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26/2/2017 Le rang de l’âme du monde au sein des réalités intelligibles et son rôle cosmologique chez Plotin

Études platoniciennes
3 | 2006 :
L'âme amphibie
Plotin
2. L'âme dans le monde

Le rang de l’âme du monde au


sein des réalités intelligibles et
son rôle cosmologique chez
Plotin
RICHARD DUFOUR
p. 89-102

Texte intégral
1 Platon introduisit en philosophie la notion d’âme du monde. D’après le
Timée, le monde possède une âme qui a pour fonction principale de justifier
les mouv ements réguliers des corps célestes1 . Deux cercles composent l’âme
du monde selon Platon : le cercle du Même, qui contient les étoiles fixes, et le
cercle de l’Autre, qui se div ise en sept cercles portant chacun l’une des sept
planètes2. Les mouv ements de ces cercles entraînent les astres, qui obéissent
donc aux mouv ements de l’âme du monde. Aristote attaqua cette doctrine 3,
alors que les stoïciens l’adaptèrent à leur sy stème, car ils identifient l’âme du
monde av ec le dieu qui se répand dans l’univ ers entier 4. S’en tenant à la
tradition platonicienne, qui n’a pas fléchi sur ce point, Plotin affirme lui aussi
qu’une âme gouv erne le monde sensible. La v ersion plotinienne de cette
théorie n’a pas beaucoup retenu l’attention des commentateurs modernes. Les
études sur l’âme du monde se comptent par dizaines quand il s’agit de Platon,
mais elles se font rares quand il s’agit de Plotin. L’article fondamental reste
celui de H.J. Blumenthal, « Soul, World-Soul and Indiv idual Soul in
Plotinus »5. Certaines monographies y consacrent quelques pages, par
exemple celle de J.-M. Charrue, Plotin, lecteur de Platon6. La plupart des

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auteurs s’en tiennent à des généralités et n’exposent que ce qui est nécessaire
à l’examen en cours. Le sujet mérite pourtant d’être approfondi, car en
s’appropriant la notion d’âme du monde, Plotin la plie à sa propre
métaphy sique et à sa cosmologie, av ec toutes les modifications doctrinales
que cela implique. Puisqu’il défend une structure métaphy sique hiérarchisée,
il doit assigner un rang à l’âme du monde au sein des réalités intelligibles. Or la
place qu’occupe cette âme dans l’organisation de la réalité détermine son rôle
cosmologique. La présente étude abordera donc l’âme du monde par le biais
du rang qu’elle occupe chez Plotin et de la fonction qu’elle a dans l’univ ers.

I. Le rang de l’âme du monde au


sein des réalités intelligibles
2 Pour certains, comme E. Zeller et J. M. Rist7 , l’âme du monde et l’âme
hy postase ne seraient pour Plotin qu’une seule et même réalité. Cette
interprétation, qui n’a plus cours aujourd’hui, fut décisiv ement réfutée par H.
J. Blumenthal8. L’âme hy postase, l’âme du monde et les âmes indiv iduelles
sont différentes. Le traité 8 (IV, 9) explique quelle relation elles ont entre
elles. Il suggère deux possibilités : 1) nos âmes v iennent de l’âme de l’univ ers
et elles n’en sont que des parties ; 2) l’âme de l’univ ers et nos âmes v iennent
d’une autre âme, qui est une 9. Plotin choisit la seconde solution : « ... de sorte
qu’il doit exister une âme unique, qui est antérieure, s’il est v rai qu’il existe
une multiplicité d’âmes, et c’est d’elle que v iennent les multiples âmes. »1 0. La
même problématique apparaît dans le traité 27 (IV, 3), chapitres 1-8. Plotin y
réfute ceux qui prétendent que nos âmes v iennent de l’âme du monde 1 1 . Sans
dév ier de ce qu’il a exposé au traité 8, il affirme que sa doctrine sur l’âme
univ erselle, c’est-à-dire l’âme hy postase, et sur les autres âmes implique que
« l’âme univ erselle dont les parties sont de cette nature ne sera pas l’âme de
quelque chose, mais elle existera en elle-même. Elle n’est donc absolument
pas l’âme du monde, laquelle est aussi l’une des âmes particulières. »1 2. Il
ajoute : « On pourrait supposer que cette chose unique se tient en elle-même
sans tomber dans un corps et que, de cette chose unique, v iennent ensuite
toutes les âmes, celle du monde et les autres (...) »1 3. D’un côté, il y a l’âme
totale qui contient toutes les âmes ; de l’autre, les âmes particulières parmi
lesquelles figure l’âme du monde.
3 La question qui se pose alors et que H. J. Blumenthal n’aborde pas est de
sav oir comment ces âmes peuv ent être des « parties » d’une âme unique.
Plotin souhaite en effet que cette âme unique se donne tout entière à la
pluralité, mais sans se div iser ni s’amoindrir 1 4. Il propose deux analogies :
« (1) Car la science forme un tout et possède des parties qui lui permettent de
rester entière même si des parties v iennent d’elle. (2) La semence aussi est un
tout et les parties dans lesquelles elle est de nature à se div iser v iennent
d’elle. »1 5. Les âmes partielles, contenues dans l’âme totale, sont donc
semblables aux théorèmes que contient une science : ils sont tous en acte en
même temps, sans être isolés des autres ou de la science totale 1 6.Au chapitre 2
du traité 27 , qui rev ient sur cette question, Plotin nie que l’âme totale se
div ise en âmes partielles à la manière d’un corps, d’un nombre ou d’une figure.
Il affirme en rev anche que cette âme est comme une science qui se scinde en
théorèmes1 7 . De cette manière, « toutes les âmes seront des parties d’une
seule âme »1 8.
4 L’analogie de la science qui contient tous les théorèmes est centrale dans la
métaphy sique plotinienne. Elle v aut autant pour l’Intellect que pour l’Âme 1 9.
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Le traité 5 (V, 9) énumère trois analogies qui décriv ent la nature de l’Intellect :
le genre qui contient des espèces20 ; la semence qui contient en elle toutes les
parties du v iv ant à v enir 21 ; la science qui contient tous les théorèmes22. Plotin
soutient que « L’Intellect total est toutes les Formes, et chaque Forme est un
intellect indiv iduel, tout comme la science totale contient tous les théorèmes,
chaque partie du tout n’étant pas distinct par le lieu, mais ay ant une puissance
particulière dans le tout. »23. La même explication rev ient au chapitre 20 du
traité 43 (VI, 2), dans lequel le paradigme de la science et de ses parties
exemplifie la manière dont l’Intellect est puissance des intellects partiels,
alors que chaque intellect partiel est l’Intellect entier. Le cas de l’Intellect
total et celui de l’Âme totale sont donc similaires, car il existe à chaque fois
une totalité qui se répand dans une pluralité de parties sans perdre son unité
ni son identité. La multiplicité d’âmes qui appartiennent à une même âme
s’explique dans les mêmes termes que la multiplicité d’intellects qui sont
contenus dans un même intellect. À l’instar de l’Intellect, l’Âme totale ne
relèv e que de l’intelligible et n’a aucun contact av ec le corps. Cette âme
n’appartient à aucun corps, alors que l’âme du monde et les âmes indiv iduelles
gouv ernent des corps24. L’âme du monde est donc une âme partielle au même
titre que n’importe quelle autre âme indiv iduelle qui agit dans le sensible 25.
Elle est une partie de l’âme univ erselle et tel est le rang qu’elle occupe au sein
des réalités intelligibles.
5 Plotin distingue deux parties dans l’âme du monde : une partie supérieure et
une partie inférieure. Le traité 6 (IV, 8) affirme que la partie supérieure se
trouv e hors du monde sensible, alors que la partie inférieure est intérieure au
monde : « ... par sa partie supérieure, l’âme du monde se trouv e au-dessus du
ciel, alors qu’elle env oie sa puissance dernière à l’intérieur du ciel »26. Il ajoute
que l’âme du monde ordonne le sensible par la partie d’elle-même qui est
orientée v ers le corps27 . Mais en quel sens, dans le traité 6, cette partie v ient-
elle dans l’univ ers sensible ? Appartient-elle au corps ? Descend-elle ici-bas ?
Plotin admet que toutes les âmes possèdent une partie supérieure tournée
v ers l’Intellect, et une partie inférieure tournée v ers le sensible 28. De ce point
de v ue, l’âme du monde et les âmes particulières sont sur le même pied. Mais
la partie inférieure de l’âme du monde, précise Plotin, ordonne le corps « en
restant sans peine au-dessus de lui »29, alors que la partie inférieure des âmes
indiv iduelles av ance plus profondément dans le corps, dont elle prend un soin
constant30. Il semble donc que la puissance dernière de l’âme du monde,
même si elle se trouv e dans le ciel, ne descendrait pas, mais gouv ernerait d’en
haut. C’est la doctrine qui se dégage des traités postérieurs, qui v ont
cependant plus loin que le traité 6 : « Eh bien, l’âme du monde ne s’était pas
même inclinée par la dernière de ses parties. Car elle n’était pas v enue ni
descendue, mais elle est en contact av ec le corps du monde et, pour ainsi dire,
l’illumine tout en restant immobile. »31 ; « L’âme du monde reste toujours en
haut, parce qu’il ne lui appartient ni de descendre, même pas av ec sa partie
inférieure, ni de se tourner v ers les choses d’ici-bas. »32 ; « Le monde ne peut
causer aucun tort à l’âme qui s’en occupe, car c’est en restant là-haut qu’elle
s’occupe de lui »33 ; « ... puisque l’âme du monde ne se tourne aucunement
v ers les choses d’ici-bas. »34 ; « Il appartient à l’âme du monde d’être toujours
tournée v ers les intelligibles. Même si elle pouv ait av oir des sensations, cela
ne se produirait pas, car elle est tournée v ers les réalités supérieures. »35. Non
seulement la partie inférieure de l’âme du monde ne descend pas dans le
monde sensible, mais elle ne se tourne même plus v ers lui. Le principe, énoncé
au traité 6, selon lequel l’âme du monde, comme toutes les âmes, a une partie
inférieure tournée v ers le sensible finit donc par être désav oué. L’âme du
monde est présente au monde et agit sur lui, mais sans y v enir et sans le

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regarder.
6 Plotin insiste sur ce point afin de résister, semble-t-il, à une interprétation
qu’il juge erronée d’un passage du Phèdre, dans lequel Platon écrit que l’âme,
lorsqu’elle perd ses ailes, tombe ici-bas et prend un corps de terre 36. Cette
métaphore ne concerne pas, selon Plotin, l’âme du monde : « L’âme parfaite,
dit-[Platon], c’est-à-dire l’âme du monde, produit en ‘circulant dans les
hauteurs’37 et sans descendre ; elle est comme emportée sur un char à trav ers
le monde, et cette âme, s’il existe une âme parfaite, gouv erne de cette
manière. Lorsqu’il parle de ‘l’âme qui a perdu ses ailes’, [Platon] fait la
différence entre cette âme et l’âme du monde. »38. Plotin s’adresse aux
gnostiques, car ces derniers soutiennent que le monde v ient à l’être suite à une
« chute » de l’âme : « Mais s’ils en v iennent à dire que c’est en quelque sorte
‘après av oir perdu ses ailes’ que l’âme a produit, ce n’est pas à l’âme de
l’univ ers que cela arriv e. »39. Plotin fait v aloir contre eux que l’âme du monde,
en toutes ses parties, demeure dans l’intelligible. L’âme du monde gouv erne
l’univ ers en restant extérieure à lui ; ce sont les âmes indiv iduelles qui,
lorsqu’elles désirent gouv erner une partie du monde, se trouv ent isolées et
descendent dans cette partie, sans pourtant lui appartenir entièrement40.
7 Mais si l’âme du monde ne descend pas dans le monde sensible, en quoi se
différencie-t-elle de l’âme totale, qui ne descend pas elle non plus ? C’est le lien
qui existe entre l’âme du monde et le corps de l’univ ers qui permet de
distinguer l’âme totale et l’âme du monde. L’âme totale n’est pas l’âme de
quelque chose, ni du monde, ni d’un autre v iv ant41 . En rev anche, l’âme du
monde n’est plus simplement « âme », car elle ordonne un corps42.
8 La distinction entre une partie supérieure et une partie inférieure de l’âme
du monde permet d’élucider certains passages du traité 40 (II, 1) et du traité
52 (II, 3). Commençons par deux extraits du traité 52. Le premier se lit
comme suit : « Donc, l’Intellect fait un don à l’âme du monde ; et l’âme qui se
trouv e après l’Intellect donne une part d’elle-même à l’âme qui v ient après elle
en l’illuminant et en lui donnant une empreinte, et cette âme produit
immédiatement, comme si elle en av ait reçu l’ordre. »43. La difficulté de ce
texte réside dans sa formulation trop elliptique. L’Intellect, dit Plotin, fait un
don à l’âme du monde. Cette affirmation surprend, car Plotin semble oublier
l’âme totale et place l’âme du monde à la suite immédiate de l’Intellect. En
outre, quelle est l’âme qui se trouv e après l’Intellect, celle qui donne une part
d’elle-même à l’âme qui v ient après elle ? Est-ce l’âme du monde ou l’âme
totale dont Plotin n’a pas encore parlé ? C’est une question cruciale, car elle
déterminera quelle est l’âme qui v ient à sa suite et qui produit l’univ ers. La
solution la plus simple est de prendre pour acquis qu’il existe deux parties
dans l’âme du monde : l’Intellect fait un don à la partie supérieure de l’âme du
monde, laquelle transmet une part d’elle-même à la partie inférieure qui, elle,
produit l’univ ers sensible.
9 Le second extrait du traité 52 confirme cette interprétation :

Il faut que l’âm e du m onde contem ple les m eilleures réalités, aspirant
toujours à la nature intelligible et au dieu. Mais lorsqu’elle est rem plie
et qu’elle a été rem plie com m e au m axim um , il faut qu’une im age
v ienne d’elle et que sa dernière partie soit ce qui produit du côté
inférieur. Donc, cette partie est le dernier producteur. Et au-dessus de
cette partie, il y a ce qui, de l’âm e, est prim itiv em ent rem pli par
l’Intellect ; et au-dessus d’eux tous, il y a l’Intellect dém iurge, qui fait
des dons à l’âm e qui v ient après lui et dont les traces se retrouv ent
dans le troisièm e44.

10 La fin du traité 52 (II, 3) pose donc qu’il existe dans l’âme du monde une
partie supérieure et une partie inférieure. L’âme du monde, lorsqu’elle s’est

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remplie des dons intelligibles que lui a prodigués l’Intellect, produit une image
d’elle-même dans sa partie inférieure, celle qui produit le monde sensible. La
doctrine du chapitre 18 correspond donc à l’interprétation que nous av ons
proposée pour le chapitre 17 . Plotin escamote l’âme totale et affirme que
l’Intellect fait un don à l’âme du monde. Cette âme transfère ce qu’elle a reçu à
l’âme qui v ient après elle, laquelle produit l’univ ers. Il s’agit du même ordre de
succession, le chapitre 18 étant plus explicite que le chapitre 17 : c’est l’âme
du monde qui v ient après l’Intellect, et l’âme du monde fait un don à sa partie
inférieure, laquelle produit. La seule anomalie doctrinale, si l’on peut dire,
reste donc la manière dont Plotin passe de l’Intellect à l’âme du monde, sans
mentionner l’âme totale. On dirait qu’il simplifie parfois sa doctrine en
omettant l’âme totale. Puisque la totalité de l’âme du monde demeure dans
l’intelligible et dans l’âme totale, Plotin considère sans doute qu’un don fait à
l’âme totale est instantanément reçu par l’âme du monde. Afin de simplifier
son argumentation, il suppose un passage direct de l’Intellect à l’âme du
monde. Cela n’implique ni que l’âme du monde soit identique à l’âme totale, ni
que la métaphy sique plotinienne soit modifiée 45.
11 Dans le traité 40 (II, 1), Plotin reprend la position du Timée selon laquelle
« les v iv ants célestes furent engendrés par le dieu, alors que les v iv ants d’ici-
bas furent engendrés par les dieux issus de lui. »46. Il interprète cette doctrine
de la manière suiv ante : « Cela rev ient à dire que l’âme du monde et les nôtres
également v iennent immédiatement à la suite du Démiurge, alors que de l’âme
du monde v ient une image de celle-ci qui, après s’être éloignée et s’être
comme écoulée des êtres d’en haut, produit les v iv ants qui peuplent la
terre. »47 . Une question parmi d’autres se pose : quelle est cette image v enant
de l’âme du monde et qui peut produire des v iv ants ? Il s’agit
v raisemblablement de la partie inférieure de l’âme du monde. Cela s’accorde
av ec la doctrine du traité 52 (II, 3), qui emploie la même terminologie
lorsqu’il affirme que l’âme du monde produit une image dans sa partie
inférieure, laquelle fabrique l’univ ers. Il est v rai que cette lecture procède à
rebours de l’ordre chronologique, puisqu’elle interprète le traité 40 (II, 1) à la
lumière du traité 52 (II, 3), mais elle se justifie dans la mesure où la doctrine
est similaire, jusque dans la formulation, et que seul le chapitre 18 du traité 52
explicite les réalités intelligibles qui sont en jeu. Le chapitre 5 du traité 40 et le
chapitre 17 du traité 52 s’expriment à demi-mots, alors que le chapitre 18 du
traité 52 tire les choses au clair.
12 Plotin reste donc cohérent au fil de ses traités. Il considère l’âme du monde
comme l’une des âmes indiv iduelles contenues dans l’âme totale. L’âme du
monde gouv erne en effet un corps, ce qui n’est pas le cas de l’âme totale. Par sa
partie supérieure, l’âme du monde exerce une contemplation sans faille du
dieu, et par sa partie inférieure, elle gouv erne l’univ ers. Mais quelle est cette
partie inférieure ? Plotin l’identifie à la nature, qui est la dernière puissance de
l’âme du monde 48. La nature, dit-il, correspond à ce qui est ordonné par l’âme
du monde 49 ; elle est ce qui, de l’âme du monde, se réfléchit dans la matière et
constitue le dernier degré de l’intelligible 50. Ce dernier degré de l’intelligible,
le traité 15 (III, 4) l’identifie lui aussi à la nature, c’est-à-dire à la puissance de
l’âme qui appartient à tous les v iv ants, mais qui se trouv e isolée dans les
plantes51 .La nature équiv aut à ce que Plotin qualifie, en termes aristotéliciens,
de puissance v égétativ e de l’âme 52, celle qui est responsable de la croissance
et de la nutrition53. Plotin semble donc admettre l’identité de la partie
inférieure de l’âme du monde av ec la nature et la puissance v égétativ e.

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II. Le rôle cosmologique de l’âme du


monde
13 L’âme du monde, chez Platon, possède av ant tout une fonction motrice. Elle
met en mouv ement l’univ ers sensible fabriqué par le Démiurge. Ce dernier
produit en effet la terre et les corps célestes, alors que les dieux subalternes
réalisent les autres sortes de v iv ants. L’âme du monde est elle aussi un produit
du Démiurge et elle est entrelacée au monde sensible afin de lui procurer v ie et
mouv ement. Cette fonction motrice et animatrice de l’âme du monde apparaît
également chez Plotin. Il affirme que l’âme du monde donne v ie à l’univ ers, le
met en mouv ement, lui assigne ordre et mesure 54. L’âme du monde, dit Plotin,
prend soin de l’univ ers d’une manière roy ale : elle le maintient en ordre en
commandant de l’extérieur et sans interv enir 55. Elle n’entre pas en contact
av ec les corps qu’elle gouv erne, sinon elle serait contaminée par eux de la
même manière que nos âmes indiv iduelles qui, lorsqu’elles s’approchent trop
des corps, en souffrent. L’âme du monde est autonome, ne manque de rien et
n’est pas possédée par le corps56. Elle ne s’ajoute rien du corps, n’est en rien
liée au corps et ne peut être troublée par lui. Même si tout le feu de l’univ ers
disparaissait, souligne Plotin, l’âme du monde n’en serait pas affectée 57 . Mieux
encore, si tous les corps disparaissaient, l’âme du monde n’en pâtirait pas58.
Cette âme ne connaît donc ni désir, ni crainte 59. Il n’y a pas de mal pour elle à
s’occuper de ce qui lui est inférieur. Puisqu’elle reste sans cesse suspendue aux
réalités qui la précèdent, elle reçoit d’en haut une illumination et elle la
communique simultanément à ce qui se trouv e dans le monde sensible 60.
14 À cette fonction motrice et organisatrice de l’âme du monde, Plotin en greffe
une autre : celle de produire l’univ ers. Cette âme non seulement gouv erne
l’univ ers, mais elle en est le démiurge. Voilà un changement majeur par
rapport à la doctrine du Timée, où l’âme du monde se contente de gouv erner
l’univ ers produit par le Démiurge. L’âme du monde n’a pas chez Platon de
fonction démiurgique et elle ne fabrique rien. Il s’agit donc ici d’une
innov ation plotinienne, celle de confier à l’âme du monde une tâche qui, chez
Platon, relèv e du Démiurge. Cette doctrine apparaît dès le traité 2 (IV, 7 ),
dans lequel Plotin affirme que l’âme, « désirant produire un ordre conforme à
celui qu’elle a v u dans l’Intellect, s’efforce de produire et se met à fabriquer,
comme si elle était grosse des intelligibles et ressentait les douleurs de
l’enfantement. »61 . Ce passage reste, il est v rai, d’une portée assez générale.
Plotin y parle de l’âme, sans préciser s’il s’agit de l’âme du monde, mais il
souligne tout de même que cette âme fabrique quelque chose, c’est-à-dire un
ordre conforme à celui de l’Intellect. Il en v a de même dans le chapitre 2 du
traité 10 (V, 1), dans lequel Plotin soutient que « l’âme a produit tous les
v iv ants en leur insufflant la v ie : ceux que la terre nourrit, ceux que la mer
nourrit, ceux qui se trouv ent dans l’air et ceux qui se trouv ent dans le ciel, à
sav oir les astres div ins. C’est elle qui a produit le soleil et ce ciel immense, et
c’est elle qui l’a mis en ordre. Elle le fait tourner de manière réglée, étant une
nature différente des choses qu’elle ordonne, qu’elle meut et auxquelles elle
donne la v ie. »62. Ce texte n’emploie malheureusement que le pronom αὐτή,
qui désigne l’âme sans autre précision. Un tel témoignage ne permet donc pas
pour le moment d’assigner à l’âme du monde la fonction de produire tous les
v iv ants qui peuplent la terre, comme aussi les corps célestes63. Il en v a
autrement au chapitre 6 du traité 27 (IV, 3), qui commence par la question
suiv ante : « Pourquoi l’âme du monde, qui est de même nature que nos âmes,
a-t-elle produit le monde, alors que l’âme indiv iduelle ne le peut ? »64. Plotin
répète même cette question une seconde fois : « Comment donc et pour quelle
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raison l’âme du monde a-t-elle fabriqué le monde, tandis que les âmes
particulières n’en administrent qu’une partie ? »65. C’est donc à l’âme du
monde qu’il rev ient, chez Plotin, de produire l’univ ers sensible. On pouv ait
déjà le dev iner à la lecture du traité 52 (II, 3), 18, 9-16, cité plus haut : la
partie inférieure de l’âme du monde constitue le dernier producteur, c’est-à-
dire qu’elle produit l’univ ers sensible, qui se trouv e du côté inférieur. Et
puisque cette partie inférieure correspond chez Plotin à la nature, l’affirmation
suiv ante du traité 27 (IV, 3) s’impose : « Car la nature, dans l’univ ers, a
produit toutes choses av ec habileté à l’imitation des réalités dont elle
possédait les raisons. »66 De même, puisque la partie inférieure de l’âme du
monde n’est autre que la puissance v égétativ e, Plotin considère que cette
puissance façonne l’univ ers, de sorte que les âmes indiv iduelles n’ont pas à le
faire 67 . Le monde sensible est donc façonné par l’âme du monde ou, plus
précisément, par sa partie inférieure, à sav oir la nature et la puissance
v égétativ e.
15 Accorder à l’âme du monde une action démiurgique dev ait paraître étrange
à un platonicien. Plotin est le premier, à notre connaissance, à l’av oir fait.
Pourquoi ? La structure hiérarchique de sa métaphy sique l’y contraignait et
l’âme du monde était la meilleure candidate. C’est en effet un axiome plotinien
que la réalité supérieure engendre celle qui la suit. Au-dessus du monde
sensible, il y a l’âme totale, qui contient l’âme du monde et les âmes
indiv iduelles. Laquelle est la plus apte à produire l’univ ers ? L’âme du monde.
Car l’âme totale n’a rapport à aucun corps et les âmes particulières n’ont pas la
puissance nécessaire pour produire la totalité du sensible : elles ne peuv ent
qu’en gouv erner une partie, et encore, av ec peine. Même si Plotin affirme
ailleurs que l’Intellect est le démiurge v éritable 68, ce n’est pas l’Intellect qui
peut directement produire l’univ ers, car il lui faudrait agir en passant outre à
l’âme totale et à l’âme du monde. Bien que l’Intellect soit le v rai démiurge, son
action passe par l’âme totale et par l’âme du monde 69.
16 L’âme du monde jouit en effet chez Plotin d’un statut particulier : même si
elle est de même espèce que nos âmes, les ingrédients qui la composent sont
de meilleure qualité et font d’elle une âme de premier rang, alors que nos âmes
sont fabriquées à partir d’ingrédients de deuxième ou de troisième rang7 0.
Cette doctrine év oque celle du Timée : le démiurge produit nos âmes
intellectiv es dans le même cratère que celui qui a serv i à la fabrication de
l’âme du monde, mais les ingrédients, tout en étant les mêmes, sont de qualité
inférieure, de second et de troisième rang7 1 . Cela justifie pour Plotin que l’âme
du monde soit la première des âmes particulières, celle qui possède la plus
grande pureté et la plus grande puissance, tandis que nos âmes indiv iduelles
se rév èlent de deuxième ou de troisième rang, selon la distance à laquelle elles
se tiennent de l’intelligible 7 2. Ainsi s’explique que l’âme du monde possède un
lien plus étroit av ec l’intelligible 7 3. Puisqu’elle participe dav antage de
l’intelligible, elle en retire une puissance accrue, car, dit Plotin, la puissance
d’une âme est proportionnelle à la qualité de sa contemplation : plus une âme
se tourne v ers l’intelligible et plus elle est puissante 7 4. Or, l’âme du monde ne
cesse jamais de contempler les êtres intelligibles : « ... il faut que l’âme de
l’univ ers contemple les meilleurs êtres, se portant toujours v ers la nature
intelligible et v ers dieu (…) »7 5. En v ertu de sa contemplation infaillible, l’âme
du monde possède le maximum de puissance auquel peut aspirer une âme. Par
la simple contemplation des réalités supérieures, cette âme parv ient à
gouv erner l’ensemble du monde sensible : « … [l’âme du monde] ne gouv erne
pas l’univ ers au moy en de la réflexion et elle n’en corrige rien, mais elle
l’ordonne par la contemplation de ce qui v ient av ant elle, grâce à sa
merv eilleuse puissance. »7 6 La production de l’univ ers rev ient donc à l’âme du

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monde, alors que nos âmes n’inv estissent l’univ ers qu’une fois qu’il a été
fabriqué : « ... les autres âmes [que l’âme du monde], puisque le corps de
l’univ ers existait déjà, ont reçu une part en partage, comme si l’âme qui en a le
contrôle et qui est pour ainsi dire leur sœur leur av ait préparé à l’av ance des
demeures. »7 7 ; « Il faut, tant que nous av ons un corps, rester dans les maisons
que nous a préparées une âme bonne et sœur de la nôtre, qui possède une
grande puissance en v ue de produire sans effort. »7 8
17 L’âme du monde produit donc la terre, les astres et ce qui possède l’âme
v égétativ e. Cette dernière catégorie inclut év idemment les plantes et les
arbres7 9, mais aussi des corps que nous considérons maintenant comme
inanimés, à sav oir les pierres et les montagnes80. Les animaux irrationnels et
les hommes ne semblent pas être produits par l’âme du monde, sinon dans
leur partie v égétativ e. Si l’âme du monde, par sa partie inférieure, peut
fabriquer des corps que gouv ernent la nature et la puissance v égétativ e, elle
ne peut cependant produire les v iv ants qui possèdent l’âme sensitiv e et l’âme
rationnelle. Car la nature, dit Plotin, n’a pas la représentation, ni l’intellection ;
elle n’a pas la connaissance, mais se contente de produire de manière
automatique 81 . La nature produit grâce à la contemplation qu’elle a de la
partie supérieure de l’âme du monde 82 et elle ne possède certainement pas la
« raison », au sens où cette raison implique une recherche et une
introspection sur les actions qu’elle doit poser 83. De même, Plotin affirme que
la puissance v égétativ e, qui v ient de l’univ ers, ne produit pas la sensation,
mais qu’elle se contente de la subir, car la sensation qui juge à l’aide de
l’intellect appartient à chaque âme indiv iduelle 84. Bref, l’âme du monde n’a pas
la sensation85, ni la conscience de ce qu’elle fait86. Il appartient donc aux âmes
indiv iduelles d’apporter dans le monde sensible la sensation et la raison.
Lorsque nos âmes quittent l’âme totale, explique Plotin, elles ne gouv ernent
plus av ec leur partie supérieure, mais elles se mettent à user de la sensation87 .
Les âmes indiv iduelles, par le biais de la métemsomatose, justifient également
la présence de la sensation chez les animaux. Suiv ant la doctrine du Timée 88,
Plotin admet que le genre de v ie que mènent les âmes humaines influe sur leur
v ie future, car les âmes v iles se réincarnent dans des corps de bêtes89.
18 La complémentarité de l’âme du monde et des âmes indiv iduelles se
manifeste clairement dans le cas de l’âme humaine. La partie v égétativ e (ou
naturelle)90 de notre âme v ient de l’univ ers, alors que les autres parties nous
appartiennent en propre. L’âme humaine possède selon Plotin deux parties
principales. Il y a l’âme « que nous appelons div ine, par laquelle nous sommes
nous-mêmes, et l’autre âme, celle qui v ient de l’univ ers »91 . Nous tirons de
l’âme inférieure notre caractère, nos actions et nos passions92, mais,
abstraction faite de tout cela, « il reste ce que nous sommes v éritablement
nous-mêmes, ce à quoi la nature donne la capacité de dominer les
passions. »93. En div isant l’âme humaine en une partie qui v ient de l’âme du
monde et une autre qui est autonome, Plotin accorde à l’homme la liberté. Par
notre âme inférieure, nous sommes soumis au destin univ ersel, mais grâce à
notre âme supérieure, nous pouv ons dominer notre partie inférieure et nous
affranchir de l’ordre qu’impose l’âme du monde au reste de l’univ ers94.
19 La terre, les astres et les v égétaux sont donc produits par l’âme du monde,
alors que les animaux irrationnels et les animaux rationnels v iennent des
âmes indiv iduelles. Lorsque les âmes indiv iduelles apportent l’âme sensitiv e
aux corps qui possèdent déjà l’âme v égétativ e, les animaux irrationnels
apparaissent ; lorsqu’elles leur apportent l’âme sensitiv e et l’âme rationnelle,
ce sont les hommes qui naissent95. Plotin précise toutefois que la production
du monde n’a pas lieu dans le temps96. Il n’y a jamais eu de moment où
l’univ ers n’existait pas, ni de moment où il était priv é d’âme. C’est le discours

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qui nous oblige à décrire l’âme du monde comme si elle produisait le corps de
l’univ ers et s’y introduisait par la suite. Un tel discours est trompeur, souligne
Plotin, car il div ise dans le temps ce qui a toujours existé dans la simultanéité.
20 Dès le traité 6, Plotin maintient que l’âme du monde, lorsqu’elle produit, ne
raisonne ni ne délibère 97 . L’âme « fabrique non en v ertu d’une décision
adv entice et sans non plus attendre souhait et délibération ; en ce cas, elle ne
fabriquerait pas suiv ant la nature, mais suiv ant une technique adv entice. »98.
Il s’agit d’une critique adressée au Timée, selon lequel le Démiurge est un dieu
qui raisonne, calcule, réfléchit, prend en considération et prév oit99. Plotin
attaque cette doctrine à plusieurs reprises, par exemple en 28 (IV, 4), 10 ; 31
(V, 8), 8, 1-16 ; 12, 15-27 ; 33 (II, 9), 2, 14-15 ; 38 (VI, 7 ), 1 et 47 (III, 2), 2, 12-
15. Ses raisons ne v arient pas : la délibération et le calcul rabaissent le
Démiurge, qui non seulement dev rait apprendre son art et le trouv er ailleurs
qu’en lui-même, mais pourrait hésiter dev ant les étapes à accomplir. Le
Démiurge dev rait imaginer son œuv re, construire une partie après l’autre et
suiv re un plan. Plotin croit au contraire que la production de l’univ ers est sans
faille, sans hésitation et sans planification1 00. C’est par une nécessité immuable
et parfaite que tout a été engendré éternellement.

III. Conclusion
21 Nous av ons montré quel rang occupe l’âme du monde et quelle est sa
fonction chez Plotin : elle est une partie de l’âme totale et elle produit l’univ ers
sensible qu’elle gouv erne. C’est une production intemporelle, nécessaire et
automatique. Les âmes particulières, quant à elle, descendent v olontairement
dans le sensible, lorsqu’elles se tournent v ers ici-bas plutôt que v ers
l’Intellect. Elles v iennent dans des corps que l’âme du monde a préparés pour
elles.

Notes
1 La fonction cognitiv e de l’âm e du m onde n’est chez Platon qu’un av atar de sa
fonction m otrice ; v oir l’introduction de L. Brisson à sa traduction du Timée, 5e
édition rév isée et m ise à jour, GF-Flam m arion, Paris, 2 001 , p. 3 9 et 4 2 et surtout,
pour plus de détails, L. Brisson, Le Même et l’Autre dans la structure ontologique du
Tim ée de Platon, Klincksieck, Paris, 1 9 7 4 [3 e édition, Academ ia Verlag, Sankt
Augustin, 1 9 9 8], p. 3 4 0-3 52 .
2 Timée 3 8c-e et 4 0a.
3 De l’âme I, 3 , 4 06 b2 6 -4 07 b2 6 . Le Stagirite se m oque de Platon et lui dem ande,
entre autres, pour quelle raison une telle âm e dev rait se m ouv oir de m anière
circulaire. N’est-il pas absurde de supposer qu’il existe un m ouv em ent dans l’âm e ?
Pourquoi serait-il circulaire et entraînerait-il les astres ?
4 Voir Chrys. fr. 6 3 9 , 7 7 5, 7 7 7 et 82 9 . Les références aux fragm ents stoïciens se
font à la nouv elle édition par R. Dufour, Chrysippe, œuvre philosophique,
« Fragm ents », Belles Lettres, Paris, 2 004 ; abrégée en Chrys.
5 Dans Le Néoplatonisme, colloque de Royaumont, 9-13 juin 1969, « Collection
internationale du CNRS », 53 6 , CNRS, Paris, 1 9 7 1 , p. 55-6 3 .
6 J.-M. Charrue, op. cit., Belles Lettres, Paris, 1 9 7 8, p. 1 3 9 -1 55.
7 E. Zeller, Die Philosophie des Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, t. III,
v ol. II, 3 e édition, Reisland, Leipzig, 1 881 , p. 53 8. J.M. Rist, Plotinus, The Road to
Reality, Cam bridge Univ ersity Press, Cam bridge, 1 9 6 7 , p. 1 1 3 .
8 Op. cit. ; v oir plus particulièrem ent p. 57 -58
9 8 (IV, 9 ), 1 , 1 0-1 1 . La prem ière possibilité reprend la position stoïcienne, que
Plotin réfute en 2 7 (IV, 3 ), 1 , 1 6 -8, 6 0. Pour une analy se détaillée de ces chapitres,
v oir W. Hellem an-Elgersm a, Soul-Sisters.A Commentary on Enneads I V, 3 (27), 1-8
http://etudesplatoniciennes.revues.org/983 9/13
26/2/2017 Le rang de l’âme du monde au sein des réalités intelligibles et son rôle cosmologique chez Plotin
v oir W. Hellem an-Elgersm a, Soul-Sisters.A Commentary on Enneads I V, 3 (27), 1-8
of Plotinus, « Elem enta », 1 5, Rodopi, Am sterdam , 1 9 80. Plus som m airem ent, v oir
aussi la note 1 4 de L. Brisson à sa traduction du traité 2 7 dans Plotin, traités 27-29,
traductions sous la direction de L. Brisson et J.-F. Pradeau, GF-Flam m arion, Paris,
2 005. Chez les stoïciens, v oir Chrys. fr. 6 3 9 , 7 7 5, 7 7 7 et 82 9 .
1 0 8 (IV, 9 ), 4 , 7 -8. Les traductions du grec au français sont les nôtres et elles se
basent sur le texte de l’édition de P. Henry et H.-R. Schwy zer, Plotini Opera, 3 v ols,
« Oxford Classical Texts », Oxford Univ ersity Press, Oxford, 1 9 6 4 -1 9 82 .
1 1 Ce sont les stoïciens ; v oir supra, n. 9 .
1 2 2 7 (IV, 3 ), 2 , 55-58.
1 3 I bid., 4 , 1 4 -1 6 .Voir aussi 2 7 (IV, 3 ), 8, 2 -3 : « Puisque toutes les âm es v iennent
de la m êm e Âm e, de laquelle v ient aussi l’âm e du m onde, elles sont en sy m pathie. »
1 4 8 (IV, 9 ), 5, 1 -7 . Ce thèm e fait l’objet des traités 2 2 et 2 3 (VI, 4 -5), Sur la raison
pour laquelle l’être, un et identique, est partout tout entier.
1 5 8 (IV, 9 ), 5, 7 -1 0.
1 6 I bid., lignes 1 7 -2 6 .
1 7 2 7 (IV, 3 ), 2 , 50-56 .
1 8 I bid., ligne 58.
1 9 Nous av ons abordé cette question dans « Actuality and Potentiality in Plotinus’
View of the Intelligible Univ erse », dans The Journal of Neoplatonic Studies, 9 , 2 ,
2 004 , p. 1 9 3 -2 1 8 ; v oir particulièrem ent p. 2 08-2 1 3 .
2 0 5 (V, 9 ), 6 , 1 0-1 1 .
2 1 I bid., 6 , 1 2 -1 5.
2 2 I bid., 8, 4 -7 .
2 3 I bid.
2 4 2 7 (IV, 3 ), 2 , 5-1 0 ; 54 -59 ; 50 (III, 5), 3 , 3 0-3 2 .
2 5 2 7 (IV, 3 ), 2 , 57 -58.
2 6 6 (IV, 8), 2 , 3 2 -3 3 . Le m ot ciel désigne dans ce contexte l’univ ers entier, v oir R.
Dufour, Plotin, Sur le ciel [Ennéade I I , 1 (40)], « Histoire des doctrines de l’antiquité
classique », 2 9 ,Vrin, Paris, 2 003 , p. 2 0-2 1 .
2 7 I bid., 8, 1 3 -1 4 .
2 8 I bid., lignes 1 1 -1 3 .
2 9 I bid., ligne 1 4 .
3 0 I bid., lignes 1 6 -2 2 .
3 1 1 5 (III, 4 ), 4 , 4 -6 .
3 2 2 7 (IV, 3 ), 4 , 2 1 -2 3 .
3 3 I bid., 9 , 3 3 -3 4 .
3 4 I bid., 1 2 , 1 1 -1 2 .
3 5 2 8 (IV, 4 ), 2 5, 3 -5.
3 6 2 4 6 b-c.
3 7 Phèdre 2 4 6 b7 -c2 .
3 8 2 7 (IV, 3 ), 7 , 1 6 -2 0.
3 9 3 3 (II, 9 ), 4 , 1 -2 .
4 0 2 (IV, 7 ), 1 3 , 8-1 3 .
4 1 2 7 (IV, 3 ), 2 , 5-1 0.
4 2 50 (III, 5), 3 , 3 0-3 2 . Sur le plan du v ocabulaire, on peut souligner qu’en 2 2 (VI,
4 ), 1 6 , 1 3 -1 7 Plotin définit la « descente » de l’âm e com m e le fait pour l’âm e de
donner quelque chose d’elle-m êm e au corps, sans pourtant lui appartenir. D’aucuns
pourraient alléguer que l’âm e du m onde, qui v iv ifie le sensible par sa puissance
inférieure, donne quelque chose d’elle-m êm e à l’univ ers et « descend » donc en lui.
4 3 52 (II, 3 ), 1 7 , 1 5-1 7 .
4 4 I bid., 1 8, 9 -1 6 .

4 5 H.J. Blum enthal,


http://etudesplatoniciennes.revues.org/983 op. cit., p. 58, a égalem ent considéré les chapitres 1 7 et 1 8 du 10/13
26/2/2017 Le rang de l’âme du monde au sein des réalités intelligibles et son rôle cosmologique chez Plotin
4 5 H.J. Blum enthal, op. cit., p. 58, a égalem ent considéré les chapitres 1 7 et 1 8 du
traité 52 (II, 3 ), où il rem arque le passage « direct » de l’Intellect à l’âm e du m onde.
Il explique cette apparente contradiction par le fait que Plotin, dans un contexte
dém iurgique, souligne l’accès direct que l’âm e du m onde peut av oir, tout com m e
nos âm es indiv iduelles, à l’Intellect. Cette contem plation directe de l’Intellect par
l’âm e du m onde n’im plique pas, selon Blum enthal, la disparition de l’âm e totale.
4 6 4 0 (II, 1 ), 5, 2 -4 , cf. Timée 3 8c-d, 4 0b, 4 1 c et 6 9 c.
4 7 I bid., lignes 5-8.
4 8 2 8 (IV, 4 ), 1 3 , 1 -5.
4 9 1 4 (II, 2 ), 1 , 3 8-3 9 .
50 2 8 (IV, 4 ), 1 3 , 1 9 -2 2 .
51 1 5 (III, 4 ), 1 , 1 -7 ; 1 6 -1 7 .
52 I bid., 2 , 4 .
53 2 7 (IV, 3 ), 2 3 , 3 5-3 6 .
54 1 0 (V, 1 ), 2 , 2 0-2 4 .
55 6 (IV, 8), 2 , 2 6 -3 5.
56 I bid., lignes 4 5-4 9 .
57 4 0 (II, 1 ), 7 , 2 4 -2 7 .
58 I bid., 4 , 3 2 -3 3 .
59 6 (IV, 8), 2 , 4 9 -50.
6 0 I bid., 7 , 2 6 -3 2 .
6 1 2 (IV, 7 ), 1 3 , 6 -8.
6 2 1 0 (V, 1 ), 2 , 2 -6 .
6 3 C’est aussi le cas de 1 0 (V, 1 ), 1 0, 2 9 -3 0, où Plotin soutient que c’est la partie
inférieure de l’âm e, celle qui s’établit ici-bas, qui est le seul dém iurge (δημιου ργόν)
du corps.
6 4 2 7 (IV, 3 ), 6 , 1 -3 .
6 5 I bid., lignes 7 -8.
6 6 I bid., 1 1 , 8-9 . Sur la m anière dont la nature produit, v oir les chapitres 2 -4 du
traité 3 0 (III, 8), Sur la contemplation. L. Brisson a bien expliqué com m ent l’âm e du
m onde produit grâce aux raisons (λόγοι) qu’elle a reçues de l’Intellect (« Logos et
logoi chez Plotin. Leur nature et leur rôle », dans Les Cahiers philosophiques de
Strasbourg, 8, 1 9 9 9 , p. 87 -1 08). Pour un résum é, v oir R. Dufour, « Plotin et les
stoïciens » dans ce recueil.
6 7 8 (IV, 9 ), 3 , 2 4 -2 9 . Com parer av ec 2 7 (IV, 3 ), 6 , 1 1 -1 8 : nos âm es n’ont pas à
produire l’univ ers, car l’âm e du m onde l’a déjà façonné.
6 8 5 (V, 9 ), 3 , 2 5-2 6 .
6 9 On discerne jusqu’à trois dém iurges chez Plotin : l’Intellect, l’âm e totale et l’âm e
du m onde. Les deux prem iers sont décrits com m e tels par Plotin, alors que l’âm e du
m onde, sans être qualifiée de dém iurge, m érite ce titre, car elle seule façonne
réellem ent l’univ ers et rem plit la tâche qui incom be au dém iurge platonicien.
7 0 2 7 (IV, 3 ), 4 , 3 0-3 1 ; 6 , 1 ; 7 , 8-1 2 .
7 1 Timée 4 1 d.
7 2 2 7 (IV, 3 ), 6 , 2 7 -3 4 .
7 3 I bid., lignes 2 0-2 4 .
7 4 3 3 (II, 9 ), 2 , 1 6 .
7 5 52 (II, 3 ), 1 8, 8-1 0.
7 6 3 3 (II, 9 ), 2 , 1 4 -1 5.
7 7 2 7 (IV, 3 ), 6 , 1 3 -1 5.
7 8 3 3 (II, 9 ), 1 8, 1 4 -1 7 .
7 9 Cela contredit à nouv eau le Timée, selon lequel la production des v égétaux
rev ient aux dieux subalternes et non au Dém iurge (7 6 e-7 7 a).
80 2 8 (IV, 4 ), 2 7 , 8-1 3 et 3 8 (VI, 7 ), 1 1 , 2 2 -2 7 .
81 2 8 (IV, 4 ), 1 3 , 7 -1 2 .
http://etudesplatoniciennes.revues.org/983 11/13
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81 2 8 (IV, 4 ), 1 3 , 7 -1 2 .
82 3 0 (III, 8), 4 , 1 5-1 7 .
83 I bid., 3 , 1 3 -1 9 .
84 8 (IV, 9 ), 3 , 2 4 -2 7 .
85 En un curieux passage, Plotin se dem ande si l’âm e du m onde pourrait utiliser la
sphère des étoiles fixes afin de v oir ce qui se passe dans le m onde (2 8 [IV, 4 ], 2 4 , 2 5-
3 9 ). La réponse est négativ e, car l’âm e du m onde reste toujours tournée v ers
l’intelligible et n’a pas de sensations (ibid., chap. 2 5).
86 1 5 (III, 4 ), 4 , 7 -1 1 .
87 6 (IV, 8), 4 , 2 1 -3 1 . Com parer av ec Timée 4 2 a : dès que l’âm e s’im plante dans un
corps, la sensation doit nécessairem ent apparaître.
88 4 2 a-d.
89 Sur la transm igration des âm es chez Plotin, v oir 1 5 (III, 4 ), 6 ; 3 8 (VI, 7 ), 6 - 7 ;
4 8 (III, 3 ), 4 et 53 (I, 1 ), 1 1 .Voir aussi J. Laurent, « La réincarnation chez Plotin et
av ant Plotin », dans L’Homme et le Monde selon Plotin, ENS Éditions, Fontenay -aux-
Roses, 1 9 9 9 , p. 1 1 5-1 3 7 et A.N.M. Rich, « Reincarnation in Plotinus », dans
Mnemosyne,1 0,1 9 57 ,p.2 3 2 -2 3 8.Sur les âm es des bêtes, v oir E.B. Cole, « Plotinus on
the Souls of Beasts »,dans The Journal of Neoplatonic Studies, 1 , 1 , 1 9 9 2 -1 9 9 3 , p. 6 3 -
9 0.
9 0 Voir 1 5 (III, 4 ), 1 , 3 -4 : la nature se trouv e aussi en nous, m ais à titre de partie
de notre âm e.
9 1 2 7 (IV, 3 ) 2 7 , 1 -3 .
9 2 52 (II, 3 ), 9 , 1 0-1 4 .
9 3 I bid., 9 , 1 4 -1 6 .
9 4 3 (III, 1 ), 8 ; 2 7 (IV, 3 ), 7 , 2 5-3 0 et 2 8 (IV, 4 ), 3 2 , 7 -1 4 .
9 5 De m anière concrète, l’em bry on est considéré com m e un v égétal et ce n’est qu’à
la naissance que le bébé reçoit son âm e supérieure, qui v ient de l’extérieur et non de
la m ère (2 7 [IV, 3 ], 7 , 2 8-3 0). Cette doctrine plotinienne n’est pas sans rapport
av ec celle d’Aristote qui, en adm ettant que l’em bry on est une plante (Génération
des animaux II, 3 , 7 3 6 b1 2 - 1 3 et III, 2 , 7 53 b2 7 -2 9 ), se dem ande si la puissance
intellectiv e de l’âm e ne lui v ient pas de l’extérieur (ibid. II, 3 ). Sur l’em bry on, qui
ne possède que la faculté v égétativ e, v oir aussi Alexandre d’Aphrodise, De l’âme 3 6 ,
2 1 -3 7 , 3 et les stoïciens (Chrys. fr. 7 55, 7 56 et 806 ).
9 6 2 7 (IV, 3 ), 9 , 1 2 -2 0.
9 7 6 (IV, 8), 8, 1 1 -1 6 .
9 8 2 7 (IV, 3 ), 1 0, 1 4 -1 7 .
9 9 Timée 3 0b-c, 3 3 b, 3 4 a, 3 9 e, 55c et 7 3 a.
1 00 Cela explique, entre autres, que l’âm e du m onde n’a pas souv enir de ses actions.
Sur le thèm e de la m ém oire dans l’âm e du m onde, v oir, dans ce recueil, l’article de
L. Brisson.

Pour citer cet article


Référenc e papier
Richard Dufour, « Le rang de l’âme du monde au sein des réalités intelligibles et son
rôle cosmologique chez Plotin », Études platoniciennes, 3 | 2006, 89-102.

Référenc e élec tro niq ue


Richard Dufour, « Le rang de l’âme du monde au sein des réalités intelligibles et son
rôle cosmologique chez Plotin », Études platoniciennes [En ligne], 3 | 2006, mis en ligne
le 01 septembre 2016, consulté le 26 février 2017. URL :
http://etudesplatoniciennes.revues.org/983 ; DOI : 10.4000/etudesplatoniciennes.983

Auteur
Richard Dufour

http://etudesplatoniciennes.revues.org/983 12/13
26/2/2017 Le rang de l’âme du monde au sein des réalités intelligibles et son rôle cosmologique chez Plotin
Artic les du m êm e auteur
Plotin et Atticus [Texte intégral]
Paru dans Études platoniciennes, 5 | 2008
Plotino, Sulle virtú I 2 [19], Introduzione, testo greco, traduzione e commento di
Giovanni Catapano [Texte intégral]
Paru dans Études platoniciennes, 4 | 2007

J. Wilberding, Plotinus’ Cosmology  : A Study of Ennead II.1 (40) [Texte intégral]


Paru dans Études platoniciennes, 4 | 2007

Plotin et les stoïciens [Texte intégral]


Paru dans Études platoniciennes, 3 | 2006
M. Fattal (éd.), La Philosophie de Platon, Tome 2 [Texte intégral]
Paru dans Études platoniciennes, 3 | 2006

Plotino, Che cos’è l’essere vivente e che cos’è l’uomo ? I 1 [53] [Texte intégral]
Paru dans Études platoniciennes, 3 | 2006
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