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« Mourir n’est pas mourir mes amis, c’est changer.

La vie est un combat, ma mort est


la victoire. Et cet heureux trépas, des faibles redoutés, n’est qu’un enfantement à
l’immortalité. »

Ces dires de Platon laissent à première vue perplexe, il paraît absurde de considérer la mort
ainsi lorsque la vie apparaît comme le seul lieu d‘existence visible et intelligible. Comment
un philosophe peut-il suggérer une telle idée ? lui qui est censé faire preuve de raison. En
effet, ne pas voir la mort comme une fin implique une remise en question totale de son
rapport au monde, en tant qu’elle est celle qui, en mettant un terme à la vie, lui donne du
sens. Si la mort n’est qu’une charnière et non une fin, la vie sur Terre n’est alors pas le seul
lieu d’existence et cela demande une réflexion sur la façon dont elle doit être vécue. De
plus, si Platon suggère une postérité, à quoi pourrions nous naître ? Quelle partie de nous
aurait vocation à dépasser le monde terrestre ? Nous définirons la mort comme la cessation
de la vie, par l’arrêt des fonctions vitales. Et la naissance comme le commencement de
l’existence, les premières traces de vie. Le lien presque insécable que ces deux concepts de
naissance et de mort entretiennent, la tension qu’ils engendrent dans leur espacement sera
celle qu’on appelle la vie. Considérer la mort comme une seconde naissance viendrait
bouleverser ces rapports.

Nous allons donc essayer de déterminer ce que cette seconde naissance pourrait être, et ce
que cela impliquerait dans notre vie sur Terre en menant la réflexion suivante :

Tout d’abord, en considérant le l’âme et le corps comme deux entités distinctes, nous
verrons la place qu’ils occupent en vu d’une seconde naissance. Puis, nous nous attacherons
à comprendre comment, par l’exercice de la pensée, naît l’intuition d’un monde éternel,
celui des Idées. Enfin, nous déterminerons comment la conscience de ce monde des Idées
invite à mener une vie juste, modérée, non limité à une simple réalité sensible.
Dans un premier temps nous allons traiter la question de l’âme et du corps. La pensée
antique et notamment celle de Platon est totalement marquée par le dualisme. Un dualisme
dans lequel l’âme et le corps font face à des mondes différents. Le corps est rattaché au
monde sensible : un monde d’apparence formé des objets, des sentiments, des croyances ;
tandis que l’âme appartient au monde intelligible : celui des idées, des raisonnements, des
mathématiques. Ces deux mondes n’en font en réalité qu’un qui est celui que l’on connaît,
mais on peut concevoir cette distinction. Le corps est faible, sa réalité est limité, et il semble
très simple de l’écarter de l’hypothèse de cette seconde naissance. En plus de cela, le corps
semble tirer l’âme vers le bas. Il la détourne de sa nature qui est de penser en étant soumis à
des besoins tels que la nutrition ou le sommeil. L’âme quand à elle, semble être voué à
l’infini, et donc surpasser la mort. Un justification solide de l’immortalité de l’âme me
demanderait bien plus que le peu de temps que j’ai alors que je ne peux vous fournir qu’un
seul argument. Celui que l’on appelle la théorie des contraires, je cite Platon : « ainsi pour
qu'une chose eût pris de l'extension, il fallait qu'elle fût auparavant d'un volume
moindre? Et pour qu'elle diminuât, il fallait qu'elle fût d'abord plus
considérable? » une chose semble bien naître de son contraire, une chose lourde n’est
lourde que s’il existe des choses légères. Et ce constat est le même pour tout contraire : y
compris la vie et la mort. La vie naît donc de la mort. Si la vie naît de la mort et
inversement, leur rapport semble fonctionner en un cycle. Il faudrait donc une chose qui les
lie, une chose qui passerait au-delà de la mort sensible et qui viendrait donner le souffle de
vie à un autre corps. L’âme serait celle qui subsiste à la vie et qui se réincarne. Mais nous
verrons que l’immortalité de l’âme ne se pense pas qu’avec des arguments raisonnables,
À ce stade, nous serions tenté de considérer le corps comme inutile à la seconde naissance
voire même tout à fait nuisible, il conviendrait donc de le rejeter totalement. Ce qui
semblerait corroborer avec la célèbre phrase de Platon : « le corps est le tombeau de
l’âme ». Mais ce n’est pas exactement le propos, le corps doit être envisagé comme une
sorte d’épreuve pour l’âme, afin qu’elle prouve sa valeur. Nous y reviendrons au cours du
développement, mais la venue de l’âme sur Terre n’est pas anodine, et l’épreuve du corps
non plus. Maintenant que nous avons compris que c’est bien une seconde naissance de
l’âme dont il est question, il s’agira de comprendre à quoi pourrions nous naître, et ce qui
nous amène à le penser.
Pour comprendre ce à quoi nous pourrions naître après la mort, il faut déjà expliquer
comment apparaît cette intuition d’un Après. Tout argument logique ne peut pleinement
convaincre car le sujet abordé reste métaphysique, reste tout à fait abstrait. Ce que Platon
suggère, au travers des dialogues de Socrate notamment, c’est un pressentiment, une
intuition. Et celle-ci vient avec l’exercice de la pensée. À chaque pensée s’opère un peu plus
la mort. Pour comprendre cela, il faut connaître la définition antique de la mort qui est la
séparation de l’âme et du corps. Par la pensée, l’âme apprendre à se détacher des passions
corporelles et en cela elle rend concret le dualisme. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si les
écrits de Platon ne sont quasiment que des dialogues. Platon avec cette forme a voulu se
rapprocher le plus possible du système de la pensée, qu’il définit comme un dédoublement
de l’âme qui dialogue avec elle-même. Et par cet exercice de la pensée, l’âme vient
retrouver sa vraie nature, ce à quoi elle tend, c’est à dire les Idées. Platon pense que les
Idées, qui prennent forme dans le monde sensible, ont une existence propre et supérieure au
monde terrestre. Par exemple l’idée de Liberté, se décline dans nombre d’aspects de la vie
humaine, mais a aussi une existence en soi, ce qui nous permet de la distinguer des objets et
situations dans lesquels elle prend forme. La philosophe en pensant comprend qu’il n’est
pas sur Terre dans le monde fait pour son âme. Il se prend donc d’un désir de rejoindre le
monde auquel il correspond vraiment. Il développe de l’espoir et se détache de son corps, du
monde sensible, si bien que la mort devient l’accomplissement, la victoire évoqué dans la
citation que je vous ai retranscrite en introduction. Cela dit, Platon, en donnant cette vision
de la mort comme une sorte de quête, n’a aucune intention morbide comme le suicide par
exemple, mais il y a l’idée de suivre cette intuition fondamentale, et donc de ne pas craindre
la mort. Socrate incarne cela de son vivant. Il sera accusé à tord par des sophistes, et
acceptera de se faire empoisonner sans faire preuve de colère et sans crier à l’injustice,
confiant en ce qu’il trouvera après la mort. Il invite même ses amis amis à se réjouir. Il est
intéressant de s’arrêter sur les derniers mots de ce philosophe je cite : « Criton, nous devons
un coq à Alscépios ; payez-le, ne l’oubliez pas », ce à quoi Criton répond : « Oui ce sera fait,
mais vois si tu as quelque autre chose à nous dire. », et Socrate ne dit rien d’autre. Ses
derniers mots sur Terre ont concerné des problématiques terrestres, car il était très paisible à
l’idée de mourir.
Ainsi ce monde des idées, espéré par celui qui pense, ne s’acquiert pas si simplement. Pour
y prétendre, il faudra mener une vie juste, une vie mesurée.

Le fait que Platon emploie cette métaphore de l’enfantement n’est pas un hasard. Disciple
de Socrate, il reçu de son maître l’art de la maïeutique, la mère de Socrate étant sage-
femme. Cette métaphore dont est imprégnée la pensée platonicienne a énormément de sens
et si la mort est un enfantement à l’immortalité comme dit Platon, cela implique que la vie
soit en quelque sorte la gestation, la préparation à cet après. Mais un retour pour l’âme à son
état naturel, le monde des Idées, ne se fait pas sans effort. Cela implique de mener une vie
en adéquation avec le monde auquel elle prétend. C’est à dire une vie juste. Afin de mener
cette vie juste, Platon, prône une vie mesurée, en tant que la démesure mène toujours à
l’injustice. Seule une âme ayant menée une vie juste peut prétendre au monde des Idées. Les
autres, seront soient condamnées à une peine éternelle dans le Tartare, soit à ce purifier dans
le lac Achérousiade et se réincarner dans un nouveau corps ensuite. Je ne peux vous détailler
les enfers platoniciens ici donc vous renvoie vers le mythe d’Er si vous voulez en apprendre
plus. La vie juste que Platon suggère est une vie loin du corps, en tous cas qui ne l’écoute
pas seulement. Il est l’épreuve de l’âme. Pour comprendre cela, il faut que je vous résume
le mythe du Phèdre, expliquant l’origine des âmes et leur venue sur Terre. Les âmes vivent
dans le monde des Idées, un monde où le Bien serait comme un noyau autour duquel les
âmes tournerait sans cesse. Puis, sans raison précise, certaines âmes se détournerait,
s’éloignerait du Bien et chuterait jusqu’à tomber dans un corps. C’est donc en s’éloignant du
Bien que celles-ci sont tombé dans le monde sensible, comme une peine, une épreuve à
passer pou ré accéder à ce monde. L’âme doit apprendre à redécouvrir la pensée, et cela
passe d’abord pour les sens, et dont le corps, mais elle doit savoir ne pas se limiter à la
réalité sensible. Car la réalité sensible pousse au vice, à la démesure.
Ainsi, nous pouvons considérer la mort comme une seconde naissance, et cela en faisant
l’expérience de la pensée. En découvrant la nature de notre âme, qui détachée de la réalité
corps peut prétendre au monde qui lui correspond. Cette seconde naissance serait presque
une renaissance à soi de l’âme. En Somme, Platon nous invite à prendre un paris, le paris de
penser, d’oser suivre l’intuition que l’âme humaine est voué à plus grand, plus noble, que la
vie sur Terre. Je finirais par les mots de Socrate à propos de ce paris, qui en exprime toute la
beauté :

« Il me paraît, puisque nous avons reconnu que l'âme est immortelle, qu'il n'est pas
outrecuidant de le soutenir, et, quand on le croit, que cela vaut la peine d'en courir le
risque, car le risque est beau ; et il faut se répéter cela à soi-même, comme des paroles
magiques »

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