Vous êtes sur la page 1sur 21

Antichristianisme et écologie radicale

Stéphane François
Dans Revue d'éthique et de théologie morale 2012/4 (n°272), pages 79 à 98
Éditions Éditions du Cerf
ISSN 1266-0078
DOI 10.3917/retm.272.0079
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2012-4-page-79.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour Éditions du Cerf.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

Stéphane François

ANTICHRISTIANISME
ET ÉCOLOGIE RADICALE

Pour beaucoup d’observateurs, l’écologie comporte de facto


un aspect néopaïen qui fait d’elle une sorte de religion néo-
animiste fondée sur la sacralisation de la nature et sur le retour
de cultes archaïques consacrés à la déesse Terre. Toutefois, il
n’est pas nécessaire de se dire néopaïen pour adopter une
conception païenne, ou tout du moins antichrétienne, de l’éco-
logie. En effet, ce dernier aspect est très présent au sein des
milieux radicaux de l’écologie, comme le sont les partisans de
l’écologie dite « profonde » car il est vrai que cette forme
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


d’écologie est largement panthéiste (il s’agit de défendre Gaïa,
la « Terre-mère »). En retour, elle cherche à contrer la « dé-
divinisation » de la nature, qui fut analysée en son temps par
Martin Heidegger, à combattre le désenchantement du monde
décrypté par Max Weber, à la suite de Nietzsche. Par consé-
quent, nous allons principalement nous intéresser ici non pas
à l’aspect païen de l’écologie, mais à l’une des dérives, voire
l’une des conséquences, de l’écologie radicale : l’antichristia-
nisme, en particulier dans sa version catholique. Celui-ci peut
avoir plusieurs origines, que nous étudierons.

L’ÉCOLOGIE PROFONDE

Il existe plusieurs formes d’écologie, qui se définissent


principalement de deux façons : la première est l’écologie dite
« superficielle » (shallow ecology), modérée dans ses propositions,
qui renvoie principalement à l’idée de développement durable.
Cette conception est dominante aujourd’hui. Elle est aussi connue
sous le nom d’« environnementalisme ». Anthropocentrique, elle
se ramène à une simple gestion de l’environnement et vise à

REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE ž N 272 ž DÉCEMBRE 2012 ž P. 79-98 79


REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

concilier préoccupation écologique et production industrielle, à


proposer des solutions ponctuelles, sans remettre en cause les
fondements des sociétés occidentales. Elle ne condamne pas les
religions monothéistes ; tout au contraire, elle a parmi ses dé-
fenseurs une proportion assez élevée de croyants de l’une ou
l’autre religion du Livre. Elle s’oppose à la seconde, qui nous
intéresse dans ce texte : l’écologie dite « profonde » (deep
ecology), radicale dans ses doctrines et manifestations. D’ailleurs,
c’est le théoricien de la seconde qui a forgé les expressions et
donné le sens négatif à cette première forme d’écologie. En
effet, cette forme d’écologie est analysée par ses contempteurs
radicaux comme une tendance de type réformiste qui se foca-
liserait uniquement sur la réduction de la pollution et la sau-
vegarde des ressources matérielles, dans l’objectif de garantir
le mode de vie des sociétés occidentales. Ses contempteurs lui
reprochent aussi son aspect optimiste et scientiste, c’est-à-dire
l’idée selon laquelle la solution aux problèmes écologiques se
trouverait dans la science et dans la capacité du modèle libéral
à se réformer. Ils critiquent enfin l’aspect législatif et administratif
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


des solutions proposées.
L’écologie radicale (ou écologie profonde ou deep ecology –
nous utiliserons indifféremment dans ce texte ces expressions
comme synonymes) a donc été inventée par un philosophe
norvégien, Arne Naëss. Marqué par le panthéisme spinozien,
et par le gnosticisme, il a théorisé cette forme d’écologie en
1972, sous le terme d’« écosophie ». Celle-ci désigne chez lui
une philosophie de la vie, distincte de l’écologie-science et
centrée sur l’idée de réalisation de soi ¹. Là encore, l’adversaire
principal serait l’anthropocentrisme issu de la Bible. Pour Naëss,
au contraire, l’homme ne serait qu’une des nombreuses formes
de la réalité vivante, sans valeur intrinsèque supérieure. En outre,
il postule la thèse d’une nature comprise comme la manifes-
tation d’une énergie cosmique en perpétuel devenir, qui anime
également l’homme. Cette conception de la nature rejoint très
largement la cosmologie ² des néopaïens. De fait, ses thèses

1. Arne NAESS, Self-Realization. An Ecological Approach to Being in the World, Keith


Memorial Lecture, Murdoch University Press, 1986 ; ID., Ecology, Community and
Lifestyle, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
2. Pour l’anthropologue, l’être humain pense et déploie ses raisonnements dans le cadre

80
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

peuvent être résumées de la façon suivante : le bien-être et


l’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre
possèdent une valeur intrinsèque ; cette dernière est indépen-
dante de l’utilité instrumentale des formes de vie non humaine ;
la richesse et la diversité de ces formes de vie sont en elles-
mêmes des valeurs en soi car elles contribuent à l’épanouisse-
ment de la vie humaine et non humaine sur Terre ; les hommes
n’ont pas le droit de réduire cette richesse et cette diversité, ni
d’interférer de façon destructrice avec la façon non humaine, sauf
pour satisfaire des besoins vitaux ; l’épanouissement des cultures
et de la vie humaine est compatible avec une diminution de la
population humaine. L’épanouissement de la vie non humaine
exige cette diminution ; la façon dont les hommes interfèrent
avec le monde non humain est excessive et nuisible ; le prin-
cipal changement politique, économique et idéologique consis-
terait à mettre en valeur la qualité de la vie plutôt que la
satisfaction d’un meilleur niveau de vie ³.
De ce fait, l’écologie profonde rejette la modernité techno-
scientifique, issue selon elle du christianisme et perçue comme
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


une impasse. Selon Giovanni Filoramo, l’écologie profonde doit
être comprise comme :

une tentative d’ordonner ontologiquement homme et nature,


dans le but de créer une façon nouvelle de penser et d’agir, une
philosophie de vie nouvelle, un nouveau paradigme écologique
caractérisé par son holisme et son radicalisme : holistique, parce
qu’elle se refuse à l’atomisation de la connaissance et de la réa-
lité ; et radicale parce qu’elle veut aller aux racines des choses,
critiquant et déconstruisant la machine technomorphe créée par

Suite note 2
d’une vision du monde, plus ou moins cohérente, selon les cas, qui porte sur les êtres,
les objets et les puissances censés peupler le réel, sur leur propriétés, leurs rapports,
leur origine et leur devenir : ce sont les cosmologies. Celles-ci offrent « une matrice
générale d’intelligibilité des faits empiriquement observables, qu’ils soient de l’ordre des
pratiques, des idées ou des institutions » (Wiktor STOCZKOWSKI, Anthropologies
rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss, Paris, Hermann, 2008, p. 17-18). Pour
Eduardo Vivieros de Castro, il s’agit d’une « conception du monde [qui] se présente
sous des formes discursives ou comme structures sous-jacentes à plusieurs dispositifs
symboliques » (Eduardo VIVIEROS DE CASTRO, « Cosmologie », dans Pierre BONTE et
Michel IZARD (dir.), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF,
« Quadrige », 2010, p. 178-179).
3. Arne NAESS, « Huit thèses sur l’”écologie profonde“ », Krisis, n 15, septembre 1993,
p. 24-29.

81
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

la science moderne tout en restaurant dans son intégrité le sens


perdu de l’harmonie entre l’homme et la nature ⁴.

Par conséquent, elle affirme le caractère « vivant » dans la


nature, dans l’acception de l’hypothèse Gaïa de James Lovelock.
En 1969, ce biologiste britannique proposa, sur une suggestion
de l’écrivain Louis Golding, l’« hypothèse Gaïa », du nom de la
déesse grecque de la Terre ⁵. Cette théorie panthéiste, en
substituant la déesse Gaïa à la Terre, voit dans notre planète un
vaste système vivant autorégulé, l’écosphère, « c’est-à-dire
l’ensemble formé par la biosphère, son substrat géologique et
l’atmosphère ⁶ ». En acceptant cette hypothèse, les personnes
dont nous étudions les discours font de la Terre notre mère. En
conséquence, nous devons la respecter et la défendre. Michel
Maffesoli qualifie cette attitude de dionysisme : dieu chtonien,
dieu de cette terre-ci, Dionysos serait l’archétype de la sensi-
bilité écologique ⁷. En ce sens, l’écologie radicale se rapproche
clairement du néopaganisme ⁸. Ce dernier postule l’existence des
lieux « sacrés » prédestinés, propices à la célébration des cultes,
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


et l’existence de cycles cosmiques qui forceraient les hommes
à se mettre en harmonie avec le monde. Ainsi, selon Edward
Goldsmith, un théoricien britannique de l’écologie radicale :
Intégré à un temps cyclique fondé sur le recommencement
et le retour des choses, l’homme traditionnel accumulait des
connaissances dans le seul but de toujours mieux s’adapter à la
nature, sans imaginer que l’on puisse faire l’inverse, c’est-à-dire
adapter la nature à l’homme ⁹.

4. Giovanni FILORAMO, « Métamorphoses d’Hermès. Le sacré ésotérique de l’écologie


profonde », dans Danièle HERVIEU-LÉGER (dir.), Religion et Écologie, Paris, Éd. du Cerf,
1993, p. 140.
5. Voir James LOVELOCK, La Terre est un être vivant. L’hypothèse Gaïa, Monaco, Le
Rocher, 1986 ; Les Âges de Gaïa, Paris, Robert Laffont, 1990 et Gaïa. Comment soigner
une Terre malade, Paris, Robert Laffont, 1992.
6. Edward GOLDSMITH, Le Défi du XXI siècle. Une histoire écologique du monde, Monaco,
Le Rocher, 1994, p. 433.
7. Michel MAFFESOLI, Matrimonium. Petit traité d’écosophie, Paris, Éd. du CNRS, 2010,
p. 15.
8. Sur cette question, voir Stéphane FRANÇOIS, Le Néo-paganisme. Une vision du monde
en plein essor, Apremont, MCOR, 2007 (rééd. Éd. de la Hutte, 2012) et Les Néo-paga-
nismes et la Nouvelle Droite (1980-2006). Pour une autre approche, Milan, Archè,
2008.
9. Edward GOLDSMITH, « L’avenir de la Terre », Krisis, n 20-21, novembre 1997,
p. 28.

82
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

Ce lien serait distinctement affirmé, selon ces écologistes


radicaux, dans les religions orientales, notamment le boud-
dhisme, l’hindouisme ou le shintoïsme. Cependant, depuis l’avè-
nement du christianisme, Pan, dieu de la totalité et de la nature,
est mort. Et les écologistes radicaux vont reprocher cette mort
au christianisme.

LA CONDAMNATION
DU CHRISTIANISME

Dans cette perspective, non anthropocentrique et non mono-


théiste, la Terre et l’univers sont perçus comme un grand tout
harmonieux auquel l’homme est associé par son être même.
Selon ce discours, le principal destructeur de ce lien cosmique
serait le christianisme. En ce sens, nos écologistes sont influencés
par l’historien des religions Mircea Eliade, qui lui-même a une
vision plus ou païenne de la nature ¹⁰ :
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


La science moderne n’aurait pas été possible sans le judéo-
christianisme qui a évacué le sacré du cosmos et l’a ainsi
« neutralisé » et « banalisé » [...] Par sa polémique antipaïenne, le
christianisme a désacralisé le cosmos [...] et a rendu possible l’étude
objective, scientifique de la nature [...] La « technique », la civili-
sation occidentale, est le résultat indirect du christianisme, qui a
remplacé le mythe dans l’Antiquité ¹¹.

Michel Serres, un partisan de l’écologie profonde mais non


influencé par l’ésotérisme, ne dit pourtant pas autre chose :
Le monothéisme a détruit les dieux locaux, nous n’entendons
plus les déesses rire parmi les sources, ni ne voyons les génies
paraître dans les frondaisons ; Dieu a vidé le monde ¹²...

Ce propos est particulièrement intéressant pour nous. En effet,


ces écologistes radicaux, adeptes de l’écologie profonde, déve-
loppent une vision du monde, c’est-à-dire ce que les anthropo-
logues appellent une cosmologie, qui va à l’encontre d’un sens

10. Voir Florin TURCANU, Mircea Eliade. Le prisonnier de l’histoire, Paris, La Décou-
verte, 2003.
11. Mircea ELIADE, Fragments d’un journal I. 1945-1969, Paris, Gallimard, 1973, p. 302,
328 et 402.
12. Michel SERRES, Le Tiers instruit, Paris, Bourin, 1991, p. 180.

83
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

positiviste de l’histoire, hérité du christianisme, allant du passé


vers le futur suivant un sens logique et faisant du progrès le
moteur du développement civilisationnel. Comme l’écrivait Jean
Servier,
Dans notre civilisation matérialiste, la vision du monde régé-
nérée par la science a remplacé la Terre promise. La Marche du
progrès des techniques a retrouvé les trois étapes de la mystique
juive retraçant dans le temps la marche vers la Terre promise ¹³.

Selon les écologistes radicaux, c’est ce même christianisme qui


entrave le développement d’une conscience écologique. En effet,
une figure de l’écologie radicale comme Aldo Leopold écrit que
« l’écologie n’arrive à rien parce qu’elle est incompatible avec
notre idée abrahamique de la Terre ¹⁴ », au contraire des religions
païennes qui sont écologico-compatibles, selon l’universitaire
américain antichrétien Lynn White :
Dans l’Antiquité, chaque arbre, chaque source, chaque filet
d’eau, chaque colline avait son propre genius loci, son génie
protecteur. Ces esprits étaient accessibles à l’homme, tout en
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


différant grandement de lui, comme l’atteste l’ambivalence des
centaures, des faunes et des sirènes. Avant de couper un arbre,
de percer une montagne ou de détourner un ruisseau, il était donc
important d’apaiser le génie protecteur du lieu et de faire en sorte
qu’il demeure apaisé ¹⁵.

Ce type de discours antichrétien a aussi été énoncé par Ivan


Illich, cet ancien prêtre qui considérait l’Église, en tant qu’institu-
tion, comme un facteur d’aliénation. Il a été également soutenu
par le catholique fort peu orthodoxe Eugen Drewermann au
début des années 1980. En effet, dans les Fonctionnaires de Dieu,
il soutient l’idée d’un prêtre « bureaucrate de dieu ¹⁶ », victime
de ce qu’il considère comme un système broyeur d’individualité,
comme un carcan culpabilisateur et destructeur : l’Église. En
outre, l’ex-théologien, adepte de l’écologie profonde ¹⁷, a cherché

13. Jean SERVIER, Histoire de l’utopie, Paris, Gallimard, « Folio », 1991, p. 378.
14. Aldo LEOPOLD, Almanach d’un comté de sable, Paris, Garnier-Flammarion, 2000,
p. 14-15.
15. Lynn WHITE, « Les racines de notre crise écologique », Krisis, n 15, septembre 1993,
p. 67.
16. Eugen DREWERMANN, Les Fonctionnaires de Dieu, Paris, Albin Michel, 1993.
17. « Entretien avec Eugen Drewermann », http://www.archivesecologistes.net/article-
1428450.html, consulté le 28/08/2012.

84
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

à montrer dans Le Progrès meurtrier ¹⁸ les origines judéo-


chrétiennes de la destruction de la nature. Selon lui, la relation
de Dieu au monde est une relation de volonté de pouvoir et
d’asservissement, dans laquelle seul l’homme serait choyé. De
ce fait, Drewermann condamne l’anthropocentrisme, dont il voit
l’origine dans la Bible. Il développa ce refus de l’anthropocen-
trisme dans un ouvrage intitulé De l’immortalité des animaux ¹⁹,
où il se proposait aussi de réfléchir sur la condition animale
(élevage industriel intensif pour la nourriture, expérimentations
diverses pour la science médicale ou pour les produits cosmé-
tiques, mauvais traitements divers, etc.). Selon lui, réfléchir sur
ces questions était aussi une façon de réfléchir sur la place de
l’homme au sein de la nature.
En outre, ces écologistes, qu’ils soient de gauche ou droite,
adhèrent aux conclusions de Louis Dumont, qui affirmait que
l’individualisme honni est issu du christianisme ²⁰. Entérinant
cette conception, Alain de Benoist affirme, converti à l’écologie
radicale depuis le milieu des années 1990 :
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


L’écologie est évidemment très proche du paganisme, en raison
de son approche globale des problèmes de l’environnement, de
l’importance qu’elle donne à la relation entre l’homme et le monde,
et aussi, bien sûr, de sa critique de la dévastation de la Terre sous
l’effet de l’obsession productiviste, de l’idéologie du progrès et de
l’arraisonnement technicien ²¹.

Cependant, il prend ses distances avec les partisans de l’éco-


logie profonde qui commet, selon lui, « l’erreur, symétriquement
inverse de l’humanisme cartésien, de dissoudre de façon ré-
ductionniste la spécificité humaine dans le reste du vivant ²² ».
Un point de vue validé par un philosophe libéral comme Alain
Renaut :
Depuis l’effondrement des cosmologies antiques, depuis que
l’univers s’est révélé à nous comme infini, la nature est muette,

18. E. DREWERMANN, Le Progrès meurtrier. La destruction de la nature et de l’être


humain à la lumière de l’héritage du christianisme, Paris, Stock, 1983.
19. E. DREWERMANN, De l’immortalité des animaux, Paris, Éd. du Cerf, 1992.
20. Voir, notamment, Carl AMERY, Das Ende der Vorsehung. Die gnadenlosen Folgen
des Christentums, Reinbeck bei Hambourg, Rowohlt, 1974.
21. « Comment peut-on être païen ? Entretien avec Alain de Benoist », Élément, n 89,
juillet 1997, p. 13.
22. Ibid., p. 13.

85
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

elle ne fait surgir par elle-même aucune espèce de sens [...] Pour
les modernes, les arbres en eux-mêmes sont vides de sens et ne
disent rien ²³.

Comme eux, Alain de Benoist voit l’origine de cet arraisonne-


ment du monde, pour reprendre une expression heideggerienne,
dans le christianisme. Selon Maffesoli,
C’est par et grâce à cette rationalisation généralisée de
l’existence (Max Weber) qu’est rompue la participation magique,
la correspondance mystique que l’homme, dans les sociétés
pré-modernes, entretenait avec son environnement naturel. Le
rationalisme sans contrepoids, aboutissant inéluctablement à la
morbidité ²⁴.

De fait, les écologistes radicaux appellent au dépassement de


l’anthropocentrisme moderne et à la conscience d’une coappar-
tenance de l’homme et du cosmos. Ce dépassement de l’anthro-
pocentrisme doit être vu comme une nouvelle forme de trans-
cendance immanente qui ferait de la nature un partenaire, non
un adversaire ou un objet, comme le fit le christianisme selon
eux. En effet, cette conception du monde gomme la spécificité
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


de l’homme en lui déniant la place exclusive que lui avaient
attribuée le christianisme et l’humanisme classique. Dans ce type
de discours, les Occidentaux sont présentés comme malades à
la fois de l’absence de respect pour la nature et du prométhéisme
des sociétés modernes. Le technicisme et les découvertes
scientifiques auraient coupé l’homme des bienfaits de la nature.
Par conséquent, ce n’est qu’en renouant ce lien organique et sacré
que l’homme pourrait retrouver sa place dans cette harmonie et
son authenticité : il ne faut donc pas dénaturer la nature, au
péril, selon ces néopaïens, de se dénaturer soi-même. Ce refus
de la modernité techniciste est l’une des constances doctrinales
du néopaganisme depuis les premières formulations par les
alternatifs et les völkischer allemands, à la fin du XIX siècle,
jusqu’à nos jours. Ils ne sont pas seulement pionniers dans la
réactivation du paganisme, mais aussi dans la théorisation du
naturisme, des « bains de lumières », du « retour à la nature »,

23. Alain RENAUT, « Naturalisme ou humanisme ? Discussion de Lévi-Strauss », Sujet de


droit et objet de droit. L’homme est-il le seul sujet de droit ?, Caen, Presses universi-
taires de Caen, 1992, p. 136-137.
24. Michel MAFFESOLI, Matrimonium, p. 25.

86
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

dans l’essor du végétarisme, de l’homéopathie et des médecines


douces, dans les premières théories alternatives à la modernité
en tant que prométhéisme, mais aussi dans la critique du chris-
tianisme comme source du rejet de la nature.

L’ARRAISONNEMENT CHRÉTIEN
DU MONDE

La thèse de la responsabilité du christianisme dans l’asservis-


sement de la nature a été publiée pour la première fois en 1967
dans Science par un universitaire américain, Lynn White Jr. Ce
dernier y qualifie le christianisme de « religion néfaste pour
l’humanité ²⁵ ». Alain de Benoist a republié ce texte, en 1993, dans
Krisis ²⁶. Voici ce que dit Lynn White Jr :
Le christianisme a hérité du judaïsme, non seulement la
conception d’un temps linéaire, qui ne se répète pas, mais
également un impressionnant récit de la création du monde [...]
Dieu a conçu tout cela explicitement au bénéfice de l’homme et
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


pour lui permettre de faire régner sa loi : il n’est rien dans le monde
physique résultant de la création qui ait d’autre raison d’existence
que de servir les fins humaines [...] Le christianisme, surtout dans
sa forme occidentale, est la religion la plus anthropocentrique que
le monde ait connu [...] Non seulement le christianisme, en
opposition absolue à l’ancien paganisme comme aux religions de
l’Asie (exception faite peut-être du zoroastrisme), instaure un
dualisme entre l’homme et la nature, mais il insiste également
sur le fait que l’exploitation de la nature par l’homme, pour
satisfaire à ses fins propres, résulte de la volonté de Dieu ²⁷.

Néanmoins, en dépit de son antichristianisme virulent, Lynn


White a pu affirmer que saint François d’Assise devait être
considéré comme le saint patron des écologistes.
De fait, cet arraisonnement chrétien du monde peut être
résumé par différents passages de la Bible :
N’aimez pas le monde, ni les choses du monde. Si quelqu’un
aime le monde, il n’a pas l’amour du Père (1 Jean 2, 15-16).

25. Laurent LARCHER, La Face cachée de l’écologie. Un antihumanisme contemporain,


Paris, Éd. du Cerf, 2004, p. 216.
26. Lynn WHITE, « Les racines de notre crise écologique », traduction de l’article intitulé
« The Historical Roots of Our Ecological Crisis », Science, mars 1967, p. 1204-1207.
27. Ibid., p. 66-67.

87
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la Terre. Soyez la


crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les
oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de
tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains
(Genèse 9, 1-3).

Toujours dans ce livre, Iahvé dit à Adam et à Ève :


Soyez féconds, multipliez, emplissez la Terre et soumettez-la
(Genèse 1, 28).

Plus loin, il dit aussi à Noé :


Pour vous, soyez féconds, pullulez sur la Terre et dominez
(Genèse 9, 7).

Dieu place donc l’homme au sommet de la création, c’est-


à-dire au centre du monde, car créé à l’image de son créateur.
Dans cette optique, nos auteurs postulent l’idée selon laquelle
la nature n’a été créée que pour servir l’homme, qui la trans-
cende : il peut donc l’asservir. De cette conception du monde
serait né un dualisme (être créé/être incréé, âme/corps, etc.) se
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


traduisant par un anthropocentrisme, condamné par les militants
écologistes radicaux car il serait aussi un arraisonnement de
la nature. Il est d’autant plus condamné que, en 1870, lors du
concile de Vatican I, l’Église défendait encore une telle position,
notamment lorsqu’elle affirma que le monde était totalement
distinct de Dieu, son créateur. Le christianisme désacraliserait
l’univers et le viderait de ses forces magiques. Cette idée
d’arraisonnement se retrouva au début des années 1980 chez
Eugen Drewermann, qui affirmait que le christianisme n’a jamais
voulu revenir sur ses prétentions anthropocentristes ²⁸.
Selon Lynn White Jr, ce discours est à l’origine de la crise
écologique. Il rappelle que, dans le monde de la Bible, l’arrai-
sonnement de la nature désacralisée est un devoir qui s’inscrit
dans le plan divin. Ainsi, il est largement partagé par des éco-
logistes anglo-saxons comme Clive Ponting qui considère que
la nature n’est pas vue comme sacrée dans le christianisme ²⁹.
Il fut, enfin, également défendu par des philosophes conser-

28. E. DREWERMANN, Le Progrès meurtrier.


29. Clive PONTING, A Green History of the World. The Environment and the Collapse
of Great Civilisations, Londres, Penguin Books, 1991.

88
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

vateurs de renom comme Leo Strauss ou Martin Heidegger.


Leo Strauss affirmait déjà que l’Ancien Testament méprisait la
nature :
L’Ancien Testament [...] ignore la « nature » ; le mot hébreu qui
la désigne n’existe même pas dans la Bible hébraïque. Il va sans
dire, en effet, que les mots « le ciel et la terre » ne recouvrent
pas la même réalité que la « nature » ³⁰.

Martin Heidegger a approfondi cette idée :


Le « naturel » de l’homme, c’est – pour la pensée chrétienne –
ce qui lui a été donné en propre lors de la création, ce qui est
laissé à la discrétion de sa liberté ; cette « nature » – abandonnée
à elle-même – conduit par le jeu des passions à la ruine de
l’homme ; c’est pourquoi la « nature » doit être continuellement
rabrouée : en un sens, elle est ce qui ne doit pas être ³¹.

Cette rupture, cette césure se retrouva au cœur de la pensée


des Lumières. Ainsi, le piétiste Emmanuel Kant pouvait écrire :
L’unique cause du mal, c’est que la nature n’est pas soumise
à des règles ³².
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


De tels propos expliquent pourquoi un grand nombre d’éco-
logistes radicaux refusent les bénéfices intellectuels et produc-
tivistes des Lumières. Ludwig Feuerbach l’avait déjà noté dans
son Essence du christianisme :
Dans sa signification caractéristique, la doctrine de la création
ne prend naissance que là où l’homme soumet pratiquement la
nature uniquement à sa volonté et à ses besoins, et par suite
dans sa faculté de représentation la réduit à l’état de pure et
simple matière d’œuvre, à l’état de produit de la volonté [...] Elle
n’exprime et ne contient que le commandement de traiter la na-
ture, non point en objet de pensée, mais en objet de jouissance
et d’utilité ³³.

30. Leo STRAUSS, Droit naturel et Histoire, Paris, Flammarion, 1986, p. 84.
31. Martin HEIDEGGER, « Ce qu’est et comment se détermine la phusis », Questions I
et II, Paris, Gallimard, 1990, p. 485.
32. Emmanuel KANT, Réflexions sur l’éducation, Paris, Vrin, 1992, p. 80.
33. Ludwig FEUERBACH, Essence du christianisme, Paris, Gallimard, « Tel », 1993,
p. 243-245.

89
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

UNE NOUVELLE SPIRITUALITÉ


MILLÉNARISTE

Au-delà de ces réflexions, certains écologistes souhaitent


transformer la défense de la nature en une sorte de « devoir sacré »
qui irait de pair avec l’acception d’une transcendance écolo-
gique, c’est-à-dire, concrètement, d’une conception spiritualiste
de l’écologie ³⁴, qui s’imposerait à l’activité humaine. D’ailleurs,
Alain Caillé affirme que l’écologie « engage des choix éthiques
et métaphysiques ³⁵ ». En effet, Edward Goldsmith soutient que
l’avenir de l’homme et celui de la Terre sont homéotéliques,
c’est-à-dire soumis aux mêmes fins : il faut donc élaborer une
nouvelle religion, ou du moins se débarrasser du christianisme.
Ainsi, Hans Jonas n’hésitait pas à soutenir l’idée qu’il faut mettre
en place une nouvelle éthique du futur, qui devra être étendue
« au comportement de l’espèce toute entière vis-à-vis de la nature
toute entière ³⁶ ». Cette nouvelle éthique/spiritualité s’inspire de
l’hypothèse Gaïa de Lovelock. Selon lui,
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


L’hypothèse Gaïa [...] offre une alternative à cette vision
pessimiste de la nature, force primitive devant être soumise et
conquise, et à cette image tout aussi déprimante de notre planète,
vaisseau spatial lancé dans une course folle, voyageant pour
l’éternité, sans pilote et sans but, sur une orbite basse du système
solaire ³⁷.

Elle propose donc concrètement, par son panthéisme, un


ré-enchantement du monde, voire une nouvelle cosmologie. De
fait, des théoriciens comme Anders, Illich ou Gorz ont été
influencés par une philosophie spiritualiste du monde qui, si
elle n’était pas issue de l’ésotérisme, n’en cherchait pas moins
à le ré-enchanter au moyen d’approches personnalistes et/ou
romantiques ³⁸. Dans ce type de discours, la transcendance

34. Sur cet aspect, voir Charlène SPRETNAK (dir.), Les Dimensions spirituelles de la
politique écologique, Genève, Jouvence, 1993.
35. Alain CAILLÉ, « La question du développement durable comme question politique.
Illimitation et irréversibilité », dans COLLECTIF, Dé-penser l’économique. Contre le
fatalisme, Paris, La Découverte, 2005, p. 250.
36. Hans JONAS, Pour une éthique du futur, Paris, Payot/Rivages, 1998, p. 67.
37. James LOVELOCK, La Terre est un être vivant, p. 41.
38. Thomas KELLER, Les Verts allemands. Un conservatisme alternatif, Paris, L’Harmattan,
1993, p. 71.

90
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

n’émane plus de Dieu, du divin, mais de la « Nature ». La reli-


giosité chez Illich, Schumacher et Amery est surtout une sensi-
bilité à la vulnérabilité de l’existence humaine, proche, dans un
sens, de l’animisme. En effet, outre des éléments apocalyptiques
ouvertement millénaristes, ces écologistes ont intégré dans leurs
discours, durant les années 1970, des éléments de nature spi-
rituelle.
L’aspect millénariste est important dans ces discours : ces
écologistes s’inscrivent en effet dans la filiation des mouvements
apocalyptiques qui prônent un état de nature égalitaire et qui
émaillent l’histoire de l’humanité : cette thématique est récurrente
en Occident depuis l’époque gréco-latine. Norman Cohn a
résumé, dans Les Fanatiques de l’Apocalypse ³⁹, les principales
caractéristiques du salut. Premièrement, il est collectif : il ne s’agit
pas de salut individuel, les fidèles en bénéficieront en tant que
groupe ; deuxièmement, il est terrestre : le salut doit se faire sur
cette terre et non pas dans un paradis situé dans un autre monde ;
troisièmement, il est imminent : il ne s’agit pas d’un salut projeté
dans un avenir lointain, mais il doit venir bientôt et soudaine-
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


ment ; quatrièmement, il est total : il va complètement transformer
la vie sur terre, il ne s’agit pas simplement d’une amélioration
du présent ; et, enfin, il est miraculeux : il ne découlera pas
d’efforts humains, mais sera accompli par des agents surnaturels
ou avec leur aide. Les quatre premières caractéristiques alimen-
tent « périodiquement l’émergence de courants engagés dans la
quête du millenium égalitaire et libertaire par la destruction de
l’ordre social ⁴⁰ », dont les discours écologistes, subversifs ou
mystiques.
En France, l’un des représentants et propagateurs de cette
forme d’écologie pourrait être le mathématicien et philosophe
des sciences Michel Serres. Dans Le Contrat naturel, publié en
1990 ⁴¹, il défend une conception de l’écologie radicale, bien qu’il
n’utilise jamais le terme « écologie ». Ce texte serait, selon son

39. Norman COHN, Les Fanatiques de l’Apocalypse. Millénaristes révolutionnaires et


anarchistes mystiques au Moyen Âge, éd. revue, Paris, Payot, 1983, p. 9-10.
40. Arnaud BAUBÉROT, Histoire du naturisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes,
2004, p. 176.
41. Michel SERRES, Le Contrat naturel, Paris, Flammarion, 1992. Nous retrouvons une
thématique similaire dans Stéphane FERRET, Deepwater Horizon. Éthique de la nature
et philosophie de la crise écologique, Paris, Éd. du Seuil, 2011.

91
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

auteur, un livre philosophique traitant à la fois de l’histoire du


droit et de la philosophie des sciences, et non une justification
d’un fondamentalisme écologiste. Pourtant, il y défend l’idée que
la Déclaration universelle des droits de l’homme, de 1948, « n’est
pas universelle tant qu’elle ne décide pas que tous les vivants
et tous les objets inertes, bref, la Nature entière deviennent, à
leur tour, des sujets de droit ⁴² ». Selon lui, la « nature » doit devenir
un sujet de droit :
Si nous protégeons en ce moment telles espèces en voie de
disparition, c’est que, virtuellement au moins, nous leur reconnais-
sons le droit à l’existence ⁴³.

En effet, des procès contre des pollueurs deviennent possibles,


expressions d’une acceptation tacite de la « nature » comme sujet
de droit. Ce postulat est le sujet principal du Contrat naturel.
Selon lui, l’homme doit forger de nouvelles relations avec la
nature, personnalisées par un contrat qui prendrait le pas sur le
contrat social des hommes entre eux. Michel Serres considère
donc les hommes comme les symbiotes de la terre, habitat global.
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


Des symbiotes qui « luttent en fait, d’accord et de concert, contre
leur habitat ⁴⁴ ».

LE RADICALISME DES PARTISANS


DE L’ÉCOLOGIE PROFONDE

Le radicalisme de l’écologie profonde met mal à l’aise les


partisans des Lumières ainsi que les croyants des différentes
religions monothéistes. En effet, les partisans de l’écologie ra-
dicale, adeptes de l’« antispécisme ⁴⁵ », présentent une dimen-
sion antihumaniste assumée. Ceux-ci sont, selon Dominique
Bourg,
conduits à rejeter la conséquence même de cette élévation
[de l’homme au-dessus de la nature et de l’individu au-dessus

42. Michel SERRES, « Retour au Contrat naturel », conférence prononcée le 4 mai 2006
à l’Institute of the Humanities de l’Université Simon-Fraser (Vancouver, Canada) :
http://multitudes.samizdat.net/spip.php?article2584.
43. Ibid.
44. Ibid.
45. L’antispécisme est une théorie écologiste radicale niant la distinction entre le genre
humain et les autres êtres vivants.

92
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

du groupe], à savoir la proclamation des droits de l’homme. Ils


s’en prennent encore à la religion judéo-chrétienne, accusée
d’avoir été à l’origine de l’anthropocentrisme, à l’esprit scienti-
fique analytique et donc inapte à la compréhension de la nature
comme totalité, et enfin aux techniques, accusées de tous les
maux. Rien de ce qui est moderne ne semble trouver grâce à
leurs yeux ⁴⁶.

Cette idée se retrouvait chez Jean Dorst dès 1965 ⁴⁷.


Ce radicalisme se caractérise par un intégrisme naturaliste, un
antihumanisme, aux assises misanthropes : le genre humain,
responsable des désastres écologiques, doit disparaître – c’est
la thèse du Voluntary Human Extinction Movement (Mouve-
ment pour l’extinction volontaire de l’espèce humaine) – ou du
moins devrait voir sa population limitée. Dans cette optique, le
genre humain devient une espèce nuisible qui met à mal la na-
ture et dont il faut contrôler la prolifération par un malthusia-
nisme radical. Dans certains cas extrêmes, nous assistons même
à un renversement : l’homme y est parfois inférieur aux animaux,
voire traité d’« espèce nazie ⁴⁸ ». L’une des premières à déve-
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


lopper cette vision misanthrope de l’écologie fut la néonazie
Savitri Devi, qui peut être considérée comme l’une des pionnières
de l’écologie radicale d’extrême droite. Elle a défendu cette
position dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cependant,
son écologie est mêlée à du néopaganisme (panthéisme), à de
l’antispécisme et à du darwinisme social et racial. Ses thèses
réductionnistes font de l’Homme un « mammifère à deux
pattes ⁴⁹ ». Ses thèses antispécistes et misanthropes, parues en
1959 dans Impeachment of Man ⁵⁰, ont dépassé le cadre des
milieux d’extrême droite : elles attirent de plus en plus de militants
radicaux écologistes, extérieurs à la mouvance extrémiste de
droite.

46. Dominique BOURG, « Droits de l’homme et écologie », Esprit, octobre 1992, p. 81.
47. Jean DORST, Avant que la nature meure..., Paris-Neuchâtel, Delachaux et Niestlé,
1965.
48. Kevin TOOLIS, « Les combattants extrêmes du Front de Libération Animale », Le
Courrier international, n 663, 17-23 juillet 2003, p. 31.
49. Nicholas GOODRICK-CLARKE, Savitri Devi la prêtresse d’Hitler, Saint-Genis-Laval,
Akribeia, 2000, p. 315.
50. Savitri DEVI, Impeachment of Man, Costa Mesa, Californie, The Noontide Press,
1991.

93
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

Cette dérive misanthrope est présente chez certains groupes


radicaux, surtout anglo-saxons, originellement issus de la gauche
ou de l’extrême gauche – les milieux contre-culturels. Ainsi, ces
thèses sont-elles vulgarisées par des groupes écologistes radi-
caux comme l’association américaine Earth First qui prône un
malthusianisme et un millénarisme radicaux ⁵¹. C’est une associa-
tion « éco-terroriste ⁵² », qui pratique sabotages et destructions
de matériels de sociétés tenues responsables de la destruction
de la nature (travaux publics, compagnies pétrolières, etc.).
Toutefois, les positions vis-à-vis du spécisme varient au sein des
défenseurs de l’écologie profonde. Le refus de l’anthropocen-
trisme ne débouche pas forcément sur un zoocentrisme, défendu
notamment par des militants radicaux comme Peter Singer ou
Tom Regan. En effet, les tenants anglo-saxons de l’écologie
profonde se partagent entre différents courants, en fonction de
leur conception du biocentrisme ⁵³.

RÉACTIONS CHRÉTIENNES
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


Ces positions antichrétiennes ne sont pas restées inaperçues.
Dans son ouvrage La Face cachée de l’écologie, Laurent Larcher
a analysé les dérives antichrétiennes de l’écologie, en particulier
au sein de l’écologie radicale et de l’écologie profonde. Il conclut :
Le christianisme, dans l’écologie, est la religion à dépasser pour
(re)trouver le sens de la nature ⁵⁴.

En retour, des chrétiens, tels Patrice de Plunkett et Laurent


Larcher, défendent une écologie chrétienne, présente au sein de
l’écologie politique depuis les origines de ce courant de pensée.
D’un côté, Patrice de Plunkett ⁵⁵ a publié un ouvrage sur l’écologie

51. Eugen WEBER, Apocalypses et millénarismes. Prophéties, cultes et croyances


millénaristes à travers les âges, Paris, Fayard, 1999, p. 236-237.
52. Earth First Direct Action Manuel. Uncompromising Nonviolent Resistance in
Defense of Mother Earth!, Tucson, Earth First Journal, 2 Édition, s. d.; Ecodefense :
a field guide to Monkey-wrenching, Tucson, Earth First Journal, s. d.
53. Christopher STONE, Earth and Other Ethics. The Case for Moral Pluralism, New York,
Harper & Row, 1987.
54. Laurent LARCHER, La Face cachée de l’écologie, p. 213.
55. Stéphane FRANÇOIS, Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite, p. 46-47.

94
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

dans la Bible ⁵⁶. De l’autre, Laurent Larcher appuie sa démonstra-


tion sur le fait que les autorités spirituelles catholiques et
orthodoxes ont pris conscience de l’enjeu écologique : Jean-
Paul II l’a fait dès 1990, lors de la 23 Journée mondiale de la
paix, avec un texte intitulé : « La paix avec Dieu créateur, la paix
avec toute la création ⁵⁷ ». Jean-Paul II l’a fait de nouveau avec
le patriarche Bartholomé I. Les deux dignitaires ont en effet
signé, en 2002, « une déclaration commune pour la sauvegarde
de l’environnement ⁵⁸ », condamnant un progrès technique qu’ils
estiment sans limite, une initiative continuée par Benoît XVI.
Allant dans le même sens, des institutions juives, catholiques et
protestantes américaines se sont regroupées dans le National
Religious Partnership for the Environment (NRPE) qui fait de
l’écologie un de leurs chevaux de bataille et du lobbying devant
le Congrès. Cet intérêt croissant pour l’écologie part du constat
suivant :
La nature ne nous intéressait pas. Puis nous nous sommes rendu
compte que la défense de l’environnement était une question
hautement religieuse : il s’agissait de protéger ce que Dieu avait
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


créé ⁵⁹.

Jean-Paul II a même publié un ouvrage qui présente les


positions catholiques vis-à-vis de l’écologie ⁶⁰. Cette position a
été reprise par son successeur Benoît XVI. En 2006, celui-ci
appelait à combattre la « dégradation de l’environnement », qui
menacerait particulièrement, selon lui, l’existence des pauvres sur
Terre. Il réitéra son appel quelques jours plus tard à « respecter
aussi la nature, don de Dieu », lors de sa visite au sanctuaire
de Manoppello, le 1 septembre 2006. Ce jour est d’ailleurs
symbolique : il s’agissait de la première Journée de prière et de
réflexion pour la sauvegarde de la Création, qui a été instituée
par la conférence des évêques d’Italie.

56. Patrice DE PLUNKETT, L’Écologie de la Bible à nos jours. Pour en finir avec les idées
reçues, Paris, Éd. de l’Œuvre, 2008.
57. http://www.vatican.va/holy-father/john-paul-ii/messages/peace/documents/hf-jp-
ii-mes-19891208-xxiii-world-day-for-peace-fr.html.
58. Laurent LARCHER, La Face cachée de l’écologie, p. 241.
59. Cité dans l’article de Jean-Sébastien STEHLI, « Le 4x4 impie », L’ Express du 2 au
8 janvier 2003, p. 29.
60. JEAN-PAUL II, Les Gémissements de la création. Vingt textes sur l’écologie, Les
Plans-sur-Bex, Parole et Silence, 2006.

95
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

De fait, l’Église catholique, par le biais de Paul VI, s’est penchée


sur les problèmes écologiques dès 1971 :
Tandis que l’horizon de l’homme se modifie ainsi à partir des
images qu’on choisit pour lui, une autre transformation se fait
sentir, conséquence aussi dramatique qu’inattendue de l’activité
humaine. Brusquement l’homme en prend conscience : par une
exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et
d’être à son tour la victime de cette dégradation. Non seulement
l’environnement matériel devient une menace permanente :
pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur
absolu ; mais c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus,
créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être
intolérable. Problème social d’envergure qui regarde la famille
humaine tout entière. C’est vers ces perceptions neuves que le
chrétien doit se tourner pour prendre en responsabilité, avec les
autres hommes, un destin désormais commun ⁶¹.

Cela fait donc plus de quarante ans que l’Église catholique a


pris conscience du problème écologique. Si elle ne tend pas vers
l’écologie profonde, et quoi qu’en disent les partisans de cette
tendance, il n’en reste pas moins que cette prise de conscience
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


est réelle et importante.
Si les Églises ont eu des difficultés à s’impliquer dans la défense
de la nature, des chrétiens ont rapidement soutenu les combats
écologistes. Ainsi, dans les années 1970, l’association catholique
Pax Christi a permis la rencontre entre écologistes non croyants
et chrétiens. Ainsi, Antje Vollmer est une ex-pasteur protestante.
Et des paysans chrétiens furent parmi les premiers à pratiquer
l’agriculture biologique ⁶². Bernard Charbonneau, dans Le Feu
vert, paru en 1980, reconnaît à la fois la condamnation chrétienne
de la nature et le fait qu’« on trouve partout dans la Bible sa
glorification ⁶³ ». Il faut donc relativiser le refus chrétien de la
nature. Ainsi, certaines associations catholiques ont-elles entre-
tenu des rapports étroits avec des courants écologistes comme
les Verts. Ceux-ci ont d’ailleurs « publié pour le Katholikentag

61. PAUL VI, Lettre apostolique Octogesima adveniens du 14 mai 1971 sur les questions
sociales. http://www.vatican.va/holy-father/paul-vi/apost-letters/documents/hf-p-vi-apl-
19710514-octogesima-adveniens-fr.html.
62. Voir Mgr Marc STENGER (dir.), Écologie et Création. Enjeux et perspectives pour
le christianisme aujourd’hui, Angers/Les Plans-sur-Bex, Université catholique de
l’Ouest/Parole et silence, 2008, p. 57-71.
63. Bernard CHARBONNEAU, Le Feu vert, Lyon, Parangon, 2009, p. 84.

96
ANTICHRISTIANISME ET ÉCOLOGIE RADICALE

de 1982 un texte dans lequel ils présentent François d’Assise


comme le premier écolo à fuir les villes pour parler avec les
animaux et communiquer avec la nature ⁶⁴ ». Une idée déjà
défendue par Lynn White qui, comme nous l’avons dit précé-
demment, considérait Saint François d’Assise comme le saint
patron des écologistes. En effet, en 1225, celui-ci fit un « Sermon
aux oiseaux ». Il écrivit aussi « Le Cantique des créatures ». Les
catholiques désirant s’impliquer dans le combat écologique se
réfèrent d’ailleurs fréquemment à ces textes de François d’Assise.
Ils s’appuient aussi sur les différents textes pontificaux cités dans
cette partie, qui leur offrent un cadre d’action.
Au début des années 1980, il y eut plusieurs tentatives
œcuméniques de rapprochement entre les thèses des écologistes
et certains engagements chrétiens. Les écologistes ont d’ailleurs
parlé de christianisme et non de catholicisme ou de protestan-
tisme. Un comité chrétien a été créé chez les Verts, regroupant
des membres de ces deux confessions. Toutefois, le nombre de
protestants engagés dans l’écologie est plus important que celui
des catholiques. Mais le protestantisme occupe une place à part
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


par rapport au catholicisme car la suppression des formes insti-
tutionnelles propres au catholicisme a favorisé le rétablissement
d’un lien direct entre l’homme et Dieu, où la nature joue un rôle
de médiatrice privilégiée. Cette tendance est marquée dans le
luthéranisme et dans le piétisme. Ces formes de protestantisme
manifestent un sentimentalisme certain pour la nature en tant
qu’œuvre divine. Ces courants, surtout le piétisme, ont exercé
une influence importante sur le romantisme allemand qui, lui-
même, a joué un rôle significatif dans l’apparition de mou-
vements néopaïens.

CONCLUSION

Nos auteurs n’ont pas besoin de se référer explicitement à


l’ésotérisme, ou à une forme précise de néopaganisme, pour
développer une vision antichrétienne de l’écologie. Toutefois,
affirmer ceci n’est qu’une demi-vérité : par un jeu de références

64. Thomas KELLER, Les Verts allemands, p. 147. Sur cette idée, voir Ivan GOBRY, Saint
François d’Assise, Paris, Tallandier, 2003.

97
REVUE D’ÉTHIQUE ET DE THÉOLOGIE MORALE N 272

diluées, nos militants se placent dans la continuité intellectuelle


des théoriciens de l’écologie profonde, comme le philosophe
Arne Naess qui, comme nous l’avons vu dans cet article, a
développé une vision païenne de l’écologie. De fait, ce type
de discours entra en résonance avec les aspirations spirituelles,
fort peu chrétiennes d’ailleurs, et anti-technologiques des contre-
cultures de cette époque, les hippies, ainsi qu’avec les thèses de
philosophes conservateurs comme Heidegger, au point qu’Ivan
Ilitch a pu parler, à propos du mouvement hippie, d’une « in-
version du progrès ». Toutes ces thèses fusionnèrent, donnant
ainsi naissance aux discours analysés dans ce texte. Ainsi, le très
peu moderne Mircea Eliade a bien cerné l’aspect archaïque de
la mouvance hippie. Fasciné par ce mouvement, il a reconnu
publiquement qu’il était sous le charme de ses adeptes ⁶⁵ : il
reconnaissait en eux, non sans enthousiasme car il défendait
une vision similaire, la résurgence d’une religiosité archaïque,
« cosmique », préchrétienne, en fait néopaïenne. Selon lui, cette
spiritualité hippie se nourrirait d’une innocence primordiale re-
trouvée et procèderait à un réenchantement naturel du monde ⁶⁶.
© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)

© Éditions du Cerf | Téléchargé le 03/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 82.210.33.81)


Cette volonté de réenchantement du monde est au cœur des
discours antichrétiens analysés dans cet article. Toutefois, quoi
qu’en disent les détracteurs, elle est aussi au cœur des pré-
occupations chrétiennes.

Stéphane François,
Institut du droit public et de la science politique
(Université Rennes I),
Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (CNRS/EPHE).

65. Mircea ELIADE, Fragments d’un journal, Paris, Gallimard, 1973, p. 549.
66. Florin TURCANU, Mircea Eliade. Le prisonnier de l’histoire, Paris, La Découverte,
2003, p. 476.

98

Vous aimerez peut-être aussi