bas, pour découvrir qui d’entre eux
sait quelque chose et qui ne sait rien en s’imaginant savoir quelque chose. Que ne donnerait-on pas,
juges, pour soumettre à cet examen celui qui a conduit devant Troie cette grande armée [sc.
Agamemnon], Ulysse ou Sisyphe, et tant d’autres hommes et de femmes que l’on pourrait nommer ?
Discuter avec ceux de là-bas, vivre en leur société, les soumettre à examen, ne serait-ce pas le comble du
bonheur (ἀμήχανον... εὐδαιμονίας) ? (41 b-c)

Socrate n’aspire à rien d’autre que pouvoir continuer à faire ce qu’il a fait toute sa vie :
il n’espère pas que la mort lui apportera les réponses à ses questions, mais qu’elle lui permettra
de continuer à s’interroger lui-même et à interroger les autres en remettant sans cesse tout
prétendu savoir en question.
L’examen dialectique n’est donc pas pour Socrate un simple moyen capable de nous
mener au savoir, mais une fin en soi, puisque c’est sa pratique elle-même qui est susceptible de
nous rendre vertueux et de nous mener au bonheur. Or cela implique que cet examen est par
lui-même une science, et plus précisément la science du bien, puisque nous avons vu que seule
celle-ci pouvait nous rendre heureux. La position de Socrate relativement au savoir est donc
complexe – elle est, au sens propre du mot, « ironique ». D’un côté, il est tout à fait sincère en
se déclarant ignorant, car il est vrai qu’il ne détient aucun savoir du type revendiqué par les
sophistes et ses contemporains. Mais d’un autre côté, il possède bel et bien un savoir d’un type
radicalement nouveau : cette méthode d’examen qui lui permet de remettre en question toute
croyance figée, et ce, non pas dans le but de contredire pour le plaisir, ce qui semblait parfois
être l’objectif des sophistes, mais parce que cette recherche incessante est par elle-même
capable de nous rendre vertueux, et par là même heureux.
Cette pratique de Socrate, qui paraissait tourner en ridicule les personnages les plus en
vue de la cité, était loin de plaire à tout le monde. La remise en question radicale des valeurs
traditionnelles qu’elle opérait paraissait dangereuse aux défenseurs de l’ordre établi, d’autant
plus qu’elle semble avoir eu une grande influence sur la jeunesse d’alors. Il faut dire également
que certains « disciples » de Socrate, en particulier Critias et Alcibiade, ont participé à des
épisodes peu glorieux de l’histoire athénienne, et que Socrate a sans doute été considéré
comme au moins indirectement responsable de leurs exactions. L’indépendance religieuse de
Socrate, qui paraissait faire peu de cas des dieux traditionnels et surtout prétendait entendre en
lui-même la voix d’un « démon » lui interdisant d’accomplir certaines actions (et, selon la
version de Xénophon, lui conseillant d’en accomplir d’autres), semble également être apparue
comme une menace pour l’ordre civique. Toujours est-il qu’en 399 avant notre ère, alors qu’il
était âgé de septante ans, Socrate fut accusé par Anytos, Mélétos et Lycon de corrompre la
jeunesse, de ne pas croire aux dieux de la cité et d’introduire de nouvelles divinités. Au cours
de son procès, Socrate refusa de se plier aux pratiques de défense traditionnelles (discours
apologétique, supplications, etc.), ne voulant utiliser d’autre témoin que sa propre vie de
justice. Cette attitude a pu passer pour de l’arrogance ; en tout cas, Socrate fut condamné à
mort. Il accepta cette condamnation sans fléchir, refusa de s’enfuir de sa prison pour s’exiler
dans une autre cité (ce qui semble avoir été une pratique relativement courante dans les cas de
ce genre) et but la ciguë quelques jours plus tard au milieu de ses amis, avec un calme et une
noblesse d’âme que Platon a immortalisés dans les dernières pages du Phédon et qui l’ont fait
passer à jamais dans la légende.

Lectures conseillées

Pour la lecture platonicienne de Socrate, voir surtout les Dialogues du « premier groupe » (cf.
plus loin), souvent courts et de premier accès relativement aisé. Outre ceux qui ont été conseillés pour
les sophistes, lire en particulier l’Apologie de Socrate, le Lachès, le Charmide, l’Euthyphron et le Lysis.

6
Pour tous ces dialogues, les traductions de L. Robin dans la « Bibliothèque de la Pléiade » et les
nouvelles traductions en « GF Flammarion » sont généralement très bonnes.
La présentation de Xénophon est essentiellement contenue dans ses Mémorables, œuvre dont il
existe une très bonne édition et traduction par M. Bandini et L.-A. Dorion aux éditions des Belles
Lettres dans la Collection des Universités de France dite « Budé » (Paris, 2000 pour le premier tome,
2011 pour les deuxième et troisième tomes), mais qui n’est malheureusement plus disponible en livre de
poche à l’heure actuelle.

2) Les socratiques

À la différence des sophistes, Socrate n’eut pas à proprement parler de disciples, mais
seulement des compagnons ou des amis qui le suivaient, l’écoutaient et partageaient son mode
de vie. Parmi ceux-ci, plusieurs ont entrepris après sa mort de composer des dialogues le
mettant en scène, sans doute d’abord dans un but apologétique (réhabiliter Socrate contre les
calomnies dont il avait fait l’objet), mais également afin de développer leur propre conception
de la philosophie à partir de l’impulsion socratique. Les plus connus d’entre eux sont Platon,
Xénophon, Eschine, Antisthène, Euclide de Mégare et Aristippe. Ces quatre derniers
appartiennent à ce que l’on appelle, assez injustement, les « petits socratiques » ou
« socratiques mineurs » – injustement, car cette appellation résulte non pas de l’importance
moindre de leur philosophie, dont nous pouvons très difficilement juger, mais de l’état
lacunaire de nos sources. En effet, toutes les œuvres de ces auteurs sont perdues : nous n’en
possédons plus que de très rares fragments, que nous devons compléter par les allusions et les
résumés compilés par les doxographes (sc. les auteurs qui rapportent les « opinions » ou les
« doctrines » – δόξαι – des anciens philosophes). Pour certains de ces auteurs, l’essentiel de
notre documentation est constitué par les anecdotes biographiques rapportées par DIOGÈNE
LAËRCE (début du IIIe s. de notre ère), anecdotes dont l’authenticité est le plus souvent
douteuse, mais qui nous présentent ces philosophes comme incarnant leur doctrine dans leur
vie quotidienne. De fait, s’il est bien une idée socratique qui leur soit commune, c’est que la
philosophie et la vie ne peuvent en aucun cas être séparées, mais s’expriment mutuellement.
Pour le reste, ces auteurs soutiennent parfois des philosophies radicalement opposées les unes
aux autres. Que tous puissent néanmoins se réclamer de Socrate se comprend lorsqu’on se
souvient que ce dernier n’a jamais défendu de doctrine à proprement parler, mais a plutôt initié
un mode d’interrogation dirigé vers les questions éthiques fondamentales et soutenu par une
réflexion logique ou méthodique. Ce trait se retrouve chez la plupart des socratiques, mais
selon des formes à chaque fois différentes.

a. Les mégariques6

EUCLIDE DE MÉGARE (450-365 ?) semble avoir été l’un des tout premiers disciples de
Socrate, qui était son aîné d’une vingtaine d’années. Selon une tradition, il aurait également été
disciple de Parménide, dont il paraît effectivement avoir subi une certaine influence ; mais il
semble toutefois que ce soit l’inspiration socratique qui demeure la plus déterminante dans sa
pensée.

6
Cette section est largement inspirée de R. Muller, Introduction à la pensée des mégariques, Paris-Bruxelles,
Vrin-Ousia, 1988, ainsi que de l’édition commentée des fragments mégariques publiée par le même auteur (voir
ci-dessous dans les lectures conseillées).

7
Très tôt, Euclide paraît s’être illustré par son goût de la discussion, voire de la dispute
verbale, ce qui lui aurait déjà valu les remontrances de Socrate. Or, cet intérêt résultait
visiblement de préoccupations éthiques. En effet, l’une de ses thèses centrales était que

le bien est un, en dépit des noms multiples qu’on lui donne : tantôt pensée, tantôt dieu, quelquefois
intelligence, etc. Quant aux contraires du bien, il les supprimait, disant qu’ils n’étaient pas. (fr. 24
Döring)

On décèle souvent dans cette thèse l’influence de la doctrine éléatique de l’unité de l’être. Mais
en réalité, l’affirmation de l’unité du bien et la négation de la réalité substantielle des maux
rappelle surtout la thèse socratique de l’unité de la vertu et de l’universalité du bien véritable.
L’originalité d’Euclide réside dans un renforcement du caractère abstrait et universel de cette
thèse, renforcement qui témoigne d’une conception extrêmement exigeante et exclusive de la
rationalité, selon laquelle seul est ce qui est parfaitement déterminé par la raison. C’est
pourquoi une part de plus en plus importante de l’activité philosophique de l’école fondée par
Euclide va consister à explorer la nature et les limites de la raison, et à soumettre à une critique
serrée toutes les prétentions à la rationalité qu’elle juge abusives.
Cette exploration se poursuit selon plusieurs axes. D’abord, l’étude, voire la création,
d’un certain nombre d’arguments mettant en lumière des difficultés logiques ou langagières.
Parmi ceux-ci, les plus connus sont le Menteur, le Caché (également appelé l’Électre ou le
Voilé), le Sorite, le Chauve et le Cornu, dont la plupart sont attribués à l’un des successeurs
d’Euclide nommé EUBULIDE (IVe s. avant notre ère). Certains de ces arguments posent des
difficultés réelles qui ont encore été étudiées par les logiciens du vingtième siècle (par exemple
le Menteur : si je dis que je mens, dis-je la vérité ? Si je dis la vérité, alors je mens, et je ne dis
donc pas la vérité ; mais si je ne dis pas la vérité, alors je ne mens pas, et je dois donc dire la
vérité) ; d’autres en revanche semblent reposer sur de simples jeux de mots (par exemple le
Cornu : « Ce que tu n’as pas perdu, tu l’as ; or tu n’as pas perdu de cornes ; donc tu as des
cornes ») et ont beaucoup contribué à ternir l’image des mégariques, considérés comme de
simples « éristiques ». Mais on peut penser que sous la plaisanterie se cache une intention
sérieuse, à savoir la volonté de mettre au jour les différents présupposés, logiques et extra-
logiques, nécessaires au bon fonctionnement de la raison.
C’est également le but poursuivi par le deuxième axe de réflexion des mégariques, à
savoir l’analyse des notions logiques. Dans ce domaine, les mégariques furent particulièrement
novateurs, à tel point que selon nos sources, ce serait CLINOMAQUE (IVe s. avant notre ère), un
disciple d’Euclide, qui aurait été « le premier à avoir écrit sur les propositions, les prédicats et
autres questions de cette nature » (fr. 32 A Döring) – ce qui en fait en réalité le véritable
fondateur de la logique des propositions, dont la création est généralement attribuée aux
stoïciens. L’un des problèmes qui semblent avoir retenu l’attention des mégariques est la
définition des constantes logiques, notamment de l’implication, qui a fait l’objet d’un débat
célèbre entre deux représentants de l’école au tournant du IVe et du IIIe s. avant notre ère :
DIODORE CRONOS et son élève PHILON (surnommé « le Dialecticien » pour le distinguer
d’autres Philon que nous rencontrerons plus loin). De manière très générale, l’implication peut
être caractérisée comme une relation entre deux propositions dont la première, appelée
« antécédent », peut être introduite par « si », et la seconde, appelée « conséquent », peut être
introduite par « alors ». On dira donc que « si p, alors q » – où p et q représentent des
propositions – est une implication. La question est de savoir dans quels cas une telle
implication est vraie et dans quels cas elle est fausse. Philon disait qu’est vraie toute
implication d’une proposition par une autre dont la proposition antécédente n’est pas vraie
lorsque la proposition conséquente est fausse. Cela correspond en réalité à la définition de
l’implication appelée depuis Bertrand Russell (logicien du début du vingtième siècle)
« implication matérielle », qui demeure l’un des opérateurs fondamentaux de la logique

8
formelle contemporaine. Or, une telle définition signifie qu’il peut y avoir implication entre des
propositions qui n’ont aucun rapport entre elles : par exemple, « s’il fait jour, je parle » est une
implication vraie pour autant qu’elle soit prononcée quand il fait jour et que je parle. Bien plus,
une telle implication est également vraie lorsqu’il fait nuit, que je parle ou non ; car elle
commence alors par le faux, et donc ne tombe pas sous le cas proscrit par la définition susdite.
De manière générale, toute implication dont l’antécédent est faux est vraie, que le conséquent
soit vrai ou faux et quel que soit son rapport à l’antécédent ; et inversement, toute implication
dont le conséquent est vrai est elle-même vraie, que l’antécédent soit vrai ou faux et quel que
soit son rapport au conséquent. Par exemple, une implication du type « si la lune est verte, les
caniches ont des ailes » est une implication vraie selon Philon et la logique contemporaine, tout
comme « si la terre vole, Londres est la capitale de l’Angleterre ». De tels « paradoxes »,
reconnus et admis par la plupart des logiciens contemporains, en ont conduit d’autres,
notamment Lewis, à proposer d’autres définitions de l’implication. C’est déjà ce qu’a fait
Diodore Cronos, qui corrige la définition de Philon en disant qu’une implication est valide si
elle ne peut commencer par le vrai et finir par le faux, bref en considérant que la relation entre
l’antécédent et le conséquent ne peut être arbitraire, mais doit être nécessaire. Une telle
définition suscite d’autres difficultés, mais ce qui est intéressant ici est de remarquer que les
discussions logiques qui agitaient l’école de Mégare annonçaient sur des points fondamentaux
certaines de celles qui prirent place au vingtième siècle.
Diodore Cronos s’est également intéressé de près aux notions modales, c’est-à-dire aux
notions telles que le possible, l’impossible, le nécessaire et le non-nécessaire. Il est l’auteur
d’un argument célèbre qui a joué un grand rôle dans les discussions antiques sur cette question,
nommé « argument souverain » ou « argument dominateur » (κυριεύων λόγος). Cet argument
se fonde sur la reconnaissance d’une incompatibilité entre les trois propositions suivantes : (1)
« Toute vérité passée est nécessaire » ; (2) « Quelque chose d’impossible ne suit pas de quelque
chose de possible » ; et (3) « Il y a quelque chose de possible, qui n’est ni ne sera vrai ». En
quoi ces trois propositions sont-elles incompatibles ? Prenons l’exemple de quelqu’un qui n’est
pas ni ne sera jamais un gouvernant7. La proposition « x gouverne », à quelque moment qu’elle
soit prononcée, est donc une proposition fausse, de même que la proposition « il a été vrai que
x gouvernerait », qui en est une conséquence. En revanche, la proposition « il a été faux que x
gouvernerait » est une proposition vraie portant sur le passé, donc, d’après (1), une proposition
nécessaire. Or cette dernière proposition est incompatible avec la précédente, qui est donc non
seulement fausse, mais impossible. Et dans la mesure où cette proposition (« il a été vrai que x
gouvernerait ») est une conséquence de « x gouverne », et que, d’après (2), l’impossible ne suit
pas du possible, « x gouverne » doit elle-même être impossible. Une proposition qui est
toujours fausse est donc impossible. Mais cela contredit (3), d’après laquelle il y a du possible
qui n’est ni ne sera vrai. Selon Diodore, c’est précisément cette dernière proposition qui est
erronée, car les deux premières lui paraissent quant à elles beaucoup plus plausibles. C’est
pourquoi il définit le possible comme « ce qui est ou sera (vrai) », excluant dès lors toute idée
d’un possible qui ne se réalisera pas. Une telle position a paru inacceptable à d’autres
philosophes, notamment aux stoïciens, qui considéraient qu’elle conduisait à ce qu’on a appelé
un « fatalisme logique » ne laissant plus aucune place à la liberté humaine (puisque tout ce qui
est possible se réalisera, et que ce qui ne se réalisera pas est purement et simplement
impossible)8 ; mais, considérant néanmoins l’argument comme valide, ceux-ci en ont été
réduits à nier l’une des deux autres propositions (d’après Épictète, Cléanthe nia la première,
Chrysippe la deuxième), ce qui suscite d’autres problèmes également redoutables. Cela montre

7
L’exemple et l’explication qui suivent sont empruntés à A.A. Long et D.N. Sedley, Les philosophes
hellénistiques, Paris, GF Flammarion, 2001 [1987], T. II, p. 171.
8
Les stoïciens admettaient en revanche un fatalisme physique, comme nous le verrons.

9
une fois de plus combien les arguments des mégariques ont contribué aux débats
philosophiques de leur temps.
Enfin, un troisième axe de l’exploration mégarique de la rationalité consistait dans la
critique de théories soutenues par d’autres philosophes, critiques qui tendaient à montrer que
les théories en question n’étaient pas à la hauteur des normes imposées par la stricte rationalité.
C’est ainsi que Diodore critiqua les théories qui prétendaient rendre compte du mouvement, au
nombre desquelles figurait celle d’Aristote qui faisait usage du concept de « puissance »,
concept que Diodore jugeait contradictoire en soi, tout comme la conception d’un possible
pouvant ne pas se réaliser. Diodore ne voulait certainement pas nier par là l’existence du
mouvement, comme on le croit souvent, mais plutôt montrer que de tels phénomènes
échappaient aux prises de la raison au sens propre. Cela revenait à confiner la raison à l’examen
des pures réalités conceptuelles, seules à la hauteur des exigences de ce rationalisme extrême.
Une telle démarche n’est pas sans rappeler celle de Zénon d’Élée à propos du même problème,
ce qui explique que l’école mégarique ait souvent été considérée comme l’héritière de
l’éléatisme.
Tout ceci semble nous éloigner de l’intention première d’Euclide, dont nous avons vu
qu’elle était de nature éthique. Cette préoccupation éthique refait toutefois surface chez
STILPON (IVe-IIIe s. avant notre ère), l’un des derniers représentants de l’école mégarique.
Celui-ci aurait anticipé la morale stoïcienne par son affirmation de l’auto-suffisance absolue du
sage et de son indifférence à tout ce qui ne dépend pas de lui. Une anecdote célèbre met bien en
lumière cet aspect : alors que Mégare venait d’être prise par le Macédonien Démétrios, celui-ci
aurait demandé à Stilpon s’il avait subi des pertes ; Stilpon aurait répondu : « Ma foi, non ! car
on n’emporte pas la vertu comme butin de guerre ! » (fr. 151 Döring) Notons qu’une telle
morale de l’insensibilité et de l’indifférence envers les choses particulières et appuyée sur une
confiance agissante en la raison est en parfaite conformité avec la thèse euclidienne de l’unité
du bien et de l’inexistence des maux. Or, une telle morale n’est pas sans évoquer celle
également prônée à la même époque par les cyniques, qui y aboutissaient toutefois par une tout
autre voie.

b. Antisthène et les cyniques

Le Cynisme prétend se rattacher à Socrate par l’intermédiaire d’ANTISTHÈNE (445-peu


après 366 ?), l’un des « disciples » les plus proches de Socrate9. Antisthène a beaucoup écrit,
sur des sujets extrêmement variés : rhétorique, dialectique, éthique, politique, théologie,
eschatologie, critique littéraire (interprétations d’Homère)… Il défendait la valeur
fondamentale de l’éducation pour former l’intelligence, qui seule rend la vie digne d’être vécue
– à tel point qu’il aurait déclaré : « Il faut posséder l’intelligence ou une corde pour se pendre »
(fr. 112 Paquet). Comme Socrate, il considère que cette formation doit essentiellement avoir
une visée éthique, et que celle-ci peut s’accomplir par le biais de la dialectique. Cependant, il
s’éloigne de Socrate sur deux points interdépendants : d’une part, en considérant que la sagesse
du philosophe ne s’identifie pas simplement à la reconnaissance de sa propre ignorance, mais
comporte un certain contenu positif ; et d’autre part, en ce qu’il n’assimile plus la dialectique à
la simple réfutation, mais à une démarche s’attachant à l’examen des noms afin d’en déterminer
le sens exact. Un tel examen a pour but d’atteindre le « discours propre » (οἰκεῖος λόγος) de
chaque chose, discours qui désigne non pas une « essence » au sens platonicien ou
aristotélicien du terme – car pour Antisthène, seuls existent les individus concrets pourvus de
qualités déterminées –, mais le « trait caractéristique » de la chose en question, trait par lequel
9
La présentation d’Antisthène qui suit s’inspire largement d’A. Brancacci, Antisthène. Le discours propre, Paris,
Vrin, 2005² [1990].

10
elle se distingue de toutes les autres choses. Ce sont ces discours propres qui constituent le
contenu de la science, qui se distingue radicalement de l’opinion en ce que l’erreur et la
contradiction y sont impossibles – en effet, à tout discours propre correspond une et une seule
chose, et inversement ; de sorte que si deux personnes énoncent deux discours propres
différents, elles parlent tout simplement de choses différentes et ne se trompent ni ne se
contredisent.
À première vue, les implications éthiques de cette théorie ne sont pas évidentes. Mais en
réalité, l’examen des noms antisthénien s’applique essentiellement à des notions éthiques, qu’il
a pour but de délimiter très précisément selon des critères eux aussi éthiques. Une telle
délimitation est la condition de possibilité de l’application concrète de ces notions, et en
particulier de l’exercice de la vertu. C’est pourquoi Antisthène disait que « quoi que fasse le
sage, il l’accomplit en toute vertu » : seul le sage est pleinement vertueux, car lui seul sait très
exactement ce qu’est la vertu, ce qui lui permet de la réaliser dans toutes les situations qui se
présentent à lui. Or, pour Antisthène, la vertu est le souverain bien (fr. 34 Paquet). Cependant,
Antisthène ajoute que la vertu ne devient pleinement suffisante pour atteindre le bonheur que
lorsqu’on lui associe la force d’âme (ἰσχύς) d’un Socrate (fr. 66 Paquet). Cette précision nous
fait sortir du pur intellectualisme socratique et introduit la nécessité d’un « exercice » autre
qu’intellectuel dans la vie morale, exercice dont le modèle est non seulement Socrate, mais
aussi le héros grec Héraklès. C’est cet aspect de la philosophie d’Antisthène qui va être
particulièrement développé par les cyniques.
Le lien entre les cyniques et Antisthène est en réalité très controversé. La tradition fait
de DIOGÈNE DE SINOPE (412/403 – 324/321 ?), véritable fondateur du Cynisme, le disciple
direct d’Antisthène ; mais il est douteux qu’ils aient jamais eu des contacts personnels, puisque
Diogène est sans doute arrivé à Athènes peu avant 340, alors qu’Antisthène est mort peu après
366. Il reste possible que Diogène ait été influencé par la lecture des ouvrages d’Antisthène, et
en particulier par sa conception du sage, qu’il s’attacha à radicaliser et à mettre en pratique.
Diogène est censé avoir été condamné à l’exil de Sinope, sa ville natale, pour avoir
trempé dans une sombre affaire de falsification de monnaie. Quelle que soit la vérité historique
de cette anecdote, elle permet un jeu de mots qui aide à comprendre la démarche de Diogène.
En effet, « monnaie » traduit le terme grec νόμισμα, qui signifie également « coutume ». Or,
l’action de Diogène se manifeste par une attaque en règle contre toutes les coutumes, toutes les
valeurs établies. D’après la reconstitution quelque peu hagiographique que l’on trouve dans nos
sources, sa mission lui serait apparue grâce à Antisthène, qui aurait déclaré qu’il y avait deux
voies pour atteindre la vertu, comme il y avait deux routes pour monter à l’Acropole
d’Athènes : l’une longue et tortueuse, mais plus facile ; l’autre directe, mais très escarpée.
Alors que tout le monde, effrayé par la difficulté de la seconde voie, choisissait la première, à
savoir la voie passant par la connaissance, Diogène choisit la route la plus ardue, censée le
conduire directement à la vertu et au bonheur, sans nécessiter de formation intellectuelle
particulière. Or, cette voie est celle de l’exercice ou de l’ascèse (ἄσκησις) : ascèse
essentiellement physique, mais à finalité morale ou éthique10. Le but visé est en effet
d’atteindre une parfaite liberté et une parfaite autarcie, c’est-à-dire une indépendance totale par
rapport à tout ce qui risque de contrevenir à l’exercice de cette liberté. À cette catégorie
appartiennent non seulement les biens matériels, mais également toutes les conventions
sociales et, de manière générale, ce que l’on peut nommer les « produits de la civilisation » qui,
en créant des besoins inutiles et artificiels, nous empêchent d’atteindre une vie autarcique et
conforme à la nature. L’ascèse cynique consiste à manifester par son comportement quotidien
sa souveraine indifférence à l’égard de toutes ces choses, et ce afin de s’en libérer
effectivement jusqu’aux tréfonds de son âme. D’où d’innombrables anecdotes qui nous
10
Sur ce point, cf. M.-O. Goulet-Cazé, L’ascèse cynique. Un commentaire de Diogène Laërce VI 70-71, Paris,
Vrin, 1986.

11
montrent Diogène vivant dans un tonneau (ou plus exactement dans une grande jarre) et se
promenant dans les rues d’Athènes avec pour toutes possessions sa besace et son bâton, sale,
mendiant, mangeant et se masturbant en pleine rue, agressant verbalement ou physiquement les
passants, n’hésitant pas à injurier les hommes les plus puissants de son temps et ne manquant
pas une occasion de faire sentir aux autres combien ils étaient éloignés de l’idéal de la vertu qui
seul pourrait les rendre véritablement humains11. De là lui vint son surnom de « chien » (κύων
en grec, d’où l’appellation de « cynique »), surnom que non seulement il accepta, mais qu’il
revendiqua par la suite en disant qu’il était un chien de race, de ceux que les gens admirent,
mais ont peur de suivre à la chasse. Son rejet des conventions allait jusqu’à défendre l’inceste
et le cannibalisme, considérant que ceux-ci n’étaient nullement contre-nature, comme en
témoignerait leur acceptation par d’autres peuples. C’est qu’à l’encontre des particularismes
régionaux, Diogène revendiquait le statut de « citoyen du monde », annonçant ainsi le
cosmopolitisme stoïcien. Il est certain qu’il y avait une bonne dose de provocation dans les
paroles et les actes de Diogène, mais celle-ci était tout à fait assumée : en effet, il se serait
comparé à un maître de chœur qui donne le ton au-dessus de la normale de façon à ce que les
autres puissent tomber sur la note juste (fr. 35 Paquet).
Sans qu’on puisse parler proprement d’une école, le mode de vie cynique a connu des
représentants jusqu’au sixième siècle de notre ère. Parmi eux, l’un des plus célèbres est sans
doute CRATÈS, « disciple » direct de Diogène. Homme riche, il distribua toutes ses richesses
pour vivre en cynique (fr. 18-21 Paquet) – à moins que Diogène ne l’ait convaincu de les jeter à
la mer (fr. 30-31 Paquet) – en disant : « Cratès dérobe Cratès de ses biens, de peur qu’ils ne
possèdent leur possesseur. Cratès affranchit ainsi Cratès de Thèbes ». Il prêchait la modération
et était surnommé « l’ouvreur de portes », à cause de sa manie d’entrer partout pour
admonester les gens (fr. 6-7 Paquet). Cratès est encore connu pour deux choses : d’abord, ses
ébats publics avec sa femme Hipparchia, également adepte du mode de vie cynique ; ensuite, le
fait d’avoir été l’un des maîtres de Zénon de Citium, le fondateur du stoïcisme. Par
l’intermédiaire de celui-ci, une part importante de la morale cynique sera intégrée dans le
stoïcisme, à la différence majeure que ce dernier tentera de concilier le radicalisme moral du
sage et son autarcie avec un conformisme social à mille lieues des provocations cyniques.

c. Aristippe et les cyrénaïques

À première vue, ARISTIPPE DE CYRÈNE (435 – 356 ?) se situe aux antipodes de l’idéal
cynique. Loin de mener une vie frugale, celui-ci ne se privait pas d’un certain luxe : il portait
des vêtements élégants, se parfumait, commandait des mets rares et variés… Il fut d’ailleurs le
premier des socratiques à enseigner contre salaire, à la manière des sophistes. Il s’en justifiait
en disant qu’il se faisait rémunérer non par amour de l’argent, mais afin que les autres
apprennent à quoi l’argent est utile. D’ailleurs, selon certains témoignages, un jour qu’il
naviguait, il aurait jeté tout ce qu’il possédait par-dessus bord à l’approche de pirates, estimant
qu’il valait mieux perdre ses biens que lui-même. De fait, s’il semble ne s’être privé d’aucun
plaisir, ce n’était pas en raison de son intempérance, mais au contraire parce qu’il estimait que
la vertu ne consiste pas à s’abstenir des plaisirs, mais à les maîtriser sans se laisser subjuguer
par eux, ce qui suppose que l’on soit capable d’en jouir sans excès. C’est ainsi qu’à ceux qui lui

11
On connaît l’anecdote célèbre de Diogène qui, interrogé sur la raison pour laquelle il se promenait en plein jour
avec une lampe allumée, répondit : « Je cherche un homme ». Dans le même genre, cf. fr. 22 Paquet : « Un jour, il
s’écria : “Holà ! des hommes !” Tandis que des gens s’attroupaient, Diogène les frappa de son bâton en disant :
“C’est des hommes que j’ai appelés, pas des ordures !” » ; ou encore fr. 38 : « Il sortait du bain public ; quelqu’un
lui demanda si beaucoup d’hommes se baignaient : il répondit que non ; un autre, s’il y avait foule : il accorda que
oui ».

12
reprochaient de fréquenter la courtisane Laïs, il répliquait : « Je possède Laïs, je ne suis pas
possédé par elle ». Il ne cherchait donc pas le plaisir à tout prix, mais jouissait sans complexe
de ceux qui se présentaient, capable de s’adapter à toute circonstance. En ce sens, il rejoignait
par de toutes autres voies l’idéal du sage libre et autarcique qui était également celui des
cyniques – Diogène l’aurait d’ailleurs appelé « chien royal », ce qui dans sa bouche était
certainement un compliment. C’est pourquoi Aristippe pouvait également se réclamer de
Socrate, dont il estimait qu’il était mort de la façon dont lui-même aimerait mourir.
Aristippe lui-même ne semble pas avoir développé à proprement parler une doctrine
clairement articulée ; mais, par l’intermédiaire de sa fille, ARETÈ (« Vertu »), et surtout de son
petit-fils, également nommé ARISTIPPE et surnommé « le Métrodidacte » parce qu’il avait
appris la philosophie par sa mère, il fut considéré comme le fondateur de l’école cyrénaïque,
qui eut une certaine présence à l’époque hellénistique. C’est vraisemblablement Aristippe le
Métrodidacte qui a formulé explicitement les principes qui sous-tendaient le mode de vie de
son grand-père. Il élabora ainsi une philosophie hédoniste (c’est-à-dire soutenant que le bien
réside dans le plaisir, ἡδονή) assortie d’une théorie de la connaissance radicalement
subjectiviste. Selon celle-ci, nous ne pouvons saisir que nos affections (παθή), c’est-à-dire la
manière dont notre corps est affecté dans telle ou telle situation, sans jamais pouvoir déterminer
si à ces affections correspondent des causes extérieures à nous et qui pourraient également
affecter d’autres sujets d’une manière semblable. Or, de telles affections sont agréables ou
pénibles, les premières étant bonnes, les secondes mauvaises. L’hédonisme qui résulte de cette
conception est très différent de ce que sera celui d’Épicure, car si les cyrénaïques estimaient
que la fin de toute action est le plaisir, le plaisir qu’ils prônaient par-dessus tout était le plaisir
du corps : quant aux plaisirs de l’âme, ils avaient une valeur infiniment moindre à leurs yeux,
voire ne pouvaient nullement être comptés parmi les plaisirs, ce qui était le cas selon eux de cet
état d’« ataraxie » (absence de trouble) que les épicuriens considéreront de leur côté comme le
plaisir suprême. Bien plus, seul le plaisir vécu dans l’instant serait à proprement parler un
plaisir ; quant aux plaisirs liés à des souvenirs ou à des anticipations, dont les épicuriens feront
si grand cas, ils n’avaient aucune valeur à leurs yeux. Le bonheur serait simplement la
résultante des moments de plaisirs particuliers, qu’il s’agirait de goûter un par un quand ils se
présentent sans pour autant les rechercher, car une telle recherche risquerait d’entraîner des
souffrances.
L’école cyrénaïque semble s’être plus tard divisée en trois tendances principales, qui
prirent le nom de leur fondateur respectif : les Hégésiaques, les Annicériens et les Théodoréens,
qui, tout en partageant les mêmes présupposés hédonistes, se séparaient sur des points
essentiels. Cependant, cette école semble avoir été rapidement supplantée par les grandes
philosophies de l’époque hellénistique avec lesquelles elle partageait certaines affinités :
l’épicurisme dans le domaine moral et le scepticisme du point de vue de la théorie de la
connaissance.

Lectures conseillées

Les œuvres des socratiques étant perdues, nous ne disposons plus que de fragments, dont
l’édition de référence est celle de G. Giannantoni, Socratis et Socraticorum Reliquiae, Naples,
Bibliopolis, 4 vol., 1983-1985 [1990²]. Ils sont traduits dans les recueils suivants : R. Muller, Les
Μégariques. Fragments et témoignages, Paris, Vrin, 1985 ; L. Paquet, Les Cyniques grecs. Fragments
et témoignages, Paris, Le Livre de Poche, 1992 ; M. Onfray, L’Ιnvention du plaisir. Fragments
cyrénaïques, Paris, Le Livre de Poche, 2002 ; P. Gouirand, Aristippe de Cyrène, le chien royal, Paris,
Maisonneuve & Larose, 2005. Voir aussi le livre II de Diogène Laërce, Vies et doctrines des
philosophes illustres, Traduction sous la direction de M.-O. Goulet-Cazé, Paris, Le Livre de Poche (La
Pochothèque), 1999 (éviter l’ancienne traduction en deux volumes aux éditions GF Flammarion).

13

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