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A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,

Francs-Maçons de Rite Ecossais Ancien et Accepté,


Au Nom de la Franc-Maçonnerie Universelle, et
Sous les Auspices de la Grande Loge Unie de Côte
d’Ivoire,
Liberté-Egalité-Fraternité
Respectable Loge Numéro 6
Inscrite à l’Orient d’Abidjan,
Sous le titre Distinctif « Solidarité-Espérance-
Vérité »

Vénérable Maître,

Dignitaires qui siégez à l’Orient,

et Vous Tous mes Frères en vos degrés et qualités,

Le thème de la question bleue à l’étude des Loges de cette année


maçonnique 6023-6024 est intitulé ainsi qu’il suit : « Rien ne meurt, tout est
vivant ».

Ce thème se rapporte donc à la mort et à la vie, deux problématiques placés


au centre de la pensée humaine.

En effet, l’Homme nait, vie et meurt et, de même que nul Homme ne sait avec
exactitude l’origine de la vie, de même, aucun Homme ne peut appréhender
avec précision la mort, puisque, sans expérience, l’on ne peut pas comprendre
un fait.

L’origine de la vie, sujet de multiples théories de divers ordres, demeure


parfaitement incertaine tandis que la connaissance de la mort reste
inimaginable et incompréhensible.

Samuel Butler, écrivain britannique qui a vécu entre 1835 et 1902 disait à juste
titre ceci au sujet de la vie et de la mort : « Si vous voulez contempler l’esprit
de la mort, ouvrez grand votre cœur au corps de la vie. Car la vie et la mort ne
font qu’un, comme le fleuve et la mer ne font qu’un ».

Cet auteur établit ainsi une corrélation entre la vie et la mort et, nous serions
tentés de nous interroger de savoir si la mort ne donne un sens à la vie, ou
bien encore quel est l’intérêt, le but, la finalité de notre vie si, un jour, on doit
disparaître ? Existe-t-il une vie après la mort ?

Un penseur anonyme n’a pas manqué, à cet égard, d’affirmer que « rien ne
meurt, tout est vivant ».
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Pour réfléchir sur cette affirmation, comme cela nous est demandé dans le
cadre de la question bleue à l’étude des loges, nous allons analyser
successivement les différentes interprétations, littéraire, philosophique, et
religieuse, que peut revêtir cette citation et nous aboutirons au point de vue de
la franc-maçonnerie sur cette affirmation.

(i) Interprétations littéraire, philosophique et religieuse de la citation

Partons de l’assertion selon laquelle tout ce qui existe est vivant. Les termes
d'« existence » et de « vie » semblent, à première vue donc équivalents.

Si on se réfère à la définition que donne le Petit Robert, exister, c'est vivre, et


vivre, c'est exister. Vivre ou exister, c'est émerger du néant, c'est avoir une
réalité dans le monde.

Est vivant, tout ce qui s’oppose aux choses physiques et aux objets artificiels
fabriqués par l’homme.

La vie est donc une notion biologique.

L'être vivant a la capacité de se mouvoir de lui-même, et non pas en vertu d’un


principe extérieur, comme c’est le cas pour un objet technique, qui nécessite
la main de l’homme ou une force extérieure pour fonctionner.

L’être vivant est doué d’un certain degré d’autonomie au sein d’un milieu
ambiant et n’a besoin que de lui-même pour se maintenir comme tel.

Aristote, dans son traité intitulé « De l’âme », définit ainsi la vie comme la
« capacité de se nourrir, croître et dépérir par soi-même ».

Ce principe d'autonomie est indissociable du principe de changement, donc de


celui de mouvement qu'Aristote nomme « âme » (anima, faculté d'être animé).

L'« âme » est par conséquent le principe vital et, on peut ainsi distinguer les
êtres vivants des êtres inertes.

L’être vivant est aussi un être capable de se reproduire : un système vivant


produit un autre système vivant, en gardant toutes les caractéristiques de
l’espèce.

Là encore, ce principe d’invariance est contenu dans l’être même.

Enfin, selon le principe de finalité (« téléonomie ») décrit par Aristote, « la


nature ne fait rien en vain ». Chaque organe, chaque partie du corps d'un être
vivant remplit une fonction et participe à la perpétuation et à la conservation de
l'ensemble de l'organisme.

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Cela étant, comme la vie, la mort se présente comme un événement
biologique auquel chaque membre de l’espèce humaine ne saurait échapper,
du fait de son appartenance au règne des vivants.

La mort est un événement naturel au double sens du mot : il s’inscrit dans la


nature de l’homme, comme dans la Nature à laquelle il appartient.

Comme la naissance, la mort est un événement unique dans la vie d’un


individu.

Les biologistes ont coutume d’en faire une exigence de la vie en rappelant que
la mort fait partie du système sélectionné dans le monde animal et dans son
évolution.

La mort est un événement naturel au sens où elle est conforme aux lois de la
nature.

Ainsi donc, on naît, donc on meurt et on meurt donc on naît. Mais, en réalité,
cette vision est trop simple, et même inexacte. En effet, personne ne peut
aujourd’hui affirmer avec certitude que la mort cellulaire programmée, pas plus
d’ailleurs que la sénescence cellulaire, joue un rôle direct dans le
vieillissement et la mort des individus.

Un paradoxe surgit ici qui va nourrir une première ambivalence au sujet de la


mort. La mort est naturelle parce qu’elle est le destin inéluctable de la vie
individuelle, mais cette fatalité n’est pas absolue.

En effet, « Les morts ne sont pas morts » !

Cette phrase célèbre du poète Birago Diop est d’une très haute portée
philosophique et théologique. Elle exprime une vérité fondamentale de la
culture et de la religion traditionnelle africaine.

Cette vérité métaphysique repose avant tout sur la croyance que l’âme
humaine est immortelle. Ainsi, la fin de l’existence terrestre de l’homme
n’équivaut pas à la destruction ou à l’annihilation de son âme.

Les morts continuent d’exister non pas seulement dans la pensée de ceux qui
les ont connus et aimés, mais surtout sous une forme spirituelle, dans le
monde invisible.

Mieux, du fait de leur mort, les défunts deviennent des ancêtres et sont ainsi
associés au monde des « vodu ».

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C’est pourquoi les mânes des ancêtres sont traditionnellement invoqués pour
protéger et récompenser les vivants qui les prient.
(ii) Interprétation franc-maçonnique de l’assertion

La position africaine sur l’assertion objet de nos réflexions est, à quelques


variantes près, la même que partage la Franc-maçonnerie lorsqu’elle affirme,
à l’attention des FF disparus que « si même vous n’entendez pas nos paroles,
si vous ne voyez pas nos signes, notre émotion profonde vous rapproche à
nous. Vous continuez à travailler, car rien ne commence, rien ne cesse et tout
se poursuit ».

Pour la Franc-maçonnerie donc, les morts ne sont pas morts ou, en tout cas,
« rien ne meurt, tout est vivant ».

Cette assertion est d’autant plus vraie que l’initiation elle-même amène le
franc-maçon à accéder à la nuit cosmique par une mort symbolique qui
préfigure la mort biologique, suprême initiation qui relie l’initié à l’infini de la
chaîne des initiés et à l’espérance de la vie nouvelle.

L’initiation apparaît ainsi comme le phénomène humain essentiel puisqu’elle


marque une limite de la vie et se présente à l’humain comme le seul moyen de
compréhension possible pour accéder à la connaissance de ce qui le
dépasse.

Tout en vivant dans le monde profane auquel il appartient, l’homme cherche à


rejoindre sa part d’immortalité dans le Tout vivant, en s’immergeant dans la
roue du paradoxe d’intégration et de séparation qui scande la vie humaine.

L’initiation permet l’émergence d’un nouvel être qui trouve en lui-même un


nouveau monde possible tout en restant solidaire d’une société dont il se
sépare, et l’initiation constitue par là même un prolongement de la vie après la
mort, même symbolique.

Pour ce qui est des frères disparus, la franc-maçonnerie estime qu’ils « ne


sont pas morts. Leur amour du Vrai, du Bien et du Beau reste vivant … aimant
ce qu’ils ont aimé, nous poursuivons avec ferveur l’œuvre à laquelle ils
s’étaient consacrés ».

En conclusion, nous pouvons dire, alors que la psychanalyse et bien d’autres


sciences sociales relient l'être à la mort, en la définissant comme partie
indissociable de la vie, la franc-maçonnerie le renvoie à son immortalité en
intégrant la vie humaine à l'éternité du cosmos. Quand « rien ne meurt, tout
est vivant ».

VM, et vous tous mes FF en vos Degrés et Qualités,

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J’ai dit !

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