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Du Bardeau au Réseau : Une lecture contemporaine de la mort

Cadre général du cours : comment parler de la mort

La Mort est un sujet classique dans tous les arts, au point de devenir presque un

cliché. Dans les représentations de la mise à mort, on retrouve depuis l’antiquité tout

type de morts, des plus saisissantes, comme celle du Troyen dans L’Iliade, transpercé

par une lance dont la pointe acérée lui fait avaler la mort glacée :

Le fils de Phylée, illustre guerrier, s'approche [de Pédée] et, de sa lance aiguë,

le frappe à la tête, du côté de la nuque. Le bronze passe droit à travers les

dents et coupe la racine de la langue. L’homme croule dans la poussière, et ses

dents se ferment sur le bronze froid ;1

à celles qui teintent l’effroi du trépas avec une nuance douce telle la peinture de J. E.

Millais, où l’on voit Ophélie flotter sur les eaux comme apaisée.

Ophelia, John Everett Millais, 1851-18522

1 Homère, Iliade, texte établi et traduit par Paul Mazon, Vol. I, Chants I-VI, Paris, Les Belles lettres,
1987, pp 117-118.
2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Oph%C3%A9lie_(Millais)#/media/Fichier:John_Everett_Millais_-
_Ophelia_-_Google_Art_Project.jpg.

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Dans d’autres arts, comme dans la musique, le fardeau de la mort, corporelle

et spirituelle, joue aussi un rôle essentielle, et il a été exploitée aussi bien par la

musique classique (par exemple, dans la mort d’abord physique et puis éternelle de

Don Giovanni en face du Commendatore chez Mozart)3 que par le Heavy Metal au

XXème siècle (avec la chanson, et surtout la vidéo, de One de Metallica, où un soldat

est maintenu en vie dans un état pire que l’agonie).4 Précisément, à la fin de cette

vidéo, on remarque qu’une assemblée d’employés d’un restaurant lève un verre alors

qu’une sorte de maître d’hôtel entonne une chanson solennelle. En guise de chant

funéraire, cela nous rappelle la prise en charge de la disparition des personnes que

les sociétés ont toujours effectuée face à l’expérience de la Mort.

Au fil du temps, les innumérables conceptions du monde ont créé autant de

rituels en tant que formes qui intègrent la mort comme quelque chose d’acceptable et,

en quelque sorte, de moins inaccessible, tantôt pour ceux qui mouraient, tantôt pour

de ceux qui restaient en vie. Enterrements, crémations (chez les Hindous),

déglutitions (chez les Guayaki d’Amérique du Sud),5 momifications (en Égypte ou au

Pérou), expositions à l’air libre (chez les Tibétains) pour que les restes soient dévorés

par des charognards… Chacune de ces possibilités permettait de créer un lien entre

la vie terrestre et celle d’après la mort. Le défunt, en corps ou en esprit, pouvait

3 https://www.youtube.com/watch?v=7cb1QmTkOAI.
4 La chanson se base sur le roman et film « Johnny Got His Gun » de Dalton Trumbo, où un soldat de la
1ère Guerre mondiale survit sans bras et sans jambes, en plus de ne plus pouvoir voir, parler ou
entendre quoi que ce soit. https://www.youtube.com/watch?v=EzgGTTtR0kc.
5 Pierre Clastres et Lucien Sebag, « Cannibalisme et mort chez les Guayakis (Achén) », Gradhiva, 2 |

2005, 129-133. https://journals.openedition.org/gradhiva/511.

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prétendre ainsi à une deuxième vie qui était idyllique ou infernale, selon son

comportement et le respect ou la violation des règles ouvrant l’accès à l’outre-tombe.

Le rôle des discours au sein de la société était crucial puisque ceux-ci prenaient

en charge la disparition des autres, tout en créant un lien par le biais des mots. Au

cœur même de ce processus, se trouve le Deuil. S’il est accompli, cela permet de

diminuer la douleur des endeuillés proches. En revanche, le cas contraire est source

de préoccupations et des souffrances. Il suffit de rappeler l’horreur que les Grecs

avaient de ne pas être enterrés après la mort, à défaut de quoi le mort était obligé à

errer sans fin. Il y a un écho à cette situation dans le drame qui se joue aujourd’hui

avec les migrants qui meurent noyés lorsqu’ils essaient de traverser la Méditerranée.

Dans un entretien à l’AFP, la médecin légiste Cristina Cattaneo6 raconte que, en

examinant un corps repêché au large, elle a découvert un nœud dans le t-shirt du

naufragé. Ce qu’elle croyait être de la drogue était en réalité de la terre natale qu’il

avait emporté avec lui ; pratique réalisée par cet immigré et bien d’autres. Le fait

d’emmener une partie de son pays avec lui était essentiel, et au-delà de l’image de

prendre son « sol » avec soi, il y a aussi l’image de la terre comme la métonymie

symbolique de l’enterrement à venir – qui rappelle la croyance ancienne grecque ; le

lien maintenu entre la personne et le terroir empêcherait l’esprit de vagabonder sans

fin une fois détaché du corps.

Cependant, quand le rituel du deuil n’est pas accompli, cela met en risque

l’âme/l’esprit du mort, pouvant l’amener à vivre en enfer, voire à réincarner, comme

6 https://twitter.com/afpfr/status/1171298506214014976.

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il arrive aux bouddhistes tibétains (ce qui sera abordé au moment d’analyser

l’ouvrage d’Antoine Volodine Bardo or not Bardo). De la sorte, il faut donc percevoir

les « réponses socio-culturelles » comme une tentative constante pour faire face à la

question transcendantale : quelle vie après la mort ? Autrement dit, est-il possible de

vivre encore après le décès ? Tant que la réponse est positive face à la douleur de la

perte, face à l’angoisse que fait naître la mort, alors les individus peuvent prétendre à

affronter uniquement la mort comme un passage et non comme une fin en soi,

comme la fin de tout. Or, avec la perte des référents transcendantaux, les grands

discours épistémologiques de la religion ou de la science ne peuvent plus assurer

aujourd’hui aujourd’hui, une explication qui rassure l’individu au sein de la société

occidentale. L’homme, de ce fait, se retrouve seul face à la mort, nu, sans savoir

comment affronter le moment ultime de sa vie, incapable de vivre cette expérience en

tant qu’événement.

D’après la phénoménologie, l’événement est la signification que prend un fait,

une action, un geste ou une situation vécus par l’individu et qui sont perçus dans

toute leur complexité. En tant que tel, l’événement est à l’origine de l’existence de

l’individu, qui est alors capable de saisir la portée de ce qu’il a vécu et de

comprendre comment l’événement a bouleversé l’ordre des choses. Il est utile de

faire appel à la phénoménologie afin de poursuivre la réflexion dans ce cours

puisque sa méthode nous permet d’appréhender, grâce à la réflexion théorique, les

phénomènes et d’établir le, les rapports qu’ils gardent vis-à-vis de l’existence de

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l’être humain.7 Existence entendue comme l’accès non tant à un être, immuable, mais

à la conscience qu’un individu possède de la propre individualité à un moment

donné dans toute sa complexité, suite à l’expérience d’une situation bouleversante,

puisque sa compréhension du monde a été (et est toujours) ébranlée, déplacée,

détruite, remodelée, transformée. L’individu est alors obligé à bâtir une nouvelle

vision des choses puisque la précédente a irréversiblement été modifiée.

La mort est, de bien entendu, la situation ultime à laquelle nous serons

confrontés. Avant cela, la liste d’expériences vécues qui affectent notre perception du

monde est vaste, et plus les situations portent atteinte à notre cadre herméneutique

grâce auquel nous décortiquons la réalité, plus nos certitudes seront à refaire. Cela

peut nous arriver avec les œuvres d’art : lorsque nous lisons un livre (de fiction, de

poésie, de théâtre, d’essai…), au moment d’observer un tableau ou une photo,

pendant qu’on regarde une vidéo (de Bill Viola, par exemple)8 ou qu’on assiste à une

mise en scène particulière d’une pièce de théâtre ou d’un concert (les projets

immersifs de Pink Floyd avec Pulse). Afin de comprendre ce qui a été bouleversé, afin

de savoir ce qu’il faut réorganiser (c’est-à-dire ce que l’événement a rendu possible),

il faut d’abord faire un état de lieu. À cet effet, la pensée de Maurice Blanchot sur

l’extase peut nous éclairer. Pour lui, dans La Communauté inavouable, le trait décisif de

l’extase est que,

7 On lira avec intérêt l’ouvrage de Claude Romano, L’existence et le monde, PUF.


8 “Tristan's Ascension” https://www.youtube.com/watch?v=Gqf_cuDf9qI.

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celui qui l’éprouve [l’extase] n’est plus là quand il l’éprouve, n’est donc plus là

pour l’éprouver. Le même (mais il n’est plus le même) peut croire qu’il s’en

ressaisit au passé comme d’un souvenir : je me rappelle, je me remémore, je

parle ou j’écris dans le transport qui déborde et ébranle toute possibilité de se

souvenir. (p. 37 ; je souligne)9

Plus rien n’est identique, tout a été transformé. La mémoire de ce qui existait

renvoie à une réalité qui n’est plus. Il ne reste, dorénavant, que des fragments réunis

autour de la même conscience qui doit faire l’exercice de se voir du dehors, d’un

dehors nouveau ; cette conscience doit observer celui qu’il était comme s’il s’agissait

de quelqu’un d’autre, afin de se rendre conscient de ce qu’il est dorénavant. Si

l’extase, qui est une expérience du vivant, reste de l’ordre du (presque) insaisissable,

alors il faut redoubler l’exercice énonciatif et conceptuel lorsque les auteurs

appartenant à notre corpus parlent « de » la mort. À partir d’une réduction

phénoménologique, c’est-à-dire, de la tentative de délimitation la plus aboutie

(toujours à affiner) de s’approcher le plus possible du phénomène qui serait à

l’origine de ce qui nous interpelle, la mort, il faudrait s’intéresser à ce que celle-ci

représente en tant qu’expérience biologique, et ceci dans le but de comprendre plus

tard jusqu’où nous pouvons parler du phénomène en soi et ses implications dans la

lecture de la fiction qui l’aborde comme sujet principal.

Au niveau énonciatif, il y a des expériences radicales qui sont impossibles à

dire lorsqu’elles se déroulent (et qui relèvent d’aspects thématiques qui seront

abordés tout au long du cours). De prime abord, il y a l’animalité. En tant que

9 Maurice Blanchot, La Communauté inavouable, Paris, Éditions de Minuit, 1990.

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comportement organique et impulsif, l’Animalité renvoie à une expérience pure :

malgré le fait d’être accomplie par un être humain (un « animal humain »), elle n’est

pas maîtrisée lorsqu’elle se déroule. Afin de définir (de « mettre en mots ») ce qui a

été vécu, il faut prendre du recul et voir ce « moi » comme quelqu’un d’autre.

Autrement dit, de façon rimbaldienne, il faut penser l’animal humain dans sa

tentative d’énoncer cette expérience à la première personne comme le célèbre « Je est

un autre », opération cognitive qui est aux sources de la constitution de l’identité de

l’individu. Dans un deuxième temps, il y a l’impossibilité énonciative de l’Altérité.

Conséquence logique du dédoublement de la « conscience » animale, si le « je »

devient cet « autre » afin de savoir qui il est (qui il était), l’action de se projeter dans

l’autre « je » puis dans un « toi », l’identité forgée se fragmente et se pare des qualités

nouvelles qui rendent archaïque et inopérant le « je » originel – sauf comme un

exercice cognitif d’auto-projection.

Avec la mort, la question s’avère davantage compliquée. C’est pourquoi il

convient de la thématiser en tant que phénomène physique. Organiquement, le

thanatologue Louis-Vincent Thomas considère qu’il y a deux types de mort, une qui

provient du corps lui-même, l’autre est le résultat d’un accident :

– Les causes endogènes assurent la mort génétique ou naturelle […]


– Les causes exogènes […], sources de mort accidentelle provoquent
plutôt un événement surajouté, donc perturbateur par rapport au
programme génétique ». (p. 38)10

10 Louis-Vincent Thomas, La mort. Que sais-je ? N° 236, Paris, PUF, 1998.

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Que ce soit l’une ou l’autre cause, qu’elle surgisse de moi ou qu’elle me tombe

dessus, je peux connaître d’emblée son origine et son équation morbide puisqu’il faut

un être vivant pour que la mort apparaisse. Je peux la côtoyer, mais seulement grâce

aux autres, car leur mort est toujours proche, présente, je peux la toucher par le biais

de leur cadavre ; or, quand il s’agit de moi, la mort a toujours un pas en avance. Sorte

de Lapalissade, la mort s’avère être la cessation de la vie, et avec elle, la fin de la

capacité énonciative de l’individu. Alors, comment penser la possibilité de dire la

mort ? Pouvons-nous y songer même ? Il serait impossible puisque, d’après le

philosophe Vladimir Jankélévitch,

Il n’y pas pour moi de mort vraiment mienne – mieux encore : je ne


meurs que pour les autres, jamais pour moi-même, comme à mon tour
je connais seul la mort de l’autre, que l’autre lui-même ne connaît pas.
Ce qu’en un mot il nous est impossible de conjoindre, c’est l’indicatif présent
d’une part, et la première personne d’autre part. Ou ce qui revient au
même : je puis bien concevoir cette jonction naturellement, je ne puis
jamais la vivre effectivement. (p. 33 ; je souligne)11

Ainsi, incapable de prendre la parole en tant que défunt, privé de ma capacité

à restituer ce qui bouleverse ma vie après mon décès et de la dire avec le « je » depuis

mon expérience, je devrais rester immobile et ne plus avancer vers ma mort, je devrais

rester fixé sur la mort des autres. Il n’y aurait donc aucun moyen de nous approcher

d’elle ? Ici, l’apport de la pensée de Jacques Derrida pourrait nous frayer un chemin.

D’après lui, la voie n’est pas impraticable. On meurt. Voilà l’évidence. On emporte

avec nous le langage, la parole, bien qu’on reste incapables de passer le témoin. Dans

11 Vladimir Jankélévitch, La mort, Paris, Flammarion, 2008.

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son livre Apories, le philosophe avance la possibilité d’une énonciation qui emprunte

le chemin de l’impossible pour parler d’une matière qui se dérobe à l’énonciation

assertive, justifiée. En parlant de l’expérience de la mort, il affirme :

Qu'est-ce alors que franchir cette frontière de l'ultime ? Qu'est-ce que passer le
terme d'une vie (terma ton bion) ? Est-ce possible ? Qui l'a jamais fait ? Qui peut
en témoigner ? Le « j'entre », en passant le seuil, le « je passe », (paraô) nous
met ainsi, si je puis dire, sur la voie de l'aporos ou de l'aporia : ici l'impraticable,
ici le passage impossible, refusé, dénié ou interdit, voire, ce qui peut être
encore autre chose, le non-passage, un événement de venue ou d'avenir qui
n'a plus la forme du mouvement consistant à passer, traverser, transiter, le
« se passer » d'un événement qui n'aurait pas la forme ou l'allure du pas : en
somme une venue sans pas. (p. 25 ; je souligne)12

En tant que telle, la seule chose qui me reste c’est de comprendre la mort tout

en étant conscient que je ne pourrais pas le faire en tant qu’événement (en tant que

retour sur l’expérience indispensable pour constituer l’événement), et je devrais le

faire en décrivant ce qui n’est pas possible ; on avance « sans » pas, à l’instar d’une

« antimatière » qui transperce les choses sans les modifier par le biais d’une

« négativité énonciative ». Ce sont les préfixes et les verbes de négation ou de

soustraction qui nous amènent donc à dire tout ce que la Mort n’est pas : « im-

praticable, im-possible, re-fusé, dé-nié, in-terdit ». Jacques Derrida, en proposant de

suivre ce chemin linguistique, ne fait qu’emprunter un sentier déjà balisé par le poète

Eugenio Montale depuis son recueil Ossi di seppia [Os de sèche]. Dans son poème

« Non chiederci la parola » [Ne nous demande pas le mot], l’Italien affirme

également cette incapacité énonciative à affirmer l’existence de ce qui échappe à la

maitrise du sujet.

12 Jacques Derrida, Apories, Paris, Galilée, 2001.

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N'exige pas de nous la formule qui puisse t'ouvrir des mondes,


plutôt quelque syllabe tortie et sèche comme une branche.
Ceci seul aujourd’hui pouvons-nous dire :
ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas.
(p. 39 ; je souligne)13

Alors, comment affronter la lecture des textes littéraires de notre corpus ?

Comment lire et interpréter les descriptions, les notions, les jugements, les sensations

vécus par les personnages lorsqu’il s’agit de parler de la mort si je ne peux le faire,

moi, qu’à partir de la mort des autres puisque la mienne est à jamais in-accessible à la

parole ? Tout d’abord, comme une projection absolue, qui représente le parti pris de

chaque auteur et qui délivre ainsi une posture épistémologique capable de donner

une définition, toujours à rebours, délimitée et incomplète, de ce qu’est la mort. Une

herméneutique sur, autour, d’un avant mais aussi d’un après la mort, mais jamais de la

mort elle-même, puisque je ne peux pas en rendre compte.

Exercice doublement périlleux puisque, selon l’écrivain Agustín Fernandez

Mallo, l’écrivain se place d’emblée du côté des morts.

Tout le monde sait qu’écrire est être déjà mort. Il n’y a que la mort qui
puisse « mettre au propre » la vie et de cette distance être dans la
mesure de l’écrire. Voilà pourquoi l’écrivain raconte le monde des
vivants depuis le monde des morts. » (p. 72)14

13 Eugenio Montale, Poésies, Paris, Gallimard, 1992.

Non domandarci la formula che mondi possa aprirti,


sì qualche storta sillaba e secca come un ramo.
Codesto solo oggi possiamo dirti,
ciò che non siamo, ciò che non vogliamo.

14 Agustín Fernández Mallo, Nocilla dream, Barcelona, Candaya, 2007.

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La conscience de la mort de l’Autre, cet Autre que nous avons été avant le

surgissement de l’Evénement, permet à celui qui écrit, cette fois à partir de

l’expérience de ce phénomène, de créer un discours sur ce qui n’est plus, sur ce qui

est déjà mort en nous. Lors de ce dédoublement, écrire serait une sorte de mise en

œuvre de la prise de conscience pragmatique sur la projection de ce qui serait

l’expérience à soi de la mort, tout en sachant qu’il s’agit en réalité de tourner autour

d’elle, de l’approcher au maximum grâce aux personnages et de comprendre ce qu’ils

éprouvent face à leur mort, en guise de discours aporique sur la mort qui dépasse les

aspects accessibles à la conscience concernant le touchant au « mourir » (la maladie,

l’agonie, l’accident avant le décès et puis le deuil après le trépas). Autant que possible,

dans ce cours on tentera de faire la lecture de la mort tout en sachant que ce qui sera

fait concernera davantage la thématique du mourir.

Lapalissade déjà mentionnée, « la mort arrête la vie ». Seulement comme ça on

peut « mettre au propre » la vie, c’est-à-dire, la voir dans sa totalité, la délimiter, la

comprendre. On doit faire aussi un « arrêt sur image » pour pouvoir saisir ce qui a

été transformé par l’événement. La mort, alors, la suspension même temporaire de la

vie, serait une nécessité à la constitution d’une interprétation valable et valide

puisqu’elle permet de baliser les limites d’une expérience à un moment donné.

Vague rappel du principe d’incertitude, car on ne peut pas connaître la position

exacte per se d’un élément si on tente de le situer par le biais d’autres éléments (ce

qui s’avère toujours indispensable) car l’élément est nécessairement modifié par les

forces externes qui lui sont appliquées. Mourir, oui, sans souci, mais écrire de la mort,

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comment faire alors pour rendre le résultat « vraisemblable » ? C’est la lecture de

l’article « Le Langage à l’infini » de Michel Foucault qui nous permettra de baliser et

de poursuivre notre réflexion.

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