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BIBLIQUE
Quelques réflexions en lien avec le chantier éditorial des Éditions du Cerf
Katell Berthelot
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LA BIBLIOTHEQUE DE QUMRÂN
ET LA CONSTITUTION
DU CORPUS BIBLIQUE
QUELQUES RÉFLEXIONS EN LIEN
AVEC LE CHANTIER ÉDITORIAL DES ÉDITIONS DU CERF
Les débats, voire les polémiques, sur Qumrân, les Esséniens et les débuts
du christianisme ont pu faire oublier que l’importance de la découverte des
manuscrits de la mer Morte réside peut-être avant tout dans le domaine des
études bibliques. Plus de deux cents manuscrits de livres qui composent
aujourd’hui la Bible hébraïque ou l’Ancien Testament ont été retrouvés à Qum-
rân. Certes, leur état est souvent très fragmentaire, mais ils nous donnent néan-
moins accès, avec la LXX et le Pentateuque samaritain, aux différents états du
*
Katell BERTHELOT est chargée de recherches au CNRS, et actuellement affectée au Centre
de Recherche Français à Jérusalem. Historienne du judaïsme à l’époque hellénistique et romaine,
elle co-dirige le chantier éditorial de la Bibliothèque de Qumrân avec Thierry Legrand, et prépare
un livre sur les interprétations juives (à l’époque hellénistique et romaine) des textes bibliques re-
latifs à la conquête de Canaan et au sort des Cananéens.
1
Le point de départ de cet article est une conférence donnée à l’École Biblique et Archéolo-
gique Française de Jérusalem le 31 mars 2009, dans le cadre d’une journée d’étude sur Qumrân
à la mémoire de John Strugnell, qui fut longtemps l’éditeur en chef des manuscrits de la mer
Morte.
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texte biblique avant l’ère chrétienne (ou jusqu’en 70 de notre ère), à une époque
où existait encore une grande diversité textuelle et où le canon n’était au mieux
qu’en cours d’élaboration.
Le chantier éditorial des Éditions du Cerf, intitulé La Bibliothèque de Qum-
rân, repose sur la volonté de mettre en évidence la façon dont les manuscrits
de Qumrân documentent ce processus de constitution du corpus biblique, tout
en fournissant au public francophone, de manière plus générale, une édition
bilingue maniable et abordable de l’ensemble des textes retrouvés dans les
grottes de Qumrân. L’ensemble ou plutôt, pour être précis, la quasi-totalité. En
effet, si la première originalité de ce chantier est de publier conjointement textes
bibliques et non bibliques, les manuscrits qui transmettent un texte similaire
ou quasi similaire au texte massorétique sont écartés, car il est inutile de
présenter aux lecteurs un texte qu’ils connaissent déjà. Lorsque aucune variante
significative ne se rencontre dans un manuscrit, celui-ci est mentionné mais
non retraduit.
La seconde originalité de La Bibliothèque de Qumrân réside dans le
principe retenu pour classer les manuscrits. Les éditions bilingues précédentes,
en anglais pour la plupart2, ont utilisé soit le classement par numéros de grotte
et de manuscrit, ce qui est commode mais donne un ordre le plus souvent aléa-
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2
En anglais : F. GARCÍA MARTÍNEZ, E. TIGCHELAAR, Study Edition, 2 vol., Leiden, Brill, 1997-
1998 ; E. TOV, D. W. PARRY, dir., The Dead Sea Scrolls Reader, 6 vol., Leiden, Brill, 2004-2005 ;
J. CHARLESWORTH et al., Dead Sea Scrolls. Hebrew, Aramaic and Greek Texts with English Trans-
lation, Tübingen, Mohr Siebeck, 1994-, 6 volumes parus. En allemand : E. LOHSE, Die Texte aus
Qumran I. Hebräisch und Deutsch, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1981 ;
A. STEUDEL et al., Die Texte aus Qumran II. Hebräisch / Aramäisch und Deutsch, Darmstadt,
Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2001.
3
K. BEYER, Die aramäischen Texte vom Toten Meer, 2 vol., Göttingen, Vandenhoeck &
Ruprecht, 19841 et 20042 (19941).
4
Sur la manière de résoudre ces problèmes, je me permets de renvoyer à l’introduction de
K. BERTHELOT, T. LEGRAND, A. PAUL, dir., La Bibliothèque de Qumrân. Volume 1. Torah - Genèse,
Paris, Éditions du Cerf, 2008.
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Les textes sont par ailleurs répartis en trois grands ensembles : (1) la Torah ;
(2) les livres des prophètes ; (3) les autres écrits. Contrairement à ce que l’on
pourrait penser à première vue, ces trois parties ne recoupent pas exactement
celles du canon de la Bible hébraïque, qu’il serait anachronique de projeter
rétrospectivement sur le corpus de Qumrân. Ainsi, puisque dans certains
manuscrits de la mer Morte, le livre de Daniel et les Psaumes étaient considé-
rés comme prophétiques, ces livres et les compositions qui s’y rattachent sont
placés dans la deuxième partie, alors que, dans le canon de la Bible hébraïque,
ils figurent parmi les Ketuvim. L’expression « livres des prophètes » (sifrey
haNevi‘im), que l’on rencontre dans l’Écrit de Damas (CD VII 17 // 4Q266
3 iii 18) et peut-être dans 4QMMT (C 10)5, désignait sans doute avant tout un
ensemble ouvert de livres attribués à des hommes considérés comme des
prophètes, et non une catégorie canonique au sens qu’a revêtu ultérieurement
l’expression « prophètes » ou « livres prophétiques »6. Enfin, dans l’édition du
Cerf, la partie « autres écrits » renvoie non pas aux Ketuvim, mais à tout ce qui,
dans le corpus qumrânien, ne se rattache pas principalement à la Torah et aux
livres prophétiques, indistinctement. Sont donc aussi inclus dans cette partie
des textes comme les horoscopes, qui n’ont aucun rapport avec les textes
bibliques. Les cas de ce genre sont toutefois rares. Dans cette troisième partie,
force est de reconnaître que le classement redevient dans une large mesure un
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5
Sur ce passage de 4QMMT, voir la bibliographie déjà abondante indiquée dans mon article
« 4QMMT et la question du canon de la Bible hébraïque », in F. GARCÍA MARTÍNEZ, A. STEUDEL,
E. TIGCHELAAR, éd., From 4QMMT to Resurrection. Mélanges qumrâniens en hommage à Émile
Puech, Leiden, Brill, 2006, p. 1-14 (en particulier l’excellent article d’E. ULRICH, « The Non-
Attestation of a Tripartite Canon in 4QMMT », CBQ 65/2, 2003, p. 202-214).
6
Sur cette question complexe, je me borne ici à renvoyer à mon article « Les titres des livres
bibliques : le témoignage de la bibliothèque de Qumrân », in A. HILHORST, É. PUECH, E. TIGCHE-
LAAR, éd., Flores Florentino: Dead Sea Scrolls and Other Early Jewish Studies in Honour of
Florentino García Martínez, Leiden, Brill, 2007, p. 127-140.
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par la suite. Une littérature déjà abondante a ainsi été produite autour des
notions de rewritten Bible (« Bible retravaillée » ou « réécriture biblique »),
rewritten Scripture (« Écriture(s) retravaillée(s) » ou « réécriture(s) scriptu-
raire(s) »), parabiblical literature (« littérature parabiblique »), etc.7
Le second débat porte sur les notions d’autorité et de canonicité, et se
rattache au premier en ce que le phénomène de réécriture de certains textes est
interprété comme une manifestation de la popularité ou de l’autorité croissante
dont jouissaient ces textes8. Il se trouve que la quasi-totalité des phénomènes
de réécriture à Qumrân concernent des textes qui entreront par la suite dans le
canon biblique9, même si, inversement, tous les livres qui constitueront par la
suite la Bible hébraïque ne font pas l’objet de réécritures. C’est en particulier
le cas de plusieurs livres appartenant à la catégorie des « Écrits », dont certains
sont soit totalement absents de la bibliothèque de Qumrân, soit représentés par
un nombre infime de manuscrits10.
7
Pour une bonne présentation des débats autour de ces notions, voir A. KLOSTERGAARD
PETERSEN, « Rewritten Bible as a Borderline Phenomenon. Genre, Textual Strategy, or Canoni-
cal Anachronism? », in Flores Florentino, ibid., p. 285-306 ; et déjà F. GARCÍA MARTÍNEZ,
« Biblical Borderlines », in F. GARCIA MARTINEZ, J. TREBOLLE BARRERA, éd., The People of the
Dead Sea Scrolls, Leiden, Brill, 1995, p. 123-138.
8
Voir en particulier G. BROOKE, « Between Authority and Canon: The Significance of
Reworking the Bible for Understanding the Canonical Process », in E. G. CHAZON, D. DIMANT,
R. A. CLEMENTS, éd., Reworking the Bible: Apocryphal and Related Texts at Qumran, Leiden,
Brill, 2005, p. 85-104. D’autres critères sont invoqués, comme le nombre de copies retrouvées et
l’existence de citations dans d’autres textes, ainsi que la façon dont elles sont introduites. Voir J. C.
VANDERKAM, « Authoritative Literature in the Dead Sea Scrolls », DSD 5/3, 1998, p. 382-402.
Voir infra, partie II.
9
Le livre des Jubilés représente une exception possible, mais non certaine (car l’identifica-
tion de 4Q225-227 avec une composition qui réécrirait les Jubilés – 4QPseudo-Jubilésa-c – reste
débattue).
10
La question se pose pour Néhémie, et on n’a pas retrouvé de manuscrit d’Esther.
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11
Voir DJD XIII. Qumran Cave 4. VIII: Parabiblical Texts Part I, Oxford, Clarendon Press,
1994, p. 187.
12
Publié par J. M. ALLEGRO dans DJDJ V. Qumran Cave 4.I (4Q158-4Q186), Oxford,
Clarendon Press, 1968, p. 1-6 ; voir à ce propos J. STRUGNELL, « Notes en marge de DJD V », RQ
7/1, 1970, p. 168-175.
13
4Q365a, à l’inverse, constituerait une œuvre distincte, proche du Rouleau du Temple.
14
Voir en particulier, outre l’introduction dans DJD XIII : S. WHITE CRAWFORD, « 4Q364 &
365: A Preliminary Report », in J. C. TREBOLLE BARRERA, éd., The Madrid Qumran Congress,
Leiden, Brill, 1992, p. 217-228 ; E. TOV, « Biblical Texts as Reworked in Some Qumran Manus-
cripts with Special Attention to 4QRP and 4QParaGen-Exod », in E. ULRICH, J. C. VANDERKAM,
éd., The Community of the Renewed Covenant. The Notre-Dame Symposium on the Dead Sea
Scrolls, Notre-Dame, Ind., University of Notre-Dame Press, 1994, p. 111-134.
15
Voir M. SEGAL, « Biblical Exegesis in 4Q158: Techniques and Genre », Textus 19, 1998,
p. 45-62, en particulier p. 47-48.
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verset comme dans Exode 15, 21, se voit rallongé d’au moins 7 lignes, proba-
blement pour faire pendant au cantique de Moïse en Exode 15, 1-1816. Ces
additions représentent en général des développements originaux, non attestés
dans d’autres manuscrits bibliques.
Cependant des voix se sont élevées pour contester tout d’abord que ces cinq
manuscrits soient liés à une seule et unique composition17, puis que tous ces
textes puissent être considérés comme des exemples de réécriture biblique (rew-
ritten Bible). Ainsi, pour Michael Segal, 4Q158 retravaille dans une perspec-
tive exégétique des matériaux du Pentateuque18, tandis que 4Q364 et 4Q365
représentent des manuscrits bibliques du Pentateuque, similaires à bien des
égards au Pentateuque samaritain. Même le long ajout correspondant au
cantique de Myriam est à ses yeux comparable à des développements que l’on
rencontre dans certains livres bibliques ; ainsi, la prière d’Ézéchias en Isaïe
38, 9-20 ne figure pas dans le texte parallèle de 2 Rois 20, par exemple19. Pour
Segal, 4Q364 et 4Q36520 illustrent la fluidité du texte biblique à l’époque du
second Temple, une époque durant laquelle les scribes ajoutaient encore libre-
ment des éléments au texte qu’ils copiaient. Il faut souligner au passage que ces
modifications et ces ajouts, même lorsqu’ils font partie du processus rédac-
tionnel, constituent d’ores et déjà des éléments d’exégèse, puisqu’ils visent en
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16
Dans le texte massorétique, Ex 15, 21 reprend Ex 15, 1.
17
Voir M. SEGAL, « 4QReworked Pentateuch or 4QPentateuch? », in G. MARQUIS et al., éd.,
The Dead Sea Scrolls Fifty Years after Their Discovery, Jerusalem, Israel Exploration Society,
2000, p. 391-399 ; G. BROOKE, « 4Q158: Reworked Pentateucha or Reworked Pentateuch A? »,
DSD 8/3, 2001, p. 219-241 ; et plus récemment M. BERNSTEIN, « What Has Happened to the
Laws? The Treatment of Legal Material in 4QReworked Pentateuch », DSD 15/1, 2008, p. 24-49.
18
Pour une analyse fouillée des procédés exégétiques dans 4Q158, voir M. SEGAL, « Bibli-
cal Exegesis in 4Q158 », op. cit.
19
Voir M. SEGAL, « 4QReworked Pentateuch or 4QPentateuch? », p. 394, op. cit.
20
4Q366 et 4Q367 représentent à ses yeux probablement d’autres exemples de manuscrits bi-
bliques, mais le petit nombre de fragments conservés rend cette conclusion plus fragile.
21
« Between Bible and Rewritten Bible », in M. HENZE, éd., Biblical Interpretation at Qum-
ran, Grand Rapids/Cambridge, W. B. Eerdmans, 2005, p. 10-28.
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Voir, entre autres, son livre The Ideology of the Book of Chronicles and Its Place in Biblical
Thought, New York, P. Lang, 1997.
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Il écrit ainsi : « This composition, published as a non-biblical composition, now has to be
reclassified as a Bible text similar in character to some of the rewritten LXX books like 3 King-
doms » (« 3 Kingdoms Compared with Similar Rewritten Compositions », in Flores Florentino,
Dead Sea Scrolls and Other Early Jewish Studies in Honour of Florentino García Martínez,
op. cit., p. 365-366) ; voir également son article à paraître, intitulé « Reflections on the Many
Forms of Hebrew Scripture in Light of the LXX and 4QReworked Pentateuch », dont je le
remercie vivement de m’avoir envoyé un exemplaire avant publication. Contrairement à M. Segal,
E. Tov traite encore les cinq manuscrits comme un tout.
24
Le caractère fragmentaire des textes rend toutefois cet argument problématique.
25
R. S. NAM, « How to Rewrite Torah: The Case for Proto-Sectarian Ideology in the Rewor-
ked Pentateuch (4QRP) », RQ 90 (23/2), 2007, p. 153-165. Il qualifie 4QRP de « proto-sectarian
rewritten biblical manuscript » (p. 156). Il faut toutefois souligner que 4Q365 23, sur lequel Nam
fonde une bonne partie de son argumentation concernant le rapprochement avec le Rouleau du
Temple et Jubilés, pourrait en fait appartenir à 4Q365a, dont il est possible qu’il s’agisse d’une
composition à part, proche de 11QT.
26
M. M. ZAHN, « The Problem of Characterizing the 4QReworked Pentateuch Manuscripts:
Bible, Rewritten Bible, or None of the Above? », DSD 15, 2008, p. 315-339.
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Dans les débats sur la littérature juive du second Temple, les termes mêmes
de « réécritures bibliques » ou de « littérature parabiblique » sont critiqués
aujourd’hui car ils présupposent l’existence de la Bible, c’est-à-dire d’un
corpus de livres bien défini et clos ou encore d’un canon, ce qui constitue un
27
C’était d’ailleurs déjà la conclusion de F. GARCÍA MARTÍNEZ dans « Biblical Borderlines »,
op. cit., p. 130.
28
En fait, parler d’exactitude implique qu’il existe un modèle, un Ur-Text, par rapport auquel
on dévie. Mais, en réalité, le texte de référence (comme le texte massorétique) est en aval de la
bibliothèque de Qumrân, et non en amont ! En poussant le raisonnement à l’extrême, on pourrait
affirmer que l’évolution historique va, dans le cas de la Bible, d’une pluralité originelle à une
unicité eschatologique (la situation actuelle étant celle d’une unicité relative au sein de chaque
communauté, d’une pluralité qui va en diminuant, avec, entre autres, l’adoption du texte massorétique
comme base de la traduction de la plupart des Bibles chrétiennes en usage en Occident). Il semble que
dans l’Antiquité il n’y ait jamais eu d’Ur-Text, mais des textes toujours en évolution.
29
M. SEGAL écrit ainsi dans « Between Bible and Rewritten Bible », op. cit., p. 16 : « The text
was of secondary importance to the composition itself, and thus scribes allowed themselves the
freedom to “improve” these works. »
30
Comme dans le cas des Jubilés, dont 15 ou 16 copies ont été retrouvées à Qumrân, et qui
est peut-être cité dans 4Q228 1 i 9 (voir J. C. VANDERKAM, « Authoritative Literature », op. cit.,
p. 392).
31
Les principaux exemples sont les pesharim de Qumrân (y compris, sans doute, 4Q252 (4QCom-
mentary on Genesis A) ; voir M. BERNSTEIN, « 4Q252: From Rewritten Bible to Bible Commentary »,
JJS 45/1, 1994, p. 1-27) et les Quaestiones de Philon, ainsi que son commentaire allégorique.
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anachronisme. Au sens strict, on ne devrait parler que des livres qui par la suite
deviendront les livres contenus dans tel ou tel canon (en gardant à l’esprit qu’il
existe jusqu’à nos jours plusieurs canons). Mais la périphrase est lourde, et
l’habitude persiste donc de parler de livres bibliques, de citations bibliques, etc.
Pour éviter l’anachronisme, on a aussi proposé de parler de littérature
faisant autorité, ou d’Écritures32 dans un sens vague, susceptible d’inclure des
livres comme 1 Hénoch, Jubilés ou le Rouleau du Temple, dont on estime qu’ils
étaient considérés comme inspirés et comme jouissant d’une grande autorité, y
compris en matière de halakha, dans les milieux liés à Qumrân. Mais quels
sont les critères qui permettent de déterminer le degré d’autorité d’un texte ?
Il faut rappeler tout d’abord que la question de l’autorité ne saurait être
dissociée de la question des communautés qui ont produit, copié et utilisé les
textes. Un livre n’a d’autorité que par rapport à une communauté donnée. C’est
pourquoi lorsque Emmanuel Tov rapproche 4QPentateuque retravaillé de 3
Règnes et conclut que, sur un plan formel, les modifications par rapport au
texte massorétique sont comparables dans les deux cas, puis en déduit que
4QRP a dû jouir du même degré d’autorité que les textes de la LXX, il va à mon
avis un peu vite en besogne. Il note d’ailleurs lui-même que si le texte masso-
rétique, la LXX et le Pentateuque samaritain ont tous été adoptés comme texte
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32
« Scripture », ou encore, pour être plus précis, « Authoritative Scripture ».
33
Les remarques formulées par S. WHITE CRAWFORD dans « The Fluid Bible. The Blurry Line
Between Biblical and Nonbiblical Texts », Bible Review 15/3, 1999, p. 34-39, 50-51, me semblent
à cet égard très pertinentes. À propos du cantique de Myriam dans 4Q365, elle écrit notamment :
« First, this addition to Miriam’s song did not continue to be copied in the late Second Temple pe-
riod. […] Second, the unique passages in 4Q365 are not quoted elsewhere in Second Temple li-
terature, with one exception. Further, the vast body of rabbinic literature, for example, knows
nothing of it. Clearly, 4Q365 was not widely known, certainly not beyond its own life as a ma-
nuscript. For that reason, I am inclined to think that while 4Q365 may have had authority for a li-
mited audience around the time of its production, it was never generally accepted as authoritative »
(p. 51).
230
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34
Le phénomène des citations dans les textes de Qumrân a été analysé entre autres dans les
publications suivantes (outre l’article de J. C. VANDERKAM, « Authoritative Literature », cité n. 8 :
J. FITZMEYER, « The Use of Explicit Old Testament Quotations in Qumran Literature and the New
Testament », NTS 7, 1960-61, p. 297-333 ; G. VERMES, « Biblical Proof-Texts in Qumran Litera-
ture », JJS 34, 1989, p. 493-508 ; M. J. BERNSTEIN, « Introductory Formulas for Citation and Re-
Citation of Biblical Verses in the Qumran Pesharim: Observations on a Pesher Technique », DSD
1/1, 1994, p. 30-70 ; T. H. LIM, « Biblical Quotations in the Pesharim and the Text of the Bible.
Methodological Considerations », in E. D. HERBERT, E. TOV, éd., The Bible as Book. The Hebrew
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CONCLUSION
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36
« Authoritative Literature », op. cit., p. 391-395.
37
Il faudrait en outre prendre en compte de possibles différences d’attitude entre la Judée et
la diaspora où, à l’époque hellénistique et au début de l’époque romaine, l’influence de l’approche
critique du texte d’Homère a pu influencer le rapport au texte biblique dans certains milieux let-
trés juifs ; on pense ainsi au témoignage de la Lettre d’Aristée.
232