Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Jean-Marc Babut
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
LA BIBLE DE LA SOURCE
369
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 370
2. Dans la LXX, fobeô est l’équivalent majoritaire de l’hébreu yr’, tous deux malheureuse-
ment rendus par craindre dans les versions bibliques traditionnelles.
370
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 371
3. Le egô, omis à juste titre par les mss B, D, etc., est ajouté par ℵ, A, L, etc.
4. L’Évangile selon Marc, Paris, Cerf, 2004, p. 38.
5. P. BONNARD, L’Évangile selon Saint Matthieu, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1963,
p. 163.
6. L’Évangile selon Saint-Marc, Genève, Labor et Fides, 2000, p. 23.
371
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 372
372
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 373
10. Le verbe hébreu sous-jacent yd‘ signifie originellement « avoir un rapport étroit avec »,
d’où les acceptions « connaître » ou « avoir une relation sexuelle ».
373
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 374
11. Pour parler de la résurrection le Nouveau Testament utilise, selon les auteurs, les méta-
phores egeirô (réveiller) ou anistèmi (relever), qu’on retrouve toutes deux dans la Septante
d’Es 26, 19.
374
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 375
peut reconnaître à proprement parler une citation, mais seulement une allusion,
sans doute suffisamment claire pour les lecteurs ou les auditeurs, il est vrai.
Les derniers mots de Q 7, 22 se réfèrent certainement à Es 61, 1 (« Il m’a
envoyé pour apporter de bonnes nouvelles aux pauvres »). Comme souvent la
Septante se présente ici sous la forme d’un décalque de l’hébreu. Il est donc
difficile de dire si la Source se réfère à la Bible grecque ou hébraïque.
Q 10, 12 renvoie à Gn 19, 24-25, mais la formulation de la sentence
surprend ; littéralement : « Pour [les gens de] Sodome ce sera plus suppor-
table en ce jour-là que pour cette ville. » La ville en question est celle qui
n’aura pas accueilli les ambassadeurs de la basileia. Le « en ce jour-là » fait
évidemment référence au jour du jugement à venir, comme cela est d’ailleurs
explicite chez Matthieu (10, 15 ; cf. aussi 11, 24). Mais la formulation de
Q 10, 12 donne l’impression que le jugement de Sodome est encore attendu,
alors qu’il a déjà eu lieu et a été décrit dans le récit de la Genèse. Le contexte
appelle donc au contraire le sens suivant : au jour du jugement le sort des
gens de Sodome (si terrible qu’il ait été) apparaîtra plus supportable que celui
de la ville rétive au message de la basileia. Luc a probablement senti l’ambi-
guïté de la formulation de Q et a déplacé le anektoteron estai (« sera plus
supportable ») en fin de phrase : » ce sera plus supportable ».
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 19/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.129.81.217)
12. hadou, qui est une forme génitivale de hadès, est très souvent traité comme invariable
dans la Septante. Il faut compléter par un domous resté implicite (W. BAUER, Griechisch
Deutsches Wörterbuch zum Neuen Testament, sous le mot hadès).
13. FLAVIUS JOSÈPHE, La guerre des Juifs, trad. Pierre Savinel, Paris, Éditions de Minuit,
coll. « Arguments », livre IV, chap. 5, § 4.
14. Cf. « L’esprit de Dieu s’empara du prêtre Zekarya » en 2 Ch 24, 20.
376
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 377
ment dit, en une zone à laquelle les prêtres seuls avaient accès. Cette préci-
sion n’a de correspondant ni dans la Septante ni dans le texte hébreu, tous
deux situant le meurtre d’une façon globale dans la cour de la maison du
Seigneur. On ne sait pas d’où la Source tire la précision « entre l’autel et la
Demeure ». Est-ce une manière indirecte de signaler que ce Zacharie était
prêtre ? Les Targoums quant à eux, pourtant prompts à développer les don-
nées bibliques, se contentent ici de « dans le parvis du sanctuaire du
Seigneur » et ne peuvent avoir servi de référence. On ne peut donc pas dire
ici que la Source se réfère à la Septante.
Sur la forme générale de l’interpellation de Jérusalem, qui se débarrasse
par la violence de ceux qui lui sont envoyés (Q 13, 35), on se contentera de
renvoyer à ce qui a été relevé plus haut à propos de Q 11, 49.
(c) Quelques noms de figures bibliques sont orthographiés dans la Source
d’une manière différente de la Septante.
Si l’on peut se permettre de dire qu’il s’agit d’un personnage biblique, le
prince des démons est nommé « Beelzeboul » en Q 11,15.19. Le nom évoque
le baal zeboub de l’hébreu (le Baal des Mouches, déformation satyrique de
baal zeboul, Baal le Prince) en 2 R 1, 2.3.6.16, mais la Source le vocalise à
l’araméenne, comme on le voit par comparaison avec les Targoums qui ont
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 19/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.129.81.217)
378
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 379
à peu près sûre, elle suit volontiers la tradition textuelle attestée par le
manuscrit Alexandrinus. Est-ce l’indice que le recueil de testimonia auquel la
Source paraît se référer était lui-même tributaire de cette tradition textuelle
de la LXX ?
La perceptible familiarité de la Source avec les formes sémitiques du
texte biblique (hébreu ou araméen des targoums) laisse à penser que, malgré
le passage au grec, les origines sémitiques (hébreu ou araméen) de la Source
ne sont pas loin, même si le lien est indirect, par l’intermédiaire éventuel
d’un recueil de testimonia.
salut. Alors qu’aucun des autres « prophètes écrivains » n’est cité, Jonas l’est
par deux fois, ce qui signale l’intérêt particulier qu’il représente pour Jésus.
En 11, 29, il apparaît en effet comme type du messager chargé de prévenir les
humains de la catastrophe imminente, en 11, 32, il l’est ensuite comme celui
qui a obtenu le changement salutaire adopté par les Ninivites. Le Jésus de la
Source ne s’arrête pas au fait que Jonas ait obtenu ce résultat malgré ses réti-
cences. En fait l’intérêt de Jésus se porte sur l’attitude des Ninivites. Jonas
n’est plus alors que le point de repère qui permet de situer ces derniers.
D’une façon globale les prophètes, porteurs d’une parole de Dieu, sont
évoqués dans la Source comme victimes de l’opposition d’Israël au message
de Dieu. Ainsi, en Q 6, 23 (« C’est de la même manière qu’on a persécuté les
prophètes qui vous ont précédés ») et à nouveau en 13, 34 (« Jérusalem, celle
qui tue les prophètes et lapide ceux qui lui sont envoyés »). Sous ce rapport
ils sont les types des messagers de l’Évangile de salut, à savoir des disciples
envoyés et d’abord de Jésus lui-même.
À plusieurs reprises des figures ou des épisodes du Premier Testament
sont évoqués à l’appui du thème du jugement à venir. Outre Noé (Q 17, 26-
27) et Jonas (Q 11, 32) déjà nommés, la Source évoque encore à ce sujet
(Q 10, 12) la catastrophe qui a frappé jadis Sodome selon Gn 19, 24-25. Mais
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 19/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.129.81.217)
rement démunis, mais ils ne sauraient oublier que la création est suffisante
pour nourrir les enfants du Père (Q 12, 22 sqq.). L’exemple invoqué est celui
des oiseaux qui « ne font ni semailles ni moissons », mais que « Dieu nour-
rit », ou celui des fleurs des champs, que Dieu habille plus somptueusement
que Salomon, bien qu’elles soient destinées à finir comme cendres alcalines
pour la lessive des humains.
La perspective eschatologique développée après la complainte sur
« Jérusalem qui tue les prophètes » (Q 13, 35) intègre dans le discours même
de Jésus deux références au Premier Testament : la première est une allusion
à Jr 22, 5, qui annonce la suppression de « la maison », c’est-à-dire du temple
de Jérusalem, l’autre est une citation du Ps 118, 26, utilisée vraisemblable-
ment ici comme prophétie de l’avènement messianique.
À plusieurs reprises enfin le Premier Testament est désigné comme
nomos, un terme que le contexte général de la Source dissuade de rendre par
« Loi ». Dans ce qui suit on le rendra donc de façon moins marquée par son
original hébreu Torah, expression de la volonté de Dieu. L’Écriture est certes
mentionnée d’une manière assez neutre dans le « Jusqu’à Jean il y a eu la
Torah et les Prophètes » (Q 16, 16), la formule « la Torah et les Prophètes »
étant devenue l’appellation classique (et simplifiée) de la Bible juive, notre
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 19/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.129.81.217)
382
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 383
disciples envoyés par Jean depuis sa prison, Jésus explique en effet quel
genre d’homme est le Baptiste et quelle est sa mission. Il le présente notam-
ment comme « celui dont il est écrit » : « Attention, j’envoie, moi (Dieu),
mon messager en avant de toi. » Indépendamment de tout contexte ce « il est
écrit » pourrait être compris de deux manières différentes, mais l’ensemble
des textes de la Source doit permettre de discerner laquelle convient au
contexte général de celle-ci.
« Il est écrit » pourrait signifier que l’intervention de Jean s’inscrit dans le
fil d’une histoire que Dieu aurait déjà programmée, un peu comme le
« mektoub » des musulmans. Mais cela s’accorde mal avec le discours du
Jésus de la Source en général. Si la même formule signifie en effet claire-
ment « Mais Dieu a dit que… », c’est que rien n’est joué à l’avance. Face au
Tentateur la décision de Jésus restait ouverte, et c’est librement qu’il a opté
pour la fidélité aux instructions que Dieu a jadis données aux siens. Le fait
également que Dieu fasse « lever son soleil sur les méchants et sur les bons »
et « tomber la pluie sur ceux qui le prennent au sérieux et sur ceux qui vivent
sans s’occuper de lui » (Q 6, 35) montre bien que pour lui aucune décision de
jugement n’est encore prise. La même conclusion peut être tirée pour la para-
bole des deux maisons (Q 6, 47-49), mais aussi pour la prière dominicale,
laquelle n’aurait guère de sens si l’histoire était préprogrammée. De même,
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 19/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.129.81.217)
C’est donc à l’Écriture encore que Jésus emprunte l’image qui illustre à
quel état d’urgence le moment du salut est arrivé. Mais c’est à elle également
qu’il emprunte les traits qui illustrent le temps du salut (Q 7, 22-23). Dans sa
réponse aux disciples de Jean, il le fait en renvoyant ses auditeurs à divers
passages du livre d’Ésaïe, lesquels décrivent ce temps du salut comme un
temps de guérison, de libération et de dédommagement pour les victimes
d’exclusion (les lépreux), d’infirmités graves (aveugles, sourds, boiteux) ou
de pauvreté. Ici l’Écriture est lue comme chargée de promesses divines, qui
reçoivent leur accomplissement avec l’avènement de la basileia.
(c) L’Écriture et la mission de Jésus
Sans se référer à un passage particulier, Jésus évoque d’une façon géné-
rale à quel point l’Écriture témoigne de l’attente du temps du salut : « Bien
des prophètes et des rois ont désiré voir ce que vous observez mais ne l’ont
pas vu, ou entendre ce que vous entendez, mais ne l’ont pas entendu. »
(Q 10, 24)
Pour Jésus en effet le temps présent est essentiellement le temps de sa
mission. C’est toujours à l’Écriture qu’il se réfère pour en décrire les avatars.
Son message détone tellement par rapport aux convictions et aux habitudes
de ses contemporains qu’on lui demande de fournir « un signe », c’est-à-dire
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 19/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.129.81.217)
384
ETR/Jean-Marc Babut 28/11/06 10:09 Page 385
giflé devant le roi (1 R 22, 24), Osée, menacé et agressé jusque dans la
maison de Dieu (9, 8), Amos, expulsé avec mépris du temple de Béthel
(7, 12-13), Ésaïe, ridiculisé par les bons vivants de Jérusalem (28, 9-10),
Ouriyah, extradé et exécuté sans jugement (Jr 26, 20-23), Jérémie, accusé de
trahison, frappé et incarcéré, malmené (15, 15 ; 17, 18 ; 20, 11 ; 36, 19 ;
37, 15 ; 38, 4-6 ; 43, 1-7), Ézéchiel, contesté et dénigré (2, 6 ; 3, 6-9 ; 21 ,5),
sans parler des divers psalmistes persécutés, accusés faussement, etc.
(Ps 7, 2 ; 31 ; 57, 2-5 ; 119, 84.150.157.161).
Dans les Écritures, le Jésus de la Source lit moins une histoire du salut
qu’une histoire de la résistance humaine au salut que Dieu propose. Certes ce
salut y est annoncé et même décrit (7, 22-23 ; 10, 19 ; 14, 17), mais Jésus
relève le plus souvent l’opposition que, depuis toujours, le message de salut a
rencontrée de la part de ses premiers destinataires. Quelle que soit la période
considérée, passée ou présente, les opposants sont qualifiés de « cette généra-
tion » (7, 31 ; 11, 29-32.50-51), un terme qui n’englobe pas l’ensemble du
peuple d’Israël, mais ceux que l’on considère comme représentatifs de son
élite, « les gens sages et avisés » de 10, 21 par opposition aux « petits ». Les
Écritures avaient déjà relevé le fait que les païens étaient plus ouverts au
message de Dieu (Ninivites et reine de Saba, Q 11, 31-32), mais la chose se
vérifie une fois de plus parmi les contemporains de Jésus, notamment par
© Institut protestant de théologie | Téléchargé le 19/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.129.81.217)
386